LES ETATS LIMITES
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LES ETATS LIMITES
LES TROUBLES DE L’HUMEUR I. INTRODUCTION L’humeur ou thymie est d•finie comme la r•sultante de l’ensemble des contenus affectifs d’un individu ‚ un moment donn•. Il s’agit d’une disposition affective de base qui donne ‚ chacun de nos •tats d’ƒme une tonalit• agr•able ou d•sagr•able oscillant entre les deux p„les extr…mes du plaisir et de la douleur. L’humeur d•pend ainsi ‚ la fois de l’organisation de l’ensemble des ph•nom†nes psychiques •l•mentaires que sont les affects et de l’orientation affective d’un individu dans une situation pr•cise. On peut distinguer trois principaux types de variation de l’humeur : l’euphorie et la tristesse qui sont toutes deux des exaltations de l’humeur ou hyperthymie et, entre ces deux p„les, l’•moussement affectif quelquefois appel• hypothymie pouvant aller jusqu’‚ l’indiff•rence affective. Lorsqu’il ne s’agit plus de particularit•s d’adaptation ‚ l’ambiance mais d’une franche d•sadaptation, on parle alors de pathologie de l’humeur. Le degr• de cette d•sadaptation peut …tre difficile ‚ appr•cier et va de variations thymiques anormales par leur intensit• (disproportion par rapport ‚ la situation) ou par leur dur•e (r•action prolong•e), ‚ des r•ponses thymiques st•r•otyp•s, voire globalement inaccessibles ‚ autrui. Les variations pathologiques dans le sens de la tristesse ou de la joie correspondent respectivement ‚ l’humeur d•pressive et ‚ l’euphorie morbide. L’humeur d•pressive peut …tre un sympt„me isol•. Ailleurs, elle s’associe de fa‡on variable ‚ d’autres troubles, mentaux ou physiques, r•alisant divers syndromes d•pressifs. II. LES ETATS DEPRESSIFS Un •tat d•pressif est un syndrome habituellement constitu• de deux sympt„mes fondamentaux : l’humeur d•pressive, qui implique une vision pessimiste du monde et de soi-m…me, et la diminution globale des forces pulsionnelles, des processus intellectuels et de l’activit• motrice, appel•e souvent inhibition ou perte de l’•lan vital. A. S•miologie g•n•rale des •tats d•pressifs 1. L’humeur d•pressive L’humeur d•pressive se traduit par un v•cu globalement pessimiste accompagn• de nombreux sentiments d’insatisfaction, de d•valorisation, d’autod•pr•ciation, conduisant dans les cas les plus graves ‚ des id•es torturantes d’indignit•, de culpabilit• et d’incurabilit•. La traduction comportementale de l’humeur d•pressive peut …tre l’expression faciale et le ton de la voix qui expriment le d•couragement, l’abattement, la tristesse. La mimique est douloureuse, la gestualit• exprime la d•tresse ou l’inutilit• de la lutte. Le discours manifeste 1 du patient peut …tre •vocateur : il se sent triste et malheureux, la vie est absurde et insupportable. L’humeur d•pressive peut alterner avec des sentiments douloureux d’indiff•rence, de monotonie et d’•moussement affectif. L’indiff•rence affective se traduit par une conscience p•nible de ne pouvoir ressentir du plaisir lors de situations ou d’activit•s qui •taient auparavant agr•ables. Au maximum, le malade se sent incapable d’•prouver de la joie, de l’amour, de la col†re, de la peur, et il est habituellement conscient de cette incapacit• : la conscience douloureuse du trouble, souvent accompagn•e d’une culpabilit• intense, est un signe d’une grande valeur diagnostique. Dans les cas extr…mes – anesth•sie affective compl†te avec •ventuellement stupeur – la conscience du trouble n’est parfois ni verbalis•e ni exprim•e. Dans la stupeur, toute l’activit• motrice, gestuelle ou mimique est suspendue. Le malade est fig•, totalement immobile, mutique, ne r•agissant ‚ aucune des stimulations ext•rieures, refusant de s’alimenter, souvent incontinent. A l’oppos•, il peut s’agir d’un simple •moussement affectif, d’une impression de manque de sensibilit•, de participation et d’investissement affectif, ou d’une monotonie, c'est-‚-dire d’une diminution de la capacit• de modulation affective selon l’ambiance environnante. Cette dimension de perte de plaisir et d’int•r…t, de perte de l’investissement affectif est cruciale dans la d•pression. Les th†mes d•pressifs les plus souvent exprim•s sont : - le d•sint•r…t pour les tƒches quotidiennes, les activit•s professionnelles, domestiques ou de loisirs, la vie sociale ; - l’insatisfaction pessimiste avec le sentiment que la vie est un •chec et la situation sans issue ; - la d•valorisation avec autod•pr•ciation o‰ des sentiments d’insuffisance, d’inf•riorit•, d’incapacit• est exprim•e avec une perte de l’estime de soi ; - la culpabilit• avec des sentiments d’auto-accusation, de honte et de remords concernant des fautes que le patient n’a jamais commises ou qu’il majore. Au maximum, il peut s’agir d’id•es d’indignit• avec conviction d’…tre soumis ‚ un chƒtiment m•rit• ; - l’auto-apitoiement peut remplacer la culpabilit•, avec propension ‚ se plaindre et ‚ rejeter la culpabilit• sur autrui. 2. L’inhibition L’inhibition ou perte de l’•lan vital se traduit g•n•ralement par un ralentissement psychomoteur et une fatigue intense. a) Le ralentissement moteur et psychique Le ralentissement moteur est marqu• par une d•marche et des gestes lents et rares, une perte de la mobilit• du tronc, une mobilit• faciale •galement diminu•e, une monotonie de 2 l’expression, une diminution du d•bit verbal, une baisse de la tonalit• de la voix avec absence de modulation et monotonie g•n•rale du discours. Les r•ponses sont diff•r•es, br†ves, entrecoup•es de soupirs. Le ralentissement psychique est douloureusement ressenti par le patient comme une alt•ration sensible de ses fonctions intellectuelles. Ce trouble subjectif est le sympt„me d•pressif le plus courant. Le d•prim• se plaint d’…tre incapable de penser de fa‡on claire et efficace. Sa pens•e lui semble frein•e, laborieuse, appauvrie, avec des troubles subjectifs de la concentration et de la m•moire. b) La fatigue d•pressive Ce sympt„me va de la simple sensation de se fatiguer plus facilement et plus rapidement que d’habitude ‚ celle d’un •puisement complet. La fatigue est un sympt„me all•gu• dans plus de 80 % des d•pressions. Toutefois l’asth•nie d•pressive est ‚ distinguer de la simple fatigue dans la mesure o‰ elle est souvent associ•e ‚ une inertie, sympt„me qui concerne surtout la mise en train du malade, et ‚ une baisse de l’•nergie qui est ressentie comme un manque de tonus, de dynamisme, de pression de l’organisme et qui rejoint ainsi les autres sentiments subjectifs d’inhibition. Humeur d•pressive et perte de l’•lan vital (ralentissement, fatigue, asth•nie) constituent les deux regroupements symptomatiques principaux des •tats d•pressifs. 3. Les sympt‚mes associ•s L’anxi•t•, les troubles du caract†re et les sympt„mes somatiques sont les sympt„mes associ•s les plus fr•quemment rencontr•s dans les •tats d•pressifs. a) L’anxi•t• L’anxi•t• est facilement reconnue quand elle est associ•e ‚ une symptomatologie d•pressive patente. Elle consiste le plus souvent en un sentiment p•nible d’attente d’un danger imminent et impr•cis qui peut se traduire soit par une agitation motrice qui vient alors masquer le ralentissement d•pressif, soit par une inhibition totale, v•ritable paralysie psychog†ne. Le cort†ge de troubles somatiques est plus ou moins riche. L’•tat de tension int•rieure avec f•brilit•, nervosit•, voire tension musculaire, peut aboutir ‚ un comportement brutal, explosif (raptus anxieux). La possibilit• de ce type de comportement accroŠt le risque suicidaire chez le d•prim• anxieux. b) Les troubles du caractƒre Ils peuvent …tre r•v•lateurs de l’installation de certains •tats d•pressifs, v•ritables prodromes symptomatiques. Le sujet peut devenir irritable, hostile, impulsif, violent, intol•rant vis-‚-vis de son entourage, avant d’apparaŠtre comme authentiquement d•prim•. Ailleurs, les troubles du caract†re peuvent venir •mailler l’•volution d’un syndrome d•pressif caract•ristique et, en augmentant souvent la culpabilit• du malade, peuvent •galement accroitre leur risque de passage ‚ l’acte suicidaire. 3 c) Symptômes somatiques Ces sympt„mes sont presque constants au cours des •tats d•pressifs. Il s’agit le plus souvent de troubles digestifs, de troubles du sommeil et de troubles cardiovasculaires. Les troubles digestifs sont domin•s par l’anorexie, la constipation et l’amaigrissement. Beaucoup plus rares sont la boulimie, la prise de poids, les naus•es et la diarrh•e, sauf en cas d’anxi•t• associ•e. Concernant les troubles du sommeil, il peut s’agir d’une insomnie d’endormissement avec ruminations et mentisme en cas de d•pression anxieuse. Le mentisme consiste en un d•filement rapide d’id•es ou d’images mentales incontr„lables, parfois angoissantes, identifi•es comme anormales par le sujet. Il peut s’agir •galement de r•veils nocturnes fr•quents ou d’insomnie matutinale la plus •vocatrice du diagnostic. L’insomnie matutinale consiste en un r•veil pr•coce ‚ 3 ou 4 heures du matin. Le plus souvent l’insomnie est mixte, et quelquefois accompagn•e d’une somnolence diurne. L’hypersomnie est plus rare. Les troubles cardiovasculaires sont en g•n•ral de type vagotonique avec hypotension et ralentissement du pouls. Ces anomalies sont invers•es en cas d’anxi•t•. Les troubles sexuels sont r•v•lateurs d’une perte de l’•lan vital avec diminution de la libido, impuissance ou frigidit•. L’augmentation du d•sir sexuel est ‚ l’oppos• tr†s rare. Il peut exister •galement des troubles neuromusculaires (sensation de tension musculaire avec douleurs, crampes, tremblements, soubresauts, paresth•sies). La paresth•sie est un trouble de la sensibilit•, d•sagr•able et non douloureux, donnant la sensation de palper du coton, et pouvant s'accompagner d'une anesth•sie (disparition plus ou moins importante de la sensibilit•), de picotements, d'une raideur cutan•e et parfois d'une sensation de chaud-froid. Il peut y avoir •galement des c•phal•es ou des algies faciales ainsi que des troubles urinaires (pollakiurie, oligurie). L’oligurie est une rar•faction du volume des urines, la pollakiurie est une miction excessive en petites quantit•s. 4. Les variations nycthémérales de la symptomatologie dépressive Les sympt„mes fondamentaux des d•pressions sont g•n•ralement soumis ‚ des fluctuations nycth•m•rales. Il peut y avoir par exemple une aggravation matinale des troubles avec pr•dominance de l’asth•nie, de l’inhibition et de la douleur morale au r•veil. A l’inverse, il peut y avoir une d•gradation progressive de l’humeur au cours de la journ•e avec asth•nie croissante. 5. Symptomatologie dépressive et désir de mort Le d•sir de mort est parfois la cons•quence majeure du drame v•cu par le d•prim•. Ce d•sir peut entraŠner un passage ‚ l’acte, sous forme d’une tentative de suicide. Il peut …tre verbalis• mais non agi, ou m…me non verbalis•. Dans ce dernier cas, l’acte suicidaire est impr•visible et explique la surveillance permanente dont doivent faire l’objet les patients d•prim•s. 4 Les modalit•s des tentatives de suicide sont vari•es : raptus suicidaire, ou suicide minutieusement pr•par• et pr•m•dit•. Il peut y avoir aussi un suicide collectif ou pseudocollectif. Certaines conduites peuvent …tre retenues pour des •quivalents suicidaires, comme le refus l’alimentation, le refus de traitement, certaines automutilations, voire des accidents r•p•t•s de la circulation. Il est important d’•valuer le risque suicidaire. B. Formes cliniques des états dépressifs 1. Formes selon la prédominance symptomatique a) Les formes anxieuses b) Les formes délirantes Les th†mes les plus fr•quemment d•crits sont ceux de la culpabilit•, de ruine, d’indignit•, de damnation, de n•antisation avec ou sans d•lire hypochondriaque, de n•gation d’organes ou de transformation corporelle. Le syndrome de Cotard constitu• d’id•es d•lirantes de damnation, de chƒtiment •ternel et de n•gation d’organes est gravissime. c) Les formes stuporeuses d) Les formes avec apragmatisme prédominant L’apragmatisme est une incapacit• ‚ entreprendre des actions. e) Les formes confusionnelles sont rares f) Les formes atypiques sont assez mal définies Les formes atypiques peuvent …tre r•v•l•es par un suicide. 2. Formes paucisymptomatiques et de dépression masquée a) Les dépressions à symptomatologie fruste. Le caract†re fruste des sympt„mes est ici le plus souvent qu’apparent et un examen attentif du patient, notamment une recherche soigneuse des •l•ments de ralentissement moteur et psychique, permet de porter le diagnostic. b) Dépression masquée et équivalents dépressifs La d•pression masqu•e est un syndrome d•pressif dont les sympt„mes psychiques de d•pression sont au second plan, masqu•s par une symptomatologie diff•rente, le plus souvent somatique. 5 3. Les formes selon l’„ge a) Chez l’adolescent La d•pression est relativement fr•quente et sa s•miologie est proche de la d•pression de l’adulte. La tendance ‚ l’isolement est fr•quente chez l’adolescent et doit faire rechercher autant une souffrance d•pressive qu’un •ventuel repli schizo‹de. b) Aprƒs 50 ans La s•miologie de ces •tat d•pressifs est domin•e par l’importance de l’agitation anxieuse, par des pr•occupations hypochondriaques, par la fr•quence des sympt„mes obsessionnels, voire par une symptomatologie d•lirante. L’obsession est une id•e, une pens•e ou une tendance qui assi†gent l’esprit du sujet et qui s’imposent ‚ lui, bien qu’il les tienne pour absurdes et s’efforce de les chasser. c) La d•pression du sujet „g• Dans ce cas il faut se poser la question du diagnostic diff•rentiel du syndrome d•mentiel. 4. Les formes selon l’•volution : les d•pressions chroniques Les crit†res retenus pour porter le diagnostic de d•pression chronique sont habituellement de deux ordres : - III. les uns concernent la dur•e, sup•rieure ‚ 2 ans ; les autres concernent les sympt„mes, persistance d’une symptomatologie d•pressive v•rifi•e ‚ plusieurs reprises et/ou alt•ration de l’adaptation sociale ou professionnelle. LA PSYCHOSE MANIACO-DEPRESSIVE On parle •galement maintenant de troubles bipolaires. Sa d•finition repose sur un ensemble d’arguments s•miologiques et •volutifs. L’affection se pr•sente sous deux aspects cliniques oppos•s. A. L’accƒs m•lancolique 1. Description clinique L’acc†s m•lancolique a ici la signification d’•tat d•pressif s•v†re. Ces •pisodes semblent survenir plus fr•quemment chez la femme, ‚ l’automne et ‚ l’hiver. Il n’est pas exceptionnel que la symptomatologie apparaisse ‚ la suite d’un •v•nement d•clenchant, tel un conflit familial, un deuil, un surmenage ou une affection somatique. Mais le plus souvent, aucune cause d•clenchante ne peut …tre retrouv•e. Le d•but est rarement brutal, par une tentative de suicide par exemple, qui surprend l’entourage par sa soudainet• et son absence apparente de motivation. En r†gle g•n•rale, le 6 d•but est insidieux, marqu• par le d•veloppement progressif de sympt„mes d•pressifs tandis que le rendement intellectuel baisse et qu’un ralentissement psychomoteur apparaŠt. L’acc†s m•lancolique confirm• est marqu• par une humeur triste •vidente, avec une douleur morale intense, une inhibition psychomotrice avec ralentissement caract•ristique, des perturbations neurov•g•tatives vari•es (trouble du sommeil, trouble digestif, amaigrissement), •ventuellement avec une id•ation d•lirante ‚ th†me m•lancolique (indignit•, incurabilit•, damnation, ruine). Il y a des id•es de suicide particuli†rement pr•gnantes. Les •l•ments suivants sont •vocateurs du diagnostic d’acc†s m•lancolique : - la pr•dominance matinale des sympt„mes ; les troubles du sommeil de la deuxi†me partie de la nuit ; l’importance du ralentissement psychomoteur ; l’intensit• des perturbations neurov•g•tatives (anorexie, constipation) ; les ant•c•dents d’acc†s d•pressif du m…me type ou d’acc†s maniaque ou hypomaniaque. 2. Formes cliniques de l’accƒs m•lancolique Outre cette description classique, il peut y avoir •galement des formes anxieuses, stuporeuses, d•lirantes, confusionnelles, frustes ou masqu•es d’acc†s m•lancolique. 3. Evolution de l’accƒs m•lancolique Dans la majorit• des cas l’•volution est aiguŒ : spontan•ment l’acc†s m•lancolique dure 6 ‚ 8 mois. La fin de l’acc†s peut se produire brutalement, en quelques heures ou quelques jours, avec dans certains cas un risque d’inversion de l’humeur sous la forme du passage ‚ une phase d’excitation. Le risque suicidaire est constant tout au long de l’•volution et particuli†rement •lev• au moment de la lev•e de l’inhibition, c'est-‚-dire lorsque le patient, toujours d•prim•, est moins ralenti. Lorsque les acc†s m•lancoliques se r•p†tent, ils ont tendant ‚ devenir de plus en plus longs et parfois de plus en plus r•sistants ‚ la th•rapeutique antid•pressive. Un certain nombre d’acc†s m•lancoliques •volue vers la chronicit•. B. L’accƒs maniaque 1. Description clinique Typiquement, le d•but de l’•pisode maniaque est brusque, sans circonstances d•clenchantes apparentes. Dans certains cas, des •v•nements traumatisants peuvent …tre isol•s : chocs •motionnels, conflits affectifs, difficult•s professionnelles, affection somatique, deuil r•cent. La symptomatologie initiale est marqu•e par une hyperactivit• inhabituelle et une insomnie. L’acc†s maniaque confirm• est caract•ris• par : 7 - une excitation psychique avec acc•l•ration des processus intellectuels, fuite des id•es, discours diffluent, passage du coq ‚ l’ƒne, perturbation majeure de l’attention et de la concentration ; - une excitation motrice plus ou moins importante avec hyperactivit• souvent improductive, troubles des conduites sociales, d•marche intempestive, d•ambulations nocturnes ou matutinales ; - hyperthymie expansive consistant en une euphorie morbide accompagn•e d’une labilit• thymique extr…me. Le patient passe volontiers du rire aux larmes, d’une attitude famili†re ‚ une ironie agressive, d’un sentiment d’•lation et de toute puissance ‚ des attitudes provocantes ou hostiles ; - troubles de la vie instinctuelle constitu•e avant tout par une insomnie rebelle sans sensation de fatigue, restriction de l’app•tit avec d•shydratation fr•quente, hypersexualit• avec ou sans augmentation du nombre de partenaires sexuels. Certains •l•ments s•miologiques sont particuli†rement •vocateurs : tenue d•braill•e, gesticulations th•ƒtrales, hyperexpressivit• de la mimique, ludisme, jovialit• inhabituelle, kyrielle de jeux de mots, d•penses inconsid•r•es, hypersyntonie ‚ l’ambiance. Ces •tats maniaques francs s’accompagnent d’id•es m•galomaniaques quasi d•lirantes avec projets grandioses, sentiment de grandeur, de richesse et d’infaillibilit•, intuitions proph•tiques, certitude de d•couvertes scientifiques fondamentales. Ailleurs, il peut s’agir de th†mes •rotiques ou d’id•es d•lirantes de filiation, voire d’id•es de pers•cution avec revendications. Les m•canismes en sont le plus souvent imaginatifs. Le contexte ludique et l’absence de v•ritable conviction permettent d’•liminer un d•lire authentique. 2. Diagnostic Certains aspects cliniques peuvent rendre le diagnostic de manie difficile : - les formes frustes ou acc†s hypomaniaques au cours desquels les sympt„mes peuvent se limiter ‚ une hyperactivit• physique et intellectuelle, parfois f•conde, et ‚ des troubles du sommeil ; - les formes suraiguŒs beaucoup plus rares avec agitation intense, alt•ration de l’•tat g•n•ral, fureur voire violence extr…me ; - des formes d•lirantes o‰ une conviction franche fait •voquer un v•ritable d•lire et o‰ des hallucinations peuvent s’observer (manie d•lirante) ; - les formes confuses non rares chez les sujets ƒg•s ; - les •tats mixtes comportent des •l•ments d•pressifs et maniaques. Spontan•ment, l’acc†s maniaque dure 6 ‚ 8 mois avant de r•troc•der. Les risques •volutifs ne sont pas ‚ n•gliger : accident en cas d’excitation motrice, d•cision inconsid•r•e en cas 8 d’excitation psychique, complication somatique comme la d•shydratation. Le brusque virage de l’humeur est possible, il aboutit ‚ un •tat m•lancolique franc. Le diagnostic d’un premier acc†s maniaque peut …tre difficile, surtout en l’absence d’ant•c•dents personnels de d•pression ou d’ant•c•dents familiaux de pathologie bipolaire. Il faut •liminer d’autres causes d’excitation psychique et notamment les intoxications m•dicamenteuses, les affections c•r•brales organiques, les endocrinopathies, et les autres affections mentales comme la schizophr•nie. C. Evolution de la psychose maniaco-d•pressive La psychose maniaco-d•pressive est une affection p•riodique •voluant par phases avec des intervalles o‰ l’•tat clinique redevient normal. Le premier acc†s survient en moyenne vers l’ƒge de 30 ans. La fr•quence des •pisodes est variable. Dans les formes bipolaires, les acc†s alternent le plus souvent de mani†re irr•guli†re. La dur•e moyenne des phases augmente avec l’ƒge. Les •pisodes ont tendance ‚ devenir de plus en plus longs et intenses avec raccourcissement des intervalles libres. Les rechutes sont classiquement saisonni†res (printemps et automne). Les formes unipolaires sont tr†s rarement des manies intermittentes, le plus souvent des d•pressions p•riodiques. L’absence totale d’intervalle libre avec succession ininterrompue de cycles maniaques et m•lancoliques est devenue exceptionnelle. IV. PSYCHOPATHOLOGIE DES TROUBLES DE L’HUMEUR Les travaux psychanalytiques sur la m•lancolie •tablissement le rapport entre cette pathologie et le deuil, remarquant que contrairement ‚ la personne en deuil, le m•lancolique a perdu une partie de son moi, ce qui est mis en rapport avec une relation d’objet narcissique. A. Les travaux de Freud : deuil et m•lancolie (1917) Selon Freud, contrairement ‚ l’endeuill•, le m•lancolique a perdu l’estime de soi. Freud conclut donc que le m•lancolique, au lieu de retirer son investissement de l’objet perdu pour le diriger progressivement vers d’autres objets, s’engage dans un processus de perte d’amour pour son moi. Il perd en quelque sorte son propre moi. Freud s’est alors interrog• sur les m•canismes par lesquels une perte d’objet se transforme en perte du moi, et remarque que plusieurs des auto-accusations que le m•lancolique porte sur lui-m…me sont en fait des plaintes : plaintes contre quelqu’un, ce quelqu’un d’autre qui est devenu le moi. Freud •met l’hypoth†se que si le m•lancolique en perdant un objet perd son propre moi, c’est que l’investissement de cet objet s’est retir• dans le moi de la personne, de sorte que c’est d•sormais le moi qui se trouve ‚ la place de l’objet perdu. Le moi subit un clivage : une partie du moi s’adresse ‚ une autre partie devenue l’objet perdu en lui pr•sentant les plaintes et les reproches que le moi aurait voulu porter ‚ l’objet pour son infid•lit• ou pour son indignit•. Freud met cette partie du moi qui accuse en parall†le avec l’instance critique, la conscience morale propre ‚ chaque individu. Les auto-reproches du m•lancolique sont en fait des reproches contre un objet d’amour. Mais ils sont d•plac•s sur le moi propre du patient. Une partie du moi est identifi•e ‚ l’objet perdu sur l’autre partie du moi et se montre tyrannique et cruel voire haineux, pouvant aller jusqu’au d•sir de meurtre. 9 Dans le cas de la m•lancolie, la place du moi est occup•e par l’objet perdu, et les autoaccusations (les accusations contre ce moi qui par identification est devenu l’objet) sont port•es par cette partie du moi qui s’en est autonomis•e en tant que conscience morale et que Freud identifiera par la suite en id•al du moi, puis en surmoi. Trois conditions sont requises pour d•terminer ult•rieurement un acc†s m•lancolique : - ambivalence initiale pour l’objet d’amour ; perte de cet objet ; r•gression de la libido sur le moi. La r•gression est favoris•e par le narcissisme de ces sujets. L’ambivalence initiale est retrouv•e sous forme de haine tyrannique lors de la r•gression. Ambivalence et perte d’objet sont retrouv•es dans le deuil, mais pas la r•gression de la libido sur le moi. Quant aux r•actions maniaques, Freud les d•finit comme une d•fense secondaire contre le deuil et la perte d’objet. Le maniaque, par une fuite en avant effr•n•e, cherche de nouveaux objets qu’il est incapable d’investir. Cette fuite en avant correspond ‚ un d•ni de la perte d’objet et, comme dans le deuil, ‚ une incapacit• de maintenir la pr•sence fantasmatique de l’objet disparu. B. Les travaux d’Abraham Les premiers travaux d’Abraham sur la m•lancolie sont ant•rieurs ‚ ceux de Freud et datent de 1912. Abraham pense que la clef des •tats d•pressifs est ‚ chercher dans les tendances sadiques refoul•es. La disposition haineuse produisant l’incapacit• ‚ aimer est commune ‚ la d•pression et ‚ la n•vrose obsessionnelle. Le d•veloppement des d•pressions m•lancoliques pourrait selon Abraham …tre reconstitu• de la fa‡on suivante : - une d•ception intol•rable provoqu•e par l’objet d’amour conduit ‚ son expulsion et ‚ sa destruction ; - il s’ensuit l’introjection par d•voration, forme caract•ristique de l’identification narcissique de la m•lancolie. C. Les travaux de M•lanie Klein M•lanie Klein a d•velopp• d†s 1924 sa th•orie des •tats d•pressifs. Elle d•crit deux positions fondamentales par lesquelles le nourrisson passe obligatoirement pendant la premi†re ann•e de vie : la position schizoparano‹de et la position d•pressive. Dans la position d•pressive (2†me partie de la premi†re ann•e de vie), le nourrisson est capable de reconnaitre sa m†re comme un objet total et de se situer par rapport ‚ elle. Cette m†re peut …tre v•cue parfois comme bonne, pr•sente, aimante, ‚ d’autres moments comme absente, m•chante, d•test•e. Le nourrisson d•couvre alors que c’est la m…me personne – la m†re – qu’il est en train d’int•grer comme objet total et ‚ qui il attribue des sentiments oppos•s. Comme au m…me moment il int†gre son propre moi comme un moi total, il se rend compte 10 que c’est la m…me personne – lui-m…me – qui aime et d•teste ‚ la fois une personne unique – la m†re. Il est alors lui-m…me en pr•sence de sa propre ambivalence et craint d’une fa‡on de plus en plus pr•gnante que ses pulsions destructives an•antissent la personne qu’il aime et dont il d•pend enti†rement. Dans la position d•pressive, les m•canismes d’introjection s’intensifient : le nourrisson d•sire garder en lui et r•parer les objets d’amour qu’il risque d’avoir d•truits. Mais en m…me temps, il a peur que sa trop grande haine ne menace les objets qu’il a introject•s. Pour se d•fendre contre cette crainte de destruction, l’enfant •labore des d•fenses maniaques fond•es sur toute puissance : il est assez fort pour contr„ler l’objet, le r•parer, le faire renaŠtre quand il veut. Petit ‚ petit, l’enfant consid†re que ses objets internes sont de moins en moins menac•s par ses pulsions. La r•paration a jou• son r„le et la r•solution de la position d•pressive aboutit ‚ la phase œdipienne. M•lanie Klein pense que le sujet maniaco-d•pressif adulte a toujours •t• incapable d’installer en lui un objet d’amour qui demeure en s•curit•, ‚ l’abri de ses propres pulsions agressives. Partout, il se sent coupable des souffrances qu’il fait subir ‚ ses objets introject•s. La mort ou la disparition d’une personne aim•e vient alors confirmer ses craintes en lui montrant que son d•sir de mort et ses pulsions agressives ont triomph•. Le d•prim• est •galement incapable d’un travail de deuil normal qui consisterait ‚ r•installer fantasmatiquement en lui l’objet d’amour effectivement perdu, comme il est habituel au cours de la r•solution de la position d•pressive. Le d•prim• est alors condamn• ‚ …tre sans repos quant aux menaces qui p†sent sur un monde int•rieur et ‚ l’absence d’harmonie qui y r†gne. V. PRINCIPES THERAPEUTIQUES DE LA DEPRESSION A. Le choix de l’hospitalisation Ce choix repose sur l’•valuation de la gravit• de l’•tat d•pressif sur les risques encourus par le malade. Pour prendre sa d•cision, le clinicien s’appuiera sur plusieurs types de crit†res : - crit†res s•miologiques : id•es suicidaires, intensit• de la souffrance morale, association d’une anxi•t• paroxystique qui accroit le risque suicidaire, mise en •vidence d’id•es d•lirantes, importance du ralentissement moteur ou de l’agitation, alt•ration de l’•tat somatique ; - crit†res anamnestiques : ant•c•dents suicidaires, •checs th•rapeutiques r•p•t•s, inefficacit• d’un traitement antid•presseur d•j‚ entrepris en ambulatoire, risque de chronicisation de l’•tat d•pressif ; - crit†res psychopathologiques et environnementaux : un acc†s d•pressif survenant au cours d’une schizophr•nie ou d’un d•lire parano‹aque avec un potentiel suicidaire •lev•, les antid•presseurs •tant par ailleurs susceptibles de r•activer une flamb•e d•lirante difficilement contr„lable en ambulatoire. Un alcoolisme, une toxicomanie ou une maladie somatique associ•s imposent des conditions de surveillance au mieux r•unies en milieu hospitalier. Un isolement social et affectif important du malade, voire un rejet par son milieu familial, rendent souvent n•cessaire une hospitalisation. 11 B. Les buts de l’hospitalisation L’hospitalisation doit viser ‚ prot•ger et ‚ rassurer le malade tout en pratiquant le plus rapidement possible une •valuation de son •tat organique afin d’instaurer un traitement antid•presseur. Il peut …tre n•cessaire d’associer un traitement somatique en cas de d•nutrition ou de d•shydratation. En cas de m•lancolie d•lirante ou stuporeuse, r•sistante ‚ tout traitement antid•presseur, on peut s’orienter vers une sismoth•rapie. C. La dur•e de l’hospitalisation Elle est d•pendante de l’efficacit• du traitement. D. Conduites th•rapeutiques en ambulatoire Il s’agit d’administrer au patient un traitement antid•presseur, auquel il peut …tre adjoint un traitement anxiolytique initialement, du fait de risques de passage ‚ l’acte suicidaire au moment de la lev•e de l’inhibition. La chimioth•rapie antid•pressive est efficace apr†s 15 ‚ 20 jours. VI. PRINCIPES DE TRAITEMENT DE L’ETAT MANIAQUE A. L’hospitalisation L’•tat maniaque franc constitue une urgence psychiatrique qui n•cessite une hospitalisation imm•diate en milieu sp•cialis•. Cette hospitalisation peut …tre libre, sur demande d’un tiers ou d’office. B. Le traitement Le traitement consiste en la mise en place d’une chimioth•rapie neuroleptique. Elle peut s’accompagner d’une mise en chambre d’isolement avec attaches. VII. PSYCHOTHERAPIE PSYCHANALYTIQUE DES PATIENTS MANIACODEPRESSIFS La notion de coth•rapie, c'est-‚-dire d’une psychoth•rapie en parall†le d’un suivi m•dicamenteux, est commun•ment admise. La pratique privil•gie plut„t la psychoth•rapie en face ‚ face avec une ‚ deux s•ances par semaine. On peut r•sumer en quatre points le travail th•rapeutique avec les patients maniacod•pressifs : 12 - d•jouer la pseudonormalit• et la d•fense op•ratoire, en cr•ant des conditions d’•change pourvus d’une certaine chaleur et prot•geant le narcissisme ; - installation progressive du rythme des s•ances ; - travail sur les s•quences pr•sence/absence, pr•parant les deuils chez ces patients en difficult• avec les pertes d’objet ; - restauration de l’histoire individuelle et familiale, et notamment ses versions occultes. Les autres objectifs de la psychoth•rapie sont les objectifs g•n•raux de la psychoth•rapie. Les enjeux des psychoth•rapies psychanalytiques ne sont pas forc•ment directement la disparition des sympt„mes, mais l’appropriation par la sujet de sa vie psychique inconsciente. Elle suppose une implication personnelle du patient et l’•tablissement d’une relation vivante et suffisamment confiante. L’objectif principal de la psychoth•rapie est de parvenir ‚ continuer ‚ s’engager dans la vie tout en ayant des capacit•s de prise de recul par rapport aux diff•rents mouvements affectifs et •motionnels inconscients qui sous-tendent les diff•rents choix et •v•nements de vie. Les changements attendus en psychoth•rapie sont : une lib•ration des contraintes offrant de nouvelles possibilit•s ‚ la pens•e, aux sentiments, aux d•sirs et, par l‚, une modification de la personnalit• dans le sens de l’•panouissement et de la r•alisation de soi. Un autre but est de reconstituer des m•canismes de d•fense et des moyens d’adaptation du patient. Le risque est toujours de s’ancrer sur l’actualit• du patient. D’autres objectifs sont les remaniements des d•fenses et du moi, la r•paration des effets des traumatismes, l’•laboration transf•rentielle des conflits qui d•finissent la n•vrose infantile, celle des conflits archa‹ques, celle de la position d•pressive, donc la r•duction des clivages et l’int•gration de l’ambivalence pulsionnelle, la reprise des processus de d•veloppement, de symbolisation et subjectivation. 13 LES ETATS LIMITES La traduction fran‡aise du terme borderline par le terme •tat limite conduit ‚ penser qu’il s’agit d’un concept fronti†re, entre normal et pathologique, entre n•vrose et psychose, entre fonctionnement n•vrotique et fonctionnement psychotique. La psychopathologie de l’•tat limite ne correspond pas ‚ une forme de passage mais ‚ une v•ritable entit• morbide pourvue de crit†res propres. Avant tout, les patients dits limites pr•sentent une pathologie des limites : - des limites corporelles dans leur lien ‚ leur corps : tatouages, scarifications, blessures auto inflig•es ; - des limites dans leurs exc†s : vitesse, ivresse ; - dans leurs investissements passionnels r•currents et souvent •ph•m†res : amoureux, amicaux, sociaux, professionnels, groupaux ; - pathologie des limites dans leur confrontation ‚ la loi : d•linquance ; - trouble des limites dans leur lien ‚ la nourriture : anorexie, boulimie ; - trouble des limites •galement dans la qu…te du principe du Nirvana qui les conduit ‚ d•charger leur tension interne jusqu’au niveau z•ro pulsionnel comme dans les conduites suicidaires ; - pathologie des limites dans leur qu…te d’•tayage massif ‚ tonalit• abandonnique ; - pathologie des limites dans la succession d’id•alisation et de rejet ‚ tonalit• pers•cutoire. La pathologie borderline comporte : les efforts pour •viter la situation d’abandon, l’intensit• et l’instabilit• des relations interpersonnelles, les troubles du sentiment d’identit•, l’impulsivit• dommageable, les gestes suicidaires ou d’automutilation, les sentiments d•pressifs et de vide, les col†res discordantes, les id•es de pers•cution ou les sympt„mes dissociatifs dans les situations de stress. La fragilit• des limites est source de d•sorganisation voire d’effondrement, laissant place ‚ des modes d’articulation particuliers de l’int•rieur et de l’ext•rieur, du dedans et du dehors, du moi et de l’objet pulsionnel. I. DESCRIPTION CLINIQUE N’importe quel sympt„me psychiatrique est susceptible de se rencontrer chez ce type de patients. De ce fait, c’est la tonalit• particuli†re que le fonctionnement limite donne ‚ ces sympt„mes qui conduit au diagnostic d’•tat limite. Nous aborderons successivement 14 l’angoisse, les sympt„mes d’allure n•vrotique, les troubles thymiques, les troubles du comportement impulsifs et les •pisodes psychiatriques aigus. A. Angoisse Classiquement d•crite comme permanente, flottante, allant du mal de vivre chronique ‚ la grande crise aiguŒ avec son cort†ge de manifestations somatiques, sid•ration mentale et d•r•alisation, l’angoisse figure dans toutes les descriptions cliniques des •tats limites. Plus que son intensit•, c’est plut„t la facilit• avec laquelle elle envahit le patient sans r•elle circonstance d•clenchante, ainsi que son caract†re diffus incontr„lable qui la caract•rise. Il ne s’agit pas d’une angoisse de morcellement psychotique car les fronti†res entre soi et autrui sont mieux respect•es chez le patient limite. Il ne s’agit pas non plus de sentiments d’•chec ou de culpabilit• n•vrotique mais d’une angoisse de perte d’objet, pouvant …tre per‡ue par le sujet comme une crainte pour l’int•grit• de sa coh•rence interne ou comme un sentiment d’abandon. Enfin, la caract•ristique psychopathologique de cette angoisse la plus significative de l’•tat limite est son •chec •conomique, comme celui de la multiplicit• des sympt„mes pr•sent•e par le patient, ce dernier restant dans l’incapacit• de lier efficacement cette anxi•t• de fond ‚ des op•rations mentales ou ‚ des conduites pathologiques de fa‡on ‚ pr•server d’autres secteurs de sa vie psychique. L’expression agie est souvent la seule voie de d•charge de cet affect douloureux marquant l‚ l’impossibilit• du patient limite ‚ lier l’angoisse ‚ des contenus ou des processus mentaux structurants. Tout se passe comme si le patient limite n’•tait pas assez structur• pour acc•der ‚ la symbolisation de cette angoisse, mais trop structur• pour s’en lib•rer par la construction d’une n•or•alit• d•lirante d•fensive. B. Sympt‚mes d’allure n•vrotique Ces sympt„mes sont fluctuants dans le temps, associ•s entre eux de fa‡on variable. Les sympt„mes d’allure phobique sont fr•quents. Les plus •vocateurs concernent le corps ou la perception du sujet par autrui (phobie du regard, de parler en public), ainsi que les phobies ‚ la limite des troubles obsessionnels compulsifs (phobie de la salet•). Une tonalit• pers•cutive et des efforts de rationalisation sont •galement assez caract•ristiques, ainsi que la co-existence de phobies multiples, voire de panphobies socialement invalidantes. Les id•es obs•dantes et les rituels, quand ils existent, sont •galement fortement rationalis•s, devenant progressivement syntones au moi. Il n’existe ni lutte, ni rigidit• d•fensive, ni besoin d’autopunition. Les sympt„mes de conversion hyst•rique, d•nu•s d’•rotisation et de fantasmatisation, sont remarquables par le contexte principalement agressif et manipulateur dans lequel ils surviennent. Il s’agit de conversions atypiques, volontiers permanentes et multiples, d’•pisodes cr•pusculaires (baisse plus ou moins durable du niveau de vigilance) ou de troubles de la conscience. Les sympt„mes hypochondriaques plus rares prennent la forme d’une pr•occupation envahissante pour la sant• physique pouvant retentir sur la vie sociale du patient. Des craintes 15 nosophobiques rationalis•es, surtout lorsqu’elles rev…tent une tonalit• pers•cutive, peuvent faire •voquer un fonctionnement limite. C. Troubles thymiques La pr•valence de la d•pression chez les patients borderline est telle que certains auteurs en font l’un des •l•ments centraux de leur organisation structurelle. Si sa profondeur ne semble pas particuli†rement caract•ristique, la d•pression limite contient au moins plusieurs singularit•s cliniques : - le ralentissement psychomoteur y est rare ; - il existe une d•sadaptation grave du sujet ‚ sa r•alit• externe et interne ; - la qualit• des affects, surtout, doit attirer l’attention du clinicien. La culpabilit• classiquement d•crite dans les •tats d•pressifs, t•moin de l’int•gration des interdits surmo‹ques et de la sollicitude ‚ l’•gard de l’objet, fait d•faut. On retrouve plut„t chez ce type de patient, un •tat d’irritabilit•, de col†re voire de rage froide, ou encore un sentiment de d•sespoir et d’impuissance devant l’objet inaccessible, traduisant l’effondrement d’une image de soi id•alis•e. A mi-chemin entre la d•charge impulsive de l’angoisse et une tonalit• particuli†re de la d•pression, les col†res inappropri•es et mal maŠtris•es ainsi que les acc†s de violences, pouvant se retourner contre le sujet lui-m…me sous forme d’actes h•t•ro-agressifs, sont assez caract•ristiques. Le passage ‚ l’acte suicidaire est toujours ‚ craindre. La col†re serait d’ailleurs plus souvent rapport•e par le sujet qu’elle n’est observ•e par le clinicien, t•moignant du monde interne chaotique de ces patients. Le vide chronique, permanent, diff•rencie •galement ces malades des d•prim•s non borderline. Souvent consid•r•e comme le t•moin de l’•chec fondamental des attachements pr•coces, cette caract•ristique est tr†s fortement corr•l•e aux abus de substances comme aux actes auto-agressifs. En rapport avec ce vide int•rieur, ces sujets se plaignent souvent d’une sensation d’ennui, de lassitude intense ‚ vivre une vie ‚ leurs yeux sans signification, associ•e ‚ un profond sentiment d’ali•nation et une avidit• vaine de relations proches avec autrui contrastant avec des fantasmes d’autosuffisance et d’omnipotence. Cela t•moigne d’un v•ritable abaissement du tonus libidinal sans contrepartie •conomique et sans recours possible ‚ des objets, qu’ils soient internes ou externes. V•ritable •tat basal du fonctionnement libidinal, cet •tat de vide n’est le plus souvent pas reli• ‚ un •v•nement douloureux r•el ou ‚ un mouvement psychique de perte d•finie. D. Troubles du comportement de type impulsif T•moignant d’une agressivit• sans expression symbolique possible, l’impulsivit• se traduit par l’instabilit• professionnelle et affective pour au maximum r•aliser un tableau d’allure psychopathique. Elle s’exprime cliniquement chez les patients borderline sur les deux plans 16 •troitement m…l•s, illustrant l’incapacit• de ces sujets ‚ tol•rer une frustration : les passages ‚ l’acte et les conduites de d•pendance. Elle infiltre l’ensemble des modalit•s relationnelles. C’est pour cela qu’ils sont consid•r•s comme des patients difficiles. 1. Passages … l’acte Les passages ‚ l’acte peuvent …tre auto-agressifs (automutilations, tentatives de suicide, ivresses aiguŒs, surdoses de produits toxiques divers, acc†s boulimiques, accidents de la voie publique ou conduites ‚ risque r•currentes), et h•t•ro-agressifs (col†res, acc†s de violences, vols). Erig•s en v•ritable mode de communication, ils illustrent le d•sarroi affectif de ces patients pour lesquels la relation avec autrui ne passe souvent que par la manipulation impulsive. Les passages ‚ l’acte sont •gosyntoniques au moment o‰ ils ont lieu. En effet, ils sont alors ressentis comme une source de satisfaction pulsionnelle directe, qui contraste avec la critique s•v†re qu’ils en font par la suite ‚ distance. Cependant, le clivage emp…che l’•laboration et entretient les r•p•titions. Cette symptomatologie traduit une tendance ‚ d•charger toute tension conflictuelle directement dans un registre comportemental par un agir, une mise en acte ou un raptus, signant l‚ l’incapacit• de liaison et de symbolisation par carences pr•conscientes. 2. Conduites de d•pendance Alcoolisme et toxicomanie sont tr†s fr•quemment observ•s chez les patients borderline. Proth†se externe, le toxique alcool vient palier un narcissisme d•faillant. Procurant ‚ la fois gratification imm•diate et manque, l’usage de telles substances reproduit artificiellement le clivage. Dans ce registre, peuvent •galement se rencontrer les troubles du comportement alimentaire (de type boulimique, anorexique boulimique et plus rarement anorexique simple) ou des conduites de jeu pathologique et d’achats compulsifs. Fr•quemment •galement, les tendances sexuelles perverses polymorphes prennent la forme de v•ritables addictions avec recherche permanente de promiscuit•. Il s’agit d’une succession d’exp•riences impulsives, chaotiques, impr•visibles, tant qu’h•t•ro qu’homosexuelles, sadiques que masochistes, peu li•es ‚ un sc•nario pervers d•termin•, toujours infiltr•es d’agressivit•. La variabilit• des partenaires et les conduites ‚ risque sont la r†gle. Certains comportements sous-tendus par des d•viations pulsionnelles (mictions, d•f•cations) sont tr†s •vocateurs de personnalit• limite. 3. Modalit•s relationnelles Le mode de relation anaclitique s’exprime sous la forme d’une attente passive de satisfaction et d’une manipulation agressive du partenaire, le patient ne pouvant am•nager une quelconque souplesse dans la distance relationnelle. A travers ce type de lien, qui reproduit les attachements parentaux pr•coces, le sujet limite, oscillant entre la fusion et la fuite, confronte l’autre ‚ son avidit• affective jamais combl•e. R•actions auto ou h•t•ro-agressives et rejet 17 sont la r†gle d†s que le partenaire ne r•pond pas exactement aux exigences de cette demande massive, renvoyant alors le patient ‚ ses angoisses d’abandon. L’instabilit• qui pr•side aux investissements affectifs ou socioprofessionnels cache mal la probl•matique d•pressive de fond. Pourtant, si le d•labrement de la vie pulsionnelle t•moigne de cet •tat de fait, il contraste souvent avec des investissements et une r•ussite professionnelle qui peut surprendre au vu des ant•c•dents. Bien entendu, ces modalit•s objectales particuli†res infiltrent •galement le lien que ce type de patients tisse avec ses th•rapeutes, rendant toute prise en charge chimioth•rapique ou psychoth•rapique d•licate. Dans ce contexte, la trajectoire de vie et de soins des patients limites conduit ‚ un parcours •maill• de ruptures et de conduites antisociales ou d•viantes. E. Episodes psychiatriques aigus Les •pisodes psychiatriques aigus sont assez courants chez les patients •tats limites. Bien connus des services d’urgence o‰ ils se pr•sentent r•guli†rement dans un •tat inqui•tant semblant imposer une hospitalisation, ils confrontent d†s ce premier contact leur interlocuteur ‚ l’avidit• de leur demande d’aide. La modalit• la plus courante d’admission est certainement le passage ‚ l’acte auto-agressif ou la tentative de suicide. Ce type de comportement, survenant souvent de fa‡on it•rative dans un contexte de manipulation et de dramatisation, reste n•anmoins ‚ l’origine de 5 % de d•c†s chez ces sujets avant l’ƒge de 30 ans. Ailleurs, ces d•compensations aiguŒs prennent l’aspect de crises d’angoisse aiguŒ, voire d’•pisodes confusionnels pouvant •voquer la constitution d’un d•lire. Ces tableaux quasipsychotiques transitoires ne correspondent pas ‚ une rupture compl†te avec la r•alit• ext•rieure mais ‚ une incapacit• du patient, du fait de son chaos interne, ‚ en retrouver la signification habituelle. Il s’agit en g•n•ral d’exp•riences de type parano‹aque non hallucinatoire (id•e de r•f•rence, suspicion non justifi•e) et de pens•es bizarres (pens•e magique, 6†me sens, impression de d•doublement). Quelque soit la nature de ces d•compensations, c’est leur labilit• qui en est l’•l•ment le plus caract•ristique : l’ensemble de cette symptomatologie peut par exemple disparaŠtre sans traitement psychotrope d†s les premi†res heures d’une hospitalisation en urgence, l’institution hospitali†re procurant au patient un •tayage source d’une r•assurance suffisante pour lui permettre de r•cup•rer ses facult•s de jugement et de critique de l’•pisode. En r•sum•, le polymorphisme symptomatique des •tats limites est tel qu’une •valuation uniquement fond•e sur la s•miologie psychiatrique descriptive reste insuffisamment sp•cifique, exposant le clinicien ‚ un recours en fait trop fr•quent ‚ ce type de diagnostic. Le rep•rage des signes cliniques que nous venons de d•crire doit …tre compl•t• par une analyse psychodynamique du fonctionnement mental. 18 II. PSYCHOPATHOLOGIE ET THEORIE PSYCHODYNAMIQUE DES ETATS LIMITES Le d•faut d’int•gration du moi est la dimension psychodynamique fondamentale des •tats limites. Il s’agit d’une faiblesse du moi qui se caract•rise par les •l•ments suivants : - le manque de tol•rance ‚ l’anxi•t• ; - le manque de contr„le pulsionnel ; - le manque de d•veloppement de voies de sublimation ; - le manque de diff•renciation entre les objets internes et les objets externes ; - l’estompage des fronti†res du moi. Cela conduit ‚ une sorte d’identit• diffuse, c'est-‚-dire d’absence d’int•gration du soi, dans un contexte de relations avec des objets totaux qui conduisent ‚ une alternance entre qu…te d’•tayage et rejet sur fond de tonalit• pers•cutoire. Ce d•faut d’int•gration du moi a des cons•quences sur la qualit• des relations d’objets internes du patient limite, ainsi que sur ses capacit•s d’abstraction et d’adaptation ‚ la r•alit• externe. Contrairement aux patients n•vros•s qui utilisent, pour lutter contre leur envahissement pulsionnel, des d•fenses de haut niveau de l’ordre du refoulement, les patients limites ne disposent en g•n•ral que de modalit•s d•fensives primitives plus proches du fonctionnement psychotique, organis• autour du clivage et de l’anaclitisme. A. Le moi anaclitique Le mot anaclitique renvoie ‚ l’•tayage. La relation d’objet anaclitique va pousser le sujet ‚ s’appuyer sur l’autre, tout aussi bien en attente passive de satisfaction positive qu’en manipulation plus ou moins agressive de celui-ci. Le prototype de la relation est la relation parentale dans laquelle l’anaclitique cherche ‚ …tre aim• des deux parents ‚ part •gale : parents qu’il s’agit aussi d’agresser et de maŠtriser avec une certaine analit•. Le moi anaclitique va ainsi voir co-exister deux secteurs op•rationnels. L’un reste adapt• ‚ la r•alit• tandis que l’autre est centr• sur les besoins narcissiques internes. Le noyau du moi n’est pas touch• mais le sujet reste tr†s d•pendant des variations de la r•alit• ext•rieure. Le danger imm•diat contre lequel toutes les organisations limites luttent est la d•pression. Il lutte contre elle par une hyperactivit• et un anaclitisme relationnel labile. Ils r•sistent mal aux frustrations d’autant que l’objet joue ‚ la fois le r„le de moi et de surmoi auxiliaires. B. Le clivage Le clivage de l’objet entraŠne une incapacit• ‚ r•aliser l’unification des introjections et des identifications positives et n•gatives. Il ne s’agit pas du clivage du patient psychotique qui 19 vise ‚ att•nuer l’angoisse en fragmentant l’unit• du soi et l’objet. Au contraire, le patient limite est soumis ‚ des •tats contradictoires qui le dominent alternativement. Alors que dans la psychose, il existe un v•ritable clivage du moi, dans l’•tat limite, il existe plut„t un clivage des repr•sentations objectales. Il faut ‚ cette •tape de la description des •tats limites d•finir le terme d’imago. L’imago est une repr•sentation inconsciente de personnages qui orientent •lectivement la fa‡on dont le sujet appr•hende autrui. Il est •labor• ‚ partir des premi†res relations intersubjectives r•elles et fantasmatiques avec l’entourage familial. Chez les •tats limites, le d•doublement des imagos permet de lutter contre l’angoisse de perte d’objet et contre le risque d’arriver au d•doublement du moi. L’union du bon et du mauvais objet, du bon et du mauvais moi, ne peut se faire. Le moi du patient limite poss†de une certaine fixit• qui lui permet de garder contact avec la r•alit• sans toutefois poss•der la fonction int•grative des pulsions libidinales bonnes et mauvaises rapport•es au m…me objet. Ce clivage permet au patient limite d’•viter la confrontation ‚ son ambivalence affective et par l‚ m…me, l’•mergence d’affects d•pressifs en rapport avec un sentiment d’incompl•tude narcissique. Cela dit, le maintien par le moi de ce m•canisme archa‹que tel que le clivage a un fort coŽt •nerg•tique sans pour autant toujours emp…cher l’•mergence d•structurante de l’angoisse. C. L’id•alisation L’id•alisation est le corollaire du clivage. Il s’agit d’une id•alisation primitive portant sur les objets externes comme sur le moi. Cette op•ration d•fensive a pour but de prot•ger les •tats limites de l’agressivit• du sujet en les parant de toutes les qualit•s, les clivant ainsi avec la r•alit•. Afin d’•viter la contamination de ces instances irr•elles par le mauvais, le moi du patient doit renforcer des processus toujours plus coŽteux d’id•alisation et de clivage. Leur inefficacit• d•clenche une rage destructrice et un rejet avec d•ni de l’id•alisation ant•rieure. L’id•alisation primitive consiste donc ‚ id•aliser les objets externes qui deviennent parfaits et ne sauraient souffrir la moindre imperfection. Ces objets id•alis•s vont servir de support identificatoire narcissique gratifiant dans un premier temps. Puis, par la suite, l’angoisse submerge le patient limite devant l’•mergence d’un • d•faut humain • si petit soit-il. L’angoisse se traduit alors par une v•ritable h•morragie narcissique du patient limite qui s’•tait •tay• auparavant sur cet objet porteur et garant de son narcissisme. Revirements brutaux et d•valorisations des autres comp†tent le tableau en y ajoutant une note pers•cutrice parfois violente. D’un point de vue topique, l’id•al du moi est le p„le organisateur de la personnalit•. L’id•al du moi est l’instance de la personnalit• r•sultant de la convergence du narcissisme (id•alisation du moi) et des identifications aux parents, ‚ leurs substituts et aux id•aux collectifs. En tant qu’instance diff•renci•e, l’id•al du moi constitue un mod†le auquel le sujet cherche ‚ se conformer. Mais l’id•al du moi chez l’•tat limite reste pu•ril et gigantesque et occupe la place qui devrait …tre occup•e par le surmoi. La vie relationnel est ainsi abord•e avec des ambitions h•ro‹ques, d•mesur•es, exclusives, perfectionnistes et tyranniques, qui pr•jugent mal de leur r•ussite confront•e ‚ la d•sesp•rante ambivalence de la r•alit•. 20 D. Le d•ni Le d•ni est un mode de d•fense consistant en un refus par le sujet de reconnaŠtre la r•alit• d’une perception traumatisante. Le d•ni chez les •tats limites porte surtout sur les •motions. Le patient limite peut …tre tout ‚ fait conscient de la paradoxalit• et de l’incoh•rence de ses attitudes ou de ses •motions successives, sans que cette perception ne change quoique ce soit ‚ son attitude actuelle. La reconnaissance est intellectuelle, mais les actes qui se r•p•teront signeront le d•ni. Le d•ni maintient hors de la conscience une repr•sentation contradictoire incompatible avec l’•tat d’esprit dans lequel se trouve le patient ‚ ce moment l‚. Tr†s diff•rent de la d•n•gation li•e au refoulement n•vrotique, le d•ni se manifeste cliniquement par la connaissance purement intellectuelle d’exp•riences d•j‚ v•cues, ne pouvant modifier ni les affects, ni les actes du sujet. La d•n•gation est le proc•d• par lequel le sujet, tout en formulant un de ses d•sirs, une de ses pens•es, un de ses sentiments jusqu’ici refoul•s, continue ‚ s’en d•fendre en niant qu’ils lui appartiennent. E. Omnipotence et d•valorisation Ces •l•ments cliniques d•coulent logiquement de l’ensemble des ph•nom†nes d•fensifs d•crits ci-dessus. Dans un mouvement d’id•alisation visant ‚ la prot•ger des attaques de mauvais objets, le moi grandiose du patient limite cherche ‚ contr„ler l’objet id•alis• en se soumettant ‚ lui. D†s que ce dernier cesse d’apporter gratification et protection, il est d•valoris• et rejet• d’autant plus vite qu’il n’existe pas de v•ritable attachement. F. L’identification projective L’identification projective conduit le patient limite ‚ expulser ‚ l’ext•rieur de lui-m…me les mauvaises images de soi et d’objets, les emp…chant ainsi de venir menacer les bonnes. Il les projette sur autrui, l’angoisse pers•cutive le contraignant alors ‚ exercer un contr„le •troit de l’objet per‡u comme dangereux et en forcer encore l’id•alisation. Ce m•canisme estompe les limites entre soi et l’objet, contribuant au syndrome de d•faut d’int•grit• de soi. L’identification projective est le m•canisme qui se traduit par des fantasmes, qui conduisent le sujet ‚ introduire sa propre personne en totalit• ou en partie ‚ l’int•rieur de l’objet pour lui nuire, le poss•der et le contr„ler. L’identification projective constitue un m•canisme d•fensif tr†s utilis• par les patients limites. Cette tendance ‚ faire vivre ‚ l’autre ses propres contenus •motionnels par la projection dans l’autre, r•pond tout autant au besoin de le contr„ler que d’•vacuer les affects douloureux. Elle entraŠne en contrepartie un affaiblissement des limites du moi dans les zones du psychisme o‰ ces m•canismes sont les plus intenses. Ces attitudes d’omnipotence sont peu efficaces car la projection du mauvais devient tr†s vite pers•cutoire par contigu‹t•. Les patients limites n’ont alors d’autre issue que d’accentuer les m•canismes d’id•alisation fragilisant encore plus leur assise narcissique propre. Ils sont entraŠn•s dans un cercle vicieux ‚ processus multiples dont le point commun est l’appui narcissique sur l’objet et sur l’ext•rieur par anaclitisme. 21 G. Qualit• apparente de l’•preuve de r•alit• L’•preuve de r•alit• est apparemment conserv•e chez l’•tat limite, ce qui pourrait le faire confondre avec un patient n•vrotique. Cependant, le patient limite n’est pas adapt• aux relations objectales proches, car elles le confrontent ‚ une angoisse qui le submerge et aggrave sa symptomatologie. III. PERSPECTIVES THERAPEUTIQUES A. Types de traitement Il n’existe pas de sch•ma type de la prise en charge de tels patients. Les grandes lignes du traitement varient notablement. Pourtant, certaines consid•rations restent valables quelque soient les modalit•s de prise en charge. 1. Hospitalisation Qu’elles •manent du patient lui-m…me ou de l’entourage socio-familial de celui-ci, les demandes d’hospitalisation, souvent en urgence, sont fr•quentes. Survenant au d•cours d’une •ni†me d•compensation d•pressive, d’un passage ‚ l’acte suicidaire ou h•t•ro-agressif, d’un •pisode dissociatif aigu, l’admission est souvent rapidement suivie d’une am•lioration symptomatique, la perception de l’•tayage hospitalier suffisant en g•n•ral ‚ rassurer le sujet. Afin de garder ‚ ses yeux son caract†re structur•e et sa coh•rence, •vitant ainsi la r•surgence de comportements pr•judiciables pour la suite de la prise en charge, le s•jour doit …tre court et faciliter une r•insertion rapide du patient dans sa r•alit• ext•rieure. L’hospitalisation doit •galement se situer dans la mesure du possible dans la continuit• de la prise en charge ambulatoire si elle existe, ces patients cherchant souvent ‚ faire rejouer aux diff•rents th•rapeutes leurs conflits int•rieurs. 2. Chimioth•rapie Utiles pour passer un cap aigu et sur de courtes dur•es, les psychotropes voient en g•n•ral leur efficacit• diminuer dans les prescriptions prolong•es. La plupart des •tudes montrent en effet un •puisement de leur r•ponse ‚ un type de mol•cule donn•e, quelque qu’elle soit, apr†s quelques mois de traitement. Les benzodiaz•pines, ‚ vis•e anxiolytique ou hypnotique, sont ‚ utiliser avec la plus grande prudence. Le risque d’accoutumance, d’intoxication volontaire, ainsi que celui d’une action d•sinhibitrice avec passage ‚ l’acte suicidaire ne doivent pas …tre sous-estim•s chez ces types de patients. L’efficacit• des antid•presseurs reste incertaine. L’•lectro-convulsivoth•rapie ne donne pas non plus de r•sultant concluant sur les d•pressions limites. 22 Les r•gulateurs de l’humeur comme le LITHIUM peuvent aider ‚ contr„ler les troubles du comportement impulsif, l’instabilit• caract•rielle et peut-…tre les troubles thymiques de ces patients. Les neuroleptiques ‚ faible posologie peuvent …tre efficaces sur un •ventail de sympt„mes allant de la d•pression atypique ‚ l’anxi•t• ou ‚ l’impulsivit•, en passant par des •l•ments quasi-psychotiques tels que les id•es de r•f•rence ou les modes de pens•e pers•cutoire. Les m•dicaments doivent s’inscrire dans le contexte plus g•n•ral de la relation patient/th•rapeute. 3. Psychoth•rapie de soutien – Psychoth•rapie d’inspiration psychanalytique La psychoth•rapie des •tats limites est centr•e sur l’analyse des relations d’objet primitives du sujet. Elle a pour objectif d’int•grer le moi et l’identit•. Les obstacles principaux r•sident dans l’intensit• du transfert n•gatif de ces patients et dans leurs graves tendances ‚ l’agir. B. Impact de la probl•matique limite sur le psychisme des soignants L’irruption de processus archa‹ques, limites, traumatiques voire violents au sein de la relation th•rapeutique provoque dans la sph†re •motionnelle et sensorielle du clinicien des remaniements, am•nagements, bouleversements, voire impacts traumatiques assez sp•cifiques. Les cons•quences psychiques pr•judiciables pour les capacit•s de pens•e du th•rapeute sont les suivants : Le clinicien peut …tre soumis ‚ une effraction plus ou moins grande de son int•grit• corporelle ou psychique, qui l’entraŠne dans une activation de m•canismes adaptatifs psychiques et physiques, sous la forme de m•canismes et attitudes de d•fense. Le clinicien peut …tre •galement plong• dans des r•actions sp•culaires qui le conduisent ‚ un m…me v•cu indiff•renci• que son patient, dans un climat d’excitation pulsionnelle, de recours ‚ l’agir, qui g†le toute souplesse psychique et capacit• de distanciation. Cette identit• de perception repose sur des m•canismes archa‹ques et puissants, comme l’identification projective et l’activit• cryptique, qui correspondent au r•veil et ‚ la sollicitation par la situation de zones enclav•es du psychisme marqu•es par le vide symbolique et la non-pens•e, transmis de mani†re transg•n•rationnelle par le biais de traumatismes •maillant la vie subjective. L’envahissement par des noyaux agglutin•s et psychotiques peut conduire, par identification projective, ‚ une attaque des limites, enveloppes, et contenants psychiques du th•rapeute. Une condensation de l’espace, du temps et des affects, peut •galement concentrer toute l’•nergie du clinicien, qui peut s’amplifier sous la forme d’une nucl•arisation, qui correspond ‚ un mouvement de condensation extr…me pr•curseur d’un v•cu d’explosion psychique. 23 Tous ces •l•ments conduisent ‚ un •crasement de la transitionnalit•, c'est-‚-dire de l’espace de jeu dans lequel le patient aurait pu d•ployer ses contenus psychiques dans une zone interm•diaire entre lui et le soignant. Il s’ensuit une radicalisation des positions, une fermeture relationnelle, un repli sur des positions subjectives affirm•es, ‚ une perte de toute souplesse au profit de certitudes, qui gr†vent l’•laboration et la symbolisation. Dans ce contexte, il est n•cessaire que le cadre th•rapeutique soit garant de cette fonction d•nomm•e pare-excitation. IV. CONCLUSION Le concept de l’•tat limite a travers• le 20†me si†cle. Il est important de ne pas avoir recours ‚ ce type de diagnostic de fa‡on inflationniste. C’est pourquoi la d•marche diagnostique clinique doit …tre imp•rativement compl•t•e par une •tude approfondie des m•canismes de d•fense et du fonctionnement psychique de ces patients. Il faut donc faire reposer le diagnostic d’organisation limite sur trois crit†res : la diffusion de l’identit•, le niveau des m•canismes de d•fense, et la capacit• ‚ maintenir l’•preuve de r•alit• par l’analyse du niveau de clivage. Le diagnostic d’•tat limite ne doit en aucun cas …tre un diagnostic d’•limination, mais doit …tre cons•cutif de la recherche positive d’un mode de fonctionnement intra et intersubjectif particulier au sein de nos relations empreintes d’agressivit• et de violence, t•moins de l’inorganisation g•n•tique de la pulsionnalit• violente dans cette astructuration. 24