Myélome et dysglobulinémie monoclonale
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Myélome et dysglobulinémie monoclonale
042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:26 Page 34 PRÉPARATION AU CONCOURS Myélome et dysglobulinémie monoclonale Myeloma and monoclonal gammapathy P. CHAÏBI*,**, L. MERLIN***, Y. MARTIN*, F. PIETTE* RESUME ___________________________________ SUMMARY _________________________________ Chez les sujets âgés, la découverte d’une gammapathie monoclonale est une situation fréquente et peut correspondre principalement à deux diagnostics : myélome et gammapathie monoclonale de signification inconnue. Les gammapathies monoclonales de signification inconnue sont caractérisées par l’absence de tout signe clinique, de retentissement osseux et hématologique et par une plasmocytose médullaire inférieure à 10 %. Les gammapathies monoclonales de signification inconnue sont une pathologie monoclonale à malignité réduite. Lors d’un suivi de plusieurs années, un quart d’entre elles se compliquent d’une hémopathie lymphoïde maligne, le plus souvent un myélome. Aussi un suivi clinique et biologique régulier et soigneux est-il indispensable. Le myélome est une des plus fréquentes hémopathies malignes des sujets âgés. Le diagnostic de myélome repose sur l’association d’une plasmocytose médullaire supérieure à 10 % et d’un composant monoclonal ou de lésions ostéolytiques. Au cours des dernières annèes, la compréhension de sa physiopathologie a progressé, notamment en ce qui concerne le rôle capital des interactions entre les plasmocytes tumoraux et les cellules du stroma médullaire. Les index de masse tumorale, classifica- In elderly patients, finding of a serum monoclonal protein is common and may lead to two diagnosis mainly : monoclonal gammopathy of undetermined significance and multiple myeloma. Patients with monoclonal gammopathy of undetermined significance are clinically asymptomatic, have no osteolytic lesions nor anemia and have fewer than 10 % bone marrow plasma cells. Monoclonal gammopathy of undetermined significance is a clonal disease with reduced malignancy. During a follow-up of more than ten years, twenty five per cent of patients develop a lymphoïd malignancy, mainly a myeloma. Although, a careful clinical and biological follow-up is needed in monoclonal gammopathy of undetermined significance Multiple myeloma is one of the most frequent hematological malignancies in elderly. Diagnosis of myeloma is based on the association of more than 10 % bone marrow plasma cells and evidence of monoclonal component or bone lytic lesions. During past years, there have been advances in understanding of myeloma s pathogenesis, especially concerning interactions between bone marrow plasma cells and bone marrow stromal cells. Tumoral mass index, as Salmon and Durie classification or ß 2 microglobulin, remain strong prognos- * Service de Médecine Interne Gériatrique du Pr Piette, Hôpital Charles Foix, 94200 Ivry. ** Service d’Hématologie Clinique Adultes du Pr Degos, Hôpital SaintLouis, Paris 75010. *** Gériatre, 6 Place Fontaine du Temple, 06100 Nice. Article reçu le 09.12.1999 - Accepté le 19.01.2000. La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 251 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:27 Page 35 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. tion de Salmon et Durie ou taux de ß 2 microglobuline, restent des facteurs pronostiques essentiels de la maladie mais d’autres facteurs pronostiques ont été récemment identifiés. L’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques a modifié le traitement du myélome chez les patients de moins de 60 ans. Cependant, la chimiothérapie conventionnelle de type melphalan-prednisone reste le traitement de référence du myélome des sujets âgés. Il semble utile de lui associer des traitements de type biphosphonates, radiothérapie ou dexaméthasone. On peut espérer qu’au cours des prochaines années le traitement du myélome des sujets âgés progressera grâce à de nouveaux protocoles de chimiothérapie conventionnelle et à l’utilisation chez ces patients des intensifications thérapeutiques avec autogreffe ou de l’immunothérapie. tic factors, but new prognostic factors have been recently identified. Autologous stem cell transplantation has modified the treatment of young patients with multiple myeloma. However, conventional combination chemotherapy with melphalan - prednisone remains the gold standard treatment in elderly patients with myeloma. Treatments like biphosphonates, radiotherapy or dexamethasone may be usefully associated to chemotherapy. It is reasonable to think that, during next years, treatment of elderly patients with myeloma will integrate new therapeutic approaches as new conventional chemotherapy regimens, autologous stem cell transplantation or immunotherapy. Mots-clés : Gammapathie monoclonale - Myélome Sujets âgés - Chimiothérapie. Key words : Monoclonal gammopathy - Multiple myeloma - Elderly - Chemotherapy. L nale : myélome, maladie de Waldenström, leucémie lymphoïde chronique, lymphome non hodgkinien, maladie de Hodgkin et amylose (figure 1). GAMMAPATHIE MONOCLONALE DE SIGNIFICATION INDÉTERMINÉE ______________ Epidémiologie Les gammapathies monoclonales de signification indéterminée sont la première cause de dysglobulinémie monoclonale, devant le myélome multiple et l’amylose. (figure 1) La prévalence des GMSI augmente avec l’âge. Elle est de 1 % dans la population générale, de 1,5 à 2 % chez les sujets âgés de plus de 50 ans, supérieure à 3 % chez les sujets âgés de plus de 70 ans et peut atteindre 10 à 20 % chez des sujets âgés de plus de 80 ans. La prévalence des GMSI varie également selon les ethnies (plus fréquentes chez les afro-américains que dans la population générale aux Etats-Unis). Des études rétrospectives cas-témoins ont confirmé que l’exposition au pétrole et à ses dérivés, aux engrais, aux pesticides, aux peintures et aux radiations était plus fréquente chez les patients porteurs d’une GMSI que dans la population générale. Il est intéressant de noter que ces mêmes facteurs environnementaux augmentent le risque de survenue du myélome multiple. a découverte d’un pic d’allure monoclonale à l’électrophorèse des protides est une situation fréquente en pathologie gériatrique. Elle peut révéler principalement deux diagnostics : un myélome multiple ou une gammapathie monoclonale dite bénigne. Nous nous intéresserons à ces deux entités cliniques, en insistant sur les éléments permettant leur diagnostic différentiel, sur l’évolutivité possible et les modalités de surveillance des gammapathies monoclonales dites bénignes et sur les acquis récents concernant la physiopathologie et le traitement du myélome. Le terme classique de gammapathie monoclonale bénigne ne doit plus être employé au regard de leur potentiel évolutif. On lui préfère celui de «gammapathie monoclonale dite bénigne» ou «apparemment bénigne» ou, selon le terme anglo-saxon, «gammapathie monoclonale de signification indéterminée (GMSI)». On considère actuellement que les GMSI sont des pathologies plasmocytaires monoclonales à malignité réduite, pouvant évoluer lentement vers une hémopathie maligne lymphoïde, principalement un myélome. Le diagnostic de GMSI est un diagnostic d’élimination. La réalisation d’examens complémentaires doit éliminer les étiologies malignes de gammapathie monocloLa Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 Diagnostic des gammapathies monoclonales de signification indéterminée Le caractère monoclonal de la gammapathie, suspecté sur l’électrophorèse des protides, est confirmé par 252 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:27 Page 36 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. Lymphome non hodgkinien et leucémie lymphoïde chronique 2,5 % hémopathie lymphoïde, d’une maladie de Waldenström, d’une amylose), ou d’éléments cliniques évocateurs d’une amylose primitive (macroglossie, mono-, multi- ou polynévrite, organomégalie, hypotension orthostatique…). C’est la normalité du bilan paraclinique qui permet d’affirmer le diagnostic de la GMSI. Ce bilan comprend : - une numération formule sanguine, plaquettes, - une vitesse de sédimentation - un myélogramme - une calcémie, un dosage de l’urée et de la créatinine, - une recherche de protéinurie de Bence-Jones. Waldenstrom 2 % Plasmocytome solitaire 2,5 % Autre sauses 2 % Amylose 8 % Myélome multiple 21 % Gammapathie monoclonale de signification indéterminée 62 % L’existence d’une plasmocytose médullaire supérieure à 10 % élimine formellement le diagnostic de gammapathie monoclonale dite bénigne. Il en est de même de la présence de lésions radiologiques d’ostéolyse ou d’une hypercalcémie en l’absence de toute pathologie ostéolytique associée (tableau 1). Enfin, toute anomalie de la numération-formule sanguine non expliquée par une pathologie associée doit aussi faire rejeter le diagnostic de GMSI. Figure 1 : Etiologies des gammapathies monoclonales. Figure 1 : Aetiologies of monoclonal gammapathies. l’immuno-électrophorèse ou par l’immunofixation, plus sensible. Au cours des GMSI, le pic monoclonal est classiquement inférieur à 30 g/l. La chaîne lourde est le plus souvent de type γ (70 à 75 %), parfois µ (15 à 20 %), plus rarement α ou biclonale (2 %). La chaîne légère est de type kappa dans 2/3 des cas et de type lambda dans 1/3 des cas. Une protéinurie de Bence-Jones est retrouvée chez 5 à 10 % des patients porteurs d’une GMSI, mais elle est rarement supérieure à 1 g/l . Son augmentation progressive est un argument essentiel contre le diagnostic de GMSI. Le taux des immunoglobulines normales polyclonales est abaissé chez près d’un tiers des patients ayant une GMSI et ne peut donc constituer un élément différentiel avec un myélome. - Le dosage de la ß 2 microglobuline ne présente pas d’intérêt pour le diagnostic différentiel entre GMSI et myélome car elle peut être élevée dans ces deux pathologies. - De même, le taux sérique de l’interleukine-6 (IL-6) est peu utile au diagnostic différentiel : en effet, s’il n’est que très exceptionnellement élevé dans les GMSI (< 3 %), il est normal dans 60 % des myélomes au moment diagnostic. Une élévation de la vitesse de sédimentation, sans autre signe biologique inflammatoire, peut être retrouvée et est liée aux propriétés physiques du pic monoclonal, qui favorisent la sédimentation érythrocytaire in vitro. L’élément clinique essentiel est le caractère asymptomatique des GMSI. Leur découverte est donc fortuite. L’examen clinique ne doit pas retrouver de douleur osseuse (évocatrice de myélome multiple) d’hépatosplénomégalie ou de polyadénopathie (évocatrice d’une Tableau 1 : Diagnostic différentiel entre gammapathie monoclonale de signiflication indéterminée (GMSI) et myélome. Table 1 : Differential diagnosis between monoclonal gammapathy of undetermined significance (MGUS) and myeloma. Anomalie Plasmocytose médullaire > 10% Hémoglobine < 12 g/dl Calcémie > 3 mmoles/l Lésions osseuses radiologiques Baisse des Ig polyclonales Pic monoclonal Protéinurie de Bence-Jones Elévation Interleukine-6 sérique Fréquence dans GMSI Fréquence dans myélome 0% 0% 0% 0% 30 % 100 % < 10 % (en général < 1 g/24 h) <3% 90 % 65 % 14 % 75 % 100 % 92 % 75 % Gammapathies monoclonales et autres pathologies Des gammapathies monoclonales peuvent être, en dehors des GMSI et des hémopathies lymphoïdes malignes, associées à d’autres pathologies. 40 % (En gras, les anomalies dont la présence permet, en l’absence d’une étiologie associée, d’éliminer le diagnostic de GMSI). La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 253 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:28 Page 37 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. Pathologies infectieuses : * infections virales bénignes (cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr, rougeole…) où la gammapathie sera spontanément régressive ; * infections virales graves : hépatites virales aigües et chroniques B ou C ; infection par le VIH s’accompagnant dans 10 % des cas d’une gammapathie monoclonale ; * infections bactériennes profondes prolongées (abcès profond, endocardite bactérienne). Pathologies auto-immunes : * lupus systémique, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Sjögren, vascularites (surtout périartérite noueuse). Cirrhose hépatique. Figure 2 : Evolution des gammapathies monoclonales de signification indéterminée. Figure 2 : Evolution of monoclonal gammapathies of undetermined significance. Hémopathies non lymphoïdes : * myélodysplasies et en particulier leucémie myélomonocytaire chronique. Ces associations restent anecdotiques (< 5 % des gammapathies monoclonales). Elles ne doivent pas faire oublier que devant une gammapathie monoclonale, la priorité est d’éliminer une hémopathie lymphoïde maligne associée, avant tout un myélome. Lorsqu’une hémopathie maligne apparaît, le type de gammapathie reste le même. Un myélome multiple secondaire à une GMSI ne se distingue d’un myélome de novo ni par le taux de réponse aux traitements, ni par la médiane de survie (de l’ordre de 3 ans). Facteurs prédictifs de l’apparition d’une hémopathie au cours des GMSI Au diagnostic initial de GMSI, aucun élément (type de la gammapathie, taux du pic, existence d’une protéinurie de Bence-Jones, plasmocytose médullaire, âge, sexe…) n’est prédictif d’une évolution ultérieure vers une hémopathie lymphoïde maligne. Certaines études ont montré que les GMSI ayant un pic inférieur à 15 g/l, une plasmocytose médullaire inférieure à 5 %, une absence de protéinurie de BenceJones et des taux normaux d’immunoglobulines polyclonales avaient un risque évolutif très faible. Cependant, dans ces études, les durées de suivi des patients n’étaient pas supérieures à 10 ans. Le meilleur facteur prédictif de la survenue ultérieure d’un myélome semble être l’existence de signes histologiques d’ostéolyse à la biopsie osseuse (présents dans 52 % des gammapathies évoluant vers un myélome et dans seulement 4 % des gammapathies restant stables). Cependant, il semble difficile de réaliser une biopsie osseuse au cours de l’évaluation initiale de toute GMSI. C’est en fait la modification rapide de certains paramètres biologiques lors du suivi d’une GMSI qui permet de prédire son évolutivité ultérieure, dans un délai difficile à préciser. Les meilleurs facteurs prédictifs de survenue d’une hémopathie sont alors une élévation importante du pic monoclonal (de plus de 50 %, ou à un taux supérieur à 30 g/l) et l’apparition d’une baisse des immunoglobulines polyclonales normales. Evolution des gammapathies monoclonales de signification indéterminée Les études de suivi à long terme (10 à 30 ans) de patients souffrant de GMSI montrent des résultats concordants (figure 2) : - dix à 15 % des GMSI n’ont aucune évolutivité ; - chez environ 10 % des patients, le taux d’immunoglobuline monoclonale va dépasser 30 g/l, sans évolution vers un myélome multiple ou une autre gammapathie monoclonale maligne ; - la moitié des patients porteurs de GMSI décèdent lors du suivi, le décès n’étant pas lié à la gammapathie. Ceci n’est guère étonnant vu l’âge moyen des patients au diagnostic (de 64 à 70 ans selon les séries) - surtout, on voit apparaître, lors du suivi, une hémopathie lymphoïde maligne chez un quart des patients porteurs d’une GMSI. Cette hémopathie est le plus souvent un myélome multiple (68 %). Il peut s’agir d’une amylose primitive (13 %), d’une maladie de Waldenstrom (11 %) ou, dans 8 % des cas, d’un lymphome non hodgkinien ou d’une leucémie lymphoïde chronique. A compter du diagnostic de GMSI, le délai médian de survenue d’une hémopathie lymphoïde maligne est de l’ordre de 10 ans. L’incidence actuarielle des hémopathies lymphoïdes malignes est de 15 % à 10 ans du diagnostic initial de GMSI, de 25 % à 15 ans et de 40 % à 25 ans. La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 254 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:28 Page 38 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. Surveillance d’une gammapathie monoclonale de signification indéterminée Du fait de leur potentiel évolutif et de l’absence de facteurs prédictifs clairement définis, le suivi des GMSI doit être rigoureux. Pour les gammapathies monoclonales à faible risque évolutif (pic inférieur à 15 g/l, pas de baisse des immunoglobulines polyclonales, pas de protéinurie de BenceJones) la surveillance peut être annuelle. Pour les GMSI ne répondant pas à tout ces critères, on recommande un suivi semestriel. L’évaluation d’une GMSI comporte : - un examen clinique à la recherche de tout signe d’hémopathie associée ; - une numération formule sanguine, une calcémie, une créatininémie et une mesure du pic monoclonal par électrophorèse des protides. On complète ce bilan par une recherche de protéinurie de Bence-Jones et un myélogramme en cas d’apparition de signes cliniques ou biologiques évocateurs d’une hémopathie associée ou en cas de majoration significative du pic (augmentation de plus de 50 % ou > 30 g/l). Il est important d’expliquer au patient que la GMSI est une anomalie bénigne mais ayant un risque évolutif (de l’ordre de 25 %) à long terme (> 10 ans) afin que son adhésion au suivi soit bonne. De même, il est capital de recommander au patient de consulter rapidement en cas de symptome pouvant évoquer une hémopathie associée (asthénie, pâleur, douleurs osseuses, paresthésies…). En effet, l’apparition d’une hémopathie associée, et plus particulièrement d’un myélome, peut être brutale. Physiopathologie Aux stades initiaux du myélome, la croissance tumorale se fait surtout par accumulation cellulaire et repose sur l’inhibition de l’apoptose. L’évolution de la maladie est marquée par des modifications phénotypiques, cytogénétiques et moléculaires des cellules myélomateuses. Ces modifications se traduisent par une capacité croissante de prolifération du clone plasmocytaire. Origine du clone plasmocytaire Le précurseur du clone plasmocytaire est un lymphocyte B mémoire, ayant été activé dans les centres germinatifs ganglionnaires ou spléniques. L’événement critique initial survient lors du réarrangement de la région du chromosome 14 codant pour les gènes des chaines lourdes des immunoglobulines. La cellule clonale initiale , prémédullaire, circule dans le sang et va se loger dans la moelle osseuse. Cette fixation médullaire est possible grâce à des interactions entre des antigènes membranaires plasmocytaires (en particulier VLA-4) et des molécules d’adhésion présentes sur les cellules du stroma médullaire et dans la matrice médullaire extracellulaire. L’activation des plasmocytes monoclonaux est provoquée par des interactions entre certains de leurs antigènes membranaires, en particulier le CD 40, et leurs ligands présents dans le stroma médullaire. Cette activation aboutit à l’expression membranaire de molécules d’adhésion qui vont renforcer le contact entre plasmocytes et cellules du stroma médullaire et favoriser leurs interactions. Interactions clone plasmocytaire et stroma médullaire (figure 3) Au cours des dernières années, de nombreux auteurs ont insisté sur l’importance des interactions entre stroma médullaire et plasmocytes dans la physiopathologie du myélome. Ces interactions mettent en jeu de nombreuses cytokines dont les plus importantes sont : - L’interleukine-1ß (IL-1ß) sécrétée par les plasmocytes myélomateux. Les plasmocytes ne produisent jamais d’IL-1 ß à l’état normal et exceptionnellement lors des GMSI. L’apparition d’une production d’IL-1 ß par les plasmocytes semble être un événement initial et essentiel de l’évolution d’une GMSI vers un myélome. L’IL-1 ß est le principal facteur activant les ostéoclastes. Elle stimule la différenciation ostéoclastique des CFUGM médullaires et la production d’enzymes ostéolytiques par les ostéoclastes. Elle joue aussi un rôle essentiel dans l’expression des molécules d’adhésion par les plasmocytes. Enfin, l’IL-1 ß stimule la sécrétion d’IL-6 par les cellules du stroma médullaire. MYÉLOME ______________________________________ Le myélome est une pathologie fréquente : il représente 1 % de l’ensemble des pathologies malignes et 10 % des hémopathies malignes. C’est une pathologie touchant préférentiellement les sujets âgés. L’incidence annuelle du myélome est 15 fois plus élevée chez les patients de plus de 80 ans (60/100 000) que dans la population générale. Lors du diagnostic de myélome, 75 % des patients sont âgés de plus de 60 ans et 45 % de plus de 70 ans. Les quinze dernières années ont été marquées par une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques du myélome, par l’identification de nouveaux facteurs pronostiques et par des avancées thérapeutiques : emploi des biphosphonates, clarification du rôle de l’interféron, intensification thérapeutique avec autogreffe. La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 255 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:28 Page 39 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. moelle de patients atteints de myélome. Cependant, les cellules infectées par HHV8 ne sont pas les plasmocytes monoclonaux mais des cellules du stroma médullaire, les cellules dendritiques. L’infection des cellules dendritiques médullaires par l’HHV8 semble être un des évènements critiques aboutissant au développement d’un myélome. Diagnostic Les symptomes révélateurs du myélome sont souvent liés à l’atteinte osseuse : douleurs osseuses rachidiennes ou thoraciques, souvent d’horaire mécanique ; perte de taille par tassements vertébraux ; complications osseuses : fracture d’os long, tassement vertébral éventuellement compliqué de compression neurologique, hypercalcémie. Les complications rénales ou infectieuses du myélome sont plus rarement révélatrices Lors du diagnostic de myélome, des anomalies biologiques et radiologiques sont fréquentes (tableau 2) et peuvent être révélatrices. En dehors des signes d’atteinte osseuse, l’examen clinique est pauvre. On peut retrouver une asthénie, isolée ou due à une anémie. Une hépatomégalie ou une splénomégalie n’est présente que dans 5 à 10 % des cas. Les plasmocytomes extramédullaires sont exceptionnels, surtout de localisation pulmonaire ou cutanée. Le myélome est diagnostiqué devant l’association. - D’une prolifération plasmocytaire : plasmocytose médullaire > 10 %, avec plasmocytes anormaux, ou tumeur plasmocytaire (plasmocytome) osseuse ou extra-osseuse. - Et d’au moins une de ces 3 anomalies : - immunoglobuline monoclonale (en général supérieure à 30 g/l), - protéinurie de Bence-Jones, - lésions ostéolytiques. Figure 3 : Physiopathologie du myélome Interactions plasmocyte - stroma médullaire. Figure 3 : Physiopathology of myeloma. Plasmocyte - medullary stroma interaction. - L’interleukine-6 (IL-6) est principalement sécrétée par les cellules du stroma médullaire. Sa sécrétion est activée par l’adhésion des plasmocytes à celles-ci. L’IL-6 joue le rôle d’un facteur de survie tumorale en inhibant l’apoptose des plasmocytes monoclonaux. Elle stimule aussi la prolifération plasmocytaire et constitue un véritable facteur de croissance tumorale. L’hypothèse d’une sécrétion autocrine d’IL-6 semble aujourd’hui écartée. - Le TGF- ß1 est synthétisé par les plasmocytes myélomateux. Il joue un rôle dans l’immunodéficience humorale et cellulaire des patients atteints de myélome en inhibant les cellules immunitaires normales (lymphocytes B, T et natural-killer) et les macrophages. De plus, il stimule la production d’IL-6 par les cellules du stroma médullaire. Tableau 2 : Fréquence des anomalies biologiques et radiologiques au diagnostic de myélome. Table 2 : Frequency of biological and radiological anomalies in the diagnosis of myeloma. Myélome et Herpes Hominis virus 8 (HHV8) L’herpes hominis virus 8 (HHV8) possède un gène viral analogue de celui de l’IL-6. L’HHV8 a été mis en évidence dans les cellules malignes de pathologies tumorales (sarcome de Kaposi, syndrome de Castleman, lymphome des séreuses) dans lesquelles l’IL-6 est un facteur de croissance tumorale important. C’est la raison pour laquelle on a évoqué l’hypothèse de son intervention au cours du myélome. Au cours des dernières années, de nombreuses équipes ont mis en évidence la présence d’HHV8 dans la La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 Anomalie Hémoglobine < 12 g/dl Calcémie > 3 mmoles/l Créatinine > 180 µmoles/l Pic monoclonal Protéinurie de Bence-Jones Lésions osseuses radiologiques Plasmocytose médullaire> 10 % 256 Fréquence % 65 14 23 92 75 75 90 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:29 Page 40 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. Le myélogramme est donc indispensable au diagnostic de myélome. L’étude cytologique des plasmocytes met en évidence des anomalies évocatrices de leur caractère malin (asynchronisme de maturation nucléo-cytoplasmique, divisions multiples). L’aspect cytologique des plasmocytes monoclonaux myélomateux n’est pas univoque : il peut s’agir de petits plasmocytes matures ou de grandes cellules peu différenciées, d’aspect plasmoblastique. Le caractère monoclonal des plasmocytes est démontré par la mise en évidence par immunocytochimie d’une immunoglobuline intra-cytoplasmique monotypique. Facteurs pronostiques liés à la masse tumorale C’est avant tout la classification de Salmon et Durie (tableau 3), qui permet d’évaluer la masse tumorale à partir de paramètres clinico-biologiques simples. Bien qu’ancienne, cette classification garde une certaine valeur mais ne doit pas être le seul facteur pronostique pris en compte. Le taux sérique de ß2 microglobuline est corrélé à l’importance de la masse tumorale myélomateuse et est, en analyse multivariée, un facteur pronostique de la survie indépendant. Le seuil de signification pronostique varie selon les études (4 ou 6 mg/l). Plusieurs formes cliniques de myélome méritent d’être connues : - Le smoldering myeloma ou « myélome rampant» est un myélome (plasmocytose médullaire > 10 % et pic monoclonal > 30 g/l) de découverte fortuite car asymptomatique. Il est caractérisé par l’absence de signe clinique, de complication (pas d’insuffisance rénale, d’anémie ni d’hypercalcémie) et de lésion osseuse radiologique. Son pronostic est bon et il ne nécessite qu’une surveillance clinique et biologique, jusqu’à apparition d’une évolutivité. - La leucémie à plasmocytes est caractérisée par une plasmocytose circulante (supérieure à 2000 / mm3 ou à 20 % de la leucocytose). Elle peut être secondaire (évolution terminale de 1 à 2 % des myélomes) ou plus rarement primitive. Il s’agit d’une forme dramatique, dont le traitement, associant polychimiothérapies lourdes et autogreffe(s), se solde souvent par un échec - Le syndrome POEMS est une entité rare associant un myélome (M), le plus souvent ostéocondensant, et des manifestations paranéoplasiques neurologiques (P : polyneuropathie démyélinisante), cutanées (S = skin : lésions pigmentaires, hypertrichose, angiomatose du tronc), endocriniennes (E : anomalies surrénaliennes, déficit gonadotrope, dysthyroïdies) et une organomégalie (O : hépatomégalie dans 50 % des cas, splénomégalie, adénopathies …). L’insuffisance rénale et l’hypercalcémie sont rares. Une hyperplaquettose est fréquemment associée. Le myélogramme est souvent non contributif et c’est la biopsie de lésions osseuses condensantes qui permet de mettre en évidence la plasmocytose médullaire. Tableau 3 : Classification pronostique de Salmon et Durie. Table 3 : Prognostic classification of Salmon and Durie. Critère Stade I Tous les critères suivants - Hémoglobine ≥ 10 gdI - Pas de lésion osseuse radiologique ou plasmocytome isolé - Calcémie normale - Pic faible IgG < 50 g/l ou Ig A < 30 g/l et Bence-Jones < 4 g / 24 h Stade II Aucun critère du stade III Pas tous les critères du stade I Stade III Au moins un des critères suivants Hémoglobine < 8.5 g/dl Calcémie > 3mmoles/l Plus de 3 lésions osseuses radiologiques Pic élevé IgG > 70 g/l ou IgA > 50 g/l ou Bence-Jones > 12 g/24 h Médiane de survie (chimiothérapie conventionnelle) > 72 mois 52 mois 28 mois Facteurs pronostiques liés à l’intensité de la prolifération tumorale Bien que le myélome soit majoritairement constitué de cellules en interphase, le pourcentage de cellules proliférantes est un facteur pronostique majeur. Il peut être estimé sur : - l’index cinétique (IC) ou labeling index qui est le pourcentage de plasmocytes myélomateux en phase S. Plus l’IC est élevé, plus courte est la survie, la valeur seuil permettant de déterminer un groupe de mauvais pronostic étant de 1 %. Les patients ayant un IC élevé (> 2 %) ont en général une bonne réponse initiale à la chimiothérapie (réduction de plus de 50 % de la masse Evolution et pronostic La médiane de survie sans traitement des patients atteints de myélome est de l’ordre de 1 an ; elle est de 2.5 à 3.5 ans pour les patients traités par chimiothérapie conventionnelle. Il existe en fait une grande variabilité du pronostic selon les patients, ce qui a conduit à rechercher des facteurs pronostiques. La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 Stade 257 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:29 Page 41 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. tumorale en moins de 3 mois) mais avec une durée de réponse courte et une survie de moins de 18 mois. - Le taux sérique d’interleukine-6 est corrélé à la prolifération tumorale avec une valeur pronostique seuil de l’ordre de 7 pg/µl. - Le taux de C réactive protéine (CRP). La production hépatique de CRP est contrôlée par l’IL-6 in vivo. Il existe une corrélation entre le taux de CRP et l’intensité de la prolifération tumorale. La valeur pronostique seuil de la CRP est 6 mg/l. Les patients qui ont une CRP supérieure à 6 mg/l ont une survie deux fois plus courte que ceux ayant une CRP normale (médianes de survie : 21 vs 48 mois). Tableau 4 Classifications pronostiques prenant en compte masse tumorale et prolifération. Table 4 : Prognostic classification taking into account tumoral masse and proliferation. A - Classification de Greipp ( ß2 microglobuline et index cinétique IC) Facteurs pronostiques liés aux caractéristiques du clone plasmocytaire Certaines caractéristiques biologiques du clone plasmocytaire peuvent avoir une incidence majeure sur le pronostic et devraient donc être prises en compte. Ces anomalies biologiques peuvent exister au diagnostic ou apparaître au cours de l’évolution, annonçant alors une aggravation de la maladie. • La cytogénétique : la présence d’anomalies chromosomiques clonales (anomalies des chromosomes 1, 11, 14, translocation (11,14)) est un facteur de mauvais pronostic. •- L’immunophénotype : le phénotype des plasmocytes myélomateux est variable, associant des marqueurs assez spécifiques (CD 38 ++, CD 138 +) et l’expression inconstante de marqueurs pan B (CD 19, CD 20, HLA DR) et de molécules d’adhésion (CD 56, CD 49e ou VLA-5). Deux profils phénotypiques de mauvais pronostic ont été identifiés : - une population pré B, IL-6 indépendante et très proliférative : CD38+, CD 56+, CD 19- ; - une population plasmoblastique IL-6 dépendante CD 38+, VLA-5 (CD49e-). • La biologie moléculaire permet de mettre en évidence des mutations, évènements oncogéniques se traduisant par une plus forte agressivité tumorale et l’acquisition d’une chimiorésistance. On peut citer : - les mutations de l’oncogène ras, présentes chez 30 % des patients, se traduisant par une croissance indépendante de l’IL-6 ; - les mutations du gène suppresseur Rb, qui favorisent l’entrée en phase S ; - l’inactivation du gène p 53, qui entraine l’apparition d’une chimiorésistance ; - la surexpression de c-myc, de bcl-2. Il semble maintenant difficile de se contenter de la classification de Salmon et Durie pour évaluer le pronostic d’un patient ou comparer des patients dans le cadre d’essais cliniques. L’établissement et la validation de La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 Grade de malignité Paramètres Médiane de survie (chimiothérapie conventionnelle) Faible IC < 1 % ß2 microglobuline < 2.7 mg/l 71 mois Intermédiaire IC ≥ 1 % ß2 microglobuline ≤ 2.7 mg/l 40 mois Haut IC > 1 % ß2 microglobuline > 2.7 mg/l 16 mois B - Classification de Bataille (ß2 microglobuline et C Reactive protéine : CRP) Critères ß2 microglobuline et CRP < 6 mg/l ß2 microglobuline ou CRP > 6 mg/l ß2 microglobuline et CRP > 6 mg/l Médiane de survie (chimiothérapie conventionnelle) 54 mois 27 mois 6 mois classifications pronostiques prenant en compte la masse tumorale et la prolifération tumorale sont en cours (tableau 4). Traitement du myélome du sujet âgé Le traitement du myélome des sujets âgés repose avant tout sur la chimiothérapie à doses conventionnelles, à laquelle il peut être utile d’associer certains traitements complémentaires. Dans le myélome, la réponse est définie comme l’obtention d’une diminution d’au moins 50 % du taux initial du pic monoclonal, alors que la rémission complète est définie comme la disparition du pic monoclonal et de la plasmocytose médullaire. Les traitements chimiothérapiques conventionnels utilisés chez le sujet âgé ne permettent qu’exceptionnellement d’obtenir une rémission complète. Les éléments permettant d’évaluer leur efficacité sont donc le taux de réponse et la durée de survie. Chimiothérapie Du fait de leur faible évolutivité, certaines formes cliniques de myélome ne nécessitent pas de traitement 258 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:29 Page 42 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. immédiat, mais une surveillance clinico-biologique régulière, semestrielle. Ainsi, la chimiothérapie n’est pas indiquée ni dans les myélomes rampants (ou smoldering myeloma) ni dans les myélomes de faible masse tumorale (stade I dans la classification de Salmon et Durie ou myélome à CRP et ß2 microglobuline basses dans la classification de Bataille). La chimiothérapie ne sera introduite qu’ultérieurement, en cas d’évolutivité. De même, la prise en compte des pathologies associées, en particulier neuro-dégénératives, doit pondérer les indications de chimiothérapie chez les patients âgés atteints de myélome, surtout chez les plus de 80 ans. La chimiothérapie classiquement proposée dans le traitement du myélome est l’association orale melphalan prednisone (M-P) selon le schéma d’Alexanian : * Melphalan 0.25 mg / kg / j ou 10 mg / m2 / j * Prednisone 2 mg / kg / j ou 60 mg / m2 / j par cures de quatre jours consécutifs, les cures étant espacées de 4 à 6 semaines selon la toxicité hématologique. Chez les patients les plus âgés (> 80 ans), ou insuffisants rénaux chroniques, la toxicité hématologique du melphalan peut être importante. Il est alors recommandé d’effectuer la première cure à demi-dose de melphalan et, en cas de bonne tolérance hématologique, d’augmenter progressivement la posologie du melphalan jusqu’à effectuer la troisième ou quatrième cure à doses pleines. La chimiothérapie doit être poursuivie 4 à 6 mois après obtention du plateau, soit en règle une durée totale de traitement de 12 à 18 mois. On définit la phase de plateau comme la réponse maximale obtenue, avec stabilisation du pic. La chimiothérapie n’est réintroduite qu’après avoir constaté une reprise évolutive (myélome en rechute). L’association melphalan-prednisone reste donc le traitement de première ligne de référence du myélome du sujet âgé, auquel on doit comparer les nouvelles approches thérapeutiques. Lors de la rechute, la chimiothérapie initiale est réintroduite. On obtient alors des taux de réponse de l’ordre de 50 %, mais avec des réponses de moins bonne qualité et moins durables que les réponses initiales. Dans les myélomes réfractaires au M-P, initialement ou lors de la rechute, on peut proposer l’association VAD : * Vincristine 0.4 mg / j en intra-veineux continu, 4 jours toutes les 4 à 6 semaines. * Adriamycine 9 mg / m2 / j en intra-veineux continu, 4 jours toutes les 4 à 6 semaines. * Dexaméthasone 40 mg / j per os, 4 jours par semaine qui permet d’obtenir des taux de réponse de 40 à 50 %. La durée médiane de réponse est de l’ordre de 1 an. L’emploi d’une polychimiothérapie de type VAD est assez difficile chez les patients âgés. En effet, outre les contraintes liées à l’administration intra-veineuse continue, la morbidité, en particulier infectieuse et hématologique, est très importante. De nouveaux agents de chimiothérapie sont à l’étude dans le traitement du myélome du sujet âgé. L’idarubicine est sûrement une des molécules les plus intéressantes. Il s’agit d’une anthracycline disponible sous forme orale, dont la tolérance, en particulier cardiaque, est bonne chez les patients agés. Des protocoles associant idarubicine et dexaméthasone orales sont en cours. Les résultats préliminaires sont encourageants, avec des taux de réponse de l’ordre de 60 % et une toxicité qui ne semble pas supérieure à celle de l’association melphalan-prednisone. La chimiothérapie par melphalan-prednisone permet d’obtenir une réponse chez 50 à 60 % des patients et des médianes de survie d’environ 3 ans. Traitements associés à la chimiothérapie Si la chimiothérapie est un élément essentiel du traitement du myélome du sujet âgé, des traitements associés sont utiles et permettent d’optimiser la prise en charge thérapeutique des patients. •Biphosphonates : ils sont de puissants médicaments anti-ostéoclastiques. Dans des études randomisées contre placebo, associés à la chimiothérapie conventionnelle, ils diminuaient la fréquence de survenue des complications osseuses du myélome : douleurs osseuses, évènements fracturaires. Cet effet positif était retrouvé chez les patients âgés. De plus, un effet anti-tumoral direct des biphosphonates est suggéré par des données in vitro (cytotoxicité directe du pamidronate sur les plasmocytes monoclonaux en culture) et in vivo (survie prolongée des patients atteints de myélome réfractaire au M-P en cas Des protocoles de polychimiothérapie associant au M-P diverses drogues (anthracyclines, cyclophosphamide, vincristine, CCNU…) ont été proposés comme traitement alternatif au M-P. Une méta-analyse reprenant les études randomisées comparant M-P et polychimiothérapie comme traitement de première intention dans le myélome a conclu à l’absence de différence en terme de survie. Bien qu’il n’y ait pas eu d’analyse stratifiée selon l’âge des patients, ce résultat semble applicable aux sujets âgés. En effet, la plupart des études randomisées comparant M-P et polychimiothérapie dans le traitement du myélome des sujets âgés concluent à un taux de réponse souvent plus élevé dans le bras polychimiothérapie mais à une absence de gain en terme de survie. La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 259 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:30 Page 43 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. d’association du pamidronate à la chimiothérapie de seconde ligne). Les biphosphonates sont donc tout à fait indiqués dans le traitement du myélome des sujets âgés. On peut préférer les biphosphonates par voie intra-veineuse (pamidronate : une perfusion mensuelle de 90 mg) aux biphosphonates oraux (clodronate : 300 mg / j) en particulier à cause de leur meilleure biodisponibilité. bénéficieront de nouvelles modalités thérapeutiques permettant d’améliorer le pronostic de la maladie. Autogreffe dans le traitement du myélome des sujets âgés Au cours de la dernière décennie, l’utilisation de chimiothérapie intensive en association avec une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques a modifié le traitement du myélome des patients de moins de 60 ans, permettant d’obtenir des médianes de survie de plus de cinq ans. Chez les patients plus âgés, le traitement par autogreffe comporte des difficultés : - recueil plus difficile du greffon, du fait des modifications de l’hématopoïèse liées au vieillissement ; - prise de greffe plus difficile, et donc risque d’aplasie prolongée ; - toxicité plus importante de la chimiothérapie intensive. Des protocoles d’autogreffe ont été réalisés chez des patients de plus de 65 ans très sélectionnés et ont montré une mortalité initiale supérieure (9 % vs 1 %) et des taux de rémission complète inférieurs (20 % vs 36 %) à ceux observés chez les patients de moins de 60 ans. Les techniques d’expansion in vitro des greffons médullaires autologues permettent de supprimer la phase d’aplasie post chimiothérapie intensive. Elles pourraient, dans un proche avenir, permettre d’étendre l’indication des autogreffes aux patients de plus de 65 ans atteints de myélome. • Dexaméthasone : elle a, dans le myélome, à la fois un effet anti-ostéoclastique et un effet cytotoxique antitumoral. A des posologies de 20 mg/m2/j durant 4 jours par mois, elle a été employée comme agent anti-tumoral dans le myélome avec des taux de réponse de l’ordre de 40 % et des médianes de survie de plus de 2.5 ans. Son absence de toxicité hématologique est malheureusement contrebalancée par la fréquence, chez le sujet âgé, des complications infectieuses et métaboliques (intolérance aux glucides surtout). La dexaméthasone peut être indiquée comme traitement initial chez des patients ayant une pancytopénie liée à l’envahissement médullaire plasmocytaire, ou pour obtenir un effet antalgique rapide en cas de lésions osseuses multiples symptomatiques • Radiothérapie : les tumeurs plasmocytaires sont radiosensibles. La radiothérapie est donc indiquée chez des sujets âgés atteints de myélome en cas de lésion osseuse pré-fracturaire des os longs. Elle est également efficace en cas d’atteinte vertébrale avec épidurite compressive mais doit alors impérativement être associée à une corticothérapie. Nouvelles approches thérapeutiques du myélome Les nouvelles approches thérapeutiques du myélome sont pour la plupart des applications des nouvelles connaissances de la physiopathologie de la maladie. On peut citer : - les anticorps anti IL-6 qui, dans des myélomes réfractaires, ont démontré une efficacité anti-tumorale certaine mais de courte durée ; - la vaccination anti idiotype, visant à restaurer et stimuler l’immunité anti-tumorale, l’antigène tumoral sensibilisateur étant l’idiotype monoclonal ; - l’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre des antigènes membranaires assez spécifiques des plasmocytes myélomateux, comme les anticorps anti-CD 38. Ces techniques ne semblent pas devoir se substituer à la chimiothérapie mais constituent plutôt des traitements post-chimiothérapiques, visant à diminuer la maladie résiduelle. Enfin, la découverte du rôle que joue dans la physiopathologie du myélome l’infection par HHV8 des cellules dendritiques médullaires est à l’origine d’essais préliminaires de traitements anti-viraux dans le myélome. ■ • Interféron α : son utilisation dans le traitement du myélome repose sur son action anti-plasmocytaire constatée in vitro : inhibition de la croissance plasmocytaire et cytotoxicité directe. Au cours des quinze dernières années, l’interféron α a été proposé comme traitement de maintenance du myélome, durant la phase de plateau. La plupart des études randomisées contre placebo ont conclu à une absence d’efficacité en termes de survie, même si la phase de plateau était souvent prolongée. De même, l’association initiale chimiothérapie - interféron α n’a pas de résultats supérieurs à ceux des traitements chimiothérapiques classiques. La tolérance cardiaque, neuropsychiatrique et hématologique de l’interféron α est médiocre chez les patients âgés et son utilisation comme traitement de maintenance du myélome ne semble donc pas avoir d’intérêt. Traitements d’avenir On peut raisonnablement penser qu’au cours de la prochaine décennie, les patients âgés atteints de myélome La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 260 042016 EDIMEDICA Doc Avril 2000 30/11/00 17:30 Page 44 Myélome et dysglobulinémie monoclonale. BIBLIOGRAPHIE _______________________________ 3 - Parmi les situations suivantes, lesquelles sont de bonnes indications à un traitement chimiothérapique par melphalan - prednisone A- Myélome de stade I chez un patient de 70 ans sans pathologie associée B- Gammapathie monoclonale de signification indéterminée avec un pic à 50 g/l C- Myélome de stade III chez une femme de 78 ans sans pathologie associée D- Myélome de stade II chez un patient de 50 ans E- Myélome en rechute, auparavant sensible au melphalan, chez un patient de 75 ans 1- KYLE R.: A. Monoclonal gammopathy of undetermined significance and solitary plasmocytoma. Hematol Oncol Clin North Am 1997 ; 11, 1 : 71 - 87. 2 - BALDINI L., GUFFANTI A., CESANA B. M.: Role of different hematologic variables in defining the risk of malignant transformation in monoclonal gammopathy. Blood 1996 ; 87 : 912 - 919. 3 - KLEIN B.: Cytokine, cytokine receptors, transduction signals, and oncogenes in human multiple myeloma. Sem Hematology 1995 ; 32, 1 : 4 - 19. 4 - PAULE B.: Facteurs pronostiques du myélome multiple. Ann Med Interne 1997 ; 148, 8 : 534 - 541 5 - GAUTIER M., COHEN H. J.: Multiple myeloma in the elderly. JAGS 1994 ; 42 : 653 - 664. 6 - ANDERSON K. C., HAMBLIN T. J., TRAYNOR A.: Management of multiple myeloma today. Sem hematol 1999 ; 36, 1, sup 3 : 9 - 13. 4 - Parmi les éléments suivants, lesquels sont des facteurs de mauvais pronostic au cours du myélome ? A- Hypercalcémie à 3 mmoles/l B- Anémie à 8 g/dl C- Antécédent de gammapathie monoclonale de signification indéterminée D- Effondrement des immunoglobulines polyclonales normales E- Taux de C reactive proteine élevé à 20 mg/l QCM - MYÉLOME ET DYSGLOBULINÉMIE MONOCLONALE _______________________________ 5 - Parmi les pathologies suivantes, lesquelles peuvent s’accompagner d’une immunoglobuline monoclonale A- Amylose B- Leucémie lymphoïde chronique C- Maladie de Vaquez D- Leucémie myéloïde chronique E- Lymphome non hodgkinien 1 - Devant un pic monoclonal de découverte fortuite, lequel (lesquels) des éléments suivants permet(tent) d’éliminer formellement le diagnostic de gammapathie monoclonale de signification indéterminée ? A- Pic monoclonal à 35 g/l B- Plasmocytose médullaire à 18 % avec présence de plasmocytes dystrophiques C- Présence d’une protéinurie de Bence-Jones D- Géodes à l’emporte pièce sur la radio du crâne E- Effondrement des immunoglobulines polyclonales normales 2 - Laquelle (lesquelles) des propositions suivantes vous paraît (ssent) correspondre au bon suivi d’une gammapathie monoclonale de signification indéterminée ? A- Surveillance clinique mensuelle B- Consultation rapide en cas de survenue d’un tassement vertébral C- Myélogramme en cas de survenue d’une anémie inexpliquée D- Bilan biologique semestriel avec immunoélectrophorèse E- Myélogramme en cas de vitesse de sédimentation supérieure à 50 mm à la 1ère heure : : : : : BD BC CE ABE ABE 261 1 2 3 4 5 La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000 RÉPONSES QCM