Chapitre 5 - Précis d`anesthésie cardiaque
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Chapitre 5 - Précis d`anesthésie cardiaque
PAC • Précis d’Anesthésie Cardiaque CHAPITRE 5 PHYSIOPATHOLOGIE CARDIOVASCULAIRE Mises à jour : Avril 2014, Novembre 2015 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 1 Table des matières Couplage excitation – contraction 3 Déclenchement de la contraction 3 Relaxation et terminaison de l'effet 6 Stimulation β et β-blocage 9 Stimulation α–adré- et cholinergique 10 Croissance et apoptose 12 Insuffisance ventriculaire 14 Contraction myocardique 19 Physiologie 19 Situations pathologiques 20 Mécanique ventriculaire 22 Architecture fonctionnelle du VG 23 Contraction du VG 26 Squelette interne du VG 31 Relaxation diastolique 35 Contraction du ventricule droit 38 Notre cœur est-il une bonne pompe ? 41 Physiopathologie de la systole 55 Déterminants de la fonction systolique 55 Relation pression / volume 63 Couplage ventriculo-artériel 70 Fraction d’éjection 77 Adaptation à l'effort 79 Contrôle de la pression artérielle 80 Physiopathologie de la diastole 85 Relaxation et compliance 88 Dysfonction & insuffisance diastolique 93 Remplissage veineux 100 Régulation du retour veineux 100 Flux de remplissage 102 Précharge du cœur Interactions cardio-respiratoires Respiration spontanée Ventilation en pression positive Effets hémodynamiques Evaluation dynamique de la volémie Dysfonction ventriculaire gauche systolique Insuffisance du VG Remodelage ventriculaire Stimulation neuro-humorale Transport d'oxygène Fonction du VD et circulation pulmonaire Anatomie et physiopathologie Dysfonction du VD Hypertension pulmonaire (HTP) Le monoxyde d'azote (NO) Perfusion et ischémie coronarienne Anatomie des coronaires Flux coronarien Apport et demande d’O2 Sténose coronarienne Collatérales et phénomène de vol Ischémie myocardique et infarctus Hibernation et lésions de reperfusion Préconditionnement Infarctus postopératoire Conclusions Bibliographie Auteur 104 110 110 114 119 124 128 128 132 138 141 144 144 153 156 168 171 171 173 179 183 189 190 196 199 203 208 209 224 Un aperçu du fonctionnement cellulaire, du mécanisme de la contraction ventriculaire et de la régulation hémodynamique est nécessaire pour en comprendre les dérèglements. Ce chapitre est donc consacré à une revue succincte de la physiologie cardiaque, ainsi qu’à un rappel de la physiopathologie de l’insuffisance ventriculaire et de l’ischémie myocardique. Le fonctionnement cardiaque est envisagé en relation avec les vaisseaux qui l’alimentent (remplissage) ou dans lesquels il éjecte (couplage ventriculo-artériel), ainsi qu’en interaction avec la respiration et la ventilation mécanique. Comme les traités d’électrocardiographie sont nombreux et le plus souvent excellents, l’électrophysiologie n’est pas abordée dans ce chapitre (voir Chapitre 20 Anesthésie et arythmies). Le propos de ces quelques éléments de physiologie est de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques en jeu afin d’assurer une meilleure prise en charge des patients en anesthésie et en réanimation. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 2 Couplage de l'excitation et de la contraction myocardiques Pour coordonner la contraction myocardique au niveau cellulaire, il existe trois systèmes neurohumoraux comprenant chacun 1) un messager extracellulaire, 2) un récepteur membranaire et 3) une cascade de transmetteurs intracellulaires qui règlent les variations de concentration du calcium ionisé [Ca2+]i dans le sarcoplasme [428]. Système β-adrénergique • Messager extracellulaire : amines β (isoprénaline, dobutamine, dopamine, adrénaline) • Messager intracellulaire (2ème messager) : adénosine-monophosphate cyclique (AMPc) • Effet cellulaire : augmentation de [Ca2+]i • Effet clinique : augmentation de la contractilité myocardique, vasodilatation artérielle Système α-adrénergique • Messager extracellulaire : amines α (noradrénaline, adrénaline, phényléphrine) • Messager intracellulaire (2ème messager) : inositol-triphosphate (IP3) • Effet cellulaire : augmentation de [Ca2+]i • Effet clinique : augmentation de la contractilité, vasoconstriction artérielle Système cholinergique • Messager extracellulaire : acétylcholine, NO• • Messager intracellulaire : guanosine-monophosphate cyclique (GMPc) • Effet cellulaire : diminution de [Ca2+]i • Effet clinique : diminution de la contractilité myocardique, vasodilatation artérielle Le cœur d'un jeune adulte est constitué pour 70% de myocytes ; la moitié du contenu de ceux-ci est constitué de protéines contractiles et le quart de mitochondries. La proportion de myocytes et de fibrocytes varie avec l'âge; elle est de 30/70 chez le nouveau-né, de 60/40 chez l’adulte et décline à 40/60 chez le vieillard [289]. Bien que ne représentant que 0.6% du poids du corps, le cœur consomme 11% de l’énergie totale de l’organisme. Déclenchement de la contraction La membrane des myocytes présente de longues et fines invaginations, les tubules T, qui amènent le liquide extracellulaire au voisinage des organelles intracellulaires. Les récepteurs membranaires, qui sont situés sur ces tubules T, se trouvent donc tout proches du réticulum sarcoplasmique (RS) et des mitochondries. Deux voies sont possibles pour déclencher une contraction myocardique et gérer son intensité : les récepteurs β et les canaux calciques L. Voie des récepteurs β Le récepteur β est un complexe protéique de sept spires à cheval sur la membrane cellulaire (Figure 5.1). Il est très stéréospécifique : il faut une configuration moléculaire précise pour le stimuler (la meilleure spécificité est celle de l’isoprénaline). Il possède aussi une haute affinité : de faibles concentrations circulantes de catécholamines (10-9-10-10 mol/L) suffisent à déclencher la stimulation. Il comprend des zones fonctionnant comme agonistes et des zones dont la stimulation induit un effet antagoniste. Il est couplé à deux protéines G intracellulaires, l’une stimulatrice (Gs) et l’autre inhibitrice (Gi) (il existe plusieurs types de protéines G dont les principaux sont les types Gs, Gi et Gq). Il possède également des points dont la phosphorylation induit sa désensibilisation par découplage de la protéine Gs [290,428]. Dans les ventricules, le 80% des récepteurs est de type β1, à effet essentiellement inotrope positif, alors que dans les oreillettes la proportion est de 60% β1 et 40% β2 (respectivement inotrope et Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 3 chronotrope) [97,205]. Ainsi une catécholamine à effet β1 pur comme la dobutamine a un effet essentiellement inotrope, alors que les catécholamines à effet β2 provoquent en plus une tachycardie. La plupart des récepteurs β non-cardiaques sont de type β2 ; leur stimulation cause une vasodilatation artérielle et une accélération métabolique. Dans un cœur normal, les récepteurs β2 et α1 représentent environ 10% chacun de la population totale. Il existe encore des récepteurs β3 (1%) qui ne sont actifs que lors de fortes stimulations sympathiques ou dans l’insuffisance ventriculaire ; ils ont un effet inotrope négatif et servent à limiter l’effet cardiostimulant des β1 et β2 [41,312]. Figure 5.1 : Configuration d’un récepteur β. Il présente une structure en sept spires à cheval sur la membrane cellulaire. La stimulation de certaines zones a un effet agoniste, alors que celle d’autres zones a un effet antagoniste. Gs : protéine G stimulatrice. Gi : protéine G inhibitrice. P: points de phosphorylation pour la β-ARK (β-AgonistReceptor-Kinase) qui désactive le récepteur (voir texte). Domaine extracellulaire β agoniste β antagoniste + + + + + Gs Domaine cytoplasmique Gi P β−ARK P © Chassot 2012 Lorsqu’il est stimulé, le récepteur β1 active la protéine Gs qui stimule un enzyme, l’adénylate-cyclase, seul capable de produire de l'AMPc (second messenger) à partir de l’adénosine-triphosphate (ATP) (Figure 5.2) [290]. L'AMPc, produit en concentration minime (10-10 mol/L), active la protéine-kinase A (PK-A) qui va induire la phosphorylation de plusieurs protéines et enzymes intracellulaires, dont les récepteurs ryanodine (R-Ry) situés sur le réticulum sarcoplasmique (RS) ; ces derniers, une fois activés, permettent la libération de Ca2+ à partir du RS [22]. Les R-RY sont inhibés par le tacrolimus et le sirolimus utilisés dans les stents actifs. Le taux d'AMPc est maintenu très bas par l’activité des phospho-diestérases-3 (PDE-3), qui sont responsables de la dégradation de l'AMPc en AMP inactif. Leur inhibition par les anti-PDE-3 (amrinone, milrinone) maintient un taux élevé d'AMPc par un circuit indépendant des récepteurs β, et provoque de ce fait un effet inotrope positif non-catécholaminergique. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 4 Figure 5.2 : Schématisation du couplage excitation contraction myocardique par la voie des récepteurs β et par celle des canaux calciques L dépendant de la dépolarisation systolique (ΔV de l’onde QRS) (description détaillée dans le texte). Gs : protéine G stimulatrice. Gi : protéine G inhibitrice. cAMP : adénosine monophosphate cyclique. ATP : adénosine triphosphate. RS : réticulum sarcoplasmique. R-Ry : récepteurs ryanodine. ++ [Ca ] 10 ++ Récepteur β1 β2 - Canal Ca ΔV dépendant Echange + ++ Na /Ca [Ca ] [Ca ] 3 Adénylate cyclase Gs Gi ++ ++ ATP Phosphodiestérases AMP cAMP P ↑ [Ca ] ++ Protéine-kinase A Mi t P Récepteurs ryanodine RS ++ ↑ [Ca ] -3 ++ [Ca ] 10 Troponine C R-Ry -5 10 ++ [Ca ] -6 10 -7 Actine - myosine 10 © Chassot 2012 Voie des canaux calciques L La dépolarisation électrique de la membrane cellulaire par le potentiel d’action ouvre les canaux calciques L, ou canaux voltage-dépendents, pendant 0.2 msec [418]. Une petite quantité de Ca2+ pénètre alors dans la cellule, et a pour effet de stimuler une libération de Ca2+ par le RS qui est 100 fois plus importante (calcium-induced calcium release) ; cette libération se fait par les récepteurs ryanodine (R-RY). Ce système amplificateur, qui prend 40-100 msec à une fréquence cardiaque de 60/min, permet d’obtenir une élévation importante de la concentration de Ca2+ libre dans le cytoplasme sans pour autant requérir un important passage de Ca2+ à travers la membrane cellulaire [22]. Variations de la [Ca2+] Seule une fraction minime du Ca2+ entre et sort du cardiomyocyte lors de la contraction; la majeure partie (> 90%) ne fait que des allers-retours entre le cytoplasme et le RS. Dans ce dernier, la [Ca2+] est la plus élevée de la cellule: 10-3 M; elle est voisine de celle qui règne à l’extérieur de la membrane cellulaire [21]. Au repos, la [Ca2+]i est très basse: 10-7 M; elle s'élève à 10-5 M pendant 50-200 msec en systole. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 5 L’intensité de la contraction myocardique est fonction directe de l’amplitude de la variation du taux de Ca2+ libre dans le sarcoplasme. L’ajustement global de la quantité de Ca2+ présent dans la cellule se fait par deux voies : les canaux calciques L qui laissent entrer le Ca2+ lors du potentiel d’action ; les canaux Na+-Ca2+ qui échangent le Ca2+ et le Na+ et rejettent le premier à l’extérieur pendant la diastole. Ces canaux ne sont responsables que du 7-8% du trafic calcique total. La capacité des mitochondries à repomper le Ca2+ est très limitée, car une concentration trop élevée de Ca2+ y freine la production d’ATP ; la [Ca2+]m y est voisine de celle du cytoplasme. Le calcium ionisé libéré par la stimulation se fixe sur la troponine-C (TnC), ce qui modifie la configuration de la tropomyosine liée à l’actine et lève l'inhibition mécanique que cette dernière exerce sur le complexe actine-myosine ; la contraction est déclenchée (voir Contraction myocardique). Une stimulation β augmente ce processus : c’est l’effet inotrope positif. La stimulation β a aussi la propriété de faciliter la phosphorylation de la troponine I (TnI inhibitrice) par la PK-A et la PK-C générées par l'AMPc ; la TnI abaisse l’affinité de la TnC pour le Ca2+, ce qui facilite leur dissociation à la fin de la systole. Cette amélioration de la relaxation diastolique correspond à l’effet lusitrope positif des amines [266]. L'énergie consommée pendant la contraction est fournie par hydrolyse de l'ATP au moyen d'une ATPase qui fait partie de la myosine et dont l'activité est elle aussi réglée par le taux de Ca2+. Déclenchement de la contraction Deux voies: récepteurs β (catécholamines) et canaux calciques L (dépolarisation électrique). Récepteurs intraventriculaires (cœur normal): 80% de récepteurs β1 (effet inotrope positif), 10% de récepteurs β2 (effet chronotrope) et 10% de récepteurs α1 (inotrope positif). La stimulation β et/ou électrique provoque l'activation de l'AMPc et une libération de Ca2+ à partir du réticulum sarcoplasmique. Lorsque la [Ca2+] passe de 10-7 M à 10-5 M dans le cytoplasme, la contraction musculaire est déclenchée. Relaxation et terminaison de l’effet La relaxation est assurée par le repompage du Ca2+ libre par le RS au moyen d’un enzyme appelé SERCA (SarcoEndoplasmic Reticulum Ca ATPase) qui constitue le 90% du contenu protéique du RS (Figure 5.3). L’activité de ce dernier est normalement inhibée par le phospholamban. C’est la phosphorylation du phospholamban par la protéine-kinase C (PK-C) activée par l'AMPc qui lève cette inhibition et permet la diastole [199]. La stimulation β accélère donc la chute de la [Ca2+]i dont elle avait provoqué l'augmentation et facilite la relaxation diastolique. Le SR est ainsi rechargé en Ca2+, ce qui assure une réserve pour pouvoir en libérer une quantité suffisante lors de la stimulation suivante. Le phospholamban, qui inhibe la recapture du Ca2+, agit donc comme un répresseur critique de la relaxation et de la contractilité ; il est particulièrement actif dans l’insuffisance ventriculaire [208]. La recapture du Ca2+ par le RS est un processus qui consomme de l’ATP ; elle représente 15% de la consommation d’O2 de la cellule myocardique [96]. Lors de tachycardie, la fréquence élevée et la briéveté de la diastole dépassent les capacités de repompage du Ca2+ ; celui-ci s’accumule et augmente ainsi la force de contraction. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 6 Figure 5.3 : Schématisation de la relaxation diastolique et de la baisse de la concentration de calcium ionisé dans le sarcoplasme ([Ca++]i) (description détaillée dans le texte). Gs : protéine G stimulatrice. Gi : protéine G inhibitrice. cAMP : adénosine monophosphate cyclique. ATP : adénosine triphosphate. RS : réticulum sarcoplasmique. R-Ry : récepteurs ryanodine. SERCA : SarcoEndoplasmic Reticulum Ca ATPase. ++ [Ca ] 10 Adénylate cyclase ++ Récepteur β1 β2 -3 Gs Canal Ca ΔV dépendant Echange + ++ Na /Ca [Ca ] [Ca ] Gi ++ ++ ATP Phosphodiestérases AMP cAMP ↓ [Ca Protéine-kinase C ++ ] P P Mi t Phospholamban SERCA ++ ↓ [Ca ] ++ -3 [Ca ] 10 Troponine C R-Ry -5 10 ++ [Ca ] -6 10 -7 Actine - myosine 10 © Chassot 2012 Un système aussi complexe de va-et-vient du Ca2+ pourrait facilement s’emballer s’il n’existait pas une série de freins. Trois rétro-actions permanentes permettent de maintenir la stabilité de la contraction myocardique (Figure 5.4). La stimulation du récepteur β déclenche secondairement l’activité d’un enzyme inhibiteur (βAgonist-Receptor-Kinase ou β-ARK, actuellement appelé complexe GRK2 – GRK5) qui découple le récepteur de la protéine Gs et bloque ainsi la synthèse de l'AMPc. Elle sensibilise également le récepteur aux arrestines, protéines qui découplent la protéine Gs de l’adénylatecyclase, ce qui aboutit également à la chute de l'AMPc. La PK-A et la PK-C elles-mêmes contribuent au processus en phosphorylant une spire intracellulaire du récepteur β. Ces systèmes agissent dans l’ordre de la minute ; une stimulation β induit donc très rapidement un frein limitant les risques de surexcitation [175]. La persistance d’un taux élevé de Ca2+ libre dans le cytoplasme active la calmoduline qui stimule les PDE-3 (dégradation accélérée du cAMP). Ce mécanisme se met en place en 10 minutes environ. Lorsque la stimulation β est prolongée, le récepteur est internalisé, et les lysosomes du sarcoplasme le fragmentent. Cela prend de 8 à 24 heures [163]. Alors que les deux premiers processus correspondent à une désensibilisation aiguë, ce dernier est un phénomène chronique qui est à la base de la dérégulation (downregulation) des récepteurs [41]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 7 Le renouvellement des récepteurs β est constant. Leur demi-vie moyenne est de 8 à 12 heures [37,38]. Même si leur nombre n’est pas modifié, leur sensibilité aux catécholamines peut varier considérablement selon les circonstances ; après une CEC, par exemple, la réponse à l’isoprénaline est diminuée de 30% [407a]. Le système des récepteurs membranaires est donc très dynamique et très modulable en fonction du taux de catécholamines circulantes, le but étant de maintenir l’homéostasie de la contraction myocardique. Il est prévisible que la réponse aux catécholamines sera variable dans le temps et sera rapidement atténuée en cas d'administration prolongée. Figure 5.4 : Schématisation de l’inhibition du système des récepteurs β par la β-ARK (β-AgonistReceptor-Kinase) et les arestines, par la calmoduline et par internalisation du récepteur (description détaillée dans le texte). Gs : protéine G stimulatrice. Gi : protéine G inhibitrice. cAMP : adénosine monophosphate cyclique. ATP : adénosine triphosphate. RS : réticulum sarcoplasmique. R-Ry : récepteurs ryanodine. SERCA : SarcoEndoplasmic Reticulum Ca ATPase. Récepteur β1 β2 Adénylcyclase Gs Internalisation Gi Gs β−ARK ↓ cAMP Arrestines PDE-3 ↑ [Ca ] ++ Calmoduline R-Ry ++ [Ca ] SERCA Troponine C R-Ry -5 10 ++ [Ca ] -6 10 -7 Actine - myosine 10 © Chassot 2012 Les récepteurs β1 et β2 déclenchent tous deux des effets inotrope et lusitrope positifs, mais par des voies différentes (Tableau 5.1) [428]: β1 : Gs → cAMP → PK-A ; β2 : polymorphisme de proteines G stimulées ; Gs → cAMP → PK-A ; Gi → PLC → PK-C ; Gq / Gγ → canaux KATP, effets cytoprotecteurs et anti-apoptotiques. Les récepteurs β3 sont liés à la protéine Gi et au NO• ; ils déclenchent une voie qui mène au cGMP et à la PK-G à effet inotrope négatif ; ils réduisent les variations de [Ca2+]i. Leur nombre et leur expression, normalement non significatifs, sont fortement accentués dans le ventricule insuffisant [5]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 8 Relaxation et terminaison de l'effet Pendant la diastole le réticulum sarcoplasmique repompe le Ca2+ et se recharge pour la systole suivante. Cette activité est inhibée par le phospholamban. Trois systèmes permettent de limiter les effets d'une stimulation β. - Déclenchement rapide (1 minutes) d'un enzyme inhibiteur du récepteur β (β-ARK) - Stimulation des phosphodiestérases qui catabolisent l'AMPc (10 minutes) - Internalisation et destruction du récepteur β (24 heures) (downregulation) La demi-vie des récepteurs β est de 8-24 heures. Leur taux et leur activité sont très modulables, ce qui tend à atténuer l'effet des catécholamines avec le temps. Tableau 5.1 Voies de signalisation intracellulaire Récepteurs Voies de signalisation Fonctions et effets β1 Gs – AC – cAMP – PKA inotrope, lusitrope, chronotrope β2 Gs – AC – cAMP – PKA Gi – PLC – DAG – PKC Gγ - PI3K – PDK – PKB inotrope, lusitrope, chronotrope, vaso- bronchodilatation β3 Gi – PLC – DAG – PKC Gi – NO – GC – cGMP - PKG inotrope négatif α1 Gq – PLC – IP3 – Ca2+ inotrope positif vasoconstriction α2 Gi – AC (inhibition) inhibition sympathique présynaptique Abbréviations. Gs : protéine G stimulatrice. Gi : protéine G inhibitrice. AC : adénylate-cyclase. PKA (PKB, PKC, PKG): protéine kinase A (B, C, G). PLC : phospholipase C. DAG : diacylglycérol. PI3K : phosphoinositide 3 kinase. PDK : phosphoinositide dependent kinase. GC : guanylyl cyclase. IP3 : inositol triphosphate (d’après réf. 428). Stimulation β et β-blocage Les catécholamines β vont stimuler le récepteur en fonction de leur stéréo-spécificité, et déclencher la cascade d’évènements conduisant à l’élévation du taux d'AMPc et de protéine-kinase A (PK-A), et à la libération de Ca2+ par les canaux ryanodine du RS. La PK-A va également activer les canaux calciques L, ce qui amplifie l’effet de la stimulation par dépolarisation membranaire. Le résultat est une amplification des variations de la [Ca2+]i et donc une stimulation de la contraction accrue des myofibrilles ; dans une préparation isolée, leur vélocité de contraction augmente de 40%. La stimulation de la protéine-kinase active également la phosphorylation du phospholamban, ce qui lève le frein que ce dernier exerce sur la SERCA : la recapture du Ca2+ par le RS est facilitée, d’où l’effet lusitrope des catécholamines. La séquence complète de ces événement est réalisée en 15 secondes Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 9 environ [290]. La stimulation adrénergique agit presque exclusivement par une intensification des variations de la [Ca2+]i : la puissance augmente, la relaxation est favorisée, les variations sont plus rapides et l’accélération du rythme devient possible [428]. Les modifications aiguës de la performance ventriculaire sont presque entièrement assurées par le système de stimulation β. Mais une stimulation β continue comme une perfusion de catécholamine, par exemple, va également mettre en marche les systèmes inhibiteurs de la β-ARK et de la calmoduline ; sur un cœur sain, la tolérance s’installe alors en moins d’une heure [175]. L’internalisation et la régulation à la baisse (down-regulation) des récepteurs β est l’affaire de 24 heures à quelques jours [41]. Il est donc naturel qu’il n’y ait pas de dosage fixe pour les catécholamines, et que l’efficacité de ces substances se modifie rapidement avec le temps. Il en est de même lors de la stimulation sympathique chronique engendrée par l’insuffisance cardiaque. Les β-bloqueurs occupent les récepteurs sans les stimuler, ce qui inhibe tout le système. Mais ils diminuent aussi l’expression de la β-ARK et augmentent de ce fait la sensibilité des récepteurs β à toute nouvelle stimulation importante. D’autre part, le nombre de récepteurs augmente sous β-blocage, et leur demi-vie est prolongée (up-regulation), car la cellule tend à ré-équilibrer son fonctionnement. A l’arrêt des β-bloqueurs, elle est hypersensible aux catécholamines circulantes pendant quelques jours puisqu’elle dispose momentanément de trop de récepteurs. Comme les récepteurs β-adrénergiques présentent un important polymorphisme génétique, la réponse aux catécholamines et aux β-bloqueurs peut varier significativement entre les populations. Bien qu’il ne soit pas une cause directe de maladie, ce polymorphisme est un facteur de risque cardiovasculaire majeur, notamment dans le degré de protection offert par les β-bloqueurs en périopératoire ou dans l’efficacité de la réponse aux agents inotropes en cas de défaillance ventriculaire [407a]. Administration de catécholamines β La stimulation des récepteurs β provoque une augmentation de la [Ca2+]i et une activation des mouvements de Ca2+ à partir du réticulum sarcoplasmique (effets inotrope, lusitrope et chronotrope positifs). Une stimulation catécholaminergique continue met en marche les systèmes inhibiteurs, ce qui tend à atténuer rapidement l'effet des amines. Stimulations α-adrénergique et cholinergique Le système α-adrénergique est présent essentiellement dans la musculature lisse des vaisseaux, où il induit une vasoconstriction, et ne présente qu’un rôle mineur dans la contraction myocardique (Figure 5.5) ; il représente moins de 10% de tous les récepteurs adrénergiques du coeur. Toutefois, son effet inotrope positif devient significatif en cas d’insuffisance ventriculaire, lorsque le taux de récepteurs β est diminué [174]. Le récepteur α est lié à une protéine G particulière (Gq) qui active la phospholipase C (PL-C), laquelle active un 2ème messager spécifique, l’inositol-triphosphate (IP3) conduisant à l’activation de la PK-C (Tableau 5.1). Cette voie est donc indépendante de celle des récepteurs β ; elle reste fonctionnelle lorsque les récepteurs β sont désensibilisés (β-blocage, insuffisance ventriculaire chronique) [399]. La phospholipase C est également activée par l’angiotensine II et l’endothéline qui ont un effet vascoconstricteur sur les vaisseaux périphériques, et un effet stimulant sur la synthèse protéique et l’hypertrophie des cellules myocardiques [145]. La surexpression de la protéine Gq est typiquement présente dans la cardiomyopathie dilatative [338]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 10 Le système cholinergique comprend un récepteur muscarinique (M2) sensible à l’acétylcholine circulante (Figure 5.6). La stimulation de ce système, qui passe par la protéine G inhibitrice (Gi), a pour effet d'augmenter la synthèse de NO•, de freiner la libération de cAMP et de stimuler celle de cGMP. Ce dernier a un effet inotrope négatif et vasodilatateur car il abaisse la [Ca2+]i [352]. Dans le nœud du sinus, il inhibe la dépolarisation spontanée et provoque une bradycardie. Figure 5.5 : Schématisation de la stimulation α. Par l’intermédiaire de la protéine Gq, le récepteur α active la phsopholipase C et le 2ème messager IP-3 (inositoltriphosphate) ; il s’ensuit une libération du Ca2+ à partir du réticulum sarcoplasmique (RS), sans activation des canaux L. L’augmentation de la [Ca2+]i provoque la contraction de la musculature lisse. La phospholipase C peut être activée par d’autres récepteurs membranaires, tels ceux de l’angiotensine II et de l’endothéline. Dans le cœur, les récepteurs α ont un effet inotrope positif ; ils représentent le 10% des récepteurs catécholaminergiques du ventricule ; cette proportion augmente en cas de régulation à la baisse des récpteurs β (insuffisance ventriculaire). Canal KATP Récepteur α Gi Gq Angiotensine II Endothéline Phospholipase C IP-3 ↑ [Ca ] ++ P ++ [Ca ] ATP RS [CaS ] 10 ++ -3 S Contraction de la musculature lisse © Chassot 2012 Le NO• est libéré par l’endothélium vasculaire lorsque le flux sanguin est augmenté ou la charge cardiaque accrue. Il facilite la transmission cholinergique à la terminaison nerveuse et dans la cellule par la production de cGMP qui est le principal transmetteur parasympathique ; il inhibe le trafic de Ca++ intracellulaire. L’exercice et l’entraînement augmentent la production de NO• [297] ; il est possible que de petites « bouffées » de NO• soient libérées pendant la diastole pour la prolonger et améliorer le remplissage ventriculaire [306]. La sécrétion permanente de NO• par l’endothélium est un élément essentiel dans le maintien actif de la vasodilatation physiologique des vaisseaux pulmonaires. Il existe donc de multiples réseaux de signalisation intracellulaire dont le but est de régler finement les variations de la concentration en Ca++ ionisé. Ils permettent d’amplifier les signaux faibles et de limiter les signaux excessifs, ce qui assure à la cellule un fonctionnement stable malgré les oscillations du milieu. Leur redondance garantit une grande sécurité de fonctionnement. Contrôler cet équilibre des stimulations sympathique et parasympathique pendant le stress chirurgical est une des tâches majeures de l’anesthésiste. En effet, le degré d’activité du système sympathique est un des prédicteurs majeurs de mortalité [111]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 11 Récepteur muscarinique Figure 5.6 : Schématisation de la stimulation cholinergique. L’acétylcholine se fixe sur le récepteur M2, couplé à une protéine G inhibitrice (Gi) ; il s’ensuit une sécrétion de NO• et de GMPc et une baisse de AMPc. Le résultat est une diminution de la [Ca2+]i. Le résultat est un effet inotrope négatif dans le ventricule, une bradycardie au niveau du noeud sinusal (inhibition de la dépolarisation spontanée par l’ouverture du canal KG) et une vasodilatation dans les vaisseaux. Acétylcholine NO • ATP ++ Canal KACh Canal Ca ΔV dépendant M2 Gi GTP NO ↓ cAMP P • [Ca ] ++ cGMP ↓ [Ca ] ++ ++ [Ca ] ATP RS ++ -3 [Ca ] 10 Musculature lisse contractée → relâchée © Chassot 2012 Stimulations α-adrénergique et cholinergique Les récepteurs α provoquent une augmentation de la [Ca2+]i et une contraction de la musculature lisse des vaisseaux. Dans le cœur, ils ont un effet inotrope positif indépendant de la voie des récepteurs β. La stimulation cholinergique (acétylcholine, NO•) libère le GMPc et diminue la [Ca2+]i; elle conduit à une relaxation de la musculature lisse et à un effet inotrope négatif. Le NO• est sécrété par l'endothélium vasculaire proportionnellement à la tension de paroi, à la pulsatilité et aux forces de cisaillement. Il provoque une vasodilatation. Croissance et apoptose La vie de toute cellule est un équilibre dynamique entre les facteurs qui assurent sa croissance et les processus qui programment sa mort (apoptose). L’hormone de croissance, l’insuline et l’angiotensine II sont les principaux facteurs anabolisants qui stimulent la transcription du mRNA et la synthèse protéique ; outre la croissance cellulaire, ils sont responsables de l’hypertrophie des myocytes et de l’hyperplasie des fibroblastes en réponse à une surcharge de pression ou de volume [78,416]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 12 La programmation des gènes, les mutations, les erreurs de transcription, les irradiations (ionisantes, UV), les polluants et les accidents comme l’ischémie ou l’hypoxie aboutissent à la formation de protéines dysfonctionnelles et à l’intoxication par des superoxydes. En effet, 12% des électrons qui suivent la chaîne d’oxydo-réduction dans la mitochondrie s’échappent dans le cytoplasme et donnent naissances à des ROS (Reactive Oxygen Species) ou superoxydes (radicaux libres : O2•-, NO•, H2O2, OH•) toxiques pour les protéines et les lipides [69,84]. Ils sont normalement réduits par des enzymes (superoxide dismutase), mais, en trop grande quantité, ils lèsent le DNA et le RNA de la cellule, ce qui conduit à des mutations et à des erreurs de transcription qui s’accumulent avec l’âge [84,262]. Dans les cellules myocardiques ischémiques et dans celles de ventricules insuffisants ou dilatés, on trouve un excès de cytochrome C et de cytokines échappés des mitochondries, dont la production d’ATP est fortement diminuée (Figure 5.7) [118]; accompagnées de ROS, ces substances activent des enzymes, les caspases, qui sont responsables de la lyse cellulaire. Lorsque ces caspases sont en petit nombre, l’apoptose est simplement accélérée, mais lorsque leur activation est massive, la nécrose de la cellule s’ensuit. Par l’ouverture plus ou moins large des canaux qui règlent la sortie des ROS et du cytochrome C (canaux MPTP), la mitochondrie joue un rôle clef dans la décision de survie ou de mort de la cellule [84]. Figure 5.7 : Schématisation de l’apoptose. La mitochondrie laisse fuir (par le canal MPTP) des agents oxydants comme le cytochrome C, les ROS (Reactive Oxygen Species) ou superoxydes et des cytokines, qui vont freiner la synthèse d’ATP et activer les caspases qui digèrent la cellule (voir description détaillée dans le texte). e• : chaîne d’oxydoréduction de la mitochondrie. MTPT : mitochondrial permeability transition pore. Le préconditionnement prévient partiellement l’apoptose en agissant sur deux points au niveau des mitochondries : 1) ouverture des canaux potassiques dépendants de l’ATP (KATP), ce qui diminue la charge en calcium ionisé (Ca2+) dans le cytosol mitochondrial, et 2) fermeture des canaux de perméabilité MPTP, ce qui diminue le taux de capsases cytoplasmiques [426,427]. Ischémie Mitochondrie ATP Peroxidation lipides ROS e • - Oxydation DNA Super O dismutase Cytochrome C Transcription de gènes apoptotiques ↑ ROS Canal MPTP Canal KATP Cytokines ↓ ATP Caspase s ↑ [Ca ] ++ Transitoire: apoptose Définitif: nécrose Insuff ventric Préconditionnement Actine - myosine © Chassot 2012 MPTP: mitochondrial permeability transition pore Les ROS produits dans les cellules myocardiques et vasculaires, ainsi que dans les leucocytes, sont au centre des lésions d’ischémie et de reperfusion (voir Lésions de reperfusion). Ils sont également libérés par la CEC et par certaines substances. Leur production est liée à la sidération, à la nécrose et aux arythmies. Bien que de nombreuses études animales aient montré que leurs dégats peuvent être Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 13 diminués par des antioxydants (allopurinol, mannitol, N-acétylcystéine, déferoxamine, vitamines C et E), aucun bénéfice sur la morbi-mortalité n’a été constaté dans l’utilisation clinique de ces substances [196a]. Certains agents d’anesthésie comme le propofol se sont révélés être des anti-oxydants, sans toutefois présenter d’effet cardioprotecteur significatif. Les halogénés, qui ont un effet cardioprotecteur par le biais du préconditionnement (voir Préconditionnement), ont la particularité de déclencher la production de ROS en petites quantités. Il semble ainsi que les ROS soient protecteurs à concentration physiologique (comme l’est le NO•) et toxiques lorsque leur présence dépasse les possibilité de contrôle de la cellule. Croissance et apoptose L’hormone de croissance, l’angiotensine II et l’insuline sont les principaux agents anabolisants (hypertrophie des myocytes, hyperplasie des fibrocytes). Les superoxydes (ROS : Reactive Oxygen Species) sont des sous-produits toxiques de l’oxydo-réduction mitochondriale, normalement inhibés par les anti-oxydants cellulaires. Produits en trop grande quantité (mutations, polluants, ischémiereperfusion), ils conduisent à l’apoptose et à la nécrose. Insuffisance ventriculaire Au niveau cellulaire, l’insuffisance ventriculaire se caractérise par de nombreux dysfonctionnements, dont les quatre principaux sont directement liés aux processus précédemment décrits (Figure 5.8). La recapture du Ca2+ par le RS est diminuée à cause d'une suractivité du phospholamban, qui inhibe l’activité de la SERCA [40,208,272]. Les réserves de Ca2+ du RS sont insuffisantes pour assurer un relargage adéquat lors de la systole (faible calcium-induced calcium release). Les récepteurs R-Ry laissent fuir du Ca2+ en diastole, ce qui surcharge de cytoplasme [242]. L’activité de la β-ARK est excessive à cause de la stimulation sympathique β permanente. Le récepteur β est découplé de la protéine Gs, donc la chaîne qui mène à la synthèse d'AMPc devient insuffisante. L’activité de la protéine Gi (inhibitrice) est prépondérante [179]. Sur les récepteurs β, la protéine G inhibitrice a un effet prédominant ; de ce fait, la quantité d’AMPc synthétisé est moindre, ce qui conduit à une plus faible quantité de Ca2+ libéré dans le sarcoplasme lors de chaque stimulation. Les variations de la concentration de Ca2+ sont moins amples, et la force de contraction des myofibrilles diminue. La sur-stimulation sympathique chronique entraîne une désensibilisation et une diminution du nombre des récepteurs β1 (down-regulation). Ils représentent moins de 40% du total des récepteurs (au lieu de 80%, une diminution de moitié) [311]. La proportion des récepteurs β2 (chronotropes positifs) augmente à 40% et celle des récepteurs α1 (inotropes positifs) à 20% ; les récepteurs β3, inotropes négatifs couplés au NO•, sont beaucoup plus nombreux [29,38,39,41,360]. Ces phénomènes conduisent à une diminution de la réserve en Ca2+ du RS et à une diminution de l’amplitude des variations de la [Ca2+]i. La force de contraction en est affaiblie d’autant (insuffisance systolique). La stagnation du Ca2+ dans le sarcoplasme conduit à une insuffisance diastolique et à une accumulation de Ca2+ dans les mitochondries, ce qui abaisse la production d’ATP [235]. Le cœur défaillant retourne à une expression génique de type fœtal, dont un marqueur est la production excessive de Brain natriuretic peptide (BNP) par le ventricule. Celui-ci perd de son efficacité énergétique en mobilisant trop d’acides gras pour son métabolisme à cause de la sur-stimulation sympathique [235,429]. Le taux de noradrénaline dans le sinus coronaire de cœurs en insuffisance congestive est de 50 fois la norme, ce qui indique bien que le myocarde ne répond plus correctement à la stimulation sympathique [428]. Le NO• a une relation biphasique avec la fonction myocardique : Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 14 une faible et constante production de NO• est bénéfique au fonctionnement cellulaire systolique et diastolique ; elle a une action cardioprotectrice et vasodilatatrice. Une production élevée, au contraire, inhibe la respiration mitochondriale, freine la contractilité, bloque l’activité des amines β et induit une vasoplégie massive [104]. ++ Figure 5.8 : Schéma des modifications du couplage excitation – contraction en cas d’insuffisance ventriculaire. Les variations de la ([Ca++]i) sont diminuées par une série de processus (voir description détaillée dans le texte). Canal Ca ΔV dépendant Récepteurs β ↓ ↑ βARC G s Echange + ++ Na /Ca Gi G i [Ca ] ++ [Ca ] ++ ATP Phosphodiestérases AMP P cAMP ↓ Protéine-kinase A ++ ↓ Δ [Ca ] Mit P R-Ry Phospholamban ++ ++ ↓ Δ[Ca ] SERCA R S ↑ [Ca ] ↓ ATP ++ ↓ [Ca ] R-Ry Troponine C ++ [Ca ] -5 10 -6 10 -7 Actine - myosine 10 © Chassot 2012 Dysfonction ventriculaire Au niveau cellulaire, l'insuffisance ventriculaire se caractérise par: - Activité excessive du phospholamban: inhibition des mouvements du Ca2+ du réticulum sarcoplasmique - Activité excessive de la β–ARK: inhibition des récepteurs β - Hyperactivité de la protéine inhibitrice Gi et frein de la synthèse d'AMPc (baisse de Ca2+) - Désensibilisation et baisse du taux de récepteurs β (downregulation) La concentration myocardique des récepteurs β1 baisse de moitié. La compensation est une augmentation du taux de récpeteurs β2 (chronotropes et inotropes positifs) et α (inotropes positifs). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 15 Traitement de l’insuffisance ventriculaire: les β-bloqueurs Les β-bloqueurs font très logiquement partie de la première ligne de traitement de l’insuffisance cardiaque parce qu’ils contrecarrent plusieurs dysrégulations pathognomoniques de la dysfonction du ventricule (Figure 5.9) [38,294,424]. Diminution de l’activité de la β-ARK ; cet effet rétablit la sensibilité des récepteurs β aux catécholamines endogènes. Maintien du nombre des récepteurs β par compétition avec l’excès d’amines circulantes qui induisent une baisse des β1 myocardiques. Augmentation de l’activité de la SERCA, donc accélération de la recapture du Ca2+ par le RS, et diminution de la fuite diastolique de Ca2+ par les canaux R-Ry. La contraction et la fonction diastolique sont améliorées par baisse du taux résiduel de Ca2+ dans le cytoplasme et augmentation du Ca2+ à disposition dans le RS pour la libération systolique. Déplacement du métabolisme mitochondrial vers une utilisation du glucose plutôt que des acides gras, ce qui augmente le taux d’ATP produit par rapport à la quantité de substrat utilisée. Augmentation de la sécrétion d’ANF (Atrial natriuretic factor) et de BNP (voir Modifications neuro-endocrines). Récepteur α-β ↑ récepteurs Echange Na/Ca ↑ sensibilité Gs ↓ βARC Gi [Ca ] ++ [Ca ] ++ Figure 5.9 : Schématisation de l’action des βbloqueurs dans l’insuffisance cardiaque pour rétablir une augmentation des variations de la [Ca++]i. ATP Phospho diestérases AMP cAMP ↑ ATP Protéine-kinase C ++ ↑ Δ [Ca ] Traitement de l’insuffisance cardiaque : les substances inotropes Mit pleinement efficaces (adrénaline). P Phospholamban R-Ry ++ ↑ Δ++[Ca ] [Ca ] SERCA ++ -3 [Ca ] 10 Troponine C R-Ry Traitement de l’insuffisance cardiaque10:-5 les substances inotropes ++ [Ca ] -6 10 -7 Actine - myosine 10 © Chassot 2012 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 16 Les agents inotropes positifs agissent par la voie commune d’une augmentation de la libération du Ca2+ par le RS lors de la systole (Figure 5.10) [149]. Catécholamines Figure 5.10 : Schématisation des points d’impact des différents agents inotropes positifs. A l’exception du levosimendan qui agit au niveau de la fixation du Ca++ sur la troponine C, tous aboutissent à une augmentation des variations de la [Ca++]i. IPDE-3 : inhibiteur des phosphodiestérases-3 (amrinone, milrinone). Les β-bloqueurs sont mentionnées ici à cause de leur impact dans le traitement de l’insuffisance ventriculaire chronique. Echange Na/Ca récepteurs β, α β-bloqueurs Adénylate cyclase Calcium Digitale Gs [Ca ] ++ [Ca ] ++ ATP IPDE-3 cAM cAMP ↑P AMP Protéine-kinase A ↑ [Ca ] ++ P Mi t Phospholamban ↑ [Ca ] ++ Troponine C R S ↑ [Ca ] ++ β-stimul Levosimendan Contrôle Actine - myosine © Chassot 2012 Contractionrelaxation Les catécholamines agissent par le biais d’une augmentation de l'AMPc en stimulant l’adénylate-cyclase; en cas d'inhibition des récepteurs β1, seules les amines à effet β2 et alpha restent pleinement efficaces (adrénaline). Les anti-phospho-diestérases-3 (amrinone, milrinone) inhibent la dégradation de l'AMPc. Agissant par une autre voie que les amines β, ces substances restent efficaces même en cas de β-blocage profond ou de régulation à la baisse des récepteurs β. La combinaison adrénaline – milrinone est particulièrement indiquée en cas d'insuffisance ventriculaire chronique avec dowregulation des récepteurs β. La digitale intervient sur les canaux échangeurs Na+/ Ca2+ de la membrane cellulaire en favorisant l’entrée de Ca2+. Le levosimendan fonctionne comme un sensibilisateur calcique; il interagit directement avec la troponine C et stabilise sa liaison avec le Ca2+, ce qui amplifie et prolonge la contraction [391]. Cet effet dépend de la [Ca2+]i, mais non de l'état du système β-adrénergique. De plus, le levosimendan agit sur les canaux KATP membranaires (canaux potassiques ATP-dépendants) qui, dans les cellules musculaires lisses des artères, provoquent une relaxation et une vasodilatation. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 17 Implications pour le traitement de la dysfonction ventriculaire L'efficacité des amines β1 (dobutamine, dopamine) est faible à cause de la diminution des récepteurs β1. L'adrénaline (stimulant β1, β2 et α) reste efficace, de même que les substances qui agissent par une autre voie: antiphosphodiestérases-3 (milrinone), sensibilisateur calcique (levosimendan). Les β-bloqueurs inhibent les systèmes de régulation à la baisse des récepteurs β et maintiennent une stimulation moycardique adéquate. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 18 La contraction myocardique Physiologie Les myofibrilles des sarcomères sont constituées de chaînes d’actine et de myosine. L’actine est une torsade de deux chaînes hélicoïdales enroulées autour d’un squelette de tropomyosine et ancrées sur les disques Z. La myosine est un ensemble d’environ 300 longues molécules terminées chacune par une tige surmontée d’une tête bilobée ; elle est parcourue par la connectine (ou titine) qui est attachée aux disques Z (Figure 5.11 et Figure 5.12). La connectine est la plus longue molécule connue (1 µm) ; elle assure l’élasticité du myofibrille [290]. En systole, elle est comprimée comme un ressort et restitue cette énergie en se redéployant lors de la diastole (Figure 5.11); elle contribue ainsi à la succion ventriculaire en diastole (voir Mécanique ventriculaire). En diastole, elle est étirée entre les disques Z comme un élastique ; plus l’élongation est importante, plus elle est tendue et plus son élasticité contribue à l’effet Frank-Starling lorsqu’elle reprend sa forme [381]. L’énergie pour la contraction des cardiomyocytes provient de l’hydrolyse de l’ATP en ADP et Pi par une ATPase située dans les têtes de myosine. Dans un coeur adulte normal, la réserve énergétique ne dépasse pas une vingtaine de battements, bien que les sarcomères ne développent que le 25% de leur puissance maximale dans les conditions physiologiques de base [371]. Figure 5.11 : Schéma de la structure et de la contraction d’un myofibrille. L’actine est ancrée sur les bandes Z. La myosine est parcourue par la titine (ou connectine) qui va d’une bande Z à l’autre ; elle est comprimée et repliée sur elle-même lors de la contraction, et se redéploie élastiquement en diastole. Bande Z Bande Z Actine Myosine Actine Connectine Contraction © Chassot 2012 Pendant la systole, les deux filaments d’actine et de myosine coulissent l’un sur l’autre sans qu’aucun des deux ne se contracte réellement. Le mouvement primaire de la contraction a lieu au niveau des tiges portant les têtes de myosine (Figure 5.12). Lorsque la [Ca2+]i est basse en diastole, la tropomyosine est inhibée par la troponine I (TnI): sa configuration est telle que les têtes de myosine ne peuvent pas interagir avec l’actine. L’augmentation soudaine de la [Ca2+]i locale agit sur la troponine C (TnC), avec pour effet, via la levée de l’effet de la TnI, de modifier la configuration de la tropomyosine et de supprimer l’inhibition que celle-ci exerce sur les ponts actine – myosine. Ces derniers entrent alors dans leur configuration serrée, et chaque tête de myosine tire l’actine sur une faible distance (10 nm) vers le centre du sarcomère par flexion de sa tige. La contraction survient. Le processus diffuse ensuite de voisinage en voisinage [372]. Le nombre de têtes de myosine recrutées est fonction du taux de [Ca2+]. L’ATP est nécessaire pour débloquer ces ponts serrés et relâcher la contraction. La phosphorylation de la troponine I par la PK-A et la PK-C induites par l'AMPc baisse l’affinité de la TnC pour le Ca2+, ce qui facilite leur dissociation à la fin de la systole (effet lusitrope positif) [266]. Bien que de très nombreux liens successifs surviennent entre actine et myosine pendant Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 19 une seule contraction systolique, seule la moitié des sites contractiles est activée dans une contraction normale. En diastole, la [Ca2+] s’abaisse et l’activité de liaison actine – myosine cesse [290]. Diastole Figure 5.12 : Schématisation de la contraction et de la relaxation d’un couple actine-myosine. Le bascule des têtes de myosine fait coulisser les deux bandes moléculaires l’une par rapport à l’autre. La course de ce déplacement est augmentée si l’actine et la myosine sont plus rapprochées. Actine Têtes de myosine Myosine Complexe de troponines Tropomyosine Contraction Actine ↑ Ca ++ Myosine © Chassot 2012 La cellule myocardique dispose de quatre moyens pour modifier sa force de contraction : Augmenter l’amplitude et la durée de l’élévation systolique de la [Ca2+]i; Augmenter la sensibilité de la TnC au Ca2+ ; Recruter davantage de ponts actine – myosine; Augmenter la course de la flexion de têtes de myosine. L’étirement de la structure actine – myosine – connectine sensibilise les myofibrilles aux variations de la [Ca2+]. En effet, l’étirement longitudinal de n’importe quel tissu a tendance à l’amincir. Ainsi, la distension ventriculaire augmente le rayon de la cavité, allonge la paroi myocardique et diminue son épaisseur, ce qui rapproche les structures longitudinales de l’actine et de la myosine et facilite la création de ponts actifs entre les deux. De plus, le rapprochement des filaments d’actine et de myosine augmente la course de la translation lors de la flexion des têtes de myosine [129,178]. Ces phénomènes sont la base structurelle du principe de Frank-Starling (voir Déterminants de la fonction systolique). Une stimulation β-adrénergique augmente la force de contraction par recrutement de davantage de ponts actine – myosine ; cela est du à l’accroissement de la quantité de Ca2+ libéré et à l’augmentation d'AMPc qui facilite l’action de l’ATPase de la myosine. De plus, le fort taux d'AMPc facilite la phosphorylation de la troponine I via les protéine-kinases, ce qui accélère la relaxation. Situations pathologiques Pendant un événement ischémique, les myofibrilles sont désensibilisés au Ca2+ par l’augmentation du taux d’ions H+ et de phosphate inorganique (Pi). D’autre part, le taux d’ATP à disposition diminue et Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 20 peut devenir insuffisant pour rompre les ponts actifs entre l’actine et la myosine, d’où l’apparition d’une rigidité myocardique (stone heart). Le signal biochimique induisant l’hypertrophie consécutive à une tension de paroi excessive (surcharge chronique de pression ou de volume) est probablement relayé par des mécano-senseurs situés aux attaches de la connectine dans les lignes Z [204]. La cardiomyopathie hypertrophique est caractérisée par des mutations dans la structure des protéines contractiles et de la troponine T [322] ; la faiblesse de la contraction des myofibrilles atteints induit une hypertrophie compensatrice des fibres normales. La cardiomyopathie dilatative s’explique plutôt par des modifications du cytosquelette protéique [240]. Contraction myocardique Les myofibrilles sont constitués de chaînes d'actine et de myosine. L’augmentation soudaine de la [Ca2+]i locale lève de l’effet inhibiteur de la TnI et modifie la configuration de la tropomyosine: les ponts actine – myosine peuvent se former. Chaque tête de myosine tire l’actine par flexion de sa tige. La force de contraction augmente par 4 phénomènes: ↑ [Ca2+]i, ↑ sensibilité de la troponine au Ca2+, ↑ nombre de ponts actine-myosine, ↑ course de flexion des têtes de myosine. Causes de l'effet Frank-Starling (la force de contraction du myocarde dépend de la tension de paroi télédiastolique): - Amincissement de la paroi et diminution de l'espace entre les filaments d'actine et de myosine (↑ course de flexion et ↑ nombre de ponts actine-myosine) - Traction sur la connectine qui restitue l'énergie élastique en systole. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 21 Mécanique ventriculaire Le cœur des mammifères est constitué de 4 chambres formant deux ensembles parallèles fonctionnant sous deux régimes de pression différents. L’anatomie de chaque ventricule est particulière. Le ventricule gauche (VG) ressemble à un ellipsoïde tronqué de section grossièrement circulaire (Figure 5.13B) ; sa paroi est épaisse (12-15 mm). Cette forme en obus permet d’utiliser des simplifications géométriques pour évaluer sa fonction (fraction d’éjection, par exemple). Le ventricule droit (VD) est enroulé en croissant autour du VG ; sa section est en demi-lune et sa forme générale complexe (Figure 5.13A); elle n’est pas réductible à une figure géométrique habituelle, ce qui complique singulièrement l’évaluation de sa fonction. D’autres éléments distinguent la physiologie du VG de celle du VD. Normalement, le régime de pression du VD est environ 1/5ème de celui du VG. Le volume télédiastolique du VD est sensiblement plus grand que celui du VG ; sa fraction d’éjection (FE) est donc plus basse afin de maintenir le même débit. Le débit du VD est peu sensible aux variations de précharge, alors qu’il est très sensible à une augmentation de postcharge ; au contraire, le débit du VG varie directement avec la précharge, mais est peu modifié par une augmentation physiologique de la postcharge. La précharge du VD est extrathoracique, alors que celle du VG est intrathoracique ; la postcharge du VD est intrathoracique, alors que celle du VG est extrathoracique. Cette situation fait que les variations respiratoires de la pression intrathoracique ont des effets opposés sur les deux ventricules. AP VTr CCVD Admission VD Septum VG Apex A C VAo Figure 5.13 : Anatomie des ventricules. A : schéma de la configuration du VD, en forme de croissant enroulé autour du VG. B : schéma de la configuration du VG, en forme d’obus conique surmonté d’une chambre de chasse. C : emboîtement du VG et du VD ; ce dernier a une section en croissant de lune, alors que celle du VG est circulaire. VM CCVG Apex B © Chassot 2012 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 22 Ceinturés par le péricarde, les ventricules ont une expansion limitée. Lorsque leur remplissage est faible (PtdVG < 10 mmHg), la pression de contact avec le péricarde est nulle ; ils fonctionnent indépendamment l’un de l’autre. Lorsqu’ils sont remplis (PtdVG > 20 mmHg, PtdVD > 15 mmHg), ils sont au contact du péricarde, ce qui empêche leur dilatation et induit une interdépendance entre eux : toute augmentation de volume d’un côté se traduit par un bascule du septum en direction de l’autre ; le couplage est alors de 1/1 [13]. Architecture fonctionnelle du VG Les anciens anatomistes avaient déjà remarqué que l’architecture des fibres myocardiques était particulièrement complexe (Figure 5.14) [48a,356]. F sous-épicardiques A Fibres circulaires F sous-endocardiques CCVG et V aortique Epicarde Endocarde VD VG B G © Chassot 2012 Figure 5.14 : Structure des fibres myocardiques. A : Les fibres sous-épicardiques (vertes) sont arrangées en une hélice lévogyre (direction des doigts d’une main gauche dont le pouce est dans le long axe du VG). Les fibres sous-endocardiques (bleues) sont orientées en une hélice dextrogyre (direction des doigts d’une main droite dont le pouce est dans le long axe du VG) ouverte en direction de la CCVG. L’angle d’hélice est de 60° et l’obliquité des ces deux couches de fibres longitudinales les rend approximativement perpendiculaires l’une à l’autre. Les fibres circulaires transverses (jaunes) prédominent au centre de la paroi et dans la moitié basale du ventricule. B : cet arrangement est visible sur une image d’échocardiographie bidimensionnelle standard, ici au niveau du septum interventriculaire ; les fibres circulaires (flèche jaune) sont plus échogènes que les fibres obliques (flèches verte et bleue) parce qu’elles sont perpendiculaires aux ultrasons (flèche blanche) alors que les secondes sont plus parallèles, donc donnent moins d’écho. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 23 Dans le sous-endocarde, les fibres dominantes sont longitudinales - obliques, arrangées en une hélice dextrogyre, c’est-à-dire une hélice dont les fibres ont la direction des doigts d’une main droite dont le pouce serait dans la direction du long-axe ventriculaire ; l’arrangement est tel que la contraction de ces fibres dirige le sang vers la chambre de chasse du VG (CCVG). Dans le sous-épicarde, les fibres sont aussi longitudinales - obliques, mais arrangées en une hélice lévogyre, correspondant aux doigts d’une main gauche dont le pouce serait dans la direction du long-axe ventriculaire. L’angle moyen de ces fibres obliques avec l’axe ventriculaire est de 60° ; les fibres sousendocardiques et les fibres sous-épicardiques sont à peu près perpendiculaires. Les fibres circulaires sont au centre de la paroi; elles prédominent à la base, où elles sont en continuité entre les deux ventricules, et dans la partie médioventriculaire; elles sont peu présentes à l'apex. Cet arrangement est visible sur une image échocardiographique des ventricules (Figure 5.14B). Le septum interventriculaire, par exemple, présente une zone hyper-échogène en son centre ; celle-ci représente les fibres circulaires, dont l’écho est puissant parce qu’elles sont perpendiculaires aux ultrasons. De chaque côté, les fibres obliques donnent des échos plus faibles parce que celles-ci sont davantage parallèles aux ultrasons. C’est un cardiologue espagnol, Francisco Torrent-Guasp, qui a pour la première fois trouvé une cohérence à cet enchevêtrement de fibres [393,394]. Avec une technique de préparation particulière ne préservant que les faisceaux musculaires, il a émis l’hypothèse que la musculature ventriculaire était constituée d’une seule longue bande musculaire doublement enroulée sur elle-même [394,396]. C’est une bande spiralée à deux tours, pliée à 180° en son milieu (Figure 5.15). Cette bande est constituée de quatre segments successifs en partant de l’artère pulmonaire et en allant jusqu’à l’aorte, que l’on peut déplier au cours de la dissection (Figure 5.16): Segment droit (1), boucle basale. Segment gauche (2), boucle basale. Pli à 180° entre la boucle basale et la boucle apicale. Segment sous-endocardique (3), boucle apicale. Segment sous-épicardique (4), boucle apicale. Fibres sousendoc 1 2 Ao 1 Fibres sousépicar d Fibres sousépicard Fibres sousendoc 3 4 Figure 5.15 : Représentation de la musculature myocardique sous forme d’une seule longue bande musculaire enroulée sur elle-même en double spirale et pliée à 180° en son milieu, selon Torrent-Guasp [48,396]. Le déroulement progressif de cette bande obtenue par dissection anatomique met en évidence sa constitution en quatre segments successifs en partant de l’artère pulmonaire et en allant jusqu’à l’aorte. Les deux premiers segments (segments 1 et 2) forment la musculature circulaire, les deux derniers segments forment la musculature longitudinale oblique sous-endocardique (segment 3) et sous-épicardique (segment 4). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 24 AP Ao 1 Figure 5.16 : La bande musculaire, selon l’hypothèse de TorrentGuasp, forme schématiquement une double hélice pliée en son milieu (flèche blanche). Les segments 1 et 2 forment la musculature circulaire, le segment 3 la musculature sous-endocardique et le segment 4 la musculature sous-épicardique [394]. 2 4 Ao AP 1 2 4 3 Les deux premiers segments forment la musculature circulaire de chaque ventricule, les deux derniers segments forment la musculature longitudinale sous-endocardique et sous-épicardique. Cette reconstruction séduisante ne correspond que partiellement à l’embryogenèse et à la stimulation électrique, mais elle a le mérite de proposer un modèle architectural simple pour suivre la contraction myocardique du VG. L’implantation de cristaux sonomicrométriques, l’IRM marquée, le Doppler tissulaire et la technique échocardiographique du speckle-tracking ont permis d’explorer la séquence mécanique de la contraction et d’affiner le modèle de la bande musculaire. Architecture fonctionnelle des ventricules Forme Paroi Structure Pression développée Vol télédiastolique Fraction d'éjection Débit Précharge Postcharge Contraction VG conique en obus épaisse (12 mm) 1 couche circulaire entre 2 couches longitudinales 120-200 mmHg 40-80 mL/m2 0.6 – 0.7 dépend de la précharge intrathoracique (poumons) extrathoracique (RAS) circulaire (80% de l’éjection) VD croissant enroulé autour du VG mince (4 mm), très trabéculée 1 couche circulaire externe + 1 couche longitudinale profonde 25-40 mmHg 50-100 ml/m2 0.5 – 0.6 sensible à la postcharge extrathoracique (VCI) intrathoracique (RAP) longitudinale péristaltique (60% de l’éjection) apport du VG : 40% de l’éjection Le VG est constitué de trois types de fibres myocardiques: - Sous-épicardiques longitudinales-obliques en hélice lévogyre orientée vers la chambre de chasse (angle d'hélice 60°) - Sous-endocardiques longitudinales-obliques en hélice dextrogyre (angle d'hélice 60°) - Circulaires au centre de la paroi (peu développées à l'apex) Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 25 Contraction du VG La contraction systolique du VG comprend quatre mouvements distincts (Figure 5.17) [375]: Epaississement de paroi de 30-40%. Raccourcissement radial concentrique de 20-35%. Raccourcissement longitudinal de 15-20% ; la base (jonction atrio-ventriculaire) se déplace vers l’apex, qui reste immobile ; ce mouvement contribue au remplissage de l’OG pendant la systole du VG, comme si le plancher auriculaire descendait brusquement à la manière d’un piston. Torsion de 15-20° autour du long-axe [230]. Le résultat est une fraction d’éjection globale de 65%. A noter que le raccourcissement de chaque sarcomère individuel n’est que de 15%. Figure 5.17 : La contraction du VG comprend 4 mouvements distincts. 1 : raccourcissement radiaire (concentrique, selon le court-axe). 2 : épaississement de paroi. 3 : raccourcissement longitudinal (selon le long-axe). 4 : rotation globale anti-horaire. La contraction commence dans le sous-endocarde et à l’apex ; elle se propage du sous-endocarde vers le sous-épicarde et de l’apex vers la base. L’apex reste immobile, car c’est la base du VG qui se déplace en direction de l’apex ; ce mouvement est visible à l’échocardiographie par la descente systolique de l’anneau mitral (environ 1 cm). Diastole 1 2 Base 3 Systole 4 Apex © Chassot 2012 Le raccourcissement circulaire du myocarde (selon le court-axe du VG) est responsable de plus de 80% du volume éjecté; le raccourcissement longitudinal (long-axe du VG) ne contribue que pour 1520% à l'éjection; l'apex restant immobile, c'est essentiellement la descente de l'anneau mitral qui joue le rôle de piston. La contraction du VG n’est pas anatomiquement uniforme. Si l’on divise la paroi ventriculaire en quatre quadrants (latéral, antérieur, postérieur et septal), on voit que le degré de torsion et le déplacement concentrique de chacun des quadrants est différent (Figure 5.18) [230,236]: Paroi latérale : torsion 20-34°, raccourcissement concentrique 45% ; Paroi antérieure : torsion 17-23°, raccourcissement concentrique 38% ; Paroi postérieure : torsion 9-15°, raccourcissement concentrique 25% ; Paroi septale : torsion < 5°, raccourcissement concentrique 18%. La contribution de chaque quadrant à l’éjection du volume systolique est donc inégale : la participation de la paroi latérale est maximale, suivie de celle de la paroi antérieure ; la paroi postérieure est moins importante, et le septum contribue peu à l’éjection gauche. De plus, la rotation et le raccourcissement radial de la paroi postérieure sont plus marqués à l’apex qu’à la base ; la partie postéro-basale est donc relativement hypokinétique par rapport au reste du ventricule. Ce moindre Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 26 déplacement physiologique de la paroi postérieure est une garantie contre l’effet CMO (subobstruction dynamique de la CCVG analogue à la cardiomyopathie obstructive dite CMO), parce que le feuillet antérieur de la valve mitrale est ainsi maintenu éloigné de la CCVG pendant la systole (voir Figure 5.24 page 32). Enfin, la déformation systolique est toujours plus marquée dans le sous-endocarde que dans le sous-épicarde. On voit donc que la perte de fonctionnalité par un infarctus ou une ischémie aiguë n’aura pas le même retentissement hémodynamique selon la localisation de la lésion. Il en est de même pendant les pontages aorto-coronariens à cœur battant : l’immobilisation et la compression de la paroi latérale compromettent davantage le débit cardiaque que celles de la paroi postérieure [270]. Figure 5.18 : Raccourcissement radiaire et rotation selon les 4 quadrants du VG : latéral, antérieur, postérieur et septal. Le degré de contraction est le plus important dans le quadrant latéral, un peu moins dans le quadrant antérieur, et nettement plus faible dans les quadrants postérieur et septal. Le degré de raccourcissement de la paroi postéro-basale est plus faible que le reste du VG, raison pour laquelle elle paraît souvent hypokinétique à l’échocardiographie. Le degré de rotation suit le même dégradé que le raccourcissement : plus important à l’apex qu’à la base et presque nul au niveau du septum [230,236]. Lat Ant Post Sept Base Mi-VG Apex 40 20 40 20 40 20 40 20 Raccourcissement radiaire (%) Torsion du VG La torsion du VG sur lui-même est due à l’obliquité des fibres longitudinales sous-endocardiques et sous-épicardiques. Elle consiste en une rotation globale anti-horaire de 15-20° en regardant le VG depuis l’apex. C’est un mécanisme qui comprend plusieurs éléments (Figure 5.19 et Figure 5.20) [23,128,230,355,378]. Légère rotation horaire pendant la contraction isovolumétrique, due à la contraction initiale des fibres sous-endocardiques ; Torsion globale anti-horaire due à la contraction de la musculature sous-épicardique ; celle-ci est plus oblique, plus longue et offre davantage de couple que la musculature sousendocardique, raison pour laquelle elle est dominante, quoique tardive ; Rotation horaire de la base (+ 5°) pendant l’éjection ; Rotation anti-horaire de l’apex (- 12°) pendant l’éjection. L’obliquité des fibres sous-épicardiques et sous-endocardiques les rend pratiquement perpendiculaires entre elles ; de ce fait, leur effet sur la torsion du VG est opposé et la contration sous-endocardique diminue le degré de rotation imposé par la contraction sous-épicardique plus puissante [425b]. Cette torsion est plus marquée à l’apex qu’à la base, et plus accentuée dans la zone sous-endocardique (19°) que dans la zone sous-épicardique (10°). Entre la télédiastole et la télésystole, un point situé sur l’endocarde a parcouru un angle double de celui parcouru par un point épicardique, vu que le rayon du premier est la moitié du second. De ce fait, le cisaillement reste identique sur toute l’épaisseur de paroi, ce qui minimise les forces de friction entre fibres myocardiques (Figure 5.20) [46,378]. La torsion contribue ainsi à l’homogénéité des déformations systolo-diastoliques au sein de la paroi ventriculaire [46,425b]. Plus on se déplace de la base vers l’apex, plus la rotation augmente. Celle-ci est proportionnelle à la taille du VG, car l’angle de torsion est de 2.3° par cm de long axe ventriculaire Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 27 (Figure 5.19B) [166]. Cette valeur est la même pour les cœurs de tous les mammifères ; les grands cœurs ont donc davantage de rotation que les petits. Le degré de torsion est fonction de la contractilité myocardique, dont elle est un indice plus fin que la fraction d’éjection. Elle augmente avec la précharge (effet Starling) et la stimulation β, diminue avec la dysfonction et l’ischémie [165]. En cas d’ischémie transmurale la rotation cesse dans le segment concerné, mais en cas d’ischémie sousendocardique, la torsion sous-épicardique anti-horaire n’est plus contrebalancée par la torsion sousendocardique dans le sens horaire et la rotation globale augmente [358]. Cette dysfonction sousendocardique avec torsion accentuée se retrouve dans l’hypertrophie ventriculaire concentrique, le diabète et le vieillissement. La torsion est au contraire diminuée dans l’insuffisance ventriculaire, dans la dysfonction diastolique restrictive et lors de rejet dans la transplantation [425b]. Figure 5.19 : Rotation du VG. Pendant l’éjection, le VG subit une torsion sur son long axe : rotation horaire de la base (+ 5°) et rotation anti-horaire de l’apex (- 12°). En observant 3 points alignés en télédiastole (en violet), on voit que leur position a changé en télésystole (en vert) mais qu’ils sont toujours alignés sur une droite. Plus on se déplace de la base vers l’apex, plus la rotation augmente. Celle-ci est proportionnelle à la taille du VG, car l’angle de torsion est de 2.3° par cm de long axe ventriculaire [166]. Chez l’homme, où le long-axe mesure 8-9 cm, la rotation globale est de 15-20°. Figure 5.20 : Rotation systolique du VG A : rotation horaire due à la contraction initiale des fibres sous-endocardiques (1) et torsion globale antihoraire due à la contraction sous-épicardique (2) ; cette dernière musculature a davantage de couple; elle est dominante [48]. B : Entre la télédiastole et la télésystole, un point situé sur l’endocarde a parcouru un angle θ double de celui parcouru par un point épicardique, vu que le rayon (r) du premier est la moitié du second. De ce fait, l’angle γ qui représente le cisaillement reste identique sur toute l’épaisseur de paroi, ce qui minimise les forces de friction entre fibres myocardiques [46]. © Chassot 2012 Base r S-épi S-endo γ endo = γ épi A h θ endo > θ épi 2 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 1 r Apex θ B 28 Le résultat hémodynamique de cette torsion est une propagation spiralée du flux sanguin bien visible dans l’aorte thoracique : le volume sanguin avance selon un mouvement tournant en sens anti-horaire (Figure 5.21) [125,197]. Ce flux hélicoïdal présente 3 avantages. Diminution des forces de cisaillement et de friction lors de virages, donc diminution des pertes d’énergie hydraulique ; si le front d’onde était fixe, les couches de sang devraient ralentir le long de la petite courbure de la crosse aortique et accélérer le long de la grande courbure, d’où partent les vaisseaux de la gerbe. Amélioration du flux dans les vaisseaux de la gerbe, dont l’axe est toujours en regard du flux tournoyant ; le risque de perte de pression de perfusion en cas d’accélération du flux aortique est supprimé. Diminution de stress sur les parois aortiques. Figure 5.21 : Flux spiralé dans l’aorte descendante. A : vue transoesophagienne court-axe de l’aorte descendante. En tournant sur lui-même dans le sens antihoraire, le flux change de couleur au Doppler : rouge dans la partie où il se rapproche du capteur et bleu dans celle où il s’en éloigne. B : Si le front du flux était fixe, les couches de sang situées à l’intérieur de la crosse devraient ralentir et celles de l’extérieur accélérer, d’où cisaillements et perte d’énergie hydraulique. C : Un flux spiralé évite ces déperditions d’énergie dans les virages et augmente le flux dans les vaisseaux de la gerbe puisque à tout instant une partie du flux se dirige vers leurs abouchements. B Capteur A Flux s’éloignant du capteur Flux se rapprochant du capteur C Séquence contractile du VG Le déroulement de la contraction du VG suit plus ou moins celui de la bande musculaire [48]. Pendant la contraction isovolumétrique (80-100 msec), la pression augmente sans raccourcissement des parois ; la valve mitrale se ferme, et la valve aortique reste occluse. Les fibres longitudinales sousendocardiques et les fibres circulaires commencent à se contracter mais pas encore les fibres sousépicardiques. Comme la paroi se contracte sans diminution du volume sanguin, lequel est Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 29 incompressible, l’épaississement ne peut se faire que vers l’extérieur (Figure 5.22). Les fibres sousépicardiques sont donc étirées et subissent un effet Starling proportionnel à l’intensité de la contraction sous-endocardique et circulaire ; ce phénomène de mise sous tension permet d’ajuster la contraction sous-épicardique ultérieure à l’intensité de la contraction isovolumétrique des couches profondes du myocarde [56]. Il est bien illustré par une image Doppler tissulaire de l’anneau mitral, où l’on voit clairement que la contraction isovolumétrique s’accompagne d’un raccourcissement et d’un allongement simultané selon la localisation des fibres (Figure 5.23) [11,358]. L’augmentation de pression intraventriculaire (dP/dt) est de 1’200-2'000 mmHg/s. La dépolarisation électrique et la contraction des fibres myocardiques suivent deux parcours simultanés : Elles se propagent du sous-endocarde vers le sous-épicarde ; Elles se propagent de l’apex vers la base, se terminant dans la CCVG. Le raccourcissement longitudinal du VG débute au cours de la phase de contraction isovolumétrique parce que les fibres longitudinales sous-endocardiques se contractent avant les fibres circulaires, ce qui rend le VG plus sphérique au moment où l’éjection commence [165]. Le raccourcissement des fibres longitudinales est de 20% et celui des fibres circulaires de 25-35% [48]. D’autre part, les muscles papillaires se contractent après la paroi sur laquelle ils sont implantés, de manière à permettre le déplacement des feuillets mitraux jusqu’à l’occlusion avant de tendre les cordages [11]. Figure 5.22 : Déplacements respectifs de la musculature sousendocardique (trait rouge) et sousépicardique (trait bleu) de la paroi antérieure du VG. Pendant la phase de contraction isovolumétrique (1), les fibres sous-endocardiques se contractent (A) alors que les fibres sous-épicardiques sont distendues (B) et ne se contractent que plus tardivement pendant la phase d’éjection (2) ; d’autre part, l’importance de leur déplacement (en mm) est plus faible que celui des fibres sous-endocardiques [356]. Figure 5.23 : Vélocité des déplacement de l’anneau mitral au Doppler tissulaire, avec la composante systolique S (descente de l’anneau mitral), et les deux composantes diastoliques E’ et A’. Pendant la phase de contraction isovolumétrique (CI), on aperçoit deux mouvements distincts : la contraction sous-endocardique précoce (A) et la dilatation sousépicardique (B). Pendant la phase de relaxation isovolumétrique (RI), on remarque la contraction postsystolique de la musculature sousépicardique (C) [354]. Temps B D é p l a c e m e n t Sous-épicarde A Sous-endocarde Diastole S C A B A’ CI Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie RI E’ 30 Pendant l’éjection (de l’ouverture à la fermeture de la valve aortique, 220-300 msec), la contraction du VG n’est pas homogène [354,356]. La déformation est plus importante dans le sous-endocarde que dans le sous-épicarde ; La déformation est plus marquée à l’apex qu’à la base ; La déformation circulaire est plus importante que la déformation longitudinale ; Les fibres sous-épicardiques commencent à se contracter 80-100 msec après les fibres sousendocardiques et les fibres circulaires ; leur contraction perdure en début de diastole ; Le raccourcissement s’accompagne d’une torsion due à l’obliquité des fibres longitudinales. La contraction n’est donc pas un simple épaississement, mais un effet du cisaillement des fibres perpendiculaires les unes par rapport aux autres. Le volume systolique est propulsé comme on essore un linge mouillé, en le comprimant et en le torsadant [137]. Contraction du VG La contraction ventriculaire gauche est constituée de 4 mouvements différents: - Epaississement de paroi (30-40%) - Raccourcissement radiaire (20-35%); il propulse 80% du volume systolique - Raccourcissement longitudinal (15-20%) par descente de l'anneau mitral (l'apex reste immobile); il propulse 20% du volume systolique - Rotation 15-20° autour du long-axe; elle est responsable du flux spiralé dans l'aorte La course radiaire et la rotation sont plus importantes dans les parois latérale et antérieure que dans les parois postérieure et septale, et dans les couches sous-endocardiques que dans les couches sousépicardiques. La participation à l'éjection du volume systolique est par ordre décroissant d'importance: paroi latérale, antérieure, postérieure, septale. Contraction isovolumétrique (80-100 msec): contraction des fibres sous-endocardiques et circulaires, distension des fibres sous-épicardiques; Ejection: contraction des fibres sous-épicardiques, raccourcissement de toutes les fibres; contraction radiaire, longitudinale et rotation; le VG se contracte comme on essore un linge mouillé. Persistance de la contraction sous-épicardique en protodiastole. La contraction se propage de l'endocarde vers l'épicarde et de l'apex vers la base. Squelette interne du VG Pour propulser le volume systolique à travers la valve aortique sans se torchonner sur lui-même, le VG dispose d’un squelette interne assuré par l’ensemble de la valve mitrale, des cordages et des piliers. En effet, la pression exercée sur le sang contenu entre les parois ventriculaires pousse les deux feuillets de la valve mitrale et les appuie l’un contre l’autre au niveau de leurs extrémités (zona rugosa) ; la hauteur de cette surface d’appui est de 8-10 mm (Figure 5.24A). Ils sont maintenus dans le plan de la valve par la traction exercée par les cordages et la contraction des muscles papillaires. Cet équilibre entre les forces d’occlusion et les forces de traction maintient la forme générale du VG et lui permet de propulser le sang en direction de la chambre de chasse (CCVG), qui se contracte en dernier. Le plan de la valve aortique et celui de la valve mitrale forment normalement un angle très ouvert (angle ≥ 150°) ; le flux d’admission à travers la valve mitrale et le flux d’éjection à travers la chambre de chasse sont presque parallèles (angle < 25°). Ils ne sont séparés que par le feuillet mitral antérieur. La zone de coaptation de la valve mitrale est maintenue éloignée postérieurement de la zone d’éjection aortique, qui est antérieure, par plusieurs éléments (Figure 5.24A). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 31 La longueur du feuillet antérieur est plus grande que celle du feuillet postérieur. La course radiaire de la paroi postérieure est plus faible que celle des parois antérieure et latérale ; la zone postéro-basale est relativement hypokinétique par rapport au reste du ventricule. La paroi postéro-basale est activée électriquement en dernier. A B OG Point fixe Aorte Aorte CCVG MPP MPP MPA Ant Post Ant HVG Post © Chassot 2012 ゥ Chassot 2010 Figure 5.24 : Contraction du VG. A : L’augmentation de la pression intra-ventriculaire en systole applique les deux feuillets de la valve mitrale l’un contre l’autre (flèches violettes) ; la contraction de la paroi et des muscles papillaires (MPA : muscles papillaire antérieur, MPP : muscle papillaire postérieur) tend les cordages et maintient la valve mitrale dans son plan d’occlusion (flèches vertes). Ceci constitue le squelette interne du ventricule. Le sang est expulsé dans la chambre de chasse du VG (CCVG). La contraction débute à l’apex et se termine dans la chambre de chasse. B : Si la course de la paroi postérieure et du MPP est trop longue (stimulation béta-adrénergique) ou si le VG est trop petit (hypovolémie, hypertrophie concentrique), la paroi postérieure se déplace vers l’avant (flèche verte) ; le point de coaptation de la valve mitrale est déplacé antérieurement vers l’aorte et se rapproche de la CCVG. Le feuillet antérieur est alors repoussé vers la CCVG lorsque la pression intraventriculaire augmente pendant la systole (flèche violette). Traitillé blanc : angle mitro-aortique. Effet CMO Certaines conditions peuvent déplacer antérieurement la zone de coaptation mitrale et la rapprocher de la zone d’éjection (Figure 5.24B). Diminution de taille de la cavité ventriculaire : hypertrophie ventriculaire concentrique, hypovolémie ; Augmentation de la course systolique de la paroi postérieure : sur-stimulation β, baisse de postcharge (vasoplégie) ; Anneau mitral restrictif lors de plastie mitrale. Dans ces conditions, l’angle mitro-aortique se referme et la zone de coaptation se rapproche de la zone d’éjection parce que la paroi postérieure est déplacée vers l’avant en systole. En effet, l’angle mitroaortique est un point fixe puisqu’il est situé au niveau du trigone fibreux, qui est le centre de gravité mécanique du cœur sur lequel sont ancrées les valves mitrale, aortique et tricuspide (Figure 5.25). L’anneau mitral ne peut se rétrécir qu’au niveau de sa partie postérieure, qui est fine et essentiellement Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 32 musculaire. La diminution de taille de la cavité ventriculaire se traduit donc par un déplacement antérieur des structures postérieures. Ce mouvement a 4 effets en systole. Déplacement antérieur de la zone de coaptation mitrale ; Occlusion mitrale entre l’extrémité distale du feuillet postérieur et le corps du feuillet antérieur et non plus bord-à-bord ; Augmentation de la course des cordages du pilier postérieur permettant davantage de déplacement antérieur des feuillets ; Partie distale du feuillet antérieur flottant à l’intérieur de la cavité du VG en protosystole. Antérieur Figure 5.25 : Schéma de la position des valves et du trigone fibreux. L’angle mitro-aortique est un point fixe puisqu’il est situé au niveau du trigone fibreux, qui est le centre de gravité mécanique du cœur sur lequel sont ancrées les valves mitrale, aortique et tricuspide. Si l’anneau mitral se rétrécit, le seul déplacement possible est celui de sa partie postérieure, qui est essentiellement musculaire, et qui se retrouve alors tirée vers l’avant. Trigone fibreux AP Ao V tr VM Zone musculaire Postérieur En diastole, le flux mitral est normalement dirigé vers la paroi postéro-latérale et non vers l’apex ; de cette manière, le vortex qui se forme dans le VG amène le sang en regard de la chambre de chasse et en avant du feuillet mitral antérieur ; dès que la pression monte en systole, cette masse de sang pousse le feuillet en arrière jusqu’à l’occlusion (Figure 5.26A) [223]. Dans le cas d’un rétrécissement de la cavité ventriculaire, au contraire, le flux diastolique est dirigé trop vers l’avant, et forme son vortex en arrière du feuillet antérieur ; dans ces conditions, la pression de la phase de contraction isovolumétrique va pousser le feuillet vers l’avant en direction de la CCVG (Figure 5.26B). Dès que l’éjection commence, la partie distale de ce feuillet peut être aspirée dans la CCVG par effet Venturi et induire un phénomène appelé systolic anterior motion (SAM). Le feuillet antérieur vient alors occlure partiellement la CCVG et le débit systolique baisse brusquement. C’est l’obstruction dynamique de la CCVG ou effet CMO, appelé ainsi par analogie au mécanisme de la cardiomyopathie obstructive (Figure 5.27). L'aspiration du feuillet mitral dans la CCVG a pour effet de rouvrir la valve en mésosystole et de provoquer une insuffisance mitrale méso-télésystolique. Cliniquement, l'effet CMO se caractérise par une hypotension artérielle et un bas débit cardiaque qui ne réagissent pas aux catécholamines; le seul traitement est une hypervolémie, une vasoconstriction et une diminution de l'effet β (β-bloqueur). La proximité de la chambre d’admission et de la chambre d’éjection caractéristique du cœur des mammifères les rend sujets à cette obstruction dynamique de la chambre de chasse dès que la cavité ventriculaire se rétrécit et/ou que la stimulation β est intense. En clinique, il faut en général une combinaison de plusieurs éléments pour voir s’installer une instabilité hémodynamique sévère liée à un effet CMO : Hypertrophie ventriculaire concentrique (HVG) ; Hypovolémie ; Vasoplégie ; Stimulation β excessive. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 33 A B OG OG Aorte Aorte CCVG Ant Ant Post HVG Post © Chassot 2012 Figure 5.26 : Flux mitral diastolique. A : normalement, le flux mitral est dirigé vers la paroi postéro-latérale et non vers l’apex ; de cette manière, le vortex qui se forme dans le VG amène le sang en regard de la chambre de chasse et en avant du feuillet mitral antérieur ; dès que la pression monte en systole, cette masse de sang pousse le feuillet en arrière jusqu’à l’occlusion [223]. B : dans le cas d’un rétrécissement de la cavité ventriculaire, au contraire, le flux diastolique est dirigé trop vers l’avant, et forme son vortex en arrière du feuillet antérieur ; dans ces conditions, la pression de la phase de contraction isovolumétrique va pousser le feuillet vers l’avant en direction de la CCVG. A B OG IM Aorte CCVG Ao OD CCVG MPP Ant HVG VG Post VD © Chassot 2012 Figure 5.27 : Obstruction dynamique de la CCVG (effet CMO) en cas de restriction de la cavité ventriculaire gauche et d’avancement excessif de la paroi postérieure. A : la pression de la phase de contraction isovolumétrique pousse le feuillet vers l’avant en direction de la CCVG. Dès que l’éjection commence, la partie distale de ce feuillet peut être aspirée dans la CCVG par effet Venturi et induire un phénomène appelé systolic anterior motion (SAM). Le feuillet antérieur vient alors occlure partiellement la CCVG et le débit systolique baisse brusquement. C’est l’effet CMO, appelé ainsi par analogie avec le mécanisme de la cardiomyopathie obstructive. La réouverture de la valve mitrale en mésosystole provoque une insuffisance mitrale mésotélésystolique (IM). B : illustration échocardiographique transoesophagienne ; la flèche indique la coudure du feuillet mitral antérieur (SAM) qui vient obstruer la chambre de chasse gauche (CCVG). Les deux flèches blanches indiquent la position de l’anneau mitral (anneau de Carpentier restrictif après plastie mitrale). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 34 Le diagnostic ne peut être posé que par l’échocardiographie. La thérapeutique consiste en une augmentation de la précharge et de la postcharge, et en une diminution de la fonction inotrope. Squelette interne du VG L'appareil sous-valvulaire de la valve mitrale est un squelette interne pour le VG pendant la systole. La pression intraventriculaire appuie les deux feuillets mitraux l'un contre l'autre le long de leur extrémité, et la traction exercée sur les cordages par la contraction ventriculaire empêche la valve mitrale de basculer dans l'OG. Ce système maintient la forme du VG pendant l'éjection vers la CCVG. Normalement, la zone de coaptation des feuillets mitraux est maintenue éloignée postérieurement de la chambre de chasse: - Le feuillet postérieur est plus court que le feuillet antérieur - La paroi postéro-basale a peu de course radiaire en systole - La paroi postéro-basale est activée électriquement en dernier La zone de coaptation mitrale peut être déplacée antérieurement par diminution du volume de la cavité ventriculaire (hypovolémie, HVG concentrique, vasoplégie), par course excessive de la paroi postérieure (stimulation β) ou par restriction de l'anneau mitral (plastie). Ceci a 3 effets en systole: - Occlusion de l'extrémité du feuillet postérieur contre le corps du feuillet antérieur, perte de la surface d'occlusion des feuillets - Augmentation de la course des cordages du pilier postérieur - Flottement de la partie distale du feuillet antérieur dans la cavité ventriculaire; cette partie est poussée en direction de la CCVG lorsque la pression s'élève dans le VG en systole En cours d'éjection, le feuillet mitral antérieur est en plus aspiré dans la CCVG par effet Venturi (SAM: systolic anterior motion). Le résultat est une subobstruction dynamique de la CCVG (effet cardiomyopathie obstructive ou effet CMO) et une réouverture mésosystolique de la valve mitrale avec insuffisance (IM). Relaxation diastolique Les fibres sous-épicardiques, qui se sont distendues pendant la contraction isovolumétrique et qui se sont contractées tardivement (80-100 msec après les couches profondes), prolongent leur contraction pendant le début de la diastole [356]. Cette contraction postsystolique est bien visible au Doppler tissulaire (Figure 5.28) ; son importance est proportionnelle à l’effet Starling subi par les fibres pendant la phase isovolumétrique, donc à la contractilité globale du VG. D’autre part, ces fibres sousépicardiques se relâchent en commençant à la base pour finir à l’apex, contrairement aux couches sous-endocardiques et circulaires qui se relâchent comme elles se sont contractées, c’est-à-dire de l’apex vers la base. La relaxation sous-épicardique a donc lieu en dernier à l’apex [355]. Pendant l’éjection, les fibres sous-épicardiques, plus longues et plus obliques que les fibres sousendocardiques, ont pris une configuration en « S » forcée. En protodiastole, leur contraction persistante alors que tout le reste du VG s’est relâché va détordre le ventricule et l’allonger, de manière analogue à celle de la musculature paravertébrale d’un serpent lorsqu’il se dresse sur ses anneaux (Figure 5.29) [48,395]. Le fait que leur contraction se prolonge à l'apex (relaxation de la base vers l'apex) permet un remplissage optimal du VG jusqu'à sa pointe. La contraction sous-épicardique se poursuit jusqu’au nadir de la pression intraventriculaire, synchrone avec le pic de vélocité du flux mitral protodiastolique (flux E). Elle est visible sur un tracé du mouvement de l’anneau mitral en mode Doppler tissulaire sous forme d’un pic de raccourcissement pendant la phase de relaxation isovolumétrique (voir Figure 5.23 page 30) [358]. Ce phénomène Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 35 correspond à la phase de relaxation protodiastolique dite « active », parce qu’elle consomme 15% de la mVO2 [96,355]. Comme l’avaient déjà exprimé de nombreux physiologistes, la protodiastole est une phase qui devrait être considérée comme partie intégrante de la systole, puisqu’elle consomme de l’O2, qu'elle répond de la même manière aux stimuli physiologiques (effet Starling, inotropisme, etc) et qu'elle est altérée très précocement dans l'ischémie myocardique. Il s’agit en fait d’un phénomène de Systolic ventricular filling. Figure 5.28 : Déformation de la musculature sous-épicardique (courbe rouge) par rapport à la déformation moyenne (courbe bleue) de la paroi antérieure du VG (Doppler). Les fibres sousépicardiques, distendues pendant la contraction isovolumétrique (CI) et contractées tardivement (80-100 msec après les couches profondes), prolongent leur contraction pendant le début de la diastole. L’importance de cette contraction postsystolique est proportionnelle à l’effet Starling subi pendant la phase isovolumétrique [355]. S : systole. RI : relaxation isovolumétrique. R : remplissage diastolique. CA : contraction auriculaire. Déformation moyenne D é f o r m a t i o n Déformation sous-endoc Contraction post-systolique CI S RI R CA Ejection Relaxation Figure 5.29 : Pendant l’éjection, les fibres sousépicardiques, plus longues et plus obliques que les fibres sous-endocardiques, ont pris une configuration en « S » forcée. En protodiastole, leur contraction persistante alors que tout le reste du VG s’est relâché va détordre le ventricule et l’allonger, de manière analogue à celle de la musculature paravertébrale d’un serpent lorsqu’il se dresse sur ses anneaux [48,394]. S-endo S-épi S-endo Contraction en systole S-épi Diastole En protodiastole, la pression intraventriculaire baisse en dessous de la pression intrathoracique (Figure 5.30). Cet effet de succion (relaxation active) est lié à deux phénomènes distincts [146,358] : La contraction post-systolique des fibres sous-épicardiques ; les β-stimulants ont un effet accélérateur sur la chute de pression (- dP/dt) ; le fait que cette contraction se termine à l’apex Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 36 assure un meilleur remplissage puisque l’aspiration du sang est plus longue dans la partie apicale du VG. Le ressort élastique de la connectine, qui restitue en se déployant l’énergie emmagasinée pendant sa compression en systole ; la connectine, squelette interne de la myofibrille, est une macroprotéine fixée aux disques Z qui traverse toute la chaîne de myosine. La matrice de collagène ne participe pas au retour élastique en protodiastole mais limite l’expansion du volume en télédiastole. Pressions PVG OG POG Aorte PVG < Contraction Rempliss POG auriculaire précoce < Pit Ant Post A ≥ 75% rempliss Flux mitral E © Chassot 2012 Figure 5.30 : Remplissage diastolique du VG. En protodiastole, le VG fonctionne comme une pompe aspirante grâce à la contraction sous-épicardique résiduelle et à l’elasticité de la connectine (voir Figure 5.11 page 19) ; la pression intraventriculaire descend en dessous de la pression intrathoracique. Ce phénomène crée un fort gradient de pression entre l’OG et le VG (surface jaune), qui assure > 75% du remplissage pendant le flux mitral E. La contraction auriculaire (surface verte, flux A) complète le remplissage et fournit l’élévation de la pression télédiastolique. Figure 5.31A : Coulissage de l’anneau mitral autour du volume de sang qui est au niveau de la valve et qui se retrouve passer de l’OG dans le VG sans avoir à se déplacer. L’anneau mitral, qui est descendu vers l’apex pendant la contraction longi-tudinale, remonte jusqu’à sa position télédiastolique en 2 étapes, pendant la phase de relaxation protodiastolique (relâchement des fibres sous-endocardiques et contraction sous-épicardique postsystolique) et pendant la phase de contraction auriculaire (traction par les fibres musculaires de l’OG). Systole Diastole OG OG Aorte Aorte VG VG © Chassot 2012 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 37 De plus, l’anneau mitral, qui est descendu vers l’apex pendant la contraction longitudinale, remonte jusqu’à sa position télédiastolique en 2 étapes, pendant la phase de relaxation protodiastolique (relâchement des fibres sous-endocardiques et contraction sous-épicardique post-systolique) et pendant la phase de contraction auriculaire (traction par les fibres musculaires de l’oreillette). L’anneau mitral coulisse ainsi autour du volume de sang qui est au niveau de la valve et qui se retrouve passer de l’OG dans le VG sans même s'être déplacé (Figure 5.31A). Il existe donc 3 phénomènes distincts pour expliquer le remplissage ventriculaire en début de diastole : la contraction de la musculature sous-épicardique, le ressort élastique de la connectine et le coulissage de l’anneau mitral. Comme ils dépendent des mêmes stimuli que la contraction systolique, ces trois phénomènes permettent d’accélérer le remplissage du VG à l’effort sans augmentation de la pression auriculaire gauche. En effet, cette dernière ne s’élève qu’à l’effort extrême ou dans des conditions pathologiques (dysfonction diastolique, hypervolémie, etc). En diastole, le flux mitral fait un large vortex dans la région apicale, de manière à amener le sang en regard de la chambre de chasse et en avant du feuillet mitral antérieur ; dès que la pression monte en systole, cette masse de sang est éjectée en direction de la valve aortique et repousse le feuillet mitral en arrière jusqu’à l’occlusion [174a]. Dans un tel système, le flux est continu, laminaire et ininterrompu ; la poussée hydrodynamique est longitudinale, allant de la mitrale vers l’apex et de l’apex vers la chambre de chasse. La perte d’énergie est minimale, le risque de thrombose est nul. Dans le cas d’un remodelage de la cavité ventriculaire à cause d’une cardiomyopathie, d’une dyskinésie ou d’une dilatation, le flux diastolique forme des vortex dispersés dans la cavité ventriculaire. Au lieu d’être strictement longitudinale, la poussée a des composantes transversales ou circulaires qui se croisent ; le désordre et l’instabilité de cette situation entraîne un gaspillage d’énergie, et le risque de stagnation locale augmente celui de thrombose (Figure 5.31B) [299a]. La présence de vortex anormaux à l’IRM cardiaque à contraste de phase est un signe avant-coureur de la cardiopathie structurelle [299a]. Relaxation diastolique La protodiastole est caractérisée par un effet de succion intraventriculaire (la pression du VG est inférieure à la pression thoracique): le VG fonctionne comme une pompe aspirante. Ceci est lié à 3 phénomènes: - Persistance de la contraction sous-épicardique alors que les couches sous-endocardiques et circulaires se sont relâchées; cette contraction détord et allonge le VG comme sa musculature paravertébrale redresse le serpent - Déploiement élastique de la connectine - Coulissage de l'anneau mitral autour du volume de sang situé au niveau de la valve Ces phénomènes dépendent des mêmes stimuli que la contraction systolique et permettent d'accélérer le remplissage à l'effort sans augmentation de la POG. Contraction du VD L’architecture du VD est différente de celle du VG, car son origine embryologique n’est pas la même. Alors que le VG provient du tube cardiaque primitif retourné sur lui-même, le VD est issu du champ cardiaque antérieur situé dans le mésoderme pharyngien, en continuité avec le VG du côté céphalique (voir Annexe D Figure D.13) ; ce champ donne naissance à la majeure partie du VD et aux deux chambres de chasse. Le VD est constitué d'une chambre d’admission basée sur l'anneau tricuspidien, d’un corps central très trabéculé enroulé en forme de croissant autour du VG, et d'une chambre de chasse (CCVD) cylindrique connectée à l’AP. Sa section transverse est en forme de demi-lune (voir Figure 5.13 page 22). La masse musculaire du VD est 1/6ème de celle du VG ; l’épaisseur de la paroi Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 38 libre du VD est de 4-5 mm environ. Les fibres musculaires longitudinales sont sous-endocardiques et les fibres circulaires disposées à l’extérieur : le VD ne possède que deux couches de fibres myocardiques, contrairement au VG qui en a trois. La contraction du VD est liée à plusieurs mécanismes (Figure 5.32) [158,159,344]. Dysfonction diastolique OG Aorte Ant Post ゥ Chassot 20 Ant Post Dilatation © Chassot 2015 ゥ Chassot 201 Figure 5.31B : Flux diastoliques intraventriculaires. En situation normale, le flux mitral est dirigé légèrement postérieurement de manière à tournoyer à l’apex et à remonter vers la chambre de chasse ; le flux est continu et régulier, la perte d’énergie est minimale. En cas de dysfonction diastolique, la direction du flux mitral n’est plus homogène, il se crée des vortex irréguliers, et certaines composantes sont amenées à se croiser, ce qui représente une perte d’énergie hydraulique. Lors de dilatation ventriculaire, les flux sont chaotiques, la perte d’énergie est considérable et le risque de thrombose devient élevé [299a]. Ant Post © Chassot 2015 ゥ Chassot 201 Contraction longitudinale base → apex → CCVD séquentielle en un mouvement péristaltique autour du VG ; c’est l’élément principal. La contraction longitudinale du VD débute à la chambre d’admission (région sous-tricuspidienne) et se propage jusqu’à la CCVD en 80 msec. Raccourcissement radiaire de la paroi libre ; ce raccourcissement en court-axe dû aux fibres circulaires est peu important. Le VD subit une torsion anti-horaire globale de 20-25° due à l’obliquité de sa musculature longitudinale ; elle consiste en une brève rotation horaire à la base suivie d’une rotation antihoraire majeure. Epaississement du septum interventriculaire dû à la contraction du VG, qui fournit 40% de la pression systolique du VD et assure une compression transverse de la cavité droite. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 39 Le VG contribue également à la contraction de la paroi libre du VD par la traction des fibres communes aux deux ventricules au niveau des sillons interventriculaires ; à la base et à l’apex, une partie des fibres circulaires établit une continuité entre les deux ventricules. B A 5 AP 3 CCVD V D 4 OD Ch adm 2 V G VG 1 5 © Chassot 2012 Figure 5.32 : La contraction du ventricule droit est le résultat de 5 composantes. A : VD en position anatomique [404]. B : coupe en court-axe des deux ventricules. 1 : contraction longitudinale de type péristaltique de la chambre d’admission (ch adm) jusqu’à la chambre de chasse (CCVD) ; c’est la composante majeure. 2 : torsion du VD en sens anti-horaire (20°). 3 : contraction radiaire de la paroi libre ; elle est peu importante. 4 : compression par l’épaississement septal lié à la contraction du VG ; c’est le facteur principal dans la compression en court-axe. 5 : traction exercée par le VG sur les points d’ancrage du VD. En cas d’insuffisance ventriculaire droite, seule la contraction de la paroi libre du VD donne une idée réelle de sa dysfonction, parce que la contractilité des autres régions est soit soutenue par celle du VG (fibres circulaires communes à la base, contraction du septum) soit augmentée à cause de sa richesse en récepteurs β (chambre de chasse droite). Le pic de pression systolique est plus tardif que dans le VG (voir Figure 5.103 page 148). La phase de contraction isovolumétrique est quasi-inexistante, parce que la pression du VD atteint rapidement la valeur de la PAP ; l’éjection débute beaucoup plus tôt que celle du VG, et se poursuit pendant la phase de relaxation isovolumétrique. Le volume télédiastolique du VD est plus grand que celui du VG (50100 mL/m2 versus 40-80 ml/m2) ; de ce fait, sa fraction d’éjection est plus basse (0.4 à 0.6) puisque les deux ventricules doivent maintenir un débit/minute rigoureusement identique [159]. Lorsqu’il s’hypertrophie parce qu’il fonctionne comme ventricule systémique (transposition des gros vaisseaux, par exemple), le VD présente une contraction à prédominance radiaire/circulaire et perd son mouvement de rotation [303]. Plus il est hypertrophié, plus sa physiologie ressemble à celle du VG. Contraction du VD La contraction du VD comprend 4 mouvements différents: - Contraction longitudinale péristaltique de la base vers l'apex et la CCVD; mouvement de propulsion principal - Contraction radiaire de la paroi libre; contribution peu importante au volume systolique - Torsion de 20-25° - Apport important du VG: épaississement du septum et traction sur les fibres circulaires communes aux 2 ventricules; 40% de l'éjection systolique du VD est fournie par le VG Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 40 Notre cœur est-il une bonne pompe ? (voir Annexe D) Un système à quatre chambres, connecté à deux circulations en série de même débit mais de pressions différentes, est-il le plus adéquat ? Pour répondre à cette question, l’évolution qu’ont parcourue les différentes espèces animales nous offre 800 millions d’années d’expérimentation sur les divers systèmes circulatoires possibles [98]. Il est donc intéressant de se pencher un instant sur la paléontologie du cœur et sur les modifications de l’hémodynamique au cours de l’évolution animale. Pour davantage d’information, on se référera à l’Annexe D, où le sujet est traité de manière extensive. A partir des cellules eukaryotes et des bactéries apparues il y a 1.5 milliard d’années, se sont développés des organismes pluricellulaires et organisés de symétrie radiaire comme les cnidaires (corail, méduses), puis de symétrie bilatérale avec un axe antéro-postérieur (Bilateria). De là, l’évolution a bifurqué dans deux directions : les invertébrés et les vertébrés (Figure 5.33). Le premier cœur tubulaire est apparu probablement il y a 600-800 millions d’années chez les Bilateria ; il devait être animé de mouvements péristaltiques et propulsait un liquide dans un espace péricellulaire sans vaisseaux [26a]. Oiseaux Mammifères Céphalopodes Crustacés Reptiles Insectes Amphibiens Vers Mollusques Arthropodes Poissons Amniotes Annelidés Echinodermes Protostomes Chordés Deutérostomes Bilateria Cnidaires Eponges Coraux Méduses Metazoaires Bactéries Protozoaires © Chassot 2014 Figure 5.33 : Schéma simplifié de l’évolution animale. Les flèches bleues représentent les invertébrés et les flèches rouges les vertébrés. Protostomes et deutérostomes, respectivement ancêtres des invertébrés et des vertébrés, sont issus d’animaux ayant acquis une symétrie bilatérale, alors que les protozoaires et les cnidaires ont une symétrie radiaire. Les amniotes se caractérisent par la présence d’une poche liquidienne (amnios) assurant la protection de l’embryon et permettant de pondre des œufs hors de l’eau. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 41 Tant que les êtres vivants étaient des amas de cellules comme les métazoaires, la simple diffusion de l’oxygène et des nutriments suffisait à leurs besoins. Augmentant de taille et multipliant les organes, les animaux ont dû organiser un système de transport pour apporter les éléments nutritifs et l’O2, et évacuer les déchets et le CO2. Le système circulatoire peut être conçu sur deux modes. Un système ouvert à basse pression donnant la priorité au flux, analogue à un ventilateur dans une chambre. Ce système est fonctionnel sur de courtes distances ; il constitue la circulation périphérique chez les annélidés (vers), les arthropodes (insectes), les mollusques noncéphalopodes et les tuniqués. Le volume circulant est considérable (jusqu’à 50% du poids corporel) et consiste en un mélange de sang et de lymphe appelé hémolymphe. Un système fermé sous haute pression (analogue à la pompe-à-vélo), permettant de propulser le flux sur de longs trajets et de suivre les variations de la demande. On le rencontre chez tous les vertébrés, mais aussi chez les céphalopodes (poulpes) et les échinodermes (oursins). Le volume circulant est faible (6-8% du poids corporel) et ne contient que du sang. Il existe essentiellement trois types de pompes utilisées dans la nature. Propulsion péristaltique, analogue à celle du tube digestif ; le flux est continu, lent et de basse pression (< 15 mmHg) ; on trouve cette circulation chez les annélidés (vers). Compression par une musculature extrinsèque (cœur caudal de lamproie) ; la pression générée est faible ; chez l’homme, c’est la manière dont est assurée la circulation veineuse dans les membres inférieurs. Des valves sont nécessaires pour assurer la direction du flux. Chambre contractile, unique (ventricule) ou multiple (renflements aortiques en série des arthropodes) avec des valves ; ce système permet de hautes pressions mais implique une circulation pulsatile ; c’est le système le plus fréquemment utilisé dans le monde animal. Le cœur fait circuler le sang toujours dans la même direction, sauf chez les tuniqués, ou urochordés, qui sont un groupe d'animaux ressemblant à des sacs fixés sur le fond marin. Ils ont un cœur en forme de tube péristaltique sans valve et une circulation ouverte. Après quelques dizaines de contractions péristaltiques propulsant le liquide dans un sens, le cœur fait une pause, puis se contracte dans l'autre sens, et fait circuler le liquide en direction opposée. Ce cas de circulation bidirectionnelle est la seule exception connue à la règle du flux dirigé vers les tissus et revenant à la pompe par un circuit veineux. Plusieurs montages circulatoires sont possibles pour assurer les échanges métaboliques et les échanges gazeux (Figure 5.34). Les échanges gazeux peuvent avoir lieu à travers la peau (annélidés), par des pores abdominaux (insectes), par des branchies (mollusques, poissons) ou par des poumons (reptiles, oiseaux, mammifères). Les branchies peuvent être montées sur le retour veineux (mollusques) ; le cœur reçoit du sang oxygéné qu’il propulse vers les tissus. Les branchies peuvent être placées entre le cœur et les tissus (poissons) ; le cœur reçoit alors du sang veineux ; cependant, il est lui-même perfusé par du sang oxygéné en provenance directe des branchies. Les animaux plus évolués ont deux circulations séparées (systémique et pulmonaire) ; elles peuvent avoir la même pression (reptiles, amphibiens) ou des pressions différentes (oiseaux, mammifères). Dans le premier cas, le cœur ne possède qu’un seul ventricule, dans le deuxième il en possède deux. La présence d’un transporteur d’O2 augmente 20-40 fois la capacité du sang à acheminer l’O2 aux cellules. Deux pigments hèmes différents sont utilisés dans la nature. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 42 L’hémocyanine à base de cuivre (Cu2+), d’où la couleur verdâtre du sang de la plupart des invertébrés ; elle n’existe que sous forme dissoute et transporte 4-5 vol% d’O2. L’hémoglobine à base de fer (Fe2+), dont il existe plusieurs variétés et qui est commune à tous les vertébrés ; elle est enfermée à haute concentration dans les globules rouges et transporte environ 20 vol% d’O2. Il est intéressant d’examiner quelques exemples de différents types de circulation sélectionnés en remontant la chaîne de l’évolution [349]. A Figure 5.34 : Différents montages circulatoires utilisés dans la nature. A : circulation simple ; les branchies sont montées sur le retour veineux (mollusques) ; le cœur reçoit du sang oxygéné qu’il propulse vers les tissus. B : les branchies sont placées entre le cœur et les tissus (poissons) ; le cœur reçoit alors du sang veineux ; il est lui-même perfusé par du sang artérialisé venant directement des branchies. C : deux circulations séparées (systémique et pulmonaire) ; elles peuvent avoir la même pression (reptiles, sauriens) ou des pressions différentes (oiseaux, mammifères). Dans le premier cas, le cœur ne possède qu’un seul ventricule, dans le deuxième il en possède deux. Tissus Branchies Coeur B Branchies Tissus Coeur C Poumons Tissus Cœur D Cœur G © Chassot 2014 Invertébrés Les annélidés (vers) possèdent une seule circulation faite de deux tubes péristaltiques (ventral et dorsal) et de connexions latérales (Figure 5.35A) ; c’est un système de perfusion lent (6-8 ondes péristaltiques par minute), continu, à basse pression (≤ 12 mmHg), ne permettant guère de variations de débit, et ne s’accommodant que d’un métabolisme très bas. Les annélidés respirent par la peau. Les arthropodes (insectes, arachnidés) ont une série de renflements pulsatiles abdominaux (cœurs en série) le long d’un vaisseau dorsal (aorte) et respirent par des opercules situés latéralement sur Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 43 l’abdomen (Figure 5.35B) [365a]. Les cœurs synchronisés propulsent le sang dans l’aorte en se contractant ; leur remplissage est assuré par des muscles suspenseurs fixés aux parois de l’abdomen. En périphérie, la circulation est ouverte, le liquide circulant librement dans l’espace interstitiel à l’intérieur de la carapace et des organes, où il est dirigé par un réseau de membranes. C’est un système à basse pression (20/10 mmHg), qui ne permet pas de dépasser une taille de 15 cm parce que la diffusion interstitielle ne peut se faire que sur de courtes distances. A la base des ailes, certains insectes comme les mouches et les abeilles, présentent des renflements circulatoires particulièrement développés, appelés cœurs accessoires, assurant un débit plus élevé dans les ailes, dont le métabolisme est très élevés pendant le vol. Les insectes sauteurs ont le même arrangement au niveau des pattes. Chez les insectes, le sang ne joue pas de rôle particulier dans la respiration; le transport des gaz est fourni jusqu'en périphérie par un réseau de tubes très fins où le déplacement de l'air est assuré par la contraction et la relaxation de l'abdomen. Ces mouvements de l’abdomen apportent une aide considérable au flux sanguin et sont essentiels au brassage de l’hémolymphe pendant les efforts. Chez les arachnidés (araignées, scorpions), le système circulatoire est identique mais le sang participe au transport d'O2 par un pigment d'hémocyanine, et on trouve le premier développement d'organes respiratoires où le sang entre en contact avec l'air. Figure 5.35 : Systèmes circulatoires des annélidés et des insectes. A: chez les vers (annélidés), la circulation suit un mode péristaltique de long de deux tubes (dorsal et ventral) reliés par des circuits collatéraux au niveau de chaque anneau. La respiration est cutanée. B : chez les arthropodes (insectes, araignées), des cœurs abdominaux propulsent le sang dans l’aorte, la circulation périphérique est ouverte (absence de capillaires) ; certains ont des cœurs accessoires au niveau des ailes, des pattes ou des antennes. La contractionrelaxation abdominale apporte une aide considérable au flux sanguin. A Vaisseau dorsal Connections segmentaires Respiration cut Vaisseau ventral Tube digestif Corde neurale B © Chassot 2013 Cœurs acessoires Aorte Circulation ouverte en périphérie Coeurs Ostia Corde neurale Septa Les crustacés (crabes, homards) présentent un cœur unique constitué d’une seule cavité contractile suspendue au péricarde par des ligaments élastiques qui assurent l’expansion diastolique (Figure 5.36). Le sang revient dans le péricarde et baigne la masse contractile ; en diastole, il pénètre dans la cavité ventriculaire par des canaux traversant la paroi myocardique ; en systole, la contraction obture ces orifices et le sang est éjecté dans l’aorte. Des branchies pour les échanges gazeux sont placées sur le circuit de retour veineux au cœur, qui est lui-même vascularisé par du sang artériel. Le pigment transporteur d’O2 est de l’hémocyanine. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 44 Coeur Aorte post Sinus ventral CP C Aorte Branchies antérieure Vaisseaux branchiaux Artère abdominale VB Figure 5.36 : Système circulatoire des crustacés. Ils présentent un cœur unique constitué d’une seule cavité contractile suspendue au péricarde par des ligaments élastiques (en vert) qui assurent l’expansion diastolique [Extrait de: Schmidt-Nielsen K. Réf 349]. Le sang revient dans le péricarde (pointillé rouge CP) et baigne la masse contractile ; en diastole, il pénètre dans la cavité ventriculaire par des ostia traversant la paroi myocardique (flèche rouge) ; en systole, la contraction obture ces orifices et le sang est éjecté dans l’aorte. Des branchies pour les échanges gazeux sont placées sur le circuit de retour veineux au cœur [98]. VB : vaisseaux branchiaux. C : cœur. CP : cavité péricardique. A Figure 5.37 : Système circulatoire des mollusques. A : cœur d’escargot à deux chambres, un ventricule et une oreillette séparés par une valve directionnelle. B : circulation des céphalopodes, avec deux cœurs accessoires à basse pression (BP) sur le retour veineux vers les branchies, et un cœur systémique perfusant les organes à haute pression (HP). Aorte Ventricule Pericarde Oreillette Veine centrale B Cœur HP Branchies Branchies Cœur BP Cœur BP Tissus © Chassot 2014 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 45 Les mollusques (escargots, moules) ont subi une très longue évolution (500 millions d’années), et présentent différents systèmes circulatoires (Figure 5.37). Ils sont les premiers à posséder un cœur à deux chambres constitué d’un ventricule et d’une oreillette. Celle-ci constitue un double avantage hémodynamique: 1) elle fonctionne comme un réservoir-tampon entre le retour veineux continu et l’éjection pulsatile, et 2) sa contraction permet d'élever la pression télédiastolique ventriculaire sans augmenter la pression veineuse moyenne. Le pigment transporteur d’O2 est également de l’hémocyanine. A l'exception des céphalopodes, les mollusques ont un système circulatoire ouvert en périphérie. Les céphalopodes (poulpes, calmars), les plus évolués d’entre les mollusques, possèdent une circulation fermée avec un réseau de capillaires, et une double hémodynamique. Premièrement, un cœur bicavitaire recueillant le sang des branchies le propulse dans la circulation systémique à haute pression (50-75 mmHg), et, deuxièmement, deux cavités pulsatiles accessoires (droite et gauche) poussent le sang dans les branchies latérales sous un régime à plus basse pression (20 mmHg). Il y a donc un seul circuit en série, mais deux régimes de pression différents. C’est la première apparition d’une circulation respiratoire à basse pression pour faciliter les échanges gazeux et d’une circulation systémique à plus haute pression pour assurer plus efficacement les besoins métaboliques. Le pigment est aussi de l’hémocyanine. Vertébrés Les ancêtres des vertébrés sont les chordés, qui ressemblent à des petits poissons ou à des vers marins, mais qui présentent un système nerveux dorsal protégé par une enveloppe fibreuse ancêtre de la colonne vertébrale, et un cœur fait de plusieurs chambres pulsatiles se succédant le long d’un tube circulatoire. Ces chambres vont donner successivement le sinus venosus et l’oreillette pour le flux d’admission, le canal auriculo-ventriculaire valvé, le ventricule et le conus arteriosus pour le flux d’éjection. On retrouvera les mêmes formations au cours de l’embryogenèse de tous les vertébrés. Au cours de l’évolution, le tube cardiaque va se plier sur lui-même de manière à amener l’oreillette d’abord en arrière du ventricule, puis à côté de la chambre d’éjection (Figure 5.38) [265a,363a]. L’avantage de cette configuration est d’éviter que le sang s’arrête et redémarre entre la diastole et la systole, mais au contraire qu’il soit animé en permanence d’un mouvement tournoyant évitant la perte d’énergie cinétique et plaçant le volume sanguin toujours en ligne avec la chambre suivante [197a]. Les cyclostomes (lamproie), qui sont des poissons primitifs ressemblant aux anguilles, possèdent plusieurs cœurs dont un cœur caudal longiligne constitué de deux chambres parallèles entourant un cartilage central ; la contraction alternée de deux muscles externes longitudinaux fait basculer le cartilage d’un côté et de l’autre, ce qui vide une chambre et remplit simultanément l’autre. Ce système ne doit pas être très performant, car il n’a pas été retenu dans l’évolution et n’est présent que chez ces animaux hors d’âge. Les poissons (téléostes) présentent un cœur à deux chambres et une circulation unique cœur → branchies → tissus (Figure 5.39). Un sinus veineux précédant l'oreillette fait office de réservoirtampon sur le retour veineux et un cône artériel très élastique amortit la pulsatilité du sang artériel à la sortie du ventricule (pression artérielle: 30/15 mmHg). Parmi les poissons, les élasmobranches (requins) ont un péricarde cartilagineux rigide. De ce fait, la pression intrapéricardique devient négative (- 4 mmHg) lorsque le ventricule diminue de taille en systole; ce mécanisme facilite l'aspiration du sang dans l'oreillette en déplaçant le liquide péricardique autour du ventricule et en dégageant l'oreillette. En diastole, le liquide est refoulé par la dilatation ventriculaire autour de l'oreillette, ce qui facilite la vidange de celle-ci dans le ventricule. Les squales disposent en plus d’un système original : la persistance du canal péricardo-péritonéal permet d’évacuer momentanément le liquide péricardique dans l’abdomen pour augmenter le volume des cavités cardiaque comme on draine une tamponnade [162b]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 46 Figure 5.38 : Evolution anatomique du cœur chez les vertébrés. A : poissons primitifs (cyclostomes) et actuels. B: amphibiens (grenouilles) et amniotes (reptiles, oiseaux et mammifères). Par rapport au tube primitif, le cœur se plie progressivement sur lui-même pour amener la chambre d’admission et la chambre de chasse côte-à-côte en position céphalique [265a,363a]. C et D : représentation schématique des flux à l’intérieur du cœur de mammifère ; le tournoiement continu est de plus en plus efficace pour limiter la perte d’énergie cinétique et pour placer le volume sanguin en face de la chambre suivante [197a]. SV : sinus venosus. O : oreillette. V : ventricule. CA : conus arteriosus. Ao : aorte. O O SV SV CA CA V A Cyclostomes V Poissons O O CA B Ao V Amphibiens O CA Amniotes SV O V C V Poissons Ao V Reptiles OG OG VG VG Ao D Mammifères : diastole Mammifères : systole © Chassot 2014 Les amphibiens (grenouilles, salamandres) ont un cœur à trois chambres (2 oreillettes et 1 ventricule) ; une oreillette reçoit du sang veineux des tissus et l’autre du sang oxygéné des poumons (Figure 5.40). Dans le ventricule, ces sangs circulent en parallèle et ne se mélangent pratiquement pas : le sang veineux est expulsé dans une artère pulmonaire, et le sang artérialisé dans une aorte. Comme il n’existe qu’un seul ventricule, la pression est identique dans le circuit pulmonaire et dans le circuit systémique. Chez les amphibiens, cela n’est pas un inconvénient pour deux raisons : La pression du système circulatoire est basse (systole : ≤ 40 mmHg, diastole : ≤ 30 mmHg) ; Un circuit cutané est monté en dérivation du circuit pulmonaire, car les batraciens assurent leurs échanges gazeux par la peau lorsqu'ils sont sous l'eau ; ce circuit présente des résistances vasculaires identiques aux résistances systémiques, donc plus élevées que celles du circuit pulmonaire. L’artère pulmonaire est dotée d’une puissante musculature circulaire (C, Figure 5.40). En plongée, sa constriction diminue le flux pulmonaire, et le sang est dirigé vers la circulation cutanée. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 47 CPP LP O O SV SV CA CA V A CPP LP Systole V Diastole B © Chassot 2014 Figure 5.39 : Cœur de poisson comprenant deux chambres (oreillette O et ventricule V) et une valve directionnelle. Chez les requins, il baigne dans un liquide péricardique (LP) qui se déplace selon le rythme cardiaque. A : en systole, la contraction de ce dernier fait de la place dans le péricarde et le liquide décomprime l’oreillette, dont le remplissage est facilité. B : en diastole, le ventricule occupe davantage de volume, le liquide est refoulé autour de l’oreillette, dont la compression accélère la vidange dans le ventricule. CPP : canal péricardo-péritonéal permettant le drainage du liquide péricardique dans l’abdomen [162b]. SV : sinus venosus. A B Conus arteriosus (CA) C Ventricule Oreillette gauche Poumons Coeur Oreillette droite Figure 5.40 : Cœur d’amphibien. A : cœur à 3 chambres (1 ventricule et 2 oreillettes) ; une oreillette reçoit du sang veineux et l’autre du sang oxygéné [Extrait de Réf 349]. B : Dans le ventricule, ces sangs circulent en parallèle et ne se mélangent pratiquement pas : le sang veineux est expulsé dans une AP, et le sang artérialisé dans une aorte. Comme il n’existe qu’un seul ventricule, la pression est identique dans le circuit pulmonaire et dans le circuit systémique. La circulation pulmonaire comprend un circuit cutané (25% des échanges gazeux). Il existe un sphincter (C) à l’origine de l’AP qui abaisse le flux pulmonaire et le dévie vers la peau en plongée. Peau Tissus © Chassot 2012 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 48 Les reptiles présentent une transition entre le cœur à trois chambres des amphibiens et la circulation double avec un cœur à quatre chambres des oiseaux et des mammifères. Ils varient d’un ventricule unique partiellement divisé par un septum interventriculaire (tortues), à deux ventricules différents reliés par une communication interventriculaire (pythons, varans) ou à deux ventricules complètement séparés (crocodiles) (Figure 5.41A). Pour éviter que la pression pulmonaire soit identique à la pression systémique, une crête musculaire surmontant le septum interventriculaire se contracte en systole et obstrue plus ou moins complètement la communication entre les deux ventricules. Celle-ci maintient un shunt, qui peut être droit-gauche ou gauche-droit selon le jeu des pressions. Le shunt est important chez les tortues, mais minime chez les pythons et les varans [182a]. Les reptiles possèdent une seule artère pulmonaire mais deux aortes (droite et gauche). Les crocodiliens ont un cœur à quatre chambres complètement séparées ; toutefois, leur aorte gauche est issue du ventricule droit et communique avec l’aorte droite (issue du VG) par un orifice appelé foramen de Panizza (Figure 5.41B). La présence d’un shunt variable chez les reptiles est peut-être un reliquat évolutif, mais il a l’avantage de maintenir une certaine indépendance entre les débits du cœur droit et du cœur gauche, qui peuvent varier selon les modifications des résistances artérielles pulmonaires et systémiques lorsque l’animal passe de la respiration en surface à la plongée. Lorsque les deux circulations sont totalement séparées comme chez les oiseaux et les mammifères, le débit droit et le débit gauche doivent être rigoureusement identiques. RA AP OD LA AoG AoD LAo OG AoG RAo PA OD OG AP AoD CV CV CV CP CA CP MR CM CA IVS CP CA CM SIV SIV Tortue Python © Chassot 2014 Figure 5.41 A : cœurs de reptiles. Chez la tortue, le ventricule est partiellement divisé en cavum pulmonaire (CP) et cavum arteriosum (CA) par un septum interventriculaire (SIV) laissant une large communication interventriculaire (CIV) sous les deux aortes, appelée cavum venosum (CV). L’alignemnt des flux fait que le sang veineux désaturé va principalement dans l’AP et le sang oxygéné principalement dans les aortes. Le shunt D – G apparaît dès que la pression augmente dans l’AP, comme en plongée. L’anatomie est plus perfectionnée chez les pythons et les varans : en systole, la contraction de la crête musculaire (CM) sitée à l’extrémité du septum obstrue complètement la CIV et sépare le sang veineux du sang artérialisé. Le shunt est quasi-inexistant. De plus, la pression est 2-3 fois plus élevée dans le cavum arteriosum, équivalent au VG, que dans le cavum pulmonale, équivalent au VD. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 49 AP AoG AoD AP AoG AoD OG OD OG OD FP FP * SM VaD VaD VG VG VD VD SIV Surface SIV Plongée © Chassot 2014 Figure 5.41 B : cœur de reptiles : crocodiles. Les ventricules sont complètement séparés, mais l’aorte gauche provient du VD, alors que l’aorte droite provient du VG. A leur racine, le foramen de Panizza (FP) les fait communiquer entre elles. La valve dentée (VaD) est un ensemble de nodules fibreux situés dans la chambre de chasse droite. Lorsque le crocodile respire à l’air (Surface), la VaD est ouverte et le flux est libre dans l’artère pulmonaire (AP), qui reçoit tout le sang veineux désaturé. Comme la pression du VG est plus élevée que celle du VD, la pression dans l’AoG est plus élevée que celle du VD et sa valve est fermée (*) ; le flux de l’AoG provient de l’AoD par le foramen de Panizza. En plongée, la contraction de la VaD obstrue complètement le flux vers l’AP ; de ce fait, la pression monte dans le VD et l’éjection est possible du VD vers l’AoG, qui reçoit alors du sang désaturé. Il se crée un shunt droite - gauche. AoG : aorte gauche. AoD : aorte droite. SM : septum membraneux. SIV : septum interventriculaire. Les oiseaux et les mammifères sont les seuls homéothermes : au prix d’une très forte demande métabolique, ils maintiennent leur température corporelle aux environs de 37°C, ce qui rend leur activité indépendante de la température du milieu ambiant. Il sont aussi les seuls à posséder un cœur à quatre cavités et deux circulations complètement séparées (voir Figure 5.34C page 43). Un circuit systémique à haute pression pour répondre aux besoins métaboliques élevés : 120/60 mmHg chez les mammifères, 160/40 mmHg chez les oiseaux ; certaines espèces d’oiseaux ont une pression systolique jusqu’à 250 mmHg ; Un circuit pulmonaire à basse pression pour faciliter les échanges gazeux : 25/15 mmHg chez les mammifères, 20/10 mmHg chez les oiseaux ; les poumons de ces derniers assurent des échanges gazeux 50% plus efficaces que ceux des mammifères. Le point crucial de ce système est l’interdépendance des deux circulations : les deux ventricules doivent battre de manière synchrone et avoir rigoureusement le même volume systolique, contrairement aux reptiles dont la CIV permet une ré-équilibration des volumes éjectés en cas de variations. Le phylum des mammifères s’est détaché des premiers vertébrés terrestres il y a 300 millions d’années, alors que les oiseaux sont les descendants des reptiles. On voit ainsi que l’évolution suit des voies parallèles dans des branches différentes, et répond aux mêmes contraintes (haut débit systémique et basse pression pulmonaire) avec des solutions identiques (cœur à 4 chambres séparées). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 50 La masse du cœur représente le 0.6% du poids du corps chez tous les mammifères, y compris l’homme; dans l'échelle animale, elle varie de 0.8% chez les oiseaux à 0.2% chez les poissons. Le volume systolique est de 12 mcL chez la musaraigne et de 350 L chez la baleine, mais son rapport à la masse corporelle est pratiquement identique. La fréquence cardiaque est fonction inverse de la taille : 600 battements par minute au repos chez la musaraigne, 25 chez l’éléphant et 6-12 chez la baleine bleue. Ceci est lié au fait que la surface corporelle augmente par rapport à la masse du corps lorsque la taille diminue ; par rapport à la taille, la surface varie au carré mais le volume au cube. Chez les animaux de petite taille, le maintien de l’homéothermie devient plus dispendieux en énergie à cause de la déperdition calorique due à une relativement grande surface corporelle par rapport à la taille, comme c’est le cas chez les nouveau-nés humains. La fréquence est donc réglée sur la consommation d'O2. L’espérance de vie des mammifères est inversément proportionnelle à leur fréquence cardiaque au repos (Figure 5.42A). Les gros animaux ont une fréquence basse et vivent plus longtemps, mais le nombre total de battements au cours de l’existence est étonnament semblable entre les espèces ; il est de 6-12 • 108, malgré de larges variations de fréquence et de durée de vie (Figure 5.42B) [76a]. Chez l’homme actuel, le nombre de battement au cours d’une vie est de l’ordre de 2 • 109, parce que l’hygiène et les soins allongent artificiellement la durée de l’existence. -1 Fréquence cardiaque (b min ) Durée de vie (ans) A 1000 500 100 Souris Hamster Homme 60 Singe 300 Rat Marmotte Chien 100 30 Chat Giraffe Cheval Homme Tigre 50 5 Lion Ane 20 Baleine Eléphant 10 20 30 40 50 10 60 70 80 Durée de vie (ans) 2 Baleine Cheval Eléphant Lion Chien, tigre Giraffe, âne Singe Marmotte Rat Hamster Souris 10 4 10 6 10 8 10 10 10 12 Battements par existence Figure 5.42 : A. Relation entre la fréquence cardiaque et la durée de vie chez les mammifères. Sur une échelle semilogarithmique pour la fréquence, la relation est inversement proportionnelle et presque linéaire. Les hommes en divergent parce qu’ils utilisent des moyens artificiels pour prolonger l’existence. B. Relation entre la durée de vie et le nombre de battements cardiaques au cours de leur existence individuelle chez les mammifères. Cette valeur est pratiquement constante ; elle voisine un milliard (10 • 108) [76a]. L’évolution de l’hémodynamique De nombreux systèmes circulatoires ont été adoptés dans le règne animal, mais on voit que l’évolution présente toujours des tendances identiques, même au sein d’ordres animaux aussi différents que ceux des arthropodes, des céphalopodes, des oiseaux ou des mammifères. Le débit cardiaque passe de 25 ml/min/kg chez les poissons (poïkilothermes) à 75-100 ml/min/kg chez les mammifères et 100-150 ml/min/kg chez les oiseaux (homéothermes). L’augmentation progressive des besoins métaboliques Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 51 pousse à accroître constamment la pression systémique, seule solution capable de répondre à une demande de plus en plus élevée et à une activité physique de plus en plus variable. Parallèlement, on voit se différencier un système à basse pression dévolu aux échanges gazeux ; en effet, ces derniers sont d’autant plus performants que les gradients de pression alvéolo-capillaires sont bas (facilitation des échanges, membranes alvéolaires/branchiales fines). Cette différenciation existe déjà chez les poulpes et les calmars, mais est la plus marquée chez les oiseaux : leur pression systémique est en moyenne 160/40 mmHg, alors que leur pression pulmonaire n’est que 20/10 mmHg. De ce point de vue, les oiseaux sont les animaux les plus accomplis (Figure 5.43) [98]. La pression critique pour la circulation pulmonaire semble se situer entre 40 et 50 mmHg. En effet, les animaux dont la pression systémique est inférieure à 40 mmHg (arthropodes, amphibiens, reptiles) n’ont pas de circuit pulmonaire différencié. Mais dès que la pression systémique dépasse 50 mmHg, comme chez les céphalopodes, les mammifères et les oiseaux, on voit apparaître une circulation séparée à basse pression pour les échanges gazeux. Il est intéressant de noter que, chez l’homme, 50 mmHg est également la limite de pression artérielle pulmonaire au-delà de laquelle apparaissent les problèmes cliniques sérieux liés à l’hypertension pulmonaire. Il s’agit probablement d’une limite physiologique commune à tous les animaux. Figure 5.43 : L’augmentation progressive des besoins métaboliques pousse à accroître constamment la pression systémique (traits rouges). Parallèlement, on voit se différencier un système à basse pression dévolu aux échanges gazeux (traits bleus). Cette différenciation existe déjà chez les poulpes, mais est la plus marquée chez les oiseaux. La pression critique pour la circulation pulmonaire semble se situer entre 40 et 50 mmHg : les animaux dont la pression systémique est < 40 mmHg n’ont pas de circuit pulmonaire différencié, mais ceux dont la pression systémique dépasse 50 mmHg, comme chez les céphalopodes, les mammifères et les oiseaux, bénéficient d’une circulation séparée à basse pression pour la respiration [98]. Pression (mmHg) 16 0 Pression systemique 150/50 Pression pulmonaire 14 0 120/70 12 0 10 0 80/40 8 0 70/30 60/30 6 0 40/30 4 0 30/20 25/10 20/10 2 0 20/10 25/10 20/10 10/2 30/15 0 Ver Insecte Poisson Tortue Croco Pieuvre Python Mammifère Oiseau © Chassot 2013 Le ventricule pulsatile est la pompe la plus couramment utilisée dans l’échelle animale, car elle offre la possibilité de hauts débits sous haute pression. Toutefois, la pulsatilité n’est pas une nécessité pour les organes périphériques, comme le prouve l’excellente survie à long terme des patients porteurs d’assistances circulatoires de type turbine à flux continu [366]. La pulsatilité diminue certes le risque de thrombose périphérique et améliore le flux lymphatique, mais elle est surtout une nécessité absolue au niveau du cœur pour deux raisons [14,366] : Un temps diastolique est obligatoire pour assurer le remplissage de la cavité contractile ; Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 52 La pompe doit se perfuser elle-même ; la diastole est capitale pour permettre la perfusion myocardique. En effet, il faut un temps pendant lequel il existe un gradient de pression suffisant entre l’aorte et la pression sous-endocardique pour garantir l’apport de sang au ventricule systémique. Une pompe continue ne pourrait pas s’autoperfuser puisqu’il n’y aurait aucun ΔP entre sa pression d’éjection et celle de sa paroi. D’ailleurs, la pulsatilité impose deux contraintes majeures qui ont été résolues de manière astucieuse au cours de l’évolution. Au niveau du circuit veineux, l’oreillette est un réservoir-tampon qui permet de passer d’un retour continu à une éjection cyclique ; Au niveau du circuit artériel, l’élasticité des grandes artères et les résistances artériolaires élevées sont des moyens de dépulser le flux de manière à ce qu’il devienne aussi continu que possible au niveau capillaire. Chez l’homme, on sait qu'une pulsatilité artérielle élevée restreint la longévité, puisque la valeur de la pression pulsée (PAsyst – PAdiast) est le facteur le plus directement lié aux complications cardiovasculaires [291]. Il semble bien que l’arbre artériel se soit développé de manière à absorber la pulsatilité systolique et à tamponner les variations systolo-diastoliques en périphérie. Les coronaires n’apparaissent que lorsque la pression ventriculaire et le métabolisme basal sont élevés. Chez les poissons et les amphibiens, le myocarde est majoritairement de type trabéculé ; il est perfusé par des canaux transpariétaux issus de la cavité ventriculaire ; leur flux est assuré par la compressionrelaxation exercée par les fibres musculaires. Chez les reptiles et les sauriens, la proportion de myocarde compact s’accroît dans la zone sous-épicardique. Chez les oiseaux et les mammifères, tout le myocarde est de type compact. C’est pour vasculariser ce dernier type de myocarde que le réseau coronaire s’est développé chez ces animaux. Conclusions Le cœur tel que nous le connaissons paraît donc un aboutissement logique de l’évolution pour des animaux à sang chaud, mais il serait vain de penser que les mammifères sont les rois de la nature. Même s’ils affichent les records de poids, ce ne fut pas toujours le cas : les dinosaures étaient bien plus grands que les éléphants. Ils ne dominent pas non plus par le nombre: il en existe à peine plus de 4'000 espèces, alors qu’il y a 9'700 espèces d’oiseaux, 7'000 espèces de reptiles, 45'000 espèces de poissons, et que les arthropodes (insectes, arachnides, myriapodes et crustacés) représentent environ un million et demi d’espèces différentes [220]. Le succès des mammifères supérieurs tient probablement à leur polyvalence et aux prestations de leur cerveau. Toutefois, les êtres complexes sont l’exception dans la nature, dont la plus grande masse animale est constituée de bactéries, de protozoaires et de cnidaires. Ce qu’on dessine comme un arbre de l’évolution dirigé vers les mammifères supérieurs (Figure 5.33 page 41) est en réalité un buisson immense et touffu, dont émergent quelques branches frêles dont le seul mérite est de produire parfois de jolies fleurs. Les modifications progressives de l’appareil circulatoire montrent que tous les embranchements des animaux évoluent en fonction des mêmes contraintes et aboutissent à des résultats similaires, un phénomène appelé convergence. Chaque phylum développe des espèces de plus en plus sophistiquées marquées par une augmentation constante du métabolisme, de la complexité et de l’indépendance visà-vis de l’environnement. Pour chaque espèce, le succès tient à un équilibre réussi entre sa spécialisation ou sa complexité d’une part, et sa flexibilité ou sa robustesse de l’autre. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 53 L'hémodynamique dans l'évolution animale L’augmentation progressive des besoins métaboliques pousse à accroître constamment la pression systémique. Dès que celle-ci dépasse 50 mmHg, on voit apparaître une circulation séparée à basse pression pour les échanges gazeux. La chambre contractile (ventricule) est le système de pompe le plus performant, mais il implique une pulsatilité périphérique. Plusieurs types de cœur existent dans la nature: tubes péristaltiques (vers), cœurs en série montés sur l'aorte (insectes), chambre contractile unique (crustacés), cœur à deux chambres (une oreillette et un ventricule, chez les mollusques et les poissons), cœur à trois chambres (deux oreillettes et un ventricule, chez les amphibiens), cœur à quatre cavités et deux circulation séparées (oiseaux, mammifères). Chez les mammifères, le cœur représente 0.6% de la masse corporelle. La fréquence cardiaque de base est directement proportionnelle à la consommation d'O2 et inversement proportionnelle à la taille. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 54 Physiopathologie de la systole La fonction myocardique systolique est déterminée par six facteurs principaux: la précharge, la postcharge, la contractilité, la fréquence, la synchronisation et l'apport d'oxygène. La performance de ces éléments est réglée par trois systèmes : le mécanisme de Frank-Starling, les catécholamines circulantes et l’innervation autonome sympathique et parasympathique. Déterminants de la fonction systolique La précharge Le volume de remplissage télédiastolique du ventricule détermine le degré d'étirement des fibres musculaires avant leur contraction: c'est la précharge, ou tension de paroi ventriculaire en télédiastole. Le volume et la pression intracavitaire ne présentent pas une relation linéaire entre eux ; leur rapport est défini par la compliance de la chambre cardiaque (voir Figure 5.67 page 87). Pour le même volume, les pressions de remplissage varient selon l'élasticité de la cavité concernée, son volume et le degré de tension de sa paroi; la courbe de compliance est curvilinéaire. De ce fait, la mesure statique de la pression auriculaire droite (PVC) ou gauche (PAPO) est un critère de remplissage très peu pertinent. Les déterminants de la précharge ventriculaire sont nombreux et pas tous mesurables en clinique: le volume circulant, la pression endothoracique, la pression intrapéricardique, la pression abdominale, la pression critique de fermeture de la veine cave inférieure, le tonus veineux central, le débit veineux périphérique (activité musculaire de pompe), la résistance veineuse, la contraction auriculaire et la position du corps. Principe de Frank-Starling La loi de Frank-Starling (Frank 1895, Starling 1918) illustre la relation qui existe entre l'étirement des fibres musculaires et leur performance contractile (relation force – longueur) : un muscle isolé se contracte d’autant plus puissamment qu’il est au préalable lesté d’un poids plus important. Pour le cœur, cette loi exprime le rapport entre la tension de paroi (volume ou pression télédiastoliques) et la performance systolique fournie : la force contractile du VG dépend directement de la tension des fibres myocardiaques en fin de diastole ; elle est donc proportionnelle au volume télédiastolique (VtdVG) (Figure 5.44). Cette relation force – longueur suit une pente de recrutement jusqu'à un plateau au-delà duquel il n'y a plus de modification : une augmentation de volume ne conduit plus qu'à une augmentation des pressions de remplissage, mais non à une amélioration de la performance systolique. A haut volume de remplissage, la courbe de Starling du cœur sain ne redescend pas au-delà du plateau, mais il peut arriver que la surcharge liquidienne occasionne une dilatation du VD et un empiètement du septum interventriculaire dans la cavité du VG ; le remplissage diastolique de ce dernier est alors freiné ; en fait, le VG recule sur sa courbe normale puisque son Vtd réel diminue [365]. Le cœur normal fonctionne sur le dernier tiers de la partie ascendante de la courbe, ce qui lui offre une certaine réserve de précharge. Les sarcomères myocardiques opèrent normalement près de leur longueur maximale (2.2 µm): à 80% de celle-ci, ils ne développent encore que 10% de leur puissance [290]. L’activation contractile avec l’étirement des myofibrilles est le fruit d’une sensibilisation progressive des sarcomères au Ca2+, et non à une plus grande amplitude des variations de la [Ca2+]i comme c’est le cas lors d’une stimulation β, par exemple [130]. Le mécanisme principal est lié au fait qu’une fibre musculaire étirée devient plus fine ; les éléments des sarcomères disposés en parallèle sont ainsi rapprochés les uns des autres, ce qui facilite les interactions actine – myosine et augmente l’affinité de la TnC pour le Ca2+ Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 55 [129,178]. De plus, le rapprochement des filaments d’actine et de myosine augmente la course de la translation lors de la flexion des têtes de myosine. La dysfonction systolique rencontrée habituellement en sortant de CEC pourrait être liée à l’œdème myocardique (volume liquidien de la CEC, cardioplégie, etc) qui augmente l’espace interstitiel entre les fibres d’actine et de myosine, et diminue la course des têtes de myosine. Un deuxième mécanisme est lié à la connectine; cette longue molécule qui parcourt le filament de myosine d'un disque Z à l'autre est étirée comme un élastique en diastole ; plus l’élongation est importante, plus elle est tendue et plus son élasticité contribue à l’effet Frank-Starling lorsqu’elle reprend sa forme [381]. Il est surprenant de constater que des matériaux dits intelligents comme le nitinol (alliages nickel – titanium), susceptibles de se contracter brusquement sous l’effet d’une stimulation thermique ou électrique, présentent également un phénomène de Starling : leur étirement au repos augmente leur force de contraction [397]. Volume systolique Normal Dysfonction diastolique ΔVS Dysfonction systolique ΔP VD © Chassot 2012 Volume télédiastolique Figure 5.44 : Courbes de Frank-Starling du VG illustrant la relation entre la précharge (pression ou volume télédiastolique) et la performance systolique (débit cardiaque ou volume systolique). La courbe normale (en jaune) présente une partie ascendante (phase de recrutement, pente accentuée) où les variations de la précharge (ΔP) modifient de manière importante le volume systolique (ΔVS) ; le genou de la courbe est suivi d’un plateau. Les flèches verticales indiquent le point auquel cesse le recrutement du volume systolique par l’augmentation de la précharge. En cas de dysfonction systolique (en rouge), la courbe est déplacée vers le bas et aplatie (les ΔVS / ΔP sont faibles), le genou est déplacé vers la droite, et la courbe redescend après son point d’inflexion (flèche verticale rouge) à cause de la dilatation ventriculaire. En cas de dysfonction diastolique (en bleu), la courbe est très verticale (le VS dépend fortement de la précharge) ; elle est déplacée vers la droite (pression de remplissage élevée). La courbe de Starling du VD (en pointillé) est très plate, ce qui signifie que le débit du VD normal ne dépend que très peu de la précharge. Plus la pente de la courbe de Frank-Starling est raide (phase de recrutement), plus le volume éjecté est dépendant du remplissage. Plusieurs types de courbes peuvent se présenter (Figure 5.44). VG normal : pente de recrutement (volume systolique dépendant de la précharge, de petites variations de remplissage entraînent de grandes variations de volume systolique) et plateau Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 56 horizontal (absence d’effet du remplissage). Le genou de la courbe représente la précharge nécessaire à obtenir le volume systolique maximal. Dysfonction diastolique : pente de recrutement très redressée (haute dépendance du volume systolique par rapport à la précharge) et déplacée vers la droite (pression de remplissage élevée) ; plateau peu marqué (le VS reste précharge-dépendant même à haut remplissage). Dysfonction systolique : pente très faible (peu d’amélioration de la performance systolique par augmentation du remplissage), genou abaissé et déplacé vers la droite, et redescente de la courbe au-delà du genou car la surcharge liquidienne entraîne une dilatation du VG et une péjoration de sa fonction. VD normal : courbe beaucoup plus horizontale que celle du VD, ce qui signifie que le VD maintient le même débit systolique sur une vaste plage de volumes de précharge différents. La courbe la plus rigoureuse est obtenue en affichant le volume télédiastolique (Vtd) en abscisse et le volume systolique (VS) en ordonnée. En effet, la pression de remplissage est liée au volume par la compliance et ne traduit qu’indirectement la précharge. D’autre part, la performance systolique est mieux définie par le volume systolique, qui est une donnée première indépendante, alors que le débit cardiaque est une valeur qui dépend de la fréquence ; or les variations de cette dernière maintiennent le débit stable lorsque le volume systolique change. Déterminants de la fonction systolique (I) La fonction systolique est déterminée par six facteurs principaux: la précharge, la postcharge, la contractilité, la fréquence, la synchronisation et l'apport d'oxygène. Principe de Frank-Starling: la force de contraction du myocarde dépend de la tension de paroi télédiastolique. La courbe de Starling du VG présente une pente importante (phase de recrutement), où le volume systolique (VS) augmente avec le volume télédiastolique (Vtd), jusqu'à un genou au-delà duquel sa pente devient nulle et où les variations de Vtd ne modifient plus le VS (plateau). Formes particulières de la courbe de Starling: - Insuffisance systolique: courbe très aplatie, pente faible, genou déplacé vers la droite, redescente au-delà du genou; le VS dépend peu du Vtd - Insuffisance diastolique: courbe très redressée, pente forte, absence de plateau; le VS est hautement dépendant du Vtd - VD: courbe très plate; le VS varie très peu avec la précharge La postcharge La postcharge est la force de résistance que rencontrent les fibres myocardiques lors de leur contraction. Pour le coeur, cette force est définie comme la tension de paroi ventriculaire maximale en cours de systole (σ); c'est une force par unité de surface (dynes/cm2); elle est le facteur déterminant de la consommation d'oxygène du myocarde (mVO2). La fraction de raccourcissement du myocarde et sa vélocité de contraction sont inversément proportionnels à la postcharge; la baisse de performance causée par une augmentation de postcharge peut être contre-balancée jusqu'à un certain point par un recrutement de précharge; ceci rétablit le volume systolique (VS). Le VG est d'autant plus sensible à la postcharge que sa performance globale est abaissée ; c’est la base de la thérapeutique de l’insuffisance ventriculaire par des vasodilatateurs. Le VD est très sensible aux variations de sa postcharge ; sa performance systolique baisse considérablement lorsque les résistances artérielles pulmonaires augmentent (Figure 5.45). L'état contractile du myocarde détermine la force télésystolique à laquelle le raccourcissement cesse. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 57 Index cardiaque 2 (L/min/m ) Figure 5.45 : Effet de l’augmentation de la postcharge sur le débit systolique du VG. Alors que le VG normal est peu sensible à la postcharge dans les limites physiologiques (en jaune), le ventricule insuffisant (en rouge) diminue nettement sa performance lorsque la résistance à l’éjection augmente. Le VD (en pointillé) est très sensible à une augmentation de postcharge, qui provoque une dilatation ventriculaire et une baisse importante du débit. 3 Norma l 2 Dysfonction VG VD 1 50 0 100 0 150 200 -5 0 RAS (dynes • s • cm0 ) La tension de paroi du ventricule (σ) est directement proportionnelle à la pression et au diamètre du VG, et inversement proportionnelle à son épaisseur de paroi: c'est la loi de Laplace. Dans la mesure où le ventricule peut être assimilé à une sphère, elle se formule mathématiquement de manière simple: σ = (P • r) / 2h où: σ : tension de paroi (dynes/cm) P: pression intraventriculaire (mm Hg) r: rayon interne du VG (cm) h: épaisseur de paroi (cm) Le VG étant un ellipsoïde, la formule appropriée s’écrit : σ = ( P • D • 0.33 ) / 4 h (1 + [ h / D] ) La tension de paroi est une force exercée par unité de longueur d'une circonférence, exprimée en gm/cm ou en dynes/cm (1 gm = 981 dynes); le stress de paroi est une force exercée sur une surface, exprimée en dynes/cm2. Comme les dimensions du ventricule changent au cours de la systole, le stress de paroi varie considérablement pendant l'éjection (Figure 5.46). Le stress protosystolique est le double du stress télésystolique, puisque la cavité a diminué de volume et que la paroi s’est épaissie au cours de l'éjection [206]. Cette variation est plus ample que celle des pressions au cours de la systole; de ce fait, les résistances vasculaires périphériques surestiment les baisses de postcharge secondaires à une vasodilatation, mais sous-estiment les augmentations liées à une vasoconstriction [219]. Dans un système pulsatile comme la circulation artérielle, la postcharge est représentée par cinq composantes. L’impédance aortique (Z0) est le rapport entre la pression instantanée et le flux ; elle est compliquée à calculer et sa mesure n’est pas réalisable en clinique : Z0 = ( ρ • √ Vmax • ΔP ) ( π • r2 ). Elle représente la postcharge des gros vaisseaux pulsatiles. On peut en avoir une approximation par l’image des modifications du flux aortique à l’échocardiographie (Figure 5.47). La résistance artérielle systémique (RAS) calculée par la loi d’Ohm ; elle ne s’applique qu’à un système non-pulsatile et représente la postcharge due aux petites artérioles périphériques : Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 58 RAS = ( PAM - POD ) / DC où: PAM: pression artérielle moyenne POD: pression de l'oreillette droite DC: débit cardiaque L’onde réfléchie par la périphérie artérielle (voir Couplage ventriculo-artériel), qui représente 10% de la postcharge totale. La compliance artérielle (Ca); son calcul peut être simplifié en mesurant le rapport entre le volume systolique (VS) et la pression artérielle différentielle (PAdiff = PAsyst – PAdiast) : Ca = VS / PAdiff [68]. La viscosité sanguine ; l'hématocrite idéal (32-35%) est une pondération optimale entre le transport d'O2 maximal pour le travail cardiaque minimal. Figure 5.46 : Evolution schématique de la pression intraventriculaire gauche (P), de l'épaissaur de la paroi ventriculaire (h), du diamètre de la cavité, et de la tension de paroi ou stress pariétal (σ) au cours de la contraction isovolumétrique (A) et de la phase éjectionnelle (B) de la systole. Le stress de paroi, qui est la postcharge réelle du VG, diminue au cours de l'éjection ; en protosystole, il est le double de sa valeur en télésystole. Le calcul du stress maximal doit se faire avec la pression systolique maximale mais avec la mesure du diamètre télédiastolique qui est celui de la protosystole, avant son raccourcissement pendant l’éjection : σmax = (PAsyst • Dtd) / 2 h. Tension de paroi (σ) Pression intraventriculaire Epaisseur de paroi ventriculaire Diamètre A A B B 290 ms 530 ms Figure 5.47 : Images échocardiographiques trasoesophagiennes (vue transgastrique) du flux aortique. A : Flux normal ; la vélocité maximale (Vmax) à travers la valve aortique est de 130 cm/s, la durée d’éjection de 290 msec. B : Lors du clampage de l’aorte thoracique basse, la Vmax baiss à 60 cm/sec et la durée d’éjection est ralentie à 530 msec. C’est l’illustration du retentissement hémodynamique de l’augmentation du stress de paroi sous l’effet d’une augmentation aiguë de l’impédance aortique. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 59 L'impédance et la résistance ne sont identiques que si la fréquence est nulle et le système dépulsé. Les unités utilisées traditionnellement sont les dynes • sec • cm-5, mais on peut simplifier le calcul en utilisant les unités Wood: mmHg/L/min; la conversion des unités Wood en unités standard se fait en multipliant par 80. Comme elles varient de manière inversément proportionnelle à la surface corporelle, les résistances sont de préférence indéxées à cette dernière. La postcharge et le volume éjecté avec une certaine vélocité par le ventricule déterminent la pression artérielle. La pression artérielle moyenne (PAM) est le produit du débit cardiaque et des RAS. La pression systolique (PAsyst) dépend de l’élasticité artérielle et des caractéristiques d’éjection du VG. La pression diastolique dépend des RAS, de l’élasticité artérielle et de la durée de la diastole. La pression pulsée ou différentielle (pulse pressure) (PP = PAsyst – PAdiast) dépend de la différence de volume sanguin présent dans une artère entre la systole et la diastole (ΔV) et de la compliance de cette artère (ΔV/PP) [406]. La dimension du ventricule est le point majeur dans la détermninbation de la postcharge: le stress de paroi est directement proportionnel au rayon et inversement proportionnel à l’épaisseur de la paroi. Deux ventricules de tailles différentes, respectivement de 4 et 7 cm de diamètre, fournissant les mêmes prestations hémodynamiques (PAM 75 mmHg, DC 5 L/min, RAS 1200 dynes•s•cm-5) ont un stress de paroi très différent : le σ du plus petit (rayon 2 cm) est de 45 dynes•cm-2, alors que le σ du plus grand (rayon 3.5 cm) est de 126 dynes•cm-2, soit le triple [348]. La même résistance à l'éjection représente une postcharge d'autant plus élevée que le ventricule est plus grand. Ainsi la taille du ventricule est un facteur majeur de sa consommation d’O2. La dilatation est donc toujours dangereuse ; elle est un déterminant primordial du pronostic clinique. La postcharge détermine la répartition du travail ventriculaire entre l'élévation tensionnelle isométrique et le raccourcissement des fibres provoquant l'éjection (voir Relation pression/volume). Elle détermine également l’un des éléments de la contractilité: une soudaine élévation de postcharge induit une distension ventriculaire et une baisse de la vélocité d’éjection momentanées, suivies d'une augmentation persistante de la contractilité; c'est l'effet Anrep [264]. Il est plus prononcé sous anesthésie ou lors d'insuffisance cardiaque. Il est probablement dû à une augmentation du Ca2+ sarcoplasmique sous l’effet du stress de paroi. Face à une augmentation aiguë de postcharge, la dilatation est caractéristique du VD mais non du VG ; ce dernier baisse sa performance systolique sans variation notable de dimension. Déterminants de la fonction systolique (II) La postcharge est la tension de paroi maximale en systole. Par simplification, elle peut se définir par la loi de Laplace: σ = (P • r) / 2 h. Elle est composée de 5 éléments: - Impédance aortique (pression/flux instantané), résistance dans un système pulsé - Résistance périphérique (RAS = (PAM – POD) / DC), basée sur la loi d'Ohm pour un système non-pulsé - Onde de pression réfléchie - Compliance artérielle (VS / PAdiff) - Viscosité sanguine La postcharge effective augmente linéairement avec les dimensions du ventricule. La même pression artérielle représente une postcharge d'autant plus grande que le ventricule est plus dilaté. Le VG est d'autant plus sensible à la postcharge que sa performance systolique est abaissée. Le VD se dilate immédiatement lorsque sa postcharge augmente de manière aiguë. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 60 La fréquence La fréquence augmente le débit cardiaque jusqu'à 120-180 battements/minute; au-delà, le débit effectif baisse [141]. La fréquence maximale baisse avec l’âge à cause de la dysfonction diastolique et du risque ischémique. Lors d'une accélération du rythme cardiaque, les quantités de calcium libres sarcoplasmiques dépassent les possibilité de récupération des pompes du reticulum sarcoplasmique, donc les taux augmentent: c'est l'effet inotrope positif de la fréquence, ou effet Bowditch ou Treppe Phenomenon [247]. Le bénéfice de ce phénomène est perdu lorsque la fréquence devient telle que l'accumulation diastolique de Ca2+ rigidifie le ventricule et que l’accélération du rythme raccourcit la diastole à tel point que le remplissage du ventricule devient insuffisant. Cet effet inotrope est inexistant lors de dysfonction ventriculaire, car la [Ca2+] est trop basse dans le reticulum sarcoplasmique. La tachycardie peut être le seul moyen de compensation d'une insuffisance ventriculaire peu apparente (exemple: cardiomyopathie alcoolique). Comme la tachycardie raccourcit proportionnellement beaucoup plus la diastole que la systole, la perfusion coronarienne peut être rapidement compromise. Le myocarde pâtit doublement de la tachycardie à cause de l'augmentation de sa consommation d'O2 (↑mVO2) et du raccourcissemnt du temps de perfusion coronarienne diastolique (↓DO2 ). Lors d'une bradycardie, le long temps de remplissage permet l'accumulation d'un fort volume télédiastolique, mais la tension de paroi nécessaire à l'éjecter va augmenter (loi de Laplace); le ventricule se distend, le travail cardiaque et la mVO2 s'élèvent. Ce risque de dilatation est particulièrement élevé en présence d’une insuffisance aortique, même discrète. Moins il est compliant (insuffisance diastolique), moins le coeur peut varier son volume d'éjection, donc plus il dépend de la fréquence pour assurer son débit et de la contraction auriculaire pour maintenir son remplissage. Dans l’insuffisance diastolique (défaut de compliance ventriculaire), la relation de la fréquence au débit cardiaque est double : Ne pouvant guère varier son volume télédiastolique, le ventricule dépend de la fréquence pour assurer son débit ; ce dernier baisse en cas de bradycardie (comme chez le nouveau-né) ; Le remplissage diastolique étant lent à cause du manque de compliance, la tachycardie diminue le volume systolique ; le débit baisse en cas de tachycardie. Il existe donc une fréquence optimale pour chaque condition hémodynamique; en éloigner un malade souffrant de dysfonction ventriculaire peut le décompenser. Déterminants de la fonction systolique (III) La tachycardie raccourcit proportionnellement davantage la diastole que la systole; la fréquence maximale au-delà de laquelle le débit cardiaque baisse varie entre 120 et 180 batt/min selon l'âge; l'augmentation de fréquence a un effet inotrope positif. La tachycardie augmente la mVO2 myocardique et baisse le DO2 coronarien (risque ischémique élevé). La bradycardie risque de dilater le ventricule à cause du long temps de remplissage (particulièrement dangereux en cas d'insuffisance aortique). En cas d'insuffisance diastolique (défaut de compliance ventriculaire), le débit est étroitement dépendant de la normocardie; il baisse lors de tachycardie (temps de remplissage insuffisant) et de bradycardie (impossibilité d'augmenter le Vtd pour maintenir le débit cardiaque). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 61 La synchronisation La systole auriculaire contribue normalement pour 15-20% au remplissage ventriculaire, mais cette proportion peut augmenter jusqu'à 50% dans les cas de très mauvaise compliance diastolique (hypertrophie ventriculaire, par exemple). Le passage en rythme nodal ou en FA perturbe d'autant plus la performance systolique que le ventricule est plus rigide. D'autre part, la perte du rythme sinusal oblige à augmenter la pression moyenne de l'oreillette (remplissage) pour maintenir la même pression télédiastiolique ventriculaire. Les arythmies ventriculaires (extrasystoles, tachycardies) et les blocs de conduction modifient la géométrie et la vitesse de la contraction, donc diminuent le volume systolique effectif et la vélocité d'éjection. Il en est de même pour les zones akinétiques ou dyskinétiques. Dans ces différentes conditions, la contraction du VG ne progresse plus de l’apex vers la CCVG mais démarre n’importe où dans la paroi et se propage par des voies aberrantes. Il arrive qu’une paroi se contracte avant ou après les autres, ce qui amène à un bascule du volume sanguin à l’intérieur du ventricule sans qu’il n’y ait d’éjection. La correction de ce Pendelblut est à la base de la thérapeutique de l’insuffisance ventriculaire par resynchronisation avec un pace-maker triple chambre (voir Chapitre 12, Chirurgie de l’insuffisance cardiaque). La contractilité La contractilité est la capacité inhérente du myocarde à se contracter indépendamment des conditions de charge. C’est la force de raccourcissement par unité de temps. Elle est l’équivalent d’une puissance. La définition physique de la puissance est le travail effectué dans un certain laps de temps : Travail / Temps Pression • Débit Pression • Flux en : g • cm / s en : (g/cm2) • (cm3/s) = g • cm / s en : (g/cm2) • (cm3/s) = g • cm / s Elle définit la quantité de travail que le myocarde peut fournir pour une charge donnée par unité de temps. A fréquence, précharge et postcharge constantes, elle est d'autant meilleure que la contraction maximale et le pic de pression généré sont atteints plus rapidement. La contractilité est tributaire de la précharge et de la postcharge, mais elle dépend aussi de l’imprégnation neuro-humorale de l’organisme : tonus sympathique central, taux de catécholamines circulantes, frein parasympathique et cholinergique. Le ventricule est également sensible à plusieurs hormones qui modifient sa contractilité: angiotensine II, vasopressine, facteur natriurétique auriculaire (ANF), prostaglandines, sérotonine, thyroxine. Celles-ci ont des effets différents selon que l'endocarde est intact ou non, ce qui tend à démontrer le rôle important de ce dernier comme modulateur de la fonction cardiaque et comme médiateur de l'action des substances circulantes. D'autre part, les recherches menées sur l'endothélium vasculaire ont attiré l'attention sur le rôle possible de l'endocarde comme lieu de sécrétion paracrine: l'endothéline qu'il produit a un effet inotrope positif puissant par sensibilisation des protéines contractiles au Ca2+ [257]. Cet effet semble être complémentaire à l'effet Frank-Starling, car il se traduit par une prolongation de la durée de contraction, alors que l'étirement des fibres augmente le pic et la vélocité de la contraction [90]. Inversement, les cytokines (TNFα, interleukines, par exemple) ont un effet inotrope négatif marqué par le biais d'une synthèse accrue de NO• endocardique [119]. On ne dispose malheureusement d'aucune mesure de contractilité indépendante des conditions de charge qui soit applicable en clinique. Un certain nombre de mesures s’en approche : vélocité de raccourcissement circonférentiel, indice de Tei, puissance éjectionnelle maximale, élastance ventriculaire maximale. Elles sont détaillées au Chapitre 6 (voir Monitorage de la fonction systolique du VG). Bien qu’étant l'indice de fonction systolique le plus couramment utilisé, la fraction d'éjection Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 62 n’est pas une mesure de la contractilité ventriculaire, car elle dépend entièrement des conditions de charge (voir Fraction d’éjection); elle se rapproche plutôt d'une mesure de travail. Déterminants de la fonction systolique (IV) La systole auriculaire contribue pour 15-20% au remplissage du ventricule; cette proportion augmente jusqu'à 50% en cas d'insuffisance diastolique. La perte du rythme sinusal oblige à augmenter la POG moyenne pour maintenir la même Ptd ventriculaire. Les blocs de branche désynchronisent la contraction et diminuent l'efficacité de l'éjection. Contractilité: capacité inhérente du myocarde à se contracter indépendamment des conditions de charge, équivalant à une puissance (travail / temps): raccourcissement / temps, pression • débit. Difficile à mesurer en clinique indépendamment des conditions de charge; approximations possibles: vélocité de raccourcissement, puissance éjectionnelle, Emax. La fraction d'éjection n'est pas une mesure de contractilité. Relation pression – volume (P/V) Boucle Pression / Volume La définition physique du travail est le produit d’une force (F) par un déplacement (D) ou d'une pression (P) par un volume (V): Travail = Force • Distance Travail = Pression • Volume en : g • cm en: (g / cm2) • cm3 (= g • cm) Un graphique comportant le volume ventriculaire en abscisse et la pression générée en ordonnée illustre un cycle cardiaque sous la forme d’un quadrilatère dont la surface est l’équivalent du travail éjectionnel et dont les côtés correspondent à la contraction isovolumétrique, à l’éjection systolique, à la relaxation isovolumétrique et au remplissage diastolique (Figure 5.48A). En variant la précharge de l’individu observé, on obtient une famille de courbes isomorphes mais de surfaces différentes correspondant à des remplissages différents. Cependant, tous les points télésystoliques (points 3) apparaissent alignés sur une quasi-droite (Figure 5.48B). Cette courbe est l’élastance maximale (Emax) du ventricule, dont la pente est une expression de la contractilité du ventricule ; sa valeur normale est 4.0 - 5.5 mmHg/ml pour le VG [10,341]. Elle a été dénommée élastance par analogie à un élastique qui serait tendu en télédiastole et dont le retour à la dimension de base représenterait l’éjection systolique. Elle est indépendante de la précharge, mais faiblement sensible à la postcharge. Cette ligne ne rejoint pas l'abscisse (volume) au zéro de l'ordonnée (pression), mais à un point V0 non-nul, qui représente le volume ventriculaire résiduel; ce dernier varie selon le degré de dilatation du ventricule, et déplace l'ensemble de la boucle vers la droite lorsqu'il augmente [341]. Une augmentation de la précharge déplace le point télédiastolique (point 1) vers le haut et vers la droite en suivant la relation pression-volume diastolique qui n’est autre que la compliance ventriculaire. Cette dernière est curvilinéaire : très horizontale à bas volume de remplissage, elle se redresse progressivement lorsque le volume ventriculaire augmente (voir Figure 5.67 page 87). Si la contractilité reste inchangée, une diminution de postcharge augmente le volume éjecté alors qu'une augmentation le diminue; ce dernier phénomène est beaucoup plus marqué à basse contractilité, Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 63 puisque la pente Emax est faible et que de petites variations de l'ordonnée (pression) se traduisent par de fortes variations de l'abscisse (volume) [188]. A Pression B Pression Emax 2 3 1 4 Compliance V0 Volume © Chassot 2012 Compliance Volume V0 Figure 5.48 : Boucle pression – volume. A : Boucle posée sur la courbe de compliance diastolique. 1 : point télédiastolique. 1 → 2 : contraction isovolumétrique. 2 : début de l’éjection. 2 → 3 : phase de l’éjection systolique. 3 : point télésystolique. 3 → 4 : relaxation isovolumétrique. 4 : début du remplissage. 4 → 1 : remplissage diastolique. B : Construction de la pente d’élastance maximale Emax (en bleu) par l’alignement des points télésystoliques d’une famille de courbes obtenues à des précharges différentes chez le même individu. V0 : volume ventriculaire résiduel. Pression A Pression Emax B Emax Téj Téj Tpr V0 Tpr Compliance VS Compliance Volume © Chassot 2012 V0 VS Volume Figure 5.49 : Définition du travail ventriculaire (Pression • Volume). A. Le travail éjectionnel externe (Téj) est équivalent à la surface du quadrilatère de la boucle P • V. Le travail interne de pression (Tpr) est équivalent à la surface du triangle compris entre la pente Emax, la courbe de compliance et le point V0 correspondant au volume ventriculaire à pression nulle. Flèche jaune : volume systolique (VS). B. Travail ventriculaire lors d’augmentation de la postcharge (hypertension artérielle, sténose aortique, clampage de l’aorte). La pente Emax (contractilité) est identique. La surface du quadrilatère reste la même, mais il est allongé vers le haut (haute pression) et déplacé vers la droite ; le travail externe (Téj) reste le même, mais le volume éjecté est plus faible (flèche jaune, VS). Par contre, le triangle représentant le travail de pression (Tpr) a considérablement augmenté. Le rapport Téj / Ttotal est plus faible, donc l’efficience du moteur ventriculaire a baissé. La mVO2 augmente pour fournir le même travail éjectionnel. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 64 Le travail cardiaque externe (TCE) est défini par la surface de la boucle pression-volume (Travail = Pression • Volume) ; c’est le travail fourni lors de l’éjection. Le travail cardiaque interne (TCI) est représenté par la surface triangulaire comprise entre la compliance, l'élastance et la ligne de relaxation isovolumétrique (triangle compris entre les points 0 – 4 – 3) (Figure 5.49A). Il représente le travail nécessaire à la mise sous pression du système ventriculaire. D'un point de vue énergétique, le travail cardiaque externe nécessité par l'éjection consomme les 30-40% de la mVO2 totale. Le travail interne de pression consomme également 30-40% de la mVO2, et les flux ioniques intracellulaires le 20% restant. Seule la composante éjectionnelle fournit un travail externe. L’efficience du moteur ventriculaire est le rapport du travail fourni (éjection) par rapport à la mVO2 totale (TCE + TCI) ; elle est donc de 30-40%, ce qui est un bon rendement pour un moteur [290]. Une surcharge de pression déplace la boucle P/V éjectionnelle vers le haut et vers la droite (Figure 5.49B); pour conserver la même surface (travail éjectionnel identique), la boucle devient plus étroite. Le volume éjecté est alors plus petit. Par contre, le travail interne de pression a augmenté de manière considérable. L’efficience du ventricule a diminué. La surcharge de pression est énergétiquement plus coûteuse qu'une surcharge de volume, et la postcharge a une influence considérable sur l'efficience mécanique du myocarde et sur sa consommation d’O2. Les ventricules sont plus performants comme pompe-volume que comme pompe-pression. On comprend dès lors l'importance de baisser la postcharge lors d'insuffisance ventriculaire. Pression Figure 5.50 : Boucle Pression • Volume lors d’insuffisance ventriculaire. La baisse de la pente Emax et la restriction de la compliance ventriculaire diminuent le volume éjecté et le travail externe fourni. Trois exemples de boucles Pression • Volume illustrent cette variation chez un même patient [142]: en situation normale, sous stimulation catécholaminergiq ue et sous βbloqueur ; cette dernière image est identique à celle de l’insuffisance ventriculaire. Emax Emax ↓ VS ↓ Compliance Volume V0 Contrôles Stimulation β β −blocage Lorsqu’on dispose d’un cathéter pulmnaire de Swan-Ganz, on peut calculer le travail ventriculaire par la formule : LVSW (left ventricular stroke work) = [1.36 • (PAM – PAPO) • VS] / 100 (en g•m). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 65 La relation pression-volume télésystolique est un excellent indice de l'état inotrope du ventricule: une intervention inotrope positive augmente la pente de la courbe Emax, donc augmente le travail fourni et la pression télésystolique (Pts) atteinte par le ventricule, alors qu'un effet inotrope négatif les abaisse. La pente de la courbe diastolique (compliance) peut être modifiée par la pathologie ou la thérapeutique; un effet lusitrope positif déplace la relation pression-volume diastolique vers le bas et vers la droite (compliance augmentée). Un effet lusitrope négatif déplace la courbe vers le haut et vers la gauche (compliance diminuée): les pressions de remplissage sont plus élevées. Lors d’insuffisance cardiaque, la pente Emax est abaissée et la courbe de compliance élevée (Figure 5.50). Le volume systolique est abaissé, et le travail éjectionnel fourni est minime. Dans un ventricule insuffisant, l’efficience devient très faible parce que le volume éjecté est petit mais les pressions de remplissage élevées ; le TCE est beaucoup plus petit que le TCI. Valvulopathies La boucle P/V est très utile pour illustrer les conditions hémodynamiques créées par les valvulopathies. Sténose aortique (Figure 5.51) : surcharge de pression. L’augmentation du stress de paroi oblige le VG à travailler à très haute pression ; à travail externe identique, le volume éjecté est plus faible. Le travail interne de pression étant très augmenté, l’efficience du VG est diminuée bien que la pression générée soit élevée ; la compliance est diminuée à cause de l’hypertrophie concentrique. Figure 5.51 : Boucle pressionvolume en cas de sténose aortique. L’augmentation de postcharge déplace la boucle PV vers le haut et vers la droite. La pente de l’élastance maximale (Emax) est inchangée, mais la courbe de compliance est anormale. A surface équivalente (travail externe inchangé), la boucle est plus étroite, donc le volume éjecté est plus petit (VS : volume systolique). Alors que la performance éjectionnelle diminue, le travail de pression est très augmenté, comme le montre l’augmentation de la surface du triangle contenu entre l’Emax, la compliance et la boucle PV (pointillé bleu pâle). L’efficience dynamique est très diminuée, même si la pression développée est plus haute. Pression Emax Sténose aortique Boucle PV normale Compliance Volume V0 VS Sténose mitrale (Figure 5.52) : précharge restrictive. Le remplissage du VG est défectueux, le volume éjecté est faible, le VG est petit ; le travail externe est faible. Insuffisance mitrale (Figure 5.53) : surcharge de volume à basse pression. La précharge est élevée mais elle a lieu sous faible pression (pression moyenne de l'OG) ; la postcharge est très basse et la phase de contraction isovolumétrique est quasi-absente parce que l’IM laisse fuir le Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 66 volume éjecté dès que la PVG dépasse la POG, largement avant l’ouverture de la valve aortique. Les conditions de travail du VG sont excellentes (postcharge basse, précharge élevée) et le volume éjecté est élevé (mais une partie retourne en arrière dans l’OG); la fraction de régurgitation est proportionnelle à la PA systémique: l'IM augmente si les RAS s'élèvent. Figure 5.52 : Boucle pressionvolume en cas de sténose mitrale. La restriction au remplissage ventriculaire conduit à un tout petit volume ventriculaire placé sur des valeurs d’Emax et de compliance encore normales. Cela n’est cependant pas toujours le cas : lors de myocardite rhumatismale, par exemple, le VG est dysfonctionnel, la pente Emax est diminuée et la courbe de compliance est redressée. Le volume systolique (VS) et le travail éjectionnel sont réduits, mais le travail de pression est normal. Pression Emax Sténose mitrale Boucle PV normale Compliance Volume V0 Pression Emax Boucle PV normale Insuffisance mitrale Compliance Volume V0 VS © Chassot 20112 Figure 5.53 : Boucle pression - volume en cas d’insuffisance mitrale chronique (IM). La pente Emax et la courbe de compliance sont normales, mais le volume éjecté (VS, rouge) est très augmenté par rapport à la normale (double flèche jaune). Comme la valve mitrale fuit dès que la pression monte dans le VG, la phase de contraction isovolumétrique est quasi-inexistante et le VG régurgite dans l’OG avant même d’éjecter dans l’aorte ; c’est la raison de la pente oblique de cette phase (flèches blanches). Le travail de pression (triangle pointillé bleu clair) est abaissé par rapport à la normale. L’IM représente une surcharge de volume à postcharge basse, situation énergétiquement très favorable pour le VG. Dans l’IM aiguë, la dilatation ventriculaire n’existe pas, le volume est à la limite supérieure de la normale, mais la pression télédiastolique est très élevée. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 67 Insuffisance aortique (Figure 5.54) : surcharge de volume à pression aortique diastolique. La précharge est excessive à cause du remplissage diastolique par la fuite aortique qui a lieu sous une pression élevée (PA diast), ce qui déplace la courbe de compliance vers le haut. Le volume du VG est très augmenté (l’IA induit les plus volumineux VG); le stress de paroi est augmenté à cause de la dilatation ventriculaire. La postcharge, qui dépend des résistances artérielles, règle le volume éjecté. Si les RAS s’élèvent, la régugitation augmente. Pression Emax Insuffisance aortique Boucle PV normale Compliance Volume V0 VS Figure 5.54 : Boucle pression-volume en cas d’insuffisance aortique (IA) chronique. La courbe de compliance est déplacée vers la droite à cause de l’augmentation de volume diastolique due à la régurgitation qui se fait à la pression diastolique de l’aorte, mais sa pente reste très plate car le VG est encore souple. Le volume éjecté est immense (VS) par rapport à sa valeur normale (jaune), car l’IA provoque les plus fortes dilatations ventriculaires que l’on rencontre en clinique (cœur bovin). Le travail de pression (triangle pointillé bleu clair) est augmenté à cause de la tension de paroi élevée (dilatation) en protosystole. En cas d’IA aiguë, le volume du VG est à la limite supérieure de la normale, mais n’a pas le temps de s’agrandir ; par contre, l’excès de remplissage diastolique avec une compliance normale conduit à une augmentation très importante de la pression diastolique ; la boucle PV est réduite, mais surélevée. Comme l’illustrent les boucles P-V, chaque valvulopathie présente des caractéristiques hémodynamiques particulières. En clinique, ceci implique de rechercher les conditions hémodynamiques qui sont favorables à l’équilibre circulatoire. Pour l’anesthésiste et le réanimateur, il est capital de comprendre ces contraintes afin d’assurer la meilleure stabilité dans la prise en charge des malades. D’une manière générale, il faut maintenir une précharge et postcharge élevées et une fréquence normale dans les sténoses (Figure 5.55), mais une postcharge basse et une fréquence élevée dans les insuffisances (Figure 5.56). Vu les conditions de charge particulières, les dimensions du ventricule sont le meilleur critère pronostique du point de vue fonctionnel : diamètre télédiastolique dans les sténoses et diamètre télésystolique dans les insuffisances. Plus le VG est grand, plus le risque de dysfonction est élevé. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 68 Hémodynamique à rechercher Caractéristiques Figure 5.55 : Caractéristiques hémodynamiques et situations à rechercher chez les malades souffrant de sténose valvulaire. DC : débit cardiaque. D : diamètre. HVG : hypertrophie ventriculaire gauche. VS : volume systolique. HTAP : hypertension artérielle pulmonaire. OAP : œdème aigu du poumon. Sténose aortique HVG concentrique Dysfonction diastolique Précharge ↑ DC dépend de précharge et de contraction auriculaire Risque ischémique Fonction: D télédiast VG Précharge élevée Fréquence 50 - 65 b/min Vasoconstriction systémique Plein - régulier - fermé Sténose sous-aortique dynamique HVG concentrique Petite cavité VG (hypovolémie, vasoplégie, ↓ postcharge, ↑ contract) Gradient > 25 mmHg ds CCVG Précharge élevée Vasoconstriction systémique Contractilité diminuée Plein - mou - fermé Sténose mitrale Vasoconstriction systémique Pas de tachycardie ni de bradycardie Maintien précharge Ventilation contrôlée bénéfique VS fixe et bas DC ↓ si fréquence ↑ ou ↓ Précharge élevée HTAP, OAP Plein - normocarde - fermé - ventilé Précharge & postcharge élevées Fréquence normale © Chassot 2012 Figure 5.56 : Caractéristiques hémodynamiques et situations à rechercher chez les malades souffrant d’insuffisance valvulaire. DC : débit cardiaque. D : diamètre. HVD : hypertrophie ventriculaire droite. HVG : hypertrophie ventriculaire gauche. VS : volume systolique. IM : insuffisance mitrale. IA : insuffisance aortique. IT : insufffisance tricuspidienne. PAP : presion artérielle pulmonaire. PA : pression artérielle systémique. IPPV : ventilation en pression positive. ALR : anesthésie locorégionale. Hémodynamique à rechercher Caractéristiques Insuffisance mitrale HVG excentrique, dilatation VG Précharge élevée IM ↑ si PA systémique ↑ IM fonctionnelle proportionnelle à PA DC dépend de postcharge basse Fonction systolique surestimée Fonction: D télésyst VG Normovolémie Vasodilatation systémique Stimulation inotrope IPPV bénéfique Plein - tonique - ouvert Insuffisance aortique HVG excentrique, dilatation max VG Précharge élevée IA ↑ si PA diastolique ↑ Bradycardie ↑ volume régurgité Fonction diminuée (D télésyst VG) Précharge élevée Vasodilatation systémique Tachycardie Stimulation inotrope Plein - rapide - ouvert Insuffisance tricuspidienne HVD, dilatation VD (effet Bernheim) IT ↑ si PAP ↑ Précharge selon fonction VD Valvulopathie gauche dominante Vasodilatation pulmonaire Précharge ↑ si HVD Précharge ↓ si insuff congestive VD PAP basse - IPPV à basse Pression - ALR Précharge élevée & postcharge basse Fréquence ↑ si fuite diastolique © Chassot 2012 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 69 Relation Pression / Volume La boucle P/V est une représentation graphique des conditions de travail ventriculaire au cours d'un cycle cardiaque. Le travail du VG est réparti en travail externe d'éjection (30-40% du travail total), travail interne de pression (40-50%) et en travail biochimique cellulaire (20%). La pente de la courbe d'élastance maximale (Emax) est un excellent indice de contractilité. La forme de la boucle et la répartition du travail externe/interne sont typiques de chaque cardiopathie (dysfonction ventriculaire, valvulopathies). Couplage ventriculo-artériel Pression artérielle La pression artérielle est le résultat de la mise sous tension et de l’éjection du volume ventriculaire gauche contre les parois artérielles et les embranchements vasculaires périphériques (volume contre résistance). Elle comprend deux composantes : la pression moyenne (PAM), qui assure un flux distal continu et reste pratiquement identique tout au long de l’arbre artériel, et la pression pulsée (ou pression artérielle différentielle : PP = PAsyst - PAdiast) qui reflète l’intermittence de l’éjection ventriculaire. A partir du calcul des résistances artérielles (RAS = (PAM – PVC) / DC) et sans tenir compte de la pression veineuse, on peut déduire que la pression est le produit des résistances artérielles et du débit cardiaque : PAM = RAS • DC. L’arbre artériel consiste en deux entités anatomiques différentes. L’aorte est ses principales branches ont une grande visco-élasticité grâce à leur haute teneur en élastine, ce qui leur permet d’emmagasiner une partie de l’énergie systolique en se dilatant ; cette énergie est restituée en diastole sous forme de pression et de flux ; elles ont une fonction de tampon sur la pulsatilité ventriculaire. Cela a pour effet de diminuer la pression systolique et d’augmenter la pression diastolique (contre-pulsion physiologique). Ce phénomène de tamponnement disparaît lorsque les vaisseaux se sclérosent et se calcifient avec l’âge et l’athéromatose. Ainsi la pression systolique de la personne âgée s’élève parce que ses vaisseaux sont rigides, mais sa diastolique baisse parce qu’il n’y a plus de restitution de pression en diastole. Les artères périphériques agissent comme des conduits de résistance élevée ; elles sont riches en collagène et en musculature lisse. Leurs embranchements sont le lieu de réflexion de l’onde de pression. Le volume et la pression d’éjection du ventricule sont conditionnés par l’impédance et la résistance exercée par l’arbre vasculaire. Plusieurs phénomènes interviennent lorsque le volume systolique parvient dans les troncs artériels (Figure 5.57) : visco-élasticité de l’aorte, onde réfléchie, impédance et résistance artérielles, compliance artérielle globale, volume éjecté, viscosité (hématocrite). Pression réfléchie La mise sous tension du volume sanguin pendant la contraction isovolumétrique provoque une secousse qui va cheminer dans l’arbre vasculaire sous forme d’une onde de pression, qui ne correspond pas au déplacement du volume éjecté mais le précède (Figure 5.58). Cette onde de pression avance à 3-4 m/s chez le jeune, mais jusqu’à 10 m/s chez le vieillard, car son arbre vasculaire calcifié transmet mieux les pressions que les vaisseaux souples du jeune homme [227,228]. Le volume sanguin avance beaucoup moins vite : il est éjecté par le VG avec une vélocité de 1.0 - 1.5 m/s, et la Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 70 vélocité moyenne du flux dans l’aorte est de 0.5 – 1.0 m/s. L’onde de pression se réfléchit en périphérie lorsque les artères se divisent en artérioles et que les résistances augmentent soudainement ; le coefficient de réflexion est de 80%; il baisse en cas de vasodilatation et augmente en cas de vasoconstriction [293]. Cette réflexion va renvoyer l’onde de pression en direction du cœur, pour qui elle représente 10% de la postcharge (Figure 5.59) (303). Elle y parvient normalement en protodiastole, mais sa progression est plus ou moins rapide selon le degré de vasoconstriction. Lorsque l’arbre vasculaire est rigide, le retour est plus précoce, et l’onde de pression réfléchie vient se superposer à la pression systolique engendrée par le volume sanguin éjecté du ventricule. Résistance Résistance Artérioles Artérioles Aorte & gros vaisseaux Aorte & gros vaisseaux Impédance Impédance VG VG A B © Chassot 2012 Figure 5.57 : Impédance et résistance artérielles. A : En systole, l’élasticité de l’aorte et des grandes artères emmagasine de l’énergie en se dilatant. L’impédance se définit comme le rapport entre la pression instantanée et le flux à cet instant (temps t) (Pt / Ft) ; elle varie au cours de la systole. B : En diastole, cette énergie est restituée sous forme d’une augmentation de la pression et du flux diastolique. La résistance a lieu dans les artérioles et les capillaires. Elle est définie par la loi d’Ohm, mais ne s’applique qu’à un flux continu non-pulsé. La flèche bleue à contre-courant illustre l’onde de pression rétrograde. La courbe de pression artérielle est différente selon l’endroit de l’arbre vasculaire où elle analysée (Figure 5.60). En avançant vers des zones de moins en moins compliantes, le bolus sanguin rencontre des résistances de plus en plus élevées. Sa synchronisation avec l’onde de pression est différente selon l’endroit où on l'observe. Il est donc normal que les valeurs de la pression systolique (PAs) et de la pression diastolique (PAd) soient différentes selon le point de mesure (Figure 5.61A) : la PAs est plus basse dans l’aorte que dans l’artère radiale, alors que la PAd est plus haute [275]. Ce phénomène est accentué lorsque les RAS augmentent. Un cathéter fémoral lit la pression dans l’artère iliaque externe, qui est un vaisseau élastique ; cette pression est plus proche de celle de l’aorte (donc de celle du cerveau, des reins et des coronaires) que la pression lue dans l’artère radiale, qui est un vaisseau musculaire périphérique soumis aux effets de la vasodilatation ou de la vasoconstriction. Lors d’une Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 71 choc hypovolémique ou après une CEC en hypothermie profonde, par exemple, il arrive que la vasoconstriction soit telle que la pression lue dans l’artère radiale est la moitié de celle enregistrée dans l’artère fémorale. Cette dernière est donc un meilleur guide dans les conditions hémodynamiques difficiles. A B C Figure 5.58 : Onde de pression et flux artériel systolique. A : En protosystole, la mise sous tension du volume systolique crée une onde de pression qui se propage dans l’arbre vasculaire en fonction de sa rigidité (flèche violette) ; cette progression est plus rapide en cas d’hypertension ou d’artériosclérose. Elle varie de 4 à 10 m/s. B : L’onde de pression est réfléchie en périphérie au niveau de l’embranchement des artérioles ; elle revient vers le cœur pendant que l’onde de flux commence sa progression (vélocité : 0.5-1.5 m/s). C : L’onde de pression et le bolus systolique se croisent, créant localement une surpression [227]. Les vélocités normales et les distances sont telles que l’onde de pression revient à la racine de l’aorte en protodiastole. Si l’arbre vasculaire est rigide, l’onde de pression chemine plus rapidement et revient à l’aorte en systole ; elle se superpose alors à l’onde de flux sur la courbe artérielle. Figure 5.59 : Enregistrements décomposés de l’onde de pression antérograde et de l’onde de pression rétrograde dans l’aorte ; leur somme donne la courbe de pression effectivement enregistrée par le cathéter intra-aortique [Extrait de: Yin FCP, ed. Ventricular/vascular coupling. Clinical, physiological and engineering aspects. New York: Springer Verlag, 1987, Figure 6.6. Réf 275]. + L’image de la courbe artérielle sur l’écran du moniteur est très instructive, pour autant que son amplification permette une lecture adéquate. Une artère normale se distingue nettement d’une artère rigide caractérisée par un double pic systolique, typique du patient âgé dont les vaisseaux sont Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 72 calcifiés (Figure 5.61B) ; dans ce cas, le moniteur enregistre la pression maximale, mais cette dernière correspond à l’onde de pression, non au flux sanguin. Elle ne traduit donc pas une pression de perfusion réelle pour les organes. Dans un état de choc, la vasoconstriction augmente la réflexion de l’onde de pression, mais l’hypotension en diminue la vélocité [291] ; la courbe artérielle apparaît alors bifide dans une artère périphérique (fémorale ou radiale) (Figure 5.61C). C’est une image que l’on constate fréquemment chez les patients en choc hypovolémique. Figure 5.60 : Variations de la forme analogique de la courbe de pression artérielle selon la localisation de l’analyse. A : Image de la courbe de pression normale depuis la racine de l’aorte ascendante jusqu’à l’artère fémorale [Extrait de: Yin FCP, ed. Ventricular/vascular coupling. Clinical, physiological and engineering aspects. New York: Springer Verlag, 1987, Figure 6.5. Réf 275]. B : Image schématique d’une courbe artérielle dans l’aorte ascendante (ponction peropératoire directe) et dans l’artère radiale (cathéter). La pression systolique enregistrée dans la radiale est plus élevée, mais la diastolique est plus basse ; la pression différentielle (Psyst – Pdiast) est agrandie. Figure 5.61 : A. Image d’une courbe artérielle dans l’aorte ascendante et dans l’artère fémorale ou radiale. La pression systolique enregistrée dans la radiale est plus élevée, mais la diastolique est plus basse ; la pression différentielle est agrandie. La pression moyenne est pratiquement identique dans les trois vaisseaux B. Comparaison d’une artère normale et d’une artère rigidifiée par une athéromatose diffuse. Le retour de l’onde de pression (onde réfléchie, flèche violette) survient plus tôt dans le deuxième cas et donne un crochetage sur le pic systolique. Bien qu’enregistré comme la pression systolique par le moniteur, cet effet ne correspond pas à une pression de perfusion réelle mais à un simple pic de pression. C: Comparaison de la pression dans l’aorte et dans l’artère fémorale en cas de choc hypovolémique. L’onde réfléchie est importante à cause de la vasoconstriction périphérique, mais elle progresse plus lentement à cause de l’hypotension (parois vasculaires molles) ; elle est donc très marquée mais décalée dans le temps (courbe bifide). A Aorte ascend Crosse Ao descendante Ao diaphragm Ao abdominale Artère iliaque Artère fémorale B Aorte ascendante Artère radiale A Aorte ascendante Artère radiale Artère fémorale C B Choc: aorte Artère normale © Chassot 2012 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie Artère rigide Choc: artère fémorale 73 On voit de ces exemples que l’image analogique de la courbe artérielle offre de nombreux renseignements (Figure 5.62). La surface sous la courbe est proportionnelle au volume systolique. La pente ascensionnelle (dP/dt) est le reflet de la performance systolique du ventricule, pour autant qu’il n’y ait pas d’obstacle sur entre le VG et le cathéter (sténose aortique). La pente télésystolique et la position du dicrotisme sont fonction des RAS. A B 1 Amplitude Pression pulsée (~ rigidité) dP/dt 2 3 PAM Artère normale Artère rigide Surface sous la courbe (~ Vol systol ) Pente téléyst & dicrotisme (~ RAS) © Chassot 2012 Figure 5.62 : Aspect analogique de la courbe artérielle. A : courbe normale. La pente ascensionnelle est fonction du dP/dt intraventriculaire (pour autant qu’il n’y ait pas de pathologie valvulaire aortique). La surgace sous la courbe systolique est proportionnelle au volume systolique, la pente télésystolique et le niveau du dicrotisme sont fonction des résistances artérielles périphériques (RAS), l’amplitude est fonction de la rigidité des parois mais aussi de la volémie et des RAS. La pression artérielle moyenne (PAM) est calculée selon la formule : PAM = (PAsyst + 2 PAdiast) / 3. B : comparaison d’une courbe artérielle normale (en rouge) et de la courbe d’un patient souffrant d’athéromatose (en bleu), dont l’aorte est devenue rigide. 1 : augmentation de la pression systolique due à la superposition de l’onde réfléchie. 2 : augmentation de la postcharge du VG. 3 : diminution de la pression de perfusion coronarienne en diastole. Pression pulsée et pulsatilité Les invertébrés les plus évolués (crabes, poulpes) et l’ensemble des vertébrés disposent d’un ventricule sous-aortique pulsatile comme pompe motrice pour la circulation artérielle. La pulsatilité est une nécessité pour assurer un temps pour le remplissage ventriculaire et pour permettre la perfusion myocardique, puisque le ventricule systémique doit se perfuser lui-même. Seule la diastole garantit un gradient de pression suffisant entre l’aorte et le myocarde pour assurer la perfusion de la paroi ventriculaire. Même si elle diminue le risque de thrombose et améliore le flux lymphatique [420], la pulsatilité n’est pas essentielle à la perfusion des organes, comme le prouve l’excellente tolérance à long terme des assistances ventriculaires gauches à flux continu [366]. De fait, elle présente deux inconvénients majeurs. Elle représente une augmentation de 15-20% de l’énergie hydraulique totale (PH = Pmoy • Flux) nécessaire par rapport à un flux continu de même débit, puisque la masse sanguine est accélérée et décélérée pendant chaque cycle ; Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 74 Le flux capillaire doit être aussi stable que possible pour faciliter les échanges et minimiser le stress de paroi sur l’endothélium et la membrane basale. C’est pourquoi tout l’arbre artériel est construit pour dépulser au mieux le flux systolo-diastolique éjecté par le ventricule. Par leur expansion en systole, l’aorte et les grandes artères amortissent le pic de pression systolique, baissent la postcharge du VG et emmagasinent de l’énergie qu’elles restituent en diastole sous forme d’une augmentation de pression et de flux. Elles fonctionnent ainsi comme un réservoir-tampon couplé aux artérioles distales à résistance élevée. Cet ensemble permet de fournir un flux quasi-dépulsé dans les capillaires. Pour éviter la dilatation et la rupture, les grandes artères présentent une élasticité non-linéaire : leur compliance est maximale aux dimensions et pressions normales grâce à leur forte teneur en élastine, une macroprotéine très élastique, mais leur rigidité augmente au-delà de ces valeurs à cause de la mise sous tension du collagène qui fonctionne comme une butée. Leur courbe pression/volume a une forme en "J" [359a]. Plus on s’éloigne du cœur, moins les artères sont élastiques : il y a deux fois plus d’élastine que de collagène dans l’aorte thoracique, mais deux fois moins dans l’aorte distale. Tous les vertébrés et les invertébrés les plus évolués disposent d’une mécanique vasculaire identique, sauf que la transition entre la zone de pression à haute compliance et la zone de pression élevée où la paroi devient rigide varie selon la pression moyenne des animaux. Le degré de pulsatilité est fonction de la performance ventriculaire, de la compliance artérielle et des résistances périphériques. L’amortissement de la pulsatilité dans l’aorte disparaît lorsque les vaisseaux sont tendus à cause d’une hypertension artérielle et lorsqu’ils se sclérosent avec l’athéromatose ou se calcifient avec l’âge. Ainsi la pression systolique de la personne hypertendue ou artériosclérotique s’élève parce que ses vaisseaux sont rigides, mais sa diastolique s’abaisse parce qu’il n’y a plus de restitution de pression en diastole : la pression différentielle, ou pression pulsée, augmente. Cette augmentation de la pression pulsée (PP normale : 40-60 mmHg), est directement liée au risque d’accident cardio- et cérébrovasculaire [291]. La mortalité cardiaque postopératoire double lorsque la PP dépasse 80 mmHg. La pression pulsée est l’élément pronostique majeur dans l’hypertension artérielle. En effet, les vaisseaux artériolaires du cerveau, des reins et du cœur ont des résistances plus basses que celles des autres organes et reçoivent un flux encore largement pulsatile ; lorsque la pulsatilité centrale augmente, ils n’en sont pas protégés par la vasoconstriction artériolaire systémique, d’où la fragilité de ces organes face à l’hypertension et à l’âge [291]. La perte d’élasticité artérielle engendrée par l’âge, l’athéromatose et l’hypertension a trois conséquences qui sont bien visibles si l'on superpose les courbes de pression enregistrées dans une artère normale et dans une artère rigidifiée (Figure 5.62B) : Augmentation de la pression systolique centrale ; le risque d’accident vasculaire cérébral et la néphropathie hypertensive sont liés à ce phénomène ; Augmentation de la surface sous la courbe en systole ; elle élève la postcharge du VG et induit une HVG concentrique ; Diminution de la surface sous la courbe en diastole ; elle provoque une baisse de la perfusion coronaire diastolique et contribue à l’augmentation de la pulsatilité. Les personnes âgées sont le plus souvent hypertendues et souffrent en général d’athéromatose aortique. Ces deux phénomènes augmentent l’onde réfléchie et font apparaître un second pic de pression en systole. La vasodilatation liée à l’anesthésie diminue la réflexion en périphérie mais la pression artérielle élevée maintient la vitesse de propagation de l’onde de pression. A l’induction, on voit donc s’amenuiser le pic de l’onde réfléchie sans que sa synchronisation se modifie (Figure 5.63). Comme le moniteur de pression enregistre la valeur maximale comme PAsyst, cette dernière baisse considérablement, alors que la pression due à l’éjection du volume systolique dans le système artériel ne se modifie presque pas. La perfusion des organes ne souffre donc pas de cette chute de la pression systolique réfléchie. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 75 En plus d’être pusatile, le flux dans l’aorte est laminaire et avance avec un mouvement spiralé dû à la torsion du VG sur lui-même pendant la phase d’éjection (voir Figure 5.21 page 29). Le sang tournoie en sens anti-horaire [197]. Cette propulsion spiralée présente un double avantage : Les forces de cisaillement sont réduites lorsque le sang prend un virage comme la crosse de l’aorte ; si le flux était rectiligne, les couches parallèles auraient des vitesses différentes dans une courbe, celles de l’extérieur devant avancer plus rapidement que celles de l’intérieur. La perfusion des vaisseaux de la gerbe (carotides et sous-clavières) est assurée sans perte de charge, car le flux n’a pas à prendre un angle droit par rapport à sa progression dans l’aorte comme ce serait le cas s’il était rectiligne. Le remodelage du VG dans l’hypertrophie, la dilatation ou la cicatrisation après infarctus altère sa capacité de torsion et perturbe la géométrie du flux aortique ; la performance hémodynamique est altérée, même si les mesures de pression et de débit restent satisfaisantes. A B Figure 5.63 : Courbes de pression artérielle avant (A) et après (B) l’induction chez un patient de 80 ans dont les vaisseaux artériels sont athéromateux et rigides. L’induction de l’anesthésie a provoqué une baisse des résistances artérielles périphériques ; cette vasodilatation a diminué considérablement l’intensité de l’onde réfléchie (flèche violette), mais non sa synchronisation parce que la pression artérielle différentielle liée au flux sanguin (premier pic systolique) n’a pas changé (flèches blanches). Le moniteur de pression affiche la valeur maximale de la pression comme valeur systolique ; on note donc une chute importante de la PAsyst, alors que la pression due à l’éjection du volume systolique dans les artères ne s’est presque pas modifiée. Elastance artérielle L’élastance du ventricule (Emax) traduit la manière dont celui-ci chasse le volume systolique dans l’arbre vasculaire, qui se dilate selon ses propriétés visco-élastiques. Cette dilatation peut être décrite par l’élastance artérielle (Ea), propriété analogue à l’Emax mais qui évolue de manière inverse : l’une augmente lorsque l’autre diminue. Sur une boucle P/V, l’Ea apparaît comme une quasi-droite en miroir de l’Emax (Figure 5.64) : elle s’élève pendant la systole et rejoint l’Emax au point télésystolique ; sa pente est proportionnelle à la résistance artérielle [382]. Comme le travail ventriculaire augmente avec les RAS, le cœur a intérêt à ce que la pente d’Ea soit faible ; il faut toutefois qu’elle représente une résistance suffisante pour maintenir la pression de perfusion adéquate dans l’organisme. La boucle P/V d’un cœur normal montre que la pente d’Ea est un peu plus faible que la pente d’Emax. Cela a pour effet d’assurer un volume éjecté (Vtd – Vts) plus grand que le volume résiduel (Vts – V0). La fraction d’éjection (FE) est définie par le rapport entre le volume éjecté (Vtd – Vts) et le volume télédiastolique (Vtd). La FE est donc définie par l’équilibre entre la fonction ventriculaire (Emax) et la fonction artérielle (Ea), et n’est pas en soi un indice de contractilité. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 76 Ea’ Figure 5.64 : Définition de l’élastance artérielle (Ea) sur un diagramme Pression – Volume. La courbe de l’Ea est une quasi-droite en miroir de l’Emax. Elle passe par les points télésystolique et télédiastolique. Sa pente est légèrement plus faible que celle d’Emax ; de ce fait le volume éjecté (Vtd – Vts, flèche jaune) et un peu plus grand que le volume résiduel (Vts – V0, flèche violette). La fraction d’éjection FE = (Vtd – Vts) / Vtd est donc supérieure à 0.5 (normale : 0.55 0.75). En pointillé figure la valeur de l’élastance artérielle (Ea’) en cas d’hypertension artérielle ; la pente de l’Ea est plus importante. Pression Emax Ea Pt s Compliance V0 © Chassot 2012 Vts Vtd Volume Couplage ventriculo-artériel La pression artérielle est le résultat de l'éjection ventriculaire contre les résistances artérielles. Les grandes artères très élastiques (aorte et ses branches) emmagasinent une partie de la pression et du volume d'éjection systolique (abaissement de la PAsyst) et les restituent en diastole (augmentation de la PAdiast). Les artérioles périphériques offrent une grande résistance et dépulsent partiellement le flux. La PAM est identique dans tout l'arbre artériel, alors que la PAsyst augmente en périphérie et que la PAdiast y diminue. L'onde de pression générée par le ventricule se propage dans l'arbre vasculaire plus vite (4-10 m/s) que le flux artériel (1.0 m/s); elle est réfléchie en périphérie en fonction du degré de vasoconstriction et revient au cœur en protodiastole. Sa vitesse de déplacement augmente lorsque les vaisseaux sont rigides et la pression artérielle élevée; elle se superpose alors à la pression systolique. La rigidité de l'arbre artériel causée par l'athéromatose, l'âge et l'hypertension augmentent la PAsyst et baissent la PAdiast parce que l'amortissement élastique des grandes artères est supprimé; cette augmentation de la pression pulsée (PAsyst – PAdiast) est directement liée aux complications cardioet cérébrovasculaires. L'élastance artérielle (Ea) figurée sur la boucle PV est l'équivalent inverse de l'Emax ventriculaire; sa pente est proportionnelle aux résistances artérielles. La fraction d'éjection est la variable d'ajustement entre la performance systolique du ventricule et la résistance à l'éjection de l'arbre artériel. Fraction d'éjection (FE) Dans la relation P-V, la fraction d’éjection (FE) est définie par le rapport entre le volume éjecté (Vtd – Vts) et le volume télédiastolique (Vtd – V0) : Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 77 FE = (Vtd – Vts) / (Vtd – V0) Comme V0 n’est pas connu en clinique : FE = (Vtd – Vts) / Vtd Sa valeur normale est de 0.55 - 0.75 (moyenne 0.67) [334]. On a pu démontrer mathématiquement que l'efficience mécanique du ventricule, qui est le rapport entre le travail externe fourni et la consommation d'oxygène, est au maximum lorsque la vidange systolique correspond aux 2/3 du volume diastolique (Véj = Vtd • FE) [53]. Augmenter la FE au-delà de 75% diminue l’efficacité du système pour trois raisons. Augmentation de l’énergie mécanique, donc de la mVO2, pour comprimer le myocarde et sa structure collagéno-fibreuse jusqu'à un volume télésystolique quasi-nul ; Gain minime en volume éjecté, car la cavité ventriculaire est devenue petite en télésystole ; Allongement nécessaire de la diastole pour arriver à un remplissage ventriculaire adéquat. La fraction d'éjection ( FE = [Vtd - Vts] / Vtd ) représente le degré de vidange du ventricule, qui est fonction de l'équilibre dynamique entre cinq éléments [334]. La contractilité: elle est représentée par la pente Emax sur le diagramme pression-volume; le calcul de la FE y est d'autant plus sensible que l’Emax est faible, ce qui signifie que la FE est un meilleur critère de contractilité lorsqu'elle est basse (< 0.5) que lorsqu'elle est normale (> 0.6). Elle peut aussi être exprimée par le dP/dt sur une courbe de pression systolique. La postcharge: mesurée par la pression télésystolique maximale (Pts), elle agit en équilibre avec la contractilité pour déterminer la FE. L'impédance à l'éjection du ventricule est une variable modifiée physiologiquement pour maintenir la FE en dépit des variations de précharge et de contractilité de chaque ventricule. La sensibilité de la FE et du Véj à l'augmentation de la Pts est d'autant plus marquée que la FE est basse (Emax de pente faible). Le volume télésystolique (Vts): plus il diminue (hypovolémie, par exemple), plus la FE augmente, sans que la contractilité change. Si le Vts tend vers 0, la FE tend vers 1 (ou 100%), car (Vtd – 0) / Vtd = 1. Le volume initial (V0): plus il augmente (dilatation ventriculaire, anévrysme, zone akinétique, sidération, surentraînement), plus la FE baisse, mais la pente Emax peut ne pas être modifiée et le Véj peut rester inchangé [187]. La précharge (Vtd): elle détermine l'effet Starling (augmentation de la force de contraction par augmentation du Vtd). Elle modifie peu la FE au sein des valeurs normales, et agit en équilibre avec la postcharge. La FE reste constante si le Vtd et la Pts augmentent parallèlement, alors qu'elle baisse si la Pts s'élève lorsque le Vtd est bas (exemple: hypovolémie chez un hypertendu). La FE devient indépendante de la précharge lorsque le V0 tend vers 0. La fraction d'éjection (normale 0.65) reste étonnamment constante pour un individu sur une large plage de valeurs de précharge et de postcharge différentes. C'est le reflet de la régulation intégrée du volume systolique dans des conditions de contractilité, de précharge et de postcharge données: la FE quantifie la capacité du système ventricule - vaisseaux à maintenir un débit cardiaque adéquat en cas de variations des conditions de charge et/ou de contractilité [334]. Lorsqu'elle est basse, on peut prévoir que tout stress imposé au système cardiovasculaire peut devenir catastrophique, bien que les conditions hémodynamiques au repos paraissent satisfaisantes. La valeur préopératoire de la FE est un excellent facteur pronostique des complications cardiaques per- et postopératoires pour la chirurgie cardiaque ou non-cardiaque, en l'absence de pathologie valvulaire [334,408]. S'il faut choisir un seul élément pronostique cardiaque, la FE est certainement le plus pertinent. Ceci n'est pas dû à sa valeur comme marqueur de la contractilité, mais à sa qualité d'indice de performance cardiaque dans des conditions de travail variables. Elle chiffre la réserve fonctionnelle et l'adaptabilité aux conditions hémodynamiques si celles-ci se modifient (précharge, postcharge, stimulation, arythmies) et quantifie l'atteinte pathologique du système ventricule - Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 78 vaisseaux - volume circulant. Elle n’est toutefois pas applicable aux malades qui souffrent de certaines conditions: Valvulopathies sévères (remodelage et modifications majeures des conditions de charge); Altérations de la cinétique segmentaire (akinésie, dyskinésie); Remodelage du VG (anévrysme, dilatation sphérique, forme anormale dans les cardiopathies congénitales). Fraction d'éjection (FE) FE = (Vtd – Vts) / Vtd (normal: 0.55 – 0.75). La FE résulte de l'équilibre de 5 éléments: - La contractilité - La postcharge - Le volume télésystolique - Le volume télédiastolique - Le volume intial La FE n'est pas une mesure de contratilité, mais une mesure de la réserve fonctionnelle de l'ensemble ventricule – volémie – artères. Elle n'évalue pas la fonction ventriculaire en cas de valvulopathie ni de remodelage important du ventricule (akinésie, dilatation sphérique, malformation). Adaptation à l’effort A la question déjà posée à propos de l’évolution – notre cœur est-il une bonne pompe ? –, on peut répondre en citant les capacités que développe un athlète de compétition, dont le débit s’élève momentanément à 25 L/min et quelquefois jusqu’à 40 L/min. La VO2 susceptible d’être soutenue sur le long terme (marathon, Iron-man) n’est cependant que le 45% de la VO2 maximale utilisable pendant un effort court [85]. L’augmentation du débit cardiaque à l’effort est dépendant de plusieurs facteurs. L’augmentation de la fréquence ; la fréquence théorique maximale est calculée par la formule 220 – âge (pour la femme : 200 – âge). La fréquence utile maximale est d’environ 170 battements/min chez l’adulte. La fréquence est l’élément principal dans l’augmentation du débit. La baisse du tonus vagal assure des fréquences jusqu’à 110 min-1 ; la décharge d’adrénaline (taux augmenté de 15 fois) est responsable de l’augmentation au-delà de cette valeur [135]. L’augmentation du retour veineux dilate le ventricule et lui permet de monter sur la courbe de recrutement (effet Starling). Lors d’exercices dynamiques, la postcharge baisse car les vaisseaux musculaires sont vasodilatés à l’effort par l’effet des métabolites (le pH du sang peut baisser de 0.4 unités) et par la stimulation β [4] ; la pression systolique s’élève parce que le débit cardiaque augmente, mais la diastolique tend à diminuer. L’exercice isométrique (poids et haltères) s’accompagne d’un faible travail externe avec très peu de modification du débit cardiaque mais d’un important travail interne avec augmentation de la pression artérielle ; la fréquence se modifie peu. L’exercice isotonique (course, natation) s’accompagne au contraire d’un haut débit (travail externe augmenté) et d’une vasodilatation avec baisse de la pression diastolique (travail interne diminué). Par rapport au travail fourni, la mVO2 est bien plus élevée dans la première situation que dans la deuxième [135]. Les performances d’un individu β-bloqué sont diminuées de 25% environ [110]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 79 Les variations de la fraction d'éjection à l'effort, lorsque le débit cardiaque triple, varient selon l'entraînement du sujet [135,290]. Sujet jeune, non-entraîné: fraction d'éjection peu augmentée (+ 15%), volume télédiastolique augmenté (+ 26%), fréquence très augmentée (+ 80%). Athlète entraîné: la fraction d'éjection augmente (+ 30-45%). Comme le volume ventriculaire est augmenté (diamètre télédiastolique du VG : 6-7 cm) et le myocarde hypertrophié, une FE basse suffit à maintenir le débit cardiaque au repos (FE 0.4-0.5); à l’effort, elle retrouve une valeur normale-élevée et correspond à un très grand volume systolique. Le volume des oreillettes est élevé (> 80 mL), ce qui accroît le risque de fibrillation auriculaire. Chez l’athlète, le recrutement de débit par la fréquence est plus efficace car la fréquence basale est lente ; elle est abaissée par la prépondérance du tonus vagal au repos. L’athlète se caractérise aussi par une récupération plus rapide après l’effort. Son cœur hypertrophié est parfaitement adapté. Il se distingue d’une HVG liée à une pathologie (HTA, insuffisance mitrale) par l’amélioration de la relaxation protodiastolique [347]. L’absence d’exercice physique régulier est au contraire un facteur déterminant de risque cardiovasculaire. Les bénéfices d’une activité sportive sont multiples [359,385]: Baisse de la pression artérielle ; Baisse de la sécrétion endogène de catécholamines par le cœur ; baisse de l’arythmogénicité ; Augmentation du tonus vagal de base ; Augmentation du flux coronaire collatéral ; Vasodilatation coronarienne ; Maintien de la compliance artérielle à un âge avancé; Augmentation du métabolisme glucidique et diminution de la résistance à l’insuline (syndrome métabolique) ; Augmentation de la durée de vie de 2-4 ans. Cependant, le sport d’endurance extrême peut faire basculer le « cœur d’athlète » dans une pathologie ressemblant à la cardiomyopathie arythmogénique (voir Chapitre 13, Dysplasie arythmogène du VD) : hypertrophie, zones de fibrose, dépôts lipidiques, arythmies ventriculaires, risque de mort subite augmenté de > 2.5 fois. Les arythmies sont en général originaires du VD, dont la postcharge augmente proportionnellement davantage que celle du VG lorsque le débit cardiaque est très élevé parce que les vaisseaux pulmonaires sont déjà vasodilatés au repos alors que les résistance artérielles systémiques baissent à l’effort isotonique [212b]. Les sports d’endurance prolongent l’espérance de vie, mais peuvent accroître le risque de certaines arythmies. Adaptation à l'effort A l'effort avec entraînement, le DC peut quintupler pendant une durée brève et doubler sur le long terme. L'adaptation à l'effort se fait par une augmentation de la fréquence et du volume télédiastolique; la FE augmente peu, sauf chez l'athlète qui présente une hypertrophie ventriculaire. Les exercices dynamiques (course) augmentent le DC mais baissent la PA; les efforts isométriques (haltères) augmentent la PA mais non le DC. Contrôle de la pression artérielle La valeur de pression artérielle maximale considérée comme normale chez un adulte est 130/80 mmHg. Au-delà commence le domaine de la pré-hypertension (jusqu’à 140/90 mmHg) et de l’hypertension (≥ 140/90 mmHg). Ces valeurs peuvent paraître basses, mais la préhypertension double Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 80 le risque cardiovasculaire à 10 ans [403]. Le meilleur prédicteur du risque cardio-vasculaire est la pression pulsée, ou PA différentielle (PAsyst – PAdiast). Sa valeur normale est 50-60 mmHg ; le risque d’accident cardio-vasculaire augmente significativement lorsqu’elle est > 80 mmHg [291]. Cela tient au fait que dans le cœur, le cerveau et les reins, les RAS locales sont basses ; la pulsatilité artérielle s’y propage très distalement, alors que le flux est quasi-dépulsé au-delà des petites artérioles dans les muscles et les viscères. Si la pulsatilité augmente, ces organes souffrent tout particulièrement et réagissent en augmentant l’épaisseur de paroi de leurs vaisseaux, mais le stress subi à chaque cycle cardiaque augmente le risque d’accident vasculaire (infarctus, ictus, néphropathie). Le moteur ventriculaire n’est pas le seul élément à intervenir dans le contrôle de la pression artérielle. Il existe encore une série d’éléments qui se manifestent à différents niveaux. Baroréflexes Les fibres efférentes du sinus carotidien et des barorécepteurs de l’arc aortique cheminent par le nerf glossopharyngien (IX) jusqu'au ganglion pétreux, et de là à l'hypothalamus (noyau solitaire). Elles sont stimulées par une distension de la paroi vasculaire et par la pulsatilité du flux au niveau du récepteur. Par réflexe, ceci conduit à une stimulation vagale (via le nerf vague, X) qui induit rapidement une bradycardie et une vasodilatation artériolaire (Figure 5.65). Le délai de la boucle réflexe est bref: 1 à 2 secondes [228]. A l'inverse, une hypotension ou une dépulsation artérielle au niveau du sinus carotidien fait cesser l'émission de ce dernier, ce qui lève le frein parasympathique et provoque une augmentation du tonus sympathique (tachycardie, vasoconstriction artériolaire, veinoconstriction centrale). Cela survient en cas d'hypotension ou d'hypovolémie. Le baroréflexe est particulièrement sensible aux variations de pression; son émission est maximale pendant l'ascension de la valeur de pression artérielle. Lorsque la pression se stabilise, l'intensité de l'émission diminue. Après une quinzaine de minutes, le système se règle sur cette nouvelle valeur et la maintient (resetting). Le baroréflexe est donc efficace pour la régulation et le maintien de la pression à court terme [106]. A B Stimulation Figure 5.65 : Enregistrements de la pression artérielle illustrant le baroréflexe. A: Emissions d'un sinus carotidien de chat lorsque la pression augmente ou diminue; la fréquence des signaux émis est maximale lors de la montée de pression; elle diminue lorsque la pression est stable. Une chute de pression inhibe momentanément les émissions du sinus. B: Effet sur la pression artérielle et la fréquence cardiaque d'une stimulation électrique du sinus carotidien chez le chien (entre les deux flèches); les intervalles de temps représentent 0.2 seconde [Extrait de: Levick JR. An introduction to cardiovascular physiology. 2nd edition. Oxford: Butterworth-Heinemann, 1995, Figures 14.3 et 14.5. Réf 228]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 81 Le glomus carotidien se situe dans le voisinage du sinus, à l'origine de la carotide interne. Ses cellules sont sensibles à la pO2. Il est stimulé par une hypoxie locale; via le nerf glosso-pharyngien, ceci entraîne une stimulation sympathique et une hypertension. L'effet hémodynamique est donc l'inverse de celui d'une stimulation du sinus carotidien [423]. Du côté veineux, des récepteurs situés dans les oreillettes et dans l’artère pulmonaire sont sensibles à la tension de la paroi. Ils sont stimulés par l’hypervolémie, envoient des signaux par le nerf vague jusqu’à l’hypothalamus et inhibent la stimulation sympathique et la sécrétion de rénine. Ils contrôlent le remplissage veineux. Ils sécrètent le facteur natriurétique auriculaire (Atrial natriuretic peptide ou ANF), qui a un effet diurétique, natriurétique et bradycardisant. La libération de BNP (Brain natriretic peptide) par le ventricule est aussi l’effet de la tension de paroi, mais cette fois-ci dans les myocytes ventriculaires. Le BNP provoque une diurèse et une natriurèse, et possède également des effets vasodilatateurs artériels et veineux (baisse de précharge et de postcharge) ; il inhibe la sécrétion de rénine [192]. Les taux circulants de BNP sont directement proportionnels au degré de surcharge de la paroi ventriculaire, ce qui explique leur valeur prédictive pour le diagnostic de l’insuffisance ventriculaire [361]. D’autres récepteurs cardiaques sont sensibles à l’hypovolémie. Une brusque chute dans la tension de la paroi ventriculaire sur une baisse de précharge déclenche le réflexe de Bezold-Jarisch qui associe une bradycardie vagale, une hypotension et une vasodilatation artérielle ; au niveau cardiaque, il est accompagné d’une vasodilatation coronarienne et d’un effet inotrope négatif [436]. La finalité de ce réflexe vagal est de maintenir le remplissage ventriculaire en ralentissant la fréquence. Normalement, il s’associe aux autres baroréflexes pour contrôler la pression et le débit artériel [182]. Mais il peut dominer la régulation lorsque le retour veineux est diminué de manière soudaine, comme lors de l’appui d’un utérus gravide sur la veine cave inférieure chez la parturiente en décubitus dorsal. Il peut aussi se déclencher en cas d’hypovolémie lorsque le retour veineux est compromis par une surpression abdominale ; le bas débit associé à l’hypotension est alors potentialisé par la bradycardie. Comme les récepteurs cardio-inhibiteurs sont les plus nombreux dans la paroi inféro-postérieure du VG, il n’est pas rare de voir une bradycardie et une hypotension accompagner un infarctus dans cette localisation [331]. Ce réflexe participe à la bradycardie qui peut se déclencher lors de bloc spinal, mais n’est pas seul en cause dans ce contexte [182]. Il est en effet associé au réflexe de Bainbridge et au réflexe "inversé" de Bainbridge. Le réflexe de Bainbridge consiste en une tachycardie associée à une augmentation du remplissage vasculaire central, expliquée par une suppression du tonus vagal. Cette régulation fait varier la fréquence de 20% chez l’homme, mais de 100% chez le chien [81a]. Il est à l’origine de la l’augmentation de fréquence cardiaque associée à l’inspirium. Le réflexe "inversé" de Bainbridge est caractérisé par une bradycardie engendrée par la baisse du retour veineux et va dans le même sens que le réflexe de Bezold-Jarish, mais il est déclenché par les récepteurs au volume situés dans les veines centrales et l’OD, alors que le second est déclenché par les récepteurs situés principalement dans le VG [81a]. Contrôle neuro-humoral de la pression L’angiotensine II (AT-II) est issue de la transformation de la rénine sécrétée par l’appareil juxtaglomérulaire rénal en réponse à trois stimuli : une stimulation β- adrénergique, une chute de pression dans l’artère rénale et une fuite tubulaire de sodium. L’AT-II provoque une série d’effets [373]: Vasoconstriction artérielle par effet direct sur les cellules musculaires lisses, par facilitation de la sécrétion de nor-adrénaline dans les fibres sympathiques efférentes et par stimulation de la production d’endothéline par l’endothélium vasculaire ; Régulation des baroréflexes à un niveau de pression supérieur ; Vasoconstriction de l’artériole efférente des glomérules (augmentation de la filtration glomérulaire) ; Rétention tubulaire de sodium ; Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 82 Stimulation de la sécrétion d’aldostérone par la corticosurrénale (résorbtion de sodium et d’eau) et d’ADH par la posthypophyse (rétention d’eau) ; Activation de la croissance et de l’hypertrophie myocardique. La dysautonomie est caractérisée par une mauvaise régulation de la pression artérielle, se présentant sous forme d’hypotension orthostatique (baisse de > 20/10 mmHg à la station verticale). Elle est due à un niveau de nor-adrénaline anormalement bas. De ce fait, les récepteurs adrénergiques vasculaires sont en grand nombre (upregulation), ce qui entraîne une hypersensibilité aux agents vasopresseurs [276a]. Outre ses formes familiale et idiosyncrasique, la dysautomie se rencontre dans une série d’affections : diabète, sénescence, maladie de Parkinson, lésion médullaire, amyloïdose. Contrôle périphérique des résistances La variation du diamètre des petits vaisseaux est une manière très efficace de modifier les résistances (RAS), puisque celles-ci varient avec la quatrième puissance du rayon d’un tube (loi de Poiseuille). Plusieurs systèmes sont en cause pour régler localement les RAS. Récepteurs vasoconstricteurs : α1-adrénergiques, récepteurs à l’angiotensine (AT-II), endothéline. Système vasodilatateur du cGMP de la cellule musculaire lisse: récepteurs β2-adrénergiques, NO•. Facteurs endothéliaux : production de NO• (vasodilatateur) et d’endothéline (vasoconstricteur). Autres vasodilatateurs : prostacycline, bradykinine, histamine, adénosine, ions H+ liés à l’activité métabolique locale. Rôle de l’endothélium Longtemps considéré comme un simple revêtement anti-thrombogène, l’endothélium est au centre d’une cascade de régulations métaboliques, hémostatiques, immunitaires, inflammatoires et hémodynamiques. Il participe à la régulation des résistances artérielles par plusieurs mécanismes [134]. NO• : synthétisé à partir de la L-arginine par la NO-synthase en fonction de l’augmentation du flux sanguin, de sa pulsatilité et des forces de cisaillement exercées sur l’endothélium, il est un puissant vasodilatateur local qui ajuste le diamètre du vaisseau au débit. Il freine l’adhésivité plaquettaire et la réponse inflammatoire. Endothéline : puissant vasoconstricteur par stimulation des récepteurs ETA de la musculature lisse, elle induit aussi une hyperplasie cellulaire (cellules musculaires lisses et fibroblastes). Prostacycline : produite en réponse à une stimulation inflammatoire (TNFα, IL-1), elle est un puissant vasodilatateur. Ceci fonctionne lorsque l’endothélium est normal ; si ce dernier est lésé ou athéromateux, il produit de l’endothéline au lieu de NO• lorsque le stress de paroi augmente [346]. La perte de production de NO• est un des premiers indices de dysfonctionnement dans l’artériosclérose ; les statines ont la capacité d’augmenter cette production [245]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 83 Contrôle de la pression artérielle La PA normale maximale est 130/80 mmHg; la PA différentielle normale maximale est 60 mmHg. Hypertension artérielle: PA > 140/80, PAdiff > 80 mmHg. Le sinus carotidien et les barorécepteurs aortiques sont stimulés par la distension de la paroi artérielle et par la pulsatilité; ils déclenchent une stimulation vagale (hypotension et bradycardie). Le glomus carotidien est stimulé par l'hypoxie; il déclenche une stimulation sympathique. La distension des parois auriculaires provoque la sécrétion d'ANF (diurétique et bradycardisant). La distension des parois ventriculaires provoque la sécrétion de BNP (diurétique et vasodilatateur). La baisse brusque de la précharge induit le réflexe de Bezold-Jarish (bradycardie, vasodilatation artérielle); en cas d'hypovolémie, il associe une bradycardie à l'hypotension. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 84 Physiopathologie de la diastole Concentrée sur les débits et les pressions systoliques, la physiologie a longtemps considéré la diastole comme un temps mort juste nécessaire à l'amorçage des ventricules. Or, il n'en est rien. La diastole est un temps actif, consommateur d'énergie, très vite modifié par la pathologie (ischémie, par exemple), tributaire de l'anatomie fonctionnelle comme des conditions hémodynamiques. La fonction diastolique normale est la capacité du ventricule à accepter un volume de remplissage dans les limites physiologiques sans augmentation de pression, ni au repos ni à l’exercice. Il existe plusieurs définitions de la diastole, toutes basées sur l'alternance systole-diastole du ventricule (Figure 5.66). Physiologiquement, on devrait inclure dans la systole toutes les phases consommatrices d’O2, dont la phase de relaxation ventriculaire active jusqu’au pic du flux mitral E protodiastolique, et ne réserver le terme de diastole qu’aux temps strictement passifs (depuis la phase de décélération du flux E jusqu’à la fermeture de la valve mitrale) [44,395]. Cependant, nous utiliserons ici la définition clinique classique, qui fait débuter la diastole à la fermeture de la valve aortique. Figure 5.66 : Définitions de la systole (flèches rouges) et de la diastole (flèches bleues). De haut en bas: ECG, pression intraventriculaire, flux mitral. A: définition clinique. B: définition physiologique. C: définition de Brutsaert. D : définition selon la mVO2. 1: contraction ventriculaire isovolumétrique. 2: phase d'éjection ventriculaire. 3: relaxation isovolumétrique. 4: remplissage rapide. 5: diastasis. 6: contraction auriculaire. OA: ouverture de la valve aortique. FA: fermeture de la valve aortique. OM: ouverture de la valve mitrale. FM: fermeture de la valve mitrale. E: flux mitral protodiastolique (en jaune). A: flux mitral de la contraction auriculaire (en vert). ECG Pression intraventriculaire gauche Flux mitral A 1 2 E 3 4 A 5 6 A B C D FM OA FA OM FM © Chassot 2012 Subdivisions de la diastole Classiquement, on divise la diastole en quatre phases, calquées sur le flux à travers la valve mitrale en relation avec les pressions ventriculaire et auriculaire (voir Figure 5.68A page 88) [284]. Ces phases Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 85 correspondent à des processus physiologiques différents, et peuvent être altérées de manière sélective par la pathologie. 1 – Phase de relaxation isovolumétrique (RI, 60-100 msec) : processus actif situé entre la fermeture de la valve aortique et l'ouverture de la mitrale. La pression intraventriculaire baisse rapidement et exponentiellement, en grande partie par un effet de succion du VG. Ce processus implique plusieurs mécanismes différents. La durée de cette phase est inversement proportionnelle à la POG ; plus cette dernière est élevée, plus la RI est courte ; en effet, le temps mis par la relaxation ventriculaire pour atteindre la valeur de la POG est d’autant plus bref que celle-ci est plus haute, et la valve mitrale s’ouvre d’autant plus vite. Par contre, la durée de la RI est allongée en cas de défaut de relaxation myocardique (voir Figure 5.72 page 95). 2 - Phase de remplissage rapide (180-200 msec) : la mitrale est ouverte, le sang coule selon le gradient de pression entre l'oreillette et le ventricule ; normalement, 70-80% du remplissage a lieu pendant cette phase. La partie ascendante du flux mitral E, jusqu’à son pic de vélocité, dépend de la relaxation myocardique active consommatrice d’O2. La phase de décélération du flux E (tDE, 140-220 msec) dépend de la souplesse et de l’élasticité du VG (relaxation passive) ; elle est allongée lors de défaut de relaxation et raccourcie lorsque le VG est rigide. 3 - Diastasis: le flux auriculo-ventriculaire diminue, voire cesse, car les pressions s'égalisent progressivement entre l'OG et le VG; < 5% du remplissage a lieu pendant cette phase. Dans certains cas de dysfonction diastolique (POG élevée), une petite onde de flux est visible au cours du diastasis. 4 - Phase de contraction auriculaire: un deuxième pic de flux (flux mitral A, 20-25% du remplissage total) survient lorsque l'oreillette se contracte. La pression télédiastolique (Ptd) s'établit à l'équilibre entre l’oreillette et le ventricule (pic de l’onde de pression "a"). La contraction auriculaire permet d’augmenter la Ptd du ventricule tout en maintenant la pression auriculaire moyenne plus basse, ce qui facilite le retour veineux. Plus sa compliance est basse ou sa rigidité élevée, plus le ventricule dépend de cette phase pour arriver à son volume de remplissage et à la tension de paroi nécessaire à le placer au point optimal de la courbe de Starling. Un ventricule peu compliant (HVG, par exemple) perd plus de 40% de son débit systolique lors d'un passage en rythme nodal ou en FA. Le gradient de pression auriculo-ventriculaire est déterminant pour la vitesse du flux diastolique et pour le volume transvasé entre les deux cavités ; le pic de vélocité du flux est synchrone avec le pic de pression de l’oreillette (voir Figure 5.71 page 95). Les phases de la diastole, définies ici en suivant le flux mitral, sont exactement les mêmes au niveau de la valve tricuspide, à la seule différence que les valeurs de pression et de vélocité sont plus faibles. On peut grouper les nombreux facteurs qui modifient les caractéristiques de la diastole ventriculaire en quatre catégories selon la composante sur laquelle ils agissent, pour autant que les valves mitrale et tricuspide soient normales: Effets sur la relaxation protodiastolique, phénomène actif ; Effets sur la compliance méso-télédiastolique, phénomène passif ; Effets de la durée de diastole sur l'expansion diastolique ; Effets des structures externes sur l'expansion diastolique. Compliance La courbe pression-volume diastolique (compliance) est curvilinéaire : sa pente se modifie avec l'augmentation de volume (Figure 5.67) [138]. A faible remplissage, la courbe a très peu de pente : une variation de volume se traduit par une minime variation de pression ; de ce fait, la PVC ou la PAPO sont de médiocres critères de remplissage en hypovolémie ; l'adage "pressure does'nt mean volume" est particulièrement pertinent dans cette situation. En hypervolémie, au contraire, la relation entre la pression et le volume devient fiable (partie droite de la courbe) parce que la courbe se redresse. Ceci provient du fait que la compliance, ou variation de volume en fonction de la variation Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 86 de pression (ΔV/ΔP), baisse au fur et à mesure que le ventricule se remplit. Le VD est normalement plus compliant que le VG parce que sa paroi est plus mince ; les volumes télédiastoliques des ventricules sont 50-100 mL/m2 pour le VD et 40-80 mL/m2 pour le VG, et leurs pressions télédiastoliques 6-8 mmHg et 12-15 mmHg, respectivement. La compliance est elle-même la résultante de deux composantes, l’élasticité et la distensibilité. Une compliance anormale se traduit par une élévation des pressions de remplissage pour les mêmes volumes, et une plus forte variation de pression pour la même variation de volume [138]. Pression Compliance diminuée Compliance normale P’ ’ P ’ V’ V’’ V V’’ Volume © Chassot 2012 Figure 5.67 : Représentation schématique de la courbe de compliance normale du VG (en bleu) et lors de dysfonction diastolique (en rouge). La courbe est curvilinéaire. A faible remplissage, la courbe a très peu de pente : une variation de volume se traduit par une minime variation de pression. De ce fait, la pression veineuse centrale (PVC) ou la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) sont de médiocres critères de remplissage en hypovolémie. En hypervolémie, au contraire, la relation entre la pression et le volume devient fiable (partie droite de la courbe). La courbe lors d’insuffisance diastolique (compliance diminuée) se redresse et se déplace vers le haut et vers la gauche. La même variation de volume se traduit par une variation de pression plus importante que lorsque la compliance est normale. A la pression P correspond un volume ventriculaire plus petit (V’) que la norme (V) ; le sujet peut être hypovolémique avec une POD (PVC) ou une POG (PAPO) normale. La normovolémie d’un sujet souffrant de dysfonction diastolique (V’’ rouge) est une pression de remplissage (P’) qui correspond à une hypervolémie (V’’ bleu) chez un sujet normal. Fonction diastolique normale (I) La fonction diastolique est la capacité du ventricule à se remplir d’un volume adéquat sans augmentation de pression, au repos comme à l’effort. La diastole comprend 4 phases, définies par les composantes du flux mitral: - Relaxation isovolumétrique - Remplissage protodiastolique (succion ventriculaire, flux mitral E, 80% du remplissage) - Diastasis - Contraction auriculaire (flux mitral A, 20% du remplissage) Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 87 Fonction diastolique normale (II) La courbe pression-volume diastolique (compliance) est curvilinéaire : sa pente se redresse avec l'augmentation de volume. A faible remplissage, la pente est minime : une variation de volume significative se traduit par une variation de pression négligeable ; la PVC et la PAPO ne sont pas des critères de remplissage en hypovolémie. A remplissage élevé, la pente est importante et la relation entre la pression et le volume devient fiable; la PVC et la PAPO sont d'excellents critères de remplissage en hypervolémie. Une compliance anormale (dysfonction diastolique) se caractérise par des pressions plus élevées pour le même volume de remplissage et par des variations de pression plus importantes pour la même variation de volume. Relaxation et compliance Du point de vue physiologique, il est plus logique de subdiviser la diastole selon les trois différents phénomènes qui s’y déroulent plutôt que selon les phases du flux mitral (Figure 5.68B). Figure 5.68 : Phases de la diastole. A : en fonction du flux mitral et des gradients de pression OG-VG. 1: phase de relaxation isovolumétrique (tRI). 2: phase de remplissage protodiastolique, flux mitral E. 3: diastasis. 4: contraction auriculaire, flux mitral A. La partie supérieure de l'image représente les gradients de pression instantanés entre le le VG (courbe rouge) et l'OG (courbe bleue). La phase de flux protodiastolique (relaxation) est représentée en jaune, le diastasis (équilibre des pressions OG – VG) en bleu et la phase de contraction auriculaire (distensibilité) en vert. B : subdivision physiologique en fonction de la mVO2 et de la compliance. I : relaxation active consommatrice d’O2 ; elle comprend la phase de relaxation isovolumétrique et la phase d’accélération du flux E jusqu’à son pic de vélocité. II : élasticité, ou relaxation passive; elle comprend la phase de décélération du flux E et le diastasis. III : distensibilité, ou capacité du ventricule à augmenter passivement de volume sous l’effet du volume propulsé par la contraction auriculaire. Les phases II et III correspondent à la compliance passive du ventricule. 1 2 3 A 4 PVG PO G POG G Flux protodiast Diastasis E A Flux auriculaire tDE I II III B Relaxation active (mVO 2 +) Elasticité E A Distensibilité © Chassot 2012 Relaxation active ; processus actif de succion qui consomme 15% de la mVO2 totale, au cours duquel la pression intraventriculaire baisse en-dessous de la pression intrathoracique [44] ; elle comprend la phase de relaxation isovolumétrique et la phase d’accélération du flux mitral E Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 88 jusqu’à sa Vmax (correspondant au pic de l’onde "v" auriculaire) ; le flux protodiastolique progresse rapidement de manière laminaire jusqu’à l’apex du VG. Elasticité, ou relaxation passive ; c’est la propriété d'un matériau déformé de retrouver sa forme initiale lorsque le stress cesse; elle est le facteur dominant pendant la phase de décélération du flux mitral protodiastolique E et pendant le diastasis diastasis ; le flux de remplissage ralentit. Distensibilité ; elle traduit la capacité d'une structure à augmenter passivement de volume sous l'effet d'un remplissage; elle caractérise la troisième phase de la diastole (remplissage pendant la contraction auriculaire, onde de pression "a") ; le flux ré-accélère, mais reste moins rapide que le flux E. Pendant le diastasis, les mécanismes d’élasticité et de distensibilité se confondent, puisque les pressions de l’OG et du VG s’équilibrent pendant cette phase. Toutefois si la POG est élevée, il arrive de remarquer un pic de flux au cours du diastasis. Elasticité et distensibilité peuvent se regrouper sous le terme de compliance puisque tous deux sont des phénomènes mécaniques passifs de la paroi ventriculaire liés à la structure du myocarde et à ses propriétés visco-élastiques ; ils permettent le remplissage au cours de période correspondant à la phase de décélération du flux E (tDE), au diastasis et à la contraction auriculaire (flux mitral A). Relaxation protodiastolique La phase de relaxation protodiastolique est une phase active consommatrice d’O2 (mVO2 +). L'effet lusitrope positif correspond à une accélération de ce processus. En cas d’ischémie, ce phénomène est ralenti. Cette relaxation diastolique active comprend plusieurs événements [433]. La capture active par le réticulum sarcoplasmique (RS) du Ca2+ libéré lors de l’excitation contractile (voir Figure 5.3 page 7). En cas de dysfonction diastolique, cette recapture est incomplète, d'où retard de relaxation et rigidité myocardique. L'effet de succion: en protodiastole, la pression intraventriculaire chute brusquement et devient momentanément inférieure à la pression intrathoracique [425]. Ce phénomène s'explique par la contraction tardive de la musculature sous-épicardique qui se prolonge pendant la protodiastole, et par la disposition de ses fibres en hélice lévogyre qui provoque une ouverture de la cavité ventriculaire lorsque le reste de la musculature est déjà relaché (voir Figure 5.29 page 36) [395]. L’ascension de l’anneau auriculo-ventriculaire ; le sang qui se trouvait dans l’OG au début de ce mouvement se retrouve dans le VG à la fin de celui-ci ; le volume ventriculaire s’est agrandi de 15% (VG) à 20% (VD) par simple coulissage de la base autour du volume sanguin sans que celui-ci ne se soit lui-même déplacé (voir Figure 5.31 page 37). Effet lusitrope positif: les anticalciques (↓ concentration de Ca2+ libre), les inhibiteurs de la phosphodiestérase-3 (↑ activité de l'AMPc) et les catécholamines (↑ recapture du Ca2+) accélèrent la relaxation diastolique [433]. Effet lusitrope négatif: la relaxation est ralentie par la digitale, les halogénés, l'ischémie et l'insuffisance systolique [136,295]. A ces phénomènes se joignent d’autres éléments qui ne participent pas à la mVO2 parce qu’ils sont énergétiquement passifs. L'élasticité de la connectine (elastic recoil): lors de la contraction, la structure élastique de cette molécule géante est comprimée comme un ressort, qui se détend en début de diastole et amorce le remplissage [138]; plus la contraction a été puissante (Vts bas, FE élevée), plus cet effet est important (voir Figure 5.11 page 19). L'élasticité propre du myocarde: plus il est souple et compliant, plus la relaxation est rapide. Lors d'hypertrophie ventriculaire ou en cas de tissu fibreux abondant (nouveau-né, cicatrice d'infarctus, par exemple), cette phase est ralentie. Chez l’adulte, le 60% du myocarde est Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 89 constitué de myocytes, mais cette proportion tombe à 40% chez le vieillard et 30% chez le nouveau-né; ce qui signifie que, respectivement, 40%, 60% et 70% du myocarde sont constitués de fibrocytes non compliants. L'homogénéité géométrique: les zones akinétiques (ischémie, infarctus) ou dyskinétiques (anévrysme ventriculaire) ne participent pas au remplissage proto-diastolique ou le contrecarrent. Un bloc de branche ou un entraînement électrosystolique (pace-maker) désordonnent la relaxation [138]. Le gradient de pression auriculo-ventriculaire: bien que n'étant pas en soi-même un facteur de relaxation, la pression de remplissage de l'oreillette (↓ par hypovolémie, ↑ par haut débit veineux) est déterminante pour la vitesse du flux diastolique et pour le volume transvasé entre les deux cavités. La vitesse de relaxation du VG se mesure par la constante de temps τ (tau) de la relaxation calculée entre la valeur maximale du – dP/dt et une valeur arbitraire de 5 mmHg à la fin de la phase de relaxation isovolumétrique : P(t) = P • e-t/tau (Figure 5.69) [284]. Elle est accélérée par les substances lusitropes positives, la stimulation sympathique et la tachycardie; elle est diminuée par effet lusitrope négatif. Figure 5.69 : Constante de temps de relaxation τ (tau). C'est une valeur mesurant la vitesse de la baisse de pression dans le VG pendant la relaxation isovolumétrique (- dP/dt) (d’après réf 284). τ p(t) = p • e –t/τ Chez l’individu normal (jusqu’à environ 50 ans), le remplissage ventriculaire protodiastolique est assuré par l’aspiration active du sang par le VG et non par le gradient de pression entre l’OG et le VG. Comme l’exercice physique a un effet lusitrope positif, la relaxation est améliorée, et la pression de l’OG ne monte pas à l’effort malgré l’augmentation du débit cardiaque. Avec l’âge et l’HVG, toutefois, la relaxation devient de moins en moins efficace et le remplissage dépend de plus en plus du gradient de pression OG – VG ; dans ces conditions, la POG s’élève avec l’effort. Elasticité et distensibilité L’élasticité et la distensibilité méso-télédiastoliques, réunies sous le terme de compliance, sont des phénomènes essentiellement passifs, dans lesquels interviennent plusieurs éléments [138,434]. Dimensions ventriculaires: la courbe de compliance étant curvilinéaire, la distensibilité physiologique baisse lorsque le volume diastolique augmente; un ventricule dilaté opère sur la portion verticalisée de la courbe. Souplesse de la paroi: la rigidité myocardique représente la résistance du muscle cardiaque à la distension lorsqu'on l'étire; on parle de visco-élasticité lorsque cette résistance est fonction du degré et de la vitesse d'étirement. Les infiltrations (fibrose cicatricielle, collagène, Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 90 amyloïdose) et l'oedème interstitiel (post-CEC, choc anaphylactique, anasarque, crise de rejet d'un transplant) diminuent la souplesse de la paroi ventriculaire. Une augmentation d'épaisseur de la paroi (hypertension artérielle, HVG, par exemple) en diminue l’élasticité et la distensibilité. Rapport myocytes / fibrocytes: la compliance baisse lorsque la proportion de tissu fibreux est très élevée (≥ 60%) comme chez le nouveau-né ou le vieillard. Température: le refroidissement profond de la cardioplégie en CEC diminue la souplesse du myocarde. Contraction auriculaire: ce facteur, accompagné d’une seconde ascension de l’anneau mitral agrandissant longitudinalement la cavité du VG, est capital pour assurer une pression télédiastolique suffisante. Toutefois, lorsque la distensibilité est très altérée, l’oreillette n’a pas la puissance nécessaire pour propulser suffisamment de sang contre la résistance élevée du myocarde ; sa contribution au remplissage devient faible. La compliance de la cavité est la variation de volume en fonction de la pression (dV/dP), alors que sa rigidité est le rapport inverse : dP/dV, ou variation de pression par unité de volume. Les altérations de l’élasticité et de la distensibilité se traduisent par une baisse de la compliance et par un redressement de sa courbe. La silhouette de la courbe de pression intraventriculaire varie selon le type de pathologie diastolique (Figure 5.70) [434]. Pression VG Figure 5.70 : Courbes Pression – Volume du ventricule gauche dans différentes situations de dysfonction diastolique. A: Défaut de relaxation (protodiastolique). B: Restriction péricardique. C: Défaut de distensibilité (télédiastolique). D: Dilatation ventriculaire. Traitillé bleu: courbe normale; trait rouge: courbe pathologique (d'après réf 434). A B C D Volume ventriculaire gauche Fréquence cardiaque La tachycardie réduit le temps à disposition pour le remplissage ventriculaire pendant la diastole. Le diastasis (phase 3) disparaît et la vélocité du flux protodiastolique (phase 2) diminue ; la composante E du flux auriculo-ventriculaire (phase 2) fusionne progressivement avec la composante A de la contraction auriculaire (phase 4). Il ne subsiste alors plus qu’une seule composante télédiastolique parce que l’oreillette n’a pas le temps d’être remplie avant la fin de la diastole. Comme le remplissage devient davantage dépendant de la contraction auriculaire, la tachycardie est moins bien supportée lorsque le rythme cardiaque n’est pas sinusal. En cas de dysfonction diastolique (ventricule peu compliant), la tachycardie diminue davantage le volume systolique parce que le manque de souplesse du ventricule réclame une longue diastole et une pression élevée pour atteindre un volume Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 91 télédiastolique suffisant. La bradycardie allonge le diastasis et augmente le volume télédiastolique. Elle est dangereuse en cas de dysfonction du VG ou d’insuffisance aortique car elle conduit à une dilatation ventriculaire. Facteurs extrinsèques Toute une série de facteurs non-myocardiques interfèrent avec la fonction diastolique des ventricules. Citons parmi eux: Le péricarde est inextensible; il assure une contention externe lorsque le volume cardiaque augmente; il provoque une inflexion brusque et une pente quasi-verticale de la courbe pression-volume. La présence d'un épanchement ou d’une péricardite constrictive restreint l'expansion diastolique et interrompt le remplissage en cours de diastole [138] (Figure 5.70B). Interdépendance ventriculaire: les deux ventricules partagent le même septum; en cas de surcharge droite, la distension du VD empiète sur le volume diastolique du VG, car le septum est déplacé vers la gauche (effet Bernheim). L'inverse est aussi possible en cas de dilatation gauche; l'insuffisance d'un ventricule entraîne donc un défaut de remplissage de l'autre [117]. Compression extrapéricardique: tumeurs ou épanchements thoraciques peuvent limiter l'expansion ventriculaire diastolique; une pression intrathoracique élevée a le même effet (Valsalva, PEEP). Une surcharge aiguë de volume ou de pression prolonge la contraction ventriculaire ; elle retarde et raccourcit la relaxation. Réseau coronaire: lorsqu'il est mis sous tension par une pression artérielle diastolique élevée, l'arbre coronaire extra- et intra-myocardique se comporte comme un squelette rigide qui diminue l'élasticité de paroi (effet tuyau d'arrosage ou effet Gregg) [147]. Une insuffisance ventriculaire droite provoque une hypertension auriculaire droite et un engorgement du sinus coronaire; cette hypertension veineuse conduit à une diminution de la distensibilité des deux ventricules [411]. L'élévation chronique de la PVC freine le drainage lymphatique cardiaque; la stase veineuse et lymphatique contribue à la formation d'oedème interstitiel. Déterminants de la fonction diastolique La relaxation protodiastolique est un processus actif de succion qui consomme 15% de la mVO2 totale; elle comprend différents éléments: - Succion active par la contraction de la musculature sous-épicardique - Déploiement de la connectine (elastic recoil) - Recapture du Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique - Ascention de l'anneau mitral - Elasticité de la paroi (proportion myocytes/fibrocytes, cicatrices, akinésies) - Homogénéité de la paroi (bloc de branche, pace-maker) - Effet lusitrope positif (anti-PDE3, catécholamines) ou négatif (digitale) - Gradient de pression OG → VG L’élasticité et la distensibilité méso-télédiastoliques, ou compliance, représentent la capacité du ventricule à augmenter passivement de volume sous l'effet du remplissage; elles dépendent de: - Dimension et épaisseur de paroi du ventricule - Souplesse de la paroi (diminuée par cicatrices, infiltrations, œdème, hypothermie) - Rapport myocytes/fibrocytes - Contraction auriculaire Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 92 Déterminants extrinsèques de la fonction diastolique Des facteurs extrinsèques modifient la performance diastolique: restriction péricardique, interdépendance ventriculaire, compression extra-cardiaque, surpression dans les coronaires (HTA) ou dans le sinus coronaire (POD élevée). La tachycardie raccourcit principalement le diastasis; le flux protodiastolique E vient progressivement fusionner avec le flux A de la contraction auriculaire; le flux mitral présente une seule composante télédiastolique. En cas d'insuffisance diastolique le débit est étroitement dépendant de la normocardie; il baisse lors de tachycardie, de bradycardie et de rythme non-sinusal. Dysfonction et insuffisance diastoliques La dysfonction diastolique se réfère à une anomalie asymptomatique dans les indices échocardiographiques du remplissage ventriculaire, alors que l’insuffisance diastolique, responsable de 40% des insuffisances cardiaques congestives, est un syndrome clinique qui se caractérise par une dyspnée et une élévation chronique des pressions de remplissage (POG > 16 mmHg) en présence d’une fonction systolique préservée (FE > 0.5). Dysfonction diastolique Normalement, le ventricule est capable de se remplir adéquatement sans augmentation importante de pression, au repos comme à l'exercice. La dysfonction diastolique (DD) est caractérisée par une anomalie des indices échocardiographiques du remplissage ventriculaire qui reste cliniquement asymptomatique au repos ou à l’effort modéré Dans l’insuffisance diastolique (ID), la situation évolue vers une stase en amont du VG, avec dilatation auriculaire et accumulation liquidienne interstitielle dans les poumons ; cliniquement, l'ID se caractérise par la dyspnée; c'est l'insuffisance cardiaque congestive à fonction systolique conservée (HFpEF : heart failure with preserved ejection fraction). Une dysfonction diastolique est toujours présente en cas d’insuffisance ventriculaire systolique. La cardiomyopathie diastolique semble être liée à un défaut en biodisponibilité du NO endothélial dans les microvaisseaux coronariens, qui est corrélé avec un état inflammatoire systémique comme on le rencontre dans la sénescense, l’obésité, l’hypertension, le diabète, le syndrome métabolique, le BPCO et l’insuffisance rénale, comorbidités qui lui sont étroitement associées. Le manque de NO lève l’inhibition physiologique de l’hypertrophie et de la fibrose, dont le développement rend le myocarde rigide. Le processus consiste en un excès dans le dépôt de collagène et en une altération dans la structure de la connectine, gigantesque molécule qui constitue l’armature des filaments d’actine et de myosine [297a]. Cette étiologie se retrouve à l’identique dans le vieillissement des fibres cardiaques ; l’insuffisance diastolique est en quelque sorte une « presbycardie » exagérée. La rigidité du myocarde influence l’éjection systolique, car elle empêche le VG d’atteindre un petit volume en télésystole et réduit de ce fait le VS à l’effort. La faible disponibilité en NO se traduit également par un défaut de vasodilatation artériolaire à l’exercice qui contribue à la rigidité vasculaire, à l’hypertension artérielle et à l’instabilité hémodynamique [30b]. Les trois processus de relaxation active, élasticité et distensibilité sont altérés dans la dysfonction diastolique. Ainsi, le remplissage du VG ne dépend plus de son effet de succion et de sa souplesse, mais de la pression auriculaire qui doit pousser le sang dans le ventricule ; la relaxation active, qui s’accélère normalement à l’effort, ne permet plus un remplissage rapide et la capacité d’exercice s’effondre ; la POG augmente au point de frôler la stase pulmonaire. Le flux protodiastolique est lent et s’arrête à mi-ventricule [210a]. Au lieu de 20% normalement, le remplissage par la contraction Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 93 auriculaire contribue pour 40-50% au remplissage total [30b]. Schématiquement, les modifications de la performance diastolique peuvent se classer en trois catégories, selon une grille de lecture basée sur les modifications du flux mitral et du flux veineux pulmonaire à l’échocardiographie (voir Figure 25.81) [433]. Le défaut de relaxation protodiastolique, caractéristique de l’hypertrophie ventriculaire (hypertension artérielle, sténose aortique), du vieillissement, de l’ischémie, de l’obésité, du syndrome d’apnée du sommeil et de l’effet lusitrope négatif de certaines substances. La POG est normale au repos mais s’élève à l’effort. Le défaut de relaxation est une altération fréquente et bénigne, mais qui peut évoluer vers la restriction dans 10% des cas. La restriction par perte de compliance ventriculaire (défaut d’élasticité et de distensibilité), caractéristique des cardiomyopathies restrictives, des infiltrations (collagénoses, amyloïdose, œdème post-CEC) et de la dilatation majeure du ventricule. La POG est élevée au repos, et l’effort est extrêmement limité. Il s'agit d'une situation sévère de mauvais pronostic, conduisant à l’oedème pulmonaire, même si la fonction systolique est conservée. Entre les deux, se trouve une catégorie de pseudonormalisation, ainsi nommée parce que la silhouette du flux mitral (rapport E/A) paraît normale à cause d’une élévation déjà significative de la POG ; la clinique est intermédiaire entre les deux situations précédentes. Lors de dysfonction diastolique, la rigidité du ventricule se traduit par une fixité du volume diastolique, par un déplacement vers le haut et vers la droite de la courbe de compliance, et par un redressement de la phase de recrutement de la courbe de Starling (Figure 5.44 page 56). Cela implique trois conséquences cliniques. Au même volume de remplissage correspond une pression plus élevée que la norme ; un malade peut être hypovolémique avec une PVC et une PAPO normales. Comme la courbe de compliance est redressée, la même variation de volume se traduit par davantage de variation dans la pression de remplissage. L’individu devient intolérant aux variations de volémie. La modulation du volume télédiastolique est très limitée; le volume systolique (VS) devient très dépendant de la précharge parce que la courbe de Starling est très verticale. Le VS est donc très sensible aux variations de la pression intrathoracique ; la ventilation en pression positive et la PEEP baissent significativement le VS et la pression artérielle. Le même degré d’hypovolémie provoque une hypotension plus profonde. La normocardie est impérative pour maintenir le volume systolique ; la tachycardie, la bradycardie et la perte du rythme sinusal abaissent le débit cardiaque. En cas de tachycardie, le ventricule ne peut pas accélérer son remplissage pour compenser le raccourcissement de la diastole ; en cas de bradycardie, il ne peut pas se dilater pour augmenter le VS. En cas de rythme nodal ou de FA, le remplissage par la contraction auriculaire est perdu; or celui-ci contribue pour 40-50% au remplissage total, vu le défaut de relaxation protodiastolique. A défaut de pour pouvoir construire des courbes pression-volume (Figure 5.70) en clinique, on a recours à l'échocardiographie Doppler, qui permet, de manière non-invasive, d'étudier la vitesse des flux intracardiaques et leurs morphologies (voir Chapitre 25, Fonction diastolique). Pour autant que les valves auriculo-ventriculaires soient normales, la dysfonction diastolique se traduit par des modifications des flux de remplissage que l'on peut observer dans les veines pulmonaires et les veines caves, ou à travers la valve mitrale et la valve tricuspide (Figure 5.71) [285]. L'évolution de la dysfonction diastolique est bien observable sur les modifications du flux mitral (Figure 5.72) [284]. Défaut de relaxation : allongement de la phase de relaxation isovolumétrique, diminution de vélocité du flux mitral E, diminution de la vélocité du déplacement de l'anneau mitral (E'), augmentation de la contribution auriculaire (flux A) au remplissage, rapport E/A inversé (Figure 5.73). Pseudo-normalisation : l'augmentation progressive de la pression auriculaire gauche rétablit le gradient de pression OG – VG ; la vélocité du flux E augmente et retrouve sa valeur normale, Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 94 mais sa morphologie est pathologique (pente d'accélération et de décélération accentuées) ; la relaxation isovolumétrique est raccourcie. Figure 5.71 : Pressions et flux de remplissage du VG. Les flux sont représentés par leurs vélocités pendant un cycle cardiaque. La vélocité est fonction du gradient de pression instantané entre la cavité d'amont et la cavité d'aval. Les pics de flux veineux pulmonaire correspondent aux moments où la pression dans l'OG est la plus basse; le flux veineux pulmonaire comprend une composante systolique (S) bifide (S1 : descente a-c, S2 : descende x), une composante diastolique (D, descente y) et une composante rétrograde pendant la contraction auriculaire (Ar). Le flux mitral comprend une composante protodiastolique (E) et une composante produite par la contraction auriculaire (A). La couleur rouge marque la phase systolique, la jaune la phase proto-mésodiastolique, et la verte la phase de la contraction auriculaire. Ce schéma est basé sur les données d’échocardiographie transoesophagienne ; le flux veineux pulmonaire apparaît en dessus de la ligne de base car il se rapproche du capteur alors que le flux mitral apparaît en dessous de la ligne de base car il s’en éloigne. Figure 5.72 : Modifications du flux mitral selon l'évolution de la dysfonction diastolique en ETO (le flux mitral apparaît en dessous de la ligne de base car il s’éloigne par rapport au capteur situé dans l’oesophage). A: Flux normal. B: Défaut de relaxation; allongement de la phase de relaxation isovolumétrique, diminution de vélocité du flux mitral passif (E), augmentation de la contribution auriculaire (flux A ↑). C: Pseudo-normalisation; l'augmentation progressive de la pression auriculaire gauche rétablit le gradient de pression OG – VG; la vélocité du flux E augmente et retrouve sa valeur normale, mais sa morphologie est pathologique: pentes d'accélération et de décélération accentuées, raccourcissement de la relaxation isovolumétrique. D: Restriction; c'est la situation la plus grave; le ventricule devient tellement rigide et la pression auriculaire tellement haute que la vélocité du flux E devient très élevée et sa décélération très brutale; l'onde A de la contraction auriculaire est minime parce que le ventricule n'est plus distensible en fin de diastole. RI : phase de relaxation isovolumétrique. ECG Pression auriculaire c a v y x Flux veineux pulmonaire S D Ar Ar Flux mitral A E © Chassot 2012 A A E E RI RI A B A A E E RI RI C D © Chassot 2012 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 95 Restriction : c'est la situation la plus grave ; le ventricule devient tellement rigide et la pression auriculaire tellement haute que la vélocité du flux E devient très élevée et sa décélération très brutale ; l'onde A de la contraction auriculaire est minime parce que le ventricule n'est plus distensible en fin de diastole. Par contre, la proportion du flux qui recule dans les veines pulmonaires pendant la contraction auriculaire est très importante (augmentation du flux A rétrograde) (Figure 5.74). A B E E A A Figure 5.73 : Contribution de la contraction auriculaire au remplissage diastolique du ventricule gauche. La courbe représente l'évolution de la surface ventriculaire au cours du cycle cardiaque au moyen de la définition automatiqaue des contours endocavitaires à l'échocardiographie transoesophagienne (AQ™). A: situation normale; la majeure partie du remplissage a lieu pendant l'onde E; l'onde A représente moins de 20% du gain en volume télédiastolique. B: insuffisance diastolique; l'onde A est responsable de la moitié du remplissage. Figure 5.74 : Flux dans les veines pulmonaires (A) et à travers la valve mitrale (B) en situation normale et lors d'insuffisance diastolique restrictive sévère. Au cours de la contraction auriculaire, le flux rétrograde (Ar) dans les veines pulmonaires est faible; la majeure partie du flux (A) coule à travers la valve mitrale car le ventricule est très compliant. Lors de restriction, le flux rétrograde (Ar) est plus important que le flux antérograde (A), à cause de non-distensibilité du VG. A S D D S Ar Ar Ar B E Flux normaux A E A Flux restrictifs © Chassot 2012 Comme elle est directement proportionnelle au gradient de pression entre l'amont et l'aval du point de mesure, la vélocité d'un flux de remplissage est tributaire de la pression qui règne dans les veines pulmonaires et dans l'OG (ou dans les veines caves et dans l'OD). Il existe donc des interférences de Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 96 mesure majeures entre la fonction diastolique d'une part, et la volémie ou la précharge d'autre part (voir Chapitre 25 Flux de remplissage). Pour éviter ce piège, on peut utiliser des techniques échocardiographiques peu dépendantes de la précharge comme la vitesse de propagation du flux mitral (voir Figure 25.82 page 110), le rapport E/E', la pente de décélération du flux E mitral ou du flux D veineux pulmonaire, la différence entre la durée de l’onde A rétrograde dans les veines pulmonaires et celle de l’onde A antérograde à travers la valve mitrale (voir Figure 25.84, page 113). Le rapport E/E’ (voir Figure 12.11) entre la vélocité maximale du flux mitral protodiastolique (E) et celle du mouvement simultané de l’anneau mitral (E’) permet une évaluation de la POG, qui est > 18 mmHg lorsque ce rapport est > 15. Associé à la durée de décélération du flux mitral (Etd), ce rapport permet également de construire un algorithme simple pour stratifier les patients selon le degré de leur atteinte diastolique [383a]. Vélocité E’ ≥ 10 cm/s : situation normale ; Vélocité E’ < 10 cm/s : o E/E’ < 8, Etd > 200 ms : défaut de relaxation ; o E/E’ 9-12, Etd 160-200 ms : pseudonormalisation ; o E/E’ > 13, Etd < 160 ms : restriction. La prévalence de la dysfonction diastolique est de 20% en chirurgie vasculaire, de 50% chez les malades de plus de 70 ans, et de 30-70% chez les patients cardio-chirurgicaux [121,433]. La DD est le premier élément qui apparaît lors d'ischémie aiguë: la phase de relaxation est immédiatement prolongée [150]. L'atteinte diastolique est beaucoup plus marquée dans l'ischémie par demande excessive d'O2 (demand ischemia), telle l'exercice ou l'élévation de postcharge (clampage de l'aorte, par exemple), que dans l'ischémie par apport insuffisant (supply ischemia lors d'hypotension ou d’occlusion coronarienne) [434]. Ce ralentissement de la relaxation diminue encore la perfusion coronaire, car la contraction persiste en phase protodiastolique, comprime les vaisseaux intramyocardiques et raccourcit le temps de perfusion efficace. Lors d'un infarctus, l'élasticité du ventricule commence par augmenter parce que la paroi s'amincit et que le ventricule se dilate; elle diminue lors de la phase de cicatrisation et de fibrose en fonction de l'étendue de la lésion [295]. L’élévation de la POG produit le même degré d’hypertension pulmonaire postcapillaire que lors de défaillance systolique gauche ou de pathologie mitrale ; elle est également accompagnée d’une hypertension artérielle pulmonaire réactionnelle dans la moitié des cas (voir Hypertension pulmonaire) [30b]. Tous ces phénomènes se retrouvent à des degrés divers dans le vieillissement (voir Chapitre 21 Le patient âgé). La pathologie diastolique a été décrite essentiellement pour le VG, mais la rigidité atteint également le VD ; toutefois, la dysfonction diastolique droite est difficile à diagnostiquer. Dysfonction diastolique La dysfonction diastolique est caractérisée par une élévation des pressions de remplissage pour les mêmes volumes ventriculaires. Elle se subdivise en deux entités: - Défaut de relaxation protodiastolique, fréquent et bénin (âge, HVG, ischémie) - Défaut de distensibilité holodiastolique, rare et de mauvais pronostic (cardiomyopathie restrictive, infiltrations, œdème) La dysfonction diastolique a quatre conséquences hémodynamiques: - Pression de remplissage plus élevée pour le même volume (PVC et PAPO ↑) - Volume télédiastolique fixe - Volume systolique et pression artérielle très dépendants de la précharge - Volume systolique et pression artérielle très dépendants de la normocardie Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 97 Insuffisance diastolique L'insuffisance diastolique se définit comme une insuffisance cardiaque congestive avec dilatation de l'oreillette et stase en amont, mais sans altération de la fonction systolique (FE > 0.5) [433]. Au niveau du VG, elle se traduit par une accumulation de liquide interstitiel pulmonaire, un frein aux échanges gazeux et une dyspnée, d'abord à l'effort puis au repos. Au niveau du VD, elle cause une hépatomégalie, de l'ascite et des oedèmes périphériques. L'insuffisance diastolique à fonction systolique conservée représente 25-40% des cas d'insuffisance cardiaque congestive [20b,402]. Par rapport à celle de l’insuffisance systolique, qui est de 10-15%, la mortalité annuelle de l’insuffisance diastolique est inférieure d’un tiers : 5-12% (OR 0.68) ; par rapport à la population générale, par contre, sa présence augmente de 2.5 fois le risque de décès [20b,249a,433]. Elle est plus fréquente chez la femme que chez l’homme. Elle est un facteur de mortalité en cas de choc septique et de chirurgie cardiaque [20,45,274]. En chirurgie générale, elle double le risque d'accident cardiovasculaire et triple la mortalité postopératoire [121]. Elle augmente les difficultés hémodynamiques au sortir de CEC [98a]. L'insuffisance diastolique se développe très tôt dans l'évolution de l'HVG sur hypertension, alors que l'insuffisance systolique est plus tardive [369]. Il est difficile de mettre en évidence cliniquement une insuffisance diastolique. Il s'agit avant tout d'un diagnostic de présomption basé sur la présence de dyspnée. On ne peut l'objectiver que par une échocardiographie, une ventriculographie ou une IRM. Comme cette notion est importante pour la prise en charge hémodynamique périopératoire des patients chirurgicaux, il faut garder à l'esprit les situations dans lesquelles la diastole est très probablement perturbée. Augmentation de la masse myocardique et du réseau collagéno-fibreux : hypertrophie concentrique du VG (hypertension artérielle, sténose aortique, cardiomyopathie hypertrophique) ; Perte de myocytes et augmentation des fibrocytes: nouveau-né, vieillard, ischémie aiguë, infarctus étendu, cardiomyopathie restrictive ; Infiltrations myocardiques : collagénoses, amyloïdose, œdème post-CEC ; Augmentation de la tension de paroi ventriculaire : insuffisance cardiaque systolique avec dilatation ventriculaire ; Hypertrophie ventriculaire droite (BPCO, hypertension pulmonaire) ; Syndrome inflammatoire-métabolique : obésité, diabète, syndrome métabolique, insuffisance rénale ; Comorbidités : apnée du sommeil, anémie, cachexie ; Pathologie péricardique. La baisse de compliance modifie la relation qui lie la pression et le volume. La courbe étant déplacée vers le haut et vers la droite, au même volume correspond une pression plus élevée (voir Figure 5.67). Un patient peut devenir sévèrement hypovolémique avec des POD et POG normales. A l’inverse, une faible surcharge de volume augmente substantiellement la POG et peut conduire à la stase et au préœdème pulmonaire. Peu perceptible cliniquement sauf à l'effort, l'insuffisance diastolique est très sensible aux modifications des conditions de remplissage cardiaque et des régimes de pression endothoracique parce que la pente de la courbe de Starling est ici très verticale. Aux mêmes variations de pression ou de volume endothoracique correspondent des variations très grandes du volume systolique qui se traduisent par d’amples variations de la pression artérielle systolique sous ventilation contrôlée en pression positive (IPPV) (Figure 5.44). L’insuffisance diastolique va induire des perturbations hémodynamiques majeures lors de modifications apparemment peu significatives des régimes de pression et de précharge (intolérance à l'hypovolémie). Lors de l’induction de l’anesthésie et de la curarisation, elle retentit durablement sur le débit systolique et la pression artérielle (voir Interaction cardio-respiratoires, Effets hémodynamiques). D'autre part, les difficultés du remplissage ventriculaire imposent une contrainte de temps à la diastole. La tachycardie ne peut pas compenser adéquatement la baisse du volume systolique, parce que le manque de souplesse du ventricule ne permet pas de raccourcir la diastole ; le débit cardiaque baisse. La bradycardie n’est pas mieux supportée, car le volume télédiastolique n’augmente pas malgré la longueur de la diastole à cause de la Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 98 non-distensibilité du ventricule ; le débit cardiaque baisse également. Vu son manque de distensibilité, le ventricule dépend largement de la contraction auriculaire pour atteindre son Vtd optimal. L’impact hémodynamique de l'insuffisance diastolique porte sur quatre points. Modification de la compliance (relation P-V diastolique) : • Pressions de remplissage élevées ; • Stase pulmonaire, dyspnée ; • Hypovolémie à PVC ou PAPO normales ; • Elévation excessive des pressions de remplissage lors d’hypervolémie. Dépendance accentuée de la précharge : • Intolérance à la baisse de précharge (hypovolémie) ; • Variations respiratoires très marquées de la PA en IPPV. Intolérance à la tachycardie et à la bradycardie : • Lenteur du remplissage ventriculaire ; • Fixité du volume télédiastolique à cause de la rigidité du ventricule. Dépendance de la systole auriculaire : • Contraction auriculaire fournissant jusqu’à 50% du remplissage ventriculaire ; • Volume systolique très abaissé en cas de perte du rythme sinusal. Les critères diagnostics de l’insuffisance congestive à fonction systolique préservée sont [298] : Symptômes d’insuffisance cardiaque congestive (stase, dyspnée) ; FE > 0.5 ; Dilatation de l’OG (surface > 15 cm2/m, volume > 32 mL/m2) ; Rapport E/E’ > 15 (rapport entre la vélocité maximale du flux mitral protodiastolique E et celle du mouvement de l’anneau mitral E’ à l’échocardiographie) (voir Chapitre 12, Figure 12.11) [9a] ; alternative : PAPO > 15 mmHg ; NT-proBPN > 220 pg/ml, BNP > 200 pg/ml ; Absence de valvulopathie. Sur une courbe de PAPO, la non-distensibilité télédiastolique se manifeste par une onde « a » proéminente (voir Chapitre 6, Figure 6.23) ; l’importance de l’onde « v » est fonction de la compliance de l’oreillette gauche. La distension de l’OG caractéristique de l’insuffisance diastolique (> 32 mL/m2) est le marqueur d’une élévation chronique de la POG. En cardiologie comme après chirurgie cardiaque, elles est directement associée à la fibrillation auriculaire, dont l’incidence augmente de 4 fois (OR 4.1) [10a,15b]. Insuffisance diastolique Environ 40% des insuffisances cardiaques congestives caractérisées par une stase et une dyspnée sont des insuffisances diastoliques à fonction systolique conservée (FE > 0.5). L'insuffisance diastolique est fréquente en cas de: HVG concentrique, âge avancé, ischémie, dilatation VG/VD, HVD. Elle est pathognomonique de: nouveau-né, infiltrations (fibrose, œdème), cardiomyopathie restrictive, restriction péricardique. Impact hémodynamique en clinique: - Pression de remplissage élevée (PVC, PAPO ↑) - Dépendance accentuée de la précharge, intolérance à l'hypovolémie et à l’hypervolémie - Intolérance à la bradycardie et à la tachycardie - Dépendance du rythme sinusal Même paucisymptomatique, l'insuffisance diastolique double le risque cardiovasculaire et triple la mortalité opératoire. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 99 Remplissage veineux Régulation du retour veineux Modèle classique Le système veineux contient 70% du volume sanguin. Il fonctionne comme une capacitance très élastique, qui contient encore un volume résiduel important lorsque sa pression transmurale est nulle (volume veineux fixe). Il est classiquement représenté par un réservoir drainé à mi-hauteur par le réseau veineux cave [156,233]. La hauteur du volume disponible au dessus de l’orifice de vidange est la pression de remplissage systémique moyenne (PRSm) (Figure 5.75). Le flux du retour veineux (QRV) est déterminé par la PRSm, la pression dans l’OD (POD) et la résistance du système veineux (Rv) [114] : QRV = (PRSm - POD) / Rv Pression de remplissage moyenne Volume veineux disponible Volume veineux fixe Coeu r Pression OD Figure 5.75 : Le système veineux fonctionne comme une capacitance très élastique, constituée d’un volume veineux disponible et d’un volume veineux fixe ; ce dernier est le volume résiduel à pression transmurale nulle. Il est classiquement représenté par un réservoir drainé à mi-hauteur par le réseau veineux cave [156,233]. La hauteur du volume disponible au-dessus de l’orifice de vidange est la pression de remplissage systémique moyenne (PRSm). Le flux du retour veineux (QRV) est déterminé par la différence entre la PRSm et la pression dans l’OD, divisée par la résistance du système veineux. La seule manière dont le débit cardiaque peut directement influencer le retour veineux est de baisser la POD (augmentation de QRV). Augmenter la hauteur du réservoir veineux disponible (augmentation de la PRSm) demande un volume que le lit artériel ne peut pas fournir, puisque le 70% du volume circulant est dans le circuit veineux et seulement 30% dans le circuit artériel. Par analogie au robinet d’une baignoire, le débit artériel n’influence pas directement le retour veineux. Celui-ci dépend de la POD et de la résistance du système veineux. Il ressort de cette équation que le retour veineux augmente si la POD baisse, pour autant que PRSm et Rv restent constants. Ceci est vrai tant que la POD ne descend pas en dessous d’une valeur critique (Pcrit), habituellement voisine de la pression atmosphérique. Lorsque cette limite est franchie, la pression transmurale de la veine cave devient négative et celle-ci collabe ; le flux veineux n’augmente plus. En dessus de la Pcrit, le retour veineux diminue de manière linéaire avec l’augmentation de la POD ; le QRV cesse lorsque la POD et la PRSm sont identiques (Figure 5.76A). L’hypervolémie déplace la courbe vers le haut et vers la droite, et l’hypovolémie vers le bas et vers la gauche. Toutefois, le remplissage n’est efficace que si la PRSm augmente davantage que la POD, sans quoi le retour veineux (QRV) n’augmente pas. La seule manière dont le débit cardiaque peut directement Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 100 influencer le retour veineux est de baisser la POD (augmentation de QRV). Augmenter la hauteur du réservoir veineux disponible (augmentation de la PRSm) demande un volume que le lit artériel ne peut pas fournir puisque le 70% du volume circulant est dans le circuit veineux et seulement 15-20% dans le circuit artériel. Par analogie au robinet d’une baignoire, le débit artériel n’influence pas directement le retour veineux. Celui-ci dépend de la POD, de la résistance du système veineux et de la PRSm. Cette dernière est essentiellement due à la pression exercée par l’élasticité des grandes veines sur le volume sanguin [233]. Bien qu’ils puissent varier sur quelques battements cardiaques, le retour veineux et le débit cardiaque doivent être identiques à long terme. On peut ainsi superposer graphiquement la courbe de Starling et la courbe du retour veineux pour définir le point auquel opère le cœur dans des conditions définies (Figure 5.76B). Une augmentation de la performance cardiaque (courbe de Starling redressée et déplacée vers le haut) ne peut améliorer le retour veineux que par le biais d’une baisse de la POD ; mais si celle-ci descend en dessous de la Pcrit, le flux veineux devient indépendant de la fonction cardiaque. Il faut alors ajouter du volume circulant pour rétablir la relation. Lors de dysfonction ventriculaire, la courbe de Starling s’aplatit et se déplace vers le bas ; elle intercepte la courbe de retour veineux à une POD plus élevée. Flux veineux Courbes de retour veineux Courbes de Starling Flux veineux Débit cardiaque Inotrope positif 3 2 Normal Hypervolémie 1 Inotrope négatif Normovolémie A P crit Pression OD B P crit Pression OD Figure 5.76 : Retour veineux et débit cardiaque. A : le retour veineux (ligne bleue) augmente linéairement si la POD baisse, pour autant que la PRSm reste constante et que la POD ne descende pas en dessous d’une valeur critique (Pcrit), habituellement voisine de la pression atmosphérique. Lorsque cette limite est franchie, la pression transmurale de la veine cave devient négative, celle-ci collabe et le flux veineux n’augmente plus. En dessus de la Pcrit, le retour veineux diminue de manière linéaire avec l’augmentation de la POD ; le QRV cesse lorsque la POD et la PRSm sont identiques. L’hypervolémie déplace la courbe vers le haut et vers la droite (pointillé bleu), et l’hypovolémie vers le bas et vers la gauche. B : le retour veineux et le débit cardiaque doivent être identiques à long terme. On peut ainsi superposer graphiquement la courbe de Starling (violette) et la courbe du retour veineux pour définir le point auquel opère le cœur dans des conditions définies (1). Une augmentation de la performance cardiaque (pointillé violet) ne peut améliorer le retour veineux que par le biais d’une baisse de la POD ; mais si celle-ci descend en dessous de la Pcrit, le flux veineux devient indépendant de la fonction cardiaque (2) ; la situation est rétablie par du remplissage liquidien (3). Lorsque la fonction cardiaque baisse (traitillé violet), la POD correspondante augmente ; sur la partie horizontale de la courbe de Starling, augmenter la POD ne modifie plus le débit cardiaque [114,233]. Rôle de l’oreillette Pour pouvoir éjecter, une pompe doit d’abord être correctement remplie. A cet effet, les oreillettes ont deux fonctions essentielles. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 101 Conduits entre les grandes veines et le ventricule, elles fonctionnent comme réservoir-tampon entre le retour veineux continu et l’éjection pulsatile, à l’instar du ballon sur un circuit respiratoire. La contraction auriculaire permet d’augmenter la pression télédiastolique du ventricule sans que la pression auriculaire moyenne ne soit élevée ; en fin de diastole, il est ainsi possible de régler la tension de paroi et la force de contraction du ventricule tout en maintenant une pression auriculaire moyenne basse pour faciliter le retour veineux. Ce dernier effet est perdu lorsqu’un patient passe en rythme nodal ou en FA ; il est alors nécessaire d’augmenter son remplissage pour maintenir le même débit. D’autre part, la contribution de la contraction auriculaire est d’autant plus importante que le ventricule est moins souple. Normalement, la contraction auriculaire ne fournit que 20% du remplissage ventriculaire, car la majorité de celui-ci a lieu pendant la phase de relaxation protodiastolique. En cas de dysfonction diastolique, comme dans l’hypertrophie ventriculaire par exemple, elle apporte 40-50% du volume ventriculaire ; la perte du rythme sinusal diminue d’autant le volume systolique, donc le débit cardiaque [433]. Lorsque le VG est en systole, l’oreillette gauche (OG) entre en diastole. Le remplissage auriculaire est alors facilité par la descente de l’anneau mitral dû à la contraction longitudinale du ventricule, qui agrandit brusquement l’OG et baisse sa pression. La course de l’anneau mitral est de l’ordre de 1 cm. Ce phénomène est moins marqué au niveau de l’anneau tricuspidien. Lors de la relaxation ventriculaire protodiastolique, l’anneau remonte. En fin de diastole, la contraction auriculaire tire l’anneau mitral vers le haut, complétant le retour de ce dernier en position haute télédiastolique. Au cours de ces deux séquences, l’anneau coulisse autour du volume de sang situé à son niveau ; ce volume passe ainsi de l’OG au VG sans même s’être déplacé (Figure 5.31 page 37). Retour veineux La VCI représente 70% du retour veineux et la VCS 30% (petit enfant: 50/50). Le retour veineux au cœur (QRV) dépend de la pression de remplissage veineuse moyenne (PRVm), de la POD et de la résistance sur le circuit veineux (Rv): QRV = (PRVm - POD) / Rv. Le retour veineux n'est possible que si: PRVm > POD et POD > Pcrit (pression critique de fermeture). La Pcrit de la VCI est franchie si son remplissage diminue ou si la Pabd augmente (Ptm ↓). Le retour veineux augmente si PRVm ↑ (remplissage) et/ou POD ↓ (↑ fonction cardiaque). Rôle de l'oreillette: - Réservoir-tampon entre retour continu et éjection cyclique - Sa contraction augmente la Ptd ventriculaire sans augmentation de la Pmoy auriculaire - Perte du rythme sinusal: ↑ remplissage pour maintenir la Ptd ventriculaire Flux de remplissage Le remplissage veineux a lieu en continu aux deux temps du cycle cardiaque, alors que le débit des ventricules est alterné entre une période de remplissage et une période d’éjection (Figure 5.71 page 94). Le flux veineux central dans les veines caves et les veines pulmonaires présente une silhouette caractéristique [284]. Un premier flux survient pendant la descente "x" de la pression auriculaire, qui se produit en deux temps: d'abord la relaxation auriculaire proprement dite, puis l’abaissement de la valve auriculo-ventriculaire dans le ventricule pendant le raccourcissement de ce dernier en systole. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 102 Dans les grandes veines centrales, ce premier flux est la composante systolique (S); un aspect bifide (S1 et S2) est en général visible à l’écho Doppler dans les veines pulmonaires: • S1 : relaxation auriculaire ; • S2 : abaissement de la valve auriculo-ventriculaire dans le ventricule (raccourcissement longitudinal) ; • Chute du flux entre S1 et S2 : décrochement "c" de la pression (habituellement non visible sur la POD). Le deuxième flux veineux se place pendant la descente "y" de la pression: la vidange de l’oreillette dans le ventricule pendant la protodiastole lui permet de se remplir à nouveau depuis les veines centrales caves ou pulmonaires. C'est le flux veineux diastolique (D), qui s'écoule selon le gradient de pression qui règne entre les veines centrales, l'oreillette et le ventricule, tous trois étant en libre communication pendant cette phase puisque les valves mitrale et tricuspide sont ouvertes. Le troisième flux est un petit flux rétrograde (Ar) dû à la contraction auriculaire, puisqu'il n'y a pas de valve sur les veines centrales. Il dépend de la force de contraction de l'oreillette et augmente d'importance lorsque le ventricule devient rigide (dysfonction diastolique). Il disparaît en l'absence de rythme sinusal. Ces pics de flux se retrouvent de manière identique dans les veines caves et dans les veines pulmonaires; seule leur vélocité maximale est différente. La pression moyenne de l’OG est supérieure à celle de l’OD, mais l'amplitude des oscillations de pressions est plus ample dans l’OG; les pics de pression y sont donc supérieurs à ceux de l’OD, alors que les nadirs de pressions y sont inférieurs, renversant momentanément le gradient de pression entre les deux oreillettes [18]. Ce renversement est particulièrement marqué en protosystole lors de la descente de l’anneau mitral (1-1.5 cm), qui diminue brusquement la POG. Le gradient de pression trans-septal entre l’OD et l’OG s’inverse donc deux fois au cours d’un cycle cardiaque (Figure 5.77) : Ondes "a" et "v" : Nadirs "x" et "y" : POG > POD POG < POD Figure 5.77 : courbes de pressions auriculaires. En rouge, pression dans l’OG, en jaune (traitillé), pression dans l’OD. Pendant les pics de pression, la pression est plus élevée dans l’OG que dans l’OD, alors que pendant les nadirs de pression, la pression de l’OG est plus basse que celle de l’OD. La membrane de la fosse ovale oscille en fonction du gradient de pression qui règne entre les deux oreillettes [80]. Ces gradients de pression commandent les oscillations de la membrane de la fosse ovale (septum interauriculaire) et le flux des communications interauriculaires. Celles-ci ont deux composantes majeures gauche → droite pendant les pics de pression a et v, et deux composantes mineures droite → gauche pendant les nadirs de pression x et y. Pendant la première partie de la diastole ventriculaire, l'oreillette se vide passivement à travers la valve auriculo-ventriculaire selon le gradient de pression existant entre l’oreillette et le ventricule: c’est le flux E (voir Figure 5.71). Après une courte période d’équilibration (diastasis), survient la contraction auriculaire, qui engendre un deuxième pic de flux, ou flux A; celui-ci s’arrête lorsque commence la Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 103 contraction isovolumétrique. C'est donc le pic "a" de la pression auriculaire qui correspond le mieux à la pression télédiastolique du ventricule. Flux veineux centraux Flux dans veines caves et veines pulmonaires: - Composante systolique, correspond à la descente x de la pression auriculaire - Composante diastolique, correspond à la descente y de la pression auriculaire - Composante rétrograde due à la contraction auriculaire Dans les oreillettes, les variations de pression sont plus amples dans l'OG que dans l'OD. - Pendant les pics de pression a et v: POG > POD - Pendant les nadirs de pression x et y: POG < POD Ces gradients de pression entre les oreillettes commandent les mouvements du septum interauriculaire (oscillations cardiogéniques) et le flux des communications interauriculaires (CIA, FOP). Précharge du coeur Volume intrathoracique La précharge d’un ventricule ne se résume pas à la seule volémie. La précharge du VG se situe dans l’enceinte thoracique, puisqu’elle est constituée par le débit des veines pulmonaires; elle est donc tributaire du régime de pression pulmonaire. La précharge du VD est assurée par le retour veineux des veines caves. La cave supérieure (VCS) est en majeure partie intrathoracique, et représente moins du tiers du débit auriculaire droit chez l'adulte (la moité chez le petit enfant) [389]. La plus grande partie du retour veineux droit est donc assuré par le débit de la veine cave inférieure (VCI), qui provient de la cavité abdominale, laquelle a son propre régime de pression. Le trajet intrathoracique très court de la VCI n'est pas significativement influencé de la Pit. Le volume sanguin intrathoracique (VSit) représente environ 20% de la volémie. Celle-ci est répartie pour 63% dans le système veineux systémique, pour 15% dans les grosses et petites artères, pour 9% dans la circulation pulmonaire et pour 8% dans le cœur en diastole [406]. Les 4/5èmes du volume total sont donc dans un compartiment à basse pression (5-12 mmHg). La précharge du VG, représentée par le VSit, est tributaire du régime de pression ventilatoire. La relation entre les pressions pulmonaires et la volémie est décrite par les zones pulmonaires de West (Figure 5.78) [415] : Zone I : la pression alvéolaire (Palv) est plus élevée que la pression artérielle pulmonaire (PAP) et que la pression la pression veineuse pulmonaire (Pvp) (Palv > PAP > Pvp) ; le flux est interrompu. Zone II : la PAP est plus élevée que la Palv, mais celle-ci reste supérieure à la Pvp ; le flux est diminué, mais la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) mesurée par le cathéter de Swan-Ganz reflète la Palv et non la pression de l’OG. Zone III : la PAP est plus élevée que la Pvp, qui est plus haute que la Palv (PAP > Pvp > Palv) ; le flux est libre et la PAPO reflète la POG. En hypovolémie, la Pvp est si basse que la majeure partie des poumons passe en zone I ou II ; la PAPO reflète alors la pression de ventilation (Palv). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 104 Zone I Zone II OG VG Zone III PAP Palv PVP Figure 5.78 : Zones pulmonaires de West. PAP: pression artérielle pulmonaire. Palv: pression alvéolaire. PVP: pression veineuse pulmonaire. Dans la zone I: Palv > PAP > PVP Dans la zone II: PAP > Palv > PVP Dans la zone III: PAP > PVP > Palv La pression alvéolaire représente un obstacle (zone I) ou non (zone III) à la transmission des pressions selon le degré de remplissage vasculaire. Zones vasculaires abdominales et pompe diaphragmatique La pression abdominale et la volémie sont les déterminants majeurs du débit de la VCI, donc de la précharge droite. La contraction du diaphragme lors de l'inspirium spontané crée une surpression intraabdominale et une dépression endothoracique. En situation de normo- et d'hypervolémie, le retour veineux à l'OD est augmenté, car la pression intravasculaire sous-diaphragmatique (PVCI) augmente alors que la POD baisse [389]. L'élévation de la pression abdominale agit comme un piston lorsque la VCI est remplie (PVCI haute). A l'inverse, si la VCI et l'OD sont peu remplies à cause d'une hypovolémie, la surpression abdominale fait collaber le réseau veineux cave qui atteint sa pression critique de fermeture (Pcrit) au niveau du diaphragme: le flux de la VCI baisse. Lors d'un inspirium profond, le flux veineux cave inférieur peut cesser momentanément. La différence entre la pression dans la VCI et la Pabd est la pression transmurale (Ptm) de la VCI (Ptm = PVCI – Pabd). Toute élévation de la Pabd augmente le retour veineux par la VCI si Ptm > Pcrit, mais elle le freine ou l’interrompt si Ptm < Pcrit. Par analogie avec les zones pulmonaires de West, on peut décrire des zones hémodynamiques vasculaires intra-abdominales pour expliquer ce phénomène [390] : la pression d'amont est représentée par la pression veineuse fémorale (PVF), analogue à la pression artérielle pulmonaire (PAP). La pression d'aval est la POD, analogue à la pression veineuse pulmonaire (PVP). La pression environnante est la pression abdominale (Pabd), analogue à la pression alvéolaire (PAlv) (Figure 5.79). Les trois zones se définissent comme suit [332] : Zone I: la pression abdominale est plus élevée que la pression veineuse fémorale et que la POD: Pabd > PVF > POD; le flux sanguin est stoppé. Zone II: la pression abdominale est plus basse que la pression auriculaire droite, mais reste inférieure à la pression fémorale: PVF > Pabd < POD; le flux est bloqué à l'inspirium spontané lorsque la POD baisse et que la Pabd augmente sous l'effet de la contraction diaphragmatique (collapsus veineux car Pabd > P critique de fermeture de la VCI). Zone III: la pression abdominale est basse, la PVCI est plus élevée que la pression auriculaire mais inférieure à la pression veineuse fémorale: PVF > POD > Pabd; le sang coule librement à Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 105 travers la cavité abdominale puisque la pression dans la VCI est supérieure à la somme de sa pression critique de fermeture (Pcrit) et de la pression abdominale: PVCI > Pcf + Pabd; le flux vers l’OD est augmenté lorsque le diaphragme se contracte. Patm Pvf Pabd Pit P it Volume splanchnique Volume périphérique VCI V CI Ao POD VD VG Pcf Diaphragme © Chassot 2010 Figure 5.79 : Variations de la pression abdominale et retour veineux cave inférieur, ou zones de West abdominales (d'après réf 390). La pression critique de fermeture (Pcf) est fonction de la pression dans la veine cave inférieure et de la pression qui l'entoure (pression abdominale Pabd); la veine collabe lorsque la Pcf est atteinte, et le retour veineux à l'OD cesse momentanément. Le volume périphérique représente le réseau veineux en amont de l'abdomen (membres inférieurs, etc). Le volume splanchnique représente le réseau veineux intraabdominal mésentérique, porte, cave inférieur, etc. PVF: pression en veine fémorale. La contraction inspiratoire du diaphragme (flèche brune) augmente la pression abdominale simultanément à la baisse de la pression thoracique. Une élévation de la pression abdominale, quelle qu’en soit la cause (inspirium spontané, laparoscopie, ascite, obésité, contraction pariétale, G-suits), augmente le retour veineux par la VCI à l’entrée du thorax si la pression transmurale de cette dernière est plus élevée que sa pression critique de fermeture (hypervolémie, zone III). Mais elle bloque le retour veineux si la pression transmurale de la VCI est inférieure à la pression critique de fermeture (hypovolémie, zone II), car le vaisseau collabe au niveau diaphragmatique. Le compartiment veineux abdominal peut donc fonctionner comme une capacitance (zone III) ou comme une résistance collabable (zone II), selon que la pression transmurale de la VCI au niveau du diaphragme est supérieure ou inférieure à sa pression critique de fermeture. Inversement, si l’on relâche une Pabd chroniquement élevée (curarisation, drainage d’ascite, laparotomie pour iléus, etc), la décompression de la VCI permet à cette dernière de se dilater soudainement, puisque sa Ptm augmente instantanément. Ce phénomène diminue son débit vers l’OD car le sang est momentanément stocké dans ce lit vasculaire dilaté, dont la pression est abaissée: POD > PVCI ; le retour au coeur droit s’effondre. Il faut encore noter que la compression exercée par le diaphragme sur le foie peut induire une augmentation de pression veineuse dans le parenchyme hépatique et accroître le retour par les veines sus-hépatiques même si le débit porte distal est abaissé par l’augmentation de la pression abdominale [389]. Le diaphragme est donc une pompe essentielle pour assurer la précharge du cœur droit. Chez un malade curarisé et ventilé en pression positive (Intermittent Positive Pressure Ventilation, IPPV), le mouvement du diaphragme est passif, et l’effet de pompe est perdu. Lors de l’inspirium, la Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 106 Pabd n’augmente pas parce que la musculature de la paroi abdominale est paralysée. Simultanément, la pression intrathoracique (Pit) est élevée par l’IPPV. Le retour veineux par la VCI est donc diminué significativement puisque sa pression d’amont (Pabd) est basse et sa pression d’aval (Pit) est haute. Ceci est d’autant plus marqué que le remplissage est faible. Les effets de la respiration spontanée et de la ventilation en pression positive sont donc potentialisés chez un patient hypovolémique par le développement d’un effet de cascade (vascular waterfall) au niveau du diaphragme (Figure 5.80). Il est donc normal, après une induction très stable, de voir la pression artérielle chuter au moment de la curarisation, alors que le curare choisi n’a en lui-même aucun effet hémodynamique. Plusieurs phénomènes interviennent : Augmentation de la Pit moyenne ; Baisse de la Pabd ; Stockage de sang dans le lit splanchnique et baisse du volume sanguin intrathoracique ; Disparition de la contention musculaire des grandes veines des membres (pooling veineux). Figure 5.80 : Effet de cascade (vascular waterfall) appliqué aux zones virtuelles abdominales. En zone I, il n'y a pas de flux possible des veines fémorales jusqu'à l'OD. En zone II, le flux est fonction de la différence de pression Pvf – Pabd. En zone III, le flux est tributaire du gradient Pvf – POD, la pression critique de fermeture de la VCI n'est pas atteinte. Pabd Pvf Zone I Pabd > Pvf > POD POD Pvf Pabd Zone II Pvf > Pabd > POD POD Pvf POD Pabd Zone III Pvf > POD > Pabd Chez un malade curarisé, la position de Trendelenburg n’a que peu d’effet sur la précharge effective du cœur, parce que le poids des viscères abdominaux appuie sur le diaphragme qui est paralysé et augmente ainsi la pression intrathoracique (Pit). Cette élévation de la Pit est du même ordre de grandeur que l’augmentation du retour veineux vers l’OD : la pression transmurale de l’OD, qui représente sa précharge effective, ne se modifie pas. Au contraire, la simple élévation des jambes augmente le retour veineux d’au moins 500 mL chez un adulte sans modifier la Pit si l'abdomen et le thorax restent horizontaux. Cette autotransfusion est donc la parade la plus efficace à l’hypotension chez un patient curarisé. La position de Trendelenburg n'est opérante qu'en respiration spontanée. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 107 Diagramme de Wiggers Conçu par Wiggers en 1915 [419], ce diagramme représente la synchronisation des événements mécaniques du cycle cardiaque (Figure 5.81). En lui ajoutant les flux tels qu’on peut les enregistrer par échocardiographie, il résume assez succinctement les traits essentiels de la dynamique cardiaque. ECG Art VG a a c v S1 Ar OG y x S2 D Ar VP VM A A E 1 FM OA 2 3 FA OM 4 5 6 FM © Chassot 2012 Figure 5.81 : Diagramme de Wiggers augmenté des flux de remplissage. Art : courbe artérielle systémique. VG : pression intraventriculaire gauche. OG : pression de l’oreillette gauche. VP : flux dans les veines pulmonaires. VM : flux à travers la valve mitrale. 1: contraction ventriculaire isovolumétrique. 2: phase d'éjection ventriculaire. 3: relaxation isovolumétrique. 4: remplissage rapide. 5: diastasis. 6: contraction auriculaire. OA: ouverture de la valve aortique. FA: fermeture de la valve aortique. OM: ouverture de la valve mitrale. FM: fermeture de la valve mitrale. La même synchronisation et les mêmes variations de pression et de flux se retrouvent dans les cavités droites, mais à des régimes de pression et de vélocités inférieurs. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 108 Précharge cardiaque Volume sanguin: 70% dans le système veineux, 15-20% dans le système artériel, 10% dans la circulation pulmonaire. La veine cave inférieure (VCI, 70% du retour à l'OD) a un trajet intrathoracique très court et n'est pas influencée par la pression thoracique (Pit). Son débit dépend de la pression abdominale (Pabd). La précharge du cœur gauche est le volume sanguin intrathoracique (20% de la volémie). La contraction diaphragmatique a un effet de pompe pour le retour veineux: - ↑ Pabd - ↓ Pit - ↑ retour veineux à l'OD si Pabd < Pcrit VCI Toute élévation de la Pabd augmente le retour veineux par la VCI si la pression transmurale (Ptm) de la VCI reste supérieure à sa pression critique de fermeture (Ptm > Pcrit), donc si la VCI est remplie, mais elle le freine ou l’interrompt si Ptm < Pcrit (hypovolémie). Si IPPV et curarisation: perte de la pompe diaphragmatique (↓ retour veineux): - ↑ Pit - ↓ Pabd - Stockage de volume dans VCI - Perte de contention veineuse par les muscles Après curarisation, le poids des viscères abdominaux augmente la Pit en position de Trendelenburg; la Ptm de l'OD (précharge effective) n'augmente pas malgré l'augmentation du retour veineux par la VCI. Sous curare, seule l'élévation des membres inférieurs élève la précharge réelle de l'OD parce que le retour par la VCI augmente sans que la Pit ne se modifie (thorax et abdomen horizontaux). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 109 Interactions cardio-respiratoires Les ventricules sont des pompes-pression situées dans une enceinte de pression, la cage thoracique. Ceci implique trois données fondamentales [301,302,305] : La pression de référence pour les chambres cardiaques est la pression intrathoracique (Pit) et non la pression atmosphérique (Patm). La pression de travail est la pression transmurale (Ptm), qui est la différence entre la pression intracardiaque (Pic) et la Pit (Ptm = Pic - Pit). La précharge du cœur droit et la postcharge du cœur gauche sont extrathoraciques, donc sous le régime de la Pabd et de la Patm, respectivement. La postcharge droite et la précharge gauche sont intrathoraciques, donc régies par la Pit. L'équilibre des pressions n'est réalisé qu'en apnée, la trachée ouverte et les poumons au volume résiduel fonctionnel (Figure 5.82). Les variations physiologiques de la pression intrathoracique représentent environ la moitié de la valeur des pressions de remplissage auriculaire. Elles ont davantage d'effet sur le cœur droit, dont la paroi est mince et les pressions basses, que sur le cœur gauche, dont la paroi est plus épaisse et les pressions plus élevées. Figure 5.82 : . Interactions cardiorespiratoires. La pression mesurée dans les cavités cardiaques (Pic) est mesurée par rapport à la pression atmosphérique (ΔP = Pic - Patm) (double flèche noire). Or la pression qui règne réellement dans une chambre cardiaque est la différence entre la pression intracavitaire (Pic) et la pression intrathoracique (Pit). C'est la pression transmurale (Ptm) : Ptm = Pic – Pit (double flèche bleue). La pression transmurale et la pression mesurée par rapport à la Patm ne sont équivalentes qu’en apnée. La différence entre la pression intrathoracique (zone verte) et la pression intrapéricardique (zone jaune) n'est que de 1-2 mmHg, donc négligeable en situation clinique normale. VCS: veine cave supérieure. VCI: veine cave inférieure. VP: veines pulmonaires. AP: artère pulmonaire. Jaune: péricarde. Patm APNEE Pit VCS Poumon s AP VCI VP Ao OD OG Pabd Pi c Cage thoracique Ptm ΔP ic-atm © Chassot 2012 Respiration spontanée Inspirium spontané Pendant un inspirium spontané, la Pit baisse en dessous de la Patm (Pit négative) par agrandissement de la cage thoracique ; les cavités cardiaques se dilatent comme si elles étaient « aspirées » par leur environnement (Figure 5.83). La Ptm augmente : Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 110 Ptm = Pic - (- Pit) = - (Pic + Pit) Patm Pit ↓ VCS AP VCI OD VP OG Ao Pabd ↑ Vol VD ↑ Vol VG ↓ © Chassot 2012 Figure 5.83 : Inspirium en respiration spontanée. La pression intrathoracique (Pit) diminue à cause de l’expansion de la cage thoracique (flèches vertes), les cavités cardiaques sont « décomprimées » par la dépression ambiante (flèches blanches). Comme la pression dans l’OD baisse par rapport à la Patm et à la Pabd, la précharge droite et le volume du VD augmentent ; le sang est aspiré dans les poumons et le flux dans l’AP est élevé. La situation est inverse dans le coeur gauche: le sang est stocké dans les poumons en dépression, le retour veineux à l'OG diminue et la précharge du VG baisse ; la dépression qui entoure ce dernier augmente la Ptm qu’il doit fournir pour maintenir la même pression par rapport à la Patm. Lorsque l’inspirium est profond, le grand volume du VD et le bas volume du VG déplacent le septum interventriculaire de la droite vers la gauche (flèche noire), ce qui réduit la compliance diastolique du VG. Le volume systolique du VG baisse en inspirium (pouls paradoxal). Pit : pression intrathoracique. Patm : pression atmosphérique. Pabd : pression abdominale. Ptm : pression transmurale. VCI : veine cave inférieure. VCS : veine cave supérieure. AP : artère pulmonaire. VP : veines pulmonaires. Au niveau du cœur droit, la ΔPit inspiratoire représente le 30-50% de la Pic normale. On observe : Baisse de la POD (pression d’aval du retour veineux) et augmentation de la PVCI par la descente du diaphragme (pression d’amont du retour veineux cave inférieur) ; la précharge droite augmente, ce qui se traduit par une augmentation du flux tricuspidien et un agrandissement du VD jusqu’à 30%. Augmentation du flux artériel pulmonaire par deux mécanismes : • Augmentation de la précharge du VD ; • Baisse de la postcharge du VD (le sang est aspiré dans les poumons en dépression). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 111 Ce phénomène a une limite : une différence extrême entre la Pit et la Patm (Pit << Patm) entraîne un collapsus de la VCI à l’entrée du thorax et en bloque le retour veineux, parce que la Ptm de la VCI tombe en dessous de sa pression critique de fermeture (Pcrit). Au niveau du cœur gauche, la situation est très différente. Diminution du volume systolique du VG (normalement ≤ 10%) par deux phénomènes : • Baisse de la précharge du VG parce que la pression d’amont des veines pulmonaires (VP) diminue (stockage de sang dans le poumon par l’inspirium), ce qui tend à restreindre le retour vers l'OG ; ce phénomène est limité par le fait que l’OG est soumise à la même dépression intrathoracique (le gradient de pression VP – OG est peu modifié). • En diastole, l’augmentation de volume du VD et la diminution de précharge du VG conduisent à un bombement passif du septum interventriculaire dans la cavité gauche, qui diminue le remplissage du VG par baisse de sa compliance (effet Bernheim) ; c’est le mécanisme principal dans la baisse du Vtd gauche. Augmentation de la tension de paroi du VG : comme sa postcharge est à l’extérieur de la cage thoracique (Patm), le VG doit générer une Pic plus élevée pour maintenir la même PA systolique puisque la Pit négative le "décomprime" en permanence et s’additionne à sa Ptm : Ptm = Pic - ( - Pit ). Si le VG développe une Pic de 120 mmHg, mais qu’il est "décomprimé" par la dépression ambiante (Pit : - 20 mmHg), la pression mesurée en périphérie sera : 120 – 20 = 100 mmHg. Pour conserver une pression systémique identique, il devra développer une pression transmurale de 20 mmHg plus élevée (120 + 20 = 140 mmHg) ; c’est l’équivalent d’une augmentation de postcharge. La chute de la pression mesurée dans un bras pendant l’inspirium spontané se traduit par une oscillation respiratoire de la courbe de pression artérielle systolique dont l’amplitude normale est de l’ordre de 5-10 mmHg [256]. C’est l’équivalent physiologique du pouls paradoxal, dont seule l’exagération dans la péricardite ou la tamponnade est pathologique. L’inspirium spontané se traduit donc par une augmentation de la précharge ventriculaire droite et de la postcharge ventriculaire gauche. Expirium spontané Cette situation correspond à l’inverse de la précédente. La Pit augmente par rapport à la Patm; la Ptm diminue ; les cavités cardiaques sont comprimées de l’extérieur par le rétrécissement de la cage thoracique, donc leur contraction facilitée (Figure 5.84) : Ptm = Pic - (+ Pit) = Pic - Pit Pic = Ptm + Pit Au niveau du cœur droit, le volume systolique du VD et le flux dans l’AP diminuent : Baisse de la précharge par augmentation de la POD (pression d’aval) et baisse de la Pabd (pression d’amont) lorsque le diaphragme remonte ; le retour veineux diminue ; Augmentation de la postcharge du VD : les poumons comprimés par la cage thoracique augmentent la résistance à l’éjection ; ce phénomène est limité par le fait que le VD est comprimé de la même manière et que le gradient de pression VD – AP est peu modifié. Au niveau du coeur gauche, le volume systolique et le flux aortique augmentent : Augmentation de précharge de l’OG car les poumons comprimés chassent le sang par les veines pulmonaires ; ce phénomène est limité par le maintien du gradient de pression VP – OG ; Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 112 Diminution de la Ptm du VG ; celui-ci est comprimé de l’extérieur par la cage thoracique ce qui facilite son éjection vers l’extérieur où la Patm ne s’est pas modifiée. Sa postcharge effective diminue, et la PA systolique mesurée en périphérie s’élève. Si le VG développe une Pic de 120 mmHg, mais qu’il est "comprimé" par la pression ambiante (Pit : + 20 mmHg), la pression mesurée en périphérie sera : 120 + 20 = 140 mmHg. Figure 5.84 : Expirium en respiration spontanée. La pression intrathoracique s'élève, le régime des pressions est inversé, les effets hémodynamiques également. Les cavités cardiaques sont comprimées par la pression transmurale qui s'additionne à la pression intracavitaire (par rapport à la pression atmosphérique); la compression du VG lui fournit une aide à l'éjection; le retour droit diminue de volume alors que le retour gauche augmente. Le sepumt interventriculaire tend à basculer dans la droite si l’amplitude des variations de Pit est importante. Pit : pression intrathoracique. Patm : pression atmosphérique. Ptm : pression transmurale. VCI : veine cave inférieure. VCS : veine cave supérieure. AP : artère pulmonaire. VP : veines pulmonaires. Patm + Pit ↑ VCS AP VCI OD VP Ao OG Pabd ↓ Vol VD ↓ Vol VG ↑ © Chassot 2012 Cycle respiratoire En respiration spontanée, le mécanisme principal des interactions cardio-respiratoires est la phase de dépression intrathoracique. C’est elle qui augmente le volume du cœur droit au détriment du cœur gauche et occasionne la baisse du volume systolique du VG. Les modifications instantanées décrites ici sont d’origine purement mécanique ; elles sont induites par les variations phasiques du régime de pression intrathoracique et intra-abdominal. Par contre, les altérations ventilatoires de longue durée, comme la PEEP, dépendent à la fois des effets mécaniques et de facteurs de régulation neurohumorale [114]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 113 Interactions cardio-respiratoires: respiration spontanée Inspirium: - ↓ pression intrathoracique (expansion de la paroi thoracique) - ↑ pression abdominale - ↑ pression transmurale des cavités cardiaques - ↑ précharge du VD - ↓ postcharge du VD, ↑ flux artère pulmonaire - ↓ précharge du VG - ↑ postcharge du VG, ↓ flux aortique Expirium: - ↑ pression intrathoracique - ↓ pression transmurale des cavités cardiaques - ↓ précharge du VD - ↑ postcharge du VD, ↓ flux artère pulmonaire - ↑ précharge du VG - ↓ postcharge du VG, ↑ flux aortique Ces données présupposent que la Ptm de la VCI est > Pcrit (normovolémie). Les variations physiologiques du flux aortique et de la pression artérielle sont ≤ 10%. Ventilation en pression positive En ventilation en pression positive (IPPV, Intermittent Positive Pressure Ventilation), les variations de la Pit proviennent des modifications du volume pulmonaire et non de celles de la cage thoracique. Pendant la phase inspiratoire, la Pit s’élève au-dessus de la Patm. En l’absence de PEEP (Positive End-Expiratory Pressure), la phase expiratoire correspond à une apnée, la Pit étant en équilibre avec la Patm. Il n’y a pas de phase de Pit négative (Figure 5.85). La pression ventilatoire (Pv) est transmise aux structures intrathoraciques proportionnellement à la compliance pulmonaire (diminuée en cas de BPCO, SDRA, œdème, etc). En inspirium, les cavités cardiaques sont comprimées par la Pit ; la Ptm qu’elles doivent fournir pour générer la même pression intracavitaire (Pic) diminue proportionnellement à la pression ventilatoire (Pv) : Ptm = Pic - Pv Pic = Ptm + Pv Au niveau du cœur droit, l’inspirium en IPPV se caractérise par : Baisse du retour veineux à cause de l’augmentation de la POD (pression d’aval) ; la compression de l’abdomen par le diaphragme est passive et diminuée ; si le malade est curarisé, il n’y a plus de surpression abdominale à cause de la paralysie musculaire, ce qui accentue le frein au retour veineux par la VCI (baisse de la pression d’amont). Comme son trajet intrathoracique est très court, la VCI n’est pas influencée par la Pit mais seulement pas la Pabd ; or la VCI représente les 2/3 du retour veineux chez l’adulte. Augmentation de la postcharge du VD ; la surpression intrapulmonaire augmente la résistance à l’éjection du VD et contribue à la baisse de son volume systolique. La postcharge ventriculaire droite augmente de la valeur de la pression moyenne de ventilation (Pvm). Cependant, moins les poumons sont compliants, moins ils transmettent la Pv à l’ensemble de Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 114 la cavité thoracique ; l’élévation inspiratoire de la Pit est donc moindre que celle de la Pv, ce qui diminue l’aide systolique apportée au VD par sa compression externe (diminution de Ptm). L’IPPV peut être dangereuse en cas d’insuffisance ventriculaire droite et/ou de BPCO sévère. + Patm + Pit ↑ VCS AP VCI OD VP Ao OG Pabd 0 P VD ↑ V VG ↑ © Chassot 2012 Figure 5.85 : Inspirium en ventilation en pression positive (IPPV). La situation est analogue à celle d'un Valsalva, mais la source de la pression positive est pulmonaire, contrairement à l’expirium spontané où la Pit monte à cause du mouvement de la cage thoracique. La transmission de cette pression de l’arbre trachéobronchique à travers le parenchyme pulmonaire est variable selon la compliance des poumons. Le retour veineux et l'éjection du coeur droit sont freinés et le flux pulmonaire diminue, alors que les poumons, comprimés de l'intérieur comme une éponge, remplissent le retour au coeur gauche. La précharge du VG augmente (augmentation du volume systolique), et la postcharge du VD s’élève (augmentation de pression intraventriculaire). La position du septum interventriculaire dépend du rapport de ces deux phénomènes. Pit : pression intrathoracique. Patm : pression atmosphérique. Ptm : pression transmurale. VCI : veine cave inférieure. VCS : veine cave supérieure. AP : artère pulmonaire. VP : veines pulmonaires. La situation est l’inverse au niveau du cœur gauche, puisque sa précharge est intrathoracique et sa postcharge extrathoracique : La précharge du VG augmente : les poumons sont comprimés comme une éponge, et la Pv augmente le gradient de pression qui génère le retour veineux pulmonaire vers l'OG. Moins les poumons transmettent la Pv à la cage thoracique, plus l’augmentation de précharge est importante puisque l’élévation de Pv (pression d’amont des veines pulmonaires) s’accompagne d’une moindre compression de l’OG (pression d’aval) par la Pit. Le flux mitral augmente de 10-30% [112]. Cet effet dépend du degré de remplissage de la circulation pulmonaire; il ne s'applique qu'à un volume circulant normal ou élevé; en cas d'hypovolémie, la pression ventilatoire provoque au contraire un collapsus vasculaire intrapulmonaire et une chute brutale de la précharge gauche; le poumon devient l'équivalent d'une zone I de West. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 115 L’éjection du VG bénéficie d'une Pit qui s'additionne à la Pic par compression externe; sa postcharge réelle diminue [333]. Si le VG développe une pression systolique de 120 mmHg et qu’il règne momentanément dans la cage thoracique une surpression de 20 mmHg, la pression mesurée au bras est de 120 + 20 = 140 mmHg ; pour fournir la même pression systolique en périphérie, le VG peut économiser 20 mmHg, donc sa postcharge effective baisse [241]. L’IPPV, et a fortiori la PEEP, constituent une véritable prothèse pour le VG. Leur sevrage, par contre, peut entraîner une défaillance gauche. L’expirium de l’IPPV inverse ces conditions, mais la Pit n’est jamais subatmosphérique ; la situation est celle d’une apnée. Comme cette phase est normalement plus longue que celle de l’inspirium, les effets hémodynamiques globaux vont être tributaires de la Pit moyenne, qui est la moyenne de toutes les pressions instantanées enregistrées au cours d'un cycle respiratoire. L’effet d’un cycle ventilatoire retentit sur plusieurs cycles cardiaques, vu le rapport de fréquence qui existe entre les deux. La position du septum interventriculaire dépend du rapport entre l’augmentation de pression dans le VD (augmentation de postcharge) et l’augmentation de volume dans le VG (augmentation de précharge). Lorsqu'on ventile avec des volumes courants importants (VC 8-12 ml/kg) et que la Pv est significativement plus élevée que la Pit (faible transmission de la pression par les poumons en cas de SDRA, de BPCO ou d’emphysème), la Pic du VD augmente au point de le dilater et de produire un bombement du septum interventriculaire dans la cavité gauche (effet Bernheim) [1]. La PEEP La pression positive télé-expiratoire (PEEP) accentue les effets de l’inspirium en IPPV, et les maintient en permanence ; la Pit moy reste constamment élevée. Avec des niveaux croissants de PEEP, le retour veineux est freiné et l’OD diminue de volume. Au-delà de 15 cm H2 O, la postcharge du VD s’élève significativement, avec un risque de déplacement du septum interventriculaire vers la gauche (Figure 5.86). Si elle est normale, la fonction contractile du VD n’est pas altérée pour des valeurs de PEEP jusqu’à 20 cm H2 O, bien que la vélocité du flux artériel pulmonaire diminue progressivement [252,309]. Toutefois, une PEEP de 10-12 cm H2 O peut suffire à décompenser un VD insuffisant ou ischémique. Sa dilatation provoque un bascule vers la gauche du septum interventriculaire qui interfère avec le remplissage du VG. Une manœuvre de recrutement à 40 cm H2 O provoque momentanément une dilatation du VD et un collapsus du VG. Par contre, la compression externe du VG étant une aide à son éjection, sa postcharge effective diminue. Le sevrage de la ventilation mécanique correspond à la perte de cette aide pour la fonction systolique gauche, et peut se solder par une défaillance du VG. L’importance de ces effets est commandée par plusieurs facteurs: la volémie, la fonction ventriculaire préexistante, la dimension des ventricules, la qualité de la transmission de la pression par les poumons, le niveau de la PEEP. De plus, une augmentation du volume pulmonaire par la PEEP, particulièrement au niveau des segments basaux, accroît la pression de surface sur le péricarde, comprime le coeur et collabe la veine cave supérieure. Lorsque cette condition est associée à une hypovolémie (petits volumes cardiaques), la contrainte mécanique imposée par les poumons prédomine par rapport à la contrainte péricardique sur le remplissage diastolique du ventricule gauche [388]. Lorsque le volume télédiastolique est élevé, au contraire, la butée représentée par le péricarde est l’élément principal dans la limitation du remplissage gauche. L’effet de la PEEP sur le retour veineux est plus complexe qu’une simple augmentation de la POD [115]. En effet, l’élévation de celle-ci s’accompagne d’une augmentation de la pression systémique de remplissage (PRSm) par un transfert de volume veineux depuis le compartiment fixe vers le volume veineux disponible (Figure 5.75 page 99) ; le mécanisme est une veinoconstriction sympathoadrénergique. A cela s’ajoute un transfert de volume sanguin du lit pulmonaire vers le lit systémique et une augmentation de la pression abdominale. Le résultat est un maintien du gradient de pression global sur le retour veineux vers l’OD. Il est clair que l’hypovolémie bloque ces phénomènes. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 116 Jusqu’à 15-20 cm H2O, la PEEP ne provoque aucun relargage de substances cardiodépressives et n’affecte pas la contractilité ventriculaire, mais elle déplace la courbe de Starling et la courbe du retour veineux vers la droite, d’une valeur correspondant à celle de l’augmentation de la pression intrathoracique moyenne (Figure 5.87) [114,184]. Le point auquel opère le VG est ainsi déplacé sur le plateau de la courbe du retour veineux. De ce fait, le débit cardiaque diminue, et ne varie pas avec une augmentation de la contractilité. Seul un remplissage liquidien supplémentaire permet de retrouver la valeur initiale du débit cardiaque ; à l’inverse, ce dernier est effondré lorsque la PEEP s’ajoute à une hypovolémie. Figure 5.86 : Ventilation en pression positive avec PEEP. La Pit reste en permanence supérieure à la Patm. L'augmentation de postcharge du VD lors de PEEP élevée (> 15 cm H2O) se traduit par une augmentation du volume télédiastolique de ce dernier (dilatation sur élévation de la pression artérielle pulmonaire) ; cette agrandissement du VD peut faire bomber le septum interventriculaire dans le VG. Pit : pression intrathoracique. Patm : pression atmosphérique. Ptm : pression transmurale. VCI : veine cave inférieure. VCS : veine cave supérieure. AP : artère pulmonaire. VP : veines pulmonaires. + + VCS Pit ↑ + AP VCI Patm OD VP OG Ao Pabd 0 P VD ↑ V VG ↑ © Chassot 2012 Ces données concernent la situation où la fonction cardiaque est normale. En cas d’insuffisance ventriculaire, la courbe de Starling est aplatie, et la performance du ventricule ne s’améliore pas avec l’augmentation des pressions de remplissage ; seule une intervention inotrope positive permet de redresser la pente de cette courbe. Le ventricule insuffisant est toutefois très sensible à la postcharge : il augmente son volume systolique dès que celle-ci baisse. Or la PEEP a précisément pour effet de diminuer la postcharge effective du VG et augmenter celle du VD ; elle tend donc à améliorer le débit des patients en insuffisance gauche, mais péjore celui des malades en insuffisance droite. Le sevrage du ventilateur augmente la postcharge gauche mais baisse la postcharge droite ; il élève le retour veineux au cœur, ce qui augmente le volume télédiastolique des deux ventricules et peut dilater celui qui est insuffisant. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 117 Flux veineux Courbes de retour veineux Courbes de Starling Flux veineux Débit cardiaque PEEP + inotrope Courbe normale ZEEP 4 1 PEEP 3 2 PEEP PEEP + volume ZEEP A P crit Pression OD B P crit Pression OD Figure 5.87 : Effet de la PEEP sur le retour veineux et le débit cardiaque (voir Figure 5.76 page 101). A : la PEEP (15-20 cm H2O) déplace la courbe normale du retour veineux (en vert, ZEEP) vers la droite et vers le bas (en bleu, PEEP), d’une valeur correspondant à celle de l’augmentation de la pression intrathoracique moyenne (Pitm). B : la PEEP déplace également la courbe de Starling normale (pointillé vert) vers la droite (trait violet) de la même valeur de Pitm. Le point auquel opère le VG (1) est ainsi déplacé sur le plateau de la courbe du retour veineux (2). De ce fait, le débit cardiaque diminue, et ne varie pas avec une augmentation de la contractilité (pointillé violet) (3). Seul un remplissage liquidien supplémentaire (pointillé bleu) permet de retrouver la valeur initiale du débit cardiaque (4) ; à l’inverse, ce dernier est effondré lorsque la PEEP s’ajoute à une hypovolémie. Dans ces données, qui concernent la situation où la fonction cardiaque est normale, la pression intracardiaque est mesurée par rapport à la pression atmosphérique [114,184]. Facteurs associés Le retentissement hémodynamique de l’IPPV est tributaire de la valeur du volume courant (6-15 ml/kg) et par celle de la PEEP (5-20 cm H2 O). Mais il dépend encore de différents facteurs [305] : La fonction ventriculaire préexistante ; l’IPPV aggrave une insuffisance ventriculaire droite mais soulage une insuffisance gauche. La transmission de la pression par les poumons ; cette transmission est atténuée de l’ordre de 40-70% en cas de pathologie pulmonaire. Plus l’atténuation est importante, plus la postcharge droite et la précharge gauche effectives augmentent. Ce phénomène n’intervient pas en respiration spontanée, puisque les variations de Pit sont dues aux mouvements de la cage thoracique et non aux variations de volume des poumons. En IPPV, c’est l’augmentation du volume pulmonaire et non celle de la pression des voies aériennes qui commande l’élévation de la Pit. L’hypovolémie aggrave les effets hémodynamiques de l’IPPV et de la PEEP ; la baisse du volume systolique effectif peut être compensée par du remplissage. Une variation de la PA > 15% en IPPV est un bon marqueur d’hypovolémie (voir ci-dessous) [256]. L’ouverture de la cage thoracique réduit considérablement l’intensité des interactions cardiorespiratoires. Le rapport entre la Pit et la Pabd règle le retour veineux par la VCI. Le travail ventilatoire consomme normalement < 5% de la VO2 totale de l’organisme ; en cas de SDRA, cette valeur s’élève jusqu’à 25% ; la ventilation mécanique est souvent nécessaire pour soulager ce travail ventilatoire excessif. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 118 Interactions cardio-respiratoires: ventilation en pression positive (IPPV) Inspirium: - ↑ pression intrathoracique (↑ volume pulmonaire) - 0 pression abdominale - ↓ pression transmurale des cavités cardiaques - ↓ précharge du VD - ↑ postcharge du VD, ↓ flux artère pulmonaire - ↑ précharge du VG - ↓ postcharge du VG, ↑ flux aortique Expirium: - ↓ - 0 pression intrathoracique (PEEP: pression intrathoracique > 0) - ↑ pression transmurale des cavités cardiaques - ↑ précharge du VD - ↓ postcharge du VD, ↑ flux artère pulmonaire - ↓ précharge du VG - ↑ postcharge du VG, ↓ flux aortique L'IPPV est une aide à l'éjection du VG; son sevrage peut déclencher une insuffisance gauche. L'IPPV peut décompenser une défaillance ventriculaire droite. Ces données présupposent que la Ptm de la VCI est > Pcrit (normovolémie). En normovolémie, les ΔPA systémique sont < 12%. Effets hémodynamiques Les variations du remplissage gauche induites par l’IPPV se traduisent par des variations du volume systolique (VS) et de la pression artérielle systolique (PAs). L’examen de la courbe artérielle révèle (Figure 5.88) : Une augmentation de la PAs (Δup) en début d’inspirium lorsque l’élévation de la pression respiratoire chasse le sang dans l’OG et augmente la précharge du VG ; Une diminution de la PAs (Δdown) 2 à 5 cycles cardiaques plus tard lorsque les volumes systoliques droits diminués par l’IPPV arrivent à gauche (temps de transit pulmonaire normal : 2-5 secondes). En normovolémie et normocardie, le Δdown est plus important que le Δup. L’amplitude de ces variations dépend du volume courant (8-12 ml/kg), de la PEEP et de la compliance thoracique ; elle est normalement < 12% ou < 10 mmHg. Les ΔPAs sont accentuées en hypovolémie à cause d’une prépondérance du Δdown pour trois raisons [256]. Les veines caves et les oreillettes collabent facilement parce que leur Ptm est faible ; la Pit est du même ordre de grandeur que la Pic. La majeure partie du poumon passe en zone II de West, ce qui accentue l’effet sur la postcharge droite, donc sur les ΔVS du VD et sur le remplissage du VG. Le ventricule fonctionne sur la partie gauche de sa courbe de Frank-Starling où la pente est raide ; les variations de remplissage liées aux ΔPit se traduisent par de fortes variations du VS. Dans l’insuffisance ventriculaire gauche, l’amplitude des variations est réduite et le Δup domine parce les pressions de remplissage sont élevées et que la courbe de Starling est aplatie. Les ΔPAs ventilatoires sont extrêmement marquées lors d’insuffisance diastolique, parce que la courbe de Starling est au contraire très redressée (Figure 5.89). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 119 Δup Δdown ⇑ V VG ⇓ V VG Pression respiratoire (IPPV) VC: 8 - 12 ml/kg © Chassot 2010 Figure 5.88 : Variations ventilatoires de la pression artérielle par rapport à la pression des voies aériennes lors de ventilation en pression positive. Lorsque la pression intrathoracique (Pit) s’élève à l’inspirium, la pression artérielle est augmentée (Δup) puisque le volume systolique du VG est plus grand (augmentation du retour à l’OG) et que la Pit s’additionne à la pression que génère ce dermier. Mais 2 à 5 cycles cardiaques plus tard, la pression artérielle baisse (Δdown) parce que la diminution du retour veineux au cœur droit, qui a baissé le volume éjecté dans l’artère pulmonaire, arrive maintenant à l’OG et diminue la précharge du VG. Cet enchaînement provoque une oscillation ventilatoire de la pression artérielle (normal < 12%). Le Δup est prédominant lors d’insuffisance du VG, parce que le VG congestif bénéficie grandement de l’aide que représente la compression par la Pit ; c’est l’équivalent d’une baisse de postcharge. Le Δdown est prédominant en hypovolémie, parce que le volume systolique est très dépendant de la précharge lorsque le malade se trouve sur la partie gauche très verticale de la courbe de Frank-Starling. V : volume télédiastolique. VC : volume courant. Manoeuvre de Valsalva Les variations de pression en jeu dans les interactions cardiopulmonaires sont normalement faibles, mais peuvent devenir très importantes dans des situations pathologiques ou lors de mouvements respiratoires violents; les variations de la pression endothoracique générées par une manoeuvre de Valsalva (surpression) ou de Müller (dépression par inspirium forcé à glotte fermée) sont de l'ordre de 50-100 mm Hg [99]. La démonstration des effets hémodynamiques périphériques de ces phénomènes, décrite par Weber dans les années 1840, est bien illustrée par l'enregistrement de la pression artérielle au cours d'une manoeuvre de Valsalva chez un individu normal (Figure 5.90) [35,140]. Phase 1: la Pit élevée (expirium forcé à glotte fermée) s’additionne à la Pic ; la PA systémique s'élève ; cette augmentation est suffisante pour qu’une toux rythmique puisse maintenir un débit cardiaque minimal pendant un épisode d’asystolie [80]. Phase 2 : la diminution du débit droit qui a lieu pendant la phase 1 arrive maintenant à l'OG ; le remplissage gauche diminue ; la PA systémique baisse, la fréquence cardiaque augmente par réflexe. Phase 3 : la Pit baisse brusquement (inspirium) ; au faible retour veineux gauche s'ajoute l'effet de l’augmentation du ΔPtm sur le VG ; la PA systémique s'effondre. Phase 4 : l'augmentation du débit droit de la phase 3 arrive maintenant au coeur gauche, et s'ajoute à la vasoconstriction périphérique suscitée par l'hypotension de la phase 3 ; la PA systémique augmente, la fréquence baisse par réflexe. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 120 Figure 5.89 : Effet de l’IPPV sur la courbe de pression artérielle dans différentes situations. Les variations ventilatoires de la pression artérielle systolique sont d’autant plus marquées que la pente de la courbe de Starling est raide, c’est-à-dire que les variations de remplissage (ΔP télédiastolique) se traduisent par de plus fortes variations du volume systolique (ΔVS). A : courbe normale ; les variations de la pression artérielle systolique sont marquées en hypovolémie et atténuées en normovolémie. B : courbe lors d’insuffisance diastolique ; la pente de la courbe est très redressée, et les variations de la pression artérielle sont amplifiées. C : courbe lors d’insuffisance systolique ; la courbe est aplatie et les variations de pression artérielle inexistantes. Volume systolique Normal B A ΔVS Insuffisance diastolique ΔVS ΔP ΔP ΔVS Insuffisance systolique C ΔP Pression téléiastolique © Chassot 2012 4 1 2 3 Figure 5.90 : Effet sur la pression artérielle systémique d'une manoeuvre de Valsalva (Pit = 40 mm Hg) tenue pendant 30 secondes chez un individu normal [Extrait de: Braunwald E. Heart disease. A textbook of cardiovascular medicine. Philadelphia : W. B. Saunders Co, 1997, 445-70. Réf 35]. Phase 1: la Pit est élevée ; la pression artérielle (PA) systémique s'élève; Phase 2: la diminution du débit droit pendant la phase 1 retentit sur le remplissage gauche: la PA systémique baisse, la fréquence cardiaque augmente par réflexe; Phase 3: la Pit baisse brusquement (relâchement du Valsalva); au faible retour veineux gauche s'ajoute l'effet du ΔP transmural sur le VG: la PA systémique s'effondre; Phase 4: l'augmentation du débit droit de la phase 3 arrive maintenant au coeur gauche, et s'ajoute à la vasoconstriction périphérique suscitée par l'hypotension de cette phase; la PA systémique augmente, la fréquence cardiaque baisse par réflexe. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 121 Le profil de la pression artériel est très différent lorsque la manœuvre de Valsalva est réalisée chez un patient en insuffisance ventriculaire gauche (Figure 5.91). En cas d’insuffisance systolique sévère, l'hémodynamique reste stable. Les phases 1 et 2 sont normales: l'élévation de la Pit (équivalant à une augmentation de précharge et à une baisse de postcharge pour le VG) est transmise au VG et à la PA systémique ; cet accroissement est soudainement perdu lorsque la Pit est relâchée (phase 3). Mais comme le coeur travaille sur la partie horizontale de sa courbe de Starling, la diminution du retour veineux de la phase 2 n'affecte pas son débit; le baroréflexe n'est pas activé; il n'y a pas d'effet rebond en phase 4 [35]. C’est la raison pour laquelle les malades en insuffisance systolique gauche présentent une étonnante stabilité hémodynamique à l’induction. Chez un patient souffrant de cardiomyopathie restrictive sévère (insuffisance diastolique ), la pression artérielle est au contraire effondrée. Le faible retour veineux au VD n'assure pas une précharge adéquate au VG, qui fonctionne sur une courbe de Starling très redressée ; la moindre baisse de précharge se traduit par une ample chute de volume systolique. D’autre part, la faible compliance du VG ne permet pas une compensation par la fréquence. Les insuffisants diastoliques sont les patients les plus instables à l’induction de l’anesthésie. Figure 5.91 : Manœuvre de Valsalva en cas de dysfonction ventriculaire gauche. A : insuffisance systolique sévère ; l'hémodynamique est stable. Les phases 1 et 2 sont normales: l'élévation de la Pit (équivalent à une augmentation de précharge et à une baisse de postcharge pour le VG) est transmise au VG et à la PA systémique ; cet accroissement est soudainement perdu lorsque la Pit est relâchée (phase 3). Mais comme le coeur travaille sur la partie horizontale de sa courbe de Starling, la diminution du retour veineux de la phase 2 n'affecte pas son débit; le baroréflexe n'est pas activé; il n'y a pas d'effet rebond en phase 4 [Extrait de: Braunwald E. Heart disease. Philadelphia : WB. Saunders Co, 1997, 44570. Réf 35]. B: insuffisance diastolique (patient souffrant de cardiomyopathie restrictive sévère) ; la pression artérielle est effondrée. 1: blocage de la respiration et surpression endothoracique. 2: le faible retour veineux au VD n'assure pas une précharge adéquate au VD. 3: baisse de la pression endothoracique et reprise de la ventilation spontanée. Normalement, le débit du VG devrait augmenter pendant la phase 1 grâce à l'amélioration du retour veineux à l'OG. 1 3 A 3 160 1 2 120 80 B Respiration spontanée Valsalva Relâchement Manoeuvre de Müller La manoeuvre de Müller (inspirium forcé à glotte fermée) démontre la restriction brutale imposée au débit systémique par une dépression endothoracique profonde. Ce phénomène survient dans des situations cliniques telles que les obstructions aiguës des voies aériennes, l’apnée du sommeil, ou le laryngospasme après extubation ; il est également l'une des composantes de l’oedème pulmonaire de haute altitude. Il se caractérise par une augmentation du volume télédiastolique du VD et une accumulation du débit sanguin dans le lit vasculaire pulmonaire. Cette stase pulmonaire entraîne une chute de la précharge du VG. D’autre part, la postcharge de ce dernier augmente considérablement vu l’élévation brusque de la pression transmurale [288]. Au cours d’une dépression endothoracique de 60 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 122 mm Hg (Pit = - 60 mmHg), la PAs diminue d’autant (PAs = 120 - 60 = 60 mm Hg) parce que le VG est "décomprimé" par la dépression ambiante. Pour maintenir la PAs, le VG doit développer une Ptm de 60 mmHg plus élevée. S’il ne peut soutenir cette augmentation de travail, l’accumulation liquidienne intrapulmonaire couplée à la défaillance gauche entraîne rapidement un oedème aigu du poumon [376]. Ceci peut survenir chez un individu parfaitement sain qui fait des efforts inspiratoires lors de laryngospasme ou d’apnée obstructive du sommeil, car sa musculature est susceptible de développer des régimes de pression intrathoracique extrême, jusqu’à - 100 mm Hg. Signe de Kussmaul et pouls paradoxal Le signe de Kussmaul est une augmentation paradoxale de la POD et de la pression jugulaire pendant un inspirium spontané, liée à une rigidité excessive du VD qui ne peut accomoder l’élévation inspiratoire du retour veineux. Ceci survient en cas de péricardite constrictive ou de dilatation excessive du VD. Le mécanisme est une augmentation de la pression abdominale plus importante que la diminution de la pression intrathoracique lors de la contraction diaphragmatique; ceci a lieu lorsque les conditions de remplissage du VD sont hypervolémiques [387]. Dans la péricardite constrictive, les cavités cardiaques sont isolées des variations de pression intrathoraciques, l'augmentation du retour veineux ne s’écoule pas vers l’OD, puisque sa pression ne baisse pas, mais vers la veine cave supérieure, qui suit les variations de pression intrathoraciques. Donc le remplissage de la VCS augmente, et il apparaît une turgescence jugulaire inspiratoire. Le pulsus paradoxus est un terme utilisé par Kussmaul en 1873 pour décrire l’absence de pouls radial à l’inspirium chez les patients souffrant de péricardite tuberculeuse, alors que les battements cardiaques auscultés sont réguliers et bien audibles. En réalité, ce phénomène n’a rien de paradoxal. Il n’est que l’amplification des variations respiratoires du débit gauche : en spontanée, la dépression intrathoracique inspiratoire diminue le remplissage du VG et provoque un empiètement du septum interventriculaire dans la cavité gauche. La compression péricardique ne fait qu’accentuer l’interdépendance ventriculaire [341,383,421]. La définition du pouls paradoxal est une chute de plus de 15% (> 12 mm Hg) de la pression artérielle systolique en début d'inspirium non forcé, mais il existe tout un continuum depuis les variations respiratoires normales du pouls (ΔP < 12 mmHg) jusqu’à la situation où le volume systolique devient insuffisant pour ouvrir la valve aortique, lorsque la pression intrathoracique est très inférieure à la pression atmosphérique (inspirium profond, manoeuvre de Müller). Ce phénomène, caractéristique de la péricardite et de la tamponnade, peut aussi se rencontrer dans le BPCO, la crise d’asthme, l'hypovolémie et la surcharge aiguë du VD (insuffisance mitrale massive, embolie pulmonaire, infarctus droit). Dans ces situations, l’hyperinflation pulmonaire (élévation de postcharge) ou la dépression ventriculaire empêchent le VD d’accomoder l’augmentation du retour veineux en inspirium [115]. Par contre, le pouls paradoxal est absent si le ventricule est protégé de la compression et des variations de pression thoracique par une hypertrophie pariétale importante (HVG ou HVD) ou par une pression diastolique élevée (insuffisance cardiaque congestive, insuffisance aortique, CIA). Etant est lié à la dépression intrathoracique inspiratoire de la respiration spontanée, il s'amenuise ou disparaît en ventilation mécanique ; il n’est donc pas pathognomonique de la tamponnade en ventilation contrôlée. Ventilation et résistance artérielle pulmonaire Les résistances dans les artères pulmonaires (RAP) varient en fonction du volume courant (VC) du respirateur. A bas VC, l’hypoventilation induit une hypoxie qui conduit à une vasoconstriction des petites artérioles péri-alvéolaires lorsque la PaO2 locale est < 60 mmHg. Il en résulte une augmentation des RAP et de la postcharge du VD. A haut VC, l’hyperventilation provoque une vasodilatation des petites artérioles, mais l’hyperinflation distend et comprime les gros vaisseaux extra-alvéolaires à cause de la distension des alvéoles, ce qui augmente la résistance dans ces vaisseaux. Toute Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 123 augmentation ventilatoire du volume aérique pulmonaire (PEEP, par exemple) a pour effet d’agrandir la proportion du poumon en zone I et II de West, donc d’augmenter proportionnellement la postcharge du VD. La courbe des RAP totales a une forme en « U » avec une zone d’équilibre optimal au volume de la capacité résiduelle fonctionnelle (Figure 5.92) [120]. Figure 5.92 : Evolution des résistances dans les vaisseaux pulmonaires (RAP) en fonction du volume courant du respirateur. CRF: capacité résiduelle fonctionnelle. A bas volume courant, l’hypoventilation induit une vasoconstriction des petites artérioles péri-alvéolaires, ce qui augmente les RAP. A haut volume courant, l’hyperventilation provoque une vasodilatation des petites artérioles, mais comprime les gros vaisseaux extraalvéolaires à cause de la distension des alvéoles, ce qui augmente la résistance dans ces vaisseaux. La courbe des RAP totales a une forme en « U » [120]. RVP Vaisseaux extra-alvéolaires Vaisseaux alvéolaires RAP totales CRF Vol pulm Interactions cardio-respiratoires: effets hémodynamiques En normovolémie et normocardie, la pression artérielle systolique oscille ≤ 12% avec le cycle respiratoire en IPPV. - En hypovolémie, les ΔPAsyst et ΔVS sont > 15% - En insuffisance gauche, les ΔPAsyst et ΔVS sont minimes ou nuls Manœuvre de Valsalva en situation normale: - 1 (Pit ↑): ↑ PA systémique (↑ VS du VG) - 2 (Pit ↑): ↓ PA systémique, tachycardie (transit transpulmonaire du bas débit du VD) - 3 (inspirium, Pit ↓): ↓↓ PA systémique, tachycardie - 4 (équilibration): ↑ PA systémique, bradycardie Manœuvre de Valsalva en insuffisance systolique du VG: faible ↑ PA systémique dans les phases 1 et 2, normalisation en phases 3 et 4; ΔPAsyst peu importants, absence d'hypotension en physe 3. Manœuvre de Valsalva en insuffisance diastolique du VG: ↓↓ PA systémique en phase 1, 2 et 3. Evaluation dynamique de la volémie Variations ventilatoires du remplissage La ventilation mécanique en pression positive crée une variation cyclique du remplissage ventriculaire gauche qui se traduit par une variation identique du volume sytolique. Pour autant que la compliance et les résistances artérielles restent stables pendant le cycle respiratoire, le résultat est une variation ventilatoire de la pression systolique (PAs) et de la pression pulsée (PP = PAs – PAd) (Figure 5.88 page 120). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 124 Lorsque la pression intrathoracique (Pit) s’élève à l’inspirium, la pression artérielle est augmentée (Δup) puisque le volume systolique du VG est plus grand (augmentation du retour à l’OG) et que la Pit s’additionne à la pression qu’il génère. La pression artérielle baisse 2 à 5 cycles cardiaques plus tard (Δdown), parce que la diminution du retour veineux au cœur droit, qui a baissé le volume éjecté dans l’artère pulmonaire, arrive maintenant à l’OG et diminue la précharge du VG. Le Δup est prédominant lors d’insuffisance ventriculaire gauche, parce que le VG congestif bénéficie grandement de l’aide que représente la compression par la Pit ; c’est l’équivalent d’une baisse de postcharge. Le Δdown est prédominant en hypovolémie, parce que le volume systolique est très dépendant de la précharge lorsque le malade se trouve sur la partie gauche très verticale de sa courbe de Frank-Starling. S’il est normo- ou hypervolémique, les variations disparaissent parce que la pente est faible sur la partie droite de la courbe (Figure 5.44 page 56) [315]. Comme l’oscillation ventilatoire de la pression artérielle est normalement < 12%, une exagération du Δdown est un bon indice d’hypovolémie et de réponse positive au remplissage liquidien [57,256]. A défaut de courbe artérielle invasive, on peut faire la même observation sur le tracé de la plethysmographie oxymétrique (SpO2) [58]. Un volume courant élevé (≥ 8 mL/kg) est une condition essentielle pour que ces variations soient quantifiables. La mesure des variations ventilatoires de la pression artérielle permet de gérer l’administration liquidienne de manière rationnelle en maintenant le patient au niveau de remplissage correspondant à son volume systolique maximal (genou de la courbe de Starling) (goal-directed fluid administration) : on administre des aliquots itératifs de perfusion (100-250 mL cristalloïdes ou colloïdes) jusqu’à ce que le VS n’augmente plus (disparition du Δdown). Bien que l’administration liquidienne totale soit en général un peu supérieure à ce qu’elle est avec la routine habituelle, cette technique offre l’avantage de compenser le volume perdu de manière quantifiée et au bon moment ; l’effet de la synchronisation des pertes et du remplacement est au moins aussi important que celui de la compensation globale en volume [63]. Cette manière de faire présuppose que les RAS, la pression abdominale, le rythme cardiaque et la fonction ventriculaire soient normales. On peut également observer les variations ventilatoires du remplissage veineux et auriculaire en mesurant trois données échocardiographiques. La pulsatilité de la veine cave inférieure : lorsqu’elle est peu remplie, la VCI se dilate lors de l’inspirium de l’IPPV (transmission de l’augmentation de la POD) ; cette mesure est très dépendante de la pression abdominale ; La collapsibilité de la veine cave supérieure : elle augmente en hypovolémie (compression lors de l’inspirium de l’IPPV) ; L’oscillation cardiogénique de la membrane de la fosse ovale (septum interauriculaire) : elle augmente d’amplitude lorsque les oreillettes sont vides et persiste aux deux temps respiratoire en hypovolémie. Monitorage hémodynamique intégré On a coutume d’opposer entre elles les différentes techniques de monitorage hémodynamique : cathéter pulmonaire de Swan-Ganz, échocardiographie transoesophagienne, ou analyse de la pression artérielle (PiCCO). Cette attitude est sans fondement réel, car ces techniques ne mesurent pas les mêmes données et sont pertinentes dans des conditions hémodynamiques différentes. Cette différenciation s’éclaire en superposant dans le même graphique la courbe de Frank-Starling et la courbe de compliance du ventricule gauche (Figure 5.93) [374]. En hypovolémie, la courbe de Starling est dans sa phase de recrutement ; de petites variations de remplissage se traduisent par d’amples variations du volume systolique. La courbe de Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 125 compliance, par contre, est dans sa phase horizontale : les variations du volume de remplissage ne se traduisent que par de minimes variations des pressions (PVC, PAPO). En hypervolémie, la courbe de Starling est à son genou ; les variations de remplissage ne modifient plus le volume systolique. La courbe de compliance est au contraire redressée, et même de faibles variations du volume auriculaire se traduisent par des variations significatives de la PVC ou de la PAPO. Volume Pression Indices éjectionnels dynamiques (PA, PiCCO) ETO A A Pressions de remplissage (PVC, PAPO) Swan-Ganz B B ΔVS’ Courbe de Starling ΔP’ ΔVS ΔP ΔP Courbe de compliance ΔV © Chassot 2012 Pression ou volume télédiastolique Figure 5.93 : Superposition de la courbe de Frank-Starling et de la courbe de compliance du VG. Ces deux courbes démontrent une silhouette identique mais en miroir ; toutes deux présentent un genou séparant une zone où la courbe est asymptotiquement verticale et une zone où elle présente un pateau quasi-horizontal. Le genou est situé au niveau de la ligne pointillée jaune verticale qui coupe la figure en deux parties. A : A gauche, en hypovolémie (P télédiastolique basse), la courbe de Starling est dans sa phase de recrutement ; de petites variations de remplissage (ΔP) se traduisent par de grandes variations du volume systolique (ΔVS). La courbe de compliance est au contraire très plate ; les variations de remplissage (ΔV) n’occasionnent que de minimes variation de PVC ou de PAPO (ΔP). Ce sont les indices éjectionnels dynamiques (variations ventilatoires de la pression artérielle et du volume systolique) ou les mesures indépendantes de la compliance (surfaces des cavités à l’ETO, oscillations du septum interauriculaire) qui sont les plus pertinentes pour éveluer le remplissage dans cette zone. B : A droite, en hypervolémie, la situation est inversée. La relation précharge / volume systolique est inexistante puisque la courbe de Starling est plate, alors que la relation pression / volume de remplissage est très significative pendant la phase de redressement de la courbe de compliance. Ce sont donc les pressions de remplissage fournies par la Swan-Ganz (PVC, PAPO) qui deviennent les plus utiles pour évaluer le remplissage [374]. On voit donc que les mesures dynamiques liées aux variations ventilatoires du remplissage (ΔPAsyst, PiCCO, échocardiographie) sont très efficaces pour diagnostiquer l’hypovolémie, mais ne sont d’aucune utilité lorsque le malade est en hypervolémie (stase ventriculaire, œdème, congestion). A l’inverse, les pressions de remplissage (PVC, PAPO) ne sont d’aucune utilité pour diagnostiquer l’hypovolémie, mais sont essentielles pour gérer l’adminsitration liquidienne des malades en hypervolémie (insuffisance ventriculaire, valvulopathie, insuffisance rénale, etc). Il va sans dire que cette formulation simplifiée est très schématique et doit être complétée par les multiples facteurs qui Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 126 interviennent dans l’appréciation de la volémie : pression abdominale, pression critique de fermeture des veines caves, curarisation, mode ventilatoire, cardiopathies valvulaires, insuffisance diastolique, pertes liquidiennes en cours, apport hydro-électrolytique lors de CEC, œdème tissulaire, troisième secteur, etc. Aucune de nos mesures n’a de relation univoque avec la volémie. Indices dynamiques de la volémie (IPPV) Pour autant que les résistances artérielles, la compliance et la fonction ventriculaire restent stables pendant le cycle respiratoire, la variabilité du VS, de la PAsyst et de la PAdiff en IPPV est directement proportionnelle au degré d'hypovolémie. La mesure des variations ventilatoires de la pression artérielle permet de gérer l’administration liquidienne de manière à maintenir le patient au niveau de son volume systolique maximal (genou de la courbe de Starling) en administrant des aliquots itératifs de perfusion jusqu’à ce que le VS n’augmente plus (disparition du Δdown). Autres indices dynamiques mesurables à l'échocardiographie: - Variabilité du diamètre de la VCI - Collapsibilité de la VCS - Oscillations du septum interauriculaire La superposition de la courbe de Starling et de la courbe de compliance démontre que le monitorage le plus efficace pour gérer l'administration liquidienne dépend du degré de remplissage : - En hypovolémie, variations ventilatoires du VS, de la PAsyst et de la PAdiff, oscillations du septum interauriculaire - En hypervolémie, PVC et PAPO Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 127 Dysfonction ventriculaire gauche Insuffisance ventriculaire gauche systolique Classifications On peut définir la dysfonction ventriculaire proprement dite comme un défaut de contractilité myocardique, alors que l’insuffisance cardiaque est l’ensemble des conditions hémodynamiques dans lesquelles le débit cardiaque ne satisfait plus aux besoins de l’organisme ; c’est un syndrome clinique caractérisé par une intolérance à l’effort et une dyspnée [290]. L’insuffisance peut concerner la systole et/ou la diastole. En effet, on estime que le tiers des malades qui présentent une dyspnée d’origine cardiaque a une fonction systolique conservée mais souffre d’une dysfonction diastolique isolée, caractérisée par une élévation des pressions de remplissage et une stase d’amont [30,402,433]. Cliniquement, l’insuffisance systolique se manifeste par une fatigabilité et une intolérance à l’effort ; c’est un défaut éjectionnel (forward failure). L’insuffisance diastolique, par contre, entraîne une stase pulmonaire, d’où la dyspnée typique de l’excès de liquide interstitiel dans le parenchyme interalvéolaire (backward failure). Le défaut de compliance diastolique, qui peut survenir isolément dans l’insuffisance diastolique, est en général présent en cas d’insuffisance systolique majeure [368]. Certaines affections peuvent provoquer une défaillance cardiaque par haut débit systémique (high output failure) : anémie, shunt gauche-droit, thyréotoxicose, maladie de Paget, grossesse. La distinction entre dysfonction systolique et diastolique n’est pas aussi tranchée que ne le laisse supposer leurs définitions. Deux théories s’affrontent à ce sujet [298]. L’insuffisance ventriculaire est un continuum entre la pathologie à prédominance diastolique et la pathologie à prédominance systolique, toutes deux caractérisées cliniquement par la stase et la dyspnée ; dans la première, la stase est accompagnée d’une fraction d’éjection conservée, alors que celle-ci est abaissée dans la seconde. La différence essentielle entre les deux extrémités du spectre est la dilatation et le remodelage du ventricule. Environ 20% des cas d’insuffisance diastolique évoluent vers une insuffisance systolique. Les deux entités correspondent à des maladies différentes, caractérisées par des lésions structurales distinctes : remodelage concentrique avec hypertrophie des cardiomyocytes dans l’insuffisance diastolique versus remodelage excentrique avec réduction de la densité des myocytes dans l’insuffisance systolique. D’autre part, la thérapeutique améliore significativement le pronostic de la dysfonction systolique, mais non celui de la dysfonction diastolique. A la lumière des travaux récents sur la mécanique ventriculaire, une troisième théorie s’est développée [357]. L’insuffisance ventriculaire est divisée en trois catégories. Dysfonction sous-endocardique, avec atteinte préférentielle des fibres longitudinales, défaut de relaxation et retard de rotation en systole ; structurellement, la couche sous-endocardique est pauvre en récepteurs β ; comme elle est plus fragile, elle occasionne une dysfonction longitudinale précoce caractérisée par un défaut de relaxation mais une fraction d’éjection systolique conservée. Dysfonction sous-épicardique, avec perte de la rotation systolique, de la relaxation protodiastolique et de l’effet de succion ; la couche sous-épicardique est partculièrement riche en récepteurs β. Dysfonction transmurale, avec atteinte de toutes les couches ; comme la couche circulaire est capitale pour l’éjection (80% du volume systolique est éjecté par le raccourcissement radiaire), cette dysfonction se caractérise par un effondrement de la fraction d’éjection et une dilatation du ventricule. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 128 En clinique, on préfère utiliser une classification en 4 stades, qui permet de définir la thérapeutique et le pronostic (Figure 5.94) [149,171]. Stade A : malade asymptomatique et sans signes d’insuffisance cardiaque, mais présentant des facteurs de risque pour la maldie (HTA, diabète, coronaropathie, présence de toxiques comme l’alcool) ; Stade B : malade porteur d’une cardiopathie paucisymptomatique (infarctus, valvulopathie) dont la fraction d’éjection est normale ou à la limite inférieure de la norme (FE > 0.5) ; Stade C : présence d’une cardiopathie symptomatique entraînant la dyspnée, la fatigue et une réduction de la tolérance à l’effort ; la FE est abaissée (0.35 - 0.45) ; Stade D : insuffisance cardiaque réfractaire, patient symptomatique au repos, FE est < 0.35. Stade A Stade B Stade C Stade D A risque d’IC Ø cardiopathie Ø symptômes Présence de cardiopathie Ø symptômes Présence de cardiopathie symptomatique Insuffisance réfractaire TTT avancés HTA, CAD Diabète Obésité Toxiques Traiter HTA lipides Exercice Toxiques Mortalité liée à intercurrences Cardio pathie Infarctus FE < 45% Valvulopath Sympt effort Traiter idem 1 β-bloqueur IEC Mortalité ≤ 5% / an Mortalité corrélée à la fraction d’éjection Cardiopath Dyspnée Fatigue Effort ⇓ Traiter IEC β-bloqueur diurétique digitale Mortalité 10-15% / an Sympt repos Symptomat au repos malgré traitement Traiter Inotrope Pace 3-ch Assistance Transpl Mortalité 50% / an Mortalité corrélée à la dilatation ventriculaire Figure 5.94 : Evolution de l’insuffisance cardiaque en quatre stades, avec leurs caractéristiques symptomatiques, leurs plans thérapeutiques et leurs pronostics [145,171]. La dyspnée et la fatigabilité sont des symptômes peu spécifiques [430]. L’orthopnée, la distension jugulaire, les râles de stase et la cardiomégalie sont plus spécifiques (70-90%) mais manquent de sensibilité (30%) [249]. On peut regrouper dans un même graphique la symptomatologie liée au bas débit (hypotension, pression différentielle étroite, extrémités froides, tachycardie, IC < 2 L/min/m2) et celle liée à la stase en amont (orthopnée, râles de stase, oedèmes, extrémités moites, PAPO ↑, PVC ↑, Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 129 B3, reflux hépato-jugulaire) ; on peut ainsi définir 4 régions selon la perfusion des extrémités (Figure 5.95) [286]. Extrémités chaudes et sèches, situation normale ; Extrémités froides et sèches : hypoperfusion à pression de remplissage basse (5% des cas d’insuffisance ventriculaire) ; Extrémités chaudes et moites : hautes pressions de remplissage mais débit systolique conservé (67% des cas) ; Extrémités froides et moites : pressions de remplissage élevées et bas débit systémique (28% des cas). Figure 5.95 : Représentation graphique de la combinaison des symptomatologies croissantes de bas débit cardiaque (insuffisance systolique, en rouge) et de pression de remplissage élevée (insuffisance diastolique, en bleu). On détermine ainsi 4 régions qui correspondent à la manière dont se présentent les extrémités du malade. Les chiffres représentent le pourcentage de patients dans ces catégories sur un collectif de 486 malades [286]. Symptômes d’hypoperfusion: fatigue + intolérance effort Hypotension, pression différentielle étroite, extrémités froides, 2 tachycardie, IC < 2 L/min/m Débit cardiaque Chaud et sec Chaud et moite 67% Froid et sec 5% Froid et moite 28% Pression de remplissage Symptômes congestifs: stase + dyspnée Orthopnée, râles de stase, oedèmes, extrémités moites PAPO ↑, PVC ↑, B3, reflux hépato-jugulaire Représentations graphiques La relation de Starling du VG n'offre pas le même aspect chez l’individu normal et chez le patient en insuffisance ventriculaire systolique (voir Figure 5.44 page 56). D'une courbe exponentielle ascendante vers un plateau, elle passe à une courbe en cloche. Dans l'insuffisance congestive, le débit cardiaque redescend en cas d'élévation de précharge au-delà d'une valeur optimale. La courbe de Frank-Starling du malade en dysfonction systolique se différencie donc par quatre caractéristiques : Déplacement de la courbe vers le bas (basse performance systolique) et vers la droite (haut volume de remplissage) ; Faible pente de la phase de recrutement ; l’augmentation de la précharge a peu d’effet sur la force de contraction ; Genou de la courbe plus précoce ; Au-delà du genou de la courbe, baisse de la performance systolique avec l'augmentation de la précharge ; ce phénomène est du à la dilatation ventriculaire qui entraîne une décompensation. Comme la courbe est plus plate que la courbe normale, les variations de précharge modifient peu le débit systolique. Cela se traduit par deux conséquences hémodynamiques : Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 130 Lors de ventilation en pression positive, seuls les Δup apparaissent sur la courbe de pression artérielle systolique ; celle-ci oscille très peu avec le cycle respiratoire (Figure 5.88 page 120) ; la stabilité tensionnelle lors de l’induction d’une anesthésie est un bon signe d’insuffisance gauche systolique. La réponse hémodynamique au Valsalva est différente de l’image normale ; la courbe prend une allure "carrée" : les phases 1 et 2 sont marquées par une élévation homogène et constante de la pression systémique, et la phase 3 par un retour aux valeurs de départ ; il n’y a pas de phase de compensation avec bradycardie (phase 4) (Figure 5.91 page 122). L'augmentation de la Pit est bien tolérée puisqu'elle représente une aide à l'éjection du VG et une baisse de sa postcharge effective. La boucle pression – volume de l’insuffisance cardiaque est caractérisée par plusieurs points (voir Figure 5.50 page 65). Pente Emax abaissée (FE < 0.35) ; Courbe de compliance déplacée vers le haut et vers la gauche ; Diminution du volume systolique ; Augmentation du travail de pression (TCI) par rapport au travail d’éjection (TCE). Bien qu'elle soit déplacée vers de hauts volumes de remplissage, la boucle P/V est restrictive et sa surface est diminuée (baisse du travail d'éjection). Le seul moyen de l'augmenter est de redresser la pente de l'Emax (effet inotrope positif). L'augmentation du remplissage n'aboutirait qu'à diminuer encore la surface de la boucle, parce que la courbe de compliance, qui est anormalement redressée, s'élève plus rapidement que l'Emax, dont la pente est faible. Le ventricule est d'autant plus sensible à la postcharge que sa performance globale est abaissée (voir Figure 5.45 page 57). Le myocarde défaillant ne peut pas compenser une augmentation de postcharge par une augmentation de la contractilité ni par un mécanisme de Starling, déjà sollicité au maximum ; la fraction d'éjection baisse lorsque la postcharge s’élève. A l'inverse, l'effet d'une chute de postcharge sur l'accroissement du volume éjecté est d'autant plus marqué que la fonction systolique est plus mauvaise, puisque la pente de l'Emax est plus faible. La faible réserve du ventricule ne lui permet pas de maintenir son débit lorsque la contraction auriculaire (FA, rythme nodal) ou la synchronisation de la contraction ventriculaire (bloc de branche) sont perdues [249]. Mécanismes de compensation Lors d'insuffisance cardiaque, l'organisme maintient la fonction ventriculaire par trois mécanismes compensatoires: L'augmentation du volume télédiastolique, pour se positionner de manière optimale sur la courbe de Franck-Starling; L'hypertrophie ventriculaire, pour compenser la surcharge de pression ou de volume; La stimulation sympathique, pour maintenir le débit cardiaque. Ces mécanismes offrent dans un premier temps une adaptation adéquate et assurent un débit satisfaisant au repos, bien qu'ils ne le permettent pas à l'effort. Cependant, les phénomènes compensatoires ont eux-mêmes leurs défauts parce qu'ils provoquent certaines rétro-actions accélérant la dégradation. Par exemple, la stimulation sympathique amène bien une augmentation du débit (tachycardie, effet inotrope positif) et une meilleure pression de perfusion (augmentation des résistances périphériques), mais ces réactions augmentent la mVO2, le travail du myocarde et sa Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 131 postcharge, donc précipitent sa défaillance. Lorsque la fonction cardiaque continue à se dégrader, les mécanismes compensatoires deviennent insuffisants et la situation se décompense. Quatre situations principales conduisent à la défaillance cardiaque: la surcharge de pression (sténose aortique, hypertension), la surcharge de volume (insuffisance valvulaire, shunt, sepsis, thyrotoxicose), les maladies myocardiques (ischémie, cardiomyopathie), et la restriction au remplissage (péricardite, tamponnade, cardiomyopathie restrictive). Les deux premières conduisent à un remodelage ventriculaire sous forme d’une hypertrophie, et la troisième à un remodelage cicatriciel. La dernière est une insuffisance primairement diastolique. Insuffisance systolique du VG La courbe de Frank-Starling de l'insuffisance systolique du VG est caractérisée par: - Déplacement de la courbe vers le bas (faible volume systolique) et vers la droite (haut volume de remplissage) - Faible pente de recrutement (le remplissage n'améliore pas la performance systolique) - Redescente de la courbe au-delà de son genou La boucle pression / volume est caractérisée par: - Faible pente de l'Emax - Redressement de la courbe de compliance - Restriction de la surface (travail externe diminué) - Diminution du volume systolique Le volume systolique diminue lorsque la postcharge augmente. Remodelage ventriculaire Le cœur adulte pèse 250-280 gm (0.6% du poids corporel) ; sa limite de masse est d'environ 500 gm ; au-delà, le réseau coronarien devient insuffisant. Le myocarde est capable d’une remarquable plasticité. Il varie sa masse de 25-50% en quelques semaines. Celle d’un athlète entraîné dépasse de 60% celle d’un individu normal, alors que le repos forcé d’un paraplégique la diminue de 30% ; dans l’espace, la masse du VG baisse de 1% par jour à cause de l’apesanteur [167]. Sauf situations exceptionnelles, les myocytes (environ 109 chez le jeune adulte) ont la même durée de vie que l’organisme [7]. A partir de la quarantaine, toutefois, une partie dégénère progressivement et se voit remplacée par des fibrocytes et de la fibrose intersticielle. Alors que la proportion myocyte/fibrocyte est de 60/40 chez le jeune adulte, elle est inversée à 75 ans. On perd ainsi environ 15 millions de myocytes par an dès la quarantaine ; ce phénomène est compensé par l’hypertrophie des cellules myocardiques restantes [289]. Face à une augmentation de précharge (surcharge de volume) ou de postcharge (surcharge de pression), le VG s’adapte en s’hypertrophiant (HVG, hypertrophie ventriculaire gauche). Des senseurs mécaniques situés probablement dans les disques Z des myofibrilles sont à l’origine d’une cascade de signaux biochimiques conduisant à une synthèse protéique accrue (transcription génique et synthèse de mRNA augmentées) [81]. Les cellules myocardiques s’hypertrophient et s’épaississent par réplication en parallèle des sarcomères (HVG concentrique) dans le cas d’une surcharge chronique de pression, alors qu’elles s’allongent par réplication en série des sarcomères (HVG dilatative) dans le cas d’une surcharge de volume. La tension longitudinale sur la paroi est probablement le moteur premier de l’HVG dilatative, alors que l’augmentation de pression contre la paroi induit une HVG concentrique [409]. Les cellules cardiaques adultes ne peuvent pas s’hyperplasier (augmentation du nombre de cellules), mais seulement s’hypertrophier (augmentation de la taille des cellules). Les fibroblastes et les cellules vasculaires (endothélium, musculature lisse) ont par contre la faculté de Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 132 s’hyperplasier même à l’âge adulte. Cette absence d’hyperplasie des cardiomyocytes a été remise en question récemment, avec la découverte de cellules myocardiques capables de se multiplier. Néanmoins, les cellules souches cardiaques sont incapables de proliférer au point de remplacer la masse nécrosée dans un infarctus [52a]. Le rapport entre l’épaisseur de paroi du VG et le rayon de la cavité ventriculaire (h/r), ou épaisseur de paroi relative (EPR), est normalement situé entre 0.3 et 0.45, ce qui correspond à un rapport entre la masse et le volume du VG (M/V) de 1.0 à 1.5 [133a]. Ces valeurs sont constantes chez tous les mammifères, quelle que soit leur taille. On peut ainsi considérer 5 catégories de pathologies [133a]. Remodelage concentrique : Hypertrophie concentrique : Hypertrophie physiologique : Remodelage excentrique : Hypertrohie excentrique : EPR élevé (> 0.45), masse et taille normales ; EPR élevé, masse élevée, taille normale ; EPR normal, masse élevée, dilatation ; EPR bas (< 0.32), masse normale, dilatation ; EPR bas (< 0.32), masse élevée, dilatation. L’accroissement de la masse du VG est un facteur de risque opératoire. Par rapport à sa valeur normale (50-115 g/m2), la masse du VG élève la mortalité à 30 jours après chirurgie cardiaque de 15% par 20 g/m2 au dessus de la norme (mortalité relative) [414a]. La cicatrice d’un infarctus est également une cause de remodelage ventriculaire : la zone envahie de fibrocytes ne se contracte plus, et le myocarde voisine développe une hypertrophie compensatrice [52a]. L’angiotensine II est un des agonistes principaux parmi les nombreux déterminants moléculaires de l’HVG. Elle stimule la croissance cellulaire par le biais de la protéine Gq et la protéine-kinase C ; elle stimule la production de facteurs de croissance (endothéline, Transforming growth factor) qui vont accroître la masse des fibroblastes et du collagène [308]. La calcineurine, essentielle à la croissance de l’HVG, est liée au métabolisme calcique de la cellule [330]. Dans l’HVG, celui-ci est caractérisé par une diminution des variations du taux de Ca2+ sarcoplasmique : baisse de la densité des récepteurs β, baisse de l’activité de la SERCA, défauts des récepteurs R-Ry (voir Figures 5.1, 5.2 et 5.3 pages 4, 5 et 7). La stimulation de l’HVG est à double tranchant, parce que tous les déclencheurs de croissance sont aussi des facteurs favorisant la fibrose et l’apoptose à partir d’un certain seuil [164]. De ce point de vue, l’HVG concentrique est de mauvais pronostic. Il n’est donc pas surprenant qu’elle soit considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire indépendant pour l’insuffisance cardiaque et l’ischémie myocardique [65]. Le VG insuffisant consomme davantage d’O2 par unité de masse et de travail fourni par rapport à un coeur normal. Cela est lié à deux phénomènes [290] : Augmentation du travail interne de pression par rapport au travail externe d’éjection à cause de la dilatation ventriculaire et/ou de l’élévation de la postcharge; Dépendance accentuée de la glycolyse au détriment de la voie des acides gras libres, bien que l’utilisation des deux types de substrats soit globalement diminuée. L’insuffisance cardiaque gauche est aussi un cas dramatique de remodelage ventriculaire. On peut la définir comme une perte de la forme conique normale du ventricule pour devenir grossièrement circulaire [47]. Ce remodelage en forme de sphère est une catastrophe mécanique pour le cœur : Les faisceaux longitudinaux hélicoïdaux deviennent circulaires, ce qui augmente leur stress de paroi et supprime le raccourcissement dans le long-axe du ventricule ; La rotation systolique et la succion diastolique du ventricule sont perdues ; La musculature circulaire est distendue et sa tension de paroi augmente (loi de Laplace : P • r / 2 h) ; La perte de la forme elliptique modifie la géométrie de l’appareil sous-valvulaire mitral et provoque une insuffisance mitrale de degré ≥ II ; Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 133 La sphéricisation du VG altère donc gravement ses capacités de remplissage et de vidange. Ainsi le degré de dilatation du VG (diamètre télédiastolique ≥ 4 cm/m2, volume télésystolique ≥ 60 mL/m2) est directement corrélé à la mortalité [258]. Cœur d’athlète La grossesse double le débit cardiaque (DC), et la compétition sportive réclame une augmentation de 5 à 6 fois du DC par rapport au débit normal. L’élévation du DC est réalisée grâce à la tachycardie, mais l’entraînement chronique permet d’augmenter progressivement le volume systolique. Cette dernière situation induit une hypertrophie ventriculaire de type excentrique, dans laquelle la taille et la masse du VG sont augmentées mais le rapport EPR est encore normal [133a]. Ces modifications correspondent à un exercice d’endurance de type isotonique (course, cyclisme). Dans l’exercice isométrique (poids et altères), au contraire, l’élévation du DC est modeste mais les résistances artérielles sont très augmentées ; l’hypertrophie ventriculaire est alors de type concentrique. L’entraînement d’endurance conduit également à un remodelage excentrique du ventricule droit [15a]. La frontière entre le remodelage adaptatif normal et la cardiomyopathie hypertrophique est floue ; d’ailleurs, de nombreux cyclistes professionnels souffrent ultérieurement d’une cardiomyopathie dilatative grave. Les arythmies sont fréquentes chez les athlètes : extrasystoles, épisodes de tachycardie ventriculaire, tachyarythmies sus-jonctionnelles, troubles de la conduction. Elles sont bénignes tant qu’elles cèdent à l’effort. La mort subite du sportif est le plus souvent liée à une cardiomyopathie hypertrophique, à un syndrome de Wolf-Parkinson-White ou du QT long, plus rarement à une cardiomyopathie arythmogène du VD, à un syndrome de Brugada (voir Adaptation à l’effort, page 79, et Chapitre 20 Arythmies), à une anomalie coronarienne ou à une valvulopathie (bicuspidie aortique, prolapsus mitral) [15a]. Surcharge de pression Une augmentation chronique de postcharge (sténose aortique, hypertension artérielle systémique ou pulmonaire) élève la tension de paroi en systole. Elle induit une réplication en parallèle des sacromères, une augmentation du collagène et une fibrose non-réversible, qui aboutissent à un remodelage et à une hypertrophie concentriques [413]. Le rapport entre l’épaisseur de paroi du VG et le rayon de la cavité ventriculaire (EPR) est > 0.5 [133a]. Selon l’équation de Laplace, l'épaississement de la paroi (h) et le rétrécissement de la cavité ventriculaire (r) normalisent le stress de paroi (σ) malgré l’augmentation de pression (P) (Figure 5.96A): σ = (P • r)/2h Bien qu’il reste normal, le pic du stress de paroi est décalé vers la télésystole. Le pic de pression intraventriculaire est atteint dans la deuxième moitié de la systole [133a]. La fraction d'éjection est élevée à cause du petit Vts et non par amélioration de la contractilité. Même si la performance cardiaque globale est élevée, les fibres isolées ont désorganisées et noyées dans le tissu fibreux ; leur métabolisme est orienté vers la glycolyse seule ; elles ont une fonction diminuée, et le travail produit par unité de masse contractile est inférieur à la normale [167]. L’augmentation massive de la masse cellulaire dans l'hypertrophie concentrique a un double coût. Une augmentation du risque ischémique, car le nombre de capillaires par rapport à la masse myocardique est diminué, les distances de transport d'O2 sont augmentées vu l'épaisseur du muscle, et la compression systolique des vaisseaux est plus intense [164]. La zone sousendocardique, en particulier, est en permanence sub-ischémique. La mVO2 / 100 gm est 50% plus élevée que pour le muscle normal [392], alors que le nombre de mitochondries est relativement plus faible par rapport à la masse cellulaire et que la surface capillaire décroît par rapport au volume myocardique. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 134 Une dysfonction diastolique avec défaut de relaxation et de distensibilité due à la rigidité de la paroi épaissie et fibrosée, et aux altérations des mouvements calciques intracellulaires [126]. La dysfonction diastolique entraîne une augmentation des pressions de remplissage qui maintiennent une pression télédiastolique (PtdVG) élevée dans le ventricule, compromettant encore davantage la perfusion sous-endocardique. La tachycardie et la bradycardie limitent le remplissage du ventricule. Figure 5.96 : Hypertrophie du VG et loi de Laplace. A : HVG concentrique (surcharge de pression). L’aug-mentation de pression (P) est compensée par une diminution du rayon (r) de la cavité et une augmentation de l’épaisseur (h) de la paroi. Le stress de paroi est stable. B : HVG excentrique ou dilatative (surcharge de volume). Le rayon augmente sans augmentation de pression, ce qui est compensé par une augmentation de l’épais-seur de paroi. C : Phase de décompensation. Pression et dimension du VG augmentent au-delà de la compensation. A Dilatation C P ↑ • r ↓ 2 h ↑ P ↑ • r ↑↑ 2 h ↑ B © Chassot 2012 P • r ↑ 2 h ↑ Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les bloqueurs du récepteur AT-II (sartans) ont la propriété de freiner le remodelage ventriculaire [249]. A même degré de contrôle de la pression artérielle, leur effet sur la régression de l’HVG est plus marqué que pour les β-bloqueurs, ce qui démontre bien leur capacité à interférer avec la progression de l’hypertrophie et de la fibrose [201]. La symptomatologie débute à l'effort parce que la rigidité du myocarde l'empêche de se déplacer sur la courbe de Franck-Starling en augmentant son remplissage, et parce que la tachycardie limite le remplissage du ventricule. La décompensation survient lorsque le ventricule commence à se dilater: la tension de paroi réaugmente, ce qui contribue à la dilatation, et le phénomène s'auto-amplifie jusqu'à la phase terminale (Figure 5.96C). Une brusque diminution du volume de la cavité ventriculaire en cas d'HVG concentrique peut donner lieu à une obstruction dynamique de la chambre de chasse (effet CMO) en l’absence de cardiomyopathie obstructive : le Vts devient tellement faible que la zone de coaptation mitrale est déplacée antérieurement vers la chambre de chasse du VG (CCVG), si bien que le feuillet antérieur de la valve mitrale peut basculer en avant vers la CCVG (voir Figure 5.27 page 34). Par effet Venturi, l'accélération dans la chambre de chasse aspire le feuillet antérieur de la valve mitrale (SAM: systolic anterior motion), ce qui crée une obstruction sous-valvulaire à l'éjection (voir Contraction du VG). Le gradient de pression entre le VG et l'aorte est élevé (> 30 mm Hg). Le phénomène est amplifié par l’hypovolémie, la vasodilatation artérielle et la stimulation inotrope. Le traitement est une diminution Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 135 de l’effet β (β-bloqueur), une augmentation des RAS (α-stimulant) et une augmentation de la volémie (remplissage). Surcharge de volume L'augmentation chronique de volume (insuffisance valvulaire, shunt, thyréotoxicose) élève la tension de paroi pendant la diastole ; elle induit une réplication en série des sarcomères (hypertrophie dilatative). L'accroissement des dimensions de la cavité ventriculaire est momentanément compensée par un épaississement discret de cette paroi. La valeur de l'équation de Laplace est stable, mais la FE calculée est abaissée puisque le Vtd est agrandi (Figure 5.96B). La paroi ventriculaire est moins épaisse, le développement du collagène est moindre, et le travail interne de pression n'est pas augmenté comme dans l'HVG concentrique. L’efficience énergétique du VG est bonne, parce qu’il déplace un grand volume à basse pression (augmentation du travail externe) ; le rapport entre l'apport et la demande d'O2 est préservé. Une surcharge de volume est mieux tolérée qu'une surcharge de pression (voir Relation Pression/Volume et Figure 5.49 page 63). La fonction diastolique est conservée, la relaxation est facilitée et le ventricule garde sa souplesse. Le rapport entre l’épaisseur de paroi du VG et le rayon de la cavité ventriculaire (EPR) est normal tant que la situation est compensée, mais l’évolution conduit progressivement à une dilatation hors de proportion avec la masse du VG et le rapport EPR baisse < 0.3 [133a]. Si la dilatation continue, la tension de paroi augmente sans compensation possible : La compliance devient faible parce que le ventricule opère à haut volume ; Le couplage interventriculaire est 1/1 lorsque les ventricules sont au contact du péricarde ; ceci survient lorsque la PtdVD est ≥ 15 mmHg et la PtdVG ≥ 20 mmHg ; toute modification de pression ou de volume d'un ventricule retentit sur l'autre; La bradycardie est mal supportée car une longue diastole provoque un excès de remplissage ; elle est particulièrement dangereuse en cas de dilatation sur insuffisance aortique parce que la fuite intraventriculaire a lieu au régime de pression diastolique aortique ; L’augmentation de postcharge n’est pas tolérée parce qu’elle augmente la dilatation ; La dilatation ventriculaire ne permet plus aux deux feuillets mitraux de coapter et la valve fuit ; l'importance de cette régurgitation mitrale est un bon marqueur du degré de décompensation ventriculaire (Figure 5.97) ; La dilatation du VG est définie par un diamètre télédiastolique > 4 cm/m2 (Vtd > 60 mL/ m2). De l'hypertrophie à la décompensation La phase de décompensation survient lorsque le rayon augmente au-delà de ce que l'hypertrophie peut compenser. Comme l'augmentation de diamètre du ventricule accroit le stress de paroi, un cercle vicieux s'installe. Le myocarde hypertrophié est très sujet à l'ischémie, potentialisée par une augmentation de la mVO2 par unité de poids [377]. La réserve coronarienne étant très diminuée dans les zones sous-endocardiques où la tension de paroi est maximale; cette partie du coeur subit des épisodes infracliniques itératifs d'ischémie, pouvant conduire à un certain degré de fibrose [181]. Une fois formé, le collagène ne disparaît plus, et devient un élément majeur dans la non-distensibilité diastolique du ventricule et dans le frein à la diffusion transcapillaire de l'oxygène. Le VG insuffisant consomme davantage d’O2 par unité de masse et de travail fourni par rapport à un coeur normal. Cela est lié à deux phénomènes [290] : Augmentation du travail interne de pression par rapport au travail externe d’éjection à cause de la dilatation ventriculaire et/ou de l’élévation de la postcharge; Dépendance accentuée de la glycolyse au détriment de la voie des acides gras libres, bien que l’utilisation des deux types de substrats soit globalement diminuée. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 136 L’insuffisance cardiaque gauche est aussi un cas dramatique de remodelage ventriculaire. On peut la définir comme une perte de la forme conique normale du ventricule pour devenir grossièrement sphérique [47]. Ce remodelage est une catastrophe mécanique pour le cœur : Les faisceaux longitudinaux hélicoïdaux deviennent circulaires, ce qui augmente leur stress de paroi et supprime le raccourcissement dans le long-axe du ventricule ; La rotation systolique et la succion diastolique du ventricule sont perdues ; La musculature circulaire est distendue et sa tension de paroi augmente (loi de Laplace : P • r / 2 h) ; La perte de la forme elliptique modifie la géométrie de l’appareil sous-valvulaire mitral et provoque une insuffisance mitrale de degré ≥ II. La sphéricisation du VG altère donc gravement ses capacités de remplissage et de vidange. Ainsi le degré de dilatation du VG (diamètre télédiastolique ≥ 4 cm/m2, volume télésystolique ≥ 60 mL/m2) est directement corrélé à la mortalité [258]. A B Plan de l’anneau OG OG IM IM 1 1 3 VG 3 VG VD 2 © Chassot 2012 Figure 5.97 : Insuffisance mitrale (IM) de degré II lors de dilatation ventriculaire. A : schéma de l’IM dite restrictive. Le volume télésystolique agrandi du VG dilate l’anneau mitral (1), écarte les piliers (2) et exerce une traction excessive (3) sur les cordages (en jaune) de la valve mitrale ; cette traction retient les feuillets de la valve en dessous du plan de l’anneau (traitillé blanc) et empêche la coaptation normale des feuillets : la valve fuit. B : image échocardiographique transoesophagienne d’une IM restrictive. Le VG est dilaté, arondi, les feuillets sont retenus en dessous du plan de l’anneau en systole. Maladies myocardiques Dans une cardiomyopathie, la tension de paroi systolique développée pour un volume de remplissage donné est insuffisante. La cause est liée à une pathologie du muscle cardiaque lui-même. En Occident, la cardiomyopathie est le plus souvent secondaire à une maladie coronarienne: 46 % des cas chez les hommes et 27% chez les femmes. La deuxième cause est la dégénérescence liée à l'âge. Lorsqu’elle s’accompagne d’une dilatation massive, la cardiomyopathie est idiopathique dans la majorité des cas. Certaines cardiomyopathies sont secondaires à des maladies systémiques ou à une maladie métabolique comme le diabète ou l'alcoolisme. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 137 Restriction La restriction au remplissage est la cause d'une insuffisance diastolique sévère. On la rencontre dans la cardiomyopathie restrictive, forme la plus grave de la dysfonction diastolique, généralement due à un processus infiltratif qui rigidifie le ventricule (œdème, sarcoïdose, amyloïdose, infiltration tumorale) ; la fonction systolique est normale mais l'insuffisance diastolique cause des oedèmes pulmonaires à répétition. La restriction peut être secondaire à un épanchement péricardique ou à une péricardite constrictive qui limitent mécaniquement l'expansion des ventricules en diastole. Remodelage ventriculaire Le cœur représente 0.6% de la masse corporelle. Chez l'adulte, le rapport myocytes/fibrocytes est de 60/40; ce rapport s'inverse à partir de 70 ans. La fonction est maintenue par hypertophie des myocytes fonctionnels. Le cœur a une très grande plasticité: il perd ou augmente sa masse selon son activité. Une surcharge de pression déclenche une hypertrophie concentrique (réplication en parallèle des sarcomères), et une surcharge de volume une hypertophie excentrique (réplication en série des sarcomères). L'hypertophie permet de stabiliser le stress de paroi en modifiant la taille et l'épaisseur de paroi en fonction de la pression (σ = (P • r) / 2h), mais l'HVG concentrique augmente le risque ischémique et induit une dysfonction diastolique. Dans l'insuffisance et la dilatation ventriculaire, le VG, qui a une forme d'obus, prend une forme circulaire qui augmente son stress de paroi, modifie la mécanique de la contraction et provoque une insuffisance mitrale. Stimulation neuro-humorale Dans l'insuffisance systolique, la baisse de l'éjection se manifeste par la fatigabilité. Elle provoque une tachycardie compensatrice, une vasoconstriction périphérique et une rétention de sodium, puis une hypoperfusion des organes engendrant la cyanose, l'oligurie et la confusion mentale [249]. L'insuffisance diastolique, qui peut survenir sans perturbation de la fonction systolique, se traduit par une pression diastolique ventriculaire élevée et une stase en amont. Elle se caractérise cliniquement par une dyspnée [30,150,319]. L'insuffisance cardiaque congestive (ICC), cliniquement caractérisée par les oedèmes et la dyspnée, est donc une symptomatologie commune à la dysfonction ventriculaire systolique et diastolique. Stimulation catécholaminergique L'hypotension et la baisse de la pression pulsée (PAsyst – PAdiast) sont à l'origine d'une stimulation des barorécepteurs et du système sympathique central. Les taux de noradrénaline circulante sont élevés, et sont un marqueur pronostique de l'évolution de la maladie [189]. La stimulation du système catécholaminergique (adrénaline surrénalienne et nor-adrénaline neuronale) et du système rénineangiotensine-aldostérone est utilisée au maximum afin d'augmenter la [Ca2+]i, et de maintenir la précharge et la pression de perfusion, mais ses effets aggravent l'insuffisance ventriculaire gauche : Surcharge en [Ca2+] i et rigidité myocardique ; Effet α : augmentation de postcharge ; Effet β: augmentation de la contractilité et de la mVO2, tachycardie sinusale avec diminution du temps de remplissage diastolique, arythmies ; A long terme : excès de peroxydes, hypertrophie et dilatation du ventricule, fibrose intersticielle, apoptose. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 138 L'excès de catécholamines plasmatiques conduit par rétro-action à une diminution de l'activité des récepteurs β1 myocardiques (désensibilisation ou downregulation) ; le maintien de la fonction est assuré par une augmentation du taux de récepteurs β2 et α1 myocardiques [29,38,39]. Les récepteurs α2 myocardiques ne sont pas concernés par cette dysrégulation; ils contribuent à la mobilisation du Ca2+ intracellulaire indépendamment de l'AMPc [43,399]. Enfin, les récepteurs au VIP (vasoactive intestinal peptide) sont plus sensibles que la norme et maintiennent la contractilité malgré la baisse de sensibilité des récepteurs β1, mais au prix d'un excès de vasoconstriction. Ces données ont des impacts majeurs en clinique: Les β-bloqueurs améliorent le pronostic de l'insuffisance cardiaque (frein à la désensibilisation) ; La réponse aux amines β1 est altérée ; la désensibilisation β1 survient après quelques jours d’une perfusion de catécholamines β1 ; l'adrénaline, qui stimule les récepteurs β1, β2 et α1, est en général la seule substance efficace pour le traitement aigu de la décompensation d'une insuffisance cardiaque chronique. La déplétion chronique du myocarde en nor-adrénaline diminue l'efficacité des amines indirectes telles la dopamine ou l'éphédrine ; Lorsqu'une décompensation cardiaque survient chez un malade β-bloqué, la réponse cardiaque à la dopamine est obscurcie, laissant apparente la stimulation α, d'où prédominance de l'effet vasoconstricteur périphérique ; Les inhibiteurs des phosphodiestérases-3 (amrinone, milrinone) et le levosimendan (sensibilisateur calcique) sont efficaces lors d’insuffisance ventriculaire ou de β-blocage parce qu'ils agissent par une voie indépendante des récepteurs catécholaminergiques [231]. Stimulation neuro-humorale L'hypoperfusion rénale et la stimulation sympathique conduisent à accroître le taux de rénine, déclenchant une vasoconstriction puissante par l'angiotensine II. Celle-ci contribue à la sécrétion d'aldostérone, qui provoque une rétention d'eau et de sodium avec oedèmes périphériques et qui est aussi un puissant inducteur de l’HVG. Cet excès de volume extra- et intracellulaire crée une hyponatrémie qui est mal interprétée par l'hypophyse, laquelle augmente la sécrétion d'ADH: cette élévation du système arginine-vasopressine retient encore davantage d'eau et accroît le degré de vasoconstriction. Le résultat global est une hypervolémie et une vasoconstriction massive (Figure 5.98). Mais ces substances ont également un effet inotrope positif par l'intermédiaire de la sécrétion d'endothéline qu'elles induisent dans l'endocarde [90]; toutefois, ceci n'est pas que bénéfice, car l'endothéline est un vasoconstricteur très puisant et un facteur important dans la genèse de l’HVG [343]. Il existe aussi une diminution de la réponse vasodilatatrice au NO• [210]. On voit que des mécanismes compensatoires deviennent eux-mêmes des facteurs aggravants lorsqu’ils dépassent un certain seuil. Il existe toute une série de points d’impact sur lesquels agissent différentes classes de médicaments. Le point d’impact des principaux d’entre eux est mentionné dans la Figure 5.98. Les mêmes phénomènes rétroactifs existent lors d’insuffisance ventriculaire diastolique (Figure 5.99). Facteurs natriurétiques et vasodilatateurs Trois substances sécrétées par la stimulation sympathique modulent les effets hypertenseurs. Les facteurs natriurétiques auriculaires, dont la sécrétion est stimulée par la distension des cavités cardiaques, et non par la pression auriculaire [143] : le facteur natriurétique auriculaire (ANF: atrial natriuretic factor) et le facteur natriurétique cérébral (BNP: brain natriuretic Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 139 peptide). Ils assurent une fuite sodique et diminuent le volume circulant. Ils ont 4 effets majeurs : • Augmentation de la perfusion rénale et diurèse ; • Baisse des résistances artérielles ; • Effet bloqueur de l’endothéline ; • Inhibition de la sécrétion d’aldostérone. Les prostaglandines ; elles ont un effet vasodilatateur systémique et pulmonaire ; leur sécrétion est bloquée par les AINS. L'augmentation du taux de 2,3-DPG déplace la courbe de dissociation de l'hémoglobine vers la droite: l'affinité de l'O2 pour l'Hb est diminuée, donc sa distribution en périphérie est facilitée. Bas débit systémique PA ↓ "Forward failure" Stimulation sympathique Baroréflexes ↑ β ↑ β ↑ α ↑ RAS β-bloqueurs ↓ perfusion rénale IVsyst VG ↑ mVO2 Anti-ET HVG fibrose Endothéline IEC Ang II Diurétiques Nitrés ↑ précharge Aldostérone ADH ↑ rénine angiotensine Spironolactone IEC A-AT ↑ rétention Na + H2O Vasodilatateurs ↑ postcharge © Chassot 2011 Figure 5.98 : Représentation schématique des modifications neuro-humorales dans l’insuffisance systolique du VG (Forward failure). Les systèmes physiologiques sont de bons moyens de compensation en temps normal, mais établissent des rétro-actions néfastes (encadrées en rouge) dans l’insuffisance gauche chronique. En jaune figurent les points d’action des principales classes de médicaments utilisés dans l’insuffisance cardiaque gauche. Anti-ET : anti-endothéline (bosantan). IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion (captopril, enalapril, etc). AAT : inhibiteur du récepteur de l’angiotensine II (losartan). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 140 Le BNP est libéré dans la circulation lors de défaillance ventriculaire. Un taux supérieur à 200 pg/ml est habituellement considéré comme significatif pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque [172]. Figure 5.99 : Représentation schématique des modifications neuro-humorales dans l’insuffisance diastolique du VG (Backward failure) avec les points d’action des principales classes de médicaments utilisés dans l’insuffisance cardiaque gauche. rhBNP : recombinant human Brain Natriuretic Peptide (neritide). IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion (captopril, enalapril, etc). A-AT : inhibiteur du récepteur de l’angiotensine II (losartan). HTAP : hypertension artérielle pulmonaire. Stase en amont ↑ POG "Backward failure" Stase pulmonaire HTAP Insuffisance VD TTT de la composante systolique IC diast VG rhBN P ↑ ANF ↑ BNP Oedèmes Stase hépatique Nitrés Diurétique s IEC, A-AT Spironolacton e ↑ excrétion Na © Chassot 2012 Stimulation neuro-humorale L'insuffisance hémodynamique engendrée par la dysfonction ventriculaire stimule le système sympathique, le système rénine-angiotensine et la sécrétion de catécholamines avec pour effet: tachycardie, vasoconstriction (augmentation de postcharge), rétention de sodium et d'eau (hypervolémie et hyponatrémie), désensibilisation des récepteurs β1, augmentation du taux de récepteurs β2 et α1. (les amines à effet β1 pur perdent leur efficacité). Transport d'oxygène Le coeur fournit l'énergie motrice indispensable à la perfusion tissulaire. Le transport d'oxygène (DO2) est réglé par la ventilation, le débit cardiaque, le contenu en Hb et la distribution périphérique. DO2 = CaO2 • DC où CaO2: contenu artériel en oxygène DC: débit cardiaque CaO2 = ( 1.39 • Hb • sat O2 ) + ( 0.0031 • PaO2 ) Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 141 Normalement, la consommation d'oxygène (VO2) est indépendante du transport pour deux raisons: Le DO2 est en net excès par rapport à la VO2 ; L'extraction d'oxygène augmente parallèlement à la demande, comme le démontre la baisse progressive de la saturation veineuse centrale (SvO2). Il arrive que cette situation soit dépassée: si le transport d'O2 chute en dessous d'un certain seuil (DO2 critique), l'extraction ne peut plus augmenter proportionnellement à la demande, et la consommation d'O2 devient dépendante de son transport (Figure 5.100). Les cellules souffrent alors d'hypoxie et le métabolisme anaérobique produit des valences acides en quantité proportionnelle à cette souffrance: le taux de lactate augmente. La valeur de ce seuil se situe entre 9 et 10 mL/min/kg [55] ; il est abaissé à 8 ml/min/kg en anesthésie générale [362]. VO2 mL/kg/min VO2 indépendant du transport VO2 dépendant du transport DO2 critique ICC, SDRA, choc septique DO2 mL/kg/min Rapport DO2/VO2 normal Figure 5.100 : Rapport entre la consommation et le transport d'O2 chez le sujet normal. La courbe bleue représente le sujet normal. La courbe rouge illustre la modification induite par une sepsis: le couplage du transport et de la consommation d’oxygène s’étend sur une plus grande plage de valeurs. Calculs: VO2 = DC • (CaO2 - CvO2) et SvO2 = 1 - VO2 / DO2 Valeurs normales: VO2: 6 - 7 ml / min / kg ou 200 - 250 ml / min DO2: > 10 ml / min / kg ou 800 - 1000 ml/min CaO2: 20 vol% CvO2: 15 vol% SvO2: > 65 % ERO2: extraction périphérique d'oxygène: 25 - 35 % Physiologiquement, l'organisme répond à une demande accrue en oxygène en augmentant le débit cardiaque (jusqu'à cinq fois), la ventilation (jusqu'à quinze fois) et l'extraction tissulaire de l'oxygène, avec la contribution active de l'effet de pompe de la musculature, de la respiration et de la paroi abdominale. Lorsque le débit cardiaque baisse ou que la consommation d'oxygène augmente excessivement, seul l'accroissement de l'extraction périphérique de l'oxygène permet de subvenir aux besoins cellulaires; ceci est secondaire à un équilibre dynamique entre les zones en vasoconstriction sympathique d'origine centrale et celles en vasodilatation d'origine locale et métabolique (recrutement capillaire) [350]. Ce mécanisme est très performant puisqu'il permet de conserver un métabolisme aérobique jusqu'à une extraction maximale de 70%, ce qui se traduit par des valeurs de SvO2 très Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 142 basses. Au-delà de cette capacité d'extraction, le métabolisme devient partiellement anaérobe et le taux de lactate dépasse 1.5 mmol/l [83]. Dans de nombreuses situations pathologiques, la VO2 est dépendante du transport d'O2 sur une vaste échelle de valeurs, parce que l'extraction d'oxygène reste basse (coefficient d’extraction, ou ERO2, < 35%). C'est le cas notamment dans le SDRA, le choc septique et le choc hypovolémique; on a retrouvé la même dépendance dans des cas d'insuffisance cardiaque congestive aiguë ou chronique [102,260]. Cette incapacité à creuser l'extraction d'O2 a plusieurs causes possibles: défaut de la vasorégulation périphérique, lésion endothéliale, oedème interstitiel, dysfonction mitochondriale, dysfonction du système NO•/endothéline. Elle rend la mesure de la SvO2 inappropriée pour évaluer le débit cardiaque périphérique [414]. Par contre, une lactacidémie supérieure à 2 mmol/l semble être un bon marqueur du passage dans la zone où la VO2 est dépendante du transport [407]. Lorsque le transport d'oxygène est limité ou lorsque la consommation d'O2 en dépend linéairement, il devient capital de lutter contre tous les facteurs qui contribuent à l'augmentation de la VO2: stress, douleur, décharge de catécholamines endogènes ou exogènes, fièvre (+ 10% / °C), frissons (+ 100400%), activité musculaire (curarisation), anémie. Malgré le gain sur le travail cardiaque lié à la baisse de la viscosité, la chute de l’hémoglobine peut devenir le facteur limitatif au transport si le débit cardiaque est bas et/ou le métabolisme élevé. La valeur limite est située aux environs de 80 gm/L chez un individu sain et de 100 gm/L chez un patient insuffisant cardio-pulmonaire ou septique (voir Chapitre 28 Critères de transfusion). La prise en charge périopératoire d'un insuffisant cardiaque doit impérativement tenir compte de ces contraintes. Transport d'O2 (DO2) Le DO2 est le produit du contenu en O2 (CaO2) et du débit cardiaque: DO2 = CaO2 • DC, où: CaCO2 = (13.9 • Hb • satO2) + (0.0031 • PaO2) Normalement, la consommation d'O2 (VO2) est indépendante du DO2. Mais si le DO2 devient < DO2 critique, la VO2 devient dépendante du DO2 , avec risque de lactacidémie et d'acidose métabolique. Compensations possibles: ↑ DC et ↑ ventilation, ↑ extraction de l'O2 au niveau tissulaire (max 70%). Dans certaines situations (SDRA, sepsis, hypovolémie, insuffisance ventriculaire congestive), l'extraction d'O2 reste basse et la VO2 est dépendante du DO2 sur une plus vaste échelle de valeurs. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 143 Fonction ventriculaire droite et circulation pulmonaire Anatomie fonctionnelle et physiopathologie Structure anatomique Le VD présente des caractéristiques anatomiques plus complexes que celles du VG (Figure 5.13 et Figure 5.101) [159]. AP VT CCVD CCVD VG Admission Septum Admission Apex Apex A B © Chassot 2012 Figure 5.101 : Anatomie du VD. A : Le VD est enroulé autour du VG ; le septum sépare les deux ventricules. Le VD est constitué d’une chambre d’admission, d’un corps (avec l’apex) et d’un infundibulum avec la chambre de chasse (CCVD). VT : valve tricuspide. AP : artère pulmonaire. B : Forme en croissant du VD enroulé autour du VG (en pointillé). La forme des deux ventricules est très différente. Voir aussi Figure 5.13, page 22. Il est constitué d'une chambre d’admission basée sur l'anneau tricuspidien, d’un corps central très trabéculé en forme de croissant et d'une chambre de chasse (CCVD) cylindrique connectée à l’AP. Embryologiquement, le VD est issu de la partie antérieure du tube cardiaque et la CCVD du champ cardiaque céphalique situé dans le mésoderme pharyngien (voir Annexe D Figure D.13) ; cette dernière est dotée de davantage de récepteurs β que le reste du ventricule. Il est enroulé autour du VG ; sa section transversale est en demi-lune ; cette anatomie complique l’évaluation de sa fonction. Quel que soit le plan de coupe, la surface de la cavité du VD est plus petite que celle du VG (rapport SVD/SVG < 0.7) et l’apex du cœur est constitué par celui du VG (Figure 5.102). Il ne possède que deux couches musculaires : les fibres longitudinales sont sousendocardiques et les fibres circulaires disposées à l’extérieur. Une partie des fibres circulaires de la chambre d’admission et de l’apex est en continuité avec des fibres de la paroi du VG ; ce dernier participe donc à la contraction circulaire du VD ; a contrario, une défaillance gauche altère la performance du VD. Les sarcomères sont identiques dans les deux ventricules, mais la masse musculaire du VD est 1/6ème de celle du VG ; l’épaisseur de la paroi libre du VD est de 4-5 mm environ. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 144 Le volume télédiastolique du VD est plus grand que celui du VG (50-100 mL/m2 versus 40-80 ml/m2) ; de ce fait, sa fraction d’éjection est plus basse (0.4 à 0.6) puisque les deux ventricules maintiennent le même volume systolique. Le VD est connecté à une valve tricuspide et possède trois muscles papillaires dont un est situé sur le septum. Sa surface interne est très fortement trabéculée et présente une travée musculaire qui traverse la cavité entre le septum et la paroi libre (bande modératrice). Sa chambre de chasse (CCVD), entièrement musculaire, est très richement dotée en récepteurs β. OG Figure 5.102 : Aspect échocardiographique transoesophagien du VD. A : vue 4-cavités (0°) ; l’apex est constitué par le VG, la surface du VD est de 0.6 fois celle du VG. B : vue à 60° de la chambre d’adminssion (CA) et de la chambre de chasse (CCVD) ; le VD est enroulé autour du VG. C: vue transgastrique (0°) ; la section du VD est en demi-lune. VP : valve pulmonaire. Siv : septum interventriculaire. OG OD OD VD VD VG VG 60° OG OD OD Ao OG AP VD VP CA CCVD 0° VD VD Siv VG VG La contraction du VD est liée à quatre mécanismes (Figure 5.32 page 39) : • Contraction longitudinale base-apex-CCVD séquentielle en un mouvement péristaltique autour du VG ; c’est l’élément principal ; • Raccourcissement vers l’intérieur de la paroi libre ; le raccourcissement en court-axe est physiologiquement faible ; • Rotation globale de 20-25°; • Contribution importante du VG (environ 30-40%) par l’épaississement du septum interventricuaire et par traction sur les fibres circulaires à la jonction VG-VD. La contraction longitudinale du VD débute à la chambre d’admission (région soustricuspidienne) et se propage jusqu’à la CCVD comme un péristaltisme (délai 50-80 msec) ; le pic de pression est plus tardif que dans le VG. La phase de contraction isovolumétrique est Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 145 quasi-inexistante, parce que la pression du VD atteint rapidement la valeur de la PAP qui est plus basse que celle de l’aorte. Le raccourcissement systolique de la base vers l’apex est plus important que le raccourcissement en petit axe, qui peut être très modeste même dans les conditions physiologiques, et qui dépend davantage de la contraction des fibres septales du VG que de celles de la paroi libre du VD. Le VG fournit 40% de la pression systolique du VD par la contraction du septum interventriculaire, qui assure une compression transverse de la cavité droite, et par la traction des fibres communes aux deux ventricules, qui contribuent à la contraction circulaire au niveau des sillons interventriculaires [344]. Une obstruction dynamique de la CCVD (effet CMO avec gradient jusqu’à 25 mmHg) peut survenir en cas d’instabilité hémodynamique accompagnée d’hypovolémie et de stimulation catécholaminergique parce que la CCVD est très richement dotée en récepteurs β (98b). L’hypertrophie droite des cardiopathies congénitales s’accompagne d’une modification de la structure pariétale : le VD développe trois couches de fibres au lieu de deux et présente une structure qui ressemble à celle du VG. Situé antérieurement par rapport au VG, le VD court davantage de risque en cas de traumatisme thoracique par choc frontal. Le pic de pression systolique est plus tardif que dans le VG, et plus de la moitié du volume systolique est éjecté après ce pic de pression (voir Figure 5.103) [41a]. La phase de contraction isovolumétrique est presque inexistante, parce que l’éjection commence dès que la pression intraventriculaire est supérieure à la diastolique pulmonaire (10-15 mmHg); cette éjection précoce se poursuit pendant la phase de relaxation isovolumétrique. Différences structurelles entre les ventricules VG conique en obus épaisse (12 mm) 3 couches : longitudinale sousépicardique, circulaire centrale, longitudinale sous-endocardique Contraction principale circulaire (80% de l’éjection) Forme Paroi Structure Pression développée Vol télédiastolique Fraction d'éjection Contractilité (Emax) Débit Précharge Postcharge Perfusion coronarienne Extraction d’O2 120-200 mmHg 40-80 mL/m2 0.6 – 0.7 5.5 mmHg/mL dépend de la précharge intrathoracique (poumons) extrathoracique (RAS) diastolique 75% VD croissant enroulé autour du VG mince (4 mm), très trabéculée 2 couches : circulaire externe + longitudinale profonde longitudinale péristaltique (60% de l’éjection), apport du VG : 40% de l’éjection 25-40 mmHg 50-100 mL/m2 0.5 – 0.6 1.3 mmHg/mL sensible à la postcharge extrathoracique (VCI) intrathoracique (RAP) systolique et diastolique 50% La contraction du VD comprend 4 mouvements différents: - Contraction longitudinale péristaltique de la base vers l'apex et la CCVD, mouvement de propulsion principal - Contraction radiaire de la paroi libre; contribution peu importante au volume systolique - Torsion de 20-25° - Apport important du VG: épaississement du septum et traction sur les fibres circulaires communes aux deux ventricules (30-40% de l'éjection systolique). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 146 Régime de pression du VD Le VD opère à des régimes de pression normalement très inférieurs à ceux du VG [207] : PAP 20/10 - 30/15 mmHg (PAPmoy 10-19 mmHg) ; RAP : 65-150 dynes•s•cm-5 (1-2 U Wood) ; 1 U Wood = (PAPm – PAPO) / DC, en mmHg•min•L-1; on obtient un résultat en dynes•s•cm-5 en multipliant par 80. Cette postcharge très basse fait que le VD n’est pas indispensable au débit pulmonaire en respiration spontanée, pendant laquelle la dépression inspiratoire est suffisante pour aspirer le volume systolique dans les vaisseaux pulmonaires dont les résistances sont basses. La compliance vasculaire est uniformément répartie à travers les poumons, qui sont les seuls organes à recevoir la totalité du débit cardiaque, alors qu’elle est due à la seule élasticité de l’aorte et des grandes artères dans le circuit systémique. Au cours d’un effort d’endurance, la postcharge du VD s’élève proportionnellement davantage que celle du VG parce que les vaisseaux pulmonaires sont déjà vasodilatés au repos et ne peuvent pas augmenter leur capacitance face à un haut débit systolique [212a]. Ce n’est pas le cas pour le VG parce que les résistances artérielles systémiques baissent à l’effort isotonique, ce qui maintient stable le niveau de sa postcharge. Le VD agit comme régulateur d’entrée pour le VG puisqu’il maintient un débit pulmonaire constant sur de vastes plages de précharges différentes. Sa compliance est élevée : il accommode de grandes variations de volume sans modifier significativement sa pression de remplissage. Sa boucle pression / volume a un aspect triangulaire (Figure 5.103) parce que l’éjection débute pendant la contraction isovolumétrique et se poursuit pendant la relaxation isovolumétrique ; sa pente d'élastance maximale (Emax) est plus faible que celle du VG (1.3 au lieu de 5 mmHg/mL) et son travail systolique le quart de celui du VG [159,207]. Le VD est excessivement sensible à la postcharge, qui est normalement basse ; il est une excellente pompe-volume mais une médiocre pompe-pression. Une augmentation de postcharge se traduit par une baisse immédiate du volume systolique et par un accroissement rapide du volume télédiastolique induisant une dilatation ventriculaire (Vtd > 85 mL/m2, SVD > 0.7 SVG) (Figure 5.104A). Comme la courbe de Starling du VD est très plate, l’augmentation de précharge est un moyen peu efficace pour améliorer le débit (Figure 5.104B). La pression systolique maximale que peut supporter momentanément un VD non hypertrophié est de 60 mmHg pour une courte durée (1-2 heures); à plus long terme, elle est de 40 mmHg. Lorsqu'il s'hypertrophie sur une surcharge chronique de volume ou de pression, le VD présente des caractéristiques qui se rapprochent de celles du VG; il peut alors maintenir son volume éjectionnel sur une plus vaste plage de postcharge, mais perd sa capacité à tamponner les variations rapides de volume car son débit devient précharge-dépendant dépendant (mécanisme de Frank-Starling). Il recourt à ce même mécanisme pour varier son débit lorsqu’il est chroniquement dilaté sur une surcharge de volume [433]. Le tonus artériel pulmonaire, qui est maintenu en vasodilatation active permanente, est le fruit de plusieurs activités [27,327]. Le NO• est un vasodilatateur pulmonaire actif, puissant et rapide, synthétisé dans l’endothélium vasculaire en fonction de la pression et de la pulsatilité artérielles ; sa durée de vie est brève (10-60 sec). Il agit en augmentant l’activité du cGMP. Il inhibe l’agrégation plaquettaire [77]. Les prostaglandines (PG) sont activement synthétisées dans les tissus vasculaires pulmonaires. La PGI1 et la PGE2 sont vasodilatatrices, alors que la PGF2α et la PGA2 sont vasoconstrictrices. Elles inhibent toutes l’agrégation plaquettaire [401]. L’acidose, l’hypercapnie et l’hypoxie provoquent une vasoconstriction puissante à cause de l’augmentation locale de la concentration en ion H+. Le mécanisme est une augmentation de la [Ca2+] intracellulaire dans la musculature lisse des vaisseaux (voir Figure 5.113 page 159). L’endothéline (ET1), la sérotonine et l’angiotensine II sont des vasoconstricteurs pulmonaires. Ils stimulent également la croissance des fibroblastes, ainsi que l’hypertrophie et l’hyperplasie Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 147 de la musculature lisse. Les facteurs qui règlent leur sécrétion sont le flux sanguin, la pulsatilité, le stress de la paroi vasculaire et l’hypoxie [54,327,351]. Pression Emax 3 2 1 Compliance 4 V0 Volume © Chassot 2010 Figure 5.103 : Diagramme Pression – Volume du ventricule droit. Comparée à celle du VG (voir Figure 5.48, page 59), la boucle Pression – Volume n’a pas une forme de quadrilatère mais plus ou moins de triangle. La pente Emax est plus faible et la courbe de compliance plus plate. 1 : point télédiastolique. 1 → 2 : contraction isovolumétrique. 2 : début de l’éjection. 2 → 3 : phase de l’éjection systolique. 3 : point télésystolique. 3 → 4 : relaxation isovolumétrique. 4 : début du remplissage. 4 → 1 : remplissage diastolique [250]. Les récepteurs α1 sont actifs mais très peu nombreux dans l’arbre vasculaire pulmonaire ; leur existence même reste controversée. Des stimulants α comme la nor-adrénaline, les anorexigènes et la cocaïne provoquent une faible vasoconstriction ; la phentolamine induit une vasodilatation. Ces substances n’agissent qu’à concentration élevée et/ou chronique [211]. L’innervation sympathique vasculaire pulmonaire est peu développée. Les récepteurs β1 provoquent une vasodilatation, mais leur activité n’est pas essentielle à son maintien. De ce fait, le bloc de la péridurale thoracique haute (C7-D4) tend plutôt à inhiber la vasodilatation pulmonaire active chez l’individu sain. En cas d’hypertension pulmonaire chronique, par contre, la population de récepteurs α1 est augmentée et le bloc sympathique peut contribuer à baisser les RAP [27,379]. La pression pulmonaire ne s’élève normalement pas avec l’exercice, car l’effet de l’augmentation du débit cardiaque est contre-balancé par une vasodilatation, essentiellement contrôlée par la production locale de NO•. Les vasodilatateurs pulmonaires sont plutôt des anti-vasoconstricteurs pulmonaires. L'hyperventilation (pCO2: 25 - 30 mm Hg, pH = 7.5) et le NO• inhalé reproduisent les mécanismes physiologiques de la vasodilatation pulmonaire [120]. Quatre phénomènes principaux augmentent l'impédance à l'éjection du VD. Vasoconstriction pulmonaire: hypercapnie, hypoxie (pO2 < 60 mm Hg), acidose respiratoire ou métabolique, hypothermie, protamine, digitale. Augmentation de la résistance mécanique à l'éjection: embolies pulmonaires, Pit élevée (PEEP > 15 cm H2 O), hyperinflation pulmonaire, maladies parenchymateuses (BPCO, SDRA), atélectasies. Stase gauche: insuffisance congestive gauche, sténose ou maladie mitrale, obstruction veineuse pulmonaire. Flux pulmonaire augmenté: shunt gauche-droit, fistule artério-veineuse. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 148 Figure 5.104 : Effets des variations de précharge et de postcharge sur les ventricules droit (en bleu) et gauche (en rouge) [250]. On voit l'extrême sensibilité du VD à l'élévation de sa postcharge, mais sa stabilité lors des variations de précharge. Volume systolique (%) Travail systolique (gm/ml) 100 50 90 40 VG VD 80 30 70 20 60 10 10 20 30 100 110 120 130 Postcharge (mmHg) 10 20 30 40 Précharge (mmHg) Lorsque sa postcharge augmente de manière brusque, le VD se dilate parce que sa paroi est trop faible pour résister à l’augmentation de pression. Le remplissage du VD est extrêmement sensible au régime de pression intrathoracique puisque les pressions diastoliques droites normales sont voisines des pressions respiratoires. La ventilation mécanique peut générer une Pit qui se rapproche de la pression systolique droite normale (20-30 cm H2 O). Comme la précharge du VD est extrathoracique et sa postcharge intrathoracique, une élévation de sa pression d'environnement conduit à une baisse de son remplissage et à une élévation de sa postcharge, d'où une chute de son volume d'éjection. Fonction du VD (I) Régime de pression du VD: 20/0 – 30/5 mmHg, RAP: 65 – 150 dynes•s•cm-5 (1-2 U Wood). Boucle P/V triangulaire, l'éjection commençant pendant la contraction isovolumétrique. Travail VD = 0.25 travail VG. Courbe de Starling très aplatie ; le débit du VD est peu sensible aux variations de sa précharge mais très sensible à celles de sa postcharge (dilatation si augmentation aiguë). Le VD est très sensible aux variations ventilatoires de la Pit (IPPV, PEEP). L'arbre vasculaire pulmonaire est maintenu en vasodilatation de manière active (NO•, prostaglandines, faible innervation α, prédominance de récepteurs β). L'acidose, l'hypoxie, l'hypercapnie et l'hypothermie provoquent une vasoconstriction pulmonaire. Le VD dilate en cas d'HTAP aiguë (pression maximale développée par un VD nornal: 50 mmHg, volume limite: 120 mL/m2). Si la postcharge est chroniquement élevée, le VD s'hypertrophie. Plus l'HVD est importante, plus le VD se comporte comme un VG et devient résistant à la postcharge mais sensible à la précharge. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 149 Le VD est également très sensible à la pression qui règne dans le péricarde parce que sa structure est très souple. Lorsque la volémie est normale, le péricarde n’exerce aucune pression sur les cavités droites, mais lorsque celles-ci sont dilatées, il agit comme une butée : le 40% de la PtdVD est due à l’action du péricarde lorsque cette dernière est ≥ 12 mmHg [13]; pour le VD, c'est l'équivalent d'une tamponnade. L’ablation expérimentale du péricarde augmente beaucoup la compliance du VD et lui permet de tolérer de fortes augmentations de volume sans augmentation de pression. En clinique, l’ouverture du péricarde décomprime le VD, et libère également le VG de la restriction diastolique par le bascule du septum interventriculaire vers la gauche. Cette technique fait partie du traitement de l’insuffisance droite aiguë. Interdépendance ventriculaire Les deux ventricules sont étroitement interdépendants. Une augmentation de pression ou de volume de l’un d’entre eux retentit immédiatement sur l’autre pour plusieurs raisons [41a,125a,267,344]. Le VD assure la précharge du VG ; sa défaillance entraîne un défaut de remplissage gauche, donc un petit volume systolique et un bas débit systémique (temps de transit pulmonaire: 2-5 cycles cardiaques), qui à son tour compromettent la perfusion coronarienne du VD. Les ventricules partagent une paroi commune, le septum interventriculaire (SIV), dont la position est définie par le gradient de pression entre le VD et le VG ; la contraction du SIV dépend essentiellement du VG et le fait normalement bomber dans le VD en systole. Le péricarde qui enveloppe les quatre chambres cardiaques représente une butée à l’augmentation de volume des ventricules ; plus leur volume diastolique est grand, plus le couplage entre eux est serré (il est de 1:1 lorsque la PtdVD est > 15 mmHg et la PtdVG > 20 mmHg) ; en hypovolémie, ce couplage diminue [265]. La composante due à la contraction du VG représente 30-40% de la pression générée dans le VD. Plus la surcharge droite augmente, plus l’assistance du VG est importante. Le bascule du septum interventriculaire dans le VG en diastole en cas de dilatation du VD (défaillance et/ou surcharge de volume) et en systole en cas de surcharge de pression du VD perturbe le remplissage et l’éjection du VG, dont le débit baisse. En cas de surcharge de pression, la durée de la contraction systolique du VD s’allonge et se continue lorsque le VG est déjà en diastole, ce qui occasionne un bascule du septum dans ce dernier et une désynchronisation de sa contraction ; l’éjection gauche perd en efficacité comme lors d’un bloc de branche gauche complet. La réduction de volume du VD s’il est dilaté (nitroglycérine, diurétique) améliore la performance du VG ; l’augmentation de la postcharge du VG s’il est comprimé repositionne le septum et améliore la performance du VD. La mise en route d’une assistance univentriculaire gauche peut non seulement démasquer une insuffisance droite sous-jacente mais encore supprimer le soutien du septum à l’éjection droite par décompression du VG. La perfusion coronarienne droite dépend du rapport de pression entre le VD et l’aorte en systole et en diastole. En cas de surcharge de volume droite (communication interauriculaire, insuffisance tricuspidienne), le volume télédiastolique du VD est augmenté et le SIV bombe dans le VG en diastole ; le volume et la compliance diastoliques du VG sont réduits (effet Bernheim), et son volume systolique baisse de 2030% (Figure 5.105) [117,239]. En systole, la contraction du SIV, qui reprend sa position normale convexe dans le VD, constitue une participation majeure du VG à l’éjection du VD (Figure 5.106A). Le mouvement du SIV basculant alternativement dans le VD (systole) et le VG (diastole) est bien visible à l’échocardiographie; on parle de mouvement paradoxal du septum. Cette interdépendance ventriculaire est potentialisée par la contrainte mécanique du péricarde; elle est accentuée en cas de constriction ou de tamponnade; elle est diminuée par une péricardiectomie ou par des vasodilatateurs qui décompriment la surcharge du VD [13]. En cas de défaillance droite, le VG est donc doublement pénalisé par diminution à la fois de son retour veineux (bas débit pulmonaire) et de son volume Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 150 diastolique (compression trans-septale). L’ouverture du péricarde, ou sa non-fermeture après une intervention cardiaque, décomprime le VD et surtout améliore le remplissage du VG. Figure 5.105 : Bascule du septum interventriculaire dans le VG lors de surcharge pulmonaire et/ou de défaillance ventri-culaire droite (effet Bernheim). Le remplissage diastolique du VG est handicapé, et le volume systolique baisse. Le septum interauriculaire bombe dans l’OG. OD OG OG OD VG VG VD VD Apex © Chassot 2012 En cas de surcharge systolique par augmentation des pressions droites (hypertension pulmonaire, BPCO sévère, embolie massive), la durée d’éjection du VD est allongée à cause de la hausse de postcharge ; la systole droite se prolonge donc pendant le début de la relaxation du VG, et occasionne un bascule du SIV dans le VG ; lorsque comence la systole du VG, le septum est repoussé dans le VD. Même s’il ne reprend pas une position normale à cause de l’hyperpression droite, le septum donne l’apparence d’être dyskinétique à l’échocardiographie. Cette pseudo-dyskinésie n’est pas liée à une activation électrique anormale ou à un bloc de branche, mais uniquement à l’allongement de la systole du VD. En cas d’hypertrophie importante du VD secondaire à une surcharge de pression chronique, le SIV est bombé dans le VG en diastole et en systole ; le VD prend une forme ovale au lieu de croissant, ce qui réduit d’autant le volume du VG (Figure 5.106B) [24]. Lorsque la performance systolique du VG est diminuée par l’empiètement du VD, l’assistance fournie par le VG au VD est également diminuée. Il s’installe alors un cercle vicieux, la défaillance d’un ventricule aggravant celle de l’autre. Une amélioration de la fonction gauche (contre-pulsion intra-aortique, assistance ventriculaire) représente alors une aide à l’éjection droite. Le bascule du septum interventriculaire est un bon marqueur du degré de défaillance droite, et son retour en position médiane signe l’efficacité de la thrérapeutique. Figure 5.106 : Vues en court-axe des ventricules (échocardiographie transoesophagienne) lors de surcharge du VD. A : Surcharge de volume. Le septum interventriculaire bombe dans le VG en diastole (effet Bernheim), mais non en systole car la pression et la force de contraction du VG restent supérieures à celles du VD dilaté. B : Surcharge de pression. Le septum interventriculaire bombe dans le VG aux deux temps car la pression du VD hypertrophié est capable de repousser le VG. PAL : pilier antéro-latéral. PPM : pilier postéro-médian [Adapté de Réf 24]. A Diastole Systole B Diastole Systole © Chassot 2012 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 151 Perfusion coronarienne Dans le système droite-dominante (interventriculaire postérieure en provenance de la CD, 80% de la population), la coronaire droite vascularise la majeure partie du VD, sauf la région antérieure et antéro-septale qui est perfusée par l’IVA. La perfusion coronarienne du VD a lieu en diastole et en systole (Figure 5.107A). Si la pression intraventriculaire systolique droite s'élève au-dessus de la pression moyenne aortique, la perfusion systolique est amputée, et le VD est ischémié malgré la persistance du flux coronarien diastolique. Il faut alors augmenter la pression systémique par un vasoconstricteur; à noter que la noradrénaline est métabolisée par l'endothélium pulmonaire et que ses concentrations sont plus élevées en cas d'hypertension pulmonaire [211]. Un infarctus de la paroi libre du VD entraîne une distension de cette paroi en systole, ce qui réduit le volume systolique du VD mais diminue aussi la contribution du VG à l’éjection droite, parce que la paroi n’est plus stabilisée en systole. Bien qu’elle concerne le VG, une ischémie septale anéantit l’aide à l’éjection pour le VD. Ainsi, un phénomène qui réduit la fonction systolique d’un ventricule diminue également la performance de l’autre. D’autre part, l’hypovolémie réduit le degré de couplage des ventricules, donc diminue l’aide apportée par le VG au VD. 1 Flux 3 2 Flux coronaire VD Flux coronaire VG Systole Diastole © Chassot S D S D 2008 Figure 5.107A : Flux coronarien droit et gauche. 1): schéma du flux coronarien systolo-diastolique dans le ventricule droit (trait bleu) et dans le ventricule gauche (trait rouge). 2): enregistrement Doppler du flux dans l'artère interventriculaire antérieure (IVA) à l'échocardiographie transeosophagienne. 3): enregistrement Doppler du flux dans la coronaire droite à l'échocardiographie transeosophagienne. Le flux est situé en dessous de la ligne de base parce qu’il s’éloigne du capteur situé dans l’œsophage. Fonction du VD (II) L'interdépendance ventriculaire augmente en cas de dilatation droite et/ou gauche et en cas de restriction péricardique. Lors de surcharge de volume, le VD bombe dans le VG en diastole et restreint le remplissage du VG (effet Bernheim). Lors de surcharge de pression, le VD bombe dans le VG en diastole et en systole (allongement de la durée d'éjection droite, pression VD momentanément > pression VG et dyskinésie septale). La perfusion coronarienne du VD est systolo-diastolique. Si la PsystVD est > PAmoy aortique, la perfusion coronarienne systolique cesse (ischémie VD), d'où l'importance des vasoconstricteurs systémiques dans la prise en charge de l'hypertension pulmonaire et l'insuffisance droite. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 152 Dysfonction du VD Excellente pompe-volume, le VD est une médiocre pompe-pression. Une augmentation de sa postcharge se traduit immédiatement par une dilatation ventriculaire (Vtd > 120 ml/m2). Lorsqu'il s'hypertrophie sur une surcharge chronique de volume ou de pression, le VD présente des caractéristiques qui se rapprochent de celles du VG; il peut alors maintenir son volume éjectionnel sur une plus vaste plage de postcharge, mais perd sa capacité à tamponner les variations rapides de volume car son débit devient précharge-dépendant. En clinique, trois phénomènes principaux augmentent l'impédance à l'éjection du VD et sont responsables de l'insuffisance droite. L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP précapillaire) : • HTAP primaire idiopathique ; • HTAP secondaire : cardiopathies congénitales, âge, obésité, SAS, cocaïne, HIV, anorexigènes ; • HTAP sur vasoconstriction pulmonaire : hypoxie (pO2 alvéolaire < 60 mm Hg), hypercapnie, acidose métabolique, hypothermie, protamine, digitale. Les pathologies du cœur gauche engendrant une stase pulmonaire (HTP postcapillaire) : dysfonction du VG, maladie mitrale ; Les pathologies pulmonaires (BPCO, SDRA, asthme, embolie pulmonaire, PEEP excessive, etc) ; la ventilation mécanique avec PEEP peut générer une Pit (≥ 20 cm H2 O) qui voisine la pression systolique droite normale (20-25 mmHg). L’augmentation de postcharge du VD dans l’HTAP est proportionnellement beaucoup plus importante que celle du VG dans l’hypertension artérielle systémique [125a]. Outre l’augmentation de postcharge, l’insuffisance droite peut être due à deux autres phénomènes. Augmentation de précharge : surcharge de volume par communication interauriculaire (CIA), insuffisance tricuspidienne, fistule artério-veineuse, mise en route d’une assistance ventriculaire gauche qui augmente soudain le débit systémique et le retour veineux vers l’OD. Maladie primaire du VD : dysplasie arythmogène du VD, cardiomyopathie, infarctus, ischémie aiguë, cardiopathie congénitale, dépression contractile du choc septique (la défaillance du VD est présente dans un tiers des cas de sepsis). Le coefficient d’extraction d’O2 du VD est de 50% ; il dispose donc de davantage de réserve que le VG face à une ischémie. La perfusion coronarienne du VD a lieu en diastole et en systole, puisque la pression systolique droite est très inférieure à la pression aortique (Figure 5.107B). Si la pression intraventriculaire systolique droite s’élève alors que la pression aortique baisse, la perfusion systolique diminue et le VD est ischémié malgré la persistance du flux coronarien diastolique. Il faut alors augmenter la pression systémique par un vasoconstricteur (noradrénaline, vasopressine). Comme le réseau artériel pulmonaire est pauvre en récepteurs alpha, l’effet d’une perfusion de noradrénaline est essentiellement systémique. Les récepteurs à la vasopressine sont absents du lit pulmonaire. Le VD ischémié présente souvent également une surcharge systolique parce que des résistances pulmonaires normales sont encore trop élevées pour un ventricule défaillant. Lors d'insuffisance droite, la pression de l'OD augmente et se répercute sur celle du sinus coronaire; à quoi s'ajoute l'effet de la régurgitation tricuspidienne en systole (effet érectile) [147]. Cette surpression veineuse diminue d'autant la pression de perfusion coronaire. De plus, la PVC élevée freine le drainage lymphatique qui se déverse au confluent jugulo-sous-clavier gauche (angle veineux de Pirogoff) et contribue à la formation d'un oedème myocardique, qui altère la diffusion tissulaire de l'O2. La dilatation du VD fait bomber le septum interventriculaire vers la gauche en diastole, ce qui réduit le remplissage du VG et abaisse son volume systolique (Figure 5.105). Elle élargit l’anneau tricuspidien, et provoque une insuffisance tricuspidienne (IT) (Figure 5.108). Cette IT contribue à la baisse du débit cardiaque antérograde, augmente la stase veineuse (oedème, ascite, hépatomégalie), et contribue à la rétention de sel et d'eau. Ces différents phénomènes aggravent la dysfonction gauche, ce qui à son Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 153 tour élève la postcharge droite à cause de la stase pulmonaire et institue un cercle vicieux (Figure 5.109). A cause de la stase dans l’OD, le septum interauriculaire bombe dans l’OG. Le risque d’arythmies ventriculaires est directement lié au degré de dilatation du VD. P Ao P VD P A 100 PP CD 50 Normal 0 HTAP © Chassot 2015 Figure 5.107B : Pression de perfusion coronarienne du VD. Vu la différence de pression entre l’aorte (P Ao) et le VD (P VD), la perfusion coronaire droite (PP CD) est systolo-diastolique. En cas d’hypertension pulmonaire (HTAP), la composante systolique de la perfusion droite est compromise. Le VD peut souffrir d’ischémie même si la perfusion diastolique est maintenue. Dans le schéma, la pression aortique est inchangée ; dans la réalité, une perfusion de vasopresseur systémique est nécessaire pour maintenir l’adéquation de la composante systolique en cas d’HTAP. Pression P en mmHg. A B OD OG OD VD VG VD Figure 5.108 : Insuffisance tricuspidienne (IT). Le jet systolique rétrograde dans l’OD a une vélocité de 2-3 m/s. A : IT en cas de RAA. B : IT en cas d’insuffisance aiguë du VD (embolie pulmonaire). En chirurgie cardiaque, la défaillance droite réfractaire (incidence 0.1-1%) est associée à une mortalité supérieure à 50% [160]. Elle est liée à plusieurs facteurs. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 154 Hypertension pulmonaire ↑ pré/postcharge ↑ Stress de paroi VD ↑ Vol td VD ↓ PP coronaire Ischémie VD IT ↑↑ Acidose Kinines IVD Dilatation Stase ↓ perfusion tissulaire ↓ Vol syst VG Insuffisance VG Retour → VG ↓ Septum → VG ↓ Vol TD VG Œdème interstitiel ↓ Drainage lymphatique Endotoxines TD ↓ excrétion Na Ascite Stase VCI © Chassot 2014 Figure 5.109 : Mécanismes impliqués dans l'insuffisance ventriculaire droite congestive (IVD), engendrant une série de cercles vicieux conduisant à l’auto-agravation de la situation. Vol: volume. TD: télédiastolique. IT : insuffisance tricuspidienne. PP: pression de perfusion. TD : tube digestif. VCI : veine cave inférieure. Ischémie (baisse de la pression de perfusion coronarienne, embolie coronarienne droite) ; Défaillance gauche et hypertension pulmonaire postcapillaire ; Assistance ventriculaire: la décharge du VG par une assistance ventriculaire gauche peut décompenser le VD à cause de l’augmentation soudaine du débit systémique et de la décompression brusque du VG : ne bombant plus dans le VD, le septum interventriculaire supprime son aide à l’éjection droite (interdépendance ventriculaire systolique) ; Postcharge excessive : aggravation d’une hypertension pulmonaire (BPCO), administration de protamine (incidence 1.6%), hyperventilation en pression positive avec PEEP élevée ; Défaut de cardioprotection, CEC longue ; Dans le postopératoire : tamponnade, SDRA, choc septique. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 155 En cas d'hypertension pulmonaire, la fonction du VD a une meilleure valeur pronostique de morbimortalité que la valeur de la pression artérielle pulmonaire. La PAP étant la résultante de l’éjection du ventricule droit contre les résistances pulmonaires, une baisse de la PAP peut fort bien représenter une défaillance du VD et non une amélioration de la circulation pulmonaire (voir Figure 5.111). Une information majeure sur la fonction du VD peut être obtenue par l’enregistrement de la pression intraventriculaire droite (PVD) (port ventriculaire d’un cathéter pulmonaire Paceport™). La superposition des courbes de PVD et de PAP montre que la pression diastolique du VD, normalement horizontale et inférieure à la PAPd, devient oblique ascendante lors de défaillance du VD, au point que sa valeur télédiastolique devient identique à celle de la PAPd (voir Chapitre 12, Figure 12.12B) [98b]. Lorsque le VD est distendu et rigide (insuffisance diastolique restrictive), sa pression télédiastolique peut même être supérieure à celle de la PAPd et donner lieu à un flux antérograde en télédiastole (voir Chapitre 25, Figure 25.77E). L’accélération de la pente ascendante de la pression systolique intraventriculaire (dP/dt) diminue lors de décompensation droite. D’autre part, une élévation de la pression systolique du VD de > 6 mmHg par rapport à la PAPs indique la présence d’une obstruction dynamique de la chambre de chasse du VD ; le gradient de pression peut dépasser 25 mmHg dans 4% des cas d’instabilité hémodynamique après CEC [98b]. Les trois principaux critères d’amélioration fonctionnelle lorsqu’on traite une défaillance droite sont le repositionnement du septum interventriculaire, la baisse de la PVC et l’augmentation du volume systolique. Dysfonction du VD L'insuffisance droite est due 1) à une cardiopathie du VD (ischémie, cardiomyopathie), 2) à une surcharge de volume (CIA, IT) ou 3) le plus souvent, à une surcharge de pression: - HTAP précapillaire (idiopathique, âge, obésité, vasoconstriction pulmonaire) - HTAP postcapillaire (stase gauche, décompensation du VG, maladie mitrale) - Pathologies pulmonaires (BPCO, SDRA, embolie, PEEP excessive) L'insuffisance droite est un facteur de mortalité majeur. Le pronostic clinique est davantage déterminé par la fonction du VD que par la valeur de la pression pulmonaire. Hypertension pulmonaire (HTP) Définition et étiologies L'hypertension pulmonaire (HTP) est définie par une pression moyenne (PAPm) > 25 mmHg au repos et des RAP > 240 dynes•s•cm-5 ou > 3 U Wood (valeur normale : 60-150 dynes•s•cm-5, < 2 U Wood) [133b,248a,364a]. L’élévation de la PAPm > 30 mmHg à l’effort n’est plus retenue dans la définition de l’HTAP, car cette valeur peut être atteinte chez l’individu normal. Avec l’âge, la PAP s’élève de 1 mmHg par tranche de 10 ans [193]. Elle augmente aussi parallèlement au BMI. De l’équation de la résistance artérielle RAP = (PAPmoy - PAPO) • 80 / DC, on peut extraire : PAPm ≈ ( PAPO + RAP ) • DC La pression pulmonaire est donc déterminée par quatre catégories de facteurs [193] : PAPO ; hypertension postcapillaire : cardiopathies gauches, maladie veino-occlusive. RAP (résistance statique artériolaire représentant 75% de la postcharge du VD) ; hypertension artérielle précapillaire : HTAP primaire, embolie pulmonaire, BPCO, hypoxie. Impédance (résistance due à la pulsatilité de l’arbre pulmonaire, non-mesurée en clinique, représentant 25% de la postcharge du VD) . Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 156 DC ; surcharge de volume : shunt gauche – droit, insuffisance tricupidienne sévère. Conceptuellement, l’abbréviation HTAP est réservée à l’hypertension artérielle pulmonaire liée à une augmentation des résistances artériolaires, alors que le terme HTP recouvre l’ensemble des lésions qui entraînent une élévation de la PAP (lésions pulmonaires tissulaires, hypertension veineuse pulmonaire, etc). Dans l’usage courant, on ne fait souvent pas la différence. L’étiologie de l’HTP relève de 5 groupes de causes, selon la classification de l’OMS [325,364.364a]. 1 - Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) proprement dite : o HTAP primaire (idiopathique familiale) ; la prévalence de l’HTAP primaire est de 15 cas (France) à 25 cas (Suisse) par million d’habitants [398]. o HTAP des cardiopathies congénitales (10% des cas adultes). o HTAP secondaire à des médicaments (anorexigènes comme l’aminorex, la fenfluramine ou le benfluorex, cocaïne, amphétamines, imatinib, interféron), à des maéadies (HIV, hypertension portale, schistostomiase, sclérodermie), à l’obésité ou à l’âge ; vu sa fréquence (200 millions d’humains), la schistostomiase est probablement la principale cause d’HTAP dans le monde. 1’ – Maladie pulmonaire veino-occlusive. 1’’ – HTAP persistante du nouveau-né (2 :1'000 bébés). 2 - Hypertension pulmonaire (HTP) postcapillaire (P télédiast VG > 18 mmHg, PAPO > 15 mmHg, mais RAP < 3 U Wood et gradient transpulmonaire < 12 mmHg) : défaillance systolique ou insuffisance diastolique restrictive du VG, valvulopathie mitrale ; c’est la cause la plus fréquente d’HTP chez l’adulte (65% des cas) [112a,398a]. 3 - HTAP associée à l’hypoxie alvéolaire : BPCO, emphysème, SDRA, apnée du sommeil (SAS), hypoxie d’altitude, PEEP excessive ; l’élévation de la PAP est en général modérée (PAPm 25-35 mmHg). 4 - HTAP liée à la maladie thrombo-embolique pulmonaire chronique ; 4% des embolies pulmonaires aiguës se soldent par une non-résorption des thrombi. 5 - HTAP d’origine multifactorielle non éclaircie (sarcoïdose, histiocytose X, maladie de Gaucher, anémie hémolytique, maladies myéloprolifératives, insuffisance rénale dialysée). Dans les groupes 1, 3, 4 et 5, l’HTAP est précapillaire ; la POG et la PAPO sont normales (PAPO < 15 mmHg), et le gradient transpulmonaire (GTP = PAPm – POG, ou PAPm - PAPO) est supérieur à 12 mmHg ; les RAP sont élevées (> 240 dynes•s•cm-5 ou > 3 U Wood). Dans le groupe 2, l’HTP est primairement postcapillaire : POG élevée et PAPO > 16 mmHg, RAP et gradient transpulmonaire normaux (GTP ≤ 12 mmHg) ; le gradient entre la PAPdiast et la PAPO est < 5 mmHg. Cette élévation passive de la PAP est réversible si la lésion gauche est corrigée (remplacement mitral, par exemple) [154a]. Cependant, cette HTP, qui induit aussi une dysfonction endothéliale avec altération de la production de NO et d’endothéline, est souvent accompagnée d’une vasoconstriction artériolaire réactionnelle (HTAP) qui augmente la PAP sans proportion avec l’élévation de la pression veineuse pulmonaire (gradient transpulmonaire > 12 mmHg dans 45% des cas). La finalité de cette vasoconstriction liée au remodelage artériolaire est probablement de diminuer l’engorgement pulmonaire en freinant le débit : l’administration de NO dans cette situation augmente la POG et la congestion capillaire [398a] ; elle peut même conduire à l’OAP [154a]. Bien que la correction chirurgicale des lésions gauches puisse normaliser la pression veineuse pulmonaire, cette vasoconstriction artérielle persiste dans le postopératoire, même si elle tend à diminuer avec le temps. Les nouveaux concepts issus de la biochimie et de la génétique tendent à regrouper les mécanismes étiologiques de l’HTAP sous cinq rubriques différentes [9]. Une dysfonction endothéliale crée un déséquilibre favorisant la vasoconstriction, la thrombose et la mitogenèse. Un polymorphisme génétique modifie l’expression des gènes commandant certains canaux ioniques comme les canaux potassiques dépendant du voltage (KV) ; le non-fonctionnement des canaux KV entraîne une dépolarisation de la membrane qui augmente la concentration Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 157 cytoplasmique de K+ et de Ca2+, d’où activation de la contraction de la musculature lisse. Les canaux KV sont également inhibés par l’hypoxie ; leur perte conduit à la vasoconstriction pulmonaire hypoxique (voir Figure 5.112 page 158). Une prolifération cellulaire excessive, une baisse de l’apoptose et un métabolisme dévié vers la glycolyse (excès de pyruvate-déhydrogénase-kinase qui bloque le cycle de Krebs) dans les cellules musculaires lisses, les fibroblastes et l’endothélium suggèrent des mécanismes analogues à ceux de la cellule cancéreuse. Une vasoconstriction réfractaire peut s’installer par suractivation de la phospholipase C ; elle ne réagit plus aux vasodilatateurs (anticalciques, nitroglycérine). Ainsi, seuls 20% des patients souffrant d’HTAP répondent aux vasodilatateurs. L’état fonctionnel du VD est l’élément déterminant dans le pronostic de l’HTAP. L’augmentation de postcharge induit une hypertrophie ventriculaire droite (HVD), caractérisée par une surexpression de la phosphodiestérase-5, qui métabolise le GMPc, et un excès de pyruvate-déhydrogénase-kinase, qui bloque le cycle de Krebs. Bien qu’hypertrophié, le VD est donc métaboliquement dysfonctionnel. L’HTAP chronique présente une progression dans les lésions anatomo-pathologiques, typiques d’une panvasculopathie (Figure 5.110) [296]. Hyperplasie intimale, épaississement des cellules endothéliales ; Hypertrophie de la média et muscularisation réversible des portions terminales de l’arbre pulmonaire ; Prolifération des fibroblastes adventitiels ; Infiltration de cellules inflammatoires ; Occlusion progressive, thrombose des petits vaisseaux ; aux phases avancées, l’arbre pulmonaire est constellé de thrombus muraux, d’où l’importance d’anticoaguler ces malades [27] ; Lésions plexiformes d’angioprolifération dans l’HTAP idiopathique oblitérant les artérioles; cette lésion ne se rencontre pas dans l’HTP postcapillaire ni dans l’hypoxie pulmonaire. Figure 5.110. Coupes histologiques de l’évolution anatomopathologique de l’hypertension pulmonaire chronique [296]. Hyperplasie de la média Lésion plexiforme Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie Fibrose intimale concentrique Fibrose excentrique 158 La distribution des lésions est très hétérogène. La pathologie épargne les veines, la circulation bronchique, le réseau systémique et les bronches. Au stade terminal, l’HTAP sévère est fixée (PAPm > 55 mmHg, RAP > 800 dynes•s•cm-5) et n’est plus modulable ; c’est le syndrome d’Eisenmenger [287]. Malgré cete fixité, les résistances artérielles peuvent encore augmenter sur l’effet des facteurs métaboliques qui provoquent une HTAP : acidose, hypercapnie, hypothermie, stress, etc. La prévention de ces phénomènes est capitale lorsque l’on prend en charge un patient souffrant d’HTAP fixée. Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) (I) Définition de l'HTAP: PAP moy > 25 mmHg au repos et RAP > 240 dynes•s•cm-5 (valeur normale : 60-150 dynes•s•cm-5). Classification de l'OMS: - HTAP essentielle: HTAP primaire, HTAP des cardiopathies congénitales, HTAP secondaire (médicaments, obésité, âge); - HTAP postcapillaire (insuffisance ventriculaire gauche, valvulopathie mitrale); - HTAP due à l'hypoxie alvéolaire (BPCO, SAS, haute altitude); - maladie thrombo-embolique pulmonaire, - HTAP d’origine multifactorielle non éclaircie. Syndrome d'Eisenmenger: HTAP fixée aréactive, PAPm > 55 mmHg, RAP > 800 dynes•s•cm-5 Physiopathologie En systole, l’arbre vasculaire pulmonaire doit absorber la totalité du volume systolique car la valve mitrale est fermée, raison pour laquelle les RAP sont dix fois plus basses que les RAS. Lorsque le débit cardiaque augmente à l’effort, les résistances vasculaires pulmonaires baissent afin de contenir cet excès de volume, mais la diminution des RAP ne peut pas être importante vu que le lit pulmonaire est déjà en vasodilatation active au repos. La PAP s’élève donc à l’effort. Une augmentation excessive de la PAP à l’exercice est un signe précoce de l’HTAP. Par contre, son augmentation au repos est un signe tardif puisqu’il faut que 50% de la circulation soit obstruée pour qu’elle reste élevée en permanence [219c]. La postcharge du VD consiste en trois composantes : la résistance artériolaire fixe, l’impédance pulsatile et la compliance vasculaire. En clinique, on ne calcule que la première (RAP = (PAPm – PAPO)/DC), qui mesure la résistance moyenne comme si le flux était continu ; elle représente 60-70% de la résistance à l’éjection [219a,407b]. La deuxième quantifie la postcharge dynamique du VD puisqu’elle traduit l’opposition au flux dans un système pulsatile (Z = Pinst/flux) ; elle peut se calculer à partir du flux Doppler pulsé dans l’AP et de la mesure simultanée de la PAP. Elle représente le tiers de la postcharge du VD. Comme elle inclut la résistance et la rigidité des vaisseaux pulmonaires, elle offre une meilleure corrélation avec la survie que les RAP seules [249a]. La compliance est le rapport entre le volume systolique et la pression pulsée (C = VS/PP, où PP = PAPs – PAPd). Contrairement à la circulation systémique où elle est localisée dans l’aorte et les grandes artères élastiques, la compliance pulmonaire est le fait de tout l’arbre vasculaire réparti à travers les poumons. L’arbre pulmonaire est donc un système à basse résistance et à haute compliance. Lorsque cette dernière diminue, la différentielle systolo-diastolique, ou pression pulsée, augmente. Comme la compliance et la résistance varient en sens inverse, leur produit (R • C, en 1/seconde) reste constant ; il représente la constante de temps qui caractérise la baisse de la PAP en diastole [219a] ; il reste stable au cours du traitement de l’HTAP, alors que l’évolution naturelle de la maladie entraîne une baisse de compliance plus importante que l’augmentation des RAP. La compliance est donc un Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 159 marqueur plus fin du degré d’HTAP : un rapport VS/PP < 0.81 mL/mmHg prédit une probabilité de survie à 4 ans de < 40%, alors qu’un rapport > 2.0 prédit une survie de 100% [235a]. D’ailleurs, la rigidité de l’arbre vasculaire (baisse de la compliance) est le principal déterminant lié à la diminution des indices de fonction du VD [376a]. La relation qui unit la résistance et la compliance n’est toutefois pas linéaire, mais curvilinéaire et logarithmique [219b]. Ainsi de petites variations de résistance se traduisent par de larges variations de la compliance lorsque les RAP sont basses et que la courbe est redressée, alors que les mêmes variations de résistance modifient peu la compliance lorsque les RAP sont élevées parce que la courbe est assez plate. Les vasodilatateurs pulmonaires sont donc plus efficaces au début de la maladie qu’en phase terminale. La silhouette de la courbe de pression systolique en AP illustre le degré de rigidité des vaisseaux pulmonaires (voir Chapitre 12, Figure 12.28A) : on voit une augmentation de la pression pulsée et de la pression de réflexion (pression réfléchie : voir Couplage ventriculo-artériel) caractéristique de l’HTAP ; la deuxième s’ajoute à la pression d’éjection du VD et augmente donc sa postcharge réelle [61a]. Les vaisseaux pulmonaires sont moins innervés que le circuit systémique et ont une répartition différente des récepteurs sympathiques ; les récepteurs α y sont rares et les récepteurs β prédominent. La stimulation sympathique a un effet préférentiellement β vasodilatateur lorsque les RAP sont basses, mais un effet α vasoconstricteur lorsque les RAP sont déjà élevées [379]. Les vasoconstricteurs comme la nor-adrénaline ou la phényléphrine ont moins d’effet sur la circulation pulmonaire que sur la circulation systémique [327]. Les récepteurs à la vasopressine semblent absents du lit pulmonaire. Les vaisseaux pulmonaires sont maintenus dans une vasodilatation active permanente, qui est la résultante d’un équilibre dynamique entre plusieurs éléments. NO• : vasodilatateur sécrété localement par l’endothélium en fonction de la pulsatilité locale ; la NO-synthase transforme l’arginine en citrulline qui est le donneur de NO•. Prostacycline I2E1 : vasodilatation. La prostacycline est produite à partir de l’acide arachidonique par la cyclo-oxygénase endothéliale ; elle stimule l’adénylate-synthase qui transforme l’ATP en cAMP. Endothéline E1 : vasoconstriction. Thromboxane A2, sérotonine et angiotensine II : vasoconstriction. Hypoxie alvéolaire : vasoconstriction locale si PaO2 < 60 mmHg. Hypercapnie et acidose (élévation de la [H+] locale) : vasoconstriction. Dans l’hypertension artérielle pulmonaire, la production de NO• est freinée, et l’activité des phosphodiestérases-5, qui catabolisent le GMPc, est augmentée. Ceci conduit à une vasoconstriction parce que le GMPc est le messager intracelulaire du NO• ; normalement, il abaisse la [Ca2+]i dans les cellules musculaires lisses et provoque une vasodilatation. Les vasodilatateurs pulmonaires dimiuent également l’adhésivité plaquettaire, alors que les vasoconstricteurs l’augmentent ; de plus, les vasoconstricteurs favorisent la prolifération cellulaire endothéliale, myoblastique et fibroblastique. La noradrénaline étant métabolisée par l’endothélium pulmonaire, ses concentrations sont plus élevées en cas d’hypertension pulmonaire [211]. Le fonctionnement du VD est au centre de la physiopathologie clinique de l’HTAP. Face à l’augmentation chronique de sa postcharge, le VD dilate et s’hypertrophie (HVD) ; sa masse augmente jusqu’à 6 fois. La plasticité du VD est élevée, puisque l’hypertrophie débute quelques heures déjà après l’augmentation de postcharge [41a]. Plus il est hypertrophié, plus le VD se comporte comme le VG. La proportion de raccourcissement circulaire augmente par rapport au raccourcissement longidutinal. Sa courbe de Starling se redresse et il devient tolérant à l’augmentation de postcharge, mais son débit devient dépendant de la précharge ; il ne peut plus amortir les variations du retour veineux en maintenant le débit pulmonaire constant. L’hypovolémie conduit à une baisse du débit pulmonaire et à une hypoxémie. En diastole, la pression du VD hypertrophié et surchargé est supérieure à celle du VG ; le septum interventriculaire bombe dans le VG et réduit le remplissage diastolique gauche (Figures 5.105 page 142) [193]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 160 Contrairement à l’image que l’on rencontre dans les artères systémiques (voir Figure 5.59 page 72), les courbes de pression et de flux sont pratiquement identiques dans l’artère pulmonaire, parce qu’il existe peu d’onde de pression se réfléchissant en périphérie dans l’arbre vasculaire pulmonaire qui est vasodilaté en permanence. Lorsque les RAP augmentent, cette configuration se modifie : dans l’HTAP, la courbe de pression et celle de flux se dissocient et prennent la même allure qu’en voie systémique. Cela est dû à l’installation d’une onde de pression réfléchie par l’élévation des résistances artériolaires pulmonaires. Pour atteindre de hautes valeurs de PAP, il faut la conjonction de deux éléments : des résistances artériolaires élevées et une force propulsive suffisante. Celle-ci est fournie par le VD hypertrophié. Ainsi, l’HTAP est fonction de la capacité du VD à générer chroniquement des pressions pulmonaires élevées. Une PAP de 90/50 mmHg signifie que le VD est capable de soutenir ce régime de pression. La défaillance droite se traduit au contraire par l’impossibilité de travailler contre une telle postcharge : la PAP tend à redescendre, alors que la situation hémodynamique empire (Figure 5.111) [160]. La gravité et le pronostic de la maladie tiennent donc davantage à la fonction ventriculaire droite qu’à la valeur de la PAP en elle-même. La découverte d’une HTAP dans le préopératoire doit commander immédiatement une échocardiographie pour évaluer la fonction droite, car c’est elle qui va déterminer le risque opératoire, aussi bien en chirurgie cardiaque qu’en chirurgie non-cardique. Figure 5.111 : Schématisation de la relation entre les résistances artérielles pulmonaires (RAS), le débit du VD (D VD) et la pression artérielle pulmonaire (PAP). L’HTAP est fonction de la capacité du VD à générer chroniquement des pressions pulmonaires élevées. Dès que le VD défaille, la PAP tend à redescendre, alors que la situation hémodynamique empire et que les RAS continuent à augmenter. Dans le laps de temps A (en jaune), la PAP mesurée est plus basse que précédemment, non par amélioration de la situation mais pas baisse de fonction du VD. La gravité clinique et le pronostic de la maladie tiennent donc davantage à la fonction ventriculaire droite qu’à la valeur de la PAP en elle-même [75,159]. Résistances Débit Pression RAP PAP D VD A Temps Hypertension artérielle pulmonaire (II) Facteurs étiopathogéniques dans la paroi de l'arbre vasculaire pulmonaire: - Dysfonction endothéliale favorisant la vasoconstriction: ↓ production de NO•, ↓ GMPc, excès de phospholipase C qui conduisent à une ↑ [Ca2+]i - Modifications congénitales du fonctionnement des canaux Kv qui règlent la [Ca2+] dans les cellules musculaires lisses - Prolifération cellulaire excessive et métabolisme dirigé vers la glycolyse Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 161 Lésions histologiques: - Hyperplasie endothéliale et hypertrophie de la média - Fibrose intimale concentrique - Microthromboses - Lésions plexiformes (HTAP précapillaire) Conséquences pour la prise en charge clinique Les patients souffrant d’hypertension pulmonaire se caractérisent par une perte complète de compliance hémodynamique dans la circulation droite. Ils présentent une physiopathologie particulière [27,64,120]. Le débit pulmonaire est abaissé et relativement fixe ; il ne peut pas augmenter proportionnellement à la demande en O2, d’où cyanose à l’effort. Toute élévation du débit cardiaque se traduit par une élévation importante de la PAP. Face à l’augmentation chronique de sa postcharge, le VD se dilate et s’hypertrophie (HVD). Plus il est hypertrophié, plus le VD se comporte comme le VG ; il tolère l’augmentation de postcharge mais son débit devient dépendant de la précharge ; il ne peut plus amortir les variations du retour veineux en maintenant le débit pulmonaire constant ; l’hypovolémie conduit à une baisse du débit pulmonaire et à une hypoxémie. En diastole, le bombement du septum interventriculaire dans le VG réduit le remplissage gauche et le volume systolique systémique; l’élévation de la postcharge gauche (vasoconstriction artérielle systémique) tend à replacer le septum dans sa position physiologique. Une hypotension systémique peut compromettre la perfusion coronarienne droite en réduisant la composante systolique du flux coronaire vers le VD ; un vasoconstricteur systémique est requis pour parer au risque ischémique. En cas de foramen ovale perméable, un shunt droite → gauche cyanogène peut s’installer à la faveur d’une augmentation excessive de la POD. Malgré l’épaississement des parois artérielles pulmonaires, les petits vaisseaux artériolaires périphériques conservent une réactivité vasculaire ; les RAP peuvent encore augmenter par hypoxémie, hypercarbie, acidose, hypothermie ou stress sympathique [52]. Lors de la prise en charge de ces malades en salle d'opération ou aux soins intensifs, il est capital d'éviter toutes les situations qui peuvent augmenter les RAP: Hypoventilation (hypercarbie, hypoxémie, atélectasies); Surpression intrathoracique (variable selon la fonction du VD, respecter une hyperventilation normobarique); Acidose; Hypothermie; Stimulation sympathique (stress, douleur) ; Anémie aiguë (seuil de transfusion Hb ≥ 100 gm/L) ; la baisse du transport d’O2 ne peut être compensée que par une augmentation du débit pulmonaire, qui élève considérablement la PAP. Nosologie de l’HTAP La symptomatologie de l’HTAP est peu spécifique : dyspnée, hypoxémie, cyanose d’effort, syncope, pseudo-angor, signes d’insuffisance ventriculaire droite. Elle peut s’accompagner d’hémoptysies. La Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 162 polycythémie compense la baisse de la PaO2. L’ECG montre des signes d’HVD : déviation droite, grandes ondes R en V1 et V2, BBD. La radiographie du thorax décèle une dilatation des artères pulmonaires, du VD et de l’OD (coeur globulaire). L’échocardiographie montre une dilatation et une hypertrophie du VD, un aplatissement et un mouvement paradoxal du septum interventriculaire, et une insuffisance tricuspidienne. Les critères de sévérité de l’HTAP sont [64] : PAPm > 35 mmHg ; SaO2 < 90% ; Hb > 150 gm/L ; Dysfonction du VD. Le degré de réversibilité de l’HTAP est évalué en préopératoire par un test au NO• (inhalation de 1030 ppm au masque), à l’adénosine (6-12 mg iv) ou à l’époprosténol (> 2 ng/kg/min). On considère que l’HTAP est encore réversible si la PAPm baisse de > 25% (> 10 mmHg) et les RAP de > 30% (< 400 dynes s cm-5) sans modification du débit cardiaque [27]. La mortalité annuelle moyenne de l’HTAP est de 9% [19]. Bien que l’HTAP soit un facteur de risque majeur en chirurgie cardiaque et non-cardiaque (mortalité 5-25%, morbidité 40%), c’est surtout la fonction du VD qui est déterminante pour le pronostic : la mortalité est proportionnelle au degré de dysfonction du VD, et non directement liée à la valeur de la pression pulmonaire [320]. L’HTAP de haute altitude Au sommet du Mont-Blanc (4'810 m) la PaO2 est de 75 mmHg ; l’Everest (8‘848 m), elle est de 36-40 mmHg et la PaCO2 de 11-15 mmHg [237]. A ces valeurs, le poumon subit une vasoconstriction hypoxique massive (RAP augmentée de 100 à 300%). Normalement, la vasoconstriction pulmonaire hypoxique, qui est réglée par la pO2 alvéolaire, détourne le sang artériel des zones hypoventilées (atélectasies) vers les zones normoventilées ; elle diminue la désaturation artérielle liée à l’effet shunt (Figure 5.112). Cette vasoconstriction pulmonaire hypoxique est un phénomène rapide qui s’installe entre 20 secondes à 2 minutes [269,412]. En altitude, comme dans l’apnée du sommeil (SAS) et chez l’obèse morbide, elle se généralise à l’ensemble des poumons, mais reste inhomogène [17]. Très variable selon les individus, elle se déclenche dès 2'500 m. Elle est d’autant plus intense que l’ascension est rapide et les efforts importants. Le phénomène se passe dans les celllules de la musculature lisse (Figure 5.113). Par leur chaîne d’oxydo-réduction, les mitochondries agissent comme des senseurs pour la pO2 alvéolaire. En effet, elles produisent normalement des Reactive Oxygen Species (ROS), qui sont des superoxydes sécrétés en petite quantité. Ces ROS activent des canaux membranaires voltage-dépendants extrayant le potassium de la cellule et la maintenant hyperpolarisée (canaux KV) ; cette hyperpolarisation physiologique inhibe les canaux calciques voltage-dépendants (canaux Ca2+ L), donc moins de Ca2+ entre dans la cellule ; la [Ca2+]i reste basse, donc la contraction musculaire est freinée. Physiologiquement, les vaisseaux pulmonaires sont maintenus en vasodilatation active par hyperpolarisation membranaire. Mais si la pO2 enregistrée par les mitochondries est trop basse à cause de l’hypoxie, la production de ROS est faible et les canaux KV ne sont plus activés : la membrane est moins hyperpolarisée, l’activité des canaux Ca2+ L augmente et la [Ca2+]i s’élève ; la troponine C est stimulée et la musculature se contracte [246,269]. Le deuxième phénomène en jeu est la production de NO• par l’endothélium vasculaire des poumons. Le NO• est un puissant vasodilatateur, dont la production est réglée par le flux pulmonaire : elle augmente lorsque celui-ci est élevé pour permettre un haut débit sans variations de pression. Dans les zones hypoxiques, sa production est abaissée puisqu’il fait partie de l’ensemble des ROS, dérivés superoxides produits au cours de l’oxydo-réduction de l’O2. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 163 A Figure 5.112 : Vasoconstriction pulmonaire hypoxique. Flux artériel pulmonaire Flux artériel pulmonaire Rapport V/Q normal Alvéoles ventilées A: ventilation et perfusion pulmonaires normales ; le rapport V/Q est normal. B : lorsque des alvéoles ne sont plus ventilées, les artérioles qui les vascularisent se vasoconstrictent pour freiner le débit sanguin et limiter l’effet shunt qui résulte de cet afflux de sang désaturé dans la veine pulmonaire. Flux veineux pulmonaire B Flux artériel pulmonaire Flux artériel pulmonaire Effet shunt Alvéole non-ventilée Vasoconstriction pulmonaire hypoxique Flux veineux pulmonaire © Chassot 2012 Chez les alpinistes séjournant en haute altitude, l’HTAP d’altitude évolue en deux phases [152,345]. Phase I : la PAPsyst s’élève jusqu’à 50-80 mmHg ; la PAP moyenne est de 20 mmHg (5'000 m) à 35 mmHg (7'000 m) au repos, et respectivement de 40 et 55 mmHg à l’effort. La vasoconstriction pulmonaire hypoxique est intense, la production de NO• est abaissée et celle d’endothéline E1 est augmentée. Comme la vasoconstriction est inhomogène, les alvéoles des zones vasoconstrictées reçoivent peu de sang, mais celles des zones non-vasoconstrictées sont noyées sous un flux excessif et une haute pression ; leur Pcap dépasse 20 mmHg et l’oedème alvéolaire s’installe. L’OAP d’altitude, qui survient en général dans les 3 premiers jours, est lié à deux phénomènes : • PAP excessive dans les zones non vasoconstrictées ; + • Défaut de transport du Na et de l’eau dans l’épithélium alvéolaire rendant inefficace le système qui réabsorbe activement l’oedème alvéolaire. La faible production de NO• et le défaut de clearance du liquide alvéolaire sont des éléments constitutionnels génétiques. L’augmentation de l’hématocrite avec l’acclimatation permet un transport d’O2 adéquat et de bonnes performances physiques sont encore possibles. Phase II : après 4-6 semaines d’acclimatation pendant lesquelles l’HTAP s’est homogénéisée et a protégé l’alpiniste de l’OAP, le VD entre dans une phase d’insuffisance ventriculaire dû à l’excès de postcharge de longue durée. Cette phase est souvent accompagnée de bronchopneumonie. L’œdème pulmonaire d’altitude (High altitude pulmonary edema, ou HAPE) survient en général pendant les premiers jours d’acclimatation. La stimulation sympathique est importante et la PAP est élevée (PAPsyst 50-80 mmHg), mais les lésions pulmonaires sont inhomogènes : certaines zones sont Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 164 en vasoconstriction hypoxique intense, alors que d’autres ne sont pas vasoconstrictées. De ce fait, ces dernières sont perfusées sous haute pression, mais ne sont pas protégées par la vasoconstriction [17]. La pression capillaire y est > 25 mmHg et le liquide interstitiel fuit dans les alvéoles : c’est l’œdème pulmonaire. A ce mécanisme s’ajoutent des efforts d’hyperinflation pulmonaire et d’hyperventilation compensatoire qui créent une dépression intrathoracique profonde en inspirium ; l’afflux de sang dans les poumons est massif, comme dans une manœuvre de Mueller. Il existe une grande variabilité interindividuelle dans l’incidence de l’OAP d’altitude ; seul un petit nombre d’individus y est susceptible. Ce sont ceux qui présentent les plus hautes pressions pulmonaires en réaction à l’hypoxie. Il s’agit probablement de personnes génétiquement prédisposées à une moindre production de NO• et à un défaut d'évacuation liquidienne alvéolaire [17,345]. Il existe aussi des variations intraindividuelles : certains alpinistes ont souffert une fois d’OAP alors qu’ils avaient déjà accompli plusieurs ascensions à 8'000 mètres sans problèmes. 2+ Récepteur α Figure 5.113 : Mécanismes cellulaires mis en jeu dans la vasoconstriction pulmonaire hypoxique liée à la haute altitude. L’hypoxie freine la chaîne d’oxydo-réduction mitochondriale (Redox), ce qui diminue la production de superoxydes (ROS : Reactive Oxygen Species) ; ceux-ci n’activent plus suffisamment les canaux potassiques Kv qui maintiennent la membrane hyperpolarisée. De ce fait, le Ca2+ entre en plus grande quantité par les canaux calciques L et accroît l’activité de la musculature lisse vasoconstrictrice. Canal Ca ΔV dépendant Gq G q Canal KV ΔVMembr [Ca ] 2+ Phospholipase C ↓ ROS (H2O 2) IP-3 ↑ [Ca [Ca 2+ ] ] ++ RS 2+ [Ca ] ++ Redox M it -3 [Ca ] 10 Troponine C Contraction de la musculature lisse ↓ PO2 alvéole Actine - myosine © Chassot 2012 Les autochtones qui vivent en altitude dans les Andes ou l'Himalaya (3’500-4'500 m) ont différents mécanismes adaptatifs [151,234,324]. Diminution de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et augmentation de la production pulmonaire de NO• ; les Tibétains vivant à 4'000 m n’ont pratiquement pas d’HTAP. Remodelage de l’activité des canaux KV et Ca2+ L. Normalisation de la [Ca2+]i dans les cellules musculaires lisses à une pO2 intracellulaire basse. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 165 Muscularisation réversible des artérioles pulmonaires (hypertrophie) et épaississement de l’endothélium (hyperplasie); les RAP augmentent discrètement, mais le risque d’OAP diminue; ce phénomène est plus marqué chez les mammifères (yacks, chèvres) que chez les humains. Hypertrophie ventriculaire droite. Outre le traitement de l’OAP, la thérapeutique consiste à augmenter la PaO2 (oxygène) et la pression (caisson hyperbare, redescente de 500 à 1000 m). Les anti-phosphodiestérases-5 (sildenafil, tadalafil) et les anti-endothéline-1 (bosentan) diminuent l’HTAP d’altitude de 25-30% ; les agents bétaadrénergiques améliorent la réabsorption du liquide alvéolaire [328,345]. La dexaméthasone agit comme anti-inflammatoire et anti-œdémateux. Les anticalciques (nifédipine) peuvent être utiles chez les répondeurs, mais ils ne sont que 15% de la population. L’HTAP des congénitaux Sa cause la plus fréquente est un shunt gauche - droit non restrictif. Elle survient dans 50% des cas de communications interventriculaires (CIV) et de canal atrio-ventriculaire, où il y a surcharge de volume et de pression, mais dans seulement 10% des communications interauriculaires (CIA), où il y a surcharge de volume uniquement [64]. Elle apparaît dans l'enfance déjà lors de CIV, mais seulement à l'âge adulte en cas de CIA [287]. Le stress pariétal vasculaire provoqué par le flux pulmonaire excessif cause une extension de la musculature lisse dans des vaisseaux périphériques qui ne sont normalement pas musculaires; à ce stade, la pression reste normale. L'hypertension progressive est associée à une hypertrophie de la média des artères plus proximales, une restriction de la lumière et une artérite nécrosante avec des lésions plexiformes [318]. Finalement, le nombre des vaisseaux distaux diminue et la fibrose est massive ; l'HTAP est fixée et irréversible. C'est le syndrome d'Eisenmenger, caractérisé par une PAPmoy > 50 mmHg et des résistances vasculaires pulmonaires > 800 dynes•cm•s5 . Le flux à travers le shunt gauche - droit est alors bidirectionnel ou renversé; c'est la principale origine de l'apparition d'une cyanose chez les congénitaux adultes [82]. Une baisse de pression systémique par hypovolémie ou par vasodilatation artérielle aggrave la composante droite - gauche du shunt, donc la cyanose. La correction chirurgicale n'est plus possible lorsque la rapport RAP / RAS est supérieur à 0.7. En présence d'HTAP, la survie des patients souffrant de cardiopathie congénitale est meilleure que celle des patients souffrant d'HTAP primaire de l’adulte: elle est de 80% à 10 ans pour les patients souffrant d’Eisenmenger, mais de 30% à 5 ans pour ceux souffrant de maladie thromboembolique [160,170]. La raison en est probablement le maintien des caractéristiques fétales du myocarde droit, qui lui permettent d’assumer une postcharge élevée sur le long terme (voir Chapitre 15 Hypertension pulmonaire). Ventilation et hypertension pulmonaire Pour l’anesthésiste et l’intensiviste, ventiler les patients souffrant d’HTP est souvent un défi clinique. La ventilation mécanique de ces malades est un compromis entre une hyperventilation active pour baisser les RAP et le maintien d'une pression intrathoracique moyenne (Pit) basse pour éviter une augmentation de postcharge droite. Si le volume courant est faible, on risque des atélectasies, une hypercarbie, et une augmentation des RAP dans les petits vaisseaux péri-alvéolaires; s'il est élevé, l'hyperinflation augmente la Pit et comprime les gros vaisseaux extra-alvéolaires par la distension des alvéoles pulmonaires [120,173]. Le volume courant idéal correspond à celui de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) (Figure 5.92 page 121). Il faut jouer sur le volume courant, la fréquence et le mode ventilatoire pour obtenir la PaCO2 et la Pit moy les plus basses possible. De ce point de vue, la durée de l'inspirium augmente davantage la Pit moy que la valeur du pic inspiratoire de pression. Toutefois, deux phénomènes importants viennent faciliter la tâche du clinicien. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 166 La compression des gros vaisseaux extra-alvéolaires, dans la partie droite du graphique de la Figure 5.92, ne s’applique pas réellement au patient souffrant d’HTAP, parce que la paroi épaissie et rigide de ses vaisseaux pulmonaires empêche toute compression par une ventilation à haut volume courant. Il n’y a donc pas lieu de craindre une augmentation significative de la PAP lors d’une hyperventilation mécanique. L'accroissement de postcharge pour le VD que représente l'IPPV est très faible par rapport à sa postcharge habituelle: ajouter une Pit moy de 10 mmHg à une PAPmoy de 50 mmHg modifie moins les conditions hémodynamiques que lorsque la PAPmoy est normale (20 mmHg). Le risque de décompensation du VD est donc très faible lorsque les pressions ventilatoires restent dans les limites habituelles [64]. De plus, l'IPPV offre la possibilité d'hyperventiler le patient et, ce faisant, de diminuer ses RAP par alcalose respiratoire. Seule une dysfonction droite isolée sans élévation chronique de la pression pulmomonaire présente un risque de décompensation majeure lors d’IPPV, mais non la situation d’une HTP chronique accompagnée d’une hypertrophie ventriculaire droite [120]. La réaction hémodynamique du patient à l'IPPV peut être testée en préopératoire en lui faisant réaliser une manoeuvre de Valsalva une fois le cathéter artériel en place et en observant l'évolution de la pression artérielle. Le plus souvent, les variations respiratoires sont atténuées et la pression moyenne (PAM) est stabilisée à une valeur très légèrement inférieure (< 15%) à sa valeur en spontanée. Ceci laisse présager une bonne tolérance à l’IPPV. Hypertension artérielle pulmonaire (III) Le pronostic de l'HTAP sévère (mortalité annuelle 15%) tient davantage à la fonction ventriculaire droite qu'à la valeur de la pression pulmonaire. Critères de risque périopératoire en cas d'HTAP: - PAPmoy > 35 mmHg - SaO2 < 90% - Hb > 150 gm/L - Dysfonction ventriculaire droite Facteurs aggravants: hypoxie, hypercarbie, atélectasie, acidose, hypothermie, stress, douleur. Impact clinique de l'HTAP: - Débit pulmonaire fixe, hypoxémie à l'effort - Maintien de la réactivité des petits vaisseaux (vasoconstriction pulmonaire hypoxique) - HVD: débit droit dépendant de la précharge, intolérance à l'hypovolémie - Risque ischémique du VD élevé en cas d'hypotension systémique - Insuffisance diastolique du VG (effet Bernheim) - Shunt D → G si foramen ovale perméable Les RAP augmentent en cas d'hypoventilation (vasoconstriction pulmonaire hypoxique) et en cas de ventilation à haut volume courant (VC) (distension et occlusion des vaisseaux par la distension alvéolaire). Mais en cas d'HTAP avec HVD, trois éléments favorisent l'IPPV: - La paroi épaisse et rigide des vaisseaux pulmonaires empêche leur compression à haut VC - L'IPPV représente un faible accroissement de postcharge pour le VD en cas d'HVD - L'hyperventilation permet une certaine vasodilatation artériolaire pulmonaire Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 167 Le monoxyde d'azote (NO•) Le NO• est un transmetteur physiologique sécrété par les cellules endothéliales normales, qui induit une myorelaxation vasculaire par activation du GMPc. Il fonctionne également comme transmetteur cholinergique dans le système nerveux central et périphérique. Il inhibe modestement l'aggrégation plaquettaire et, en dose excessive, devient un agent cytotoxique. Biochimie Le NO• est un radical libre issu de la transformation de la L-arginine en citrulline sous l'action de la NO-synthétase (NOS). Cet enzyme est une flavoprotéine qui existe sous deux isoformes: l'une est présente constitutivement dans l'endothélium des vaisseaux et dans le système nerveux central; elle est dépendante du calcium; l'autre est induite dans les macrophages par les cytokines et les endotoxines et participe aux systèmes de défense immunitaire de l'organisme, par exemple dans la sepsis [263]. Les deux formes sont inhibées par les analogues de la L-arginine, tels la NG monométhyl L-arginine (LNMMA). Les atomes d'oxygène du NO• et de la citrulline proviennent de l'O2; en son absence, la NO-synthétase est inhibée. L'hypoxie désactive donc la vasodilatation dépendant du NO• et potentialise les spasmes vasculaires [183]. De l'endothélium où il est sécrété, le NO• diffuse très librement vers le muscle lisse vasculaire où il active un enzyme hémoprotéique, la guanylate-cyclase, ce qui entraîne la formation de guanosine monophosphate cyclique (GMPc) à partir de GTP; par liaison à une protéine-kinase, cette dernière est à l'origine de la myorelaxation: le Ca2+ libre baisse dans le myocyte vasculaire par extrusion de la cellule ou recaptage par le réticulum sarcoplasmique [326]. Mais le NO• peut activer d'autres enzymes protéiques que le GMPc et interférer ainsi avec de nombreux processus mitochondriaux et cellulaires; ces phénomènes participent probablement à sa toxicité potentielle (peroxydation des lipides de la membrane, altération du surfactant, apoptose). Le NO• est aussi présent dans l’endothélium des cavités cardiaques, où sa production induit un effet inotrope négatif ; les cytokines comme le TNFα et l’IL-6, par exemple, ont un effet inotrope négatif marqué par le biais d'une synthèse accrue de NO• endocardique (104). Les anti-phsophodiestérases-5 comme le sildenafil (Viagra®) inhibent la dégradation du GMPc et agissent comme le NO• ; ce sont de bons vasodilatateurs pulmonaires [176]. La demi-vie du NO• dans l'organisme, où il est à l'état gazeux, est très brève: 5-10 secondes [263]. De plus, il réagit très activement avec nombre de substances, notamment l'oxygène et les métalloprotéines à noyau hème. Ainsi, son affinité pour l'hémoglobine est 1’500 fois plus élevée que celle du CO; elle conduit à une fixation rapide par cette dernière avec formation de nitrosyl-hémoglobine, qui est oxydée en méthémoglobine; celle-ci n'est pas augmentée lors d'inspiration de NO• à moins de 80 ppm (taux normal: jusqu'à 0.5%), et n'a pas dépassé 1.3% lors d'administration à long terme [337]. Le NO• est donc inactivé de façon immédiate dès qu'il est solubilisé dans le sang, même à des concentrations inhalées de 1’000 ppm: il est sans effet systémique lorsqu'il est administré par voie aérienne. L'instabilité du NO• est à l'origine de sa toxicité: en présence d'O2 il s'oxyde rapidement en NO2 de manière proportionnelle à la quantité de NO• en présence, à la FiO2 et au temps de contact entre les deux. Le NO2 est un polluant produit par les combustions à haute température (moteur à essence, cigarette, etc); il provoque des lésions pulmonaires graves (œdème pulmonaire), proportionnelles à sa concentration et à sa durée d'exposition: activation des cytokines pro-inflammatoires, hyperplasie alvéolaire, hypertrophie de l'épithlium bronchique [255]. Il est important de mesurer la concentration de NO2 dans les gaz ventilés lors de l'administration clinique de NO•: elle doit rester inférieure à 1 ppm si la durée est prolongée, ou à 5 ppm pour des expositions brèves [127]. L'homme peut respirer une moyenne de 25 ppm de NO• sans risque. Pour des périodes brèves, cette valeur peut monter à 80 ppm [326]. A titre d’exemple, un trafic automobile lourd produit 1.5 ppm, et la fumée de cigarette jusqu’à 1'000 ppm. Par contre, le NO2 provoque des lésions pulmonaires dès une concentration de 2 ppm. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 168 Physiopathologie La production locale de NO• maintient activement une vasodilatation dans les vaisseaux résistifs. Les principaux stimuli physiologiques à sa formation sont le flux pulsatile et la pression d'étirement exercée sur la paroi vasculaire [340]. Il faut que les cellules endothéliales soient normales et intactes: sa synthèse est perturbée dans les lésions endothéliales extensives (athérosclérose, ischémie) ou lors de manipulations agressives de l'endothélium (greffons vasculaires, endartériectomies). A une augmentation du flux sanguin et du stress de paroi, l’endothélium normal répond pas une vasodilatation liée au NO•, mais l’endothélium malade répond par une vasoconstriction due à une sécrétion excessive d’endothéline. De manière analogue, des substances comme l'acétylcholine, la bradykinine ou l'histamine, ont un effet dilatateur sur les vaisseaux normaux, mais vasoconstricteurs en cas de lésions endothéliales. Des substances normalement vasodilatatrices ont une activité vasoconstrictrice puissante dans les pneumopathie sévères, les transplantation pulmonaires, les hypertensions pulmonaires chroniques ou après des CEC prolongées [100]. Au niveau des vaisseaux coronariens, le tonus vasculaire de base est réglé par une sécrétion constante de NO• par l'endothélium. L'hypoxie en augmente la production et provoque une dilatation puissante. Dans l'artériosclérose, l'hypertension et le diabète, la production et/ou la réactivité coronarienne locale au NO• sont perturbées. Le NO• est produit en permanence dans la circulation pulmonaire, où il maintient une vasodilatation active, particulièrement dans les vaisseaux résistifs périalvéolaires de petit diamètre. L'hypoxie inhibe son activité et induit localement une vasoconstriction. A raison de 5 à 80 ppm dans les gaz inspirés, il est possible de renverser une vasoconstriction pulmonaire non-fixée sans vasodilatation systémique. Les résistances vasculaires pulmonaires baissent de 10 à 35% selon les séries; l'effet, directement dépendant de la dose, s'installe en 1 à 3 minutes, mais disparaît rapidement à l'arrêt du NO• [148]. Par contre, il n'est pas possible d'abaisser les RAP en-dessous de leur valeur de base chez un individu normal. Les résultats expérimentaux chez l'animal démontrent l'extrême efficacité du NO• sur des modèles de vasoconstriction pulmonaire hypoxique induite activement dans des poumons normaux [127]. Cependant, la réactivité est loin d'être identique dans les situations cliniques où les vaisseaux pulmonaires sont anormaux et où l'hypertension possède une composante fixée. L’avantage du NO• sur les autres vasodilatateurs artériels est sa capacité à ne vasodilater que les zones ventilées, et à ne pas interférer avec la vasoconstriction des zones non-ventilées ; ainsi la saturation artérielle ne baisse pas [148]. Les vasodilatateurs pharmacologiques à effet pulmonaire sont des substances qui provoquent une hypotension systémique importante, car aucun d'entre eux n'est un vasodilatateur spécifique de l'arbre pulmonaire. Ils ont de plus la potentialité d'augmenter l'effet shunt par blocage de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et d'aggraver les échanges gazeux (↓ PaO2), ce que ne font ni l'hyperventilation ni le NO•. L’arrêt du NO• peut induire une poussée hypertensive pulmonaire par effet rebond [177]. Le NO• a également une activité inhibitrice sur l’adhésivité plaquettaire, une activité bactéricide au niveau des macrophages et des neutrophiles polynucléaires, et une activité myorelaxante au niveau des bronches. L'inhalation de NO• diminue les résistances des voies aériennes et augmente la compliance dynamique pulmonaire [198]; cette bronchodilatation, démontrée seulement chez l'animal et non chez l'homme, débute dans la première minute de l'inhalation; elle est décelable pour des concentrations de 5 ppm déjà. Les vasodilatateurs nitrés comme la nitroglycérine (NTG) subissent, au contact de l'endothélium, une réduction enzymatique qui libère du NO• et provoque la myorelaxation. Les capacités réductrices des vaisseaux étant variables, la réponse à la NTG sont hétérogènes. Les grandes veines, les vaisseaux de capacitance et les vaisseaux coronariens de diamètre supérieur à 0.1 mm libèrent enzymatiquement le NO•, alors que la microcirculation ne répond qu'au NO• direct ou aux substances qui le libèrent spontanément, mais ne possède pas les enzymes pour l'extraire des dérivés nitrés, d'où son peu de réponse à ces derniers [162]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 169 Le monoxyde d’azote (NO•) Le NO• est un transmetteur physiologique sécrété par les cellules endothéliales normales, qui induit une myorelaxation vasculaire. Il fonctionne également comme transmetteur cholinergique dans le système nerveux central et périphérique. Sa demi-vie est de 5-10 secondes ; il est rapidement fixé par l’hémoglobine (methémoglobine). En présence d'O2 il s'oxyde rapidement en NO2 toxique. Il inhibe modestement l'aggrégation plaquettaire et, en dose excessive, devient un agent cytotoxique. Dosage : 10-20 ppm dans les gaz inspirés. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 170 Perfusion coronarienne et ischémie myocardique Anatomie des coronaires Les deux troncs coronariens émergent de l'aorte dans les sinus de Valsalva droit et gauche. La coronaire gauche (tronc commun) se divise rapidement en artère circonflexe (CX) et interventriculaire antérieure (IVA) (Figure 5.114, Figure 5.115 et Figure 5.116). La CX vascularise la paroi latérale du VG et l’OG, et le nœud du sinus dans 45% des cas. L'IVA vascularise la paroi antérieure et l’apex du VG, ainsi que la partie antérieure du septum interventriculaire et une portion antérieure de la paroi libre du VD. L'artère coronaire droite (CD) vascularise l'OD, la majeure partie du VD, la paroi postérieure du VG, le noeud atrio-ventriculaire d'Aschoff-Tavara (90% des cas), et le noeud du sinus (55% des cas). Tronc commun Artère circonflexe Branche intermédiaire Figure 5.114 : Anatomie des artères coronaires vue par la face antérieure du coeur. Branches diagonales Branches marginales gauches Artère interventriculaire antérieure Artère coronaire droite Artère marginale droite Artère interventriculaire postérieure © Chassot 2012 Le pilier antérieur bénéficie d'une vascularisation double par l'IVA et la CX, alors que le pilier postérieur ne dépend que de la CD ; il est donc plus à risque en cas d’ischémie. Le système dominant est celui qui alimente l'artère interventriculaire postérieure (IVP); chez l'homme, il s'agit le de la CD dans 85% des cas. Les artères représentées sur les schémas sont les artères épicardiques de conductance. Les branches intramyocardiques (diamètre: 20 – 250 mm) sont les vaisseaux de résistance; ce sont des vaisseaux terminaux. Le drainage veineux du VG s'effectue par le sinus coronaire, dont 95% du débit provient du VG; la majeure partie du VD se draine dans l'OD par les veines cardiaques antérieures et dans la cavité ventriculaire droite par les veines de Thébésius. Lorsqu’on procède à une cardioplégie rétrograde en canulant le sinus coronaire, on peut donc aisément protéger le VG, mais non le VD dont la paroi antérieure, la paroi inférieure et l’apex ne sont pas perfusables par cette voie. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 171 Figure 5.115 : Schéma de l'arbre coronaire. TC: tronc commun. CD: artère coronaire droite. IVA: artère interventriculaire antérieure. CX: artère circonflexe). Marg D: marginale droite. RVP: rétroventriculaire postérieure. IVP: interventriculaire postérieure. Marg G: marginales gauches. TC CX CD IVA Intermédiaire Marginale D Diagonales IVP Marginales G RVP Figure 5.116 : Territoires coronariens en vue court axe transgastrique (TG), en vues 2 cavités et 4 cavités rétrocardiaques, et en vue schématique. Cette dernière est une projection circulaire de la vascularisation des différents segments. CD : artère coronaire droite. CX : artère circonflexe. IVA : artère interventriculaire antérieure. Les segments 13, 15 et 17 peuvent être vascularisés par la CD (interventriculaire postérieure) ou l’IVA (interventriculaire antérieure). Le segment 14 peut être vascularisé par l’IVA ou la CX, et le segment 16 par la CX ou la CD. 5 11 CD 4 10 16 6 12 13 17 15 9 CX 3 14 7 IVA 1 Vue court axe TG 8 2 Vue schématique CD CX 0° 90° Ant IVA Post Lat Apex © Chassot 2012 Vue 2 cavités Vue 4 cavités Le rapport entre le nombre des capillaires et celui des myocytes est de 1 :1 dans le cœur normal, mais plus du tiers des capillaires n’est pas fonctionnel au repos et n’est recruté que lors d’épisodes d’effort ou d’ischémie. Lors d’hypertrophie ventriculaire, la valeur effective de ce rapport diminue, car la masse myocardique devient plus importante que le réseau capillaire correspondant, et le risque ischémique augmente. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 172 Flux coronarien Anatomie et physiologie Au repos, le débit coronaire est de 220 à 250 mL/min (4-5% du DC). Le flux est maintenu constant pour des PAM de 60 à 160 mmHg (régulation en 10-30 secondes). Il cesse dans les couches sousendocardiques lorsque la PAM est < 50 mmHg [168]. Avec un poids de 250-280 gm (0.6% du poids du corps), le coeur reçoit en moyenne 75 mL/100gm/min de sang. L'arbre vasculaire coronarien comporte trois types de vaisseaux [72]. Vaisseaux proximaux épicardiques, dits de capacitance, sous régulation endothéliale et neurohumorale; ils sont le plus touchés par l'athérosclérose; ils participent pour moins de 10% à la résistance vasculaire coronarienne; leur volume augmente de 25% pendant la systole. Vaisseaux pré-artériolaires de résistance (diamètre 100-500 µm); ils sont le principal élément de contrôle neurogène et humoral du flux coronaire et représentent 25-35% de la résistance vasculaire totale. Vaisseaux distaux artériolaires intramyocardiques (précapillaires de diamètre 20–100 µm), où intervient plus de 50% de la perte de charge et qui sont sous régulation métabolique. Les deux premières catégories sont innervées par le système nerveux sympathique et parasympathique. Le flux est si bien apparié à la demande en O2 dans les vaisseaux résistifs distaux que l'extraction d'O2 peut rester constante à 70% sur une vaste plage de pression de perfusion et de demande métabolique différentes. Comme les vaisseaux sont maintenus vasoconstrictés au repos, leur vasodilatation soudaine permet une augmentation rapide du flux sanguin. Lors d'un exercice important, le flux peut tripler. Pendant la systole, la puissante musculature du VG écrase le lit coronaire et y interrompt le flux; ce phénomène, qui représente 10-25% des résistances vasculaires totales des coronaires, est d'autant plus significatif que le réseau est plus dilaté [253]. La compression par la pression intraventriculaire est surtout marquée sur le plexus sous-endocardique et sur les vaisseaux pénétrants transmuraux verticaux, alors que le flux dans les vaisseaux parallèles aux fibres musculaires est momentanément accéléré par le "massage" musculaire (Figure 5.117). Les vaisseaux sous-épicardiques ne sont pas comprimés pendant la systole. Ainsi, le flux dans les troncs coronaires est biphasique au cours du cycle cardiaque: il présente un pic systolique et un pic diastolique. En systole, le flux représente moins de 20% du flux coronaire total dans les territoires gauches, alors qu'il compte pour 30 à 50% du flux total dans le VD (voir Figure 5.107 page 149). La compression musculaire, beaucoup plus faible dans la paroi du VD, est la principale cause de cet aspect du flux coronaire. Dans les zones akinétiques, c'est exclusivement la pression intraventriculaire qui est responsable de la compression systolique [103]. La vélocité maximale du flux coronarien survient en protodiastole; elle est diminuée lors de dysfonction diastolique avec défaut de relaxation, comme c'est le cas lors d'ischémie ou d'hypertrophie ventriculaire. Alors que le flux est toujours antérograde pendant la diastole, on observe fréquemment une inversion du flux dans les vaisseaux intramyocardiques et épicardiques pendant la systole; le sang est de ce fait transloqué depuis le sous-endocarde vers les vaisseaux épicardiques qui agissent comme réservoir. Normalement, le rapport du flux sous-endocardique au flux épicardique est de 1.25:1 pendant la diastole. Lorsque le flux coronarien total est réduit de moitié par vasoconstriction, ce rapport tombe à 0.4 [105]. Le même phénomène survient lorsque le stress de paroi augmente (hypertension artérielle) ou en cas d'hypertrophie ventriculaire concentrique (sténose aortique). Ainsi la région sousendocardique est la plus fragile, raison pour laquelle les mouvements électrocardiographiques de sousdécalage du segment ST sont si caractéristiques de l'ischémie. La région sous-endocardique est la zone la plus sensible à l’ischémie pour plusieurs raisons. Sa perfusion est exclusivement diastolique ; Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 173 Sa course de contraction radiaire et son degré de raccourcissement sont plus importants que ceux des couches plus externes, ce qui augment sa mVO2 ; En cas d’augmentation de postcharge, elle est la région la plus comprimée en systole ; En cas d’augmentation de la précharge (Ptd élevée), elle est la région la plus comprimée en diastole, ce qui réduit son DO2 ; En cas d’hypertrophie myocardique, la distance entre les vaisseaux épicardiques et le sousendocarde s’allonge et le DO2 distal diminue, alors que la mVO2 des myocytes hypertrophiés augmente. Artère épicardique Sousépicarde Artère sousépicardique Couche musculaire Artère intramurales Sousendocarde Artère + plexus sousendocardique Diastole Artère épicardique Couche spiralée Artère sousépicardique Couche musculaire circulaire Artère intramurales Couche spiralée Artère + plexus sousendocardique Systole Figure 5.117 : Flux coronaire myocardique en diastole et en systole à travers les trois couches de la paroi ventriculaire. En systole, les flux épicardique et sous-épicardique sont maintenus, voire augmentés par reflux du sang comprimé en profondeur, alors que celui des artères intramurales, allongées et écrasées par la contraction de la musculature circulaire, diminue presque complètement. Dans le sous-endocarde, région adossée à la masse sanguine intracavitaire, la plus comprimée et la plus épaissie en systole, le flux est minime, voire nul en systole. La pression de perfusion coronaire (PPC) est définie comme la différence entre la pression diastolique aortique moyenne et la pression du sinus coronaire ou de la cavité ventriculaire gauche en télédiastole. La mesure de la pression aortique n'étant pas accessible en clinique, on recourt à la mesure de la pression artérielle moyenne (PAM) qui est la valeur la plus voisine de celle de la racine aortique [293,339] ; la pression télédiastolique du VG est remplacée par celle de l'OG évaluée par la PAPO : PPC = PAM – PAPO Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 174 La PPC physiologique est > 50 mmHg ; en dessous de cette valeur, l’ischémie survient. Comme sa pression systolique est beaucoup plus basse que celle de l’aorte, le VD jouit d’une perfusion coronarienne systolo-diastolique ; 40-50% de son flux coronarien total est systolique. Trois phénomènes règlent le débit coronarien [101] : L’autorégulation métabolique ; Le contrôle neuro-humoral autonome (sympathique, parasympathique, catécholamines) ; L'endothélium vasculaire : action vasodilatatrice (NO•) ou vasoconstrictrice (endothéline). L'autorégulation métabolique Bien que la pression de perfusion puisse subir de grandes variations (PAM de 40 à 130 mmHg), l'autorégulation maintient un flux constant par un changement de résistance dans les artérioles, qui est proportionnel aux modifications de pression (Figure 5.118). La régulation a lieu instantanément, et revient à l'équilibre en 10-30 secondes [101]. Elle est plus importante dans les vaisseaux épicardiques que dans la zone sous-endocardique, ce qui contribue à la fragilité de cette dernière. Le flux est ainsi maintenu constant pour des pressions aortiques allant de 60 à 160 mmHg [42]. Le flux cesse dans les couches profondes lorsque la pression est inférieure à 50 mmHg (Pfz ou pression à flux zéro) [168]. Les courbes d'autorégulation du VG et du VD sont analogues. L'autorégulation est sous contrôle métabolique par plusieurs mécanismes (Tableau 5.2). Flux coronarien (ml/min) D 500 A' 400 R A 300 200 Pfz 50 100 150 Pression moyenne (mmHg) Figure 5.118 : Variation du flux coronaire en fonction de la pression de perfusion. A: courbe d'autorégulation; le flux est stable entre 60 et 160 mmHg de pression aortique. D: courbe à vasodilatation maximale; le flux est pression-dépendant. R: réserve coronarienne; c'est la différence entre le flux autorégulé et le flux à vasodilatation maximale pour une pression aortique donnée; chez un individu sain, la réserve coronarienne représente un flux triple par rapport au flux de repos. A': courbe d'autorégulation déplacée vers le haut lors d'anémie, d'hypertrophie ventriculaire ou d'effet inotrope positif; dans ce cas, la réserve coronarienne (en traitillé) est diminuée. Pfz: pression à flux zéro [168]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 175 L'adénosine joue un rôle vasodilatateur majeur; elle est libérée par les cellules lorsque la PO2 diminue en dessous des besoins métaboliques (hypoxie, ischémie, exercice) [243]; elle provient de la consommation des phosphates à haute énergie (ATP). Elle est inactivée par une désaminase; cette dernière est inhibée par le dipyridamole, qui provoque ainsi une vasodilatation massive par accumulation d'adénosine locale. Le NO• est sécrété par l'endothélium sain lorsque les forces de cisaillement augmentent (augmentation de pression et/ou flux). Si l'endothélium est endommagé, par exemple par l'athéromatose, la production de NO• est diminuée alors que la sécrétion d'endothéline vasoconstrictrice est augmentée. L'activation des canaux potassiques sous dépendance de l'ATP (canaux KATP) dans les cellules musculaires vasculaires hyperpolarise ces dernières et provoque une vasodilatation en faisant frein à l’entrée de Ca2+ dans le sarcoplasme; ces canaux sont normalement inhibés par l'ATP, et activés par l'adénosine [113]. La PO2 et la PCO2 locales ont une influence au sein de certaines limites [42]; l'hypoxie et l'hypercarbie provoquent une dilatation; l'hyperoxie et l'hypocapnie entraînent une vasoconstriction [16]; l'hypocapnie sévère conduit à une diminution du flux coronaire plus importante que la diminution du débit cardiaque, ce qui occasionne un déséquilibre dans la balance DO2/VO2 myocardique. L'augmentation de la concentration locale de lactate et de [H+] induit une vasodilatation. L'ischémie aiguë, avec son cortège d'effets métaboliques, est un puissant stimulant vasodilatateur; elle provoque la libération d'adénosine et de NO•, et ouvre les canaux potassiques (KATP). Lors d’une augmentation de la demande en O2 ou lors d’une ischémie, le contrôle métabolique domine les autres régulations. Tableau 5.2 Contrôle des résistances vasculaires coronariennes Mécanisme Vasoconstriction Vasodilatation Métabolisme local ↑pO2, ↓pCO2, ↓[H+] ↓pO2, ↑PCO2, ↑[H+], lactate, adénosine Autorégulation ↑pO2, ↓pCO2, ↓[H+] ↓pO2, ↑PCO2, ↑[H+], lactate, adénosine Facteurs endothéliaux vasopressine angiotensine II endothéline (ET 1, 2, 3) thromboxane EDRF, NO prostacycline Compression extravasc. ↑ contractilité ↑ postcharge VG ↓ contractilité ↓ postcharge VG Facteurs neuro-humoraux ↑ α-adrénergique ↑ tonus vagal ↑ β-adrénergique La réserve coronarienne se définit comme la différence de flux qui existe entre l'état autorégulé et la vasodilatation maximale (Figure 5.119). A vasodilatation maximale, le flux devient pression dépendant et la courbe devient une droite. La pente de cette droite est diminuée par la coronaropathie, par la tachycardie et par une augmentation de la contractilité ou de la pression télédiastolique du ventricule gauche; dans ces conditions, la réserve coronarienne est abaissée. Lors d'anémie, Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 176 d'hypertrophie ventriculaire ou d'effet inotrope positif, la courbe d'autorégulation est déplacée vers le haut; dans ce cas, la réserve coronarienne est également diminuée. Une augmentation du flux coronaire au-delà du seuil d'autorégulation entraîne un effet inotrope positif [290]. La fraction de flux de réserve (FFR, fractional flow reserve) telle qu’on la calcule lors d’une coronarographie, est le rapport entre le flux dans une artère sténotique et le flux dans la même artère en l’absence de sténose. Sa valeur normale est 1 ; plus la sténose est serrée, plus le rapport diminue. Un rapport de 0.75 signifie que le vaisseau sténosé ne fournit que le 75% du flux en périphérie. C’est un index spécifique de la sévérité fonctionnelle des sténoses épicardiques. En cathétérisme, il est beaucoup plus facile de mesurer la pression que le flux, raison pour laquelle on utilise le rapport entre la pression aortique et la pression moyenne distale à la lésion (mesurée par le cathéter intracoronarien) : Pdist / Pao [195]. Pour minimiser l’effet de la résistance artériolaire périphérique, on produit une hyperémie maximale par administration de vasodilatateur (adénosine, papavérine) et l’on enregistre la mesure au nadir de la Pdist. Un index < 0.8 est actuellement considéré comme un critère d’ischémie active et une indication à la revascularisation. Flux coronarien (ml/min) DP DA 500 RP 400 RA 300 A 200 50 100 150 Pression moyenne (mmHg) Figure 5.119 : Variation du flux coronaire en fonction de la pression de perfusion lors de vasodilatation maximale. A: courbe d'autorégulation; le flux est stable entre 60 et 160 mmHg de pression aortique. DA: courbe à vasodilatation physiologique maximale; le flux est pression-dépendant. RA: réserve coronarienne de l'autorégulation. DP: courbe à vasodilatation pharmacologique maximale. RP: réserve coronarienne supplémentaire due à la vasodilatation pharmacologique [101]. La régulation autonome Le contrôle neuro-humoral (ganglion stellaire et chaîne sympathique D1-D4, nerf vague) concerne les vaisseaux de grand et moyen diamètres [71]. Les récepteurs α1 prédominent dans les vaisseaux épicardiques de capacitance, dont la vasoconstriction tend à contrecarrer le reflux du à la compression systolique des vaisseaux intramuraux et sous-endocardiques. Les récepteurs α2 sont présents surtout dans les vaisseaux de ≤ 1.0 mm et commandent une vasodilatation par l’intermédiaire du NO•. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 177 Les récepteurs β1 et β2 sont prépondérants dans les vaisseaux résistifs, où leur stimulation provoque une vasodilatation. Certaines facteurs hormonaux sont vasoconstricteurs (endothéline, angiotensine II, vasopressine, thromboxane), d’autres vasodilatateurs (prostaglandines I2). Ainsi la vasoconstriction sympathique tamponne l'aspect biphasique du flux; elle préserve le flux sousendocardique et la vasodilatation distale β prévient une baisse importante de la PO2 tissulaire [259]. En cas de β-blocage, une stimulation sympathique se traduira seulement par son effet α, d'où un risque de spasme coronarien; c'est la raison pour laquelle les β-bloqueurs sont contre-indiqués dans l'angor de Prinzmetal. Par contre, ces mêmes β-bloqueurs ont la capacité d'augmenter la réserve coronarienne: même si le flux au repos est abaissé, le flux à stimulation maximale est augmenté, ce qui est très profitable en cas d'ischémie [26]. Le contrôle neuro-humoral est contre-balancé par l'autorégulation métabolique : une stimulation sympathique conduit à une augmentation de la mVO2 , donc à une vasodilatation locale intramyocardique; cet effet tamponne la vasoconstriction épicardique. La bradycardie d'une stimulation vagale baisse la mVO2, donc conduit à une vasoconstriction locale malgré la vasodilatation des artères épicardiques. La réponse des vaisseaux coronariens artérioscléreux à une stimulation sympathique diffère souvent de celle des vaisseaux sains, parce que l'endothélium est lésé par l'athéromatose et par les dépôts lipidiques. La dysfonction endothéliale empêche l'autorégulation de contrebalancer l'effet α; la réponse peut ainsi consister en une vasoconstriction (alors que des vaisseaux normaux se dilateraient), par exemple lors d'exercice [277,431]. Enfin, les résistances vasculaires coronaires peuvent être considérablement modifiées par la viscosité sanguine. Celle-ci est liée essentiellement au taux de protéines et à l'hématocrite. L'hémoglobine permet le transport d'oxygène, mais la viscosité augmente avec le nombre de globules rouges. Un taux d'Hb de 100 g/L (Ht = 32%) semble le compromis idéal entre le transport d'O2 maximal et la viscosité la plus faible [282]. L’endothélium vasculaire L'endothélium des coronaires, comme celui des autres vaisseaux, n'est pas qu'un simple revêtement antithrombogène. Il réagit à des agents pharmacologiques (catécholamines, acétylcholine) et à des stimuli mécaniques (pulsatilité du flux, forces de cisaillement); il sécrète une série de substances vasoactives qui modifient la taille des vaisseaux et leur flux. Le monoxyde d'azote (NO•) est le principal agent vasodilatateur distal ; sa sécrétion est stimulée par forces de cisaillement (flux, pulsatilité, pression), mais aussi par l'acétylcholine et la sérotonine [59]; il stimule le GMPc, et provoque une vasodilatation et une baisse de l'adhésivité plaquettaire; il freine la vasoconstriction lorsque le débit baisse [367]. L'endothéline est un vasconstricteur puissant, dont la sécrétion est stimulée par la thrombine, l'angiotensine II, l'adrénaline et la vasopressine [209,422]. Lors de pontages aorto-coronariens, elle est augmentée après la CEC suite à l'ischémie et à la reperfusion [299]. Elle n’est probablement pas impliquée dans la régulation du flux en situation normale. Une dysfonction endothéliale apparaît tôt dans l'évolution de la maladie athéromateuse; elle modifie la balance physiologique entre les effets du NO• et ceux de l’endothéline au profit d'une vasocontriction, que la stimulation soit sympathique, parasympathique ou due à l’acidose locale [429]. Ainsi, des stimuli qui entraînent normalement une vasodilatation (hypoxie, exercice et augmentation de la demande en O2, par exemple) peuvent conduire à une vascoconstriciton coronarienne dans des vaisseaux artériosclérotiques [353]. La dysfonction endothéliale pourrait être une origine de l'angor à coronaires saines [268]. Associée au stress sympathique et à l'hypercoagulabilité, elle est un des trois principaux éléments dans la genèse des évènements ischémiques périopératoires. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 178 Outre ces agents physiologiques, un certain nombre de substances pharmacologiques agissent sur la régulation du flux coronarien [70] : Les dérivés nitrés libèrent du NO• ; ils sont vasodilatateurs des vaisseaux de conductance et des collatérales; ils décompriment les vaisseaux sous-endocardiques par baisse de la tension de paroi en diastole (baisse de précharge) ; Les antagonistes calciques dilatent les vaisseaux épicardiques et intramyocardiques ; Le dipyridamole dilate les vaisseaux intramyocardiques ; L'adénosine, la papavérine et l'acétylcholine augmentent le flux coronarien par vasodilatation ; L'ergonovine (ergot de seigle) est un vasoconstricteur utilisé comme test pour l'angor de Prinzmetal. Hormis l'adénosine administrée directement dans les coronaires, toutes ces substances voient leur effet vasodilatateur modifié par l'autorégulation locale (variations de la mVO2) ou par leur activité sur la pression de perfusion systémique. Pour s'assurer qu'une substance soit un coronarodilatateur efficace, il faut maintenir constantes la pression de perfusion systémique et la consommation d'oxygène du myocarde [405]. Flux coronarien Débit coronaire de base: 220 à 250 mL/min. Le flux est constant pour des PAM de 60 à 160 mmHg; il cesse dans le sous-endocarde si PAM < 50 mmHg. La zone sous-endocardique est la plus à risque d'ischémie. Calcul de la pression de perfusion coronarienne: PPC = PAM – PAPO. Il existe 3 types de vaisseaux coronariens: - Epicardiques (< 10% de la résistance totale), régulation endothéliale et neuro-humorale - Pré-artériolaires (30% de la résistance), contrôle neuro-humoral - Artériolaire (> 50% de la résistance), autorégulation locale Le flux coronaire est sous triple régulation: - Autorégulation métabolique prioritaire (vasodilatation par adénosine, NO•, acidose, hypoxie) - Régulation neuro-humorale: récepteurs α vasoconstricteurs dans les vaisseaux épicardiques, récepteurs β vasodilatateurs dans les artérioles de résistance - Facteurs endothéliaux: NO• dilatateur, endothéline constrictrice; endothélium athéromateux: prédominance de réponse vasoconstrictrice La résistance dans les vaisseaux coronariens est sous le contrôle de: métabolisme local (prioritaire), autorégulation, facteurs neuro-humoraux, facteurs endothéliaux, compression extravasculaire, facteurs rhéologiques (viscosité, Ht idéal 35%). Apport et demande d'O2 Le coeur consomme 8-10 mL O2/100gm/min au repos, soit le 11% de la consommation totale de l'organisme. Le myocarde est dépendant du métabolisme aérobique, car ses réserves (O2 lié à la myoglobine et O2 dissous) ne dépassent pas une trentaine de battements à 37°C [254] ; au-delà, le métabolisme anaérobique s'installe. Le temps d'ischémie tolérable permettant d'assurer une récupération fonctionnelle totale est de 3-5 minutes à 37°C; il augmente à 15 minutes à 28°C et à 45 minutes à 18°C [213]. L'extraction d'O2 au repos étant de 70%, toute augmentation de la demande (↑ mVO2) engage une augmentation du flux sanguin coronaire (↑ Qc d'où ↑ DO2); mVO2 et Qc sont donc étroitement couplés et suivent une relation linéaire. En conséquence, la PO2 et la saturation du sinus Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 179 coronaire restent relativement constantes: respectivement 15-20 mmHg et 30% [317]. L'équilibre entre l'apport et la demande en oxygène dépend de nombreux éléments (Figure 5.120). L'apport en oxygène (DO2) est tributaire de plusieurs facteurs [316]: Le flux sanguin coronaire (Qc), qui dépend lui même de: • La pression diastolique aortique, représentée par la PA moyenne (PAM) ; • La pression télédiastolique du ventricule gauche (PtdVG représentée par la PAPO) ; • La durée de la diastole (fréquence) ; • Les résistances vasculaires coronariennes ; • Le degré de collatéralisation ; • La présence éventuelle de sténoses. Le transport d'oxygène défini par le contenu en oxygène du sang (CaO2): CaO2 = ( [Hb] • Sat (%) • 1.34 ) + (0.003 • PaO2) Autorégulation Figure 5.120 ; Représentation schématique des facteurs affectant l'équilibre entre l'apport et la demande myocardique en oxygène. PAM aort: pression artérielle moyenne de l'aorte ascendante. PTD: pression télédiastolique du VG. Contrôle métabolique et endothélial Compression extravasculaire Contrôle neurovégétatif Résistances vasculaires Facteurs humoraux PAM aort Durée de la diastole Flux sanguin coronaire PTD VG Fréquence Capacité de transport d'O2 Contractilité Tension de paroi DEMANDE APPORT O2 © Chassot 2012 La demande en oxygène (mVO2) est commandée par différentes données: La fréquence cardiaque ; elle a trois effets qui font que la consommation d'énergie augmente disproportionnellement avec sa valeur (Figure 5.121): • Augmentation du travail cardiaque avec le nombre de battements / minute ; • Raccourcissement géométrique de la diastole avec la tachycardie, donc diminution de la durée de perfusion coronarienne (baisse de DO2) ; 2+ • Augmentation de la contractilité avec la tachycardie (accumulation de [Ca ] libre). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 180 La contractilité myocardique, qui augmente la mVO2. La tension de paroi, réglée par la précharge et la postcharge ; selon la loi de Laplace, le stress de paroi (σ) augmente linéairement avec la pression générée (P) et avec la dimension (r) du ventricule, et diminue avec son épaisseur (h): σ = (P • r) / 2 h. La tension de paroi systolique correspond à la postcharge (travail interne de pression); doubler la pression double aussi la demande en O2. La dimension télédiastolique du ventricule est liée à la précharge et à l’éventuelle dilatation (travail externe à fournir ou volume systolique déplacé) ; doubler le volume ventriculaire n’augmente le rayon que de 25% ; l’augmentation de précharge n’occasionne qu’une modeste augmentation de la demande en O2. Le travail externe à fournir. Le métabolisme: métabolisme de base, l'énergie de contraction, la contractilité, la température. % diastole Figure 5.121 : Entre 50 et 90 battements / minute, un faible accroissement de fréquence a un effet considérable sur le raccourcissement de la diastole, donc sur la durée de la perfusion diastolique du ventricule. 80 70 60 50 40 30 30 50 70 90 110 130 150 Fréquence La proportion de chacun de ces déterminants dans la consommation d'oxygène globale du myocarde montre que le travail fourni pour l'éjection du volume systolique ne représente que 20-40% de la mVO2 totale au repos, alors que le travail de pression en représente 40-50%; le métabolisme cellulaire (flux ioniques, mouvements de Ca++) compte pour 20% de la mVO2 (Figure 5.49 page 63) [144]. Les variations de charge sont plus dispendieuses que les variations de volume. Les besoins énergétiques ne sont pas simplement corrélés au travail éjectionnel fourni tel qu'on l'estime cliniquement par l'équation: PAM • Vol syst. Ils dépendent également de la tension de paroi, dont le seul maintien consomme de l'O2. Selon la loi de Laplace, cette tension augmente avec la taille du ventricule; un ventricule dilaté consomme donc davantage d'énergie pour fournir des prestations identiques, même sans considérer le coût de l'éjection. La prise en charge du patient insuffisant coronaire consiste à rééquilibrer la balance DO2/VO2 en diminuant la demande et augmentant l'apport en oxygène. En clinique, on a mis au point plusieurs index dans le but de quantifier le risque ischémique face à certaines situations hémodynamiques. On peut citer par exemple. Le double produit de la fréquence cardiaque et de la pression systolique: f • PAsyst ; la valeur normale est < 12’000; c'est un faible critère dans la mesure où il accorde la même importance aux deux termes de l'équation, alors que l'augmentation de fréquence est beaucoup plus onéreuse que celle de la pression. Le triple produit de la fréquence cardiaque, de la pression systolique et de la durée de la systole; cet index est un peu meilleur. L'indice de Buckberg: rapport entre l'index pression-temps diastolique (IPDT) et l'index pression–temps systolique (ITTS): IPDT / ITTS = 0.7 (Figure 5.122) [49]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 181 Le rapport entre la pression artérielle moyenne (PAM) et la fréquence cardiaque (rapport de Buffington): le coronarien est dans une situation dangereuse lorsque sa fréquence devient supérieure à sa PAM; le rapport PAM / f doit donc rester > 1 [50]. Pression Figure 5.122 : Indice de Buckberg. C'est le rapport entre la surface couverte par la courbe de pression ventriculaire pendant la systole, et la surface comprise entre la courbe de pression aortique et la courbe de pression ventriculaire pendant la diastole. Le rapport se calcule entre l'index pression-temps diastolique (IPDT) et l'index pression–temps systolique (ITTS): IPDT / ITTS = 0.7 [49]. ITTS IPDT Temps Jusqu'à un certain point, le couplage entre le débit coronarien et la consommation myocardique en oxygène (Qc/mVO2) n'est pas modifié par une substance qui diminue le flux coronarien et simultanément la consommation d'oxygène du myocarde, parce que l'autorégulation n'est pas altérée. Un découplage survient lorsqu'un élément modifie isolément l'un des deux paramètres. Une augmentation isolée du flux donne lieu à une perfusion luxuriante. Le risque est évidemment maximal lors de diminution du flux sans modification de la mVO2. Apport (DO2) et consommation d'O2 (mVO2) du myocarde mVO2 au repos: 8-10 ml O2/100gm/min (11% de la VO2 totale pour 0.6% de la masse corporelle). Vu l'extraction maximale d'O2 (70%), une ↑ de la mVO2 commande une ↑ du flux coronarien. Réserve en métabolisme aérobique: 10-15 battements. Le DO2 dépend de: - Flux coronarien (PAM, PAPO, durée de la diastole, résistances, collatérales, sténoses) - Contenu du sang en O2 (Hb, débit cardiaque, ventilation) La mVO2 dépend de: - Fréquence cardiaque - Contractilité - Tension de paroi systolique (travail interne de pression, 40-50% du travail total) - Volume éjecté (travail externe, 30-40% du travail total) - Dimension télédiastolique - Métabolisme de base (échange ionique, activité électrique) Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 182 Règle pour la prise en charge du patient coronarien: ↑ DO2 et ↓ mVO2. De manière simplifiée, le rapport PAM /f doit rester > 1 (rapport de Buffington). La tachycardie est doublement néfaste: elle raccourcit la diastole (↓ DO2 ) et augmente les besoins (↑ mVO2). Sténose coronarienne La sténose coronarienne est le fait d'une plaque d'athérome à laquelle se surimpose parfois un spasme musculaire. L'athéromatose elle-même est une réponse inflammatoire chronique à un dysfonctionnement endothélial, caractérisé par un taux excessif de protéine C-réactive, et à des stimuli biochimiques comme le cholestérol LDL (Low-density lipoprotins), la fumée ou le diabète. La dysfonction endothéliale est liée à une prédisposition génétique et au stress de paroi (hypertension artérielle). Elle aboutit à l'infiltration, d’abord discrète puis massive, de la paroi vasculaire par des cellules musculaires lisses et par des macrophages remplis de cholestérol à basse densité (foam cells). Il se forme une capsule fibreuse plus ou moins résistante à la rupture, qui isole la lésion du flux sanguin. La dysfonction de l’endothélium s’accompagne d’une perte de sa fonction anticoagulante et vasodilatatrice, et d’une augmentation des déclencheurs de l'adhésivité locale des plaquettes (voir Chapitre 08 Voie cellulaire) [43]. Sténose stable et plaque instable Schématiquement, la sténose coronarienne est liée à l’existence de deux types de plaques (Figure 5.123) [131,132,214,229]. Plaque athéromateuse stable caractérisée par une partie centrale lipidique de faible dimension, recouverte d'une couche fibro-musculaire épaisse, parfois calcifiée. Elle cause le plus souvent des sténoses serrées (> 75%), bien visibles à l’angiographie, qui croissent de manière progressive et qui limitent le flux sanguin dans tout un territoire. Plaque instable, de croissance discontinue et irrégulière, composée d'une partie centrale massive de nature lipidique à haute teneur en cholestérol (LDL), où se mêlent des macrophages et des facteurs tissulaires; cet amas est faiblement encapsulé par une couche fibreuse fine (50-65 µm) qui présente des signes d’érosion et de cicatrisation. A l’angiographie, cette plaque ne se manifeste que par une sténose modeste (≤ 50%) et nonlimitative du flux, car elle tend à bomber vers l’extérieur et non vers l’intérieur de l’artère [228a]. Son risque est tributaire de son activité inflammatoire et de sa susceptibilité à la rupture, mais non du degré de sténose qu’elle occasionne [61,133,169]. La fragile capsule fibreuse d’une plaque instable est tissée de collagène synthétisé par les cellules musculaires lisses. Les macrophages, stimulés par les cellules T activées lors d’une réaction inflammatoire, sécrètent des protéinases qui dégradent ce collagène. La rupture subséquente de la capsule met à nu le matériel lipidique et les macrophages, qui entrent alors en contact avec le sang. La violente réaction inflammatoire qui accompagne un infarctus ou une opération chirurgicale déstabilise les plaques sur tout l’arbre coronarien, ce qui explique la fréquence des syndromes coronariens aigus survenant à la suite de ces évènements et le rôle protecteur d’une revascularisation précoce [105a]. Lorsque la capsule est fissurée, le facteur tissulaire (FT) présent sur les macrophages et les cellules musculaires lisses entre en contact avec le facteur VII circulant et déclenche la formation de thrombine (voir Chapitre 8 Figure 8.3). D’autre part, le facteur von Willebrand, lui aussi mis à nu par la rupture, immobilise et active les plaquettes en circulation (voir Chapitre 8 Figure 8.5) [228a]. L'adhésivité de ces dernières est stimulée et conduit à une thrombose locale; celle-ci peut être spontanément lysée, emboliser en périphérie, se recanaliser, ou occlure totalement le vaisseau. Le résultat est un syndrome coronarien aigu ou un infarctus. Les plaquettes stimulées induisent la libération de substances Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 183 puissamment vasoconstrictrices (thromboxane A2, sérotonine, endothéline). Ces deux types de plaques conduisent schématiquement à trois modalités de pathologies ischémiques (Figure 5.123) [229,244]. Athérome intrapariétal Plaque stable Plaque instable Sténose > 70% Sténose < 60% Ischémie : DO2 insuffisant si mVO 2 ↑ Rupture + thrombus Ischémie sur obstruction © Chassot 2012 Figure 5.123 : Evolutions possibles d'une plaque athéromateuse. La lésion stable est riche en zones calcifiées, en fibre musculaire lisse et en collagène; elle est recouverte d'une capsule fibreuse résistante. La lésion instable a perdu ses fibres conjonctives et musculaires lisses; elle est remplie de matériel lipidique et de macrophages, sa fine capsule fibreuse est très inflammatoire. Sa rupture est potentialisée par les forces de cisaillement et le syndrome inflammatoire. La rupture de la plaque met le matériel lipidique et les éléments cellulaires en contact avec les facteurs de coagulation et les thrombocytes circulants. Un thrombus se forme. L'évolution peut se faire vers l'occlusion totale du vaisseau et l'infarctus, ou vers une fibrinolyse et une cicatrisation. Le thrombus peut secondairement se recanaliser. L'étendue de l'infarctus dépend du territoire perfusé par le vaisseau occlus, de son degré de collatéralisation, de la demande en O2 du myocarde au moment de l'accident évolutif, et des facteurs induisant la fibrinolyse et la recanalisation; l'état d'hypercoagulabilité périopératoire aggrave la situation. La plaque stable est responsable d'épisodes d'angor itératifs, caractéristiques d’un déséquilibre entre l’apport et la demande en O2 : tachycardie, hypertension, douleur, stress, exercice (demand ischaemia). Elle se caractérise par des sténoses serrées (> 75%) à l’angiographie et par des épreuves d’effort en général positives. Lorsqu'elle croît jusqu'à l'occlusion, cette sténose donne lieu à un infarctus de type non-Q, accompagné de sous-décalage du segment ST, correspondant à une lésion sous-endocardique. Il survient fréquemment chez des malades âgés, diabétiques, insuffisants cardiaques, ou souffrant d'angor avec modifications du segment ST et ancien infarctus à l'ECG [153]. Son étendue est inversement proportionnelle au degré de collatéralisation. La meilleure prévention contre cet accident est le β-blocage. Un bas débit (hypotension sévère), une viscosité élevée (déshydratation) et/ou une vasoconstriction locale Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 184 (endothéline) peuvent parfois causer une thrombose aiguë sur une plaque stable lorsque la sténose est très serrée [133]. La rupture de plaque instable est sans relation particulière avec une demande accrue en O2, mais elle est responsable de la grande majorité des syndromes coronariens aigus [435]. Elle ne produit que des sténoses modestes à l’angiographie (< 60%), et laisse les tests d’effort le plus souvent silencieux [310]. Sa thrombose cause une occlusion du vaisseau (supply ischaemia) et un infarctus transmural, accompagné de surélévation du segment ST et d'onde Q dans 75% des cas [6]. Elle est responsable de la majorité des syndromes coronariens aigus et des morts subites. L’infarctus survient dans des régions dépendant de vaisseaux peu sténosés à la coronarographie [139] : 80% des lésions coronariennes en relation avec ce type d'infarctus ne sont pas considérées comme significatives lors d'un examen préopératoire [75,86,108]. La prévention est surtout liée aux antiplaquettaires et aux statines [66,67]. Ces dernières ont un effet stabilisateur sur l’équilibre des plaques athéromateuses qui s’étend au-delà de leur capacité à abaisser les lipides circulants [162a]. La résorption du thrombus accumulé sur la plaque instable et la recanalisation spontanée de la lumière vasculaire se manifestent par un épisode d’angor instable sans surélévation du segment ST [30a,229]. Des épisodes répétitifs peuvent déformer progressivement la paroi vasculaire jusqu’au moment où un thrombus devient occlusif et cause un infarctus. Alors qu’elle est la cause de plus des deux tiers des syndromes coronariens aigus en clinique, la rupture de plaque instable n’est à l’origine que de la moitié des infarctus postopératoires, où l’ischémie par déséquilibre DO2/VO2 est plus fréquente [214]. Le sort lié à un thrombus dépend de la durée et du degré d’occlusion de la coronaire. Dans un vaisseau terminal, une interruption du flux de plus de 20 minutes entraîne la nécrose des tissus. Une reperméabilisation spontanée se manifeste par un épisode d’angor momentané ; un thrombus non-occlusif peut rester asymptomatique ou engendrer de l’angor instable sans surélévation du segment ST [229]. La balance entre thrombolyse et facteurs procoagulants, la réaction inflammatoire systémique, les conditions de flux, la géométrie de la lésion, l’éventuelle collatéralisation, et le degré de vasodilatation / vasoconstriction locale décident du destin du myocarde distal à la lésion. Le patient vulnérable La vulnérabilité d’un patient à un accident cardiovasculaire aigu (ischémie, infarctus ou mort subite) est basée sur quatre phénomènes : l’importance de la sténose coronarienne (sténose critique), le degré d’instabilité des plaques athéromateuses, la susceptibilité du myocarde et les facteurs déséquilibrants humoraux [278,279]. Une sténose stable critique est caractérisée par son haut degré d’obstruction au flux (> 90%), sa localisation sur un gros tronc (tronc commun, IVA ou CX proximales), sa faible collatéralisation et l’importance du territoire qu’elle vascularise. Une plaque instable est un phénomène dynamique dont l'évolution n'est pas prédictible [61]. De nombreux facteurs interviennent pour accroître le risque : • Facteurs structurels : grande taille de la masse centrale lipidique, fragilité de la capsule susceptible de se rupturer, nombre élevé de macrophages et pauvreté en cellules musculaires lisses ; • Facteurs mécaniques : le mince recouvrement endothélial est facilement endommagé et rompu par les forces de cisaillement liées à une poussée hypertensive, à la tachycardie, au spasme coronarien ou à un flux turbulent ; • Facteurs humoraux : le syndrome inflammatoire, le diabète, la nicotine et l'hypercholestérolémie déséquilibrent la masse lipidique ; • Facteurs génétiques : certains malades développent des plaques fragiles alors que d'autres résistent à l'apport de cholestérol ; certaines populations sont particulièrement sensibles aux effets de la diète. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 185 Le myocarde module les effets de l’ischémie selon une série d’éléments : • Susceptibilité aux arythmies malignes ; • Etendue et l’emplacement du territoire concerné ; • Degré de collatéralisation ; • Degré de la stimulation sympathique • Effet de préconditionnement par les épisodes déjà subis. La susceptibilité à la rupture et à la thrombose est liée à plusieurs éléments systémiques véhiculés par le sang [28,169] : • Anomalies coagulatoires ; les syndromes coronariens aigus sont associés à une élévation du fibrinogène et des inhibiteurs du plasminogène ; la période opératoire est caractérisée par une augmentation de l’adhésivité plaquettaire et une baisse de la fibrinolyse ; • Facteurs inflammatoires : de nombreux facteurs sériques prédisent le risque de complications cardiovasculaires : interleukine-6, protéine C-réactive (CRP) ; le syndrome inflammatoire systémique accompagnant la chirurgie est un élément de fort déséquilibre pour les plaques instables [329] ; • Facteurs humoraux : taux élevé de catécholamines et de thromboxane A2 (vasoconstricteur libéré par les plaquettes activées), hyperviscosité ; • Activation globale : on a démontré que les syndromes coronariens aigus sont fréquemment associés à une activation générale de toutes les plaques coronariennes, et à la rupture de nombreuses d’entre elles ; le plus souvent, une seule est l’objet d’une thrombose massive qui provoque un infarctus [46,248]. Sténose coronarienne (I) Il existe schématiquement 2 types de plaque athéromateuse dans l'arbre coronarien. La plaque stable: partie lipidique enfouie dans du tissu cicatriciel, endothélium épaissi, calcifications. - Sténose serrée (> 75%) ne permettant pas un DO2 suffisant si ↑ mVO2, angor d'effort (demand ischaemia) - Visible à l'angiographie, test d'effort le plus souvent positif - Conduit à un infarctus non-Q avec sous-décalage ST - Responsable de 50-60% des infarctus postopératoires (pic d'incidence: 3ème jour postop) - Prophylaxie: ↑ DO2 , ↓ mVO2, β-bloqueurs La plaque instable: accumulation lipidique avec macrophages et réaction inflammatoire, recouverte d'une capsule mince et friable. - Sténose peu serrée (< 60%), ne compromettant pas le DO2; angor rare - Sténose non-significative à l'angiographie, test d'effort le plus souvent négatif - Instabilité, rupture et thrombose du vaisseau (supply ischaemia) - Conduit à un infarctus avec onde Q et sus-décalage ST (STEMI) - Responsable de 40-50% des infarctus postopératoires (< 36 heures postop) - Prophylaxie: antiplaquettaires, statines La vulnérabilité à l'ischémie est déterminée par: - Degré d'obstruction au flux d'une sténose stable serrée - Degré d'instabilité d'une plaque inflammatoire instable - Etendue et localisation du myocarde ischémié - Facteurs humoraux (agrégabilité plaquettaire, syndrome inflammatoire, stress) Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 186 Dans la période postopératoire, la collusion du stress, des variations hémodynamiques, de la forte demande en O2, de la thrombogénécité augmentée et du syndrome inflammatoire chirurgical sont un cocktail particulièrement explosif pour des plaques instables. C’est la raison pour laquelle la protection myocardique (β-bloqueur, antiplaquettaires, statines) doit être maximale chez les patients à risque. Effet hémodynamique d’une sténose Une sténose devient hémodynamiquement significative au-delà de 70% de rétrécissement. En aval d'une sténose, le lit vasculaire est dilaté pour maintenir le flux maximal. Une sténose est dite critique lorsqu'elle induit la dilatation maximale possible dans le réseau distal; toute réduction supplémentaire du diamètre entraîne une baisse du flux. Lorsque la réserve coronarienne est atteinte (sténose de > 85%), l'autorégulation est perdue et le flux devient dépendant de la pression (voir Figures 5.118 et 5.119 pages 169 et 171). Lorsque l'endothélium est lésé par l'athéromatose, l'hyper-cholestérolémie, le diabète ou l'hypertension, la réserve coronarienne est perdue parce que l'autorégulation ne fonctionne plus normalement et la réponse à une stimulation sympathique devient exagérée [277]. Au niveau d'une sténose, un fluide transforme une partie de son énergie potentielle en énergie cinétique; il y a accélération mais perte de charge: la pression post-sténotique est plus basse que la pression pré-sténotique. La chute de pression est directement proportionnelle à la longueur de la sténose, mais varie inversément à la puissance 4 par rapport au diamètre de la lumière (loi de Poiseuille). La relation entre le flux à travers une sténose et le gradient de pression engendré n'est pas linéaire, mais croît exponentiellement (Figure 5.124) [202]. La résistance et la baisse de flux ne deviennent significatifs qu'à partir de 70% de rétrécissement; en dessous de 50%, les variations sont négligeables. Lorsqu'une sténose augmente de 80 à 90%, la résistance augmente trois fois. Les sténoses modérées n'ont donc pas d'effet significatif sur le flux. Le gradient de pression varie avec le carré de la vitesse du flux (loi de Bernoulli); l'effet d'une sténose augmente donc exponentiellement avec le débit sanguin; il est plus marqué à l'effort qu'au repos. Mais le flux ne dépend pas que du diamètre de la sténose. Il est encore tributaire de sa longueur, de sa géométrie, de son degré d'excentricité, et de facteurs rhéologiques du sang comme l'hématocrite ou le taux de protéines plasmatiques [168]. La fraction de réserve de flux est le rapport entre le flux dans une artère sténotique et le flux dans la même artère en l’absence de sténose. Sa valeur normale est 1 ; plus la sténose est serrée, plus le rapport diminue. Un rapport de 0.75 signifie que le vaisseau sténosé ne fournit que le 75% du flux en périphérie. C’est un index spécifique des sténoses épicardiques. En coronarographie, il est beaucoup plus facile de mesurer la pression que le flux, raison pour laquelle on utilise le rapport entre la pression aortique et la pression moyenne distale à la lésion (mesurée par le cathéter intracoronarien) : Pdist / Pao [195]. Pour minimiser l’effet de la résistance artériolaire périphérique, on produit une hyperémie maximale par administration de vasodilatateur (adénosine, papavérine) et l’on enregistre la mesure au nadir de la Pdist. Un index < 0.8 est bien corrélé à la positivité des tests d’effort ; cette valeur est considérée comme un critère d’ischémie et une indication à la revascularisation. Une sténose peut être dynamique: le vasospasme épicardique (angor de Prinzmetal) est l'exemple typique de l'ischémie induite par une vasoconstriction active; il se traduit par une ischémie transmurale avec élévation du segment ST. D'autre part, une sténose athéromateuse est rarement circulaire, et comporte une partie musculaire résiduelle qui peut se spasmer suffisamment pour rendre la sténose critique et occasionner une ischémie en aval. Ce spasme est dû à la libération locale de substances vasoconstrictrices par les plaquettes adhérant à la sténose (sérotonine, thrombexane A2), et par le déséquilibre de l'endothélium lésé qui présente une prédominance d'effets vasoconstricteurs (endothéline, angiotensine II) [431]. La fumée du tabac favorise ce déséquilibre, donc le spasme coronarien [380]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 187 Résistance Gradient de pression sur la sténose (ΔP) 90% 90% 80% 70% 50% 30% 80% Sténose 70% 50% 30% Flux (Q) Figure 5.124 : Relation entre le flux et le gradient de pression à travers une sténose. Les courbes illustrent la relation pour différents degrés de rétrécissement dans un vaisseau de 3 mm de diamètre. En cartouche, la courbe démontre la variation de la résistance créée par la sténose en fonction du degré de rétrécissement de celle-ci. Les courbes sont exponentielles; les variations sont négligeables en-dessous de 50%, faibles jusqu'à 70%, et ne deviennent significatives qu'à 75% et au-delà. En effet, la résistance au fluide dans un tube est fonction de la quatrième puissance de son rayon (loi de Poiseuille) [202]. Sténose coronarienne (II) Une sténose est considérée comme significative à > 70% de rétrécissement de la lumière. Distalement à la sténose, le réseau est vasodilaté et le flux pression-dépendant. Le flux distal baisse exponentiellement avec le degré de sténose. Le gradient de pression augmente avec le carré de la vélocité du flux; il est proportionnel à la puissance 4 du diamètre de la sténose. L'effet d'une sténose dépend aussi de sa localisation, de sa longueur, de sa géométrie, du degré de collatéralisation, du flux distal et de la micro-angiopathie. Facteurs aggravants L’effet clinique d’une sténose coronarienne dépend de plusieurs phénomènes : Localisation : ischémie du nœud atrio-ventriculaire (bloc complet), système gauche-dominant ou droite-dominant ; Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 188 Etendue de myocarde ischémié : les sténoses ostiales, les sténoses du tronc commun ou leurs équivalents (IVA proximale, CX proximale) réduisent le flux d’une grande masse myocardique dans des territoires dont la contribution à l’éjection systolique est majeure ; Degré de collatéralisation permettant de court-circuiter la lésion sténosante ; Lésions micro-angiopathiques diabétiques (épaississement de la membrane basale des capillaires qui limite la diffusion de l’O2) ; Augmentation de la demande en O2 . Collatérales et phénomène de "vol" Les collatérales existent naturellement, mais sont de faible diamètre (< 40 mm) et sont normalement fermées. Elles ne s'ouvrent que lorsque la pression baisse distalement à une sténose; elles ne prennent de l'importance (diamètre jusqu'à > 500 mm) que lorsque leur croissance est stimulée par l'ischémie; elles se développent alors de manière prédominante dans le sous-endocarde [74]. L'ischémie doit être chronique pour que les collatérales soient performantes. Contrairement au chien, l'homme et le cochon n'ont pas de collatéralisation significative en temps normal, ce qui rend une occlusion coronarienne aiguë particulièrement dangereuse, car chaque branche artérielle qui plonge dans le myocarde forme un réseau capillaire terminal [73]. Celles-ci se développent en trois phases, dès qu'une sténose dépasse 70% [300]: < 24 heures: agrandissement passif des canaux existants; 1 jour à 3 semaines: prolifération cellulaire; le diamètre des vaisseaux augmente de 10 fois; 3 semaines à 6 mois: maturation et épaississement; le diamètre peut atteindre 1 mm. Le réseau collatéral peut se dilater en 5-10 minutes sous l'effet du NO• et de la prostacycline; il ne se vasoconstricte que sous l'effet de la vasopressine, de l'endothéline ou de la sérotonine. Lorsqu'il est pleinement développé, le réseau collatéral assure un débit un peu inférieur à la moitié de la réserve coronarienne, mais ne permet pas un exercice maximal [304]. Certaines substances pharmacologiques interfèrent également: les dérivés nitrés, les agents β-agonistes et les halogénés vasodilatateurs y augmentent le flux. Les α-agonistes et les bloqueurs calciques sont sans effet car il n'y pas de récepteurs α dans les collatérales [70]. Les β-bloqueurs peuvent antagoniser la vasodilatation des collatérales, qui sont pourvues de récepteurs β1 et β2 [212]. Les substances antiproliférantes contenues dans les stents actifs (sirolimus, paclitaxel, etc) inhibent la formation des collatérales [251]. Vu la prédominance de réponse dilatatrice et l’absence de vasoconstriction α, le flux est essentiellement pression-dépendant dans les collatérales. Le traitement hypertenseur dans l’ischémie aiguë a précisément pour but d’augmenter ce flux. Une vasodilatation exogène présente le risque d'induire une situation de vol : il s'agit d'une redistribution du flux vers des zones saines où la résistance baisse, à partir de zones ischémiées où le flux ne peut pas augmenter parce que le territoire est déjà maximalement vasodilaté. Ce phénomène survient dans certaines conditions anatomiques particulières (Figure 5.125): La pression de perfusion dans un territoire myocardique en aval d'une obstruction coronarienne tronculaire totale dépend de la pression d'un réseau collatéral dont l'autorégulation est préservée ; si ce réseau est issu d'un vaisseau lui-même sténosé à 50-70%, le degré de vasodilatation supplémentaire nécessaire à induire le vol est faible ; cette situation est présente dans 13% des cas angiographies [50] ; La pression systémique est basse (PAM abaissée de plus de 25%) ; La dépression myocardique (↓ mVO2) induite par l’agent est moins importante que la vasodilatation coronarienne. Le faible effet inotrope négatif et la tachycardie induite par l'isoflurane contribuent certainement à ce découplage de l'apport et de la demande en O2, qui ne se manifeste qu'avec des agents dont la Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 189 cardiodépression est faible par rapport à la vasodilatation; ce phénomène peut se traduire par une ischémie peropératoire [323]. Les patients qui souffrent d'une architecture coronaire propre au vol semblent présenter davantage d'épisodes ischémiques préopératoires, mais ne sont pas affectés par le phénomène dans la période périopératoire [225]. Toutefois, l'expérience a montré que l’usage de l’isoflurane < 2 MAC n’augmentait pas l’incidence d’épisodes ischémiques peropératoires tant que la pression de perfusion est maintenue. Figure 5.125 : Représentation schématique du phénomène de vol. A: situation normale. Le territoire 1 est alimenté par la collatérale horizontale venant de 2; 1 est vasodilaté en permanence, puisque derrière une obstruction à 100%. B: administration d’un vasodilatateur artériel comme l’isoflurane. Le territoire 2, situé en aval d’une sténose modérée, réagit normalement aux vasodilatateurs; si les résistances baissent en 2 (R ↓), le flux baisse en 1, qui est maximalement vasodilaté, car le sang coule préférentiellement en 2 où les résistances diminuent. C’est le phénomène de vol. A B 100% 100% 50% 50% R↓ 1 2 1 2 © Chassot 2012 Collatérales et vol Les collatérales ne s'ouvrent que sous l'effet de l'ischémie. Pleinement développées, elles correspondent à la moitié de la réserve coronarienne normale. Le flux y est pression-dépendant car elles sont dépourvues de récepteurs α. Le vol coronarien est une redistribution du flux vers des zones saines où la résistance baisse, à partir de zones ischémiées où le flux ne peut pas augmenter parce que le territoire est déjà maximalement vasodilaté. Il survient lorsque: - Un territoire en aval d'une occlusion est vascularisé par un territoire souffrant d'une sténose modérée - La PAM est abaissée de > 25% - La baisse de mVO2 est moins importante que la vasodilatation Le phénomène a été décrit avec l'isoflurane à > 2 MAC en cas d'hypotension systémique. Ischémie myocardique et infarctus Alors que l'hypoxie est un apport insuffisant d'oxygène sans diminution de la perfusion tissulaire, l'ischémie se caractérise par une baisse de la perfusion entraînant un manque d'oxygène et de substrats Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 190 métaboliques, et une élimination incomplète des métabolites. Moins d'une minute après une occlusion coronarienne, la tension de paroi systolique baisse; elle atteint le nadir à la cinquième minute. Dans les 2-3 premières minutes qui suivent une occlusion coronarienne, survient une série de modifications qui se déroulent dans l’ordre chronologique suivant (Figure 5.126) (voir Chapitre 9, Tableau 9.1) [194]. Baisse de la compliance ventriculaire (dysfonction diastolique par défaut de relaxation active protodiastolique) ; Altération de la cinétique segmentaire (hypokinésie ou akinésie du territoire concerné) ; il faut une diminution du flux de ≥ 60% pour induire une hypokinésie et de ≥ 80% pour provoquer une akinésie ; une hypokinésie apparaît à l’échocardiographie dans le territoire concerné lorsque > 20% de l’épaisseur de paroi est infarcie ; il faut un infarcissement de > 40% de l’épaisseur pour provoquer une akinésie ; Dysfonction systolique et baisse de la tension de paroi en systole ; Modification du segment ST à l’ECG ; Baisse de la FE mesurée (si la zone ischémiée est > 15% de la masse ventriculaire) ; Apparition de l’angor clinique ; Une absence de flux sanguin durant > 20 minutes entraîne la nécrose. La dysfonction segmentaire apparaît 1-2 minutes avant les signes électriques. La baisse de la tension de paroi systolique atteint son nadir à la cinquième minute; la zone ischémiée présente un mouvement paradoxal sous forme de raccourcissement et d’épaississement post-systoliques qui ne contribuent pas à l’éjection de sang puisqu’ils ont lieu après la fermeture de la valve aortique. Les effets hémodynamiques dépendent de la masse ventriculaire lésée : 25% entraînent une insuffisance cardiaque et 40% un choc cardiogène [34]. Figure 5.126 : Chronologie des évènements après une interruption du flux coronarien. La dysfonction diastolique survient avant la dysfonction systolique. Les anomalies de la cinétique segmentaire (ACS) surviennent après 20 à 60 secondes et précèdent le décalage du segment ST de 30 sec à 2 min. L'angor se manifeste moins d'une minute après l'occlu-sion coronarienne. PTD: pression télé-diastolique du VG. FE: fraction d'éjection [194]. Apport d'O 2 DO2/VO 2 normal Infarctus ISCHEMIE Angor FE ↓ ACS Décalage ST PTD VG ↑ compliance ↓ Demande d'O2 L'insuffisance en apport d'oxygène (supply ischemia) provoque une insuffisance systolique et une dépression myocardique sévère: les réserves en ATP ne dépassant pas 30 secondes, le métabolisme devient anaérobique (glycolyse) et produit une accumulation de ions H+ et de phosphates inorganiques (acidose intracellulaire); une fuite de potassium entraîne des modifications électriques membranaires sous forme d’altérations du segment ST [155]. Le myocarde survit à une ischémie sévère par une combinaison d'inhibition de la contraction (hibernation) et de glycolyse anaérobique [203]. Lors de la récupération d'un épisode ischémique, la fonction systolique ne se rétablit pas immédiatement, mais Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 191 avec un certain délai allant jusqu'à 60 minutes. Ce phénomène, analogue à la sidération myocardique, est probablement lié à un découplage de la glycolyse et de l'oxydation du glucose [34]. Une demande excessive en oxygène par rapport aux possibilités du flux coronaire (demand ischemia), telle qu'on la rencontre dans la tachycardie et l'exercice, va en premier lieu effondrer la compliance et créer une insuffisance à prédominance diastolique; le taux de Ca2+ cytoplasmique reste élevé et empêche la relaxation diastolique normale en réalisant des ponts actine-myosine non réversibles (tachycardie, insuffisance en ATP). De plus, l'arbre vasculaire non-occlus est vasodilaté: comme il représente 10-15% de la masse du VG, il crée un effet érectile qui rigidifie la paroi ventriculaire. Des épisodes récurrents d'ischémie peuvent altérer structurellement le myocarde: hypertrophie, fibrose interstitielle, sclérose. La production endothéliale locale de NO• est très affaiblie en cas de sténose coronarienne, alors que la sécrétion d'endothéline et d'angiotensine II est élevée; ces deux substances ont des effets vasoconstricteurs mais aussi potentialisateurs de la fibrose interstitielle. L’angiotensine II est un des agonistes principaux parmi les nombreux déterminants moléculaires de l’HVG, mais les déclencheurs de croissance qui favorisent l’hypertrophie des cellules musculaires sont aussi des facteurs qui activent les fibroblastes et, à partir d’un certain seuil, engendrent l’apoptose [164]. L'angor est causé par la libération d'adénosine [79]. L'angor stable est caractéristique d'une diminution chronique du flux sanguin local par une sténose coronarienne, entraînant une souffrance ischémique distale lorsque la demande en O2 augmente. Dans l'angor instable, une érosion ou une fissure dans une plaque instable mettent le flux sanguin en contact avec les lipides et les macrophages de la plaque. Ceci conduit à une vasoconstriction locale et à l'adhésion des thrombocytes, entraînant la formation d'un thrombus qui peut devenir occlusif ou être spontanément lysé en 10 à 20 minutes [133]. Syndrome coronarien aigu D’un point de vue physiopathologique, les mécanismes en jeu dans les syndromes coronariens aigus (SCA) peuvent être répartis en trois catégories [79a]. Athéromatose ± obstructive avec réaction inflammatoire systémique ; cette dernière est accompagnée d’une flambée immunitaire et se caractérise par de multiples ruptures de plaques, une activation des neutrophiles, des macrophages et des cellules T, une CRP élevée et une libération locale de cytokines. Un thrombus obstrue la lumière. Athéromatose obstructive sans réaction inflammatoire ; des stresseurs physiques (stress mécanique de la paroi artérielle) ou émotionnels déclenchent une réaction sympathique majeure avec hypertension, vasoconstriction locale, activation plaquettaire et augmentation de la mVO2. Les modifications physico-chimiques des plaques (température, pH, fumée, toxines) peuvent conduire à une cristallisation massive de leur cholestérol et à leur éclatement. Athéromatose non-obstructive ; une vascoconstriction intense est présente dans les vaisseaux épicardiques et dans la microcirculation, comme dans le syndrome de Takotsubo. La fonction endothéliale est altérée et induit un vasospasme alors qu’elle devrait produire du NO en réponse à la stimulation sympathique. La rupture de plaque instable et l'adhésion des plaquettes sur la zone cruentée provoquent la formation d'un thrombus plus ou moins occlusif qui est classiquement considéré comme le substrat physiopathologique commun des syndromes coronariens aigus puisque qu’on le retrouve dans > 75% des SCA, principalement sur des troncs proximaux ou des bifurcations [6,79a]. Mais de nombreuses investigations ont montré la présence de thrombus sur des plaques fissurées sans pour autant que les patients ne présentent de symptômes ischémiques. Il s’ensuit que l’origine du SCA est certainement multifactorielle, résultant de la combinaison malheureuse d’un état inflammatoire, d’une hypercoagulabilité, d’un pic dans l’effet de toxines (lipides, fumée, polluants) ou dans la réponse au stress (catécholamines, hypertension), synchronisés avec le moment d’une rupture ou d’une fissure dans une plaque instable située à un endroit critique du réseau coronarien [6]. La position du segment Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 192 ST à l'ECG occupe une place centrale dans la définition clinique du syndrome coronarien aigu (Figure 5.127). Il introduit une dichotomie fondamentale entre le sus-décalage et le sous-décalage ST [31]. Sus-décalage du segment ST (ST-elevation myocardial infarction, STEMI), Sous-décalage ST (non-STEMI). Figure 5.127 : La position du segment ST à l'ECG occupe une place centrale dans la définition du syndrome coronarien aigu. L'élévation des troponines et le décalage ST certifient le diagnostic d'infarctus. La majorité des patients avec un sus-décalage ST développe un infarctus avec onde Q. Les patients qui présentent un sousdécalage ST souffrent en majorité d'angor instable; certains développent un infarctus (élévation des troponines), en général de type non-Q. La mortalité (5.1%) est la même pour des deux types d'infarctus (d'après réf 6). Syndrome coronarien aigu: angor, choc cardiogène ECG Sus-décalage ST 25% des cas Sous-décalage ST 75% des cas Troponine ⇑ Infarctus avec onde Q (75%) Occlusion coronaire totale TTT: reperfusion Infarctus sans onde Q (35%) TTT: reperfusion Angor instable 65% des cas TTT médical Un quart des patients souffrant de syndrome coronarien aigu présente une surélévation du segment ST; la majorité d'entre eux développe un infarctus avec onde Q. Les trois autres quarts présentent un sousdécalage ST et souffrent en majorité d'angor instable; certains développent un infarctus (élévation des troponines), en général de type non-Q (7). C'est l'élévation du taux d'enzymes cellulaires, actuellement les troponines, qui certifie le diagnostic d'infarctus en cas de décalage du segment ST. Les patients qui présentent une surélévation persistante du segment ST sont candidats à une technique de reperfusion en urgence (thrombolyse ou angioplastie percutanée), alors que ceux qui ont une sous-dénivélation ST doivent bénéficier d'un traitement médical anti-ischémique, suivi plus ou moins rapidement d'une revascularisation selon les indications [6,33]. Des antiplaquettaires doivent faire partie du traitement des deux catégories de malades. Ischémie myocardique L'ischémie est une souffrance tissulaire due à un déséquilibre entre l’apport (DO2) et la demande (VO2) en oxygène: - La baisse de DO2 peut être due à: vasospasme, sténose serrée, obstruction par thrombose, hypotension, anémie, hypoxie (syndrome coronarien aigu) - L'excès de VO2 est lié à: tachycardie, augmentation de tension de paroi et de contractilité, stress, douleur (angor stable chronique) Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 193 L'ischémie entraîne en < 5 minutes les évènements suivants, par ordre chronologique: - Dysfonction diastolique - Altération de la cinétique segmentaire - Dysfonction systolique - Altérations ST (ECG) - Angor (dû à la libération d'adénosine) Une interruption totale du flux de > 20 minutes provoque la nécrose. Les effets hémodynamiques dépendent de la masse ventriculaire lésée : 25% entraînent une insuffisance cardiaque et 40% un choc cardiogène. Le syndrome coronarien aigus est défini par la position du segment ST: sus-décalage (infarctus STEMI) ou sous-décalage (infarctus non-STEMI). L’infarctus est défini par l’élévation des troponines. L'infarctus En l'absence de collatérales, une interruption de flux sanguin pendant 20 minutes entraîne la nécrose. Le phénomène est accéléré si la mVO2 est élevée ou la pression artérielle basse. En revanche, le délai est étendu à 2 - 6 heures si le réseau collatéral est bien développé. La nécrose débute habituellement dans la zone sous-endocardique et sétend progressivement vers l'épicarde pour devenir transmurale en 4 à 6 heures. Dans la pratique clinique, cette évolution dans le temps est la base de la course contre la montre pour reperméabiliser le vaisseau concerné dans les plus brefs délais après le début des symptômes. On peut distinguer deux types d'infarctus selon la présence ou non d'une onde Q à l'ECG (Tableau 5.3) et selon l'étiologie relevant d’une plaque stable ou d’une plaque instable (voir Sténose coronarienne). Le passage d'une ischémie réversible à une situation irréversible comme l'infarctus se fait par une série de phénomènes [290]: Chute de l'ATP en dessous d'un certain seuil et ouverture des canaux KATP avec fuite de potassium à l'extérieur de la cellule; Inhibition de la pompe à sodium et entrée massive de sodium avec apparition d'oedème cellulaire; le terme infarctus vient de la racine "farcir", parce que les cellules apparaissent gonflées à l'histologie; Lésion des membranes; Accumulation de radicaux libres; Surcharge intracellulaire en Ca2+. Lors d'un infarctus, la dysfonction systolique des segments ischémiés est caractérisée par une hypokinésie, une akinésie ou une dyskinésie. Elle est partiellement compensée par une hypercinésie des segments non touchés. D'autre part, la masse myocardique initialement hypo- ou akinétique au moment de l'ischémie aiguë est plus importante que la masse qui va ultérieurement être infarcie, car toute la zone bordante (pénombre) est hypofonctionnelle, alors qu'elle va potentiellement récupérer par la suite. La fraction d'éjection mesurée à un moment proche de l'évènement aigu peut être ainsi très inférieure à ce qu'elle sera après récupération. Il faut que plus de 15% de la masse du VG ait une contraction anormale pour que la fraction d'éjection globale soit modifiée. Le degré d'augmentation du volume télésystolique et la présence d'une dysfonction diastolique sont des bons prédicteurs de la mortalité post-infarctus [417]. La gravité d’un infarctus dépend de plusieurs éléments. La localisation ; un infarctus antérieur ou latéral a de fortes conséquences hémodynamiques parce que la contraction des parois antérieure et latérale contribue davantage au volume systolique que celle de la paroi postérieure et du septum. Le type de lésion ; un infarctus transmural modifie la contractilité d’un ou de plusieurs segments, alors qu’un infarctus sous-endocardique peut ne pas altérer significativement la Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 194 fonction systolique du VG. Il faut une lésion impliquant plus de 20% de l'épaisseur de la paroi myocardique pour voir apparaître une altération de la cinétique segmentaire. La dimension de la lésion ; plus il est étendu, plus un infarctus pénalise le débit cardiaque. Il faut que plus de 15% de la masse du VG ait une contraction anormale pour que la fraction d'éjection globale soit modifiée. Le risque d’arythmies ; la présence de tachy-arythmies auriculaires ou ventriculaires (TV, fibrillation) augmente la mortalité à court terme et aggrave le pronostic à long terme. Le degré de collatéralisation ; les sténoses serrées entraînent une ischémie chronique (angor d’effort) qui génère un recrutement de vaisseaux collatéraux, alors que la thrombose aiguë d’une plaque instable (sténose < 60%) est une occlusion brutale de vaisseau non collatéralisé. Le risque de complications ; la rupture pariétale et la CIV sont caractéristiques de lésions touchant une artère terminale non collatéralisée. L’insuffisance mitrale ; la survenue d’un IM majeure (degré III-IV) quadruple le risque d’insuffisance congestive et double la mortalité. Tableau 5.3 Différences entre infarctus avec et sans onde Q Caractéristique onde Q non-Q Prévalence Infarctus préexistant Artère occluse Collatéralisation Elevation du segment ST Sous-décalage ST Pics enzymatiques Cinétique segmentaire Ischémie résiduelle Mécanisme Lésion ECG 60-70% des infarctus rare 75-80% des cas peu fréquente 80% des cas rare élevés dysfonction segmentaire ++ peu fréquente rupture de plaque instable transmurale sus-décalage ST 30-40% des infarctus fréquent 10-20% des cas fréquente 20% des cas > 80% des cas plus bas pas de dysfonct segment fréquente sténose serrée sous-endocarde sous-décalage ST Lors de la stabilisation et de la cicatrisation, le ventricule change de forme, de taille et d'épaisseur: c'est le remodelage. L'amincissement de la zone infarcie entraîne une dyskinésie importante, qui réduit d'autant le volume éjecté. La dilatation du VG désavantage le ventricule par rapport à la loi de Laplace et augmente le risque d'arythmies. Les modifications géométriques des piliers peuvent donner naissance à une insuffisance mitrale. Dans la pratique cardiologique, les deux tiers des infarctus sont liés à des ruptures de plaque instable et à des occlusions coronariennes aiguës (supply ischaemia). Dans la période postopératoire, au contraire, le 50-60% des infarctus a pour étiologie une demande en O2 excessive par rapport au transport limité par des sténoses serrées (déséquilibre DO2/mVO2, demand ischaemia) [214]. En clinique, la définition universelle de l’infarctus repose sur les deux points suivants [390c]. Elévation des marqueurs biochimiques (préférentiellement troponine), dont au moins une valeur est au-delà du 99ème percentile de la limite de référence supérieure. Association à au moins un des éléments suivants : • Symptomatologie d’angor : douleur rétrosternale constrictive durant 20-30 minutes ; douleur épigastrique de même type ; irradiation dans la mâchoire, l’épaule et le bras gauche. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 195 • • • • Modifications ECG : sus-décalage > 1 mm (0.1 mV) ou sous-décalage > 1-2 mm du segment ST ; apparition d’un bloc de branche gauche. Développement d’ondes Q. Nouvelles anomalies de la contraction segmentaire. Présence de thrombus intracoronarien ou de thrombose de stent (PCI ou autopsie). Infarctus myocardique L’infarctus est une nécrose tissulaire qui survient après 20 minutes d’occlusion coronarienne totale. En présence de collatérales, ce délai est repoussé à 4-6 heures. Le phénomène est accéléré si la mVO2 est élevée ou la PA systémique basse. Les altérations de la cinétique segmentaire sont fonction de l’épaisseur de paroi touchée : ≥ 20% provoque une hypokinésie et ≥ 40% une akinésie. La FE baisse si ≥ 15% de la masse du VG est infarcie. En phase aiguë, la zone bordante (pénombre) élargit la taille de l’hypo/akinésie mais est potentiellement récupérable. On distingue 2 types d'infarctus selon la présence ou non d'une onde Q à l'ECG et selon l'étiologie relevant d’une plaque stable (déséquilibre DO2/mVO2) ou d’une plaque instable (thrombose). - En clinique cardiologique: 2/3 des infarctus sont dus à une rupture de plaque instable (sus-décalage ST > 1 mm, infarctus STEMI, présence d’onde Q) - En postopératoire: 50-60% sont dus à un déséquilibre DO2/mVO2 (sous-décalage ST > 2 mm, infarctus non-STEMI) Hibernation et lésions de reperfusion Quatre phénomènes particuliers sont liés à l'ischémie et à la reperfusion myocardiques: l'hibernation, la sidération, la non-reperfusion et le préconditionnement. Hibernation Entre l'ischémie aiguë sans traduction hémodynamique et la nécrose tissulaire de l'infarctus, il existe tout un éventail dans l'intensité et la durée de la dysfonction ventriculaire. Le myocarde hibernant est du tissu viable mais ischémié de manière continue et chronique, qui présente une dysfonction contractile grave et prolongée, sans signes de nécrose, pouvant s'étendre à tout le ventricule [8,319]. Cette situation, liée à une hypoperfusion, est un mode d'auto-préservation rapidement réversible en cas de reperfusion (Figure 5.128A) [36]. Le bas débit coronaire suffit à maintenir la viabilité métabolique, mais non la contractilité; le taux d'ATP est normal mais la densité des récepteurs β est diminuée [360]. La fonction peut être stimulée par des agents ionotropes, mais cette stimulation est potentiellement délétère, car l'hibernation est une forme d'autoprotection myocardique [109]. Une revascularisation myocardique peut restaurer la fonction en l’espace de quelques heures à quelques jours [157]. Malgré la mauvaise fonction préopératoire, le pronostic est excellent si la viabilité du myocarde a pu être démontrée par les tests préopératoires (échocardiographie de stress à la dobutamine, IRM avec contraste, etc) [122]. L'examen échographique d'un coeur souffrant d'un infarctus frais laisse voir une zone dysfonctionnelle plus étendue que ne le sera la lésion cicatricielle ultérieure. C'est la zone bordante ou pénombre : la périphérie de la région ischémiée souffre d'une hypocontractilité associée à l'hypoperfusion. Ce Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 196 phénomène est réversible lors du rétablissement de la perfusion, alors que la partie centrale nécrosée ne peut plus récupérer. Valeur normale (%) Figure 5.128 : Hibernation et sidération. A: hibernation; la fonction segmentaire suit la même évolution que la perfusion régionale. B : sidération ; la fonction, effondrée durant la période ischémique, ne remonte que lentement après le rétablissement de la perfusion. 100 A Temps Reperfusion Ischémie progressive Fonction segmentaire Valeur normale (%) Flux régional 100 B Ischémie Reperfusion Temps © Chassot 2010 Lésions de reperfusion La reperfusion d’un tissu myocardique ischémié génère des lésions supplémentaires qui s’ajoutent à celles induites par l’interruption circulatoire, et met en route une cascade de phénomènes pouvant aboutir à des lésions cellulaires irréversibles [18a,124,425a]. Alors que la cellule ischémique s’était placée sur un mode de survie en anaérobiose, la reperfusion amène soudain un excès d’oxygène aux mitochondries. Il s’ensuit une libération importante de ROS (Reactive oxygen species, radicaux libres) dans le cytoplasme cellulaire et une réduction massive de la production de NO. Les ROS attaquent les phospholipides membranaires et le DNA ; ils activent les enzymes cytolytiques (caspases). L’expulsion des ions H+ accumulés pendant l’ischémie provoque une entrée de Na par les pompes Na+/H+, ce qui induit une œdème cellulaire. L’augmentation brusque du Ca2+ intracellulaire engendre une hypercontracture des myocytes qui peut aller jusqu’au stone heart. Elle est liée à trois phénomènes. • L’excès d’ions Na+ active l’échangeur Na+/Ca2+, ce qui cause une augmentation de la concentration en Ca2+. • L’activation des canaux Ca2+- L laisse entrer du calcium dans la cellule. • La déficience en SERCA cause un dysfonctionnement du réticulum sarcoplasmique avec libération excessive de Ca2+ (voir Figure 5.3 page 7). L’ouverture des canaux mitochondriaux MPTP (mitochondrial permeability transition pore) laisse fuir dans le cytoplasme des agents oxydants et découple la phosphorylation oxydative source d’ATP (voir Figure 5.7 page 13). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 197 L’activation des neutrophiles déclenche une cascade inflammatoire locale et une libération accrue de ROS. La vasodilatation massive de la zone ischémiée, qui abolit l’autorégulation, est responsable d’une flux sanguin excessif malgré une pression de perfusion normale, et d’un risque d’œdème et/ou de surpression à l’intérieur de l’organe au moment de la reperfusion. Bien que certaines substances utilisées dans des préparations animales (nicorandil, cyclosporine A, magnésium, méthylprednisolone, atorvastatine, anticalciques, etc) puissent atténuer les lésions de reperfusion, aucune étude clinique n’a mis en évidence un effet cardioprotecteur significatif [425a]. Sidération (Stunning) Ce phénomène consiste en une persistance de la dysfonction myocardique après revascularisation, alors que l'angor, le segment ST et la perfusion ont récupéré. Malgré le rétablissement de la perfusion coronarienne, la récupération n’est pas immédiate comme dans l'hibernation, et la fonction myocardique reste altérée pendant une période allant de quelques heures à plusieurs jours (Figure 5.128B) [31] ; la récupération peut parfois prendre plusieurs semaines. Cette lésion fonctionnelle survient à des degrés divers après angioplastie ou après pontage aorto-coronarien. Le myocarde lésé est caractérisé par des lésions ultrastructurales et électrophysiologiques sans nécrose, et par une perte de l'autorégulation coronarienne qui y rend le flux pression-dépendant. Il est "intoxiqué" par des radicaux libres (peroxydes) et par une augmentation du Ca2+ sarcoplasmique [122,429]. Bien que les réserves en ATP soient conservées, le couplage excitation-contraction est défaillant. La dysfonction est systolique et diastolique. Le myocarde sidéré est bien stimulable par des agents catécholaminergiques. Non-reperfusion (No-reflow) Malgré la restauration d’un flux épicardique normal, le flux intramyocardique reste souvent compromis ou absent : c’est le phénomène du No-reflow, qui augmente la taille de l’infarctus, la mortalité et les complications (arythmies, insuffisance ventriculaire). On estime que la reperfusion n’est totalement rétablie que dans 35% des cas d’angioplastie ou de revascularisation chirurgicale [283]. Les causes de la non-reperfusion sont multiples et probablement liées à une dysfonction endothéliale [18a], mais les possibilités thérapeutiques sont très limitées [313]. Embolisation distale d’athéromes, de thrombus et d’amas plaquettaires ; de nouveaux cathéters permettent d’aspirer les débris. Lésions ischémiques ; possibilités thérapeutiques : diminuer le délai de revascularisation, βbloqueurs, IEC, bloqueurs de l’angiotensine II. Lésions de reperfusion ; possibilités thérapeutiques : anti-plaquettaire anti-GP IIb/IIIa (abciximab), anti-endothéline E1 (bosentan), anti-thrombexane A2 (aspirine), postconditionnement (nicorandil, adénosine, cyclosporine). Conditions métaboliques : hyperglycémie, hypercholestérolémie ; traitement : insuline, statines. Les arythmies Les déséquilibres électro-chimiques liés à la reperfusion peuvent entraîner le dysfonctionnement électrique de certaines cellules et occasionner des arythmies ventriculaires malignes réfractaires aux thérapeutiques habituelles. Toutefois, ces arythmies sont en général réversibles si l’on parvient à maintenir la perfusion myocardique pendant quelques heures. Leur prise en charge demande beaucoup de persévérance : certains patients sont sortis de l’hôpital en rythme sinusal après avoir été défibrillés une cinquantaine de fois pendant les premières heures post-CEC. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 198 Ischémie et reperfusion Hibernation: forme d'autoprotection dans laquelle le myocarde ischémié devient hypocontractile pour adapter sa mVO2 au faible DO2. L'étendue est variable, mais il n'y a pas de nécrose. La fonction de ce myocarde est stimulable par des catécholamines; elle est récupérable en cas de revascularisation (en quelques heures à quelques jours). Lésions de reperfusion: l’apport massif d’O2 libère des superoxydes et des radicaux libres toxiques pour la cellule et s’accompagne d’une hypercalcémie sarcoplasmique. Bien que la pression soit normale, le flux sanguin est excessif par rapport à la vasodilatation maximale des zones ischémiées. Des arythmies ventriculaires malignes sont fréquentes, mais potentiellement réversibles. Sidération: persistance de la dysfonction myocardique après revascularisation alors que la perfusion est récupérée; la durée est de quelques heures à plusieurs jours; la fonction est stimulable par des catécholamines. Non-reperfusion: absence de flux distal intra-myocardique alors que le flux épicardique est rétabli. Préconditionnement Le phénomène de préconditionnement a laissé entrevoir de nouvelles perspectives pour protéger le myocarde contre l'ischémie, mais ces promesses n’ont pas toujours été tenues. Le préconditionnement consiste en une amélioration de la tolérance à l'ischémie par de brefs épisodes d'occlusion du flux (entre 1 et 5 minutes) suivis de périodes de reperfusion (de 1 à 30 minutes) ; la durée de la protection pour une ischémie ultérieure est de 1 à 2 heures [221,276]. Expérimentalement, cette technique permet de réduire la taille de l'infarctus de 50-80%. Il existe plusieurs formes de préconditionnement. Préconditionnement ischémique par occlusion itérative de la coronaire (par exemple par le ballon d’angioplastie). Préconditionnement pharmacologique : il s’est avéré que certaines substances comme les gaz halogénés, le nicorandil ou la cyclosporine A ont des effets protecteurs similaires lorsqu’elles sont administrées avant l’épisode ischémique. Postconditionnement : les occlusions itératives ou les halogénés sont également efficaces lorsqu’ils sont administrés après l’épisode ischémique, pendant la période de reperfusion. Préconditionnement à distance : l’occlusion artérielle itérative d’un membre par une manchette à pression induit une protection contre l’ischémie ultérieure d’autres organes. Aspects physiopathologiques De multiples études expérimentales menées chez de nombreuses espèces de mammifères ont démontré une meilleure récupération fonctionnelle après une période d’ischémie ou une diminution de la taille de l’infarctus après ligature coronaire, lorsque l’ischémie est précédée de clampages itératifs de courte durée ou lorsque les animaux testés sont endormis sous halogénés [60,294a,429]. L’halothane, l’isoflurane, le desflurane et le sevoflurane ont tous un effet maximal s'ils sont administrés avant la période d'ischémie et pendant la reperfusion immédiate du myocarde [92]. Cet effet protecteur a été décrit avec quatre catégories d’agents anesthésiques : les halogénés, les opiacés, le xénon et l’hélium [95,124,386]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 199 Le préconditionnement par les halogénés est lié à plusieurs mécanismes cellulaires partiellement élucidés, mais qui convergent vers deux phénomènes principaux (Figure 5.129) [92,124,196, 314,426,427] : L’ouverture des canaux potassiques dépendants de l’ATP (KATP) situés sur les membranes des mitochondries et de la cellule ; cette ouverture déclenche un courant potassique repolarisant vers l’intérieur de la cellule ; celui-ci conduit à une diminution de la charge en calcium ionisé (Ca2+) du cytoplasme cellulaire et du cytosol des mitochondries (d’où préservation du fonctionnement mitochondrial). La fermeture des canaux de perméabilité mitochondriaux (MPTP : mitochondrial permeability transition pore) ; ceux-ci relâchent des radicaux libres toxiques (ROS : reactive oxygen species) au sein de la cellule lors de l’ischémie et de la reperfusion ; les ROS provoquent une peroxydation des lipides et des lipoprotéines. L’ouverture des canaux MPTP modifie également le fonctionnement mitochondrial (effacement des cristae, déplétion en ATP). Agents volatils halogénés Canaux KATP Récepteur Protéine Gi Gi K + s Protéine-kinase C Agents volatils halogénés ROS KATP Transcription de gènes Canal MPTP Synthèse protéique Mitochondrie Ca Noyau cellulaire ++ Phase précoce Phase tardive © Chassot 2012 Figure 5.129 : Mécanismes possibles du préconditionnement ischémique par les agents volatils halogénés. Une substance déclenche une cascade de transductions intracellulaires qui aboutit à un effecteur qui assure une protection contre les effets de l'ischémie. Les canaux potassiques (KATP) sont fréquemment évoqués pour ce rôle. Les halogénés agiraient par modulation de la protéine G, par stimulation de la protéine-kinase C, par action directe sur les canaux K ATP, et/ou par production de ROS (substrats réactifs à l'oxygène: anions superoxyde tels H2O2, H-, O2-, peroxynitrite) par les mitochondries, qui activent les canaux KATP (d'après réf 80 et 309). Produits en petites quantités, les ROS sont cardioprotecteurs, mais sont toxiques en forte concentration. C'est la phase précoce du préconditionnement dont la durée est limitée à 1-2 heures. Une phase tardive liée à la transcription dans les gènes du noyau cellulaire de la synthèse de protéines cardioprotectrices a lieu à 24 heures [94]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 200 La protection contre les effets de l'ischémie est attribuée à l'effet de sommation de la baisse du Ca2+ mitochondrial, de la régulation des ROS, de la préservation de la fonction mitochondriale, de la conservation des réserves énergétiques et de l'interférence avec les mécanisme apoptotiques. Ces phénomènes correspondent à la phase précoce de la cardioprotection, dont la durée est limitée à 1-2 heures. Il existe une deuxième phase, tardive, qui survient à 24 heures et dure jusqu'à 3 jours; elle offre moins de protection, et dépend d'un effet sur la transcription des gènes au niveau du noyau cellulaire, qui induit la synthèse de protéines à capacité cytoprotectrice ayant la propriété de moduler l'activation de l'apoptose [94]. Le post-conditionnement, qui permet également d'améliorer la tolérance myocardique à l’ischémie, est basé sur les mêmes mécanismes d’ouverture des canaux KATP et de fermeture des pores MPTP, auxquels s’ajoutent un blocage de la contracture post-ischémique (baisse du Ca2+ intracytoplasmique) et l’activation de kinases anti-apoptose [91,124]. Pour être efficace, l’agent doit être présent dans les secondes qui suivent la reperfusion. D’autres substances ont le même effet : facilitateurs des canaux KATP (nicorandil, adénosine), bloqueur des canaux MPTP (cyclosporine A). Certains facteurs et certaines substances interfèrent avec les mécanismes du préconditionnement. L’hyperglycémie abolit l’effet protecteur du préconditionnement, probablement par une inhibition des canaux KATP [191] ; L’effet protecteur des halogénés disparaît avec l’âge, bien que le myocarde sénescent soit particulièrement sensible à l’ischémie [28a,370] ; Le myocarde en insuffisance ventriculaire ou profondément remodelé par l’hypertrophie ne semble plus réceptif aux effets bénéfiques des halogénés [386] ; Le thiopental et la kétamine bloquent le préconditionnement [271,426] ; Les inhibiteurs COX-2, les sulfonylurées, les β-bloqueurs et l’aprotinine interfèrent avec le fonctionnement des canaux KATP et bloquent le précondionnement [2,123,124,273,307]. Aspects cliniques Certains malades décrivent de l'angor au début de l'effort (angor d'échauffement), alors que les efforts subséquents sont asymptomatiques ; il s'agit d'une forme de préconditionnement ischémique spontané. En recherche clinique, ce phénomène s’est révélé être une réalité qui peut modifier le choix des agents d’anesthésie. En effet, l’isoflurane, le desflurane et le sevoflurane présentent un effet protecteur contre l’ischémie myocardique, pour autant que la concentration inspirée soit de 1 – 1.5 MAC, que la substance soit administrée au moins trente minutes avant l’événement ischémique et pendant au moins 10 minutes [161,190,426]. L’effet maximal est obtenu avec une administration continue, y compris pendant la CEC [87]. En chirurgie de revascularisation coronarienne, de nombreuses études cliniques ont démontré un certain effet protecteur : la morbidité cardiaque est diminuée dans les groupes de patients prétraités à l'isoflurane ou au sevoflurane par rapport aux groupes contrôle [76,185]. Le taux de troponine postopératoire des malades opérés pour des PAC et endormis au sevoflurane ou au desflurane est inférieur à celui des malades endormis avec des agents intraveineux [88,400]; les concentrations postopératoires de TNFa ou de BNP sont inférieures [107,185]. La fonction contractile immédiate est mieux préservée et le séjour en soins intensifs postopératoires est raccourci [93]. Cette cardioprotection est également observée dans la chirurgie à coeur battant [76,154]. En pratique, l'effet maximal est obtenu en utilisant l’isoflurane, le desflurane ou le sevoflurane (1-1.5 MAC) en continu avant, pendant et après la CEC pour bénéficier de l’effet additif du pré- et du post-conditionnement [94,218]. Cependant, le seul résultat clair à ce jour est une meilleure récupération de la fonction myocardique et un abaissement des marqueurs de lésions cellulaires (troponine T ou I, CK-MB) ou de réaction inflammatoire (TNFa) [89,185,400]. Les effets sur la mortalité sont marginaux ou douteux [24a,294a]. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 201 La plupart des méta-analyses souligne que ces bénéfices cellulaires n’ont pas ou peu de traduction sur la morbidité et sur la mortalité des patients [25,384,425c] ; une seule tend à démontrer que le sevoflurane et le desflurane, qui paraissent les agents les plus efficaces, réduisent les risques d’infarctus (OR 0.51) et de décès (OR 0.31) postopératoires par rapport aux agents intraveineux [218]. La tendance du préconditionnement à baisser la morbi-mortalité en chirurgie de revascularisation coronarienne n’est donc pas bien établie [294a,307a], même si une étude longitudinale multicentrique dont la portée est assez faible montre une diminution de mortalité à 1 mois [25], et si deux études randomisées sur de petits collectifs montrent une réduction de l’infarctus [135a] et de la mortalité [94a] à 1 an. Le précontionnement à distance (Remote ischemic preconditioning) consiste à induire des ischémies dans une masse musculaire squelettique en vue d’augmenter la résistance d’un autre organe par voie neurogène ou humorale. Quelques études cliniques démontrent un bénéfice à cette technique simple, inoffensive et peu coûteuse. Le gonflement d’une manchette à pression au bras gauche avant la CEC (3-4 épisodes itératifs de 5 minutes à 200 mmHg) diminue le taux de troponine I postopératoire de 17% ainsi que les complications cardiaques (HR 0.35) et la mortalité (HR 0.27) [390a]. Cet effet bénéfique est présent lorsque l’anesthésie est conduite sous halogéné (isoflurane) mais il semble absent sous annesthésie intraveineuse au propofol [208a]. Malheureusement, deux grands essais cliniques randomisés et contrôlés (ERICCA, 1612 patients, et RIPHeart, 1385 patients) n’ont démontré aucun bénéfice du préconditionnement à distance avant chirurgie cardiaque en CEC sur aucun paramètre examiné (troponine, FA, insuffisance rénale, séjour hospitalier, mortalité) [162c,254a]. Alors que le préconditionnement n’est praticable que lorsque l’ischémie est programmée au cours d’une intervention, le postconditionnement présente l’intérêt d’agir au cours de la revascularisation qui suit un infarctus, par nature imprévisible : il est facile de procéder à des gonflements répétés du ballon d’angioplastie une fois la coronaire reperméabilisée. Certaines études ont montré une réduction de la taille des lésions en cas de STEMI [390b,421a], mais les résultats sont pour l’instant plutôt inconsistants, voire négatifs [160a]. Si l’effet bénéfique des halogénés est bien démontré en chirurgie cardiaque, il n’en est pas de même en chirurgie générale. Seuls des cas de chirurgie vasculaire semblent tirer avantage des volatils par rapport aux agents intraveineux, sous forme d’une diminution des troponines postopératoires [91]. Le sevoflurane ayant également un effet protecteur sur la fonction rénale, on a cherché s’il existe un préconditionnement pour d’autres organes [185]. On a effectivement pu démontrer un effet analogue sur le foie, le cerveau et le poumon, mais les recherches sont moins avancées que sur le cœur. Les opiacés stimulants les récepteurs δ ont probablement un effet de préconditionnement [363]. La morphine, par exemple, potentialise l'effet de l'isoflurane [232]. Aux doses utilisées en clinique, aucun des agents intraveineux (propofol, etomidate, midazolam) n’a un effet comparable [88,89]. Les barbiturés et la kétamine ont un effet antagoniste [271,426]. Le propofol possède certaines propriétés cardioprotectrices apparemment différentes de celles des halogénés, ce qui complique singulièrement les comparaisons entre anesthésie sous agents volatils et anesthésie intraveineuse [179a]. Parmi les substances de la pharmacopée cardiologique, le nicorandil (Dancor) s'est avéré avoir un effet protecteur lors d'angioplastie [186,342] ; cette substance augmente la perméabilité des canaux potassiques KATP. Par contre, d'autres substances ont un effet freinateur sur le préconditionnement ; en clinique, elles auront tendance à aggraver les lésions ischémiques. Il s'agit de l’aprotinine, des inhibiteurs COX-2 sélectifs, et des anti-diabétiques oraux (sulfonylurées, glitazones) qui inhibent les canaux potassiques [2,123]. Ces deux dernières catégories de substances, déjà responsables d’une augmentation de mortalité en chirurgie cardiovasculaire, doivent donc être stoppées plusieurs jours avant l'opération chez les ischémiques ; dans le cas du diabète, les sulfonylurées sont remplacées momentanément par de l'insuline. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 202 Conclusion Les données liées au préconditionnement sont assez touffues et semblent manquer de cohérence, car les résultats dépendent d’une multitude de facteurs qui rendent les études mal comparables : population de malades, localisation et collatéralisation des lésions myocardiques, mode d’administration de l’halogéné, technique d’anesthésie, contrôle hémodynamique, qualité de la cardioplégie, technique chirurgicale, autres agents à effet protecteur, etc [294a]. La majorité des études montre une nette diminution de la souffrance ischémique myocardique. Toutefois, l’impact clinique de ce bénéfice n’est pas encore formellement prouvé. On est dans une situation identique à celle du pari de Pascal (Blaise Pascal, 1623-1662) : si la protection myocardique offerte par les halogénés est significative, on en bénéficie en les utilisant comme agents pour assurer l’anesthésie, et si elle ne l’est pas, on ne perd rien à utiliser ces substances plutôt que des agents intraveineux. Même si les évidences cliniques et expérimentales parlent essentiellement pour une amélioration de la reprise fonctionnelle immédiate et pour une diminution des lésions ischémiques cellulaires sans preuve manifeste d’un impact à long terme sur la morbi-nortalité, il est justifié de préférer un halogéné comme agent d'anesthésie pour la chirurgie de revascularisation coronarienne car on a tout à y gagner [167a]. Bien que les données prouvant un impact en chirurgie non-cardiaque soient insignifiantes, il n’est pas interdit d’extrapoler les résultats obtenus en chirurgie cardiaque à la chirurgie générale vu les bénéfices potentiels. En l'état actuel de nos connaissances, on peut donc soutenir que le maintien de l’anesthésie par des halogénés chez le coronarien présente probablement des avantages supérieurs à ses risques, particulièrement en chirurgie de revascularisation et dans certaines catégories de patients [24a]. Préconditionnement Le préconditionnement est une amélioration de la tolérance à l'ischémie par de brefs épisodes d'occlusion du flux suivis de périodes de reperfusion. Un effet protecteur identique est possible avec 4 agents anesthésiques (halogénés, opiacés, xénon, hélium) et certaines substances (nicorandil, cyclosporine); seuls les halogénés ont une activité clinique prouvée. Certaines substances inhibent le préconditionnement: anti-COX2, sulfonylurée, thiopental, kétamine, aprotinine, béta-bloqueurs. Postconditionnement: protection anti-ischémique lorsque l'agent n'est administré qu'à la reperfusion. Préconditionnement à distance: épisodes itératifs d’ischémie musculaire (manchette à pression sur un membre) qui diminuent les effets d’une ischémie ultérieure d’autres organes. En chirurgie de revascularisation coronarienne, les halogénés améliorent la récupération de la fonction myocardique, minimisent les lésions tissulaires et diminuent peut-être le risque d'infarctus; l'effet est maximal si l'halogéné est utilisé tout au long de l'opération, y compris en CEC. La morbidité et la mortalité pourraient être diminuées. Conclusion clinique: chez le coronarien, le maintien de l’anesthésie par des halogénés présente probablement des avantages de protection myocardique par rapport aux agents intraveineux. Infarctus postopératoire Chirurgie cardiaque L’état clinique préopératoire est le premier facteur de risque de complications postopératoires en chirurgie de revascularisation coronarienne (PAC : pontage aorto-coronarien). Les différents indices de risque en usage (voir Chapitre 3 Facteurs de risque préopératoires) démontrent une aggravation du pronostic avec plusieurs éléments : dysfonction ventriculaire, ischémie aiguë ou infarctus Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 203 préopératoires, degré d’atteinte coronarienne, opération en urgence ou réopération, insuffisance rénale, diabète, maladie polyvasculaire, âge, sexe féminin [281]. Le taux d’infarctus postopératoire après PAC varie de 0.1% à > 10% selon les études, avec une moyenne de 2.4% [280] à 3.42% [Society of Thoracic Surgery Database, 2001]. Contrairement à la chirurgie non-cardiaque, la présence d’épisodes d’ischémie peropératoire, notamment avant la CEC, est un facteur de risque d’infarctus postopératoire ; ces épisodes sont souvent associés à une tachycardie [180]. La persistance d’anomalies de la contraction segmentaire (ACS) du VG après la CEC est un facteur de mauvais pronostic, directement lié l’incidence d’infarctus postopératoire [226]. Dans une étude sur les revascularisations à cœur battant, 71% des complications cardiaques postopératoires se retrouvent chez les patients qui n'ont pas récupéré de leur ACS en peropératoire, mais aucune complication n'est enregistrée chez ceux qui ont une contractilité segmentaire normale en fin d'intervention [261]. Le mode de définition de l’infarctus postopératoire est un problème majeur : l’incidence d’infarctus peut varier de 2.8% sur la base de l’ECG à 31% avec le scan au technétium [70]. La présence d’une onde Q ou d’une élévation des CK-MB de plus de cinq fois traduisent des lésions transmurales importantes, mais de petites zones sous-endocardiques peuvent échapper à la détection. Les troponines sont un indice plus fiable. Bien qu’elles ne permettent pas de faire la différence entre une ischémie et les dégâts de l’intervention chirurgicale elle-même, les troponines sont un indicateur assez spécifique d’infarctus en chirurgie cardiaque [3] ; leur évolution dans le temps (pic à 12-24 heures) impose un certain délai diagnostique [62]. Un taux postopératoire de troponine T supérieur à 1.5 mcg/l est un prédicteur efficace de la mortalité à 6 mois en chirurgie cardiaque [116]. Malheureusement, leur évolution dans le temps (pic à 12-24 heures) impose un certain délai diagnostique. La myoglobine est un marqueur plus précoce (1-3 heures après la lésion, pic à 6-12 heures), mais son élévation immédiate est peu spécifique après chirurgie cardiaque ; la persistence d’un taux élevé à 24 heures est un meilleur indice [200]. La retransfusion de sang médiastinal complique le diagnostic biologique de l’infarctus, car l’autotransfusion augmente le taux des marqueurs habituels [410]. Chirurgie non-cardiaque L’incidence de complications cardiaques dans la période périopératoire est de 1.4% dans la population générale, toutes interventions confondues ; elle s'élève à 3.9% dans les populations à risque [12,15,222,238]. Le taux d'ischémie et d'infarctus peropératoire est plus faible qu’en-dehors de la salle d’opération (voir Chapitre 03 Figure 3.10). En effet, le malade analgésié, endormi et minutieusement monitorisé est dans une situation privilégiée. Dans le postopératoire, au contraire, l’incidence d’infarctus est quatre fois plus élevée à cause du réveil, de la douleur et du stress postopératoire. Alors que les épisodes ischémiques peropératoires n’ont que peu de lien avec l’incidence de l’infarctus postopératoire, les évènements ischémiques postopératoires, eux, sont directement reliés à la survenue d’infarctus [215,238]. L'ischémie survient le plus souvent dans la période postopératoire immédiate (24-48 premières heures), qui est un moment de fort déséquilibre hémodynamique. Elle est silencieuse dans 90% des cas et ne se manifeste que par un sous-décalage prolongé du segment ST, pour autant que le malade soit sous surveillance ECG constante. Elle est très souvent précédée ou accompagnée d’une période de tachycardie, qui débute dès les premières heures postopératoires [216]. La période postopératoire est particulièrement à risque d'infarctus pendant plusieurs jours à cause de la vulnérabilité du patient à trois phénomènes [278] : Syndrome inflammatoire systémique (acute phase reaction) : • Elévation de tous les marqueurs inflammatoires, activation leucocytaire ; • Activation généralisée de l’inflammation dans les plaques instables ; • Hypercoagulabilité : augmentation du nombre et de l’adhésivité des plaquettes, élévation du taux de fibrinogène, de facteur VIII et de von Willebrand, chute de la fibrinolyse. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 204 Augmentation de la demande en O2 (mVO2 ) : • Stimulation sympathique : hypertension artérielle, tachycardie et augmentation de la contractilité ; • Douleur, stress, hypothermie (les frissons augmentent la VO2 de 400%) ; • Dans les coronaires : vasoconstriction épicardique, sécrétion locale d’endothéline, augmentation des forces de cisaillement sur les plaques instable; Baisse de l’apport d’O2 (DO2) ; • Hypotension et hypovolémie ; • Anémie aiguë ; • Diminution des échanges gazeux (atélectasie, hypoventilation) ; • Augmentation de la viscosité (déshydratation). L’infarctus postopératoire est silencieux dans la majorité des cas [15,215] : l'angor n'est présent que chez 14% des patients, et des symptômes cliniques n'apparaissent que dans 53% des cas [12,238]. Sa mortalité de 10-20% est plus élevée que celle de l'infarctus qui survient en dehors d'un contexte chirurgical (5-7%). Après un acte de chirurgie générale, on rencontre les deux types d’infarctus mentionnés précédemment ; ils surviennent préférentiellement pendant les premières 24 à 96 heures. Infarctus sur sténose serrée et déséquilibre DO2/VO2 : ≥ 60% des accidents coronariens sont précédés de longs épisodes de tachycardie et de sous-décalage du segment ST (non-STEMI) [215,216] ; la durée de ce sous-décalage est directement associée à la valeur du pic de troponine enregistré ultérieurement [321]. L’ascension des troponines est tardive, et l’accident survient en général au 3ème ou 4ème jour [217,224]. Le β-blocage est une prévention efficace. Infarctus sur rupture de plaque instable : 45% des infarctus apparaissent en-dehors des sténoses les plus serrées à la coronarographie [86]. Ce type d’infarctus survient plus tôt, en général dans les 36 premières heures, mais il peut apparaître n’importe quand dans les dix jours qui suivent l’intervention [224]. Il n’est pas précédé de modifications du segment ST et se caractérise par une surélévation ST (STEMI) ; l’élévation des troponines est brusque et précoce. La seule prévention efficacePest les antiplaquettaires (aspirine, clopidogrel, prasugrel, ticagrelor) et les statines [58]. Le traitement est une revascularisation d’urgence. Une étude de l'évolution postopératoire des taux de troponine I (cTnI) après chirurgie de l'aorte abdominale montre que le 14% des patients présente une élévation de la cTnI [224]. Chez 9%, cette élévation est inférieure au seuil fixé à 1.5 ng/L; il s'agit de lésion myocardique sans infarcissement (mortalité 7%). Chez 5%, le seuil de 1.5 ng/L est franchi, traduisant la présence d'un infarctus. Dans ce dernier cas, les malades se répartissent en deux catégories selon la période à laquelle apparaît le pic de cTnI (Figure 5.130): Pic à 37 heures chez 2% ; mortalité 24% ; Pic à 74 heures chez 3% ; mortalité 21%. Le premier pic, très soudain, traduit probablement des infarctus liés à des ruptures de plaques instables. Le second pic survient après une période d'élévation constante de la troponine I traduisant une ischémie persistante, de même niveau que celle des lésions cellulaires sans infarctus. Dans ce cas, l’infarctus est probablement secondaire à une ischémie sur déséquilibre DO2/VO2. Le contrôle de la fréquence cardiaque est un élément capital dans la prévention de cet accident, d'où l'efficacité du βblocage prophylactique. La dichotomie en deux types séparés d’infarctus est une simplification méthodologique pratique, mais probablement trop grossière. L’infarctus postopératoire est la manifestation ultime d’une longue cascade d’évènements multiples et interdépendants, qui interagissent entre eux de manière dynamique et imprédictible (voir Figure 5.131). Le nombre et la variété des mécanismes en jeu expliquent l’aspect aléatoire du phénomène et le peu d’impact de la revascularisation préopératoire sur le devenir des patients en chirurgie non-cardiaque. Ces données justifient la tendance actuelle de préférer une cardioprotection pharmacologique maximale (β-bloqueurs, antiplaquettaires, statines, Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 205 préconditionnement, anesthésie combinée) et le strict contrôle hémodynamique peropératoire (fréquence ≤ 65 batt/min, PAM > 80 mmHg) à une série d’investigations préopératoires. Taux d’infarctus ou d'ischémie Rupture de plaque Ischémie de stress Ischémie due au stress Taux de troponine 50% 75% 100% Mortalité d'infarctus lié aux ruptures de plaques Mortalité d'infarctus lié au stress 0 1 2 3 4 Jours postop Figure 5.130 : Représentation schématique de l'incidence d'ischémie, du taux de troponine, et de la mortalité de l'infarctus postopératoire précoce. On distingue deux types d'infarctus: infarctus non-Q lié à l'ischémie survenue sur une sténose coronarienne serrée (trait plein), et infarctus avec onde Q du à une rupture de plaque sur une sténose non significative (traitillé). Le premier culmine entre vers le 3ème jour après l'intervention, alors que le deuxième est plus précoce [224]. En cartouche, l'incidence des deux types d'infarctus selon le degré de sténose coronarienne à l'angiographie: l'infarctus lié à une rupture de plaque est le plus fréquent dans les sténoses non significatives, alors que l'infarctus lié à l'ischémie est d'autant plus courant que la sténose est plus serrée [214]. Infarctus postopératoire En chirurgie cardiaque, le taux d’infarctus postopératoire après PAC varie en moyenne de 2 à 4%. Les épisodes d'ischémie peropératoires et la persistence d'altérations de la cinétique segmentaire après revascularisation sont des marqueurs d'une augmentation du risque d'infarctus postopératoire. Le diagnostic est posé sur les modifications de l’ECG et l’élévation des troponines (pic à 12 heures). En chirurgie non-cardiaque, le taux d'infarctus postopératoire chez les coronariens stables varie de 16% selon le type de chirurgie (mortalité moyenne: 10-20%); en cas de syndrome coronarien instable, il varie de 20-65% (mortalité moyenne: 35%). Les épisodes ischémiques postopératoires, non peropératoires, sont liés à l'incidence d'infarctus. L'infarctus postopératoire est en général silencieux. Ses pics d'incidence sont 24-36 heures (infarctus sur plaque instable) et 72 heures (infarctus sur déséquilibre DO2/mVO2, plus fréquent et en général précédé de longs épisodes de tachycardie). Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 206 La meilleure protection contre l'infarctus périopératoire est une cardioprotection pharmacologique maximale (β-bloqueurs, antiplaquettaires, statines, préconditionnement, anesthésie combinée) et un strict contrôle hémodynamique peropératoire (fréquence ≤ 65 batt/min, PAM > 80 mmHg). Chirurgie Stress Douleur Hypothermie Figure 5.131 : Représentation schématique des mécanismes liés à l’infarctus postopératoire au niveau de la circulation coronarienne. La dichotomie entre plaque instable et sténose serrée est noyée au milieu d’une série d’éléments interdépendants et d’importance variable selon les situations, d’où l’imprédictibilité fondamentale de l'infarctus postopératoire. Syndrome inflammatoire Hypertension Cisaillement Stimulation sympathique ↑ VO2 Aggrégabilité plaquettaire ↑ Coagulabilité ↑ Hypotension Anémie Echanges gazeux ↓ ↓ DO2 Déséquilibre DO2/VO 2 Hypotension Viscosité ↑ Plaque instable Déséquilibre Rupture de la capsule Dysfonction endothéliale Vasoconstriction Flux sanguin coronaire ↓ Sténose serrée Ischémie myocardique Thrombose Susceptibilité myocardique Durée de l’ischémie Collatéralisation INFARCTUS © Chassot 2012 Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 207 Conclusions Ces éléments de physiopathologie cardio-vasculaire ont pour but de démontrer que la connaissance des processus en cause dans les problèmes hémodynamiques et cardiologiques que rencontrent l'anesthésiste et l'intensiviste est essentielle à une prise en charge adéquate du patient. Seule la compréhension d'un mécanisme permet de le réparer ! Apprendre des recettes et se contenter de routines ne permet ni de saisir le fonctionnement de l'organisme ni d'élaborer des stratégies en cas de problèmes inattendus, alors que la maîtrise de la physiologie cardio-vasculaire et de ses deviances permet de trier les priorités, de choisir la technique la plus adaptée au cas, et d'assurer une sécurité optimale dans les situations complexes. Précis d'anesthésie cardiaque 2015 - 05 Physiopathologie 208 Bibliographie Lectures conseillées BORLAUG BA. The pathophysiology of heart failure with preserved ejection fraction. Nat Rev Cardiol 2014; 11:507-15 BUCKBERG GD, HOFFMAN JIE, MAHAJAN A, et al. Cardiac mechanisms revisited: the relationship of cardiac architecture to ventricular function. Circulation 2008; 118:2571-87 CREA F, LIUZZO G. Pathogenesis of acute coronary syndrome. J Am Coll Cardiol 2013; 61:1-11 FEIHL F, BROCCARD AF. Interactions between respiration and systemic hemodynamics. Part I: basic concepts. 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