Cyberespace et Droit International : pour un nouveau Jus

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Cyberespace et Droit International : pour un nouveau Jus
Cyberespace et Droit International :
pour un nouveau Jus Communicationis
Jean-Jacques Lavenue
Professeur à l'université de Lille II
I - L'Etat et le cyberespace : le fantasme du Golem.
A – Un instrument de la guerre froide mis à la disposition du public
a) La naissance d'Internet aux Etats-Unis
b) Une technique qui ignore les frontières
α – La mise en forme d'une idée simple
β - Le protocole Internet
B – La privatisation d'Internet : porte ouverte à tous les dangers ?
a) L'approche étatique des dangers potentiels : l'exemple américain
α – Le contexte américain
β – Pirates et hors la loi
b) La prise en compte de la dimension transnatinale d'Internet
α – Internet vecteur de liberté et de démocratie
β – Internet vecteur de manipulation et de la guerre cybernétique
II – La réglementation des activités dans le Cyberespace
A – L'inadéquation des solutions nationales
a) L'insuffisance de la réponse nationale
α – L'émetteur du message est sur le territoire
β – L'émetteur est hors du territoire
b) Le droit menace à la liberté dans la cyberespace ?
α – Du refus de la censure à la remise en cause du droit
β – Le CDA, la constitution et le rôle de l'Etat
B – La nécessité d'une réglementation internationale
a) L'inadaptation des approches territoriales
α – Souveraineté territoriale sur un espace virtuel et activité
« spatiellement incoercible »
β – La souveraineté « informationnelle » existe-t'elle?
b) Le modèle possible d'une réglementation
α – Le cyberespace : apanage ou patrimoine commun de l'humanité
β – Un régime des activités : expression d'une solidarité internationale
Au point de rencontre du progrès technologique et du droit, le développement prodigieusement
rapide du système Internet à révélé l'impréparation des systèmes juridiques nationaux à faire face
aux dysfonctionnements et dérives que pouvait générer son utilisation. Or si le constat de la
nécessité d'une réglementation des activités dans le cyberespace est manifeste, celle-ci se trouve,
confrontée à deux notions en quelque sorte antinomiques qui vont en rendre la réalisation difficile:
la notion d'espace virtuel, d'une part, celle de souveraineté d'autre part.
Si l'on définit en effet le droit interne comme le droit que l'Etat exerce sur son territoire, les
caractères d'espace virtuel et d'instantanéité qu'implique le concept de cyberespace vont empêcher
celui-ci de se protéger des émissions lancées ou connectées en dehors de son territoire. Il ne pourra
pas non plus édicter unilatéralement des réglementations susceptibles de s'appliquer directement à
des serveurs et des fournisseurs d'accès installés à l'étranger, ou à des "forums" par définition
apatrides.
L'actualité récente, les débordements à caractère pornographique ou médiatiques mis sur le devant
de la scène, ont permis de mesurer le manque d'efficacité des moyens juridiques des Etats dans ce
domaine. Face à leurs réactions ponctuelles, relevant du droit interne et de la censure, se sont
élevées de nombreuses protestations évoquant les principes de liberté de pensée et d'expression. Si
elles révèlent la prise de conscience d'un aspect important des enjeux en cause, elles ne donnent pas
pour autant la véritable dimension des problèmes posés. Ceux-ci dépassent le cadre des Etats et
demandent des solutions qui doivent être élaborées à des niveaux de solidarités supérieurs au cadre
étatique. Le Droit international pourrait alors proposer des règles qui organisent le régime des
activités dans le cyberespace.
Une telle réglementation qui viendrait prendre sa place dans l'évolution, que l'on peut déjà constater
, du droit international dans sa prise en compte des technologies nouvelles, permettrait alors, près de
500 ans après Francisco Vitoria, de définir pour le cyberespace un nouveau Jus Communicationis.
I - L'Etat et le cyberespace : le fantasme du Golem.
De Paracelse à Rabbi Loeb la légende de la créature échappant à son créateur, et devenant
maléfique, a régulièrement été évoquée pour exprimer les conséquences parfois imprévisibles des
entreprises humaines. Il faut alors détruire le Golem faute de n'avoir pu le contrôler. Il n'est guère
d'invention nouvelle de quelqu'importance qui n'ait réveillé le mythe. Il en fut ainsi pour le
téléphone, il en est ainsi pour Internet.
Sans en arriver aux excès de certaines extrapolations médiatiques, qui peuvent laisser croire que
l'actualité est une fois encore en train de vérifier le mythe, il faut reconnaître que le développement
considérable et incontrôlé du système Internet, peut justifier une interrogation. Conçu comme un
instrument de la guerre froide, cédé à des entreprises privées dans le cadre d'un plan global de
"privatisation du cyberespace", il se caractérise en effet à l'heure actuelle par une absence complète
de règlementation spécifique . Au moment même où les services de sécurité de nombreux Etats le
présentent comme le système de communication de tous les terrorismes, et le vecteurs de possibles
"Hiroshimas électroniques", on peut comprendre que soit posée la question du régime applicable à
son utilisation.
A – Un instrument de la guerre froide mis à la disposition du public
Né de la collaboration de la recherche universitaire et du département de la défense américain,
Internet est un concept dont les caractéristiques techniques, vont expliquer les immenses
perspectives scientifiques, militaires, commerciales. Elles permettront aussi d'appréhender les
véritables dangers qu'impliquerait, aussi bien, une absence de maîtrise qu'un contrôle non partagé.
a) La naissance d'Internet aux Etats-Unis
Le concept d'Internet est apparu en 1969 de la rencontre d'un projet universitaire et de
l'Agence pour les Projets de Recherche Avancée du Pentagone (ARPA) qui le finança.
L'idée de départ était simple: permettre aux chercheurs dispersés dans les universités américaines de
mettre en commun le fruit de leur réflexions et de leurs travaux en supprimant les barrières
imposées par la géographie. L'objectif de l'Agence gouvernementale était ,de son côté, de bâtir une
infrastructure de communication informatique destinée aux militaires américains, répartis sur le
globe, qui soit capable de résister à une déflagration nucléaire .
Ainsi que le déclara Vinton Cerf ,l'un des pères du système :"Les applications militaires de
ce projet m'apparaissaient assez clairement: lorsque vous avez des forces terrestres mobiles, des
navires en patrouille et des installations fixes, tout cela doit être interconnecté par un système, un
réseau de communication" . De la rencontre des deux naquit le projet Arpanet, du nom de son
commanditaire.
Le 21 novembre 1969, salle 3420 de l'université UCLA de Los Angeles, fut établie la
connexion entre Standford, Santa Barbara et l'université d'Utah. Le "nœud" situé à UCLA
permettait de diriger vers son destinataire, où qu'il se trouve sur le réseau, le message envoyé par un
ordinateur distant.
Si le principe était ainsi vérifié, ce n'est toutefois qu'en 1973 que s'élabora véritablement le concept
d'Internet. Lorsque se posa le problème de la connexion du système Arpanet avec les réseaux qui
avaient pu apparaître dans le monde, et qui obéissaient à des normes différentes . Un langage
commun était à définir qui pourrait permettre aux différents réseaux de communiquer entre eux.
Robert Kahn de l'ARPA et Vinton Cerf, devenu professeur à Stanford, conçurent un ensemble de
protocoles de transmissions et de routage portant le nom de Transmission Control Protocol/Internet
Protocol (TCP/IP). Internet était né. L'ensemble fut achevé et mis en place en 1981.
Ainsi que le rapporte Vinton Cerf: "C'est bien plus tard, vers 1986, que l'on mesura l'étendue des
extrapolations commerciales. Jusque là, Internet présentait surtout un intérêt pour les institutions
d'éducation et de recherche. Et ce n'est pas avant 1990 que le monde des affaires découvrit tous les
avantages qu'il pouvait en attendre" .
On pourra se faire une idée de l'enjeu que représente cet "Eldorado cybernétique" en rappelant que,
sur fond de privatisation et de déréglementation, le marché annuel qu'il s'agirait de se redistribuer
représente 450 milliards de dollars . Le cabinet d'études IDC prévoit de son côté que le commerce
électronique, encore balbutiant, enregistrera une croissance exponentielle et représentera plus de
1000 milliards de dollars de revenus en 2010 .
D'aucuns parlèrent alors d'invention la plus importante depuis l'imprimerie, d'autres d'une
révolution de l'information susceptible d'être au XXIème siècle ce qu'a été la révolution industrielle
au XIXème. Nombreux furent ceux qui commencèrent à s'interroger sur les moyens de contrôler cet
instrument nouveau.
b) Une technique qui ignore les frontières
Le succès d'Internet s'explique par la rencontre d'une idée et d'une technique. La mise en
œuvre de cette technique mesurera l'inadéquation des approches normatives classiques du droit liées
aux notions traditionnelles de territoire, de souveraineté, d'autorité étatique, pour cette raison cent
fois constatée que bien souvent le fait précède le droit.
α – La mise en forme d'une idée simple
Philippe Quéau, dans un article du "Monde Diplomatique" , explique :" Internet est avant
tout la mise en forme d'une idée, simple et géniale, capable de résister à n'importe quelle évolution
technologique précisément par ce qu'elle les transcende. C'est l'idée de fédérer, grâce à une norme
commune, tous les ordinateurs et tous les réseaux de télécommunications, et donc de permettre la
communication de n'importe quel ordinateur de la planète avec n'importe quel autre ordinateur par
tout moyen de télécommunication; dont naturellement le réseau téléphonique mondial".
Cette idée expliquera l'intérêt que l'industrie et le commerce manifesteront pour Internet lorsqu'ils
en auront saisi toutes les implications.
Mesurant ce phénomène, Laurent Zecchini écrira en 1995 :"de plus en plus ce sont les intérêts
mercantiles qui prennent le pas. Plus de 80 000 entreprises sont actuellement connectées sur
Internet, avec environ 1,4 millions d'ordinateurs "hôtes" ".
β - Le protocole Internet
Lié directement à l'aspect militaire de ses origines sur la sécurisation des transmissions
informatiques contre le risque d'attaque nucléaire, le protocole mis en place par Vinton Cerf
organise un système de communications dans lequel les ordinateurs vont s'envoyer des messages
découpés en "paquets d'informations" indépendants capables de transiter par n'importe quelle voie
disponible.
Ainsi que l'explique Dominique Nora :" Chaque message est en réalité coupé en petits paquets de
moins de 2000 caractères qui peuvent emprunter des voies différentes (réseaux câblés,
téléphoniques ou informatiques, ondes satellitaires) avant de venir se reconstituer sur le disque dur
du destinataire final. Si, pour une raison ou pour une autre, le chemin le plus direct est interrompu,
ces lots de données sont automatiquement ré aiguillés sur des itinéraires alternatifs. Si bien que
l'Internet se trouve parfois la seule voie de communication fiable vers une région coupée du monde
: par exemple Moscou, pendant le coup d'Etat d'Août 1991, ou Los Angeles, après le tremblement
de terre de février 1994" .
C'est cette caractéristique particulière du système mis au point par Vinton Cerf qui expliquera la
difficulté de contrôler la circulation des informations dans le cyberespace. Elle permettra également
de comprendre l'enjeu que pourra représenter le cryptage de ces informations qui, selon les cas de
figures, pourra avoir des conséquences positives ou négatives en protégeant le citoyen comme le
terroriste. Ainsi que le déclare Nicholas Négroponte du Massachussetts Institute of technology :"La
censure généralisée de l'Internet sera quasiment impossible en raison de la structure décentralisée du
réseau. La seule solution des gouvernements serait d'interdire le téléphone...".
B – La privatisation d'Internet : porte ouverte à tous les dangers ?
La privatisation progressive d'Internet à partir de 1995 au moment où il connaissait une
expansion exponentielle à suscité autant d'appétits que d'interrogations. La plupart concernaient son
contrôle, sous toutes ses formes, et les implications de celui-ci dans tous les domaines. Les arrières
pensées politiques, financières, commerciales, les a priori des un où des autres, donnèrent
rapidement lieu à un débat dans lequel la passion ne fut pas étrangère à la confusion. Il avait lieu
aux Etats-Unis et chiffrait ses enjeux en milliards de dollars.
Mais s'il est naturel que cette interrogation ait d'abord été formulée aux Etats-Unis, elle s'est
ensuite étendue au reste du monde. Elle fût alors également exprimée par rapports aux Etats-Unis
eux-mêmes. Car s'il est fondamental de s'interroger sur la privatisation et le contrôle d'Internet aux
Etats-Unis on ne peut éviter de se poser aussi la question de savoir si le gouvernement américain
pouvait disposer du cyberespace en le remettant à des entreprises dominantes, américaines
notamment ? En dehors des avancées considérablement positives dues à Internet, sa part d'ombre ne
peut être considérée en effet uniquement sous l'angle d'un débat américano-américain entre anciens
de l'UCLA ou du MIT, Microsoft, Oracle, Netscape, le FBI et la CIA.
Pour autant, dès lors, que l'on essaie de faire la synthèse des problèmes posés et des risques
envisagés, l'interrogation devra tenir compte de deux approches possibles. Celle des Etats-Unis
d'abord, par ce qu'inventeur du système et modèle des problèmes internes posés à une société
donnée. Celle, ensuite, de la prise en compte de la dimension transnationale du cyberespace: des
relations entre Etats-émetteurs et Etats-récèpteurs des communications-internets. Car si le danger
potentiel d'Internet peut s'analyser dans un premier temps comme quelque chose que l'on subit sur
un territoire, la difficulté d'y pallier résidera souvent dans le fait qu'il aura son origine au delà de ce
territoire. Ces deux dimensions se retrouveront aussi bien dans les débats portant sur les dangers du
cybersex que sur ceux relatifs aux inquiétudes suscitées par la cyberguerre.
a) L'approche étatique des dangers potentiels : l'exemple américain
Pour autant que l'on envisage uniquement l'aspect pathologique du phénomène observé, on
peut constater que l'explosion d'Internet aux USA au cours des deux dernières années a
brusquement confronté ses utilisateurs et les pouvoirs publics à de nouvelles formes de
délinquances, fussent-elles marginales, auxquelles ils n'étaient pas préparés. Les différents aspects
de leurs manifestations s'expliquent peut être aussi par le contexte américain lui même. Il ne sera
pas indifférent à cet égard que certains, par exemple, aient parlé d'"Electronic Frontier" pour
enraciner leur aventure dans la tradition américaine .
α – Le contexte américain
Dans un article consacré à la liberté sur les réseaux informatique, Yves Eudes, expliquant
qu'à mesure que les réseaux informatiques américains sont investis par le grand public la bataille
pour leur contrôle s'intensifie, distingue trois catégories de prétendants.
"Tout d'abord, les entreprises de télécommunications, qui cherchent à se tailler des empires
dansle "cyberespace" considéré comme le marché le plus prometteur des prochaines décennies. En
deuxième lieu, plusieurs agences fédérales, notamment le FBI qui se sont assigné une nouvelle
mission: mettre un terme à l'anarchie sur les réseaux, en particulier sur Internet, y instaurer "la loi et
l'ordre", surveiller ce qu'y s'y passe et réprimer les abus de toute nature, qui vont de la pornographie
à l'exportation illégale d'information scientifique...Il faut compter avec une troisième force:
l'ensemble des associations et des groupes informels issus des réseaux eux-mêmes. Pour la plupart
ces "communautés virtuelles" mènent une croisade pour préserver la liberté, la créativité, le
bénévolat et le désordre qui caractérise Internet" .
Ces trois catégories seront susceptibles d'évoquer l'absence de règles juridiques dans le cyberespace,
soit pour en réclamer l'instauration, soit pour en tirer profit, au nom de la liberté d'expression par
exemple. D'aucuns verront alors dans ce phénomène, somme toute transitoire et porteur de
créativité, un avatar du mythe de la "nouvelle frontière" ouvrant aux américains de nouveaux
espaces de liberté, quitte à s'accommoder de quelques épiphénomènes marginaux.
Ainsi que l'écrivirent, par exemple, Mitchell Kapor et John Perry Barlow:" Dans les conditions
présentes, le cyberespace est une région frontière, peuplée par quelques technologues endurcis
capables de supporter les interfaces primitives des ordinateurs, les protocoles de communications
incompatibles, les barricades des propriétaires, les ambiguïtés culturelles ou légales, et l'absence
totale de guides ou de commodités. Sans aucun doute, les vieux concepts de propriété, d'expression,
d'identité, de mouvement et de contexte ne s'appliquent pas dans un monde où ils ne peuvent pas
exister. La souveraineté sur ce monde n'est pas non plus correctement définie. De grandes
institutions réclament déjà des fiefs, mais la plupart des actuels indigènes de ce territoire sont
solitaires et indépendants, parfois à un degré pathologique. C'est donc un terrain parfait pour que se
développent à la fois les hors la loi et les milices " .
β – Pirates et hors la loi
La notion de délinquance dans le cyberespace recouvre des faits d'une grande diversité et
l'approche de ce que l'on peut appeler la "délinquance virtuelle" peut se faire selon des points de vue
extrêmement variables. Nous retiendrons en ce qui nous concerne ceux que nous offrent l'histoire et
la sociologie.
Il est alors possible de constater qu'après une ère marquée par des entreprises plus ou moins
libertaires, représentées par des personnages tels qu'Eric Hughes , s'est ouverte une ère de
délinquance ordinaire dont les objectifs ne sont plus tant de réaliser un exploit technologique que
d'en tirer le plus grand profit possible. Elle concernera principalement les pénétrations de fichiers
bancaires, médicaux, d'assurance, les manipulations possibles portant sur les cartes de crédits , les
casinos virtuels etc...
Reste à souligner que la perception de ces deux formes de délinquance, qui coexistent
encore, ne sera pas la même, et que la première pourra faire l'objet d'une tentative de récupération.
Il est bien connu que les meilleurs gardiens sont les anciens voleurs!
On pourra trouver une illustration de ce phénomène, et mesurer la différence de perception
de ces deux types de délinquance, dans la participation de célèbres "hackers", comme Chris Goggan
ou Jeff Moss à la conférence de la firme Open Sources Solution (OSS) qui a réuni en novembre
1995 des responsables de l'armée, de l'espionnage et chefs d'entreprises américains , sur le thème de
la "guerre de l'information". Ainsi que le déclara alors Robert Steele, le patron d'OSS:" Oui, nous
avons invité des pirates. ils portent la barbe, pas d'uniformes et ne se lèvent jamais avant midi. Mais
ce sont des guerriers non conventionnels, l'Amérique a besoin d'eux. Certains mériteraient des
fessées, mais ils ont le mérite de dire que le roi est nu. Ils sont aujourd'hui une de nos richesses
nationales!" .
De leur côté les usages et règles morales propres aux collectivités réceptrices des messages
émis sur Internet seront susceptibles d'amener aussi à considérer comme déviantes ou délinquantes
des entreprises qui ailleurs ne le seront pas. L'affaire "Compuserve" en Allemagne , les opérations
menées par le FBI aux Etats-Unis contre le "Cybersex" , sont là pour nous en donner une
illustration. Le négationnisme n'est pas interdit "on line" en Californie mais Deutsche Telekom
décide de bloquer l'accès de son serveur au motif qu'on y trouve de la propagande nazie, dont la
publication et la distribution sont interdites en Allemagne .
Dans ces différents cas Internet pourra alors aussi apparaître comme un lieu de délinquance virtuelle
dans la mesure où il n'y aura délinquance que si, pour l'Etat récepteur, l'acte est ainsi qualifié . Il
apparaîtra aussi comme un vecteur de délinquance . Sur ce deuxième plan la capacité de nuisance
des délinquants virtuels sera d'autant plus grande qu'ils pourront agir de n'importe quel endroit du
globe ou de l'espace .
b) La prise en compte de la dimension transnatinale d'Internet
L'absence de frontières dans le cyberespace est à la base du paradoxe fondamental d'Internet.
Elle va expliquer la double lecture qui pourra être faite de la mise en œuvre de cette technologie de
communication. Elle correspondra aussi aux deux aspects du débat politique et juridique sur la
nécessité de son contrôle. Si certains ont prétendu y voir un vecteur de liberté et de développement
de la démocratie, d'autres y verront l'instrument possible de toutes les manipulations et le spectre
d'une guerre électronique mise à la disposition de tous les Etats. Des exemples permettront de
mesurer la difficulté et les enjeux du contrôle dans ces domaines.
α – Internet vecteur de liberté et de démocratie
Si, au premier abord, une approche optimiste des utilisations de l'Internet peut conduire à
mettre en évidence les effets positifs de celui-ci sur le développement et la sauvegarde des libertés,
un simple recul permettra de se rendre compte qu'il pourra en être d'Internet comme de la langue
d'Esope.
En matière de liberté et de démocratie Internet pourra apparaître comme instrument
d'exercice du pouvoir démocratique, comme moyen d'information des citoyens. Il constituera aussi
un moyen particulièrement efficace de contre-pouvoir.
L'accès des citoyens, par Internet interposé, à des institutions de plus en plus nombreuses
témoigne de ce phénomène. Le Sénat , l'Assemblée Nationale Française , comme le Parlement
Européen , la Commission européenne ou le Président des Etats-Unis disposent d'une adresse sur
Internet à laquelle il est possible d'envoyer du courrier électronique, de consulter de s'informer. En
France le service AdmiNet fournissait des informations générales sur les institutions et les services
publics français. Aux Etats-Unis, au Canada, en Espagne Internet est utilisé comme un moyen de
diffuser les textes publics sans coût pour les concitoyens. Les partis politiques, les syndicats se
branchent sur l'Internet.
L'Afrique du Sud, dans le cadre des consultations devant mener à l'élaboration de sa
nouvelle constitution, s'est servie d'Internet comme relais pour recueillir les observations à
destination de l'Assemblée constituante . La Commission de l'Union Européenne a organisée via le
Web, une consultation publique sur son projet de réseau trans-européen des télécommunications .
Il serait possible de multiplier à l'infini les exemples montrant le rôle extrêmement positif de
l'Internet dans la gestion quotidienne des relations entre le citoyen et l'Etat démocratique.
Il pourra également avoir, dans un contexte d'affrontement, un rôle certain de contre-pouvoir.
Historiquement l'une des premières utilisations de l'Internet comme instrument de contrepouvoir est la diffusion en 1992 par une association d'étudiants chinois basée aux Etats-Unis
(IFCSS) de noms et d'adresses de prisonniers politiques internés dans des camps de travail. Le but
était alors de demander aux utilisateurs du réseau de répercuter l'information et surtout d'envoyer
des cartes de vœux aux prisonniers. Plus récemment , le 4 juin 1995, la commémoration de la
répression de la place Tienanmen et simultanément l'ouverture de la Chine au réseau Internet ont
donné l'occasion à des dissidents chinois d'expédier des messages et d'afficher des symboles de
résistances que n'ont pu contrôler les autorités chinoises.
En Angola, les maquisards de l'UNITA, par le truchement de contacts français, ont ouvert sur le
Web depuis janvier 1996 un relais de son agence de presse KUP (Kwanda Unita press) .
Au Mexique, après qu'Internet ait permis au début de 1994, d'alerter l'opinion publique
internationale sur les exactions de l'armée contre la guérilla zapatiste du Chiapas, le charismatique
sous-commandant Marcos diffuse ses messages sur le Web .
En Equateur, les indiens Huaoranis décrivent sur Internet leur lutte contre les compagnies
pétrolières .
En Irlande du Nord, la branche politique de l'Armée républicaine irlandaise (IRA) traite à l'heure
actuelle sur le réseau, aussi bien de la trêve en Ulster que de la politique américaine à l'égard des
membres du Sinn Fein .
Les luttes des Tibétains, des démocrates birmans, des indépendantistes d'Alaska, des islamistes, des
blacks panthers, des palestiniens trouvent une place de plus en plus grande dans le cyberespace qui
leur assure, en même temps que l'ubiquité, l'invulnérabilité de l'espace virtuel.
On atteint peut-être là la limite de ce que nous pouvions à l'origine considérer comme la capacité
"du meilleur et du pire" que nous trouvions dans l'Internet. Christian Huitema nous fournit de
nombreux exemples du "pire" en ce domaine .
Ainsi que l'observe à ce propos avec beaucoup de justesse Emmanuel Peyrac :" A travers l'Internet,
des groupes politiques différents ont vu la possibilité de court-circuiter les réseaux d'information
traditionnels et de créer, en apparence, les conditions d'une communication non médiatisées, donc
non contrôlée.
" A première vue, on peut penser que ces(...) exemples sont la démonstration éclatante que le réseau
Internet joue avec efficacité son rôle de contre-pouvoir, naturel et autogéré, à toute tyrannie...
" L'illusion de l'immédiateté conduit à oublier que les acteurs du réseau Internet, derrière leur
anonymat, produise un discours qui est le produit d'une histoire ou d'une stratégie qu'il faut bien
décrypter avant de s'en émerveiller " .
L'auteur, en évoquant Lacan, pose alors la question :"qui parle?". On comprend se faisant
qu'Internet peut aussi être l'instrument des dictatures, du terrorisme et de toutes les manipulations.
β – Internet vecteur de manipulation et de la guerre cybernétique
Si le danger potentiel de l'Internet peut être appréhendé à partir de la question "qui est celui
qui parle" sur le réseau, il devra l'être également à partir de la question :"d'où parle" celui qui
intervient sur le réseau. On réalisera alors que les caractéristiques de l'espace virtuel pourront en
faire non seulement le vecteur des entreprises les moins démocratiques, du terrorisme, voire de ce
que l'on appellera la guerre cybernétique. Une série d'exemples permettra d'en prendre conscience.
Un instrument exceptionnel de propagande
Où finit l'information? Où commence la propagande? Où s'achève la défense de la
démocratie? Où commence l'entreprise liberticide?
Jon Casimir, du "Sydney Morning Herald" , explique:" personne ne doute des extraordinaires
possibilités d'Internet comme outil de propagande. Pour quelques centaines de dollars, on peut créer
un site sur le Web et envoyer son message chez 30 à 40 millions d'utilisateurs d'Internet, si on
compte ceux qui tombent par hasard sur la page et d'autres qui la cherchent. Pour le coût d'un
modem et d'un ordinateur, on peut se connecter à Usenet et laisser des messages et des courriers,
pour toute personne passant par là".
De fait, Internet fournit des possibilités de communication et une infrastructure logistique à
des groupes qui, jusque là, opéraient dans l'anonymat. Ainsi que l'expose Emmanuel Peyrac :" Rien
d'étonnant à ce qu'avant même que les gouvernements ne s'avisent de la nécessité de communiquer
sur l'Internet, une myriade de groupes politiques, d'associations, d'activistes de toutes sortes aient
entrepris de s'établir sur le réseau et d'y tisser leur propre toile de correspondants et de serveurs.
Leur atout: le lien direct avec le spectateur/visiteur" .
Milton J.Kleim, dans un essai en ligne intitulé "On Tactics and Strategy for Usenet", écrit
ainsi :" Usenet offre de gigantesques possibilités pour permettre à la résistance aryenne de diffuser
notre message aux inconscients et aux ignorants...C'est le seul média de masse dont nous disposons
qui [jusqu'à présent] est relativement épargné par la censure...C'est maintenant que nous devons
nous emparer de cette arme qu'est Internet afin de la manier avec habileté et sagesse" .
Il sera ainsi possible de trouver sur Internet de nombreux sites extrémistes:
- L'organisation américaine "Nation of Islam", dirigée par Louis Farakan expose ses théories
extrémistes sur le Web .
- Les "Black Panthers", y affirme que la violence reste le seul moyen d'expression .
- "Stormfront" , "Surfacists" , diffusent une propagande fascisante ou neonazie.
- Les " Cybermuslims" se proposent de regrouper les intérêts de nombreux groupes extrémistes
dans un "Digital Djihad" dont l'organisation fournit un bon exemple de ce qui peut susciter
l'inquiétude des Etats.
Une trentaine d'associations d'étudiants musulmans basées aux Etats-Unis sont actuellement
sur Internet. Elles sont regroupées dans le "Muslim Student Network" (MSM) qui travaille avec
plusieurs organisations de musulmans américains. Leur partenaire le plus actif est le Muslim Public
Affairs Council, qui possède son propre site MPACNet. Le MSN est relié à des associations
similaires en Grande Bretagne et en Allemagne.
Ainsi que l'observe Yves Eudes , les cybermuslims, "qu'ils vivent en Amérique où en
Europe (...),sont d'abord des militants passionnés de la cause arabe. Leur combat, qu'ils ont baptisés
Digital Djihad, est à la fois politique et religieux: ils entendent le mener "dans la soumission à la
certitude du pouvoir d'Allah".
Si, dans ce contexte, les sites les plus nombreux sont consacrés à la lutte du peuple
palestinien, aux discriminations dont sont victimes les communautés musulmanes dans les pays
occidentaux, d'autres, comme le Groupe Islamique Américain (AIG), un réseau algérien, y diffuse
un périodique, "Islam Report", dans lequel il explique pourquoi il égorge des femmes, incendie des
établissements publics et assassine des journalistes . Loin de correspondre à une sorte
d'épiphénomène l'entreprise est considérable dans un milieu universitaire où il semble bien que
l'islamisme recrute en masse. Durant l'été 1994, un membre de la communauté algérienne de New
York pensait ainsi pouvoir affirmer que "à l'Institut Polytechnique de Brooklyn, sur une vingtaine
de professeurs maghrébins, quinze sont sympathisants du Front islamique du Salut" .
"Djihad News" détaille à son tour les dernières actions menées par les islamistes en Algérie.
L'organisation "Al Quods", "domiciliée dans l'Ohio, diffuse les communiqués du mouvement
palestinien Hamas .
Reste le cas des serveurs hébergeant des sites multiples susceptibles ,comme aux Etats-Unis
par exemple au titre du 1 er amendement, d'accueillir le pire mais aussi le meilleur...Où finit dans ce
contexte ce que l'on peut considérer comme le libre jeux de l'expression démocratique? Où
commence la tentative de subversion? Comment définir ce qui sera justifié par la protection de
l'ordre public et ce qui relèvera de la paranoïa? Comment éviter le risque d'amalgame?... Le
problème prend toute son acuité lorsque l'on sait que le message peut partir de n'importe quel point
du cyberespace et que la notion d'instantanéïté empêche de s'opposer à sa diffusion.
Ainsi que l'expose Jean Guisnel :" Internet est le moyen de communication privilégié, entre tous ces
militants, auquel le grand réseau mondial permet de discuter d'un bout à l'autre des Etats-Unis, et
d'un continent à l'autre, fort commodément et sans être inquiétés, dès lors qu'ils ne mettent pas en
cause la sécurité de leur pays d'accueil ". On comprend que les services secrets de nombreux pays
envisagent comme un cauchemar la possibilité de voir un jour ces communications cryptées!
Cyberguerre et « Pearl Harbor électroniques ».
S'il y a quelques années l'idée d'une guerre informatique appartenait à la science fiction,
comme l'imaginait, en 1984, William Gibson dans "Neuromancer" , elle est considérée comme
relevant désormais du possible. Tant dans le cadre d'actions terroristes que dans celui d'opérations
relevant d'un conflit de grande envergure. D'aucuns y verront même la cause d'un rééquilibre
possible entre grands et petits Etats dans les rapports de forces internationaux , le plus petit Etat
doté de moyens informatiques de base pouvant provoquer des "Pearl Harbor électroniques" sans
même avoir à mettre les pieds sur le territoire de l'adversaire .
La suprématie ne passant plus par la conquête territoriale mais par le contrôle de
l'"infosphère" , c'est au moyen de virus, de bombes logiques détruisant les ordinateurs de
l'adversaire - et désorganisant, les communications, le trafic aérien, routier, ferroviaire, les circuits
bancaire - que ce déroulera ce que l'on appelle aujourd'hui la cyberguerre .
On pourra se faire une idée du risque actuellement encouru en ce domaine en rappelant que
des "attaques autorisées" des systèmes militaires de l'US Air Force ont montré récemment qu'il
était possible d'entrer, depuis la terre ferme, dans les systèmes de combat de navires de l'US Navy
en mer; que ces attaques contrôlées se sont traduites par des pénétrations à distance des ordinateurs
dans 88% des cas; que les opérateurs des sites attaqués s'en sont rendu compte dans 3,5% des cas;
et, ce qui est plus grave, que ceux-ci en ont fait un rapport aux services de sécurité dans 0,2% des
cas!
Selon Geoffrey Bahr, un gourou de la technologie de Silicon Valley, une guerre des réseaux
pourrait ainsi bloquer l'économie d'un pays aussi efficacement que l'onde électromagnétique qui suit
une explosion nucléaire - et pour les mêmes raisons: les machines qui fonctionnent grâce au
déplacement des électrons se détraqueraient.
Ainsi que le rapporte "The Economist" , les chercheurs de la Rand Corporation ayant
participé à six exercices de cyberguerre, entre janvier et juin 1995, dans le cadre du ministère
américain de la défense, ont permis de réaliser que la défense américaine (du tir des missiles à la
mobilisation des troupes en cas d'urgence) dépend des réseaux civils; que près de 95% des
communications du Pentagone empruntent les mêmes lignes que celles utilisées par le public pour
bavarder; que les bases militaires américaines sont alimentées par le même réseau électrique qui sert
aux familles pour préparer la cuisine. Or le ministère de la Défense n'a aucun droit à l'égard du
secteur privé qui détient et exploite les réseaux qui seraient la première cible dans le cas d'une cyber
guerre.
Par ailleurs, le Computer Emergency Response Team de l'université Carnegie-Mellon,
indique, qu'en 1994, 2460 agressions majeurs contre les ordinateurs américains ont été répertoriées
sur le territoire américain. Que depuis 1991 les intrusions effectives sont en augmentation de 498%
et les tentatives de 702% . On comprend que, persuadé que ces attaques viennent pour une bonne
part de l'étranger, M.Scott Charney, du département de la justice américaine, réclame une "nouvelle
législation internationale, qui tienne compte du fait que les pirates informatiques ne sont gênés ni
par les frontières, ni par les obstacles physiques" .
II – La réglementation des activités dans le Cyberespace
Ce qui caractérise le cyberespace, et devra être le dénominateur commun de toute entreprise
de réglementation en ce domaine, est l'absence de prise en compte possible de celui-ci en terme de
souveraineté territoriale. Qu'il s'agisse de fonder une réglementation sur celle-ci ou qu'il s'agisse de
réclamer son respect.
Ainsi que nous le constations à travers la citation précédente le cyberespace apparaît comme
un domaine d'activités pures, virtuel, instantané, dans lequel les frontières n'existent pas. A ce titre
si, dans certains cas, les réglementations actuelles des Etats peuvent parfois permettre de faire
obstacles aux activités considérées comme illégales dans le cyberespace, dans la plupart des cas le
simple déplacement de l'émetteur suffira à mettre "hors de portée" celui que l'on considèrera
comme le contrevenant. Contrairement en effet à ce qui a été très souvent écrit, le problème qui se
posera alors ne sera pas celui du "non droit" mais, bien souvent, de l'impossibilité de faire cesser
l'infraction. Cette situation rendra nécessaire la prise en compte au niveau international, par le droit,
des caractéristiques des activités dans le cyberespace.
A – L'inadéquation des solutions nationales
Dans les quelques affaires qui ont eu pour toile de fond des utilisations du cyberespace, deux
choses sont très rapidement apparues. La première était que l'arsenal juridique utilisé relevait du
droit interne, et de ce que l'on a pu considérer dans certains cas comme de la censure. Auquel cas,
dès que l'élément d'extranéité échappait à l'"Etat-victime", l'action de celui-ci était voué à
l'inefficacité. La seconde est que l'utilisation de ce qui pouvait être perçu comme une censure donna
immédiatement lieu à un débat idéologique sur la liberté et la menace que pourrait faire peser le
droit dans le cyberespace.
a) L'insuffisance de la réponse nationale
Si l'on essaie, en l'espèce, de donner une approche schématique du problème qui se pose à
l'Etat, on peut dire qu'il s'agit de faire face à la réception sur son territoire d'un message jugé par lui
indésirable. Compte tenu des caractéristiques spécifiques du cyberespace, quelles que soient les
solutions adoptées aucune ne sera totalement efficace.
Deux cas de figure vont se présenter. Soit le message sera émis à partir du propre territoire
de l'Etat concerné, soit il proviendra, à travers le cyberespace, d'un point extérieur à celui-ci. Dans
ce deuxième cas la protection de l'Etat récepteur sera dans la pratique beaucoup plus difficile.
α – L'émetteur du message est sur le territoire
Si la technique offre aux particuliers des moyens individuels de "défense " contre ce qui
serait considéré comme une agression médiatique , l'arsenal juridique pourra se trouver confronté
aux contournements qu'elle pourra aussi mettre en place. L'affaire Gubler, comme l'affaire
"GigaStorage", pourra nous en fournir un exemple.
Le cyberespace contre la justice
Au lendemain du décès du Président de la République Française, François Mitterand, son
ancien médecin personnel, Claude Gubler, faisait paraître un ouvrage: "Le Grand Secret". Le 18
janvier 1996 une ordonnance du tribunal de grande instance de Paris, saisi en référé à la demande de
la famille du président, interdisait aux éditions Plon de poursuivre la diffusion de ce livre. Les
arguments retenus par le juge étaient : la violation du secret professionnel et l'atteinte à l'intimité de
la vie privée.
Le 23 janvier 1996 un cybercafé de Besançon, baptisé le Web , diffusait sur Internet
l'ouvrage du docteur Gubler en invoquant le refus de la censure, caractéristique de l'"esprit
d'Internet" . S'il est excessif, comme on le fit alors, de parler de "vide juridique" ou de "zone de
non-droit", il n'en est pas moins vrai que face à cette technologie nouvelle l'arsenal juridique révéla
ses insuffisances.
Sans doute était-il clair en l'espèce que la "responsabilité délictuelle" du patron du cybercafé
de Besançon était engagée à l'égard de la famille de François Mitterrand pour atteinte à la vie
privée, comme celle de toute personne qui diffuserait le livre.
Il était vrai aussi que le responsable de Web pouvait être attaqué pour "violation des droits
d'auteur". Il n'était pas titulaire des droits de diffusion on-line du livre.
Le site pouvait aussi se voir poursuivi par les éditions Plon ou le docteur Gubler pour contrefaçon.
Pour autant, ces différents moyens ne permettaient pas de prendre en compte un fait
incontournable qui relève, au delà de l'"affaire du cybercafé de Besançon, de ce que pour l'instant
on peut considérer comme une impossibilité technique. Une fois téléchargée par une, dix, cent ou
mille personnes, la version informatique du livre ne peut plus être saisie. En effet, chaque ordinateur
peut devenir serveur et donner à d'autres "netsurfeurs" la possibilité de télécharger à leur tour le
texte. Ce phénomène amena Jean-Claude Zilberstein, l'avocat de Plon , à parler de "dilution du
droit", dans la mesure où, selon lui, il n'est pas possible " d'assigner 45 millions de personnes"!
L'affaire du "cybercafé de Besançon" connut une issue que l'on peut considérer comme curieuse.
Son matériel informatique fut saisi à la demande d'un fournisseur impayé et son responsable, Pascal
Barbraud, fut mis sous les verrous pour non-paiement de pension alimentaire .
L'inefficacité de fait des mesures de justice
Si l'on considère que l'ordonnance du tribunal de grande instance du 18 janvier 1996 avait
pour objet d'interdire la diffusion d'un texte, on ne peut que constater son échec. Le texte du "Grand
secret" est en effet, aujourd'hui directement accessible sur un certain nombre de sites sans que la
justice française ait en aucune façon arrêté sa diffusion.
On pourra citer par exemple:
http://www.cs.cmu.edu/afs/cs/user/declan/www/le-secret;
http://www.com/conf/lierty/le-secret;
http://web.mit.edu/afs/athena/contrib/bitbucket2/le-grand-secret/secret;
http://robotweb.ri.cmu.edu/afs/cs/user/declan/www/le-secret/complete;
http://mousa.dcs.gla.ac.uk/~stephane/secret;
L'affaire "GigaStorage" sera la deuxième affaire de ce type en France. Christian Proust,
président du Conseil Général du Territoire de Belfort, étant poursuivi pour escroquerie dans l'
affaire "Gigastorage" et contestant les conditions de son incarcération, une société (Presscom)
installée à Santa Barbara aux Etats-Unis "décide" de publier sur son serveur le dossier d'instruction
de l'affaire , violant en cela la législation française sur le secret de l'instruction .
Le Parquet de Paris ouvrit une information judiciaire contre X pour "violation du secret
professionnel, violation du secret de l'instruction", recel de ces secrets, ainsi que pour "publication
d'actes de procédures avant lecture en audience publique " .
Qu'est-ce que cela prouve? Que s'il existe en France une législation susceptible d'être
appliquée, il reste difficile, en l'etat actuel des choses d'appréhender le contrevenant. Et ceci d'autant
plus que le serveur d'origine se situera hors du territoire national, d'une part, hors du territoire
européen d'autre part.
β – L'émetteur est hors du territoire
Si la législation nationale peut permettre de prendre en compte l'action d'un serveur situé à
l'étranger, sa mise en application effective dépendra des accords qu'elle aura pu passer avec l'Etat où
se trouvera le serveur. Mais là encore, la spécificité technique d'Internet pourra faire qu'en réalité
cette action pourra être mise en échec.
Si l'on admet usuellement que le droit applicable est le droit du pays d'habitation du
consommateur ou de réception du service, on peut considérer que l'utilisateur d'Internet sera
relativement bien protégé. L'infraction se situe au lieu où l'œuvre illicite est diffusée, où l'œuvre est,
peut être aussi, diffusée de manière illicite! Un service destiné aux ressortissants de l'Union
européenne, par exemple, devrait ainsi, en principe, obéir à la fois à la loi de tous les Etats
membres.
Le nouveau code pénal français, d'autre part, donne une compétence à la loi pénale française
si étendue que les tribunaux seront toujours compétents pour juger d'une infraction dont "un point
quelconque de passage" passe par le territoire français. Cela signifie que pratiquement toutes les
infractions commises contre ou à l'aide d'Internet sont de la compétence du juge français.
Le droit d'auteur, d'autre part, est l'un des droits les plus internationalement reconnus ou
protégés. Les conventions internationales comme la convention de Berne, le volet spécifique des
accords OMC, les directives européennes sur la contrefaçon offrent des moyens d'actions à
l'encontre du contrevenant possible.
La question, là encore, n'est par conséquent pas celle d'une absence de droit national. Sous
réserve d'harmonisations, d'adaptations, les éléments essentiels du droit national sont susceptibles
d'être à juste titre invoqués.
Le problème est qu'il ne suffit pas d'invoquer. Il faut pouvoir appréhender, saisir, contraindre
si nécessaire, et le droit national se heurte là à la réalité technique d'Internet qui va faire, pour
reprendre l'expression de Pierre-Yves Gautier , qu'il sera "difficile de mettre la main au collet des
"brigands numériques". Et ceci d'autant plus que sur Internet celui qui sera "brigand" ici ne le sera
pas ailleurs, et que la suppression d'une prestation, à la demande d'un Etat "agressé", pourra avoir
pour effet de priver de service un autre Etat qui lui n'aura rien demandé du tout ! Les récentes
affaires qui ont mis en présence la société Compuserve et l'Allemagne en donnent une illustration
tout à fait éclairante.
Le 28 décembre 1995, la société américaine Compuserve, l'une des trois plus importantes sociétés
de service en ligne, annonçait qu'elle" suspendait temporairement l'accès à plus de 200 forums
d'Internet en réponse à un mandat officiel émanant dea autorités allemandes " . L'Allemagne, à
travers l'action entreprise par le Procureur Manfred Wick de Munich, décidé à faire appliquer la
législation allemande, était alors le premier Etat à prendre un acte de censure sur le réseau Internet .
Pris en défaut de solution technique lui permettant de ne priver d'accès que les 200 000
abonnés germaniques de son serveur, Compuserve censura alors 4 millions de souscripteurs répartis
dans près de 140 pays. Un mois plus tard le réseau Compuserve décida de lever, à l'exception de
cinq forums contenant de manière avérée des documents pédophiles, le blocage de l'accès à ces 200
forums . Cet exemple, mettant sur la sellette une société prête, au moins dans un premier temps, à
collaborer avec les pouvoirs publics montre la difficulté de mettre en œuvre une censure totalement
efficace sur Internet. Ainsi que le soulignait Compuserve, le fournisseur d'accès n'est qu'un point
d'entrée sur le réseau. Il est interchangeable, multiple et reproductible .
On peut dès lors imaginer, en rappelant l'importance de la notion d'instantanéité dans le
cyberespace, les possibilités qu'auraient des "délinquants décidés" à contourner les différents
moyens de censure. Pour reprendre l'exemple évoqué précédemment de la diffusion de l'ouvrage du
docteur Gubler, lorsque le matériel du cyber café de Besançon a été saisi, les internautes ont pu
consulter l'ouvrage ailleurs, sur un site en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis. Le contrôle à la
source repose sur des accords juridiques entre les pays. Or, à l'heure actuelle certaines régions du
globe, comme les pays d'Amérique du Sud ou d'Europe de l'Est, font figure de "paradis
numériques". On peut y faire héberger tout type de données, sans qu'aucune législation particulière
ne s'applique.
La véritable question qui devra être posée sera dès lors celle de savoir comment assurer la
liberté sur Internet tout en empêchant qu'Internet puisse porter atteinte aux libertés de ses
consommateurs : au nombre desquelles se trouvent, aussi, les libertés religieuses, comme celle de
refuser l'agression de propagandes néo-nazies .
Dans la mesure où par nature Internet "couvre" aussi des espaces qui relèvent de conceptions
culturelles, morales, sociales, économiques, sociologiques différentes il est évident que les solutions
nationales ne sauraient y suffire. La solution devra être nécessairement trouvée au niveau
international et prendre en compte la possibilité, avec toutes les précautions que cela suppose, de
définition de codes de conduite applicables aux serveurs.
b) Le droit menace à la liberté dans la cyberespace ?
Ce n'est pas l'un des moindres paradoxes de la découverte du cyberespace que de constater
qu'alors que d'aucuns y voient une zone de non-droit, d'autres s'épanchent sur les dangers de la
censure et la menace de "goulags juridiques". Là encore, par la force des choses les Etats-Unis
jouent un rôle de premier plan qui s'est cristallisé autour du débat sur l'adoption du Communication
Decency Act (CDA) de 1996.
α – Du refus de la censure à la remise en cause du droit
Le refus de la censure
Le refus de toute forme de censure sur Internet a été affirmé dès l'origine dans le
cyberespace. Il trouva même une expression institutionnalisée dans "The Electronic Frountier
Foundation" (EEF) créée par MM.Kapor et Barlow, en 1990, dont l'un des premiers soucis est de
veiller au respect du premier amendement de la Constitution américaine. C'est à dire défendre la
liberté d'expression sur les réseaux , quel que soit l'usage qui en est fait, et se battre contre toute
censure quelles qu'en soient les motivations.
Ainsi qu'en témoigne Yves Eudes :"Les responsables d'EEF martèlent leurs convictions: la
liberté de parole ne souffre aucune exception. Les mesures prises pour faire taire les fanatiques de
tout bords ou les pervers sexuels finissent toujours par se retourner contre la démocratie. Mieux
vaut tolérer leurs excès, c'est le prix de la liberté de tous. De toute façon, avec l'émergence des
réseaux informatiques, il sera de plus en plus difficile de faire taire un être humain ayant accès à un
ordinateur.
" Cela vaut pour la terre entière : si les pays étrangers n'aiment pas ce qui circule sur
Internet, personne ne les oblige à se connecter. S'ils le font, personne ne pourra empêcher que les
citoyens de ces pays lisent et voient des choses que leurs gouvernements voudraient interdire".
Sur la base de ces principes EEF défendra tous ceux qu'elle estimera injustement poursuivis pour
des actes commis sur Internet, fussent-ils a priori peu recommandables. On pourra évoquer par
exemple l'affaire Jake Baker, étudiant du Michigan, arrêté en janvier 1995 pour avoir affiché sur
Internet des textes où il décrivait ses fantasmes sexuels, des scènes imaginaires dans lesquelles il
violait, torturait puis assassinait une étudiante de sa connaissance nommément désignée . EEF fit
alors connaître sa position en précisant :" Nous n'approuvons en aucune manière les discours de
haine. Cependant, nous croyons qu'à un discours néfaste il faut répondre par un meilleur discours et
non pas imposer une censure. Quand on sacrifie un droit pour en protéger un autre, on les perd tous
les deux " .
Dans ce genre d'action EEF se trouvera souvent sur le même front que l'ACLU, la très
ancienne Union pour les libertés civiques.
Une remise en cause du droit non dépourvue d'arrière pensées ?
On peut observer aussi que la liberté de l'information à laquelle s'attachent les défenseurs
d'Internet conduit certains d'entre eux à revendiquer le droit pour les citoyens d'accéder aux
innombrables banques de données du gouvernement, notamment celles qui contiennent des
renseignements sur les particuliers. Aux Etats-Unis, Electronic Frontier Foundation a ainsi engagé
un combat contre la plupart des Agence fédérales. Son but étant de faire amender la loi sur la liberté
de l'information pour étendre son application aux fichiers électroniques de l'Etat.
D'autres prétendront remettre en cause la propriété intellectuelle des œuvres qui circulent sur
les réseaux. Les membres les plus radicaux d'EEF prônent, par exemple, l'abolition pure et simple
du copyright .
Ces revendications, que l'on rattache volontiers aux mythes libertaires des premiers âges
d'Internet, ne seraient pas pour autant aussi dépourvues d'arrières pensées mercantiles qu'il y parait
à première vue. M. Astrad Torres, dans un article particulièrement iconoclaste du "Monde
Diplomatique" , en étudiant le cas d'EFF souligne ainsi que cette association voit une grande partie
de ses travaux financée par des sociétés telles que AT&T, MCI, Bell Atlantic, IBM, Sun
Microsystems, Apple ou Microsoft. Observant que "l'explication courante souligne une
convergence d'intérêts: tout obstacle à la liberté de communiquer freinerait également le
développement des marchés de ces sociétés".
Le professeur de l'université de Rennes II va même plus loin quand, s'interrogeant sur la
demande faite par EFF au G7 d'adopter comme principe fondamental la protection de la libre
circulation des informations sur les réseaux électroniques, il remarque que celle-ci n'établit aucune
distinction entre les firmes et les individus. Il pose alors une question et donne une réponse qui ne
sont pas innocentes:
"Manque d'imagination, naïveté ou autocensure? Peu importe aux lobbies industriels. La
déclaration que trois d'entre eux - auxquels émarge EFF - ont adressée au même G7 ne s'encombre
pas de fausse pudeur:" Les lois sur la protection des données de certains pays interdisent ou
restreignent la transmission d'informations personnelles à travers les frontières. Néanmoins, pourvu
que les garde-fous nécessaires soient en place, les restrictions au nom de la vie privée ne doivent
pas permettre d'empêcher le droit aux affaires (legitimate business) de s'exercer par des moyens
électroniques à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières ".
M. Asdrad Torres y voit alors le champ libre pour une offensive idéologique parant les
entreprises des atouts d'une citoyenneté réservée jusqu'alors aux personnes: l'entreprise et les
citoyens s'unissant face à un Etat aux visées liberticides!
L'analyse particulièrement pénétrante de M. Asdrad Torres aura peut être alors le mérite de
permettre d'observer avec une plus grande acuité la réaction à la première législation spécialement
élaborée à l'égard d'Internet: le Communication Decency Act adopté aux Etats-Unis en 1996. Nous
pourront alors nous interroger sur la façon dont devra être perçu le rôle de l'Etat en ce domaine.
β – Le CDA (Communication Decency Act de 1996), la constitution et le
rôle de l'Etat
Le jour où a été signé aux Etats-Unis le Communication Decency Act a été présenté dans le
monde des cybernautes comme celui de l'assassinat de la liberté. A Davos, en pleine grand-messe
des grands patrons de la planète, John Perry Barlow, co-fondateur d'EFF publia alors une
"Déclaration d'indépendance du cybermonde" dans laquelle il affirmait avec romantisme :
"Je déclare que l'espace social global que nous construisons est naturellement indépendant
de toutes les tyrannies que vous cherchez à nous imposer. Vous n'avez pas le droit moral de nous
gouverner, pas plus que vous ne possédez des moyens de pression que nous pourrions réellement
craindre (...). En Chine, en Allemagne, en France, en Russie, à Singapour, en Italie et aux EtatsUnis, vous essayez de bloquer le virus de la liberté en érigeant des postes de garde aux frontières du
Cybermonde. Ils pourront peut-être contenir la contagions quelque temps, mais ils ne survivront pas
dans un monde qui sera bientôt entièrement baigné dans un flux d'octets!".
Quel était la nature de l'acte qui avait provoqué un tel émoi? Une annexe au
Telecommunication Act, prévoyant au nom de la protection des mineurs 1 250 000 f. d'amende et
deux années d'emprisonnement pour quiconque diffuserait sur le réseau mondial, courrier
électronique compris, des textes, sons ou images pornographiques ou jugés obscènes .
EEF et ACLU déposèrent ensemble une contestation (court challenge) devant le tribunal
fédéral de Philadelphie pour violation du premier amendement. Le tribunal, en attendant de statuer,
décida de suspendre provisoirement l'entrée en vigueur d'une partie de la loi. Le ministère de la
justice fit savoir qu'il ne chercherait pas à la faire appliquer tant que que les juges de Philadelphie
n'auraient pas tranché .
Sans nier l'existence de la possibilité d'un débat sur l'imprécision et le caractère relatif des
concepts d'"obscénité", d'expressions telles que "manifestement choquant" (patently offensive"),la
vigueur de la réaction n'empêcha pas que se forme chez certains observateurs une sorte de suspicion
à l'encontre de ce qui pouvait aussi se cacher derrière de grands principes.
Dans l'article que nous avons précédemment évoqué d'Asdrad Torres, l'auteur soulignait les
ambiguïtés, les possibilités de collusion impliquées par un discours anarcho-libéral parfaitement
récupérable par le monde des affaires.
A contrario on pourra peut-être aussi se demander si le discours sur l'Etat "liberticide" sur
Internet ne devra pas être remis dans une plus juste perspective: en se demandant, par exemple, s'il
ne peut pas être, par son rôle international, un garant possible de la liberté en ce domaine?
B – La nécessité d'une réglementation internationale
La spécificité du cyberespace est que l'on n'y connaît pas de frontières. En extrapolant de
manière très abusive, certains ont cru pouvoir en déduire que l'espace virtuel n'était, ou devait être,
une zone de non droit. Si le premier terme de l'analyse était exact, le second ne contenait aucun
caractère de réalité. Nous l'avons dans les pages précédentes en partie démontré.
Le fait que des zones non susceptibles d'appropriation territoriale puissent faire l'objet d'une
réglementation juridique a, d'autre part, été établi depuis de nombreuses années au plan
international. A cet égard les problèmes posés par Internet s'inscrivent même dans une évolution
tout à fait identifiable d'un droit international passant de l'établissement du statut de certains espaces
à la prise en compte, au niveau transnational, de l'organisation du régime de certaines activités.
Cette évolution a été constatée dans le secteur des activités maritimes: qu'il s'agisse
d'organiser les activités de pêche ou de prendre en compte les problèmes de pollution liés aux
activités de transport de produits pétroliers; elle peut être mise en évidence dans l'organisation du
régime des activités spatiales ou dans l'organisation du régime de l'Antarctique. Elle correspond à
un constat de l'inadaptation d'un droit qui jusque là était conçu selon des approches territoriales, et à
l'élaboration d'un droit nouveau, plus fonctionnel, à vocation transnationale. On comprendra que ce
phénomène trouve une justification encore plus grande lorsque l'espace concerné devient "virtuel"!
a) L'inadaptation des approches territoriales
Il en va aujourd'hui du cyberespace comme il en est allé de l'espace il y a quarante ans. Les
juristes pensent en termes de géographie et les gouvernants rêvent de se partager des mondes
nouveaux, alors qu'il est question en réalité d'activités qui doivent intéresser la communauté toute
entière. Reste que si la notion de souveraineté "territoriale" paraît désormais difficile à retenir on
peut s'interroger sur le caractère réaliste d'une autre conception de la souveraineté: la "souveraineté
informationnelle" par exemple.
α – Souveraineté territoriale sur un espace virtuel et activité
« spatiellement incoercible »
Rolando Quadri, dans le cours qu'il dispensa en 1959 à l'Académie de Droit International de
la Haye, sur le Droit International Cosmique, en arrivait à la conclusion que la notion de
souveraineté territoriale, élément essentiel de l'ordonnancement juridique international, ne pouvait
plus être retenue dans son acception "spatiale", mais devait être appréhendée en termes
"fonctionnels".
Observant que certaines activités, par nature, parce qu'incoercibles, ne sont pas susceptibles
de relever de l'activité gouvernementale de tous les Etats - à raison d'une classique "souveraineté
territoriales" de chacun - mais d'un seul Etat à raison de la nature même de l'activité en cause, il en
déduisait la nécessité d'une nouvelle approche du Droit International "à raison des activités" .
L'argument tiré par Rolando Quadri du caractère "spatialement incoercible " de l'activité, par
l'analogie qui pourrait en être faite au cyberespace, nous parait devoir être ici soulignée. Ainsi qu'il
l'écrit en effet :
" En ce qui concerne l'Etat de survol, il faut considérer au contraire que les activités
cosmiques ont un caractère "spatialement incoercible", c'est à dire que par leur nature ces activités
ne cadrent pas avec la fonction et le fondement de la souveraineté territoriale.
" Non seulement elles sont spatialement incoercibles dans le sens que la vitesse fantastique
avec laquelle les engins traversent l'éther empêche leur "localisation", mais aussi elles le sont par ce
que toute mesure tendant à empêcher les mouvements des engins cosmiques ne pourraient pas avoir
de caractère spatial territorial dans le sens de limiter son rayon d'action au seul secteur territorial
national et devrait envahir d'autres secteurs territoriaux ".
On pourra observer que ce raisonnement à bien des égards pourrait être appliqué, mutatis
mutandis, au cyberespace, aux notions d'espace virtuel, d'aterritorialité, d'ubiquité et d'instantanéité
qu'il suppose. Rien ne peut interdire en effet à un français de consulter un serveur allemand, à un
japonais de consulter un serveur danois.
A quarante ans d'intervalle, l'évolution des technologies, confirmant les analyses de Rolando
Quadri, montre que l'évolution du droit que nous sommes en train de constater correspond à un
phénomène d'adaptation aux besoins d'une société elle même en mutation et aux conséquences
matérielles que ces évolutions supposent. A la vitesse "réduisant les espaces", évoquée encore
récemment, succède l'instantanéité et les espaces virtuels. Une solution nouvelle doit alors être
donnée aux problèmes de la société internationale que le droit international pourra apporter en
élaborant des régimes d'activités remettant en cause la notion de souveraineté territoriale.
D'autres auteurs, partant d'un constat similaire, penseront qu'il importe de définir une notion
nouvelle de "souveraineté informationnelle". Ces deux approches ne sont pas exclusives l'une de
l'autre. La deuxième ayant le mérite de poser des questions auxquelles, indubitablement, le droit
international devra apporter des réponses.
β – La souveraineté « informationnelle » existe-t'elle?
Mme Leïla Bouachera, expert en droit des technologies de l'information, dans un article
récemment paru dans "Le Monde" , constate : " traditionnellement, le régime juridique de
l'information en droit international évoluait entre deux axes principaux : la liberté de circulation de
l'information et la souveraineté de l'Etat...Principe un et indivisible du droit positif, la souveraineté
étatique semble céder sous le poids des flux informationnels et des activités commerciales liées à
l'utilisation de la téléinformatique".
Allant plus loin toutefois que le constat des dangers immédiats que l'on évoque sur le non
respect des règles relatives à la souveraineté des Etats, la vie privée des individus, l'identité
culturelle des peuples, de la sécurité et de l'intégrité nationale, Madame Bouachera désigne un autre
danger que l'on pressentait dans nos observations précédentes.
Sa démonstration de l'utilisation d'un passage du concept de droit de l'information à un droit
de la communication devient alors à la fois éclairante et peut être inquiétante. Ainsi qu'elle le
souligne en effet :" Pendant très longtemps, et à dessein, une confusion a été largement entretenue
entre la protection de la vie privée et la protection des données, qui sont deux concepts proches mais
différents. L'exploitation de ce silence, et la culture de ce vide juridique ont d'ailleurs permis la
constitution du plus vaste marché industriel au monde, sur lequel les Etats-unis exercent d'ores et
déjà une pression quasi monopolistique...Les enjeux sont considérables et les incidences sousévaluées. Les flux de transmission de données encourage le processus de filialisation des sociétés
transnationales, participent au renforcement de leur puissance et contribuent à l'éclatement des
structures productives, suscitant ainsi une nouvelle division internationale du travail".
Rejoignant d'une certaine manière les observations faites par M. Asdrad Torres, Mme Leïla
Bouachera pose des questions :" Pourra-t-on parler de régime universel des flux transfrontières de
données? Cette interdépendance n'est-elle pas gérée au profit des plus nantis? Peut-on invoquer la
projection d'un droit économique américain ou bien celle d'un pseudo-droit inspiré par le désir de
domination de certaines sociétés transnationales soucieuses d'imposer leur modèle ? ". On se rend
compte alors que l'on est bien loin du débat de façade sur la pornographie et que les enjeux sont en
réalité d'autant plus considérables qu'il se révèlent à un moment où la technique met en échec la
notion de souveraineté territoriale.
L'auteur apporte alors sa contribution à une solution juridique possible en avançant la notion
de "souveraineté informationnelle". Constatant à son tour l'inanité de l'approche territoriale, il
définira la souveraineté comme une capacité à déterminer le régime des activités en cause. Ainsi
qu'il l'affirme en effet :" Entendue jadis en termes géographiques et territoriaux, elle consiste
aujourd'hui à assurer le contrôle du patrimoine informationnel. De sorte que la maîtrise de
l'information constitue désormais un nouvel attribut du pouvoir souverain...La souveraineté
informationnelle comprend le droit de restreindre ou soumettre à certaines conditions l'accès à
l'information et sa communication à des pays étrangers...Un Etat pourra prétendre à la souveraineté
dès l'instant où il sera en mesure de contrôler l'ensemble des activités informationnelles se déroulant
sur son territoire, ou en dehors de ses limites territoriales, du moment qu'il s'agit d'opérations sur
des données le concernant. C'est ce que l'on appellera le contrôle externe".
La difficulté que l'on pourra avoir à mettre en œuvre concrètement ce dernier point, pourrait
suffire à expliquer que l'auteur ait situé son concept de "souveraineté informationnelle" entre
"utopie et projet". Il n'en est pas moins vrai qu'il souligne, face au défi technologique, l'enjeu auquel
doivent faire face les Etats : celui d'une remise en cause ou d'une nouvelle approche de la
souveraineté et d'une définition juridique du cyberespace.
L'analyse de Mme Leïla Bouachera montre aussi d'une certaine manière que, si la
souveraineté territoriale ne peut plus être évoquée, le rôle de l'Etat ne devra pas pour autant être
négligé lors de la mise en place d'une approche internationale de l'organisation du régime des
activités dans le cyberespace. Ce sera en tant que sujet du droit international que l'Etat pourra
participer à l'organisation d'une activité permettant d'opérer un partage entre ce qui devra relever de
l'autorégulation d'un système comme Internet, et de l'établissement de règles nécessaires à une
société qui, pour être transnationale et s'exprimer dans un espace virtuel, n'en est pas moins réelle.
b) Le modèle possible d'une réglementation
Article 1 er :" L'utilisation du cyberespace doit se faire pour le bien et dans l'intérêt de tous
les pays, quel que soit le stade de leur développement économique ou scientifique. Elle est
l'apanage de l'humanité tout entière.
" Le cyberespace peut être utilisé librement par tous les Etats sans aucune discrimination,
dans des conditions d'égalité et conformément au droit international, en vue de favoriser la
coopération et la compréhension internationales".
Article 2 : " Seules les activités pacifiques sont autorisées dans le cyberespace ".
Article 3 : "Le cyberespace ne peut faire l'objet d'appropriation nationale par proclamation
de souveraineté, ni par voie d'utilisation, ni par aucun autre moyen".
Ces trois articles, qui pourraient être les premiers d'une future convention internationale sur
" les principes régissant les activités dans le cyberespace", apportent une réponse qui tient compte
des caractéristiques de celui-ci. Ils prennent également en considération l'interrogation, plusieurs
fois ressentie au cours de notre recherche, sur le risque de voir, dans un univers virtuel échappant à
la souveraineté territoriale des Etats, le monopole économique d'un seul se traduire en fait par ce
que l'on pourrait appeler un "impérium data". Ils expriment surtout l'idée que, par ce qu'il échappe à
la souveraineté territoriale de l'Etat, il doit être considéré comme le patrimoine commun ou
l'apanage de l'humanité tout entière, et que l'organisation des activités qui s'y exercent devra
traduire un niveau de solidarité qui dépasse le cadre des Etats.
A l'heure où, comme on l'a vu, les revendications libertaires contre toute forme de
réglementation dans le cyberespace rejoignent trop bien les projets d'entreprises favorables au
libéralisme le plus extrême, on peut considérer qu' il ne sera pas inutile que les Etats, à travers le
droit international, rappellent l'intérêt de l'humanité face aux intérêts mercantiles. Ils y sont
parvenus lorsqu'il fut envisagé de mettre en exploitation l'Antarctique ils devront le réaffirmer pour
le cyberespace.
Une telle réglementation qui organiserait le régime des activités dans le cyberespace,
s'inscrirait alors dans une évolution que l'on constate depuis plusieurs années dans l'élaboration du
droit international . Ramenant au premier rang des préoccupations la notion de "droit des gens" au
sens que lui donnait Georges Scelle, elle soulignerait que l'individu, l'humanité, comme l'Etat, doit
être aussi le destinataire du droit international.
α – Le cyberespace : apanage ou patrimoine commun de l'humanité
Les débats suscités par l'impossibilité d'une appréhension du cyberespace en termes de
souveraineté territoriale ne sont pas sans rappeler ceux qui s'élevèrent à propos de la radio
télégraphie ou de l'espace extra atmosphérique. Mais si l'on peut être tenté de penser, dans un
premier temps, selon une approche par analogie, que la reconnaissance au cyberespace du statut de
"Patrimoine commun de l'humanité" , peut apporter une solution, il faudra se rendre compte ensuite
que, dépassant l'analogie, ce concept exprime en fait une réalité unique, un dénominateur commun,
correspondant à la prise en compte d'une solidarité supérieure à la solidarité nationale. On
comprendra alors que s'il est difficile de parler de "patrimoine" à propos d'un espace virtuel, il sera
peut être plus exact de dire que "l'utilisation du cyberespace dans l'intérêt de tous" doit être
considérée comme l'apanage de l'humanité tout entière, et doit être protégée en tant que telle.
La fausse solution apportée par la notion de « Patrimoine commun de l'humanité ».
Alors que les interrogations formulées sur le statut juridique de l'espace ont conduit à la mise
en avant de la notion de "patrimoine commun de l'humanité", la nature même du cyberespace
conduira à l'écarter. Et ceci alors même que la réflexion menée à propos du cyberespace sera d'une
certaine manière parallèle.
Dans son cours fait à l'Académie de Droit international de la Haye en 1959, Rolando Quadri
expliquait que le seul terme raisonnable de comparaison avec les activités cosmiques était constitué
par la radiotélégraphie qui pour la première fois avait détruit le dogme de l'impénétrabilité
("Undurchdringlichkeit") de la souveraineté territoriale. Evoquant la vanité des théories ayant
essayé de faire l'application dans ce domaine du principe de la souveraineté aérienne , il faisait
valoir les raisons qui justifiaient une considération autonome de la matière. Les lignes qu'il écrivait
alors ne sont pas sans rappeler les interrogations que suscite, quarante ans plus tard, le cyberespace.
" Premièrement, il se posait une alternative sur le plan pratique qui ne pouvait pas laisser
indifférente l'opinion publique mondiale et, donc, aussi celle des gouvernements responsables: ou
bien renoncer aux bienfaits de cette nouvelle manière de communiquer à distance...; ou bien
reconnaître que les Etats peuvent franchir leurs frontières et propager leurs ondes un peu partout
dans le monde et au-delà aussi. Le choix ne pouvait pas être douteux, car s'attacher à la première
possibilité essentiellement théorique ne serait pas réaliste. A côté de cette alternative il y avait la
constatation que le passage des ondes hertziennes est un phénomène de par sa nature incoercible au
point de vue "spatial", malgré les possibilités qu'il y a de brouiller les transmissions. C'est ainsi qu'à
la place de la théorie démodée de la souveraineté aérienne, on a formulé de nouvelles théories telles
que celle de la liberté de l'éther et celle du co-imperium sur l'éther qui ont permis de construire un
droit international des télécommunications gardant son autonomie tout entière par rapport au droit
international de la navigation aérienne" .
Rolando Quadri en tirait alors un raisonnement analogue par rapport aux engins cosmiques,
en concluant :" la quaestio juris ne consiste pas à rechercher si les espaces cosmiques sont des res in
dominio ou nullius ou bien des res communes omnium, mais à rechercher les activités cosmiques
qui doivent être considérées comme licites et cela en se passant de tout critère "spatial" ".
Mutatis mutandis un raisonnement du même type devra être fait à propos du cyberespace.
D'autant plus, pour ce qui est de la dernière observation de l'auteur, qu'il ne pourra en l'espèce être
question de "res" dans l'"espace virtuel" mais bien d'"activitas".
L'exploitation du cyberespace « apanage de l'Humanité » tout entière
Affirmer que l'utilisation du cyberespace doit se faire au bénéfice de l'Humanité, tout entière
à un moment où la tendance semble s'orienter vers une exclusion des Etats du cyberespace, peut
alors conduire à des observations qui sembleront paradoxales.
A l'heure où l'on se plait à annoncer l'avènement d'une société globale de l'Information celle-
ci doit-elle être régie par un droit international en fonction de buts définis par une solidarité
universelle, ou doit-elle être livrée au secteur privé et aux forces du marché? La liberté dans le
cyberespace doit elle être uniquement conçue comme un renoncement des Etats aux profits de
groupes d'affaires dans le domaine de l'information?
Il est alors difficile de faire l'économie de l'observation classique selon laquelle la
revendication de certaines formes de libertés peut porter atteinte à la liberté. Comment ne pas
s'interroger lorsque l'on voit mettre en concurrence la liberté d'expression des citoyens et la "liberté
d'expression commerciale", présentée comme un nouveau "droit de l'homme" ? Serait-il excessif de
penser dès lors que l'Etat devrait, en tant que sujet du droit international, se faire le garant de l'
apanage que nous évoquions?
A cet égard les scénarii actuellement proposés pour le développement de la communication
mondiale, montrent l'urgence d'un retour en ce domaine du "droit des gens" et de la nécessaire
réaffirmation de principes de droit international. Les constatations faites en ce domaine par Armand
Mattelart et André Postel-Vinay nous paraissent particulièrement éclairantes. Ainsi que l'écrit le
professeur Mattelart :" A l'inverse de ce que donne à croire la représentation globaliste et égalitaire
de la planète,...la mondialisation des économies et des systèmes de communication est indissociable
de la création de nouvelles disparités entre les divers pays ou régions, et entre les divers groupes
sociaux; en d'autres termes, sources de nouvelles exclusions " . C'est quand la liberté opprime que le
droit doit se faire protecteur.
Si l'on envisage pour autant les perspectives actuellement ouvertes en ce domaine, compte
tenu de tous ce que nous avons pu mettre en évidence jusqu'alors, les projets qui se mettent en place
soulignent l'urgence d'une ré appropriation de la matière par le droit international et l'élaboration
effective d'un droit international du cyberespace.
Un exemple de ces inquiétudes soulevées par une libéralisation extrême du secteur de
l'information et de la communication pourra nous être fourni par le rapport sur " L'Europe et la
société de l'information planétaire" établi à la demande du Conseil Européen, sous la direction de
Martin Bangemann, et publié le 26 mai 1994 . Les réactions qu'il provoqua mesure les craintes qu'il
avait provoqué.
L'article accusateur que publia André Postel-Vinay dans le "Monde Diplomatique" , est
révélateur de ce phénomène. Après avoir relevé l'optimisme sans nuance d'un rapport qui
conviendrait mieux "à un texte publicitaire qu'à un document destiné à la plus haute institution
européenne", L'inspecteur des finances honoraire souligne que, selon cette approche, les Etats
"doivent renoncer à leur pouvoirs sauf - bien entendu - pour supprimer les monopoles publics,
"ouvrir les infrastructures à la concurrence", déréglementer et libéraliser le plus rapidement
possible. Il faudra certes, des réglementations européennes, mais celles-ci seront préparées en
accord avec les groupes privés compétents".
La dénonciation du processus est directe :" Ces recommandations économiques s'accordent
avec l'affairisme qui sévit à notre époque. Quant aux recommandations d'ordre politique, elles vont
bien au-delà. Il faut "rompre avec le passé...avec les politiques basées sur des principes qui
appartiennent à une époque antérieure à la révolution de l'information"...Il faut aussi, conformément
à ce qui se fait actuellement aux Etats-Unis, que l'instauration de la société de l'information en
Europe "soit confiée au secteur privé et aux forces du marché", c'est à dire aux groupes d'affaires les
plus puissants. Cela revient à demander que l'on abandonne la réalité du pouvoir politique à ces
groupes d'affaires dans le très vaste domaine qu'englobera la société de l'information. Et il s'agit là
d'un abandon définitif : lorsque ces groupes auront dirigé l' "instauration" de cette société, ils n'en
lâcheront plus les leviers de commande".
L'auteur alors constate, et lance un avertissement : "Tout cela montre que les groupes privés
du secteur de l'information se sentent maintenant assez forts pour oser réclamer ouvertement le
pouvoir politique dans le domaine qui les intéresse. L'influence qu'ils ont acquise est devenue si
considérable qu'elle leur permet cette audace...Si un effort extrême n'est pas entrepris sans délai
pour sauver la démocratie dans l'Union Européenne, les institutions des pays membres ne seront
bientôt plus qu'un décor, et ces pays tomberont sous la domination d'une technocratie européenne
centralisatrice, elle même dominée par l'affairisme ". Le propos n'est certes pas diplomatique mais,
toutes réserves que l'on puisse faire, il attire l'attention.
Si l'on quitte alors l'espace européen pour rejoindre le monde et le cyberespace, comment ne
pas remarquer la menace qui peut apparaître dans cette phrase, citée par Armand Mattelart comme
exemple d'odes à la gloire des réseaux :" Les scientifiques et les technologies ont réalisé ce que
depuis longtemps les militaires et les hommes d'Etat ont tenté d'établir sans y arriver : l'empire
global... Marché de capitaux, produits et services, management et techniques de fabrication sont
tous devenus globaux par nature...C'est la "global marketplace". Ce nouveau développement émerge
au même moment où les technologies avancées transforment l'information et la communication".
On trouvera un écho du même type chez le professeur Ricardo Petrella, lorsqu'il écrit:" La
"société de l'information" est devenue, au cours des toutes dernières années, et à partir des EtatsUnis, la techno-utopie explicative et légitimante du capitalisme mondial. Objectif principal de
l'ingénierie sociotechnologique et culturelle des pays développés du monde, elle conforte le
véritable objectif du capitalisme contemporain, à savoir la création de l'espace marchand mondial
unique (the global market place), entièrement laissé au libre jeu des forces privées du marché " .
C'est au danger d'un "empire global" , d'une mondialisation sauvage", soumis à la dictature
des marchés que doit apporter une réponse le droit international dans ce qui est le secteur peut être
le plus ouvert à ces phénomènes : le cyberespace.
β – Un régime des activités : expression d'une solidarité internationale
Article 4 : "Il est créé une Autorité internationale du cyberespace par l'intermédiaire de
laquelle les Etats Parties organisent et contrôlent les activités dans l'espace virtuel aux fins de la
présente convention"...
Article 5 : "Les Etats Parties au Traité ont la responsabilité internationale des activités
nationales dans le cyberespace, qu'elles soient entreprises par des organismes gouvernementaux ou
par des entités non gouvernementales, et de veiller à ce que les activités nationales soient
poursuivies conformément aux dispositions énoncées par le présent traité. Les activités des entités
non gouvernementales dans le cyberespace doivent faire l'objet d'une surveillance continue de la
part de l'Etat approprié Partie au traité. En cas d'activité poursuivie par une Organisation
internationale dans le cyberespace, la responsabilité des dispositions du présent traité incombera à
cette Organisation internationale et aux Etats Parties au traité qui font partie de l'Organisation.
Article 6 : "En ce qui concerne l'utilisation du cyberespace les Etats Parties au traité devront
se fonder sur les principes de la coopération et de l'assistance mutuelle, et poursuivront toutes leurs
activités dans le cyberespace en tenant compte des intérêts correspondant de tous les autres Etats
Parties au traité.
Prenant en compte les observations que nous avons faites dans les pages précédentes, et
traduisant la nécessité de la réglementation internationale, ces trois articles pourraient ainsi
compléter la réglementation dont nous avons donné une ébauche.
Au moment où, au nom des lois du libre échange et de la concurrence, on tend à écarter
l'Etat du champ de la réglementation, à privilégier les droits du consommateur par rapport à ceux du
citoyen; où, ainsi que le souligne, dans une formule, Paul Virillo "les technologies médiatisent la
réalité au point de l'éliminer ", il est nécessaire, plus que jamais, que l'Etat annonce son retour. Sur
le plan interne d'abord, et au niveau international ensuite, pour assumer sa fonction fondamentale de
service public et son rôle dans le maintien de ce que l'on peut considérer comme une sorte d'ordre
public international. Pour ce qui nous concerne dans cette étude celui-ci consistera à assurer la
protection et la sauvegarde des droits des individus dans la limite du respect des droits d'autrui tant
au niveau national que transnational. Exprimant un phénomène commun de solidarité sociale les
Etats pourront ainsi intervenir à des niveaux différents: interne, sous régional, régional, universel.
Dans un article récent le professeur Richard Falk écrit :"L'autre solution consiste à croire en
la possibilité d'un ordre différent et capable de protéger les individus, les groupes et les régions mis
en difficulté par les forces de la cybernétique. Voila qui présuppose un nouveau contrat social
mondial qui jouerait pour le XXIème siècle le rôle que, vis à vis du capitalisme, le socialisme et
l'Etat-providence jouèrent au cours du XIXème et pendant une grande partie du XXème siècle" .
Développant alors une approche mondialiste le professeur de Princetown écrit:" Promouvoir
pareil projet suppose la mobilisation et la croissance de forces sociales transnationales, et son
application dépendra de la mise en place de nouvelles institutions et de procédures de droit
international permettant de gouverner le cyberespace tout comme l'état moderne a gouverné les
sociétés territorialement circonscrites" .
Si, comme le professeur Falk, nous pensons que le débat doit être pris en considération au
niveau universel, il nous semble, contrairement à lui et sans adopter ses conclusions
institutionnelles, que l'Etat aura un rôle essentiel à jouer. Il le fera au prix d'une approche nouvelle
de sa fonction sur le plan du droit international qui lui-même pourra apporter des éléments utiles à
la mise en place d'une réglementation adaptée.
Pour autant en effet que les fondements de cette réglementation existent déjà dans le corpus
juridique existant, le droit à élaborer devra s'appuyer sur la reconnaissance d'une solidarité qui, par
la force des choses - espace virtuel oblige - ne sera pas interétatique, mais transnationale. Cela
supposera que le droit international, redevenant droit des gens, voie dans l'Etat l'agent de
l'expression normative au service des destinataires ultimes du droit international: les individus.
Nous pourrons alors constater qu'à travers le temps Vitoria rejoint, d'une certaine manière, Georges
Scelle.
Il sera alors possible d'observer que le phénomène auquel on assiste apporte aussi une
confirmation des analyses du droit en termes de niveaux de solidarités entre individus et de
nécessité sociale. Le droit dans le cyberespace, en effet, ne peut en effet en l'état actuel des choses
avoir pour fondement, ainsi que l'écrivait déjà Duguit, que : " la conscience que les individus
composant les différents groupes ont de la solidarité qui unit non seulement les membres de chaque
groupe entre eux, mais encore les membres des différents groupes les uns avec les autres" .
Applications de certaines normes internationales dans le cyberespace
La principale caractéristique de l'Internet sur le plan juridique est sa capacité à porter atteinte
au dogme de l'impénétrabilité de la souveraineté territoriale. Il en découle que les seules possibilités
juridiques envisageables d'une action étatique contre une entreprise considérée comme indésirable
par/et sur l'Internet ne pourra s'exercer qu'à l'encontre des serveurs et des fournisseurs d'accès . Leur
efficacité dépendra beaucoup, comme on l'a vu, de leur situation géographique.
Si le serveur ou le prestataire d'accès sont sur le territoire national de l'Etat, qui s'estime
victime de l'entreprise, la législation locale s'appliquera avec sa plus grande efficacité. Les
possibilités seront multiples et les difficultés éventuelles relèveront d'inadéquations ponctuelles de
la législation. Seront ainsi utilisables non seulement les moyens que nous avons déjà évoqué, mais
des réglementations spécifiques à base technique. Les autorités de Singapour, par exemple, viennent
de créer la Singapore Broadcsting Authority, conseil supérieur de la diffusion sur le Net qui devrait
contrôler et donner des autorisations aux prestataires d'accès . Le Bahreïn, l'Arabie saoudite et les
Emirats Arabes Unis ont demandé à la société Surfwatch Sofware un logiciel permettant de bloquer
les messages injurieux envers la religion musulmane .
On observera toutefois que si l'on peut envisager de mettre juridiquement en cause la
responsabilité du prestataire d'accès pour les informations qu'il place sur son propre serveur ( il
apparaît alors comme un éditeur), la question se pose pour les informations que ses abonnés
prennent l'initiative d'aller chercher ailleurs ( il apparaît alors comme un simple relais technique
neutre).
On sait aussi qu'aucun système de filtrage n'est à 100% fiable et que l'on peut tout aussi bien
aboutir dans ce domaine à des absurdités. Ainsi par exemple, en 1995, le service America Online
s'étant essayé à intercepter les messages comportant certains mots à caractère sexuel, dont le mot
"sein", avait obtenu comme résultat de bloquer un forum destiné à conseiller les femmes victimes
d'un cancer du sein....
Il est aussi possible de contourner le serveur local du fournisseur ne permettant pas d'avoir
accès à certains forums. Ainsi que l'explique Yves Eudes , il existe de nombreux serveurs dits
"d'accès public", c'est à dire ouverts à tous gérés par des universités et des administrations
américaines, mais aussi en Australie, en Europe, en Israël, en Corée, à HongKong. On trouvera à
l'adresse http://www.phoenix.net/pdn/datanet/news.htm/ une liste de plusieurs dizaines de serveurs
publics accessibles de diverses façons .
Le problème devient beaucoup plus délicat lorsque, quittant le territoire national, serveur et
prestataires d'accès se trouvent à l'étranger: sur le territoire d'un autre Etat, voire même dans des
zones ne relevant pas d'une autorité étatique (haute mer par exemple, espace). L'Etat "victime",
faute de coopération juridique efficace avec l'Etat d'émission pourra alors mesurer son impuissance.
Ce constat nous apporte peut être partiellement la clef de la réglementation possible. C'est en
privilégiant le rôle, et la responsabilité, de l'Etat de "lancement" du message que pourront être
organisées les activités dans le cyberespace.
Si, en l'état actuel des choses, le droit international peut déjà offrir la possibilité de faire
référence à un certain nombre de normes et de principes, il n'en demeure pas moins que leur mise en
œuvre concrète dépendra de la bonne volonté des Etats et leur efficacité d'une prise de conscience
commune de la communauté internationale. C'est la raison pour laquelle une convention générale
sur le régime des activités dans le cyberespace, par la sécurité juridique qu'elle pourrait assurer dans
ce domaine, s'avérer d'une grande nécessité.
Les règles générales de droit internationales qu'il serait possible, dans un premier temps,
d'évoquer sont celles qui découlent des obligations nées de la souveraineté territoriale des Etats.
L'obligation de vigilance (due diligence), l' obligation de protéger les droits des autres Etats à
l'intégrité, à l'inviolabilité, pourraient fournir des possibilités d'actions contre des entreprises
( propagande, pénétration de systèmes) menées à partir d'un Etat étranger, à travers le cyberespace,
contre un Etat qui subirait ainsi un dommage lié à une violation du droit international. Il n'est pas
jusqu'aux arbitrages de la "Fondrie de Trail" qui ne puissent aussi être évoqués pour trouver, par
analogie, un moyen de mettre en cause la responsabilités d'un Etat pour des activités qui, exercées
en toute légalité sur un territoire, produisent des effets nocifs en dehors de ce territoire .
Ainsi que l'écrivait en effet, en 1981, Robert Q. Quentin-Baxter: " La mesure des obligations
incombant à un Etat de faire en sorte que les effets préjudiciables de faits, actions ou omissions,
accomplis sur son territoire ou dans sa juridiction ne portent pas atteinte aux droits d'autres Etats,
reste le devoir de diligence; mais ce devoir s'étend jusqu'à l'obligation de réparer tout préjudice
qu'on peut attribuer à juste titre à l'accomplissement licite d'une activité licite" .
Le rapporteur spécial de la Commission du droit international "sur la responsabilité
internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites
parle droit international " écrira un an plus tard: "Chaque Etat doit avoir le sentiment que le droit lui
garantit de vastes espaces de liberté et d'initiative sur son propre territoire et des espaces de liberté
et d'initiative plus surveillés dans l'espace maritime et aérien international; cependant, chaque Etat
doit avoir aussi le sentiment que le droit ne le laisse pas à la merci des activités entreprises au-delà
de ses propres frontières. Toutefois, même à ce stade ultime, le jeu de la responsabilité objective
n'est nullement automatique " . Pour autant que l'on introduise dans la phrase "cyberespace", il nous
semble que c'est dans une approche de ce type que devra s'inscrire la réglementation à venir.
Un modèle pourrait également être trouvé dans le principe 21 de la déclaration de
Stockholm sur l'environnement du 16 juin 1972 :" Les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs
propres ressources selon leur politique... et ils ont le devoir de s'assurer que les activités exercées
dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage...dans d'autres
Etats " .
A l'encontre des serveurs qui s'installeraient hors de toute zone sous contrôle étatique on
peut se demander s'il ne serait pas possible aussi d'envisager une extrapolation de la réglementation
sur la répression des émissions radio-pirates . Une adaptation de l'article 109 de la convention de
Montego Bay ne serait pas non plus inimaginable.
Comme il est possible de s'en rendre compte le droit international public positif n'est pas
démuni de moyens et de modèles pour organiser le régime des activités dans le cyberespace. Pour
autant toutefois que l'on puisse envisager, sur les bases évoquées, la mise en place d'une
réglementation spécifique celle-ci ne pourra appréhender pleinement le phénomène concerné qu'en
reconnaissant à l'individu une place privilégiée. Bénéficiaire ou victime des activités dans le
cyberespace, il sera nécessairement le destinataire direct de la réglementation internationale
organisant les activités. L'Etat aura alors pour cela à jouer son rôle.
Ainsi que l'écrivait en effet Charles de Visscher :" Seules...les fins humaines du pouvoir
peuvent prêter un fondement moral à son action. C'est en revenant à l'homme, en ramenant la
conception de l'Etat, organisation et moyen, à la personne qui est sa fin, que se découvre, dans le
plan d'un bien commun impersonnel sans doute, mais non point extra-personnel, l'unique
justification morale et juridique du caractère obligatoire du droit international ".
L'Etat et l'indivisu : sujets de droit du cyberespace
On pourra observer à cet égard que ce que l'on présente comme un "retour nécessaire" de
l'Etat dans le cyberespace, par le droit international, au nom de la protection des individus, ne
pourra s'effectuer sans que soit affirmée simultanément une accession nouvelle de l'individu au droit
international. Les deux phénomènes sont en effet liés et leur liaison moins originale qu'il pourrait
paraître. Le droit international en effet, ne ferait que renouer avec certaines de ses racines les plus
lointaines. Car s'il s'agit bien de définir aujourd'hui ce que l'on peut présenter comme un nouveau
"jus comunicationis" dans le cyberespace, pour la protection duquel les Etats auraient un rôle à
jouer, ce droit - international - ne saurait être conçu que comme un droit des individus. Ce que disait
au fond Francisco Vitoria, inventeur du "jus communicationis", dès 1509.
Ainsi que l'observe en effet Albert de la Pradelle :" en vertu de ce droit il n'est pas possible,
d'après l'exemple même de Francisco de Vitoria, au roi d'Espagne, de s'opposer au passage en
Espagne de Français, et réciproquement au roi de France de s'opposer au passage des Espagnols.
C'est un droit direct des Français vis à vis du roi d'Espagne; ce n'est pas un droit du royaume de
France par rapport au royaume d'Espagne. Ainsi se trouve vidée la question de savoir si Francisco
de Vitoria à favorisé la conception du Droit International comme un droit entre les Etats, ou si, au
contraire, il s'est élevé jusqu'à la notion beaucoup plus large, plus étendue, d'un droit des gens - jus
gentium - qui pourrait avoir d'autres sujets que les Etats, droit qui ne serait pas basé simplement sur
le respect réciproque de leur souveraineté, mais sur l'accomplissement par les communautés
politiques parfaites - qui sont les Etats - des devoirs nécessaires pour permettre à l'humanité, qui se
présente comme une chaîne de générations, d'atteindre sa destinée dernière. Or, cette destinée ne
peut s'accomplir qu'en laissant à l'homme la possibilité de parcourir librement la terre. Là est le sens
profond et précis de ce jus communicationis qu'apporte pour la première fois au Droit International
la pensée véritablement humaine de Francisco de Vitoria".
Pour autant que l'on remplace "terre" par "cyberespace", comment ne pas être troublé par
l'actualité de l'analyse d'une pensée formée il y a presque cinq cents ans. Il appartient à l'homme de
parcourir librement le cyberespace, les Etats auront dans ce contexte des devoirs "pour permettre à
l'humanité...d'atteindre sa destinée dernière". Cette conception humaniste du rôle de l'Etat et du
droit ne saurait ainsi s'analyser en une simple abstention et un abandon des hommes aux seules lois
du marché et de la concurrence. L'une des caractéristiques du futur droit du cyberespace sera que les
individus, des groupes d'individus, et les Etats y seront sujet d'un droit que l'on pourra qualifier
d'international ou de transnational .
A l'heure où, ainsi que le constate Jean-Noël Tronc ," l'arrivée de la virtualité et le
développement de l'accès à distance en substitution à certaines activités dont l'exercice repose
aujourd'hui sur le mode collectif...conduisent certains à craindre qu'une telle évolution n'aboutisse à
une perte du lien collectif fondant la démocratie"; où "l'addition de la virtualité et d'une vitesse de
transmission démultipliée risque de mettre en cause la confiance dans l'information délivrée par les
médias. Les progrès de l'imagerie de synthèse permettront une falsification élaborée, sous forme de
faux discours ou de faux évènements présentant toutes les apparences de la réalité"; le rôle des Etats
reste en effet fondamental. Comme facteur d'équilibre, de cohésion, en garantissant, par exemple,
l'accès à l'information publique, en assurant le respect des droits fondamentaux de la personne.
Dans ce rôle, de par les caractéristiques même de l'espace virtuel, le Etats devront
nécessairement se situer dans une perspective transnationale de l'organisation des activités et
prendre conscience de solidarités qui se situent au delà des traditionnelles relations inter étatiques.
Comment alors ne pas être frappé par ce qui d'une certaine manière apparaît comme une
confirmation des analyses de Georges Scelle. Ce qui se dessine en effet a toutes les caractéristique
du droit annoncé par l'auteur du "Précis du droit des gens", lorsqu'il écrivait :" Pour nous, les
rapports qu'il va s'agir de décrire et d'analyser sont des rapports entre individus formant une société
universelle, et appartenant en même temps à d'autres et innombrables sociétés politiques : étatique,
inter étatique, super étatiques, extra étatiques, que la communauté humaine englobe et coordonne et
que son droit régit" . Le cyberespace est le lieu de rencontre d'individus formant une société
universelle, composant et appartenant, en même temps, à d'innombrables sociétés politiques.
S'inscrivant dans une évolution du droit international dont l'objet ne nous paraît plus tant de
régir une définition/opposition de l'Etat souverain à la société internationale, quant à ses droits sur
certains espaces, l'étude du droit du cyberespace, confronté à la notion d'espace virtuel, devra
mesurer comment à travers d'innombrables sociétés politiques, le droit international essayera de
prendre en charge des activités humaines dont les conséquences ne s'arrêtent plus désormais aux
frontières...Ce droit qui définira peut être les compétences de l'Etat "ratione agendae", devra tenir
compte de niveaux de solidarités différents, il a sa raison d'être, ainsi que l'écrivait Louis Cavaré
dans les besoins sociaux auxquels il doit s'adapter en les réglementant.