Napoléon et les arts

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Napoléon et les arts
SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE 2
HISTOIRE-HISTOIRE DES ARTS CYCLE 3
Napoléon et les arts
> PAR STÉPHANIE MORILLON, PROFESSEURE D’HISTOIRE-GÉOGRAPHIE, CHARGÉE DE MISSION MÉMOIRE ET PATRIMOINE
AU RECTORAT DE PARIS
Place dans les programmes
HISTOIRE
La Révolution française et le Premier Empire l L’aspiration
à la liberté et à l’égalité, réussites et échecs.
HISTOIRE DES ARTS
Arts visuels l Découvrir deux domaines artistiques, arts de
l’espace et arts du visuel. Les associer à une période historique. Comprendre que l’art peut être au service d’un homme
(Napoléon) et d’un régime (Premier Empire).
LES ARTS SOUS L’EMPIRE • TDC ÉCOLE N° 58
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Objectifs et démarche
Pour Napoléon Ier, « la royauté est un rôle » et les souverains doivent « toujours être en scène ». Avant même d’être
empereur, il a une conscience aiguë de la portée politique
de l’image qu’il diffuse. Dès sa campagne en Italie, il s’intéresse
vivement aux arts mais les considère comme des instruments
à son service et se montre aussi actif et directif dans ce
domaine que dans les autres. Entouré d’hommes compétents
et fiables, comme Vivant Denon, « l’œil de Napoléon », il organise des concours, programme des salons, projette de transformer le Muséum central des arts (devenu musée Napoléon)
en musée universel, fonde quinze musées en province, collectionne, commande des œuvres et fait ériger des monuments
dans Paris. Aucun domaine artistique ne reste hors de son
influence. Portraits impériaux, scènes de bataille, récits d’exploits véhiculent son image d’homme intrépide mais clément,
charismatique et proche de ses soldats, majestueux et simple.
Napoléon considère Jacques-Louis David, le chef de file
incontesté de l’école néoclassique, comme le plus grand
peintre de son temps. Pour autant, il ne le laisse pas libre de ses
sujets et refuse ses Sabines. Anne-Louis Girodet, François
Gérard, Antoine-Jean Gros figurent la geste impériale au goût
de l’Empereur, « sans allégorie, sans faste vain ». Antoine-Denis
Chaudet, Jean-Antoine Houdon privilégient le marbre pour fixer
le regard du magistrat suprême de la République.
Mais Napoléon s’intéresse également aux arts décoratifs. Son
goût pour les formes simples et sobres inspirées des styles égyptien et romain se répand : meubles, porcelaines, tapisseries,
bijoux n’y échappent guère, de même que les décorations du
Trianon, des châteaux de Compiègne, Rambouillet, Fontainebleau…
La légende napoléonienne s’inscrit sur les murs de Paris :
les architectes Percier et Fontaine chantent sa gloire dans la
pierre, édifient des colonnes en l’honneur des armées, construisent des monuments célébrant ses victoires. « Les arcs
de triomphe seraient un ouvrage futile et qui n’aurait aucune
espèce de résultat, que je n’aurais pas fait faire, si je n’avais
pensé que c’était un moyen d’encourager l’architecture. Je
vais […] nourrir pendant dix ans la sculpture de la France. »
Les commandes connaissent une véritable explosion sous
l’Empire : Biennais, Jacob-Desmalter, les manufactures de
Sèvres, de Lyon, des Gobelins bénéficient largement du mécénat impérial jusqu’en 1812, date à laquelle les finances
manquent et nombre de projets, comme le palais du roi de
Rome sur la colline de Chaillot, sont finalement arrêtés.
Dans le domaine des arts musicaux, l’opéra doit être le
miroir de la politique napoléonienne. La scène, fleuron de la
vie parisienne, est un lieu idéal pour faire valoir son action
auprès de l’opinion. En revanche, son succès est moindre en
littérature. La censure sévère exercée sur les écrivains n’eut
point les effets escomptés et si Napoléon n’aimait ni
Chateaubriand, ni Mme de Staël, ni Benjamin Constant, euxmêmes se tinrent à l’écart du pouvoir.
En un sens, nul souverain ne fut plus attentif aux arts que
Napoléon, à l’exception de Louis XIV. Il n’a de cesse de légitimer son pouvoir en multipliant les signes du prestige, du luxe
ainsi que ceux de l’exploit guerrier et de la victoire. Les symboles
du pouvoir renouvellent le répertoire mais continuent d’évoquer ceux des Bourbons. Le choix des emblèmes est débattu
en Conseil d’État : l’aigle, les abeilles, le laurier s’inspirent de
l’Empire romain ou des dynasties mérovingienne et carolingienne.
Sacramentels, les arts « influent puissamment sur la gloire
des nations et l’opinion des contemporains ». Cependant,
plus les signes de légitimité s’accumulent, comme dans le
portrait d’Ingres, plus Napoléon semble porter des habits trop
grands… L’ostentation de la représentation qui confine au
culte de la personnalité fait pencher le bilan artistique de
Napoléon vers un despotisme monarchique. En mettant l’art
à son service, il a sans doute réussi à construire sa légende,
mais celle-ci lui a en partie échappé.
SAVOIR
l JOURDAN Annie. Napoléon, héros, imperator, mécène. Paris :
Aubier, 1998 (coll. Historique).
>> DOCUMENTS
A Des ordres de propagande
l
Napoléon, texte d’arrêté du 3 mars 1806.
Article 1 – Les sujets ci-après désignés seront exécutés en peinture pour les sommes affectées à chacun desdits
sujets, à savoir :
1° – L’Empereur haranguant le 2e corps d’armée sur le pont du Lech, à Augsbourg ;
2° – L’armée autrichienne prisonnière de guerre, sortant d’Ulm, défilant devant Sa Majesté et à l’instant où Elle parle
aux généraux vaincus ; […]
4° – Rapp présentant à l’Empereur les drapeaux, les canons, le prince Repnine et plus de 800 prisonniers nobles de
la garde russe ; […]
7° – L’Empereur pardonnant aux révoltés du Caire sur la place d’Ezbéckiék ; […]
Les huit tableaux seront exécutés dans la proportion de 3,3 mètres de haut sur 4 ou 5 mètres de large ; le prix
affecté à chacun des dits sujets sera de 12 000 francs ; ci, pour les huit, de 96 000 francs. […]
Article 3 – Tous ces tableaux seront placés dans le palais impérial des Tuileries, après exposition publique au Salon
du Musée napoléonien, fixée au 15 août 1808.
Article 4 – Tous les artistes qui, à cette époque, et sans motifs plausibles, n’auraient pas terminé leur ouvrage,
seront considérés comme inhabiles aux travaux que le Gouvernement pourrait ordonner dans la suite.
B Une œuvre de commande
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l
© (CHÂTEAU DE VERSAILLES) DANIEL ARNAUDET/RMN
TDC ÉCOLE N° 58 • LES ARTS SOUS L’EMPIRE
Pierre-Claude Gautherot (1769-1821), Napoléon harangue le 2e corps de la Grande Armée sur le pont de Lech à
Augsbourg, 1805. Huile sur toile, 385 x 620 cm. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon.
© THIERRY LE MAGE/RMN
l Antoine-Jean Gros (1771-1835), Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, 1804. Huile sur toile, 532 x 720 cm.
Paris, musée du Louvre.
D Napoléon en majesté
E Trône impérial
l Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867),
Napoléon sur le trône impérial, 1806. Huile sur toile,
259 x 162 cm. Paris, musée de l’Armée.
l François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter (17701841), salle du Trône, 1808. Bois, bronze doré, velours,
620 x 445 cm. Fontainebleau, château de Fontainebleau.
© GÉRARD BLOT/RMN
© MUSÉE DE L’ARMÉE/PARIS, DIT. RMN/PASCAL SEGRETTE
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C Le général guérisseur
F Parade militaire
G Fontaine éléphant
© MICHÈLE BELLOT/RMN
l Jean-Antoine Alavoine (1777-1834), projet de fontaine, 1808-1813. Encre noire, plume, rehauts d’or, 41 x 51,8 cm.
Paris, musée du Louvre.
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TDC ÉCOLE N° 58 • LES ARTS SOUS L’EMPIRE
© FRANK RAUX/RMN
l Joseph-Louis-Hippolyte Bellangé (1800-1866), Un jour de revue dans la cour du Carrousel en 1810, 1862. Huile sur
toile, 101 x 161 cm. Paris, musée du Louvre.
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>> ANALYSES ET PISTES D’EXPLOITATION
A à C Une légende peinte
L’arrêté du 3 mars 1806 (DOC A ) témoigne de la politique artistique de Napoléon Ier et révèle la place que
l’Empereur dédie à la peinture, instrument idéal pour accéder à l’immortalité et servir sa légende. Elle illustre l’épopée héroïque, montre le général « haranguant les troupes »
et triomphant sans arrogance des armées ennemies,
qu’elles soient autrichiennes ou russes.
Napoléon détermine avec précision les sujets, les
dimensions (en pieds dans le texte original), le prix des
œuvres commandées ainsi que leurs lieux d’exposition.
Il n’est toléré aucun retard de livraison, au risque de n’être
plus jamais sollicité. C’est au Salon du Musée napoléonien ou musée central des Arts (le futur Louvre) que le
public parisien peut venir les admirer avant qu’elles ornent
le palais impérial des Tuileries, lieu central du pouvoir.
Sur l’immense toile Napoléon harangue le 2e corps de
la Grande Armée sur le pont de Lech à Augsbourg
(DOC B ), réalisée par Pierre-Claude Gautherot, élève de
Jacques-Louis David, le père des soldats et maître de
l’Europe protège, soutient, encourage, rallie, exalte, montre
la voie et indique l’avenir. Tous obéissent à ce chef charismatique dont la redingote grise contraste par sa simplicité avec les plumes rouges de ses généraux. La scène
se situe pendant la campagne d’Allemagne de 1805,
lorsque la Grande Armée prend les troupes autrichiennes
à revers à Ulm. S’apprêtant à investir Augsbourg, le corps
d’armée du maréchal Soult traverse le Lech sur le pont
de Sechausen. Napoléon, suivi de son état-major (Bessières
et le mamelouk Roustam), fait prêter serment aux grenadiers du 2e corps (gauche du tableau). S’avançant entre
les soldats, il salue ses troupes en tendant le bras d’un
côté, les embrassant du regard de l’autre. Ce geste fait
clairement référence au salut romain : baignés de culture
classique, les hommes de la Révolution et de l’Empire
s’approprient la gestuelle antique.
Se considérant comme un nouveau Médicis, connaisseur éclairé et protecteur des arts, Napoléon fait cependant appel à Dominique Vivant Denon dont l’expérience et
le talent étaient connus de Louis XV et de Louis XVI. Denon
participe à l’expédition d’Égypte et aux guerres d’Italie où
il inventorie les monuments et les œuvres à rapporter en
France. Chargé d’un rapport sur la politique artistique des
rois de France, il est nommé directeur général des musées.
Ministre de la Culture en quelque sorte, il contribua à la
rédaction de l’arrêté de 1806.
La France n’étant pas prête à attaquer la GrandeBretagne de front, le Directoire décide une intervention
indirecte en Égypte, étape importante sur la route des
Indes orientales et province de l’Empire ottoman soumise
aux dissensions des mamelouks. Bonaparte se voit
marcher sur les traces d’Alexandre le Grand. L’expédition
quitte Toulon avec 36 000 hommes en mai 1798 et atteint
Alexandrie en juillet. Deux jours après la bataille des
Pyramides, Bonaparte entre triomphant au Caire, peu avant
la destruction de la flotte française par l’amiral Nelson
près d’Aboukir. La population du Caire se révolte, ce qui
l’oblige à reprendre les armes. C’est en se dirigeant vers
la Syrie pour stopper l’invasion turque qu’il prend Jaffa
(mars 1799), où les troupes françaises sont frappées par
la peste. Bonaparte quitte l’Orient, et laisse la direction
des opérations à Kléber, qui est assassiné peu après.
Pour magnifier la campagne d’Égypte, Bonaparte
commande Les Pestiférés de Jaffa (DOC C ) à Antoine-Jean
Gros sur une suggestion de Denon. Sous les arcades d’une
mosquée reconvertie en hôpital, Bonaparte touche un
soldat malade en présence du médecin en chef de
l’armée, Desgenettes, tandis qu’un autre soldat tente
d’écarter sa main de peur qu’il ne soit contaminé. À droite,
un soldat dévêtu soutenu par un jeune Arabe est pansé par
un médecin turc. Un officier, frappé d’ophtalmie, s’appuie
sur une colonne. Au premier plan, un pestiféré agonise
sur les genoux de Masclet, jeune chirurgien militaire atteint
lui aussi. Derrière eux, deux officiers français effrayés :
l’un se protège la bouche avec son mouchoir tandis que
l’autre s’éloigne. Sur la gauche de la composition, au milieu
des hommes gisant sur le sol, un groupe d’Arabes distribue
des vivres. Au loin, le drapeau français domine le minaret.
Les Pestiférés de Jaffa témoigne des aspirations impériales : le geste renvoie, dans la conscience des contemporains, au rituel du sacre où le roi de France exerçait son
pouvoir thaumaturgique en guérissant les écrouelles.
Gros est entré dans l’atelier de David en 1785. Il quitte
Paris en 1793 pour l’Italie, où il s’attire l’estime de Bonaparte
grâce à sa représentation de la bataille d’Arcole. Ce néoclassique inspirera les romantiques tels que Géricault et
Delacroix. Le tableau des Pestiférés est destiné au Salon
de 1804. l Proposer les Activités 1 à 3 , p. 44.
D à E Quand l’art légitime
le pouvoir
Dès son couronnement, Napoléon désire diffuser son
image d’empereur comme il l’avait fait avec ses portraits
en Premier Consul. Il fait appel en 1805 à Jean-AugusteDominique Ingres, brillant élève de David, qui a reçu le
prix de Rome en 1801.
Le Portrait de Napoléon I er sur le trône impérial
(DOC D ), acheté par le Corps législatif et présenté au
Salon de 1806, est une commande de l’administration
impériale destinée à l’Empereur. Assis sur un trône somptueux devant un tapis orné des signes du zodiaque et de
l’aigle impériale aux ailes ouvertes, Napoléon porte un
ample manteau pourpre doublé d’hermine, attribut des
monarques de l’Ancien Régime, sur lequel les abeilles
ont remplacé les fleurs de lys. Il tient les regalia (conservées au musée du Louvre) : la main de justice, le sceptre
de Charles V, ainsi que l’épée dite de Charlemagne.
Sa tête est ceinte d’une couronne de lauriers dorés, en
référence à l’Antiquité. Le trône dont le dossier circulaire
répond à l’ample collier de la Légion d’honneur semble
former une auréole autour de sa tête.
Avec ce portrait d’apparat, Ingres peint Napoléon, tel
un ivoire, en Christ pantocrator byzantin lointain et figé,
presque désincarné (la lourdeur des plis de l’épais
manteau semble nier le corps). Le visage marmoréen fait
disparaître l’homme derrière la dignité impériale. La
composition géométrique s’inscrit dans un triangle tandis
que les lignes du sceptre et de la main de justice forment
un triangle inversé. La prééminence des lignes droites est
contrebalancée par la présence des courbes. La lumière
uniforme, l’absence de modelé concourent au peu de
réalisme des traits physiques et contrastent avec les
détails et les accessoires traités avec minutie, tels les
regalia ou le tapis. Ce tableau explicite le pouvoir absolu
que Napoléon met en place avec le sacre en 1804. Il légitime la propagande impériale et l’héritage de l’Ancien
Régime et de l’Empire carolingien. Ingres représentera
Jupiter dans la même pose pour Jupiter et Thétis. Ce
portrait provoqua au Salon de 1806 l’indignation du public,
et l’Empereur lui préféra celui de François Gérard.
F et G Le pouvoir au cœur de la ville
L’Empereur veut faire de Paris une capitale éblouissant le monde pour l’éternité. Les premières mesures
assainissent la ville grâce à la construction d’égouts, de
fontaines, de cimetières. La rue de Rivoli, aux arcades
d’inspiration italienne, constitue une partie de l’axe est-
En 1808, Napoléon, soucieux de la grandeur de l’Empire,
décide l’érection d’une fontaine gigantesque en forme
d’éléphant à l’emplacement de l’ancienne forteresse de la
Bastille (24 m de haut avec un escalier à vis dans une des
pattes de l’animal) servant de pendant, dans l’est de Paris,
à l’Arc de Triomphe construit dans l’ouest (DOC G ) : « Il
sera élevé à la Bastille une fontaine sous la forme d’un
éléphant de bronze, fondu avec les canons pris sur les
Espagnols insurgés ; cet éléphant sera chargé d’une tour
à la manière des Anciens, et l’eau jaillira de sa trompe. »
L’exotisme de la fontaine correspond bien au goût de
l’époque pour l’Orient, à celui des conquêtes lointaines
et à l’invitation au voyage. Mais sans doute l’Empereur
a-t-il gardé en mémoire les éléphants d’Hannibal traversant
les montagnes transalpines ou Abul-Abas qu’Haroun
al-Rachid avait offert à Charlemagne.
Percier et Fontaine ne parvinrent qu’à en ériger le
soubassement. Seule une maquette grandeur nature en
plâtre fut construite en 1813. Après la chute de l’Empereur,
l’éléphant s’effrite ; il est toujours présent en 1831, gardé
par un nommé Levasseur, logeant dans une des pattes de
l’animal. L’architecte Jean-Antoine Alavoine reprend les
travaux en 1833, mais le monument est abattu en 1846 ;
il n’en reste que la base circulaire. Victor Hugo en fera le
refuge de Gavroche dans Les Misérables. l Proposer les
Activités 5 et 6 , p. 45.
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TDC ÉCOLE N° 58 • LES ARTS SOUS L’EMPIRE
Dès son avènement, Napoléon souhaite rendre au
château de Fontainebleau sa vocation de demeure souveraine. Il y accueille, en 1804, le pape Pie VII déplacé pour
le sacre, y séjourne entre deux campagnes, y retient à
nouveau le pape – cette fois prisonnier – de 1812 à 1814,
y vit quelques jours avant son abdication, le 6 avril 1814,
et son départ pour l’île d’Elbe.
Avant la Révolution, la chambre royale, où se trouvait
le lit, symbolisait le pouvoir du souverain. Transformée en
salle du Trône en 1808 (DOC E ), elle devient la salle la
plus importante du château. Comme dans la chambre de
l’impératrice, ce décor hétéroclite réunit plusieurs
époques : la partie centrale du plafond date du milieu du
XVIIe siècle, celle qui surmonte le trône de la fin du règne
de Louis XIV. Le mobilier mêle des meubles de style Empire
(trône, consoles, candélabres) – exécutés sur les dessins
des architectes Percier et Fontaine par l’ébéniste JacobDesmalter – à des sièges Louis XVI (pliants). Sous le dais
pourpre, le trône est caractéristique du style Empire,
empreint de simplicité et de sévérité. En bois doré, le
dossier rond bordé d’un tore de laurier et les montants en
pilastre surmontés d’une boule, il est couvert d’un velours
de soie bleu brodé. Le décor héraldique innove : N, aigle,
collier de la Légion d’honneur, abeilles. La double intention
de Napoléon consiste à s’approprier en les détournant
les codes royalistes pour fonder une nouvelle dynastie,
légitimer son pouvoir, tout en évitant la tradition bourbonienne. l Proposer les Activités 3 et 4 , pp. 44-45.
ouest traversant la ville de la place du Trône (Nation) à la
celle de l’Étoile où est mis en chantier, en 1806, l’Arc de
Triomphe. La Madeleine, temple de la Gloire d’inspiration
antique, est élevée près de la place de la Concorde. Sur la
colline de Chaillot, Percier et Fontaine lancent le projet
d’un palais pour le roi de Rome.
La construction de l’arc du Carrousel, porte d’entrée
des Tuileries, demeure impériale, que l’on peut voir sur
Un jour de revue dans la cour du Carrousel en 1810 de
Louis-Hippolyte Bellangé (DOC F ), s’inspire de celui de
Septime Sévère à Rome et vise à manifester la gloire militaire. Bâti par Denon sur les dessins de Percier et Fontaine,
il a coûté 1 million de francs payé sur les contributions
de la Grande Armée en l’honneur de laquelle il est élevé.
La première pierre est posée en juillet 1806 et l’arc est
rapidement achevé (1808). Polychrome (marbre du
Languedoc, colonnes de marbre rouge, pierre blanche),
il est surmonté d’un quadrige en bronze doré provenant
de l’hippodrome de Byzance puis transporté à Venise en
1204 à la suite du sac de Constantinople par les croisés.
Lorsque Bonaparte s’empare de Venise, il fait procéder à
l’enlèvement des chevaux de Saint-Marc pour les installer
à Paris au cœur de la Grande Nation. En effet, la Révolution
a mis fin aux collections privées royales, aristocratiques
ou ecclésiastiques, et leur a substitué des musées et des
bibliothèques ouverts à tous, destinés à servir l’instruction
du public et à inspirer de nouveaux talents.
Napoléon aurait dû trôner sur le char de la Victoire
tiré par quatre chevaux de Corinthe, mais il s’y refuse, et
celui-ci demeurera vide. Finalement, la petitesse des
proportions et l’alliage des matériaux de l’arc déçoivent.
À la chute de l’Empire, les chevaux reprennent leur place
à Venise. Pour les remplacer, Charles X confiera au sculpteur Bosio la réalisation d’un nouveau quadrige.
SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE 2
>> ACTIVITÉS
l docs A et B
1 Une politique artistique
Comprendre ce qu’est une commande artistique.
a. Lis le DOC A et réponds aux questions suivantes :
– Qui a commandé ces œuvres d’art ?
– Quel est le point commun entre tous les sujets proposés par l’arrêté ?
– Parmi eux, lequel Pierre-Claude Gautherot a-t-il choisi de traiter (DOC D ) ?
– Quelle taille les tableaux doivent-ils mesurer ? Qu’en penses-tu ?
– Pierre-Claude Gautherot a-t-il respecté les contraintes de taille exigées par l’arrêté ?
– Quel prix est fixé pour chaque tableau ?
– Quel est le but recherché par Napoléon en ordonnant ces commandes ?
– D’après toi, pourquoi les peintres les exécutent-ils ?
l doc C
2 Enrichir la légende
Lire et interpréter un tableau.
a. Observe le DOC C et réponds aux questions suivantes :
– Quelle impression ce tableau produit-il ?
– Dans quelle région du monde se déroule cette scène ? Justifie ta réponse par quelques indices.
– Quels éléments te permettent d’identifier le général Bonaparte ?
– Qu’est-il en train de faire ? Qu’en penses-tu ?
– Quelles couleurs dominent le tableau ?
– Quelles sont les parties qui sont dans l’ombre et celles qui sont éclairées ?
LES ARTS SOUS L’EMPIRE • TDC ÉCOLE N° 58
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b. Rédige un court texte pour décrire la scène (décor et personnages).
l doc D
3 Un portrait impérial
Analyser un tableau. Dégager sa signification.
a. Quelles sont les trois couleurs dominantes du DOC D ?
b. Cite les différentes matières du manteau. Que veut inspirer Napoléon en portant ces étoffes ?
c. Qualifie ce portrait de Napoléon en cochant les termes qui conviennent :
c Aimable
c Souverain
c Dominateur
c Solennel
c Imposant
c Sympathique
c Impérial
c Timide
c Majestueux
d. Légende une photocopie du DOC D à l’aide des mots suivants : la main de justice ; le sceptre ;
la couronne de laurier ; le collier de la Légion d’honneur ; l’épée de Charlemagne.
e. Quels animaux figurent sur le DOC D ? De quoi sont-ils les symboles ? Quels animaux choisirais-tu
pour emblème si tu étais roi ou reine ?
© CNDP
f. Napoléon Bonaparte est présenté de façon très différente sur les DOCS B et D . Quels termes
utiliserais-tu pour qualifier les principaux aspects du personnage ?
l doc E
4 Un lieu de pouvoir
Comprendre la mise en scène du pouvoir royal.
a. Quel meuble du DOC E reconnais-tu ? Comment ce meuble est-il mis en valeur ?
b. Rédige la description de la salle du Trône.
l docs F et G
5 Embellir Paris
Découvrir des monuments historiques. Croiser texte et image.
a. Quel monument figure sur la droite du DOC F ? Quelle en sont les fonctions ?
b. En connais-tu d’autres du même type aujourd’hui ?
c. À quelle période de l’histoire fait-il allusion ?
c Antiquité
c Moyen Âge
c Époque contemporaine
d. Comment la foule se comporte-t-elle au défilé de la Grande Armée ? Les soldats semblent-ils
appréciés par le peuple ?
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TDC ÉCOLE N° 58 • LES ARTS SOUS L’EMPIRE
e. Lis le texte ci-dessous :
Peu d’étrangers visitaient cet édifice, aucun passant ne le regardait. Il tombait en ruine ; à chaque saison,
des plâtras qui se détachaient de ses flancs lui faisaient des plaies hideuses. Les « édiles » […] l’avaient
oublié depuis 1814. Il était là dans son coin, morne, malade, croulant, entouré d’une palissade pourrie
souillée à chaque instant par des cochers ivres ; des crevasses lui lézardaient le ventre, une latte lui sortait
de la queue […]. Quoi qu’il en soit, pour revenir à la place de la Bastille, l’architecte de l’éléphant avec du plâtre
était parvenu à faire du grand ; […] [Gavroche] entra par une lacune de la palissade dans l’enceinte de
l’éléphant et aida les mômes à enjamber la brèche. […]
Ô utilité inattendue de l’inutile ! Charité des grandes choses ! Bonté des géants ! Ce monument démesuré
qui avait contenu la pensée de l’Empereur était devenu la boîte d’un gamin. Le môme avait été accepté et
abrité par le colosse. […].
l Victor Hugo, Les Misérables (t. IV, liv. VI, chap.II « Le Petit Gavroche »,
« Où le petit Gavroche tire parti de Napoléon le Grand »).
– Quel est ce monument évoqué par Victor Hugo ? Recherche le document qui lui est associé.
– Où devait-il se trouver ? Par quoi est-il remplacé aujourd’hui ?
– À quoi sert cet édifice pour Gavroche ?
– Souligne les termes qui évoquent le mauvais état de cette fontaine.
– Quelle phrase indique que l’auteur admire Napoléon ?
6 Art et politique
Réinvestir ses connaissances. Rédiger une synthèse.
© CNDP
D’après tous ces documents, à quoi Napoléon Bonaparte a-t-il donné la priorité : à la défense
de la liberté et de l’égalité et aux idées de la Révolution ou à la mise en place et au maintien
d’un pouvoir fort ? Justifie ta réponse à l’aide de plusieurs arguments.