Napoléon et les arts
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Napoléon et les arts
SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE 2 HISTOIRE-HISTOIRE DES ARTS CYCLE 3 Napoléon et les arts > PAR STÉPHANIE MORILLON, PROFESSEURE D’HISTOIRE-GÉOGRAPHIE, CHARGÉE DE MISSION MÉMOIRE ET PATRIMOINE AU RECTORAT DE PARIS Place dans les programmes HISTOIRE La Révolution française et le Premier Empire l L’aspiration à la liberté et à l’égalité, réussites et échecs. HISTOIRE DES ARTS Arts visuels l Découvrir deux domaines artistiques, arts de l’espace et arts du visuel. Les associer à une période historique. Comprendre que l’art peut être au service d’un homme (Napoléon) et d’un régime (Premier Empire). LES ARTS SOUS L’EMPIRE • TDC ÉCOLE N° 58 38 Objectifs et démarche Pour Napoléon Ier, « la royauté est un rôle » et les souverains doivent « toujours être en scène ». Avant même d’être empereur, il a une conscience aiguë de la portée politique de l’image qu’il diffuse. Dès sa campagne en Italie, il s’intéresse vivement aux arts mais les considère comme des instruments à son service et se montre aussi actif et directif dans ce domaine que dans les autres. Entouré d’hommes compétents et fiables, comme Vivant Denon, « l’œil de Napoléon », il organise des concours, programme des salons, projette de transformer le Muséum central des arts (devenu musée Napoléon) en musée universel, fonde quinze musées en province, collectionne, commande des œuvres et fait ériger des monuments dans Paris. Aucun domaine artistique ne reste hors de son influence. Portraits impériaux, scènes de bataille, récits d’exploits véhiculent son image d’homme intrépide mais clément, charismatique et proche de ses soldats, majestueux et simple. Napoléon considère Jacques-Louis David, le chef de file incontesté de l’école néoclassique, comme le plus grand peintre de son temps. Pour autant, il ne le laisse pas libre de ses sujets et refuse ses Sabines. Anne-Louis Girodet, François Gérard, Antoine-Jean Gros figurent la geste impériale au goût de l’Empereur, « sans allégorie, sans faste vain ». Antoine-Denis Chaudet, Jean-Antoine Houdon privilégient le marbre pour fixer le regard du magistrat suprême de la République. Mais Napoléon s’intéresse également aux arts décoratifs. Son goût pour les formes simples et sobres inspirées des styles égyptien et romain se répand : meubles, porcelaines, tapisseries, bijoux n’y échappent guère, de même que les décorations du Trianon, des châteaux de Compiègne, Rambouillet, Fontainebleau… La légende napoléonienne s’inscrit sur les murs de Paris : les architectes Percier et Fontaine chantent sa gloire dans la pierre, édifient des colonnes en l’honneur des armées, construisent des monuments célébrant ses victoires. « Les arcs de triomphe seraient un ouvrage futile et qui n’aurait aucune espèce de résultat, que je n’aurais pas fait faire, si je n’avais pensé que c’était un moyen d’encourager l’architecture. Je vais […] nourrir pendant dix ans la sculpture de la France. » Les commandes connaissent une véritable explosion sous l’Empire : Biennais, Jacob-Desmalter, les manufactures de Sèvres, de Lyon, des Gobelins bénéficient largement du mécénat impérial jusqu’en 1812, date à laquelle les finances manquent et nombre de projets, comme le palais du roi de Rome sur la colline de Chaillot, sont finalement arrêtés. Dans le domaine des arts musicaux, l’opéra doit être le miroir de la politique napoléonienne. La scène, fleuron de la vie parisienne, est un lieu idéal pour faire valoir son action auprès de l’opinion. En revanche, son succès est moindre en littérature. La censure sévère exercée sur les écrivains n’eut point les effets escomptés et si Napoléon n’aimait ni Chateaubriand, ni Mme de Staël, ni Benjamin Constant, euxmêmes se tinrent à l’écart du pouvoir. En un sens, nul souverain ne fut plus attentif aux arts que Napoléon, à l’exception de Louis XIV. Il n’a de cesse de légitimer son pouvoir en multipliant les signes du prestige, du luxe ainsi que ceux de l’exploit guerrier et de la victoire. Les symboles du pouvoir renouvellent le répertoire mais continuent d’évoquer ceux des Bourbons. Le choix des emblèmes est débattu en Conseil d’État : l’aigle, les abeilles, le laurier s’inspirent de l’Empire romain ou des dynasties mérovingienne et carolingienne. Sacramentels, les arts « influent puissamment sur la gloire des nations et l’opinion des contemporains ». Cependant, plus les signes de légitimité s’accumulent, comme dans le portrait d’Ingres, plus Napoléon semble porter des habits trop grands… L’ostentation de la représentation qui confine au culte de la personnalité fait pencher le bilan artistique de Napoléon vers un despotisme monarchique. En mettant l’art à son service, il a sans doute réussi à construire sa légende, mais celle-ci lui a en partie échappé. SAVOIR l JOURDAN Annie. Napoléon, héros, imperator, mécène. Paris : Aubier, 1998 (coll. Historique). >> DOCUMENTS A Des ordres de propagande l Napoléon, texte d’arrêté du 3 mars 1806. Article 1 – Les sujets ci-après désignés seront exécutés en peinture pour les sommes affectées à chacun desdits sujets, à savoir : 1° – L’Empereur haranguant le 2e corps d’armée sur le pont du Lech, à Augsbourg ; 2° – L’armée autrichienne prisonnière de guerre, sortant d’Ulm, défilant devant Sa Majesté et à l’instant où Elle parle aux généraux vaincus ; […] 4° – Rapp présentant à l’Empereur les drapeaux, les canons, le prince Repnine et plus de 800 prisonniers nobles de la garde russe ; […] 7° – L’Empereur pardonnant aux révoltés du Caire sur la place d’Ezbéckiék ; […] Les huit tableaux seront exécutés dans la proportion de 3,3 mètres de haut sur 4 ou 5 mètres de large ; le prix affecté à chacun des dits sujets sera de 12 000 francs ; ci, pour les huit, de 96 000 francs. […] Article 3 – Tous ces tableaux seront placés dans le palais impérial des Tuileries, après exposition publique au Salon du Musée napoléonien, fixée au 15 août 1808. Article 4 – Tous les artistes qui, à cette époque, et sans motifs plausibles, n’auraient pas terminé leur ouvrage, seront considérés comme inhabiles aux travaux que le Gouvernement pourrait ordonner dans la suite. B Une œuvre de commande 39 l © (CHÂTEAU DE VERSAILLES) DANIEL ARNAUDET/RMN TDC ÉCOLE N° 58 • LES ARTS SOUS L’EMPIRE Pierre-Claude Gautherot (1769-1821), Napoléon harangue le 2e corps de la Grande Armée sur le pont de Lech à Augsbourg, 1805. Huile sur toile, 385 x 620 cm. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon. © THIERRY LE MAGE/RMN l Antoine-Jean Gros (1771-1835), Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, 1804. Huile sur toile, 532 x 720 cm. Paris, musée du Louvre. D Napoléon en majesté E Trône impérial l Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), Napoléon sur le trône impérial, 1806. Huile sur toile, 259 x 162 cm. Paris, musée de l’Armée. l François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter (17701841), salle du Trône, 1808. Bois, bronze doré, velours, 620 x 445 cm. Fontainebleau, château de Fontainebleau. © GÉRARD BLOT/RMN © MUSÉE DE L’ARMÉE/PARIS, DIT. RMN/PASCAL SEGRETTE SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE 2 LES ARTS SOUS L’EMPIRE • TDC ÉCOLE N° 58 40 C Le général guérisseur F Parade militaire G Fontaine éléphant © MICHÈLE BELLOT/RMN l Jean-Antoine Alavoine (1777-1834), projet de fontaine, 1808-1813. Encre noire, plume, rehauts d’or, 41 x 51,8 cm. Paris, musée du Louvre. 41 TDC ÉCOLE N° 58 • LES ARTS SOUS L’EMPIRE © FRANK RAUX/RMN l Joseph-Louis-Hippolyte Bellangé (1800-1866), Un jour de revue dans la cour du Carrousel en 1810, 1862. Huile sur toile, 101 x 161 cm. Paris, musée du Louvre. SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE 2 LES ARTS SOUS L’EMPIRE • TDC ÉCOLE N° 58 42 >> ANALYSES ET PISTES D’EXPLOITATION A à C Une légende peinte L’arrêté du 3 mars 1806 (DOC A ) témoigne de la politique artistique de Napoléon Ier et révèle la place que l’Empereur dédie à la peinture, instrument idéal pour accéder à l’immortalité et servir sa légende. Elle illustre l’épopée héroïque, montre le général « haranguant les troupes » et triomphant sans arrogance des armées ennemies, qu’elles soient autrichiennes ou russes. Napoléon détermine avec précision les sujets, les dimensions (en pieds dans le texte original), le prix des œuvres commandées ainsi que leurs lieux d’exposition. Il n’est toléré aucun retard de livraison, au risque de n’être plus jamais sollicité. C’est au Salon du Musée napoléonien ou musée central des Arts (le futur Louvre) que le public parisien peut venir les admirer avant qu’elles ornent le palais impérial des Tuileries, lieu central du pouvoir. Sur l’immense toile Napoléon harangue le 2e corps de la Grande Armée sur le pont de Lech à Augsbourg (DOC B ), réalisée par Pierre-Claude Gautherot, élève de Jacques-Louis David, le père des soldats et maître de l’Europe protège, soutient, encourage, rallie, exalte, montre la voie et indique l’avenir. Tous obéissent à ce chef charismatique dont la redingote grise contraste par sa simplicité avec les plumes rouges de ses généraux. La scène se situe pendant la campagne d’Allemagne de 1805, lorsque la Grande Armée prend les troupes autrichiennes à revers à Ulm. S’apprêtant à investir Augsbourg, le corps d’armée du maréchal Soult traverse le Lech sur le pont de Sechausen. Napoléon, suivi de son état-major (Bessières et le mamelouk Roustam), fait prêter serment aux grenadiers du 2e corps (gauche du tableau). S’avançant entre les soldats, il salue ses troupes en tendant le bras d’un côté, les embrassant du regard de l’autre. Ce geste fait clairement référence au salut romain : baignés de culture classique, les hommes de la Révolution et de l’Empire s’approprient la gestuelle antique. Se considérant comme un nouveau Médicis, connaisseur éclairé et protecteur des arts, Napoléon fait cependant appel à Dominique Vivant Denon dont l’expérience et le talent étaient connus de Louis XV et de Louis XVI. Denon participe à l’expédition d’Égypte et aux guerres d’Italie où il inventorie les monuments et les œuvres à rapporter en France. Chargé d’un rapport sur la politique artistique des rois de France, il est nommé directeur général des musées. Ministre de la Culture en quelque sorte, il contribua à la rédaction de l’arrêté de 1806. La France n’étant pas prête à attaquer la GrandeBretagne de front, le Directoire décide une intervention indirecte en Égypte, étape importante sur la route des Indes orientales et province de l’Empire ottoman soumise aux dissensions des mamelouks. Bonaparte se voit marcher sur les traces d’Alexandre le Grand. L’expédition quitte Toulon avec 36 000 hommes en mai 1798 et atteint Alexandrie en juillet. Deux jours après la bataille des Pyramides, Bonaparte entre triomphant au Caire, peu avant la destruction de la flotte française par l’amiral Nelson près d’Aboukir. La population du Caire se révolte, ce qui l’oblige à reprendre les armes. C’est en se dirigeant vers la Syrie pour stopper l’invasion turque qu’il prend Jaffa (mars 1799), où les troupes françaises sont frappées par la peste. Bonaparte quitte l’Orient, et laisse la direction des opérations à Kléber, qui est assassiné peu après. Pour magnifier la campagne d’Égypte, Bonaparte commande Les Pestiférés de Jaffa (DOC C ) à Antoine-Jean Gros sur une suggestion de Denon. Sous les arcades d’une mosquée reconvertie en hôpital, Bonaparte touche un soldat malade en présence du médecin en chef de l’armée, Desgenettes, tandis qu’un autre soldat tente d’écarter sa main de peur qu’il ne soit contaminé. À droite, un soldat dévêtu soutenu par un jeune Arabe est pansé par un médecin turc. Un officier, frappé d’ophtalmie, s’appuie sur une colonne. Au premier plan, un pestiféré agonise sur les genoux de Masclet, jeune chirurgien militaire atteint lui aussi. Derrière eux, deux officiers français effrayés : l’un se protège la bouche avec son mouchoir tandis que l’autre s’éloigne. Sur la gauche de la composition, au milieu des hommes gisant sur le sol, un groupe d’Arabes distribue des vivres. Au loin, le drapeau français domine le minaret. Les Pestiférés de Jaffa témoigne des aspirations impériales : le geste renvoie, dans la conscience des contemporains, au rituel du sacre où le roi de France exerçait son pouvoir thaumaturgique en guérissant les écrouelles. Gros est entré dans l’atelier de David en 1785. Il quitte Paris en 1793 pour l’Italie, où il s’attire l’estime de Bonaparte grâce à sa représentation de la bataille d’Arcole. Ce néoclassique inspirera les romantiques tels que Géricault et Delacroix. Le tableau des Pestiférés est destiné au Salon de 1804. l Proposer les Activités 1 à 3 , p. 44. D à E Quand l’art légitime le pouvoir Dès son couronnement, Napoléon désire diffuser son image d’empereur comme il l’avait fait avec ses portraits en Premier Consul. Il fait appel en 1805 à Jean-AugusteDominique Ingres, brillant élève de David, qui a reçu le prix de Rome en 1801. Le Portrait de Napoléon I er sur le trône impérial (DOC D ), acheté par le Corps législatif et présenté au Salon de 1806, est une commande de l’administration impériale destinée à l’Empereur. Assis sur un trône somptueux devant un tapis orné des signes du zodiaque et de l’aigle impériale aux ailes ouvertes, Napoléon porte un ample manteau pourpre doublé d’hermine, attribut des monarques de l’Ancien Régime, sur lequel les abeilles ont remplacé les fleurs de lys. Il tient les regalia (conservées au musée du Louvre) : la main de justice, le sceptre de Charles V, ainsi que l’épée dite de Charlemagne. Sa tête est ceinte d’une couronne de lauriers dorés, en référence à l’Antiquité. Le trône dont le dossier circulaire répond à l’ample collier de la Légion d’honneur semble former une auréole autour de sa tête. Avec ce portrait d’apparat, Ingres peint Napoléon, tel un ivoire, en Christ pantocrator byzantin lointain et figé, presque désincarné (la lourdeur des plis de l’épais manteau semble nier le corps). Le visage marmoréen fait disparaître l’homme derrière la dignité impériale. La composition géométrique s’inscrit dans un triangle tandis que les lignes du sceptre et de la main de justice forment un triangle inversé. La prééminence des lignes droites est contrebalancée par la présence des courbes. La lumière uniforme, l’absence de modelé concourent au peu de réalisme des traits physiques et contrastent avec les détails et les accessoires traités avec minutie, tels les regalia ou le tapis. Ce tableau explicite le pouvoir absolu que Napoléon met en place avec le sacre en 1804. Il légitime la propagande impériale et l’héritage de l’Ancien Régime et de l’Empire carolingien. Ingres représentera Jupiter dans la même pose pour Jupiter et Thétis. Ce portrait provoqua au Salon de 1806 l’indignation du public, et l’Empereur lui préféra celui de François Gérard. F et G Le pouvoir au cœur de la ville L’Empereur veut faire de Paris une capitale éblouissant le monde pour l’éternité. Les premières mesures assainissent la ville grâce à la construction d’égouts, de fontaines, de cimetières. La rue de Rivoli, aux arcades d’inspiration italienne, constitue une partie de l’axe est- En 1808, Napoléon, soucieux de la grandeur de l’Empire, décide l’érection d’une fontaine gigantesque en forme d’éléphant à l’emplacement de l’ancienne forteresse de la Bastille (24 m de haut avec un escalier à vis dans une des pattes de l’animal) servant de pendant, dans l’est de Paris, à l’Arc de Triomphe construit dans l’ouest (DOC G ) : « Il sera élevé à la Bastille une fontaine sous la forme d’un éléphant de bronze, fondu avec les canons pris sur les Espagnols insurgés ; cet éléphant sera chargé d’une tour à la manière des Anciens, et l’eau jaillira de sa trompe. » L’exotisme de la fontaine correspond bien au goût de l’époque pour l’Orient, à celui des conquêtes lointaines et à l’invitation au voyage. Mais sans doute l’Empereur a-t-il gardé en mémoire les éléphants d’Hannibal traversant les montagnes transalpines ou Abul-Abas qu’Haroun al-Rachid avait offert à Charlemagne. Percier et Fontaine ne parvinrent qu’à en ériger le soubassement. Seule une maquette grandeur nature en plâtre fut construite en 1813. Après la chute de l’Empereur, l’éléphant s’effrite ; il est toujours présent en 1831, gardé par un nommé Levasseur, logeant dans une des pattes de l’animal. L’architecte Jean-Antoine Alavoine reprend les travaux en 1833, mais le monument est abattu en 1846 ; il n’en reste que la base circulaire. Victor Hugo en fera le refuge de Gavroche dans Les Misérables. l Proposer les Activités 5 et 6 , p. 45. 43 TDC ÉCOLE N° 58 • LES ARTS SOUS L’EMPIRE Dès son avènement, Napoléon souhaite rendre au château de Fontainebleau sa vocation de demeure souveraine. Il y accueille, en 1804, le pape Pie VII déplacé pour le sacre, y séjourne entre deux campagnes, y retient à nouveau le pape – cette fois prisonnier – de 1812 à 1814, y vit quelques jours avant son abdication, le 6 avril 1814, et son départ pour l’île d’Elbe. Avant la Révolution, la chambre royale, où se trouvait le lit, symbolisait le pouvoir du souverain. Transformée en salle du Trône en 1808 (DOC E ), elle devient la salle la plus importante du château. Comme dans la chambre de l’impératrice, ce décor hétéroclite réunit plusieurs époques : la partie centrale du plafond date du milieu du XVIIe siècle, celle qui surmonte le trône de la fin du règne de Louis XIV. Le mobilier mêle des meubles de style Empire (trône, consoles, candélabres) – exécutés sur les dessins des architectes Percier et Fontaine par l’ébéniste JacobDesmalter – à des sièges Louis XVI (pliants). Sous le dais pourpre, le trône est caractéristique du style Empire, empreint de simplicité et de sévérité. En bois doré, le dossier rond bordé d’un tore de laurier et les montants en pilastre surmontés d’une boule, il est couvert d’un velours de soie bleu brodé. Le décor héraldique innove : N, aigle, collier de la Légion d’honneur, abeilles. La double intention de Napoléon consiste à s’approprier en les détournant les codes royalistes pour fonder une nouvelle dynastie, légitimer son pouvoir, tout en évitant la tradition bourbonienne. l Proposer les Activités 3 et 4 , pp. 44-45. ouest traversant la ville de la place du Trône (Nation) à la celle de l’Étoile où est mis en chantier, en 1806, l’Arc de Triomphe. La Madeleine, temple de la Gloire d’inspiration antique, est élevée près de la place de la Concorde. Sur la colline de Chaillot, Percier et Fontaine lancent le projet d’un palais pour le roi de Rome. La construction de l’arc du Carrousel, porte d’entrée des Tuileries, demeure impériale, que l’on peut voir sur Un jour de revue dans la cour du Carrousel en 1810 de Louis-Hippolyte Bellangé (DOC F ), s’inspire de celui de Septime Sévère à Rome et vise à manifester la gloire militaire. Bâti par Denon sur les dessins de Percier et Fontaine, il a coûté 1 million de francs payé sur les contributions de la Grande Armée en l’honneur de laquelle il est élevé. La première pierre est posée en juillet 1806 et l’arc est rapidement achevé (1808). Polychrome (marbre du Languedoc, colonnes de marbre rouge, pierre blanche), il est surmonté d’un quadrige en bronze doré provenant de l’hippodrome de Byzance puis transporté à Venise en 1204 à la suite du sac de Constantinople par les croisés. Lorsque Bonaparte s’empare de Venise, il fait procéder à l’enlèvement des chevaux de Saint-Marc pour les installer à Paris au cœur de la Grande Nation. En effet, la Révolution a mis fin aux collections privées royales, aristocratiques ou ecclésiastiques, et leur a substitué des musées et des bibliothèques ouverts à tous, destinés à servir l’instruction du public et à inspirer de nouveaux talents. Napoléon aurait dû trôner sur le char de la Victoire tiré par quatre chevaux de Corinthe, mais il s’y refuse, et celui-ci demeurera vide. Finalement, la petitesse des proportions et l’alliage des matériaux de l’arc déçoivent. À la chute de l’Empire, les chevaux reprennent leur place à Venise. Pour les remplacer, Charles X confiera au sculpteur Bosio la réalisation d’un nouveau quadrige. SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE 2 >> ACTIVITÉS l docs A et B 1 Une politique artistique Comprendre ce qu’est une commande artistique. a. Lis le DOC A et réponds aux questions suivantes : – Qui a commandé ces œuvres d’art ? – Quel est le point commun entre tous les sujets proposés par l’arrêté ? – Parmi eux, lequel Pierre-Claude Gautherot a-t-il choisi de traiter (DOC D ) ? – Quelle taille les tableaux doivent-ils mesurer ? Qu’en penses-tu ? – Pierre-Claude Gautherot a-t-il respecté les contraintes de taille exigées par l’arrêté ? – Quel prix est fixé pour chaque tableau ? – Quel est le but recherché par Napoléon en ordonnant ces commandes ? – D’après toi, pourquoi les peintres les exécutent-ils ? l doc C 2 Enrichir la légende Lire et interpréter un tableau. a. Observe le DOC C et réponds aux questions suivantes : – Quelle impression ce tableau produit-il ? – Dans quelle région du monde se déroule cette scène ? Justifie ta réponse par quelques indices. – Quels éléments te permettent d’identifier le général Bonaparte ? – Qu’est-il en train de faire ? Qu’en penses-tu ? – Quelles couleurs dominent le tableau ? – Quelles sont les parties qui sont dans l’ombre et celles qui sont éclairées ? LES ARTS SOUS L’EMPIRE • TDC ÉCOLE N° 58 44 b. Rédige un court texte pour décrire la scène (décor et personnages). l doc D 3 Un portrait impérial Analyser un tableau. Dégager sa signification. a. Quelles sont les trois couleurs dominantes du DOC D ? b. Cite les différentes matières du manteau. Que veut inspirer Napoléon en portant ces étoffes ? c. Qualifie ce portrait de Napoléon en cochant les termes qui conviennent : c Aimable c Souverain c Dominateur c Solennel c Imposant c Sympathique c Impérial c Timide c Majestueux d. Légende une photocopie du DOC D à l’aide des mots suivants : la main de justice ; le sceptre ; la couronne de laurier ; le collier de la Légion d’honneur ; l’épée de Charlemagne. e. Quels animaux figurent sur le DOC D ? De quoi sont-ils les symboles ? Quels animaux choisirais-tu pour emblème si tu étais roi ou reine ? © CNDP f. Napoléon Bonaparte est présenté de façon très différente sur les DOCS B et D . Quels termes utiliserais-tu pour qualifier les principaux aspects du personnage ? l doc E 4 Un lieu de pouvoir Comprendre la mise en scène du pouvoir royal. a. Quel meuble du DOC E reconnais-tu ? Comment ce meuble est-il mis en valeur ? b. Rédige la description de la salle du Trône. l docs F et G 5 Embellir Paris Découvrir des monuments historiques. Croiser texte et image. a. Quel monument figure sur la droite du DOC F ? Quelle en sont les fonctions ? b. En connais-tu d’autres du même type aujourd’hui ? c. À quelle période de l’histoire fait-il allusion ? c Antiquité c Moyen Âge c Époque contemporaine d. Comment la foule se comporte-t-elle au défilé de la Grande Armée ? Les soldats semblent-ils appréciés par le peuple ? 45 TDC ÉCOLE N° 58 • LES ARTS SOUS L’EMPIRE e. Lis le texte ci-dessous : Peu d’étrangers visitaient cet édifice, aucun passant ne le regardait. Il tombait en ruine ; à chaque saison, des plâtras qui se détachaient de ses flancs lui faisaient des plaies hideuses. Les « édiles » […] l’avaient oublié depuis 1814. Il était là dans son coin, morne, malade, croulant, entouré d’une palissade pourrie souillée à chaque instant par des cochers ivres ; des crevasses lui lézardaient le ventre, une latte lui sortait de la queue […]. Quoi qu’il en soit, pour revenir à la place de la Bastille, l’architecte de l’éléphant avec du plâtre était parvenu à faire du grand ; […] [Gavroche] entra par une lacune de la palissade dans l’enceinte de l’éléphant et aida les mômes à enjamber la brèche. […] Ô utilité inattendue de l’inutile ! Charité des grandes choses ! Bonté des géants ! Ce monument démesuré qui avait contenu la pensée de l’Empereur était devenu la boîte d’un gamin. Le môme avait été accepté et abrité par le colosse. […]. l Victor Hugo, Les Misérables (t. IV, liv. VI, chap.II « Le Petit Gavroche », « Où le petit Gavroche tire parti de Napoléon le Grand »). – Quel est ce monument évoqué par Victor Hugo ? Recherche le document qui lui est associé. – Où devait-il se trouver ? Par quoi est-il remplacé aujourd’hui ? – À quoi sert cet édifice pour Gavroche ? – Souligne les termes qui évoquent le mauvais état de cette fontaine. – Quelle phrase indique que l’auteur admire Napoléon ? 6 Art et politique Réinvestir ses connaissances. Rédiger une synthèse. © CNDP D’après tous ces documents, à quoi Napoléon Bonaparte a-t-il donné la priorité : à la défense de la liberté et de l’égalité et aux idées de la Révolution ou à la mise en place et au maintien d’un pouvoir fort ? Justifie ta réponse à l’aide de plusieurs arguments.