prix de la jeunesse - Ressources jeunesse
Transcription
prix de la jeunesse - Ressources jeunesse
Juin 2011 LE PRIX DE LA JEUNESSE Au festival de Cannes par Daniel PARIS (organisateur du Prix de 1987 à 2006) Aucun film ne raconte une histoire au sens littéraire. C'est en ce sens que le cinéma destiné à la jeunesse est l'un des plus difficiles, parce qu'on croit qu'il est d'un autre ordre. Or la jeunesse ne se confond pas avec l'enfance. Le regard révèle le monde bien avant le discours. Le regard des enfants n'a jamais lutté contre le monde mais l'accueille dans ce qu'il a de plus étrange pour les adultes, ouverts à l'oubli ; l'enfant ne bute pas sur les images (André Médouni, in « Les entretiens cinéma et éducation populaire, Brest, déc. 1996). Avant-propos Je suis entré à la direction de la jeunesse et de la vie associative (plus tard « et de l’éducation populaire »), une des trois directions de l’administration centrale du ministère de la Jeunesse et des Sports, en juillet 1982, comme Conseiller technique pédagogique (CTP) spécialisé en cinéma. C’est en 1986 qu’on m’a proposé d’intégrer le département des activités interministérielles (DAI) en tant que chargé de mission cinéma et audiovisuel, tout en me confiant la charge du Prix de la jeunesse, cinq ans après sa création. Jusqu’alors, le Prix avait été organisé par le Centre régional d’information jeunesse (CRIJ) de Nice-Côte d’Azur. Jusqu’en octobre 2006, date de ma mutation en Guadeloupe, outre l’organisation et le développement du Prix de la jeunesse, mon travail a consisté à soutenir et renforcer l’idée et la place du cinéma au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports, selon un certain nombre d’axes d’intervention : Promouvoir le cinéma en direction des enfants et des jeunes en aidant à la découverte et à la diffusion d’œuvres de qualité venues de toutes les cinématographies du monde. Contribuer à l’apprentissage et à la lecture de l’image, ainsi qu’à la connaissance et à la pratique des techniques cinématographiques et audiovisuelles. Favoriser l’éducation du regard, le jugement critique, la capacité d’analyse, la prise de conscience artistique. Aider les jeunes créateurs. Organiser des rencontres et colloques sur le thème : cinéma, audiovisuel et éducation populaire. Proposer à mes collègues Conseillers d’éducation populaire et de jeunesse (CEPJ), spécialisés ou non en images et sons, des stages de formation professionnelle continue, particulièrement dans des lieux dédiés au cinéma ou à l’audiovisuel. Soutenir financièrement les projets des associations nationales, ainsi qu’un certain nombre de manifestations et festivals, œuvrant dans le secteur du cinéma et de la jeunesse. 1 Pour moi, le ministère affirmait ainsi sa mission éducative et de service public, en direction de tous les jeunes, en prenant en compte les évolutions sociales et culturelles tout autant que les attentes des jeunes eux-mêmes. En créant du lien entre la fiction et le réel, en transmettant une vision du monde, en stimulant l’imaginaire, le cinéma y jouait son rôle, symbolique et artistique. C’est dans cet esprit que j’ai tenté d’inscrire la philosophie du Prix de la jeunesse. Elle s’est écrite et enrichie chaque année, au fil d’un palmarès reconnu par le milieu professionnel et le secteur associatif, pierre angulaire de l’ensemble des actions que je développais dans le domaine des images et des sons, en direction de l’enfance et des publics jeunes. Voici l’histoire de ce Prix, racontée de « mon » point de vue… 2 HISTORIQUE ET MODALITÉS De la dimension locale à une dimension européenne La volonté de proposer un événement pour les jeunes pendant le Festival de Cannes, reconnu comme le plus important festival de cinéma au monde, revient à Edwige Avice, ministre de la Jeunesse et des Sports de 1981 à 1984, l’idée d’un prix décerné par un jury de jeunes lui ayant été suggérée (d’après ce qui m’avait été rapporté) par Frédéric Mitterrand. Le but était de permettre à de jeunes cinéphiles d’exercer leur regard critique et leur capacité d’analyse, ainsi que d’exprimer leurs goûts et leurs choix. Une philosophie d’action Le cinéma est un art populaire - il est lancé par les forains au début du XXe siècle - avant d’être une industrie, lieu de création artistique mais aussi lieu de divertissement ; loisir préféré des jeunes, il est pour eux un vecteur culturel où se forme leur imaginaire, où leurs sensibilités se rencontrent et s’expriment, dans un environnement dominé de plus en plus par les images et les modes de représentation. Ouvert sur le monde, le cinéma convoque le dialogue avec l’autre, favorise la rencontre entre les cultures. C’est dans la salle de cinéma, lieu collectif d’émotion et de partage, devant l’écran lumineux, dans le noir et le silence, que s’instaure cet échange si particulier entre un créateur et de jeunes spectateurs qu’il importe de considérer dans leur intelligence et leur sensibilité et non comme (trop souvent) des cibles de consommation. Pour moi, en organisant le Prix de la jeunesse au Festival de Cannes, le ministère de la Jeunesse et des Sports marquait symboliquement son action en direction du cinéma et des jeunes, le Prix représentant la partie émergée de l’iceberg « cinéma – audiovisuel – politique d’éducation à l’image ». 1982-1988 5 jeunes jurés furent ainsi sélectionnés pour primer 1 film français et 1 film étranger choisis parmi les trois sélections dites « parallèles » du festival : la Quinzaine des réalisateurs, la Semaine de la critique, Perspectives du cinéma français (devenu Cinémas en France puis Un certain regard). Les membres du jury-jeunes étaient alors désignés sans réel critère, sur recommandation du CRIJ de Nice ou de l’administration centrale. Dès la seconde année de mon mandat (1988), il m’a semblé indispensable que les jurés soient sélectionnés de façon plus rigoureuse, sur l’ensemble du territoire, à partir de leurs connaissances cinématographiques et de leur parcours de vie. J’ai donc mis en place un « appel à candidatures » ainsi qu’un comité de sélection national1, constitué de professionnels du cinéma et de représentants 1 Comité de sélection national 1987 Serge Duphil, UFCV - Pierre Forni, Centre national de la cinématographie (CNC) - Claude Heyman, cinéaste et scénariste - Gérard Pangon, critique à Télérama. Comité de sélection national 2006 Bérénice Balta, journaliste à RFI - Julia Lowy, Jury-jeunes 2002 - François Campana, organisateur de « Un été au Ciné/Cinéville » - Olivier Hébrard, futur énarque, Jury-jeunes 2000 - Étienne Marty, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) - Dominique Mascolo, rédacteur en chef de la revue de l’UFCV ANIM - Pierre Murat, critique à Télérama - Guillaume Pin, réalisateur, Jury-jeunes 1993 - Laurent Quenehen, association Jeune création, Jury-jeunes 1991 - Francis Tournois, producteur et programmateur. 3 d’associations (et plus tard d’anciens membres du jury-jeunes). Par ailleurs, j’ai recentré sur ma mission l’entière organisation du Prix, en particulier la relation avec le Festival de Cannes ainsi que la gestion des accréditations et des invitations. Le CRIJ de Nice restait notre partenaire privilégié, chargé plus particulièrement des accueils sur place et mandataire financier. Le budget de l’opération était alors de l’ordre de 100.000 francs (15.000 €). 1989-2002 En 1989, suite au partenariat institué par le ministère avec la Carte-jeunes2, nationale et internationale, le jury-jeunes s’ouvrait à l’Europe et passait de 5 à 7 membres, dont deux européens. Parallèlement, un partenariat était initié avec le réseau des CRIJ, DOM-TOM compris, chaque CRIJ organisant une présélection afin d’avoir « son » candidat invité à Cannes, soit en tant que juré, soit pendant la deuxième semaine du festival, ce dispositif étant intitulé « 40 à Cannes ». Le budget augmentait en conséquence, passant à 200.000 frs (30.000 €). Un autre partenariat, qui s’avérera primordial par la suite pour les opérations organisées « autour » du Prix de la Jeunesse, était initié avec l’Oroleis de Paris3, qui nous proposait son appui technique ainsi que le tournage de petits films documentaires. Le Jury-jeunes visionnait entre 30 et 40 films, en 9 jours, soit 3 à 5 films par jour. Afin que son programme soit accessible, nous avions décidé en accord avec les sélections de ne tenir compte que des premières, deuxièmes et troisièmes œuvres d’un cinéaste. Une reconnaissance croissante au sein d’une manifestation à vocation mondiale En 1993, le Prix de la jeunesse était reconnu « partenaire officiel » par le Festival de Cannes, ce qui était révélateur des excellentes relations entretenues avec sa direction et de la bonne perception de son évolution. Pour la première fois également, il accueillait une marraine officielle, la jeune comédienne Irène Jacob, prix d’interprétation pour sa prestation dans « La double vie de Véronique », du cinéaste polonais Krzysztof Kieslowski. 2 Expérimentée par le CRIJ d'Aquitaine en 1983/84, la Carte-jeunes fut créée au plan national en mai 1985, à l'occasion de l'Année Internationale de la jeunesse. Elle offrait aux jeunes de moins de 26 ans des avantages en matière de consommation culturelle, d'achats divers et de mobilité. D’une durée annuelle, gérée par une association ad hoc, elle s'est développée rapidement, notamment grâce au réseau des CRIJ et au partenariat avec La Poste. Vendue à plus d'un million d'exemplaires, elle a fini par s'affaiblir en raison du refus de reconnaissance de la part des réseaux de cinéma et des grands transporteurs publics (Air France, Air inter et SNCF). Après une tentative de relance suite à la consultation des jeunes (consultation "Balladur »), elle a définitivement disparu en 1996, victime entre autres, de la multiplication des cartes de fidélité. Son homologue européenne, apparue à la fin des années 80, a résisté quelques années avant de disparaître à son tour. Ce partenariat avec la Carte-jeunes française a pris fin en 1993. 3 Partenaire historique du Prix de la jeunesse, l’Oroleis de Paris (Office régional des œuvres laïques d’éducation par l’image et le son) est une association qui a pour objectifs de développer la pratique des techniques audiovisuelles et de communication afin de favoriser la culture et l’éducation permanente, de susciter la création, selon trois axes : • Animation et formation vidéo en direction des collectivités et des associations ; • Production ou coproduction de films, magazines, rubriques, publicités à vocation pédagogique ou d’information ; • Animation et aide à la conception de manifestations : Regards jeunes sur la cité, Place publique junior, Prix de la jeunesse au festival de Cannes... 4 C’est en sortant de la projection de « La double vie de Véronique », l’année précédente, que j’avais pensé à contacter Irène Jacob pour lui demander d’être la marraine du prochain Prix, ce qui impliquait sa participation au comité de sélection, qu’elle remette le Prix sur scène et passe au moins deux jours à Cannes avec le Jury-jeunes en « jouant le jeu » avec la presse, au grand bénéfice de la communication autour du Prix. Parallèlement, je sollicitais le festival pour qu’il accueille et loge officiellement la marraine, ce qui fut accepté. Irène Jacob donna son accord, l’idée de la marraine ou du parrain était lancée, et chaque année ensuite j’ai cherché à convaincre une ou un (jeune) comédienne ou comédien de soutenir le Prix. Quatre ans plus tard, en 1997, le Secrétaire général du festival, François Erlenbach, proposait pour la remise du Prix de la jeunesse la salle André Bazin, dans le Palais des festivals, d’une capacité de 300 places, avec la possibilité d’y projeter l’un des films primés. Cette entrée « officielle » dans le Palais des festivals fut un moment capital de l’histoire du Prix, très symbolique de l’intérêt que le festival accordait à notre travail, d’autant plus que parallèlement il me sollicitait pour organiser des activités éducatives dans le cadre du « forum jeunesse » qui se mettait en place cette année-là. Jusqu’à cette date, le Prix de la jeunesse était attribué au cours de la soirée de clôture de la Quinzaine des réalisateurs, dont l’équipe nous accueillait gracieusement dans ses bureaux et se chargeait de trouver le comédien, la comédienne ou le réalisateur qui remettrait notre prix. Cette situation n’était plus satisfaisante ; remis trop rapidement, perdu parmi d’autres récompenses, le Prix de la Jeunesse y perdait de sa signification et de son impact. 2003-2009 En 2002, Jeunesse et Sports passait sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale. L’année suivante celui-ci créait le « Prix de l’Éducation nationale » (non reconduit en 2011), remis par un jury de professeurs à un film de la Compétition officielle et de Un certain regard. Arguant de la fusion des deux ministères, le Festival de Cannes proposait alors d’inclure les films de la Compétition officielle dans le cadre du Prix de la jeunesse - ce que je sollicitais régulièrement depuis des années - tout en suggérant qu’en soient exclus ceux de La Quinzaine des réalisateurs et de La Semaine de la critique. J’ai donc été confronté à un dilemme : d’une part, je ne pouvais refuser une telle proposition, parce qu’elle renforçait le prestige du Prix de la jeunesse, d’autre part il me paraissait impossible de supprimer d’un trait la relation privilégiée qui unissait le Prix aux deux sélections parallèles depuis sa création. La solution a été de créer un second prix, qui serait attribué lui aussi par le Jury-jeunes, dénommé Prix « Regards Jeunes » en référence aux ateliers proposés depuis 1998 par l’Oroleis de Paris aux jeunes des « 40 à Cannes » sous l’intitulé « Regards jeunes sur le cinéma ». Á ma surprise, les deux sélections ont accepté aussitôt cette proposition. Ainsi, à partir de 2003 : le Prix de la jeunesse était attribué à 1 seul film (1ere ou 2° œuvre d’un cinéaste) choisi parmi les deux sélections officielles du festival : la Compétition et Un certain regard ; tandis que le Prix « Regards Jeunes » primait 1 film de chacune des deux sélections parallèles (1ere ou 2° œuvre d’un cinéaste). En 2004, le Prix de la jeunesse accueillait une vingtaine de jeunes représentants de pays membres de l’Union européenne, les « 40 » devenaient « 60 à Cannes », et les ateliers 5 proposés étaient axés dorénavant sur la rencontre avec des professionnels présents au festival sous l’appellation « Rencontres professionnelles ». Á cette occasion un partenariat avait été mis en place avec l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et avec l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ), un représentant de chacun de ces organismes participant cette année-là au jury du Prix regards jeunes. NB : en 2004, j’avais constitué deux jurys, l’un composé de 7 jeunes pour le Prix de la jeunesse, l’autre de 5 jeunes pour le Prix «Regards Jeunes », mais l’expérience n’a pas été renouvelée, la gestion conjointe de deux jurys s’étant révélée trop compliquée pendant le temps et dans l’espace du Festival. Le budget dédié au Prix de la jeunesse était passé de 15.000 € en 1987 à 110.000 € en 2006. En 2006, j’organisais mon dernier Prix de la jeunesse… … et en 2007, j’assurais mon rôle de formateur et de transmission en accompagnant dans l’organisation mon successeur à Cannes, lui laissant toutes les indications et les « clefs » pour que cette action perdure le plus longtemps possible. Les modalités en 2006 : 60 jeunes venus de France et des pays membres de l’Union européenne, âgés de 18 à 25 ans, sont invités chaque année par le ministère de la Jeunesse et des Sports au Festival de Cannes. 4 Ils sont sélectionnés sur dossier , en France par les Centres régionaux d’information jeunesse (32 candidats), le Conseil national des missions locales (5 candidats) et les partenaires médias (4 candidats) ; en Europe par les services jeunesse des ministères concernés de chacun des pays membres de l’Union européenne. 7 d’entre eux constituent le Jury-jeunes (dont les 2 représentants des deux pays présidant l’Union Européenne), qui décerne deux prix : ère ° le Prix de la Jeunesse, attribué à un film (1 ou 2 œuvre d’un cinéaste) choisi parmi les deux sélections officielles du festival de Cannes : la Compétition et Un certain regard. ère ° le Prix « Regards Jeunes » attribué à un film (1 ou 2 œuvre d’un cinéaste) de chacune des deux sélections parallèles du festival, La Quinzaine des réalisateurs et La Semaine de la critique. Tous les autres présélectionnés sont invités par le ministère pendant la deuxième semaine du festival, sous l’intitulé « 60 à Cannes ». Ils reçoivent une accréditation permettant l’accès aux projections, et s’engagent à participer aux tournages, rencontres, débats et ateliers organisés par le Prix de la jeunesse dans le cadre des Rencontres professionnelles à la Maison des associations. 4 Constitution du dossier (2006) • Être âgé de 18 à 25 ans • Un texte de 2 à 4 pages, sous forme libre (critique, poésie, chanson, conte…) exprimant votre rapport au cinéma et aux films, à travers le thème suivant : la Liberté • Une lettre de motivation • Un CV détaillé • 4 photos d’identité 6 Depuis 2010... Un changement de nature En 2010 puis en 2011, pour des raisons internes à la direction de la jeunesse et de la vie associative, notamment budgétaires, en lien avec les orientations préconisées par la révision générale des politiques publiques (RGPP), le Prix de la jeunesse a failli disparaître. Il a finalement été organisé par le bureau de la communication du ministère, puis du secrétariat d’État en charge de la jeunesse, avec dorénavant pour seul vecteur le Jury-jeunes composé seulement de futurs professionnels de l’audiovisuel - l’opération « 60 à Cannes » étant quant à elle supprimée - et avec elle la possibilité pour de nombreux jeunes aux parcours différents de vivre l’expérience cannoise. Le Prix faisait en outre l’objet d’une profonde mutation, qui en transformait la nature. En effet, depuis 2010 : Le Prix de la jeunesse concerne l’ensemble des films de la Compétition officielle. Le Prix Regard jeune (les « " » et les « s » ont disparu) concerne les seuls films (1e ou 2e œuvre d’un cinéaste).de la sélection officielle Un certain regard. C’est ainsi qu’Abbas Kiarostami et Pedro Almodovar ont pu recevoir le Prix de la jeunesse (cf. palmarès) ! Est-ce vraiment le rôle et la finalité d’un prix remis par un jury de jeunes que de récompenser des cinéastes confirmés ? On peut s’interroger… Remarque : Les deux sélections parallèles n’ont (même) pas été informées, ni officiellement ni officieusement, de la fin de leur partenariat avec le Prix de la jeunesse. 7 L’ORGANISATION (jusqu’en 2009) Avant Cannes La préparation du Prix de la jeunesse commençait dès septembre : réservation des lieux d’accueils, préparation du budget, rendez-vous avec les partenaires, mise en place de la communication (affiches, dépliants…), recherche de la marraine/parrain, etc. Le bureau de la communication finançait l’affiche, les dépliants et la location du stand/bureau dans le Palais des festivals, mais il ne consacrait pas de budget à l’avant et à l’après Cannes. La personne en charge du Prix ayant à assurer l’ensemble de la communication Jeunesse, il lui restait peu de temps pour préparer l’opération, qui aurait nécessité une attachée de presse pour une période de six mois, de janvier à juin. Le lancement de l’opération auprès des CRIJ était effectué en janvier, les présélections se clôturant fin mars, le comité de sélection national était réuni vers le 20 avril, et le Prix prenait alors sa vitesse de croisière : accréditations, sélection du Jury-jeunes, livret d’accueil, etc. Auparavant, plusieurs rendez-vous avec l’administration du Festival de Cannes et les sélections parallèles avaient eu lieu afin de finaliser au mieux la réalisation du Prix et les différents ateliers. Par ailleurs en février, Robert Rysman, directeur de l’Oroleis de Paris, et moi-même séjournions quelques jours en région PACA pour une série de rencontres très importantes pour l’organisation sur place et de possibles financements, avec les partenaires locaux : direction départementale jeunesse et sports, CRIJ de Nice-Côte-d’Azur, service culture et service jeunesse de la ville de Cannes, conseil général, conseil régional, rectorat, la structure Cinéma international (Jean-Pierre Magnan), les lycées Bristol et Carnot… Après Cannes Après le festival, le but était de négocier au mieux la couverture du film primé avec le producteur et/ou le distributeur, moment toujours sensible car le ministère ne pouvait prévoir un budget spécifique pour cette partie de l’opération, liée aux aléas du monde professionnel, et qui ne relevait pas prioritairement de son domaine de compétence. Tout dépendait en fait de la nature du film, de sa nationalité, de sa production. Il pouvait ne rien se passer, sans même la mention du Prix sur l’affiche du film, par exemple « Saint-Cyr », primé en 2000, grosse production française qui n’avait aucun besoin du Prix de la jeunesse pour soutenir sa sortie sur les écrans ; l’attribution du Prix pouvait en revanche provoquer un réel événement, comme en 2001 pour « Slogans », premier film albanais primé à Cannes, qui fit la une des journaux dans son pays avant d’y devenir un succès populaire ; je pense aussi à « Nola Darling », « L’odeur de la Papaye verte », « Voyages » ou « Toto le Héros »… Néanmoins, pendant les années 1999-2005, en partenariat avec l’Oroleis de Paris et la Ligue de l’enseignement, un petit budget a pu être dégagé afin de proposer dans toute la France des projections en avant-première d’un des films primés, en présence des jeunes jurés, du réalisateur ou d’un membre de son équipe. En 2003, grâce à un budget spécifique, j’ai réalisé en partenariat avec l’académie de Nice et Mk2, producteur du film, la partie pédagogique du DVD commercial de « Mille Mois », film franco-marocain de Faouzi Bensaidi primé cette année-là. Plusieurs collègues CEPJ du ministère et quelques anciens membres du Jury-jeunes ont été sollicités pour y contribuer. Un exemplaire a été envoyé à tous les jeunes participants, aux partenaires, au réseau des CEPJ spécialisés et aux directions régionales et départementales du ministère. 8 Pendant Cannes Sur place, les tâches étaient nombreuses : encadrer le jury, organiser le Prix, rencontrer les partenaires, répondre aux rendez-vous, assurer la communication, gérer les invitations, etc. Le stand/bureau Travailler au sein du Festival de Cannes pour y organiser un prix n’est pas chose facile, contrairement à ce que j’ai (trop) souvent entendu. Une autre facette de l’action consistait à accueillir le public, donner des renseignements, répondre aux demandes des jeunes, notamment en matière d’invitations pour la « montée des marches », etc. Deux membres de l’équipe était donc présents en permanence sur le stand, qui nous servait aussi de bureau, de 10 h à 18h30, tous les jours pendant la durée du festival. Les autres membres de l’encadrement étaient présents à la Maison des associations, avec l’équipe de l’Oroleis de Paris, pour la réception des jeunes et l’organisation des différents ateliers. Installé depuis 1990 à l’intérieur du Palais des festivals, d’abord au troisième étage puis à l’entrée du marché du film, le stand était accessible à tous les festivaliers (avant cette date, un bureau était mis à disposition du Prix de la Jeunesse par la Quinzaine des réalisateurs dans l’ancien palais des festivals). La veille de la remise du Prix, était organisée chaque année une montée des marches officielle pour les invités du ministère, en présence du directeur de la jeunesse, du directeur régional en PACA, du délégué de Nice, de quelques inspecteurs et divers partenaires, soit entre 20 et 25 personnes, outre les 7 membres du Jury-jeunes. La remise du Prix était ouverte au public, avec la présence des « 40/60 à Cannes », des officiels et des invités du ministère. La salle était toujours comble. Pour la cérémonie, je préparais un « chemin de fer » minuté, plusieurs fois répété les jours précédents, chaque membre de l’équipe ayant une fonction précise, accueil, réservation des places pour les invités, accompagnement de la marraine/parrain et de l’équipe du film. Lancée par un jingle de présentation réalisé par l’Oroleis de Paris à partir des images tournées l’année précédente, la cérémonie ne durait pas plus d’une demi-heure : remerciements aux partenaires, présentation du parrain/marraine, annonce du Prix, intervention des jurés et des lauréats ; elle était suivie de la projection du film primé. Après la projection, le Jury-jeunes, l’équipe du film et quelques invités étaient conviés à un cocktail par le festival, pendant lequel étaient réalisées les interviews des lauréats, de la marraine/parrain et des membres du jury. Ces images étaient destinées à la réalisation par l’Oroleis de Paris de la cassette, plus tard du DVD, de présentation de l’opération, remis à tous les jeunes participants ainsi qu’aux partenaires et aux services déconcentrés du ministère. En 2003, deux anciens jurés, Julia Lowy et Olivier Hébrard, sont venus nous rejoindre sur l’opération pour encadrer l’un « la (Toute) jeune critique5 », l’autre les « 40/60 à Cannes ». Je leur ai proposé en outre de présenter ensemble la cérémonie, comme un clin d’œil protocolaire : les anciens jurés présentent les nouveaux jurés et le Prix de la 5 La (Toute) Jeune Critique Depuis 2001, la Semaine de la critique invite une cinquantaine de lycéens à partager sa sélection. Ceux-ci rencontrent les équipes de tournage, puis rédigent une critique de chacun des films, les meilleures étant publiées chaque jour dans la presse quotidienne régionale. Á la fin de la semaine, les lycéens décernent le « Prix de la (Toute) jeune critique » à un long et un court-métrage de la sélection. 9 jeunesse se perpétue d’année en année sur la scène du festival… Les années précédentes, la cérémonie était animée amicalement par le journaliste et critique Christophe Carrière (l’Express). Le soir du Prix s’est tenue jusqu’en 2000 la fête du Prix de la jeunesse, organisée sur une des plages de la Croisette en partenariat avec la Quinzaine des réalisateurs pour quelques 200 invités (jeunes participants, partenaires, presse). Depuis 2001, pour des raisons de réduction de crédits, la fête a eu lieu à la Maison des associations, avec une centaine d’invités. Le dernier matin, les jeunes jurés et les « 60 à Cannes » participaient au bilan de l’opération au cours d’échanges souvent fructueux avec les officiels du ministère et les membres de l’équipe. L’ENCADREMENT DES JEUNES Le Jury-jeunes, ou comment rendre les jeunes participants acteurs du projet Parallèlement à l’organisation et au suivi du bon déroulement des opérations, l’autre axe de mon travail pendant le festival était l’encadrement du jury. Je devais faire en sorte que les jeunes « jouent le jeu » sans se laisser happer par le monde des paillettes, garantir la déontologie du Prix et les préparer à la délibération et à la cérémonie de remise du Prix. Dès leur arrivée, il s’agissait de leur faire prendre conscience qu’au-delà du plaisir, ils avaient une mission et des obligations. Ils étaient accueillis par l’équipe un jour avant l’ouverture du festival, le temps de se connaître et de former un groupe dont il m’appartenait qu’il soit soudé et volontaire. Dans mon petit discours de bienvenue, j’insistais sur le respect des films, des horaires, des lieux, des personnes, sur l’engagement vis-à-vis des partenaires et du ministère, le nécessaire devoir de réserve, sur la prise en compte du rythme difficile des séances, du manque de sommeil, sur la prise de notes, etc. Les jeunes jurés étaient là aussi pour vivre une belle et riche expérience collective. Á partir de 2002, je leur ai proposé dès le lendemain de leur arrivée une matinée d’initiation aux techniques théâtrales sous la direction d’une jeune comédienne, qui s’est révélée être un moment déterminant pour le bon fonctionnement du groupe. Je savais aussi par expérience qu’une reprise en main du Jury-jeunes allait être nécessaire dès le troisième ou quatrième jour, les jeunes résistant difficilement au tourbillon cannois et à leur statut de privilégiés, puisqu’ils ne faisaient pas la queue devant les salles (au contraire de nombreux professionnels), avaient des passes et des places réservées, rencontraient des gens connus, et dormaient peu. J’avais négocié tous ces avantages au fil des ans, à mesure que le Prix de la jeunesse grandissait. Tous devaient respecter le programme des projections que je préparais en début de festival, le planning des rencontres avec la presse et les professionnels. Très vite, j’ai institué un rendez-vous obligatoire, sur le stand, chaque jour à heure fixe (13h), indispensable pour faire le point, fixer les rendez-vous, notamment ceux de communication, régler les questions d’intendance, insister sur les prises de notes, les temps de repos, parler avec chacun, évaluer la cohésion du groupe et évoquer les problèmes éventuels. Le reste du temps, c’était une question de confiance entre les jeunes et l’équipe du Prix. 10 Très vite, j’ai arrêté de visionner et surtout de parler des films avec les jeunes du jury, m’étant rendu compte que je risquais de les influencer. En revanche, j’essayais de les guider au mieux au moment de la délibération ; faire en sorte qu’ils intègrent et prennent bien en compte ce qu’était la nature, la spécificité de ce prix - qui prime un film choisi « par » des jeunes et non pas nécessairement « pour les jeunes, ou pour les enfants » - leur réaffirmer qu’ils étaient libres de leur choix, choix qu’ils auraient à justifier et à défendre. En les prévenant ainsi, il s’agissait aussi d’éviter - comme cela a failli être le cas plusieurs fois avec des conséquences qui auraient pu être fâcheuses pour la crédibilité du Prix de la jeunesse que leur choix puisse être contesté, voire désavoué, par les instances du ministère, notamment en matière de violence et de sexe. Pour la délibération et à la cérémonie, je les incitais à utiliser leurs notes, à discuter entre eux constamment, à défendre chacun ses arguments pour que les discussions ne soient pas trop longues et ne débouchent pas sur le drame, les pleurs, les invectives, comme c’est arrivé quelquefois. Ayant constaté que certains pouvaient perdre leurs moyens une fois montés sur scène, impressionnés par l’enjeu, les spectateurs et le rituel, j’ai fini par leur demander de préparer deux textes à lire sur scène, le premier pour évoquer leur expérience de juré et leur séjour au festival, l’autre pour justifier leurs choix. Le jury pouvait rencontrer aussi sur place un certains nombres de professionnels du cinéma, à l’exemple des critiques Pierre Murat (Télérama), Philippe Rouyer (Positif) ou Olivier Père (délégué général de la Quinzaine des réalisateurs) qui prenaient chaque année sur leur charge de travail pour échanger avec eux. Au bilan, sur les vingt Prix de la jeunesse que j’ai organisés, je n’ai vécu que trois expériences décevantes avec le jury, soit parce que les jeunes n’ont pas voulu jouer le jeu et n’ont pas répondu à la confiance placée en eux, soit par excès d’individualisme de certains, soit à cause d’une attirance excessive du groupe vers l’univers des paillettes. 40 puis 60 jeunes à Cannes, ou comment relier un travail éducatif à une approche du monde professionnel Les 40 puis 60 jeunes invités à participer au Prix de la jeunesse pendant la deuxième semaine du festival n’ont jamais été faciles à gérer, en raison surtout de leur attirance pour la « montée des marches ». Les choses se sont améliorées l’année où leur a été proposé un accueil très formel, en présence de toute l’équipe du Prix, quand chacun d’eux a pu se présenter à tous les autres. Parallèlement, la mise en place de rencontres avec des professionnels a renforcé leur intérêt à fréquenter nos ateliers et à délaisser les séances officielles. Cependant tous étaient chaque année présents pour la remise du Prix et pour le bilan final avec les représentants du ministère. En 1996, le Festival de Cannes ouvrait un espace appelé « Forum jeunesse » pour que des jeunes non accrédités puissent découvrir le festival, et il me demandait d’y organiser des activités dans le cadre du Prix de la jeunesse. Ont alors été mis en place (avec Francis Tournois et Didier Caparros) des rencontres et débats sur différents thèmes, comme les ciné-clubs, le cinéma pour les enfants, la violence au cinéma, l’éducation à l’image, etc. De même fut organisée pour la première fois à Cannes une projection de plusieurs courtsmétrages lauréats du Défi-Jeunes6. 6 Initié dans les années 90, le Défi-jeunes participe aujourd’hui du programme « Envie d’agir » mis en place par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Son but est d’encourager, accompagner et valoriser l’initiative des jeunes de 15 à 30 ans, par l’attribution de bourses - d’un montant de 1.600 à 8.500 € - à des projets humanitaires, scientifiques, culturels ou liés à l’environnement. Une condition : trouver 30% du montant sollicité 11 En 1998, le partenariat avec l’Oroleis de Paris débouchait sur l’organisation de « Regards jeunes sur le cinéma ». Les « 40 à Cannes » étaient invités, en dehors des débats et rencontres, à participer au tournage et au montage de reportages autour de l’actualité du festival et du Prix de la jeunesse, encadrés par les professionnels de l’association. De 2000 à 2004, le Prix de la jeunesse mettait à profit son installation dans un lieu suffisamment spacieux, la Maison des associations (mise à disposition gracieusement par la ville de Cannes) pour installer une « mini » salle de cinéma où étaient projetés aux participants et aux jeunes des Conseils de la jeunesse de Nice et Marseille, ainsi qu’aux jeunes de Cannes et de la région, des films ayant reçu le Prix de la jeunesse, des courtsmétrages et des films lauréats du Défi-jeunes. En 2005, afin de répondre à la priorité gouvernementale que constituait l’emploi des jeunes, le Prix de la jeunesse s’est orienté plus précisément vers les métiers de l’image et du son, l’ensemble des ateliers et animations proposés s’intitulant dès lors « Rencontres professionnelles » : réalisation de portraits-témoignages de professionnels présents au festival ; rencontres-débats avec ces mêmes professionnels, contacts directs dans le cadre du marché du film, approche de l’analyse critique, atelier de journalisme de cinéma, reportages… De jeunes Européens, ou comment intégrer une dimension européenne, donner un sens politique Deux jeunes européens avaient intégré le Jury-jeunes en 1989, plusieurs autres les « 40 à Cannes » suite au partenariat initié avec la Carte-jeunes européenne. Celle-ci ayant disparu en 1996, le Jury-jeunes n’a alors été composé que de jeunes français jusqu’en 2004, quand en accord avec le bureau des échanges internationaux le Prix de la jeunesse s’est ouvert à l’Union européenne dans le cadre du Programme européen jeunesse, en invitant des représentants de chacun des pays membres - dont les trois communautés de Belgique - à y concourir. Ainsi, une vingtaine de jeunes européens ont pu participer à l’opération (2 places étant réservées dans le Jury-jeunes pour les représentants des deux pays exerçant la présidence de l’Union). Cette évolution vers l’Europe m’était apparue primordiale, d’abord parce que la France est le pays d’Europe qui défend le mieux le cinéma, en tant qu’art comme en tant qu’industrie, avec son important réseau de salles, son système d’aide unique au monde, son grand nombre de productions, ses dispositifs d’éducation à l’image (lycée, collège et école au cinéma par ex.) et l’action militante de multiples associations, dont certaines effectuent un travail remarquable en direction des jeunes spectateurs. Par ailleurs, inviter de jeunes européens au Festival de Cannes à travers le Prix de la jeunesse, c’était autant les former à l’idée du cinéma comme 7ème art - un film est avant tout une œuvre à regarder et non pas un produit à consommer (ce qui n’est pas l’axiome de la majorité des pays) - que leur offrir la possibilité de créer un réseau international, d’échanger sur des pratiques culturelles différentes, de confronter des actions, de s’ouvrir au partage des savoirs et à la mutualisation des moyens. Remarque : Il n’y a pas eu, en fait, de véritable réseau constitué formellement, malgré nos efforts, que ce soit au niveau franco-français ou à l’international, même si certains participants ont continué à se voir, à correspondre. Aujourd’hui, il est évident qu’avec l’avènement des chez d’autres partenaires. Depuis 2009, ce dispositif est affaibli, suite à une forte réduction de ses moyens budgétaires. 12 réseaux sociaux du type Facebook ou Twitter, un tel projet aurait été plus facile à créer et à animer, tant pour les jeunes que pour les organisateurs du Prix. Enfin, j’avais demandé que le cahier des charges précise que les jeunes postulants parlent et comprennent le français, ainsi le Prix de la jeunesse contribuait-il à sa manière à la promotion de la Francophonie. Cette dynamique disparaissait brutalement en 2010, avec l’annulation de l’opération « 60 à Cannes ». QUAND LES PARTENARIATS RENFORCENT L’ACTION Le Festival de Cannes est le plus important événement cinématographique au monde, avec (en 2011) près de 40.000 personnes accréditées, dont 4.000 journalistes, représentant l’ensemble de la profession ainsi que les corps institutionnels, associatifs et médiatiques œuvrant tout autour. Le festival reflète ainsi la double nature du cinéma, à la croisée de l’art et de l’industrie, développant nombre d’actions en faveur de la création cinématographique, accompagnant les jeunes créateurs, assurant la promotion des films et des artistes. Au-delà de ses prix officiels (Palme d’or, Caméra d’or…), le festival accueille d’autres prix, dont le Prix de la jeunesse. Pour nombre de cinéastes et de producteurs issus des cinématographies les moins diffusées, un prix reçu à Cannes, même non officiel, est un événement extrêmement important. Le meilleur exemple a été celui du film albanais « Slogans », cité plus haut. Les relations entretenues pendant toutes ces années avec le Festival de Cannes ont toujours été fructueuses, dès le début. Je pense que c’est le fait en premier lieu de l’intérêt que portait au Prix de la jeunesse Pierre Viot, président du festival de 1984 à 1999. Celui-ci revendiquait chaque année la présence de nombreux jeunes cinéphiles à la manifestation, l’intérêt d’y soutenir un jury de jeunes, et tenait à recevoir personnellement les représentants du ministère pour évoquer le prochain Prix. Je préparais toujours ces rencontres en relation avec l’équipe du festival, le directeur de la jeunesse étant informé régulièrement des évolutions. Parmi les nombreux prix du festival, le Prix de la jeunesse a été le seul jusqu’en 2003 (arrivée du Prix de l’Éducation nationale) à être organisé par un ministère. Il me semble que le festival a remarqué très vite non seulement le sérieux de son organisation, mais aussi sa capacité d’adaptation et d’innovation. Cette attention portée au Prix de la jeunesse s’est traduite dans les faits par des avancées successives, les plus emblématiques étant le nombre d’accréditations accordées, passées de 15 en 1987 à 110 en 2006 (le ministère étant parmi les mieux servis de toutes les institutions participant au festival), la mise à disposition d’une salle dédiée à la remise du Prix, les invitations pour les séances d’ouverture et de clôture réservées au Jury-jeunes, la prise en charge de la marraine/parrain ainsi que du ministre ou de son représentant pendant deux jours, la mise à disposition de voitures officielles… Cette évolution montre bien et de manière très explicite comment le Prix n’a fait que monter en puissance tout au long de ces années, non seulement par le nombre de jeunes invités (passés de 5 à plus de 60) et le nombre de membres de l’équipe (de 1 à 16), mais encore par la multiplicité de ses partenariats, la diversité et la richesse des actions engagées, et en conséquence par l’augmentation de son budget. Un budget ô combien raisonnable au regard du travail accompli ! 13 Projection au quartier Ranguin, une démarche d’éducation populaire Autre bel exemple de cette relation privilégiée, quand en 2001 le Président Viot a donné aussitôt son accord à ma proposition d’organiser une séance en plein air avec un film de la Sélection officielle, pour les jeunes et leurs familles, à Ranguin, l’un des quartiers populaires de Cannes. C’était la première fois dans son histoire que le Festival de Cannes acceptait qu’un de « ses » films sorte de la Croisette hors de son organisation. L’idée avait tant séduit que l’année suivante le festival nous demandait d’organiser des séances en plein air pendant la manifestation ; ce qui fut refusé, pour plusieurs raisons. La première était que ce travail ne relevait plus de la compétence du Ministère de la jeunesse et des sports, qui n’a pas vocation à être diffuseur de films. La seconde était que l’équipe du Prix de la jeunesse était trop restreinte et le budget bien trop limité pour se lancer dans une telle aventure. La troisième raison était que cette première et unique séance avait été très compliquée à organiser. Les paramètres de réussite dépendaient trop de la chance et du hasard : absence de pluie, trouver un film tout public, en version française, disponible en début de Festival, avec l’accord du producteur ; heureusement pour nous il n’avait pas plu et Gilles Jacob, alors Délégué général du festival, avait pu me proposer au dernier moment « Mission to Mars », du cinéaste américain Brian De Palma. Pour la technique, je m’étais appuyé sur le dispositif « Un été au ciné/cinéville »7, expert en matière de cinéma en plein air. La projection avait réuni prés de 700 spectateurs, en présence de la ministre Marie Georges Buffet, après qu’il eut fallu néanmoins négocier fermement avec les Renseignements Généraux pour alléger le dispositif de sécurité policier prévu, celui-ci risquant d’être contre-productif par rapport à l’objectif de « démocratiser » l’accès aux films du Festival pour les jeunes du quartier. Finalement, le festival a peut-être repris en partie cette idée l’année suivante, en créant le « Cinéma de la Plage », qui propose des séances gratuites sur écran géant sur la grande plage de la Croisette. Les Sélections parallèles, ou Comment investir une approche spécifique de l’éducation au regard Le Prix de la Jeunesse a toujours entretenu d’excellentes relations avec les deux sélections dites « parallèles » que sont la Quinzaine des réalisateurs8 et la Semaine de la critique9. 7 Un été au ciné/Cinéville Inaugurée en 1991 sous l'égide du CNC, avec la collaboration de la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV) et du Fonds d'Action Sociale (FAS), en partenariat avec le Ministère de la jeunesse et des sports, l'opération intitulée "Un été au Ciné/Cinéville" proposait pendant les mois d'été aux jeunes des quartiers, quatre volets d'activité autour du cinéma et de l'audiovisuel : une tarification réduite pour les moins de 25 ans ; des séances spéciales en présence de l'équipe du film projeté ; des séances gratuites pour les familles, en plein air, sur écran géant, au cœur des quartiers ; des ateliers de pratique audiovisuelle. Le dispositif s’intitule aujourd’hui « Passeurs d’Images ». 8 La Quinzaine des réalisateurs Apparue en 1968, la Quinzaine des Réalisateurs est organisée par la « Société des Réalisateurs de Films (SRF)». Son objectif est de favoriser la découverte de cinéastes du monde entier, de révéler de nouveaux talents, ainsi que d’accueillir des artistes encore méconnus ou trop souvent absents des écrans. Elle se distingue par sa liberté d’esprit et de choix, son exigence cinéphilique, sa rigueur, sa sincérité, son audace, sans oublier son souci d’ouverture vers les spectateurs non professionnels qui fréquentent le Festival. 9 La Semaine de la critique Créée en 1962 par le « Syndicat Français de la Critique de Cinéma », la Semaine de la critique est historiquement la première sélection parallèle du Festival de Cannes. Fidèle à sa mission de découvreuse de jeunes talents, elle met à l’honneur les premières et deuxièmes œuvres des cinéastes du monde entier. Elle 14 Leurs objectifs sont différents, leur histoire montre qu’elles se sont souvent opposé aux choix du festival, qu’ils soient politiques, stratégiques ou cinématographiques, se posant depuis leur création comme des aiguillons pour la sélection officielle. Pour moi, il était indispensable que le Prix de la Jeunesse travaille en étroit partenariat avec ces deux sélections, dont l’action a toujours été remarquable en matière de propositions de cinéma : découverte de jeunes auteurs, ouverture à des cinématographies difficiles et mal connues, prise de risque en matière de mise en scène et de choix esthétiques ; le festival restant quant à lui lié à une obligation de représentation du cinéma mondial, plus consensuel, plus proche du monde de l’industrie, au point que pour pallier cette contrainte Gilles Jacob a créé en 1998 une nouvelle sélection, plus « pointue » : Un Certain regard. En conséquence, le festival a tendance aujourd’hui à phagocyter les offres cinématographiques grâce à un puissant réseau à l’affût dans le monde entier, les deux autres sélections devant affiner plus encore leurs recherches de perles cinématographiques. C’est pourquoi j’ai toujours incité les jeunes que nous invitions à fréquenter les séances et les conférences de presse proposées par ces sélections, profiter de films qui ne sortiront peut-être jamais sur les écrans, diversifier leurs points de vue et leur approche du cinéma. Dès 1996, ces partenariats se sont traduits plus spécifiquement à travers les opérations « Regards jeunes sur le cinéma », « Paroles et critiques de jeunes » puis « Rencontres professionnelles » proposées chaque année en collaboration avec l’Oroleis de Paris. Les jeunes participants de « 40/60 à Cannes » pouvaient assister chaque jour aux projections et aux conférences de presse d’un des films des sélections parallèles, rencontrer, filmer et interviewer les réalisateurs pour leurs reportages. En 2001, le Prix de la Jeunesse est devenu partenaire de « la (Toute) jeune critique » mise en place par la Semaine de la Critique, par le prêt de matériels informatiques et la mise à disposition de jeunes intervenants pour son encadrement (comme depuis 2003, Julia Lowy, ancienne membre du Jury-jeunes). En 2003 était créé le Prix « Regards Jeunes » dédiés à chacune des deux sélections parallèles. En 2010, l’arrêt du dispositif « 60 à Cannes » a brutalement mis fin à toutes ces années de collaboration ouverte et fructueuse entre Jeunesse et sports et ses deux partenaires de la première heure, de même qu’avec l’Oroleis de Paris. La communication La communication du Prix de la jeunesse a toujours été difficile, pour un certain nombre de raisons. La première tenait à la nature même du ministère, composé des deux entités Jeunesse et Sports, le sport phagocytant quasi naturellement la communication, il est en effet plus facile de communiquer sur le football ou le rugby que sur des actions destinées aux jeunes. La seconde raison tenait à ce qu’est devenue la communication du ministère, passée à la fin des années 80 prioritairement au « service » du ministre, au détriment des actions organisées par ses « services ». La troisième raison tient à la nature même du Festival de Cannes, où les nombreux journalistes présents sont d’abord et avant tout attirés par le monde du cinéma, films en compétition, réalisateurs, acteurs et montée des marches, et les à-côtés « people ». présente chaque année à Cannes une sélection de sept longs-métrages et sept courts-métrages, ainsi que des projections spéciales, dont une journée consacrée au court-métrage. 15 Il apparaît cependant qu’au fil du temps le Prix a su trouver sa place, au-delà d’une vraie reconnaissance, particulièrement auprès des télévisons locales, de la presse quotidienne régionale et de la presse associative. Le premier partenaire officiel du Prix de la jeunesse a été le magazine Télérama, dès 1989, les critiques Gérard Pangon et plus tard Pierre Murat participant au Comité de sélection national. Puis au fur et à mesure que le prix prenait de l’ampleur, la campagne de communication mise en œuvre s’est alourdie, et nombre de partenaires sont venus se connecter pour une ou plusieurs éditions à l’opération, convaincus de son intérêt pédagogique et de son attractivité auprès des jeunes : la Banque Populaire (aide financière), les éditions Nathan (ouvrages de cinéma offerts à tous les participants), France 3 (de nombreux portraits et reportages sur les « 40 à Cannes »), France 5 (émissions en direct ou en différé depuis Cannes), RFO (pour les représentants des DOM-TOM), Le Mouv (interviews des jurés), Studio (annonces et articles), Nissan (prêt de véhicules), etc. Il s’agissait aussi de démontrer aux cabinets ministériels successifs que le Prix de la jeunesse n’était pas déconnecté de la réalité du monde capitaliste ! 16 ÉVALUATION Doutes et certitudes Il m’a fallu plusieurs années avant d’être complètement convaincu de l’importance et de l’utilité du Prix de la jeunesse par rapport à l’action que je développais au sein du ministère. Au moment d’en prendre en charge l’organisation, je connaissais déjà le festival de Cannes pour y être allé plusieurs fois, et j’avais émis de grandes réserves quant à l’intérêt pour un organisme public de dépenser du temps, de l’argent et de l’énergie pour une telle opération. Mais le directeur de la jeunesse de l’époque, Georges Vanderschmitt, avait tenu (avec raison) à maintenir ce projet. Mon travail avec les jeunes C’est après avoir reçu le courrier d’un juré, à la suite du prix 1991, que j’ai commencé à changer d’avis. Ce garçon, apprenti-charcutier, s’était montré très timide pendant le festival, semblant à la traîne des autres. Dans sa lettre, il m’annonçait son intention de reprendre ses études, précisant que grâce à l’expérience vécue à Cannes il était sorti d’une grave période de doute et de déprime. Sa participation au Prix de la jeunesse était arrivée au bon moment. Il est aujourd’hui titulaire d’un master d’ingénierie culturelle. Je me souviens encore avec émotion de cette lettre, je m’étais dit alors que, oui, ce travail avec les jeunes n’était pas chose inutile. Pour beaucoup d’entre eux d’ailleurs, outre une expérience de vie intense et formatrice, cette immersion à Cannes a ouvert des portes professionnelles ou concrétisé des vocations. Quelques exemples : Jury-Jeunes Johar Amalou, jury 89, à l’époque ouvreuse dans un cinéma de Nice, a réussi l’École nationale supérieure Louis Lumière et travaille comme cadreuse à France 2 ; Laurent Quenehen, jury 91, organise des expositions et événements pour de jeunes artistes et à créé la « Brigade des images » ; Nicolas Azalbert, jury 93, Eugénie Zvonkine, jury 98, sont critiques aux Cahiers du Cinéma ; Emmanuelle Mougne, jury 91, Emmanuelle Prétot, jury 95, Yann Rodriguez, Guillaume Pin, jury 93, sont réalisateurs ; Gil Servant, jury 99, Amingo Thora, jury 05, sont producteurs en Martinique ; Julie Périon, jury 04, ingénieure aéronautique et future productrice ; Julia Lowy, jury 02, responsable technique du service VOD à Canal +… 60 à Cannes Gaël Morel est réalisateur et comédien ; Élise Chassaing, après avoir collaboré à l’émission « le Grand Journal » de Canal +, est chroniqueuse aux émissions « L’autre midi » et « la quotidienne du cinéma » ; Julien Sauvadon est journaliste à France 3 et co-auteur en 2011 avec Jean-Jacques Bernard, président du syndicat de la critique, du documentaire « Tous critiques » ; Pascal Pérennes est en charge du secteur cinéma au conseil régional de PoitouCharentes ; une autre participante est chargée des séances pour enfants dans un cinéma du Sud de la France, deux autres travaillent à la production de l’émission « le Grand Journal » de Canal +… Une grande désillusion Ma plus grande déception est survenue en 2001 alors que nous avions enfin, avec Francis Tournois et Robert Rysman, réussi à concrétiser la création d’une association regroupant les 17 anciens membres du Jury-Jeunes et des « 40 à Cannes », projet qui nous tenait à cœur depuis plusieurs années. L’idée était que ces jeunes puissent servir de relais pour le Prix de la jeunesse et que quelques uns viennent soutenir l’organisation du Prix pendant le festival. Tout avait bien commencé, de nombreux jeunes avaient répondu à notre appel, l’association « Premiers Regards » était constituée avec un petit groupe très dynamique, un petit journal quotidien devait être réalisé par les jeunes eux-mêmes autour du Prix de la jeunesse, une caméra avait été même achetée pour que l’un d’entre eux puisse réaliser un reportage pendant le festival… Mais dès le premier jour à Cannes les choses ont mal tourné. Les malentendus se sont succédé et les jeunes nous ont pris en grippe très rapidement. Sur le coup, nous n’avions pas très bien compris ; peut-être croyaient-ils que nous cherchions à les instrumentaliser ? Il s’est avéré en fait que certains d’entre eux n’étaient là qu’à des fins personnelles et pour profiter des facilités qu’on leur accordait pour participer au festival. Au retour de Cannes, nous avons rompu toute relation avec l’association et l’expérience n’a pas été renouvelée. Je n’ai jamais vu le film qui devait être tourné cette année-là et le juryjeunes 2001, solidaire des jeunes de l’association, a été l’un des plus pénibles que j’ai eu à encadrer. Mon action cinéma à Jeunesse et Sports En 1993, c’est Jean-Pierre Daniel, un de mes collègues CEPJ-cinéma - par ailleurs directeur du cinéma l’Alhambra à Marseille - qui m’avait assuré de son soutien. Contrairement à certains autres collègues, lui ne méprisait pas le fait que le ministère ait investi un lieu comme Cannes, défendant l’idée que le Prix de la jeunesse était un important moyen de protéger, voire même d’affirmer, la présence et le travail du cinéma, des images et des sons au sein de Jeunesse et Sports. Pour lui comme pour moi, la notoriété du Prix permettait de mieux asseoir le travail sur le terrain de nos collègues, personnels techniques et pédagogiques des directions régionales et départementales. J’ai été définitivement convaincu lors d’une rencontre en 1996 avec la députée européenne Aline Pailler, à l’époque fortement engagée dans le combat pour la défense de la diversité culturelle. Á l’écoute de mes doutes, elle m’avait rassuré en comparant le Prix de la jeunesse à une goutte d’eau indispensable à l’univers du cinéma et de la culture. Pour elle, ce travail était fondamental. Comme en écho à ces encouragements, l’année suivante j’organisais le Prix de la jeunesse malgré l’interdiction du cabinet du ministre Guy Drut, sur mon temps de vacances. Quinze jours après Cannes, le Président Jacques Chirac dissolvait l’Assemblée Nationale, le gouvernement changeait, et le Prix de la jeunesse repartait pour une nouvelle édition ! 18 LA GESTION DES HIÉRARCHIES, MINISTRES, CABINETS, DIRECTEURS10 En 1997, la décision d’annuler le Prix relevait en fait d’un des membres du Cabinet du ministre, qui n’avait pas supporté que ma collègue chargée de la communication du Prix et moi-même ayons refusé l’année précédente d’axer la communication sur sa propre personne, cette personne ayant des ambitions politiques dans la région de Cannes. Très vite, Joël Balavoine, directeur de la jeunesse, m’avait autorisé et même encouragé à poursuivre l’organisation du Prix, et je m’étais appuyé sur un regroupement d’associations nationales ayant accepté d’en être le support officiel. Je tiens à les citer ici : CRIJ de NiceCôte d’Azur, Oroleis de Paris, Ligue de l’enseignement, Union française du film pour l’enfance et la jeunesse (UFFEJ), Fédération française des maisons de jeunes et de la culture (FFMJC), Un été au ciné. Il s’agissait en effet de ne rien perdre des acquis de l’opération vis-à-vis de nos partenaires, et que le Prix ne s’interrompe en aucun cas. Par ailleurs, informés de cette décision, un grand nombre de personnalités et d’organismes professionnels et associatifs, dont le Festival de Cannes, la Société des réalisateurs de films et le Syndicat français de la critique de cinéma, avaient spontanément écrit au ministre pour soutenir le Prix. Aucun n’a jamais reçu la moindre réponse. Quels qu’aient été leur appartenance politique et leur parcours, les ministres successifs ont toujours montré une approche quasiment identique vis-à-vis du Prix, que je qualifierais par deux termes : attirance et peur. Tous semblaient fascinés par le festival, mais ils refusaient toujours d’y venir au dernier moment, comme s’ils craignaient le monde du cinéma, un univers qu’ils connaissaient mal et sur lequel ils n’avaient aucune prise. Malheureusement, c’était toujours au détriment du Prix, organisé pourtant par un service de leur département ministériel, qui perdait ainsi chaque année une possibilité de communication au plus haut niveau. Sur les vingt Prix de la jeunesse que j’ai organisés, seuls trois ministres ont accepté d’aller à Cannes soutenir cette action : R. Bambuck, M. Alliot-Marie, M.G. Buffet. Mais aucun n’est resté plus d’une journée et demie, seul R. Bambuck ayant accepté de « monter les marches » avec le Jury-jeunes, M.G. Buffet étant venue uniquement pour assister à la séance en plein air prévue dans un des quartiers de la ville et participer à une rencontre à l’interne avec les jeunes, en cachette, sans la presse. Paradoxalement il a fallu attendre 2010 et 2011, quand le Prix était désormais réduit à la portion congrue, pour que les ministres M.P. Daubresse puis J. Bougrab se déplacent à Cannes pour le remettre officiellement ! En revanche, j’ai toujours reçu le soutien de mes directeurs, au-delà de certaines confrontations souvent nécessaires, comme de mes chefs de service (Denise Barriolade 10 Ministres en charge de la jeunesse Avice Edwige (mai 81-juil 84) ; Calmat Alain (juillet 84-mars 86) ; Bergelin Christian (mars 86-juin 88) ; Bambuck Roger (juin 88-mai 91) ; Bredin Frédérique (mai 91-juin 93) ; Alliot-Marie Michèle (juin 93-mai 95) ; Drut Guy (mai 95-juin 97) ; Buffet Marie-George (juin 97-mai 02) ; Ferry Luc (mai 02-mars 04) ; Lamour JeanFrançois (mars 04-mai 07) ; Bachelot Roselyne (mai 07-novembre 10) ; Martin Hirsch (janvier 09- mars10) ; Marc-Philippe Daubresse (mars 10-novembre 10) ; Jeannette Bougrab (novembre 10…) Directeurs de la jeunesse Langlais Jean-Louis (→1984) ; Gaborit Pierre (1985-86) ; Vanderschmitt Georges (1986-90) Richard Marie (1990-92) ; Domenach-Chich Geneviève (1992-93) ; Balavoine Joël (1993-1999) ; Mathieu Hélène (19992004) ; Madranges Étienne (2004-07) ; Dyèvre Yann (novembre 2007→…) 19 puis Dominique Billet), qui n’ont jamais hésité à valoriser mon action, même pendant les périodes de relations délicates, voire conflictuelles, avec les cabinets ministériels. Presque chaque année, le Prix de la Jeunesse était remis en cause et il nous fallait en défendre (avec Jenny Leoni et Robert Rysman, plus tard Pierre Montaudon) la conception et la philosophie. Chaque nouveau ministre, chaque nouveau cabinet y allait de son jugement, de ses préjugés et de ses desiderata, tandis que le bureau de la communication restait bloqué par la mise en valeur des ministres au détriment du soutien aux actions. Quelques exemples : le Prix de la Jeunesse est une excellente opération, mais il devrait être organisé par le ministère de la Culture, un seul fonctionnaire à Cannes suffira (F. Bredin) ; 40 jeunes à Cannes ce n’est pas assez, il en faut 700 (G. Drut) ; le jury doit être composé de lauréats du Défi-jeunes (F. Bredin), de jeunes des conseils de la jeunesse (M.G. Buffet), de jeunes défavorisés (J.F. Lamour), de futurs professionnels des écoles de cinéma (J.F. Lamour, l’année suivante) ; Une réponse parmi d’autres : Il est impossible d’inviter à Cannes 700 jeunes car il faudrait 700 accréditations, trouver et financer au minimum 200 logements, engager un certain nombre de personnels pour l’encadrement, sans compter le coût en transport d’un tel projet ! En résumé, il nous fallait sans cesse déployer des trésors de diplomatie, montrer une grande capacité d’adaptation et dépenser beaucoup d’énergie pour que le Prix de la jeunesse se perpétue selon la même philosophie. La stratégie était de donner des gages de bonne volonté pour éviter sa suppression ou sa transformation (comme ça a été finalement le cas en 2010) ; par exemple, les tables rondes organisées en 2003 et 2004 pour satisfaire le cabinet de L. Ferry, les rencontres avec des professionnels mises en place en 2005 pour répondre à la demande du cabinet de J.F. Lamour, etc. 20 EN CONCLUSION Au terme de toutes ces années, il est évident que la place qu’occupe le ministère en charge de la Jeunesse, à travers le Prix de la jeunesse, au sein du plus grand festival de cinéma au monde, n’est pas liée à un apport financier ni au fait de son statut d’institution d’État, mais bien à la légitimité de terrain acquise par la régularité et l’intégrité du travail effectué au fil des ans. Que de travail, de temps, de volonté, de passion, pour construire ce réseau de relations avec les équipes du Festival de Cannes et des sélections parallèles. Garder sa force de conviction, rester modeste et sincère, ne jamais trop demander et savoir attendre. Travailler au sein de cette manifestation exige beaucoup de patience et de diplomatie, et une équipe motivée, convaincue et soudée autour de soi. C’est ce qui nous a permis de sauver nombre de situations difficiles : l’année où nous n’avions plus la salle à l’horaire prévu, une grève inopinée des techniciens, les chambres dans les palaces de la Croisette pour nos invités, les invitations offertes au dernier moment... Le Prix de la jeunesse : quelle place dans les politiques de jeunesse ? Si l’opération peut être comprise comme « atypique », je souligne que j’ai toujours tenté d’adapter cette opération aux différentes politiques qui ont été mises en place, parfois de manière contradictoire, au long des évolutions ministérielles. Ainsi, au fil des ans, le Prix de la jeunesse a-t-il pu travailler avec des organismes et des dispositifs comme la Carte-jeunes, l’Information des jeunes, le Défi-jeunes, l’initiative des jeunes, l’engagement des jeunes, la mobilité des jeunes, Envie d’agir, les conseils de la jeunesse, les échanges internationaux de jeunes !… Aujourd’hui, le Prix de la jeunesse occupe une place particulière au sein du festival de Cannes, et une seule interruption risquerait de mettre un terme définitif à son existence. L’éducation populaire comme ouverture Le Prix de la Jeunesse a su démontrer que même les milieux les plus fermés et élitistes peuvent être accessibles. N’est-ce pas là l’une des conditions de la démocratie ? Le Prix de la Jeunesse : une action d’éducation populaire ? Jusqu’en 2009, si l’opération ne pouvait être considérée à mon sens comme participant de l’éducation populaire, comme l’est un stage de réalisation11 par exemple, je pense en 11 Créés en 1945, les stages de réalisation proposent une démarche artistique mêlant pratique et réflexion, dans un esprit d’éducation populaire. Initiative émanant des instructeurs nationaux d’éducation populaire - Henri Cordreaux, Gabriel Monnet, René Jauneau, Michel Boulanger, Michel Philippe, Jacques Vingler, Paul Sonnendrücker, Claude Célérier, Philippe Caillard, Stéphane Caillat, Catherine Dasté - et soutenue par le ministère de la Jeunesse et des Sports, notamment à travers le travail de certains CEPJ : citons entre autres Claude Decaillot, Didier Hugo, Daniel Charlot, Didier Hude, Michel Simon, Jean-Pierre Toublan ou Jean-Luc Galmiche…. Ouvert à tous les publics, un stage de réalisation consiste à réaliser un travail culturel, sur une durée précise, de manière collective, se caractérisant ainsi par sa singularité et sa non–reproductibilité, laboratoire permanent d’innovations pédagogiques dans tous les domaines artistiques - principalement le théâtre - la pratique amateur y rejoignant la pratique professionnelle à travers une expérience collective visant à construire un espace public. Les stages de réalisation ont donc un objet politique, l’art n’est qu’un support à une construction collective, leur pratique s’inscrivant dans un processus de transformation – voire de subversion - du rapport 21 revanche que l’esprit avec lequel elle a été conduite relevait pleinement de la philosophie de l’éducation populaire. Le Jury-jeunes, les « 40/60 à Cannes » - des jeunes venus de tous les milieux et de toutes les régions - pendant un temps donné, dans un lieu déterminé dédié principalement au cinéma, aux films et aux artistes, vivaient une expérience unique et forte, à la fois individuelle et collective. Une expérience faite d’apprentissages, d’échanges et de partage, à partir d’un travail élaboré d’éducation à l’image, d’initiation à l’esprit critique, de confrontation à des pratiques cinématographiques et audiovisuelles. Une expérience sensible chaque jour transcendée par l’émotion de multiples rencontres avec l’œuvre et la vision de créateurs venus des cultures du monde entier. Lors du Festival de Cannes 2006, les membres du Jury-jeunes ont pu rencontrer Olivier Père, délégué général de la Quinzaine des Réalisateurs. Lors d’un échange passionné autour de son travail de recherche et de choix de films, il avait parlé de morale : « la morale du cinéma, elle est dans la mise en scène », avait-il affirmé… On ne saurait être plus clair ! Aujourd’hui (juin 2011) Après la disparition des « 60 à Cannes » et des ateliers, la perte du partenariat avec les sélections parallèles et l’Oroleis de Paris, le lien rompu avec les jeunes européens, il apparaît évident que l’opération ne relève absolument plus de la philosophie de l’éducation populaire. Pour ma part, je ne peux que le regretter. et les enfants… Éduquer les enfants au 7ème art, c'est leur montrer des films, même des films sous-titrés, des films en noir et blanc, des films muets, c'est les conduire à apprendre à voir, à regarder, à critiquer, c'est les aider à se construire, c'est leur poser un chapeau melon sur la tête, un nez rouge de clown sur le nez, les chausser des grandes godasses usées de Charlot et leur montrer le chemin qui mène aux étoiles, sur la route ensoleillée de leurs rêves, en développant leur « sentiment d’appartenance à l’humanité à travers ce pays supplémentaire qu’est le cinéma12». créateur/spectateur/consommateur culturel, en invitant le spectateur/consommateur à créer et produire du sens à son tour. Le peuple est donc invité à participer à la définition du sens. Ces dernières années, les stages se sont ouverts à des créateurs non CEPJ, comme Robin Renucci (formé par les stages de réalisation de René Jauneau) qui revendique et perpétue la démarche en Haute-Corse, ou même Jean-Pierre Vincent, ex-directeur du Théâtre des Amandiers. Les stages de réalisation ont résisté jusqu’en 2011, date de leur disparition définitive au sein de l’entité moribonde Jeunesse et Sports. 12 Serge Daney : in « L’exercice a été profitable, Monsieur » - P.O.L., 1993. 22 L’ÉQUIPE du Prix de la Jeunesse La réussite du Prix de la jeunesse tient incontestablement au fait qu’il s’est toujours agi, pour moi, d’un travail en équipe (comme on l’a vu plus haut, d’abord moi seul avec le CRIJ de Nice, pour finir avec 16 personnes venant du ministère, du CRIJ de Nice et de l’Oroleis de Paris). Sans elles, toutes passionnées et convaincues de l’importance et de la philosophie de cette action, je n’aurais jamais pu au fil des ans mener à bien ma mission d’organisation et d’encadrement. Chacune a contribué fortement à l’évolution du Prix, et je tiens donc ici à citer et vivement remercier : Denise Barriolade, puis Dominique Billet, (mes) chefs de bureau ; Jenny Leoni, bureau de la communication ; Alexandra Dangel, Didier Caparros, Pierre Montaudon, direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Francis Tournois, producteur de courts-métrages et programmateur, ami et collaborateur de la première heure. Gilbert, puis Olivier Fischbach, directeurs du Centre régional d’information jeunesse de Nice- Côte d’Azur, ainsi que leur équipe. Robert Rysman, puis Patrick Baïda, directeurs de l’Oroleis de Paris, ainsi que leur équipe. Julia Lowy, Alexandra Borsari, Olivier Hébrard, anciens membres du Jury-jeunes. Je remercie aussi, bien évidemment, les équipes du Festival de Cannes, de la Quinzaine des réalisateurs et de la Semaine de la critique, et tous ceux - associations ou individusqui ont à un moment ou un autre soutenu cette action. Daniel PARIS (Juin 2011) 23 PALMARÈS du Prix de la Jeunesse De 1982 à 2002 le Jury-jeunes a primé 1 film français et 1 film étranger (1ère, 2e ou 3e œuvre d’un cinéaste) parmi les trois sélections suivantes : la Quinzaine des réalisateurs, la Semaine de la critique, Un certain regard (ex Perspectives du cinéma français et Cinémas en France) Film français Film étranger 1982 Mourir à 30 ans - Romain Goupil Le Temps Suspendu - Peter Gothar (Hongrie) 1983 Harem - Arthur Joffé Miss Lonely Hearts - Michael Dinner (USA) 1984 Boy meets Girl - Léos Carax Epilogo - Gonzalo Suarez (Espagne) 1985 Le Thé au Harem d’Archimède - Medhi Charef Dance with a Stranger - Mike Newell (GB) 1986 High Speed - Monique.Dartonne / Michel Kaptur Nola Darling - Spike Lee (USA) 1987 Pas de Prix français décerné Le chant des sirènes - Patricia Rozema (Canada) 1988 Mon cher Sujet - Anne-Marie Miéville Prix spécial : De Bruit et de Fureur - Jean-Claude Brisseau (France) Malgré Tout - Orhan Oguz (Turquie) 1989 Erreur de Jeunesse - Radovan Tadic Caracas - Michaël Schottenberg (Autriche) 1990 Printemps Perdu - Alain Mazars La Zone - Youri Illienko (URSS) 1991 Cheb - Rachid Bouchareb Toto le Héros - Jaco Van Dormael (Belgique) 1992 Sans un Cri - Jeanne Labrune Prix Spécial : C’est arrivé près de chez vous - Rémy Belvaux/ André Donzel/ Benoit Poelvoorde 1993 Ballroom Dancing - Baz Luhrmann (Australie) L’Odeur de la Papaye Verte - Tran Anh Hung ex-aequo Moi Yvan, toi Abraham - Yolande Zauberman L’Écureuil Rouge - Julio Medem (Espagne) 1994 Trop de Bonheur - Cédric Kahn Clerks - Kévin Smith (USA) 1995 Bye-Bye - Karim Dridi Manneken Pis - Frank Van Passel (Belgique) 1996 Les Aveux de l’Innocent - Jean-Pierre Améris White Night - Arnon Zadok (Israël) 1997 J’ai Horreur de l’Amour - Florence Ferreira Barbosa Bent - Sean Mathias (GB) 1998 L’arrière-pays -Jacques Nolot Last Night - Don Mc Kellar (Canada) 1999 Voyages - Emmanuel Finkiel Le Projet Blair Witch - D.Myrick / E.Sanchez (USA) 2000 Saint-Cyr - Patricia Mazuy Prix spécial : Krampack - Cesc Gay (Espagne) Girlfight - Karyn Kusama (USA) 2001 Clément - Emmanuelle Bercot Slogans - Gjergj Xhuvani (Albanie) 2002 Carnages -Delphine Gleize Le Voyage de Morvern Callar - Lynne Ramsay (GB) De 2003 à 2009 le Jury-jeunes a primé 1 film parmi les deux sélections officielles du festival : la Compétition et Un certain regard (1ère et 2e œuvre d’un cinéaste) 2003 Mille Mois - Faouzi Bensaidi (Maroc) 2004 Kontroll - Nimrod Antal (Hongrie) - inédit 2005 Bahia, ville Basse - Sergio Machado (Brésil) – inédit 2006 Bled, number one - Rabah Ameur-Zaimeche (France/Algérie) 2007 La Visite de la fanfare - Eran Kolirin (Israel/France) 2008 Tulpan - Serguey Dvorsevoy (Kazakhstan) 2009 Canine - Yorogs Lanthimos (Grèce) 24 Depuis 2010 le Jury-jeunes prime 1 film de l’ensemble de la compétition officielle 2010 Copie conforme - Abbas Kiarostami (France/Italie) 2011 La piel qui habito - Pedro Almodovar (Espagne) 25 PALMARÈS du Prix « Regards Jeunes » De 2003 à 2009 le Prix « Regards jeunes » a primé 1 film de chacune des deux sélections parallèles (1ère et 2e œuvre d’un cinéaste) 2003 Semaine internationale de la critique Reconstruction - Christoffer Boe (Danemark) Court-métrage : The Truth about Head - Dale Heslip (Canada) Quinzaine des réalisateurs Kitchen Stories - Bent Hamer (Norvège/Suède) Court-métrage : My Virginity flows through her Body - P. Jong-Woo (Corée) 2004 Semaine internationale de la critique Or (mon trésor) - Keren Yedaya (France-Israël) Court-métrage : L'Homme sans Ombre - Georges Schwitzgebel (Canada/Suisse) Quinzaine des réalisateurs Bitter Dream - Mohsen Amiryoussefi (Iran) Court-métrage : Frontier - Miyazaki Jun (Japon) 2005 Semaine internationale de la critique Moi, toi et tous les autres - Miranda July (USA) Quinzaine des réalisateurs Alice - Marco Martins (Portugal) 2006 Semaine internationale de la critique Sonhos de Peixe - Kirill Mikhanovsky (Brésil) Quinzaine des réalisateurs Day night, Day night - Julia Loktev (Allemagne/USA) 2007 Semaine internationale de la critique XXY - Lucia Puenzo (Argentine/Espagne/France) Quinzaine des réalisateurs Control - Anton Corbijn (Australie/GB) 2008 Semaine internationale de la critique Ils mourront tous sauf moi - Valérie Gaïa Guermanika (Russie) Quinzaine des réalisateurs Eldorado - Bouli Lanners (Belgique) 2009 Semaine internationale de la critique Le murmure du vent -- Sharham Alidi (Iran) Quinzaine des réalisateurs J’ai tué ma mère - Xavier Dolan (Canada) Depuis 2010 le Prix Regard Jeune prime 1 film de la sélection officielle Un certain regard 2010 2011 Les Amours imaginaires - Xavier Dolan (Canada) Martha Marcy May Marlene - Sean Durkin (USA) 26 PARRAINS et MARRAINES du Prix de la Jeunesse Depuis 1993, le Jury-jeunes est accompagné dans son aventure cannoise par une marraine ou un parrain, représentant du 7ème art. Cette présence à leurs côtés d’une actrice, d’un comédien, d’un professionnel de la réalisation ou de la production enrichit la démarche des jeunes jurés, sans pour autant les influencer, le Jury-jeunes gardant l’entière liberté de ses choix. 1993 Irène Jacob 1994 Valéria Bruni-Tedeschi 1995 Judith Godrèche 1996 Virginie Ledoyen 1997 Marin Karmitz 1998 Catherine Jacob 1999 Charles Berling 2000 Emmanuelle Devos 2001 Clotilde Courau 2002 Emma de Caunes 2003 Zabou Breitman 2004 Cécile De France 2005 Thierry Frémont 2006 Marie Gillain 2007 Sara Forestier 2008 Luc Besson 2009 Pascal Legitimus 2010 Mathilda May 2011 Zinedine Soualem Avant 1993 Le Prix de la jeunesse avait été remis par Sophie Marceau, Andrzej Zulawski, Richard Borhinger, Patrick Bouchitey, Thomas Langmann, Jean-François Stevenin, Mireille Perrier… 27