Jean Depraeter - WK Transport Logistique

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Jean Depraeter - WK Transport Logistique
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PROFIL
Reconduit à la présidence du Gatmarif en
octobre, Jean Depraeter porte avec clarté des
revendications en Ile-de-France. Tel un homme
d’entreprise qui se pique de politique pour la
bonne cause : la logistique urbaine durable, oui,
mais à l’écart des idéologies. PAR BENOIT BARBEDETTE
Jean Depraeter
Homme de consensus
E
JEAN DEPRAETER
EN 4 DATES
• 2006 : nommé
directeur général
adjoint de Geodis, au
côté de Pierre Blayau.
• 2008 : élu président
du Gatmarif.
• Fin 2009 : quitte
Geodis à 65 ans, départ
en retraite.
• Septembre 2013 :
signe la charte
marchandises de Paris
au nom du Gatmarif.
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n privé, il peut avoir l’œil rieur et le
verbe haut, le sourire malicieux et
la dent dure. Voilà pour la forme et
la petite histoire. Sur le fond, Jean
Depraeter, homme public et première
tête du Gatmarif (groupement des activités de
transports et de manutention de la Région Ilede-France), milite pour le bon sens. Il porte les
couleurs de diverses organisations professionnelles : TLF, la FNTR, la CSD, le SNTL… aux côtés
de Stéphane Choquet et de Franck Edeline,
vice-présidents, tous réélus le 4 octobre 2013.
Le voilà donc muni d’un nouveau mandat dont
il veut faire bon usage dans un contexte politique qui voit approcher les élections municipales de mars 2014. « Nous avons des choses à
dire et à demander », souligne-t-il, un rien frondeur, au nom de corporations professionnelles
qui ont des savoir-faire techniques, des compétences et des connaissances qui ne peuvent
être ignorés par la puissance publique. « Les
questions de logistique urbaine, mal connues,
souvent négligées, seront l’un des grands chantiers de la mobilité dans les dix ans à venir »,
martèle-t-il. Dans les débats de logistique
urbaine, cet homme au caractère trempé peut,
selon les thèmes, aussi bien endosser le costume
du lanceur d’alerte que celui du donneur de
solutions. Venant du monde des affaires et de
l’entreprise (dans les plus hautes sphères de Geodis Calberson), il ne craint pas le terrain politique,
il en connaît les codes et les méandres. Son
credo : « Il est urgent de passer des projets aux
réalisations concrètes. Demain, il sera peut-être
trop tard pour certaines solutions… ». En 2012, la
Région Ile-de-France a vu passer sur son sol
plus de 210 millions de tonnes de fret, les flux
entrants étant de 52 Mt et les sortants de 42 Mt.
60 % du tonnage total est interne à la Région.
DÉCEMBRE 2013 – JANVIER 2014 /// ACTEURS URBAINS
Le mode routier traite 197 Mt (dont 78 Mt liés à
l’activité de messagerie), le fluvial 14 Mt et le fer
à peine 10 Mt. « Le premier enseignement de ces
chiffres est qu’il est, au moins, aussi important
d’économiser le kilomètre produit que de favoriser
l’intermodalité, ce qui est sans doute moins coûteux pour la collectivité », a-t-il écrit dans le
magazine Le Courrier de la Cohuat, en février 2013 (1). Pour lui, l’objectif d’une logistique
urbaine durable en Ile-de-France et à Paris ne
sera pas atteint par le seul report modal au fort
impact médiatique et aux faibles résultats en
matière de réduction des externalités négatives.
Il faut privilégier une action massive favorisant
l’utilisation de « camions propres » (dans le respect des 29 m2 au sol à Paris), plus efficace qu’une
politique du « tout sauf le camion ». Un propos
« politiquement correct » mais qu’il rejette sans
détour. « À un moment donné, il faut revenir sur
terre… ». Une façon de dire que des réalisations
concrètes sont attendues à court terme, dans
les six mois, sur la facilitation des livraisons et
opérations de déménagement (avec mise en
place de réservations d’espaces pour les véhicules), l’optimisation du transport de voitures
(ah ! les porte-huit dans Paris…), l’encouragement à l’usage d’énergie alternative gaz et électrique.
De ce point de vue, la signature de la charte de
« logistique urbaine durable » de la Ville de Paris,
le 18 septembre, vaut d’être concrète. Elle lui a,
de surcroît, offert une tribune de premier choix.
Devant près de 200 personnes réunies dans la
salle d’honneur, placé entre Bertrand Delanoë,
maire de Paris, et Julien Bargeton, adjoint en
charge des Transports, le protocole lui a fourni
l’occasion d’ouvrir la cérémonie (avant Bertrand
Delanoë !) par un discours de 10 minutes fixant
les grands enjeux de la charte parisienne. L’oc-
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casion rêvée pour rappeler l’engagement total
du Gatmarif sur ce dossier. Les 16 fiches projets
du texte recouvrent l’essentiel des diverses problématiques de la circulation des marchandises
en zone dense et devraient permettre de progresser vers une logistique apaisée. « Cette charte
n’est qu’une première étape. Elle doit être suivie
par des réalisations opérationnelles ». En privé,
Jean Deprater reconnaît : « Julien Bargeton est à
l’écoute. Il est un adepte du franc-parler. C’est plus
facile de travailler avec un élu comme lui ».
L’autre grand dossier, sensible selon lui, est le
foncier. « C’est la clé ». Il pousse pour que soit
menée en Ile-de-France et à Paris, une politique foncière cohérente et… en phase avec
l’objectif de 50 % des livraisons du dernier kilomètre en véhicule non-diesel à l’horizon 2017.
« Cet objectif, que je vois plus comme un vœu
pour l’instant, passera par le développement de
l’utilisation de véhicules électriques. Car leur
développement est conditionné par l’existence
de plateformes logistiques approvisionnées de
façon massifiée, par la route, le ferroviaire ou la
voie d’eau, et situées à proximité des destinataires », expliquait-il le 14 octobre. Or, selon le
Gatmarif, près de 200 000 m2 de surfaces
dédiées au dernier kilomètre ont été supprimées lors des cinq dernières années dans Paris.
La poursuite de la disparition des surfaces destinées à la logistique rendra impossible un
transfert significatif du mode diesel vers l’électrique, dit-il. En conséquence, Jean Depraeter
demande le gel des opérations urbaines détruisant des espaces réservés aux activités logistiques jusqu’à la parution des conclusions
du groupe de travail chargé de proposer un
schéma d’orientation de la logistique urbaine
décliné au territoire parisien avec les communes limitrophes de Paris. « La vérité est que
nous constatons un décalage pour ne pas dire
une contradiction entre les discours des collectivités territoriales et leurs politiques foncières ». (1) confédération française pour l’habitat, l’urbanisme,
l’aménagement du territoire et l’environnement.
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