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Vœux de Fleur Pellerin
aux agents du ministère de la Culture et de la Communication
à la Philharmonie de Paris
le 14 janvier 2016
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Laurent Bayle,
« La culture est partout chez elle sur le sol de France. »
Ce sont les mots qu’a prononcés le Président de la République en inaugurant ces lieux, il y a un an, jour pour jour. Il les
a prononcés dans les circonstances les plus tragiques. Après que l’horreur s’est abattue sur Paris une première fois,
un matin de janvier.
Après que le sursaut a saisi la France, quelques jours plus tard, un dimanche de janvier.
Je n’ai donc pas choisi par hasard la Philharmonie de Paris pour faire entrer notre Ministère dans l’année 2016. Je l’ai
choisie car cette institution restera à jamais placée sous le sceau de ces mots : « la culture est partout chez elle sur le
sol de France ».
En 2015, ces mots étaient un cri d’honneur ; c’était le cri d’une Nation blessée, mais sûre de ses valeurs, confiante en
la justesse de ses principes, heureuse d’être une terre d’artistes, revendiquant de l’être.
Pour 2016, ces mots sont une injonction. Une ambition. C’est ainsi que je l’entends. C’est ainsi qu’il faut l’entendre.
Que la culture soit partout chez elle, partout sur le sol de France.
Que les barrières psychologiques, que les inhibitions face à la culture soient brisées.
Que la culture soit le lieu où chacun peut trouver une place et une reconnaissance positive.
Que la culture soit enfin, et c’est peut-être le plus important, le lieu dans lequel s’éprouvent et se retissent à nouveau
les liens endoloris par lesquels nous formons une Nation.
Ces mots sont une injonction, car ils répondent à une attente : celle de nos concitoyens. Et cette attente est immense,
car nous avons connu le 13 novembre. Nous avons connu le Bataclan, les terrasses de café du XIe arrondissement, les
abords du Stade de France.
Ceux qui font vivre la culture dans notre pays sont attendus.
Les écrivains, les intellectuels le sont. Il suffit de voir les livres trouver preneur, les librairies renouer solidement avec la
croissance. Et comment ne pas s’en réjouir ?
Les artistes sont attendus. Il suffit de voir combien l’art engagé retrouve une nouvelle légitimité. Et comment ne pas
s’en réjouir ? Nous avons besoin d’artistes, militants actifs de la fraternité. Cet enjeu sera au cœur des Biennales
Internationales du Spectacle de Nantes, la semaine prochaine, auxquelles je me rendrai pour porter ce message.
Notre Ministère, enfin, est attendu car chacun sait combien il est essentiel à la vie culturelle de notre pays, non seulement par les moyens qu’il y consacre, mais parce qu’il incarne l’intérêt général, à travers vos métiers, vos compétences,
votre expertise.
Car sans les archivistes, comment notre connaissance de l’histoire pourrait-elle s’approfondir ?
Sans les archéologues, sans les conservateurs ou les architectes des bâtiments de France, que seraient nos
musées, nos monuments et nos villes ?
Sans les équipes qui accompagnent les créateurs et ceux qui travaillent auprès d’eux, sans les agents des
DRAC qui permettent à notre Ministère d’agir partout en France, sans tous ceux qui œuvrent dans les services
fonctionnels et opérationnels, que serait la vie artistique de notre pays ? Pardon de ne pas évoquer chacun de
vos métiers, il y en a tant. Chacun est indispensable. Chacun est irremplaçable, car œuvrer pour la culture, c’est
une vocation.
[Rétrospective de l’année 2015 :
des réponses à l’urgence, des fondations renforcées pour bâtir l’avenir de la culture]
Si notre Ministère est tant attendu, c’est parce qu’il a apporté les preuves concrètes de sa capacité d’agir. Et
l’année qui vient de s’achever le démontre.
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[Répondre à l’urgence : les attentats, les crises]
Face aux drames que nous avons vécus, nous avons d’abord su répondre à l’urgence et assurer la continuité
du service public. Merci à ceux qui ont œuvré à la sécurisation des établissements culturels. Merci à ceux qui
ont été présents, tout particulièrement auprès des professionnels de la musique, car ils avaient besoin de nous.
Ils ont payé un lourd tribut le 13 novembre dernier. Grâce à vous, la vie culturelle a continué, comme il le fallait.
Après une baisse de fréquentation des musées et des salles de spectacles, dans les semaines qui ont suivi les
attentats, aujourd’hui, les publics reviennent. C’est une preuve de confiance, autant que d’efficacité.
Comme les événements de janvier l’exigeaient, nous avons su engager des mesures de moyen terme pour que
la culture participe à faire grandir la vie démocratique de notre pays. Je pense en particulier à notre contribution
au Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté. Ces chantiers se prolongeront naturellement en 2016.
Mais nous avions donné notre parole, et cette parole a été tenue.
L’urgence, c’était aussi la crise de l’intermittence. Avec le soutien du Premier ministre, nous avons non seulement stabilisé le régime, mais nous avons ouvert de nouvelles perspectives pour l’emploi dans le spectacle
vivant. L’année qui s’ouvre sera l’occasion de mettre en œuvre les préconisations issues de la conférence pour
l’emploi de novembre, grâce, en particulier, aux nouveaux moyens que nous apportera le fonds pour l’emploi. Les
partenaires sociaux seront, quant à eux, engagés dans la négociation sur le renouvellement de la convention sur
l’assurance chômage. Nous devrons rester vigilants.
L’urgence, c’était enfin la crise à Radio France. Elle est aujourd’hui apaisée. Après une année, disons-le, agitée,
le Contrat d’Objectifs et de Moyens a été adopté par le conseil d’administration. C’est pour moi, pour nous, un
motif de satisfaction.
[Bâtir l’avenir sur des fondations renforcées : LCAP, numérique, budget]
Répondre à l’urgence et aux exigences du temps présent relève bien sûr de notre responsabilité. Mais notre
responsabilité est aussi de bâtir l’avenir de la culture dans notre pays. Nous nous y sommes collectivement
attelés en 2015.
Pour bâtir, il faut d’abord des fondations solides. Elles ont parfois besoin d’être réaffirmées, consolidées, réadaptées au temps présent. C’est la vocation du projet de loi « liberté de création, architecture et patrimoine », que
j’ai porté en première lecture devant l’Assemblée nationale en septembre dernier. Je veux saluer et remercier en
particulier ceux qui lui ont consacré leur temps. Vous avez le droit d’en éprouver de l’orgueil. Car cette loi est une
loi de progrès, une grande loi pour les artistes et le patrimoine.
C’est une grande loi pour les artistes, car elle consacre dans nos textes la liberté de création et la liberté de
diffusion. Elle séparera l’artistique du politique.
C’est une grande loi pour les architectes, qui l’attendaient depuis longtemps. Elle leur donnera une liberté nouvelle. Notre Stratégie nationale pour l’architecture l’accompagnera.
C’est une grande loi pour le patrimoine. La plus grande, sans doute, depuis la loi Malraux de 1962. Avec les
cités historiques, non seulement nous protègerons mieux ces quartiers et sites remarquables, témoins de notre
passé, mais nous les valoriserons davantage. Beaucoup de centres des villes moyennes, qui se vident, se paupérisent et sont ainsi menacés aujourd’hui, y trouveront le soutien renforcé qu’ils attendent. La loi redonne aussi
Voeux de la ministre aux agents du ministère de la Culture et de la Communication - 14 janvier 2016
toute sa place à la dimension scientifique de la politique publique de l’archéologie préventive. Le débat va bien sûr se
poursuivre en 2016. Je défendrai le projet de loi au Sénat le mois prochain. Nous aurons encore l’occasion d’améliorer
le texte, et j’aurai besoin de vous pour cela. Mais soyez-en convaincus : cette loi viendra renforcer les fondations de nos
politiques et contribuera à faire grandir la vie culturelle de notre pays.
L’exception et la diversité culturelle fondent aussi la singularité du modèle français. Mais le numérique et la globalisation
les ébranlent : ces mutations changent le terrain sur lequel elles ont été élevées. C’est un défi sans précédent qui nous
oblige à l’inventivité. Et en 2015, nous avons su être inventifs.
Je pense à l’accord que nous avons signé pour un partage équitable de la valeur dans l’exploitation de la musique en
ligne. C’est une première mondiale.
Je pense à ces accords que nous avons conclus pour lutter contre le piratage, et à notre travail pour soutenir le développement de l’offre légale.
Je pense aux combats que nous menons au sein des instances communautaires pour préserver et moderniser le droit d’auteur.
Je pense aux crédits d’impôts que nous sommes parvenus à reconduire et à étendre, pour la musique, l’audiovisuel, le
cinéma. Ils faciliteront la transition vers le numérique d’une part et la relocalisation des tournages d’autre part, dans un
univers culturel de plus en plus concurrentiel.
Parce que la mutation numérique et l’innovation sont des enjeux majeurs pour les années qui viennent, les équipes qui
s’y consacrent seront renforcées.
Pour bâtir l’avenir et donner aux artistes la possibilité de créer, il faut donc des fondations solides, mais il faut aussi
un budget d’envergure. Et là non plus, nous n’avons pas à rougir de ce que nous avons gagné en 2015. Nous avons
débuté l’année précédente avec un budget préservé ; nous entrons en 2016 avec un budget en progression de 2,7%.
La contribution de la Nation à la vie culturelle de notre pays franchit à nouveau la barre des 1%. Et ce n’est pas tout.
J’ai évoqué les crédits d’impôts pour la musique, le cinéma et l’audiovisuel. Il faut leur ajouter le nouveau crédit d’impôt
pour le spectacle vivant, et les 25M€ supplémentaires qui aideront France Télévisions à redresser ses comptes. Dans la
période que nous traversons, dans cette période difficile, où les marges de manœuvre budgétaires sont extrêmement
limitées, c’est bien la preuve que la culture est l’une des grandes priorités du gouvernement. Le Premier ministre s’y
était engagé. Il a tenu parole. Sans votre travail, nous n’aurions jamais pu obtenir ces arbitrages majeurs. Je veux vous
dire une nouvelle fois merci. Merci à tous ceux qui ont œuvré au projet de loi de finances.
Un budget d’envergure, des fondations consolidées, des crises résolues, un service public de la culture à la hauteur
des événements tragiques que nous avons vécus : voilà ce dont nous avons fait preuve, en 2015. Comment ne pas
éprouver aujourd’hui un très grand sentiment de fierté ? Si notre Ministère est tant attendu, c’est qu’il est à la hauteur
des exigences qu’on lui adresse et des capacités qu’on lui prête.
[Priorité pour 2016 : mettre les Français au cœur de l’action du Ministère]
Parmi les attentes qui s’expriment, mes chers amis, celles des artistes et des professionnels de la culture vous sont les
plus familières. C’est légitime, puisqu’il s’agit de vos interlocuteurs quotidiens : notre Ministère est celui des artistes et
il répond à leurs besoins – je viens de le démontrer.
Mais je le répète, cette attente est bien plus vaste. Elle vient de l’ensemble de nos concitoyens. Ils expriment un désir
de culture, parce qu’ils aspirent à y retrouver ce lien positif, qui n’est pas identitaire, qui n’est pas communautaire, par
lequel nous formons une Nation. Ces liens, la culture est en mesure de les offrir. A nous de les susciter, de les ouvrir,
de les mettre à la disposition de tous.
C’est à cela, et à cela avant tout, que je vous demande de vous consacrer en 2016.
[Démocratisation]
Il s’agira donc de poursuivre un premier objectif : faire en sorte que tous les Français participent à la vie culturelle de
notre pays. On parle depuis longtemps de démocratisation ; je voudrais que l’on en fasse davantage. On parle depuis
longtemps de démocratisation ; je lui préfère le mot de participation. Parce qu’il nous faut tenir compte des pratiques
réelles des Français, qui s’inventent parfois en dehors des institutions. Je pense à la pratique amateur ; je pense aux
pratiques culturelles qui passent par le Net et la télévision ; je pense au désir de contribuer à des projets artistiques via
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le financement participatif ; je pense à tout ce qui est expérimenté sur le terrain et peut nous inspirer. Nous ne pouvons l’ignorer
La participation de tous, c’est ce que nous recherchons lorsque nous voulons ouvrir davantage les bibliothèques, en
faisant correspondre les horaires et les offres aux nouveaux modes de vie des Français.
La participation de tous, et en particulier des plus jeunes, c’est ce que nous recherchons lorsque nous mettons en
place « Lire en Short » ou lorsque nous concevons « Génération Belle Saison », qui structurera, pour les années à venir,
notre action en faveur de l’art vivant pour l’enfance et la jeunesse. Je vous demande aussi d’amplifier ce mouvement
en faveur de l’éducation artistique et culturelle, auquel nous consacrerons cette année encore de nouveaux moyens.
La participation de tous, et en particulier des publics les plus éloignés de la culture, c’est ce que nous recherchons
lorsque nous leur offrons un accès privilégié un jour par semaine dans trois grands musées emblématiques de France.
Le développement de ce que j’appelle le « hors-les-murs » est l’autre versant tout aussi majeurs de cette dynamique :
il faut que nos concitoyens puissent aller vers la culture, mais il faut aussi que la culture se tourne vers eux. A ClichyMontfermeil, avec le projet Médicis, c’est une programmation « avant les murs » qui débutera dès cette année.
La participation de tous, c’est enfin ce que nous recherchons lorsque nous concluons un accord avec les grands professionnels de l’immobilier pour que chaque nouveau bâtiment construit en France accueille une œuvre d’art.
Ce sont quelques lignes de force. Je pourrais y ajouter le retour de l’Etat dans le financement des conservatoires, ou la
reconnaissance dans la loi de la pratique amateur. Mais plus largement, j’attends de vous que d’autres projets comme
ceux-ci, qui reposent sur une convergence d’actions entre la société civile et l’Etat, et bénéficient à la fois aux artistes
et aux Français, émergent tout au long de l’année 2016.
[Renouvellement]
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Pour que les Français se sentent partie prenante de la vie culturelle, il faut aussi que cette vie culturelle reflète davantage les richesses que les blocages de notre société. En un mot, il s’agit pour nous d’encourager et de favoriser le
renouvellement, c’est-à-dire la rupture avec l’ordre établi.
Le renouvellement, c’est d’abord la jeunesse, la grande priorité de ce quinquennat. En 2015, avec les Assises de la
Jeune Création, nous avons bâti de nouvelles mesures en faveur de la nouvelle génération d’artistes : soutien au compagnonnage, développement de résidences, d’incubateurs culturels, de tiers lieux… Nous y consacrerons plus de sept
millions d’euros cette année. Nous devrons être au rendez-vous, car l’attente est grande. A ces mesures s’ajoutent la
réforme de l’enseignement supérieur culture, qu’il nous faudra poursuivre, pour faciliter l’insertion des jeunes diplômés
dans la vie artistique de notre pays, comme à l’international.
Le renouvellement, c’est aussi la diversité. Avec le Collège que j’ai installé le mois dernier, avec l’arrivée d’un hautfonctionnaire spécialement dédié à cet objectif, aux côtés de ceux qui travaillent à l’égalité femmes-hommes et à la
prévention des discriminations, nous disposons de ressources pour la faire progresser. Je vous demande d’y être particulièrement attentifs. Les Français ont besoin de se reconnaître dans la vie culturelle. En la matière, notre Ministère
lui-même doit être exemplaire. Soyez certains que j’y veillerai.
Le renouvellement passe enfin par une réflexion sur le musée du XXIe siècle que je souhaite engager. Nous avons la
chance de pouvoir nous appuyer sur un réseau inégalé et des collections qui s’enrichissent, partout en France. Mais
comme beaucoup d’institutions, les musées doivent aujourd’hui s’adapter à un environnement qui évolue et faire face
à une fréquentation accrue et diversifiée. Comment renouveler les interactions avec le public ? Quelle forme pourrait
prendre le rapport aux œuvres ? Comment les métiers évolueront-ils ? Ce sont les questions que nous devrons nous
poser en 2016.
[Information de qualité, indépendance des médias, mémoire préservée]
Permettre à chacun de participer à la vie culturelle, c’est aussi, tout simplement, permettre à chacun de participer à
la vie démocratique, ce qui exige une information indépendante, pluraliste et de qualité. 2015 nous aura tragiquement
prouvé qu’elle avait besoin d’être protégée et garantie. C’est notre responsabilité, autant qu’une mission de service
public, et c’est la troisième priorité que je vous donne pour 2016.
Nous y travaillerons en mettant en œuvre la réforme des aides à la presse que nous avons engagée. Elle garantira le
pluralisme de l’information. Soyons-en fiers : personne, jusqu’à présent, n’avait osé s’y atteler alors qu’elle était profondément nécessaire. Elle vient s’ajouter à la création du statut d’entreprise solidaire de presse, que Charlie Hebdo fut
le premier à adopter, en juillet dernier.
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Nous travaillerons à renforcer le pluralisme, avec la création d’une chaîne d’information publique, portée par France
Télévisions, en synergie avec l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public. Le décryptage de l’information était l’un des
axes majeurs de la feuille de route que j’avais préparée pour la nouvelle présidence en 2015. Ce projet verra le jour en
2016. Je n’ignore pas les réticences ; mais j’estime que le service public a une singularité à revendiquer.
Alors que nous connaissons un mouvement mondial de concentration des médias, nous travaillerons, avec le Président
de la Commission des Affaires Culturelles à l’Assemblée nationale, Patrick Bloche, pour que l’indépendance des médias
soit mieux garantie dans nos textes. L’éducation aux médias sera aussi notre priorité.
Au travail que nous aurons à mener sur l’information, je veux enfin ajouter celui que nous menons avec les archives.
Elles sont aussi essentielles à la vie démocratique, car un pays sans mémoire est un pays sans culture. J’aurai l’occasion de réaffirmer mon ambition pour la politique publique que nous menons en la matière, en réunissant prochainement
le conseil supérieur des archives. J’ai aussi très fortement porté le projet VITAM relatif à l’archivage numérique. [Une mobilisation collective au service de la culture passe par de bonnes conditions de travail]
Démocratisation, renouvellement, information libre et de qualité : voilà ce qui sera au cœur de notre politique la culture
en 2016. Vous m’évoquerez peut-être les contraintes qui rendent difficiles la mise en œuvre de notre ambition. Je ne
les ignore pas et je suis de ceux qui en tiennent compte.
Un seul exemple : les pactes culturels. Ils sont peu nombreux, ceux qui y croyaient, lorsque nous les avons imaginés.
Ils jugeaient le désengagement des collectivités inévitable. Nous avons prouvé le contraire. Nous avons prouvé que la
culture était un choix politique. Aujourd’hui nous en avons signé une soixantaine. Il y en aura d’autres. C’est bien la
preuve que si la vie culturelle se construit avec les autres, elle ne peut se faire sans nous. Nous irons donc, en 2016,
chercher les ressources là où elles sont. Je pense en particulier à ces géants du numérique qui vivent en partie de la
création sans pour autant apporter leur contribution à leur financement.
Vous ne serez pas seuls dans la mise en œuvre de ces objectifs que je vous ai fixés. J’ai donné aux établissements
publics relevant de notre tutelle les mêmes priorités, dans la directive nationale d’orientation que j’ai adressée à leurs
dirigeants. Et je veillerai personnellement à ce que ces priorités soient suivies d’effet.
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Je le dis donc devant vous ce matin sans hésiter : devant l’ampleur et l’importance de la tâche qui nous attend, après les
événements que nous avons vécus en 2015, j’ai plus que jamais besoin de vous, de vos qualités, de votre engagement
et de vos compétences.
[Déménagement de l’administration centrale et réforme territoriale]
C’est parce que je sais que rien ne se fera sans vous que je me bats pour que l’administration centrale reste dans Paris,
au plus près de la rue de Valois. Comment, sans cela, nous mettre collectivement en mouvement ? Alors que l’Etat
tout entier doit mieux gérer son parc immobilier, et que notre Ministère a la responsabilité d’y contribuer, j’ai fortement
indiqué ma préférence pour une solution patrimoniale et domaniale, qui repose sur la mise en valeur du Quadrilatère
Rohan-Soubise. Tous les éléments d’expertise m’y conduisaient. Cela suppose bien sûr que les besoins des Archives
Nationales soient garantis. C’est ce que j’ai demandé au Secrétariat général, à la Direction générale des patrimoines
et à l’OPPIC, qui a été chargé des premières étapes de la programmation immobilière. Cela suppose un dialogue étroit
avec l’ensemble des personnels et de leurs représentants, pour garantir que chacun trouvera sa place, sans mauvaise
surprise à l’arrivée.
C’est parce que je sais que rien ne se fera sans vous que la capacité d’action des DRAC sera préservée – je m’en suis
assurée. La réforme territoriale, engagée par le gouvernement, implique de fait la réorganisation de nos services déconcentrés. Elle entrera d’ailleurs dans sa phase opérationnelle cette année. Mais cette réorganisation ne se traduira pas
par moins d’Etat dans les territoires ; sa présence effective sera même renforcée à l’échelon départemental. Comment,
sans cela, faire en sorte que la culture soit partout chez elle sur le sol de France ?
Voeux de la ministre aux agents du ministère de la Culture et de la Communication - 14 janvier 2016
[Dialogue social]
C’est parce que je sais que rien ne se fera sans vous que je me réjouis enfin du dialogue social de qualité que nous
avons pu nouer. C’est la condition pour que chacun de vous se sente pleinement reconnu pour ses compétences et
dispose de bonnes conditions de travail. Sans ce dialogue, nous n’aurions pu préparer la réforme territoriale. Sans ce
dialogue, les conditions de travail des salariés de nos sous-traitants n’auraient pu progresser comme elles vont progresser. Nous avons signé deux accords avec vos organisations syndicales cette année. C’est pour moi un élément de
fierté, et je veux saluer l’esprit d’intérêt général qui a présidé à tous nos échanges et nos débats.
Comme chaque année, le Secrétaire général proposera très bientôt la liste des thèmes du dialogue social. Le programme
qui vous attend pour 2016 sera, je le sais, riche et fourni. Citons en particulier le décret-liste, le développement de
la diversité des recrutements, la gestion prévisionnelle des ressources humaines - à commencer cette année par les
emplois de recherche et l’archéologie – la mise en œuvre des réformes portées au niveau interministériel, comme le
nouveau régime indemnitaire.
Mes chers amis, cette politique culturelle, nous l’écrirons donc ensemble, dans les mois qui viennent, pour les années
qui viennent. Nous devrons faire face à des obstacles. On nous en opposera. Mais je ne redoute en rien l’ampleur de la
tâche. Car j’ai confiance en vous. J’ai confiance en votre capacité à porter avec moi cette ambition.
J’assume, avec vous, ce rôle de Ministre de la Culture pour la génération qui vient.
Je l’assume, parce que je suis convaincue que le projet collectif par lequel nous formons une Nation se noue à travers
la vie culturelle de notre pays. Je l’assume parce que notre pays en a plus que jamais besoin.
Un dernier mot encore, avant que les grandes orgues de la Philharmonie de Paris ne résonnent pour nous et pour la première fois – c’est un grand privilège. Merci Olivier Latrie. Il m’est difficile de conclure ces vœux sans évoquer la figure
tutélaire de Pierre Boulez, qui nous a quittés le 6 janvier dernier, et dont les obsèques seront célébrées cet après-midi.
Cette salle dans laquelle nous nous trouvons lui doit beaucoup. C’est à lui que je pense ce matin.
Boulez était un artiste hors norme. L’un des plus grands de son siècle. Il l’aura marqué de manière indélébile. Parce
que les œuvres qu’il a composées furent des ruptures dans l’histoire de la musique. Parce que sa direction d’orchestre
a renouvelé l’interprétation de très grandes partitions. Parce qu’il a su puiser son inspiration dans d’autres disciplines
et qu’il les a influencées en retour. Parce qu’il était un bâtisseur. Un bâtisseur infatigable de la culture. Avec l’IRCAM et
l’Ensemble Intercomporain, Il a donné à la création contemporaine le rayonnement qu’elle méritait. Avec la Cité de la
Musique et la Philharmonie de Paris, dont il a influencé la création, il a donné à la musique une place centrale dans la
vie de la cité.
Boulez disait : « il faut aussi rêver sa révolution, pas seulement la construire. » Je vous souhaite donc, pour 2016, du
concret et du rêve, de la joie et de la sérénité, de l’émerveillement et de l’enthousiasme. Je vous souhaite en un mot,
pour 2016, une vie culturelle riche, intense et accomplie. Car c’est là que s’éprouvent plus que jamais les ressorts de
notre existence et ceux de notre humanité.
Merci à vous.