BILLET n°X – APOLOGUE : LA MOUCHE ET LE RUMINANT
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BILLET n°X – APOLOGUE : LA MOUCHE ET LE RUMINANT
BILLET n°X – APOLOGUE : LA MOUCHE ET LE RUMINANT C ette histoire m’a été racontée par une mouche des villes alors que du trône d’un bouge je sacrifiais à Cérès, laquelle la tenait toute fraîche d’une mouche des champs où paissent nos grasses vaches normandes, et qui voulait en ces lieux changer son ordinaire. Par un jour sec et orageux où Jupiter en colère menaçait la terre de ses foudres et de ses feux, dame mouche vise un troupeau de belles vaches gourmandes de cette herbe verte qui fournira bientôt des bouses aplaties comme des turbans. Notre mouche se met à la recherche d’une bouse bien fraîche… que nenni, Phébus de ses feux ardents sèche immédiatement les excréments. « Allons chercher la matière dès son origine » se dit l’animal avisé,tout imprégné de culture scientifique à propos des trous noirs à l’origine du monde. Elle pique alors sur le fion d’une bedoune pie noire, molle et dodue, qui paissait langoureusement dans ce pré, près de Carentan. Évitant sa queue qui fouettait l’air comme un pendule en quête d’or, et chassait les diptères de son espèce en quête de fortune, elle arrive au bord de l’orifice et s’assoit espérant bientôt voir arriver son repas. Durant cette attente, la mouche prend un acompte en raclant les restes d’une précédente éjection qui maculait le rose tendre de la peau nue et tendue du ruminant. Les gestes circonférenciés et les ailes battantes de l’insecte autour des serre-croupières eurent tôt fait d’émoustiller la génisse qui se mit à tortiller de l’arrière-train, et qui de surcroît connaissait ainsi ses premiers émois. Bientôt les sensations la conduisirent aux combles, et les picotements insupportables firent changer la bedoune en cabri. La voilà qui saute en l’air à travers champ, qui fait des entrechats comme un petit rat d’opéra, puis se racle à terre son cul tout échauffé, allant ainsi jusqu’à frôler les sabots de sieur taureau,énorme animal tout de sexe et de muscle saillants. Étonné de voir ainsi la noiraude, que sa jeunesse jusqu’ici rendait timide et pleine de retenue, montrer tant d’excitation et d’entrain, le mâle plein d’assurance sentit monter en lui les prémices d’amours fécondes. Visant le fion de la belle, rougeoyant et fumant comme la bouche d’un volcan, il y crut voir sa salle des fêtes, et sans fléchir, ni réfléchir un instant, le rustre reproducteur lui enfourne son gourdin. Cette brusque poussée projette notre mouche, aventurière gourmande qu’on avait oubliée en extase près du Mont de Vénus, dans une sombre et gluante galerie. Agrippée au gland de la trique du taureau, elle fait mille gymnastiques avec ses pattes velues pour s’y maintenir, ce qui ne fut pas sans effet sur le bel animal ; l’étalon surpris et comblé par ces titillements inattendus, pensa la noiraude bien perverse et cachottière de si belles promesses, et sans attendre lui décharge tout son foutre dans son entrepet. Sous cette soudaine avalanche, notre pauvre mouche est propulsée au plus profond du pousse-matières de la vache. Heureusement pour elle, le taureau satisfait ne tarde pas à libérer l’orifice de son fifre aphone, ce qui par effet de succion, permit à la génisse d’expédier à la fois sa merde chaude, le foutre de l’amant et la mouche gourmande. Celle-ci eut en retour, et pour récompense, un manger frais et un boire chaud, car la vache de bonheur se mit à pisser dru. S’il faut une morale, ce qui se fait pour une fable, on peut conclure d’icelle qu’une excitation trop forte trouble la vue et berne les amants, mais aussi qu’une bonne entremetteuse peut être récompensée par l’un ou l’autre amant, voire même les deux quand elle les a bien unis. Vincent Bertaud du Chazaud