L`enfant, cet acteur un peu particulier L`enfant entretient avec le
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L`enfant, cet acteur un peu particulier L`enfant entretient avec le
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège L'enfant, cet acteur un peu particulier L'enfant entretient avec le cinéma un compagnonnage qui remonte aux premiers films muets. Et il n'a jamais, depuis, quitté le grand écran, devenant régulièrement un héros à part entière. Dans L'enfant acteur, Nicolas Livecchi en observe les diverses représentations cinématographiques en s'appuyant sur un grand nombre d'exemples. L'enfant est-il un acteur comme les autres ? De toute évidence, non. Voyageant dans le temps et dans l'espace, du Kid de Chaplin aux films d'Ozu, Spielberg, Comencini, Truffaut ou Doillon, en passant des dizaines d'autres, Nicolas Livecchi dresse un passionnant état des lieux, poussant jusqu'à l'adolescence. Il constate un engouement constant du cinéma mondial pour ces acteurs vierges de toute technique dont la légitimité est parfois contestée. Et il se pose la question de la part de spontanéité et de travail dans leur jeu et, plus globalement, s'interroge sur la manière de les diriger. Avec en corollaire, la responsabilité éthique du réalisateur et les limites à ne pas franchir. Dick Tomasovic , enseignant en arts du spectacle à l'ULg dont l'un des cours porte sur le jeu de l'acteur au cinéma et au théâtre, apporte son éclairage. Vu le nombre de films qui montrent des enfants, en famille, à l'école, en groupe, avec des amis ou des animaux, est-il pertinent d'en faire une catégorie à part ? © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 11/02/2017 -1- Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Le cinéma de fiction est traversé par des genres multiples : le polar, la comédie, le drame, etc. qui sont constitués par un ensemble d'éléments redondants (des codes référentiels, narratifs, cinématographiques...). Mais un thème ou un motif très présent dans l'histoire du cinéma ne suffit pas pour établir un genre, un type ou un sous-type de films. Depuis les premiers films Lumière (par exemple L'arroseur arrosé), l'enfant au cinéma a pris tellement de formes différentes en fonction des cinéastes et des époques qu'il ne me semble pas pouvoir constituer une catégorie à part entière. D'autant plus que le personnage de l'enfant peut être utilisé de manières diverses : un premier ou un second rôle, faire partie du décor ou être le regard du film, comme dans E.T. Il peut aussi donner l'impression de n'être qu'un prétexte commercial comme dans certains films français récents (Les Choristes, La Guerre des boutons, Monsieur Batignolles, etc.) L'enfant est abondamment utilisé car il est un vecteur d'émotions mais aussi de rires. Si, dans les films pour enfants, on retrouve assez naturellement un enfant comme héros, dans le cinéma en général, on l'utilise, semble-t-il, selon trois thématiques : l'idée de l'innocence et de sa fin, l'onirisme, l'imaginaire et la force de cet imaginaire et, enfin, l'insoumission, l'injustice ou la révolution. L'enfant est alors un regard extérieur porté sur un monde qui l'offusque. On peut citer, dans des registres très différents, Le Kid de Chaplin, Gosses de Tokyo d'Ozu, Allemagne, année zéro de Rossellini ou L'Exorciste de Friedkin. Le Kid de Charlie Chaplin - E.T. de Steven Spielberg - Gosses de Tokyo d'Ozu L'enfant est aussi lié à des enjeux cinématographiques. Porteur d'une grande charge émotive, il entraîne très vite chez le spectateur une forme d'empathie. Par la cinégénie de son visage : tous les films avec des enfants s'attardent toujours sur leurs visages un peu mystérieux, montrés comme une altérité. Et mettre en danger un enfant, c'est d'emblée gagner l'adhésion d'une très large partie du public. Il faut distinguer l'enfant de l'adolescent… Ce sont pour moi deux choses différentes. Quand je parle d'enfants, cela va jusqu'à 12-14 ans. C'est ce que Freud appelle la période de latence, de mise hors-jeu des pulsions sexuelles. Les films avec des adolescents relèvent d'un autre registre, d'une autre poétique et posent d'autres questions : celles de la socialisation, de la sexualité, de l'initiation, du clivage des générations, de la confrontation à l'ordre sociétal, etc. Aux ÉtatsUnis, on parle d'ailleurs de teen movies. L'enfant est-il un acteur comme un autre ? © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 11/02/2017 -2- Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Les réalisateurs ont l'habitude de dire qu'il n'y a rien de pire que les tournages avec des enfants et des animaux parce qu'ils sont incontrôlables. Un enfant sur un plateau, ce n'est pas la même chose qu'un adulte. Il y a d'abord des conditions de travail différentes à respecter: présence d'un tuteur, horaires, périodes de travail plus courtes, etc. L'enfant est plus vite fatigué et ne peut pas fonctionner sur la répétition comme l'adulte. En termes de direction d'acteurs, il existe le mythe de la spontanéité, de l'authenticité, la croyance que l'enfant serait toujours dans le vrai, qu'avec lui, on va saisir une sorte de vérité. Or il est aussi dans la construction, il apprend très vite à cabotiner. Un enfant qui fait rire va poursuivre dans la même voix pour continuer à faire rire. Il n'en reste pas moins que ce sont des acteurs amateurs, ils n'ont pas ou très peu de technique. Ils doivent donc être dirigés avec d'autres références, d'autres modalités, un autre vocabulaire peut-être. La question d'une certaine forme de légitimité de l'enfant acteur se pose aussi, par exemple lors de festivals ou, récemment, pour les Oscars où concourait une actrice de 9 ans dans la catégorie meilleure actrice. Au delà de l'enfant lui-même, c'est le côté amateur qui, dévalorisant la profession, pose question. L'idée qu'il ne faudrait pas avoir spécialement une technique ou travailler des années pour être bon. Cela renvoie à une très vieille question, celle de la nature et de l'apprentissage, du talent et de la formation. On voit bien que, pour être acteur, il faut avoir un minimum de talent que la technique peut aider à développer. Mais cela reste un champ artistique difficile à mesurer en termes de professionnalisation. Le néo-réalisme italien, par exemple, a beaucoup eu recours à des comédiens amateurs. Entretien par Michel Paquot Août 2013 Michel Paquot est journaliste indépendant. Dick Tomasovic enseigne au Département des Arts et Sciences de la communication - Théories et pratiques du spectacle (vivant ou enregistré). Nicolas Livecchi, L'enfant acteur, Les Impressions Nouvelles, 363 pages, 23,50 € © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 11/02/2017 -3-