L`encartage, un triple défi pour le Journal de Saône-et
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L`encartage, un triple défi pour le Journal de Saône-et
Impression & Expédition Vincent Fournier novembre 2001 techniques de presse Une décision industrielle qui a des conséquences rédactionnelles et commerciales L’encartage, un triple défi pour le Journal de Saône-et-Loire Mise en place à l’origine pour combler un besoin industriel (l’impression de deux quotidiens sur le même site de production), la ligne d’encartage de Châtenoy-leRoyal a ouvert de nouvelles perspectives éditoriales et commerciales pour le Journal de Saône-et-Loire. Mais comment tirer le meilleur parti de ces nouvelles possibilités ? Tout a commencé en novembre 2000, quand la Socpresse, propriétaire des deux titres, a décidé d’imprimer Le Bien Public sur le site de production du Journal de Saône-et-Loire, à Châtenoy-le-Royal. La rotative du quotidien dijonnais (une Colorman de 1972 aux capacités couleurs limitées et à la laize grand format désuète) accusait en effet une certaine usure et la remplacer aurait impliqué un réinvestissement de près de 70 millions de francs. Le regroupement industriel a donc permis au groupe de faire une belle économie. En contrepartie, le Journal de Saôneet-Loire a dû faire face au défi suivant : comment assurer cette double production, tout en menant à bien son propre projet de rénovation éditoriale (plus de pages, plus de couleurs et une maquette modernisée) ? Les solutions techniques disponibles étaient les suivantes : > Ajouter une tour 8 encrages sur la rotative (un modèle Mediaman acquis en 1991, tirant à 60 000 exemplaires/heure). Inconvénients de cette première option : elle induisait un investissement de près de 25 millions de francs, des coûts d’exploitation élevés et des travaux conséquents pour faire de la place à ce nouveau matériel. > Mettre en place une ligne d’encartage en ligne (voir encadré technique) et scinder le Journal de Saône-et-Loire en deux cahiers distincts : un cahier local (6 éditions différentes correspondant à autant de « bassins de vie ») imprimé l’après-midi, puis stocké sur des disques enrouleurs avant d’être déroulé et encarté dans un cahier général imprimé le soir. La solution de l’encartage présentait l’avantage immédiat d’être moins coûteuse : 15 millions de francs, achat des machines et travaux d’aménagement compris. Elle permettait de répondre au challenge industriel initial (augmenter la pagination et les capacités couleur sans rotative supplémentaire) et ouvrait en outre des perspectives éditoriales et commerciales inédites. Concernant les performances industrielles du nouveau dispositif, Eric Thiery, directeur technique du journal, ne cache pas sa satisfaction. « Outre la possibilité d’encarter les cahiers des six éditions locales de la nouvelle formule, le matériel que nous avons acquis permet de placer jusqu’à quatre suppléments dans le cahier principal pour un total de 80 pages au maximum. » Les objectifs en termes d’augmentation de la pagination et de démultiplication des pages couleur ont également été atteints. « Avant, nous imprimions un titre, soit 650 000 exemplaires sur 30 heures de tirage par semaine, en employant deux équipes (nuit et matin). Notre pagination ne dépassait pas 40 pages, dont 16 pages couleur (12 bichro, 4 quadri). Aujourd’hui, nous imprimons deux titres, soit 1 200 000 exemplaires sur 72 heures de tirage par semaine, en employant trois équipes (aprèsmidi, nuit et matin). Notre pagination peut atteindre 64 pages (2x32), dont 32 pages couleurs (8 pages quadri et 8 bichro par cahier). » Bien sûr, la mise en place du nouveau matériel ne s’est pas faite du jour au lendemain et les problèmes rencontrés ont été nombreux. Avec les nouvelles contraintes de temps (quatre heures pour deux titres en ce qui concerne l’impression du soir), il a fallu apprendre à gérer les changements d’encarts sans arrêt des rotatives. « Les exemplaires des cahiers généraux non encartés, produits pendant le changement d’encarts, sont récupérés et assemblés manuellement avec les surplus de cahiers locaux mis de côté à cet effet dans la matinée », explique Eric Thiery. « Cela a contribué à réduire notre taux de gâche de 20 à 10 % et nous comptons bien descendre sous la barre des 8 %. » Les coûts d’exploitation ont également été légèrement supérieurs à ce qui était prévu. Outre la modification de l’organisation du prépresse, le journal a dû se doter d’une équipe rotatives supplémentaire (soit 8 postes) pour le cahier local imprimé l’après-midi. Un poste a été créé pour l’enroulement et le déroulement des disques, deux autres afin de contrôler le bon fonctionnement du tambour, deux techniques de presse novembre 2001 Vincent Fournier Eric Thiery, directeur technique du Journal de Saône-et-Loire, énumère les avantages du tambour ETR-H double poche de Ferag. autres enfin pour assurer la maintenance et l’entretien. En raison de la complexité du nouveau matériel, les convoyeurs de disques ont été formés par Ferag, envoyés en stage d’une semaine sur les sites du groupe suisse Edipresse, un des pionniers européens en matière d’encartage. Deux d’entre eux ont même reçu une formation de maintenance de premier niveau. Enfin, et ce n’est sans doute pas la moindre des conséquences de la modernisation technologique du journal, la logique de production a été bouleversée. « La rotative n’est plus le centre de notre univers », affirme Eric Thiery. « Désormais, c’est autour de la salle d’expédition que tout s’articule. Cela implique un véritable changement des mentalités. » Une rédaction qui doit s’adapter Pour Bernard Mugnier, rédacteur en chef du Journal de Saône-et-Loire, la reconstruction modulaire du journal impliquée par l’encartage a été un atout pour la maquette. « La séparation des deux cahiers offre une meilleure lisibilité, elle met en valeur les spécificités de chaque micro-région, elle fait la part belle à la couleur. » En revanche, cette modernisation a provoqué des difficultés en termes d’organisation du travail. « Nous avons désormais deux horaires de bouclage », souligne Bernard Mugnier. « De midi à 18 heures pour le cahier local, de 20 h à minuit pour le cahier national. Mais très souvent, pour gagner en Impression & Expédition En plus d’encarter les cahiers des 6 éditions locales, l’ETR-H permet de placer jusqu’à 4 suppléments dans le cahier principal pour un total de 80 pages maximum. confort de travail, les journalistes bouclent leurs pages locales la veille, soit à J-2 par rapport à la parution en kiosque, ce qui a des conséquences fâcheuses sur la fraîcheur de l’information. » Le rédacteur en chef remet aussi en question la pagination uniforme des cahiers locaux. « La Bresse ou le pays charolais ne représentent pas le même volume d’actualité que la région de Châlon. Nous nous sommes également aperçus qu’il était plus difficile de rendre compte de l’identité de ces zones moins peuplées, au-delà d’une simple accumulation d’actualités locales. » Les premières réactions des lecteurs ont été assez équitablement réparties entre enthousiasme et frilosité. Mais les ventes ont baissé de 2 % depuis le lancement de la nouvelle formule, en septembre 2000. Bernard Mugnier reste cependant convaincu par les qualités de la nouvelle formule, pariant sur la fidélisation progressive des lecteurs à des rubriques régulières et sur l’adaptabilité des journalistes. Une approche commerciale prudente Si l’encartage commercial représente une source de revenus importante aux Etats-Unis, au Japon ou en Allemagne (représentant respectivement près de 50, 27 et 20 % des revenus publicitaires totaux des journaux), la France – à l’exception notable des Dernières Nouvelles d’Alsace – reste singulièrement en retard dans ce domaine. Le Journal de Saône-et-Loire tâte le terrain avec prudence. Des tests commencent tout juste à être menés avec des clients pilotes et Christian Roux, directeur commercial du journal, adopte un profil modeste pour évoquer ses ambitions et ses moyens : « Nous découvrirons les choses en même temps que nous les faisons ». Première ambition du journal : tenter de « rogner les ailes » du marketing direct, > Le JS&L Le journal de Saône-et-Loire est né en 1991 du rapprochement du Courrier de Saône-etLoire et de l’édition de Saône-etLoire du Progrès. Il représente : – 83 000 exemplaires tirés chaque jour 7 jours/7 ; – 73 600 exemplaires vendus en semaine, 74 115 exemplaires le dimanche ; – 200 000 lecteurs par jour ; – six suppléments en semaine, plus Samedi et Cie, TV magazine et Version Femme ; – 220 millions de francs de chiffre d’affaires ; – 55 % de ventes au numéro, 29,5 % de portage à domicile, 15,5 % d’abonnement postal ; – 208 salariés dont 56 journalistes. Impression & Expédition Vincent Fournier Un robot sur rail achemine les disques vers les stations d’enroulement et de déroulement. Chaque disque stocke près de 4000 cahiers locaux imprimés le matin. particulièrement fort en province. « En 2000, le marketing direct représentait 31 % des dépenses de communication des annonceurs, contre 2,6 % pour la presse quotidienne régionale », rappelle Christian Roux avant de donner un exemple plus concret. « Un de nos plus gros clients locaux – un supermarché dijonnais – nous accorde 500 000 francs par an sur un budget publicitaire total de 12 millions, le reste étant consacré à la promotion en magasin ou au marketing direct. » Dans ce contexte concurrentiel, quels sont donc les atouts des encarts ? « Tout novembre 2001 techniques de presse Les cahiers locaux sont déroulés et convoyés vers le tambour ETR-H qui peut encarter jusqu’à 60 000 journaux à l’heure. d’abord, ils sont en couleurs », explique Christian Roux. « Ensuite, toutes les études indiquent qu’ils sont mieux tolérés par le public que le marketing direct et bénéficient grâce au journal dans lequel ils sont insérés d’une image plus crédible. Enfin, nous pouvons cibler les annonces en fonction de nos éditions locales, qui correspondent à des zones sociologiques très différentes. » Une sectorisation minimale, très éloignée du « fine zoning » à l’américaine, mais qui devrait profiter du bon taux de pénétration du journal : 65 % en Saône-et-Loire > Le choix d’un tambour double poche La ligne d’encartage choisie par le Journal de Saône-et-Loire comprend quatre éléments : – Un tambour Ferag ETR-H double poche (qui peut traiter jusqu’à 70 000 exemplaires de l’heure), préféré à deux ETR-M, pour des raisons de prix et de gain de place. – Une station d’enroulement – Une station de déroulement – Un robot sur rail pour manipuler les disques (chaque disque peut stocker près de 4000 journaux). Les travaux d’installation du nouveau matériel ont commencé en septembre 1998. Il a fallu dégager beaucoup d’espace (près de 300 m2) pour stocker les disques. La production a commencé timidement en juin 1999 (utilisation de l’encarteuse une fois par semaine sur un titre) puis a progressivement monté en puissance jusqu’en novembre 2000 (production quotidienne des deux titres en deux cahiers). Le montant de l’investissement (matériel et travaux) a atteint 15 millions de francs. comme en Côte d’Or. En contrepartie, les problèmes techniques à résoudre ne sont pas à sous-estimer. « Il faudra établir un véritable cahier des charges pour l’annonceur et son imprimeur, les convaincre notamment de prendre soin à la palettisation et au pli des produits », souligne Christian Roux. « Cela impliquera le recrutement d’une personne responsable du suivi technique des encarts commerciaux pour assurer l’interface. » Le directeur commercial prévoit aussi la création de 2 à 4 postes supplémentaires pour réceptionner et positionner les encarts commerciaux, ainsi qu’un élargissement et une formation spécifique de sa force de vente. Encore novice en la matière, Christian Roux admet qu’il est un peu abstrait de fixer des objectifs palpables. Il table cependant sur un chiffre d’affaires hors taxes de 500 000 F par département pour 2002 et le double pour l’année suivante. Les tarifs qu’il prévoit sont de l’ordre de 45 centimes par exemplaire pour un encart de 50 à 75 grammes, soit près de deux fois plus que ce que demande La Poste pour distribuer une publicité dans les boîtes aux lettres en milieu urbain. « Ce surcoût correspond à la plus-value du journal en termes de crédibilité », note Christian Roux. « Mais il faudra le justifier en veillant notamment à ce que chaque exemplaire du journal contienne bien son encart. Les annonceurs vont être très attentifs sur ce point. Le succès de ce nouveau service dépendra avant tout de notre fiabilité. » < Anzeige 1/1 .....