Lettre de convocation à l`entretien préalable : vers une évolution
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Lettre de convocation à l`entretien préalable : vers une évolution
FIL D’ACTUALITE JUILLET 2015 P ARTIE I : L ES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL Lettre de convocation à l’entretien préalable : vers une évolution jurisprudentielle concernant l’obligation de préciser les griefs ? Dans le prolongement de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 mai 2014, le Conseil de prud’hommes d’Evreux annule un licenciement pour ne pas avoir exposé les griefs dans la lettre de convocation à l’entretien préalable (Conseil de prud’hommes d’Evreux (section encadrement), 26 mai 2015 - RG n° 13/00379 ; Cour d’appel de Paris - 7 mai 2014 n° 12/02642). Cette décision semble contraire à la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle l’employeur doit préciser dans la lettre de convocation à l’entretien préalable seulement « l’objet de la convocation et non les griefs allégués contre le salarié » (Cass. soc. 14 novembre 2000 - n°98-44.117 ; Cass. soc. 13 mai 2009 - n°08-40.103). La Cour d’appel de Paris et le Conseil de prud’hommes d’Evreux ont rappelé que la mention des griefs dans la convocation à l’entretien préalable constituent une garantie de fond, et un principe fondamental visant à assurer le respect des droits de la défense, et dont le nonrespect entache le licenciement de nullité. Non sans surprise, un pourvoi a été formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris. Or, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de trancher cette question et de rejeter l’argument fondé sur la Convention 158 de l’OIT dans les termes suivants : « l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue d’un entretien préalable au cours duquel le salarié qui a la faculté d’être assisté peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et du respect des droits du salarié » (Cass. soc. 19 décembre 2007 n° 06-44.592). Par ailleurs, la nullité du licenciement prononcée par la Cour d’appel et le Conseil de prud’hommes est doublement critiquable en vertu de l’adage « pas de nullité sans texte. ». Il est rappelé que l’absence de tenue de l’entretien préalable constitue une irrégularité de procédure qui ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 11 septembre 2012 - n° 11-20.371 ; Cass. soc. 14 mai 2014 - n°13-11.125). 1/5 NOTRE CONSEIL : En l’état actuel du droit positif, il n’y a aucune obligation de motiver la lettre de convocation à l’entretien préalable. Cependant, il est important de vérifier que les dispositions de la convention collective nationale applicable n’exigent pas la mention des griefs dans la lettre de convocation à l’entretien préalable. Convocation à l’entretien préalable : délai de 5 jours pleins et ouvrables La Cour de cassation a rappelé la nécessité d’accorder un délai de cinq jours ouvrables pleins au salarié afin qu’il puisse préparer sa défense entre la remise de la lettre de convocation et la tenue de l’entretien préalable (Cass. soc., 3 juin 2015 - n°14-12.245, FSP+B). La procédure de licenciement est irrégulière dès lors que le salarié n’a pas bénéficié d’un délai de 5 jours pleins et ouvrables après la présentation de la lettre recommandée de convocation ou sa remise en mains propres. Le délai de 5 jours ouvrables se calcule de la façon suivante : il commence à courir à compter du lendemain du jour de la réception ou de la remise en main propre de la lettre, et se termine la veille de l’entretien préalable. Les jours ouvrables sont ceux qui correspondent à tous les jours de la semaine à l’exclusion du jour de repos hebdomadaire obligatoire et des jours fériés chômés. Par ailleurs, le jour de la remise de la lettre ainsi que le dimanche qui n’est pas un jour ouvrable ne comptent pas dans le délai de cinq jours ouvrables (Cass. soc. 20 février 2008, n° 06-40.649 ; Cass. soc. 20 déc. 2006, n°04-47.853). Par ailleurs, il convient de tenir compte de l’article 642 du Code de procédure civile qui dispose que : « Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. » Harcèlement moral : la mauvaise foi peut justifier la rupture du contrat de travail aux torts du salarié délateur Un employeur peut sanctionner un salarié pour avoir dénoncé, à tort, un harcèlement si et seulement si la mauvaise foi du salarié est établie. A défaut, la sanction sera annulée (Cass. soc., 10 juin 2015 - n°14-13.318 et n° 13-25.554, FS+P+B). 2/6 Des accusations infondées de harcèlement peuvent constituer une faute grave faisant obstacle à la poursuite d’un contrat et justifiant la rupture du contrat de travail. La Cour considère, dans ce cas, que la mauvaise foi est caractérisée lorsqu’elle résulte de la « connaissance de la fausseté des faits dénoncés » par le salarié délateur (Cass. soc. 6 juin 2012, n° 10-28.345). L’inertie de l’employeur face à la plainte d’une salariée pour agression sexuelle justifie la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée Un contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l’échéance du terme aux torts de l’employeur qui méconnait ses obligations de santé et sécurité de résultat par son inertie (Cass. soc., 13 mai 2015 - n°13-28.792). En l’espèce, une salariée s’est plainte auprès de son employeur d’une agression sexuelle par un client sur son lieu de travail. L’absence de réaction de l’employeur constitue une faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat à durée déterminée aux torts de l’employeur, en application de l’article L.1243-1 du Code du travail. L’employeur qui refuse thérapeutique est fautif de réintégrer le salarié en mi-temps La rupture du contrat de travail peut être prononcée aux torts de l’employeur qui refuse de réintégrer un salarié apte à la reprise en temps partiel thérapeutique et le dispense de travail (Cass. soc., 13 mai 2015 - n° 13-28.792). L’employeur est tenu d’une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise. Il doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de poste, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. Le médecin du travail, par un avis non ambigu contre lequel aucun recours n’avait été effectué, avait déclaré la salariée apte à une reprise en mi-temps thérapeutique et que l’employeur n’avait d’autre choix que d’accepter le retour de l’interessée. Ce dernier commet une faute dans le cas où il dispense de travail le salarié en question. 3/6 Proposition de reclassement des salariés correspondant aux compétences des salariés : absence d’emploi La proposition de reclassement des salariés dans le cas d’un licenciement économique s’effectue au regard des emplois disponibles dans l’entreprise et des compétences des salariés. Ainsi le PSE n’intègre pas les emplois disponibles dans l’entreprise tant qu’ils ne correspondent pas aux compétences des salariés (Cass soc. 27 mai 2015 - n°14-10.771, P+B). L’accord national interprofessionnel (ANI) du 10 février 1969 sur la sécurité de l’emploi a institué des commissions territoriales de l’emploi dont le rôle est d’intervenir dans les projets de licenciements économiques et l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi, par une saisine obligatoire de la part desdits employeurs dans certains domaines. Plus précisément, leur fonction se résume à « examiner les conditions de mise en œuvre des moyens de reclassement et de réadaptation et de participer, si nécessaire, à cette mise en œuvre » (article 5 ANI 1969). Elles interviennent dans le même temps dans les propositions de reclassement (article 15 ANI 1969). En 2008, la Chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’absence de saisine de la Commission dans le domaine de la métallurgie. Selon elle, cette omission de la part de l’employeur rendait le licenciement économique prononcé ultérieurement dépourvue de cause réelle et sérieuse. Le 27 mai 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation suit la tendance insufflée en 2008 dans le domaine de l’industrie textile cette fois-ci, s’agissant du contenu de la saisine de la Commission. La Cour admet la validité du plan de sauvegarde de l’emploi et précise que « l’obligation de saisir la commission paritaire de l’emploi n’impose pas à l’employeur de lui fournir une liste nominative des salariés ». De ce fait des informations sur le projet de restructuration, le plan de licenciement et le plan de sauvegarde de l’emploi parvenues à la Commission paritaire suffisent à constituer un renseignement quant à l’élaboration d’un projet de reclassement. 4/6 P ARTIE II : L ES RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL Représentants des salariés au sein du Conseil d’Administration : modalités d’exercice du mandat et formation Le décret n°2015-606 du 3 juin 2015 fixe les modalités d’exercice du mandat et le temps de formation des représentants des salariés. Ces modalités d’exercice sont applicables à compter du 6 juin 2015. Pour mémoire, l’élection par les salariés ou la désignation par les institutions représentatives du personnel, de représentants des salariés au sein du Conseil d’Administration est obligatoire depuis la loi du 14 juin 2013 pour les entreprises employant 5 000 salariés en France ou 10.000 salariés à l’international, et ce durant deux exercices consécutifs. Un temps de préparation (ou crédit d’heures) de 15 heures minimum par réunion : Les représentants des salariés au sein du Conseil d’Administration disposent d’un temps de préparation pour les réunions du Conseil d’Administration qui ne peut être : - ni inférieur à 15 heures ; - ni supérieur à la moitié de la durée légale de travail mensuelle (75 heures et 50 minutes). Ce temps est déterminé en fonction de l’importance de la société, de ses effectifs, et de son rôle économique. Ce temps de préparation est considéré comme du travail effectif (articles R. 225-34-2 et R. 225-60-2 du Code de commerce). Un temps de formation de 20 heures minimum par an : Les représentants des salariés au Conseil d’Administration disposent d’un temps de formation destiné à « perfectionner des connaissances et techniques nécessaires à l’exercice du mandat et porte principalement sur le rôle et le fonctionnement du conseil d’administration, les droits et obligations des représentants et leur responsabilité ainsi que sur l’organisation et les activités de la société » (articles R 225-34-3 et R 225-60-2 du Code de commerce). Le temps de formation est également considéré comme du temps de travail effectif et le coût de la formation est à la charge de l’employeur. La durée et le contenu de cette formation, ainsi que les organismes chargés de la dispenser sont déterminés par le Conseil d’Administration. 5/6 Aux termes de la formation, une attestation d’assiduité sera délivrée par l’organisme à l’employeur. Syndicats : égal accès aux moyens de communication de l’entreprise Le Conseil d’Etat a invalidé l’extension de dispositons d’une convention collective réservant exclusivement aux syndicats représentatifs le bénéfice de certaines facilités de diffusion de l’information syndicale dans l’entreprise. En l’espèce, il s’agissait d’accorder différentes modalités de réunion des sections syndicales selon qu’un syndicat était représentatif ou non (CE., 1er juin 2015 - n°369914). Pour invalider ces dispositions, le Conseil d’Etat s’est appuyé sur les principes dégagés par la Cour de cassation, qui avait déjà déclaré que les dispositions d’une convention ou d’un accord collectif visant à faciliter la communication des organisations syndicales ne peuvent, sans porter atteinte au principe d’égalité, être limitées aux seuls syndicats représentatifs et doivent bénéficier à tous les syndicats qui ont constitué une section syndicale (Cass. soc. 21 septembre 2011 - n° 10-19.017 ; 11 janvier 2012 - n° 11-14.292 ; 23 mai 2012 - n° 1114.930). Un accord collectif ne peut restreindre les droits syndicaux que les représentants des salariés tiennent des lois et règlements en vigueur (Cass. soc. 27 mai 2008 - n° 06-46.403). Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2142-10 du Code de travail : « Les adhérents de chaque section syndicale peuvent se réunir une fois par mois dans l'enceinte de l'entreprise en dehors des locaux de travail suivant des modalités fixées par accord avec l'employeur ». Par conséquent, une convention collective qui limite l’exercice du droit syndical à certaines sections syndicales des organisations syndicales représentatives opère donc une discrimination et porte atteinte au principe d’égalité. Exemple : C’est le cas lorsqu’une clause limite la diffusion de publications et tracts syndicaux ; celle-ci est contraire aux droits syndicaux. *********** Marie COURPIED-BARATELLI Avocat au Barreau de Paris Lombard Baratelli & associés 205 Boulevard Saint Germain – 75007 PARIS Tel. : 01.53.63.31.31/ Fax. : 01.53.63.31.32 6/6