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SOMMAIRE
Chers cryptidophiles,
Eh
oui, chaque édito commencera par cette petite formule tout juste
néo-synthétisée, et pour fêter le premier numéro officiel de la revue, nous allons
vous expliquer ce qui se cache derrière elle ! Pour peu que l’on possède un
regard curieux et une oreille attentive, on découvrira sans tarder que le monde
regorge de richesses. Certaines, déjà merveilleuses, sont connues du grand
public : il y a bien sûr les animaux, peu radins en matière de beauté esthétique
et de diversité, les paysages, qui demeurent aussi différents qu’innombrables, et puis les plantes, le
ciel, les étoiles… D’autres richesses demeurent pourtant cachées, et leur beauté réside spécialement
dans leur caractère incertain, ce frisson de mystère qui les enveloppe et nous les dissimule. Au sein
de la grande panoplie des légendes, il y a les « bêtes ignorées », des espèces dont l’essence secrète
réside en l’espace qui sépare deux pages d’une encyclopédie animale, et dont on ne sait jamais si
elle se matérialisera un jour.
Celui qui prend plaisir à renifler les vieux ouvrages ornés de gravures énigmatiques, à écouter avec
humilité et intérêt ce que les indigènes ont à dire, celui qui pense que tout reste à découvrir et que le
sac de Dame Nature est un puit sans fond de création, mais surtout, celui qui reste ouvert à la
surprise lorsqu’il prend un tournant sur un chemin, celui là est un cryptidophile.
Article
Le monstre du Loch Ness serait une murène
D’après de récentes études, Nessie est une murène.
S’il y en a bien un qui aime se montrer régulièrement, ou du moins projeter son ombre sur le tableau des actualités sans pour autant révéler sa bouille, c’est bien Nessie. Il est presque drôle de constater que lorsque les apparitions se font plus rares, il y a toujours un élément dont la presse s’empare pour faire rêver les gens. Une fois encore, je vais avoir l’occasion, amis lecteurs, de vous recommander la prudence pour ce qui est de la presse grand public. Ainsi, quelle brillante assertion nous est proposée ce mois-­‐ci (février 2016) ? La voici : Selon de récentes études, le monstre du Loch Ness serait une murène. C’est Nin, c’est cru, ça claque ! Tout d’abord, il faut préciser d’où vient cette affaire ; elle a tout juste été déterrée par Gordon Holmes, qui avait Nilmé le monstre en 2007 et dont la séquence a été stabilisée par la compagnie d’informatique de Bill Appleton, aux Etats-­‐Unis. Les deux hommes, après avoir regardé les images, s’accordent à dire qu’on peut y distinguer une anguille géante, et bien sûr cette opinion ne fait pas que des adeptes. Il n’y a donc pas lieu d’attribuer cette théorie à une étude, puisqu’elle ne résulte pas du labeur d’un groupe d’écologues qualiNiés, mais bien du point de vue purement personnel de personnages impliqués. Concernant la murène, une véritable confusion règne entre les termes employés et le jonglage entre l’anglais et le français ne s’est pas fait sans bavure… En anglais, « eel » désigne n’importe quel poisson de l’ordre des Anguilliformes. Pour nous y retrouver en français, nous dirons que les anguilles et les murènes (respectivement Anguillidae et Muraenidae) sont des familles de l’ordre des Anguilliformes, et ne font donc pas référence aux mêmes espèces d’animaux. En somme, la murène n’est pas une anguille, comme on peut le voir un peu partout. Du point de vue zoologique pourtant, il y a des points positifs, même s’ils sont fortement nuancés. Hélas, il n’existe pas ou très peu d’espèce de murène d’eau douce ; certains de ces animaux, à l’instar des anguilles, ont un cycle de vie séparé entre l’eau douce et l’océan – espèces diadromes – et l’on peut accepter qu’ils puissent accéder aux eaux du loch par le Nleuve Ness, comme le fait la seule espèce d’anguille (Anguilla anguilla) du loch. Le souci, et cela en dépit d u fa i t q u e l e s a n g u i l l e s p u i s s e n t exceptionnellement atteindre plus de deux mètres si un grand nombre d’années s’écoule avant la reproduction, les murènes d’eau douce connues et les anguilles du loch n’ont pas la taille requise pour se faire passer pour le monstre. Mais nous débordons un peu sur le cas de l’anguille géante qui, parallèlement à des témoignages de pêcheurs étant tombés par (in)fortune sur des « colosses », est fort intéressant, et n o u s n o u s p e n c h e r o n s d e s s u s ultérieurement. Bien qu’une véritable étude écologique puisse bien mieux conNirmer nos hypothèses que de la réNlexion purement théorique, il est Ninalement peu probable qu’une espèce de murène inconnue hante le Loch. En revanche, un autre Anguilliforme, pourquoi pas… p.1
Dossier de cryptide
Le Tatzelwurm
Le Tatzelwurm
Le ver à pattes des Alpes
Portrait
Avec
le cas que nous allons
développer, il n’est plus nécessaire de se
rendre à l’autre bout du globe pour se farcir
une « quête épique » concernant un animal
encore inconnu ! L’enquêteur amateur pourra
tout juste se rendre dans les Alpes pour se
faire les jambes. Laissons donc de côté les
mastodontes habituels et concentrons-nous
sur le Tatzelwurm, une entité énigmatique de
quelques timides centimètres…
Le Tatzelwurm – étymologiquement ver à
patte – n’est pas cantonné aux vieux
bestiaires, il s’est habilement faufilé depuis
les feuilles parcheminées jusque sous les
yeux de témoins qui n’ont pas manqué de
relater leur surprenante vision.
Si l’on mixe tous ces témoignages, qu’en
ressort-il ?
Bien que des témoignages récents
l’agrandissent, on peut établir qu’il s’agit d’un
animal vermiforme de 60 à 90 cm de long,
assez épais et dont le corps s’achève
brusquement. La tête, qui n’est pas séparée
du corps par un cou distinct, est dotée de
globes oculaires particulièrement grands.
Beaucoup de témoins furent très
impressionnés par son regard hypnotique. De
couleur brune ou blanche, sa peau ne fait
pas consensus : elle est jugée lisse et dans
d’autres cas, recouverte d’écailles. p.2
Dossier de cryptide
Une langue bifide est souvent mentionnée,
ainsi que sa capacité à émettre un sifflement
caractéristique. La plus grosse surprise que
nous réserve ce petit boudin est la présence
d’une seule paire de pattes postérieure (on
retrouve parfois dans les témoignages quatre
pattes, voire aucune) et malgré cette
apparence contraignante, on lui prête la
Le Tatzelwurm
capacité de faire des bonds prodigieux et de
prendre la poudre d’escampette en un éclair.
Pour couronner son portrait déjà atypique, on
le dit venimeux.
Avant de crier au canular, ou de discuter de
sa vraie nature – l’enquête zoologique ! –
nous allons comme à notre habitude de
cryptidophile remonter le temps.
Le Tatzelwurm dans l’histoire
Neues Taschenbuch für Natur-Forst– und
D’ailleurs, l’animal fait tellement corps avec la
Jagdfreunde auf das Jahr. Mon correcteur
tradition qu’il porte une quantité improbable
orthographique, qui n’est pas
de noms, selon le pays et même
friand de langue germanique,
la vallée dans laquelle il se
s’affole sur le titre de ce livre
balade. On le retrouve en Suisse,
écrit en 1836 à l’intention des
en Autriche, en Slovénie, en
chasseurs et naturalistes
Bavière et plus rarement dans le
bavarois. On y retrouve une
Jura, les alpes françaises, les
illustration de ce qui serait le
montagnes italiennes et
« ver des cavernes », réalisée
espagnoles.
selon les indications d’un
Pour s’y retrouver un peu, des
chasseur qui aurait tué cette
« j o u r n a u x l o c a u x e t
chose. Son corps en forme de
scientifiques » (notamment la
cigare est couvert d’écailles et
revue Kosmos) regroupèrent une
surplombe deux paires de
soixantaine de témoignages
pattes minuscules.
pour dresser le portrait évoqué
L’illustration suivante, plus
ci-dessus, en 1930. Huit ans
Représentation d’un Tatzelwurm
proche de l’idée qu’on se fait
plus tard, Willie Ley va attirer
de 1830
de lui, est tirée d’un almanach
l’attention des français sur la
de 1841. Ces deux exemples
bizarrerie des montagnes
montrent que depuis un certain temps, un ver
dans son article intitulé “Un animal inconnu
à pattes semble être connu des populations
dans les Alpes”, paraissant dans la revue La
alpines.
Nature.
Illustration de Tatzelwurm de 1841
p.3
Dossier de cryptide
Le Tatzelwurm
Témoignages
Contrairement
à ce que pourrait
indiquer la petite popularité de ce cryptide,
les histoires qui le concernent sont très
nombreuses et remontent surtout au début
des années 1900. Si vous tenez à en lire
quelques-uns, on en trouve de nombreux sur
internet, particulièrement des histoires
autrichiennes – je mets à votre disposition
trois récits à la fin de ce dossier pour alléger
ce paragraphe. L’essentiel est de constater
que les témoignages, bien qu’ils semblent
s’accorder sur une anatomie assez similaire,
diffèrent lorsqu’il s’agit de la géographie
(extérieur ou grotte) ou de la confrontation
(fuite de l’animal ou attitude agressive).
Les détracteurs du « ver
s a u t e u r » o n t s o u v e n t
reproché son caractère
hétérogène qu’ils attribuent à
une mauvaise identification
de plusieurs animaux bien
connus. Aujourd’hui, nous ne
disposons d’aucune preuve
matérielle si ce n’est un cliché
pris en 1934 par un certain
Balkin. Celui-ci raconte qu’il a
voulu photographier un
Cliché de Balkin
étrange tronc d’arbre couché,
qui s’avéra bien vivant puisqu’il
partit à vive allure après avoir « posé » pour
le photographe. On voit volontiers sur
l’image une sorte de poiscaille figée (peutêtre un bibelot) et on peut comprendre que
l’objet n’a finalement pas de réel rapport
avec notre dossier.
Les plus récents témoignages remontent tout
de même à quelques décennies. En 1954, on
aurait aperçu en Sicile « un animal semblable
à un ver de terre muni de deux pattes
antérieures et d’une tête de chat qui
attaquaient les cochons. » En 1978, c’est une
salamandre noire et blanche inconnue qui se
montre dans les Hautes-Alpes. Après le
canular de Balkin, l’intérêt pour le ver s’est
rapidement effrité et le public le considéra
avec un dédain similaire que celui porté au
monstre du Loch Ness.
Des histoires de grands-mères, des récits de
promeneurs, d’étranges dessins d’almanach :
On ne pourra pas nier que la piste du
Ta t z e l w u r m e s t p a u v r e e n p r e u v e s
objectivement mesurables. Ceci étant dit,
l’ouverture d’esprit du cryptozoologue le
conduira à envisager sérieusement son
existence.
Illustration fantaisiste du
Tatzelwurm
Des frontières assez floues
Dans le cas du Tatzelwurm, il faut être
prudent quant à sa répartition. Il existe, en
Europe centrale, un mythe fortement
enraciné dans le folklore : celui du Lindworm.
Ce terme désigne très généralement toutes
les créatures à mi-chemin entre le dragon et
le serpent.
p.4
Dossier de cryptide
Illustration très commune attribuée au
dragon européen
De tels animaux ont été décrits depuis des
siècles jusqu’en Scandinavie et en Suède.
Souvent, ils sont liés à l’élément liquide :
ainsi, de nombreuses légendes peuvent être
entendues à propos de tel lac ou de telle
Le Tatzelwurm
source, hantée par un dragon vermiforme. En
ce qui nous concerne, au Moyen-Age, le
Tatzelwurm était supposé vivre dans l’Aar,
une magnifique rivière suisse inaccessible.
Jean-Jacques Barloy a par ailleurs recueilli
une information selon laquelle, mentionne til, le Tatzelwurm sortirait d’une source du Val
d’Aoste chaque printemps.
Je préfère que nous limitions au maximum
l’aire de répartition du « ver à patte », car
plus on s’éloigne à la fois géographiquement
et en tradition, plus nous multiplions les
chances d’avoir affaire à des espèces tout à
fait différentes. Un exemple éloquent :
Proteus anguinus, ou protée, était considéré
comme un dragon aquatique en Slovénie,
avant que l’on ne découvre officiellement
qu’il s’agisse d’un urodèle cavernicole : ici,
nous sommes bien loin de notre ver aux
grands yeux.
Pour amorcer la partie d’investigation,
déclarons donc que nous cherchons un
animal qui pourrait s’apparenter aux lézards,
aux serpents ou aux salamandres au sein de
la chaîne alpine.
p.5
Dossier de cryptide
Le Tatzelwurm
Enquête
Le
lecteur rationnel aura du mal à voir en cet animal un organisme crédible. Si on
atténue toutes les « fioritures » que la légende a placé là (la tête de chat, l’agressivité, les tailles
excessives et pourquoi pas les bonds prodigieux) on arrive à un organisme qui effleure
l’ordinaire : un corps d’une trentaine de centimètres, un crâne allongé doté de grands yeux et
une significative paire de pattes antérieure. Rien de quoi vendre un papier sensationnel au
grand public, mais si une espèce de taille moyenne reste à découvrir dans les Alpes, il s’agirait
tout de même de se lancer sur ses traces.
Une loutre
Pour commencer par la solution la plus
décalée, nous mentionnerons simplement
l’une des propositions des détracteurs du
cryptide. Sont avancées dans ce cas les
capacités de la loutre à siffler et à bondir de
façon prodigieuse : deux caractères attribués
a u Ta t z e l w u r m , m a i s l e re s t e d e l a
morphologie ne correspond bien
évidemment pas.
courte ont sans doute incité Nicolussi à
attribuer au ver cette identité. Ils sont très
discrets et sont souvent cachés dans des
terriers. Les seuls éléments que l’on peut
objecter à cette théorie sont que ces gros
lézards sont inconnus ailleurs qu’en Amérique
et possèdent bien deux paires de pattes.
Les squamates
Les squamates forment un ordre qui
regroupe les Sauriens et les Ophidiens (en
termes généraux, les lézards et les serpents)
et qui présentent de potentiels candidats.
Remarque : On laissera de côté dans notre
enquête les gros vers annélides, qui n’ont
bien sûr pas de membres chiridiens et qui
n’ont pas la vélocité que l’on prête au ver
alpin.
Un héloderme
Le naturaliste autrichien Jakob Nicolussi
trouva tant de points communs entre les
hélodermes et le Tatzelwurm qu’il lui donna
un nom scientifique avant même sa
découverte : Heloderma europaeum. À la
défense du Docteur, rappelons que les
hélodermes sont une famille de lézard qui ne
comporte que deux espèces actuellement
connues en Amérique du Nord et qui sont les
seuls lézards à être venimeux. Cette capacité
ainsi que leur allure trapue et leur queue
Couple de Heloderma horridum au zoo de Buffalo
Un squamate plus vraiment tétrapode
Le caractère d’importance chez ce cryptide
est la présence d’une seule paire de pattes
postérieure : lorsqu’on inspecte un peu les
archives de la diversité du vivant, ce trait
forme un indice très important au niveau
anatomique.
Au cours de l’évolution, de nombreux
tétrapodes ont perdu leurs pattes ; Pensez
aux cétacés, qui n’ont guère plus de
membres postérieurs, inutiles au retour à la
vie aquatique. Les pertes de membre se sont
produites le plus fréquemment chez les
squamates : les serpents, bien entendu, mais
aussi de nombreux lézards se sont retrouvés
p.6
Dossier de cryptide
apodes à des dizaines de reprises
indépendantes au cours de leur histoire.
C’est en étudiant certaines formes jugées
intermédiaires que les scientifiques ont pu
reconstruire les évènements anatomiques qui
ont conduits à de telles disparitions.
•
Premièrement, il y a une régression
progressive de la taille des membres
et du nombre de doigts ou de
phalanges.
•
Cette étape est suivie (voir se déroule
simultanément) de la multiplication
des vertèbres.
•
On observe finalement un axe
vertébral uniforme, qui masque la
distinction entre le cou et la tête, et
entre la queue et le corps.
Nous pouvons très bien imaginer que les
ancêtres du Tatzelwurm aient eu quatre belles
pattes, mais il y a tout de même un souci :
dans la plupart des cas, les membres arrières
sont les derniers vestiges, or notre insolite
animal n’aurait conservé que la paire avant.
En fait, la disparition des pattes arrières aurait
précédé celle des pattes avant que dans de
rares cas, notamment chez les amphisbènes
du Mexique ou les scinques sirènes de
Madagascar – nous y reviendrons.
La deuxième difficulté est la suivante : La
réduction des membres s’est effectuée chez
les amphisbènes ou les scinques dans le
cadre d’un mode de vie de plus en plus
fouisseur et s’accompagne en conséquence
de la réduction des organes sensoriels,
notamment les yeux, d’une miniaturisation et
d’une dépigmentation. La perte de membres,
la forme homogène du corps, le mode de vie
tunnelier et la dépigmentation sont
compatibles avec le portrait du Tatzelwurm,
mais comment expliquer le maintien et même
le développement de grands globes
o c u l a i r e s ? O n p o u r r a i t s e p e r d r e
dangereusement en conjecture en imaginant
qu’il s’agisse d’une adaptation à des mœurs
nocturnes ou cavernicoles.
Que le Tatzelwurm soit une espèce de
serpent (grands yeux, langue bifide) ou de
lézard bipède, son existence est loin d’être
Le Tatzelwurm
improbable. Pour achever notre dossier,
brossons quelques exemples de créatures
insolites bien réelles et candidates.
Un amphisbène
Il s’agit là d’un sous-groupe des squamates
qui se distinguent par l’absence ou la
réduction des pattes. Leur silhouette est très
proche de celle attribuée au ver à patte : Pas
de cou distinct, un crâne robuste et osseux
qui ressemble à la queue. Certains sont roses
et ressemblent à s’y méprendre à un ver de
terre. Malheureusement, on ne connaît
qu’une espèce en Europe : Blanus cinereus
est de surcroit exclusivement espagnol et
complètement apode.
Bipes biporus
Parmi les amphisbènes, le « copier-coller »
réel du Tatzelwurm est le genre Bipes, qui
regroupe 3 espèces endémiques au
Mexique : Les deux pattes avant, la couleur
rose crème et les anneaux du corps
correspondent à merveilles (sauf pour les
yeux, très réduits chez cet animal fouisseur).
Si l’éloignement géographique n’était pas de
mise, on aurait peut-être pu classer l’affaire.
Un scinque
D’une diversité spécifique extraordinaire, les
scinques offrent de bons candidats : certains
ne possèdent plus que de petites pattes
atrophiées, d’autres les ont toutes perdues et
d’autres encore ont la queue courte et
arrondie. En France, on connaît le seps, qui a
l’allure d’un serpent à pattes.
p.7
Dossier de cryptide
Une salamandre
Enfin, l’hypothèse de la salamandre a été
évoquée. Bien qu’elle ne soit pas
compatibles avec les caractères écailles et
langue bifide, une salamandre pourrait
correspondre à certains témoignages : cet
Le Tatzelwurm
animal est là pour nous rappeler que nous ne
sommes jamais certains d’avoir à faire à la
même espèce. Une meilleure ségrégation
des témoignages amènerait peut-être à
dissocier un animal cavernicole d’un animal
vivant dans l’humus, d’une salamandre d’un
lézard ou d’un serpent.
Le Mot de la fin
Qu’un animal de cette taille (potentiellement trouvable en France et dans les pays de l’Europe)
soit resté discret jusqu’à aujourd’hui demande un grand effort d’ouverture d’esprit. Le
Tatzelwurm est peut-être seulement un mythe, un fruit de l’amalgame involontaire de plusieurs
animaux, peut-être a-t-il existé et s’est éteint (ce qui est loin d’être improbable : nous
connaissons le lourd tribut que payent les reptiles et les amphibiens aux contraintes
écologiques actuelles) et peut-être est-il encore en vie au sein de populations vivant dans les
derniers endroits propices à leur maintien. Aux vues des évènements évolutifs qui se sont
produits chez les squamates relativement à leurs membres, nous pouvons penser que le ver
mystérieux ait perdu ses pattes postérieures à la manière des amphisbènes
mexicains : une convergence évolutive.
Si un jeune entrepreneur voulait se lancer dans sa recherche, je ne
saurais que l’en encourager et pour signifier que cette recherche n’a
rien d’anachronique, je vous suggère de regarder le logo de
l’organisme qui gère actuellement le tourisme de la gorge de l’Aar,
où coule une rivière qui hébergeait, dans l’esprit du peuple il y a
quelques siècles, un merveilleux dragon aquatique.
Annexes : 3 témoignages
Kaspar Arnold, officier des chemins de fer/juillet 1883 ou 1884/Versant ouest du Spielberg,
Tyrol.
“[Arnold observa] cet animal de seulement 30 cm de longueur et épais comme l’avant-bras. Il prit une
position agressive contre l’intrus, qui évita l’animal par un grand détour, et put alors l’observer pendant un
bon laps de temps. Il le décrit comme ayant la forme d’un grand lézard, avec cependant une queue plus
courte et beaucoup plus épaisse, avec seulement deux pattes de devant semblables à celles d’un basset;
et il est sûr qu’il n’y avait pas de pattes de derrière. Peau nue ou finement écailleuse, couleur brunverdâtre et regard perçant qui engendre la peur. Une confusion avec un autre animal de notre région
n’est pas possible, car tous ceux-ci comme la loutre, le putois, la martre, etc., sont connus du
témoin.” (d’après Flucher 1932).
p.8
Dossier de cryptide
Le Tatzelwurm
Johann Biechl, concierge d’hôtel et Hein,
braconnier/été 1921/Alpe du Hochfilzen dans le
Rauris.
“[…] ils entendirent à une certaine distance un
chamois siffler, ce qui étonna beaucoup le braconnier,
à cause d’un vent favorable. Mais bientôt il réalisa
que ce n’était pas un daim, mais un autre animal qui
sifflait si étrangement, et ils suivirent en cachette le
bruit. Après quelque temps ils remarquèrent sur un
bloc de rocher un animal qui les fixait avec “un
regard terrifiant, perçant, hypnotique”. Le braconnier
mit en joue, le coup partit en un clin d’œil, mais
l’animal bondit en un énorme arc de 3 m de hauteur
et 8 m de longueur entre les deux hommes qui
tournèrent les talons au plus vite. De l’avis du tireur,
c’était un Tatzelwurm que notre témoin décrit comme
suit : environ 60 à 80 cm de long et épais comme le
bras, tête comme celle d’un chat, grosse comme le poing, sans rétrécissement du cou visible, se fondant avec
une épaisseur régulière dans le corps épais et cylindrique. La queue d’épaisseur constante et assez
brusquement devenant pointue “comme une carotte”. Pour sûr il n’y avait sur l’animal que deux très courtes
pattes antérieures dirigées vers l’extérieur, qui se décollaient nettement du corps lors du saut. La couleur de
l’animal était grise, à peu près comme celle du rocher sur lequel il se tenait.” (d’après Flucher 1932).
Instituteur autrichien (nom inconnu)/avril 1929/Grotte du Tempelmauer.
“ Bien équipé, je pris la route par un matin de printemps et après une brève escalade, j’atteignis le sommet
de Tempelmauer. Après une courte halte entre les rochers, je me mis en quête de l’entrée de la grotte.
Soudain, je vis un animal serpentiforme étendu sur l’humus pourrissant qui couvrait le sol. Sa peau était
presque blanche, non recouverte d’écailles mais lisse. Sa tête était aplatie et l’on voyait deux pattes très
courtes à la partie antérieure du corps. Il ne faisait pas un mouvement mais ne cessait de me fixer de ses
yeux remarquablement grands. J’étais capable de reconnaître au premier coup d’œil chacun de nos
animaux (faune locale) et je savais que j’avais sous les yeux celui qui est inconnu de la science, le
Tatzelwurm. Excité et joyeux, mais en même temps quelque peu craintif, j’essayai de saisir l’animal, mais…
trop tard ! Avec l’agilité d’un lézard, la bête avait disparu dans un trou et tous les efforts que je déployai
pour le retrouver furent vains. « Mon » Tatzelwurm n’avait pas de longues griffes, mais de petites pattes
courtes et atrophiées ; sa longueur n’excédait pas 40 à 45 cm. Il est plus que probable que le Tatzelwurm
est une variété rare de salamandre qui vit dans des grottes humides et ne vient que rarement à la lumière
du jour.” (d’après B.Heuvelmans.)
Bibliographie
BARLOY, Jean-Jacques
1990 Rumeurs sur des animaux mystérieux.
HEUVELMANS, Bernard
1955 Sur la piste des bêtes ignorées, édition Plon.
INSTITUT VIRTUEL DE CRYPTOZOOLOGIE
1999 Le Tatzelwurm ou "ver à pattes" des Alpes (9 aout).
LEY, Willie
1938 Un animal inconnu dans les Alpes. La Nature : 366-367 (01 juin).
MIRALLES Aurélien,
2015 Serpents et lézards sans pattes, Revue Espèces n°18 (décembre)
SONER, Ar
2009 Tatzelwurm. Encyclopédie du paranormal (12 juillet).
SHUKER, Karl
2012 « A » is for Ajolote – of Tatzelworms and death worms, Blog de Karl Shuker (24 octobre).
WIKIPEDIA
2014 Lindworm (2 décembre)
p.9
Article
Expédition Mokélé janvier 2016
Le Mokélé laisserait des traces sur la plage.
Rapide retrospective des résultats de
l’expédition janvier 2016 par l’équipe
de Michel Ballot, au Cameroun.
De ceux qui ne lâchent pas prise,
nous pouvons citer sans erreur Michel
Ballot, un explorateur qui connaîtra
bientôt autant les recoins des épaisses
forêt d’Afrique centrale que ceux de son
propre salon. Lancé sur la piste du plus
célèbre cryptide africain, le MokéléMbembé, son équipe et lui-même
ramènent de nouveaux éléments suite à
une expédition s’étant déroulée en
janvier 2016.
Depuis plus de dix ans
d’exploration, les indices de cette année
semblent être les traces les plus probantes
jamais observées sur le terrain. Après une
navigation éprouvante sur le fleuve Dja,
notre équipe se rend aux chutes Nki - à la
pointe sud du Cameroun - au-delà
desquelles se trouvent un univers quasiinviolé et encore préservé des déboires
d’Homo sapiens. La saison des pluies ne
survenant qu’au plus tard de l’été, certains
îlots sableux environnants sont émergés le
reste de l’année et offrent de splendides
occasions d’inspecter le sol. Les
aventuriers ont pu relever des traces de
caïman, et d’autres empreintes laissées
par un animal dont on jurerait ne pas
connaître la véritable nature. La première
piste se constitue d’empreintes uniformes
et ovales de 50 cm de longueur sur 30 cm
de largeur, chacune étant séparée de
l’autre par 45 à 50 cm. La seconde île est
recouverte de traces laissées par les
crocodiliens, auxquelles se mélangent
d’autres jeux d’empreintes plus grandes
mais néanmoins confuses.
L’avis d’un expert pourrait bien entendu
aider à trancher la question, mais la
présence de telles traces représente, au
moins pour ce qui est des premières, un
indice d’une grande importance en faveur
de l’existence d’un animal imposant
toujours dissimulé au milieu des branches
et des flots sinueux de Centrafrique.
Vous pourrez retrouver plus d’informations
sur le site Mokélé Expédition de Michel
Ballot. En attendant, souhaitons lui de
pouvoir encore avancer dans son enquête,
qui est certes une aventure humaine et
personnelle, mais aussi une magnifique
représentation
du
travail
cryptozoologique.
p.10
Article
Expédition Mokélé janvier 2016
Détail d’une empreinte profonde appartenant à une série observée sur une île du fleuve Dja, près des
chutes Nki (30 cm de large, 50 cm de long).
Large empreinte retrouvée sur l’île au caïmans, à côté des lunettes et en haut à gauche, on peut voir des
traces de caïmans, à titre de comparaison.
Plus d’informations sur http://mokelembembeexpeditions.blogspot.fr
p.11
Le Mot de…
Le Mythe indigène II par Sébastian Tricot
Quand
un cryptozoologue à l’occasion de s’arracher les cheveux, c’est soit qu’il se
trouve en face d’un détracteur particulièrement sceptique, soit qu’il est en train d’écrémer les
appellations indigènes sur tel ou tel cryptide : le grand nombre de « pseudonyme » provoque
une confusion un poil irritante. Mais comme les difficultés peuvent présenter des visages très
différents, parfois c’est le phénomène opposé qui se produit lors de la résolution d’une affaire,
des animaux hétéroclites porteront le même pseudonyme. Un exemple ? En Ouganda,
lorsqu’une hyène, un léopard ou un gorille fait montre d’un comportement inhabituel et féroce,
on l’appelera l’Engagyi sans distinction.
Cette situation peut s’expliquer facilement.
Premièrement, il faut savoir que parmi de nombreuses populations – notamment africaines – le
mythe de l’homme-animal est très répandu ; Ainsi, on trouvera logique que lorsqu’un animal
commet un acte particulièrement atroce, on attribuera cette cruauté à l’humain qui se cache
derrière sa fausse apparence, autrement dit, un animal ordinaire ne commet pas de crimes.
Cette croyance est sûrement à l’origine de la désignation par un terme générique d’espèces
totalement différentes : pour faire simple, que l’homme se soit changé en singe ou en félin, on
l’appellera le « sorcier ».
Deuxièmement, outre le fait même de croire en ces métamorphoses et dans un cas plus
général, tout animal inhabituel « est rangé d’emblée par les « primitifs » dans une classe
particulière, et nommé en conséquences. » Chaque
peuple a ses démons, et ces démons ou diables
possèdent des noms bien attribués.
Si on agrandit l’échelle à plusieurs tribus, on retombe sur
nos pattes ! Le peuple Nandi désigne les animaux
étranges par Chemosit, et les Massaï, par En-e-‘naunir.
De cette façon nous pouvons être confrontés à
différentes appellations pour une espèce éventuellement
unique.
Bien entendu, il ne faudra pas tomber dans le piège de
juger les traditions comme absurdes et primitives ;
Rappelons que de notre côté, nous procédons de la
même façon en désignant les monstres par « vampire »
ou « démon ». Un cas éloquent : La Bête du Gévaudan.
Dans les consciences de l’époque, il s’agissait
effectivement d’une créature diabolique mais inconnue :
paf ! L’étiquette générique est sortie : la bêêêêêête !!!
p.12
miscellanées
Le livre au coin du feu
Les
deux ouvrages Sur la piste
des Bêtes Ignorées sont un véritable
trésor de littérature zoologique, s’ils ne
sont plus édités aujourd’hui, il est
néanmoins possible de les trouver sur
internet. Je conseille à toute personne
voulant se renseigner sur la discipline
méconnue qu’est la cryptozoologie de
se plonger dans la lecture de ces
derniers, car ils composent un manuel
d’initiation très pertinent. Bernard
Heuvelmans, considéré comme le père
fondateur de la cryptozoologie, propose
dans ces deux tomes un voyage autour
de créatures étonnantes dont l’existence
est soupçonnée à travers 4 continents
différents. On y aborde des enquêtes
rigoureuses, argumentées d’analyses
scientifiques, propres au docteur des
sciences zoologiques que l’on nommait
à l’époque le Sherlock Holmes des
animaux.
Le profane comprendra aisément dans
quelle mesure la lecture de ces livres a
attisé la curiosité de bien des personnes,
qui courent encore aujourd’hui le monde
à la recherche de cryptides.
Évènementiel
p.13
La planche
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Louis Chevillard © Cryptidophilia

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