Myélome et dysglobulinémie monoclonale

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Myélome et dysglobulinémie monoclonale
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PRÉPARATION AU CONCOURS
Myélome et dysglobulinémie monoclonale
Myeloma and monoclonal gammapathy
P. CHAÏBI*,**, L. MERLIN***, Y. MARTIN*, F. PIETTE*
RESUME ___________________________________
SUMMARY _________________________________
Chez les sujets âgés, la découverte d’une gammapathie monoclonale est une situation fréquente et peut
correspondre principalement à deux diagnostics :
myélome et gammapathie monoclonale de signification inconnue.
Les gammapathies monoclonales de signification
inconnue sont caractérisées par l’absence de tout
signe clinique, de retentissement osseux et hématologique et par une plasmocytose médullaire inférieure
à 10 %. Les gammapathies monoclonales de signification inconnue sont une pathologie monoclonale à
malignité réduite. Lors d’un suivi de plusieurs
années, un quart d’entre elles se compliquent d’une
hémopathie lymphoïde maligne, le plus souvent un
myélome. Aussi un suivi clinique et biologique régulier et soigneux est-il indispensable.
Le myélome est une des plus fréquentes hémopathies malignes des sujets âgés. Le diagnostic de myélome repose sur l’association d’une plasmocytose
médullaire supérieure à 10 % et d’un composant
monoclonal ou de lésions ostéolytiques. Au cours
des dernières annèes, la compréhension de sa physiopathologie a progressé, notamment en ce qui
concerne le rôle capital des interactions entre les
plasmocytes tumoraux et les cellules du stroma
médullaire. Les index de masse tumorale, classifica-
In elderly patients, finding of a serum monoclonal
protein is common and may lead to two diagnosis
mainly : monoclonal gammopathy of undetermined
significance and multiple myeloma.
Patients with monoclonal gammopathy of undetermined significance are clinically asymptomatic, have
no osteolytic lesions nor anemia and have fewer
than 10 % bone marrow plasma cells. Monoclonal
gammopathy of undetermined significance is a clonal disease with reduced malignancy. During a follow-up of more than ten years, twenty five per cent
of patients develop a lymphoïd malignancy, mainly
a myeloma. Although, a careful clinical and biological follow-up is needed in monoclonal gammopathy
of undetermined significance
Multiple myeloma is one of the most frequent hematological malignancies in elderly. Diagnosis of myeloma is based on the association of more than 10 %
bone marrow plasma cells and evidence of monoclonal component or bone lytic lesions. During past
years, there have been advances in understanding of
myeloma s pathogenesis, especially concerning
interactions between bone marrow plasma cells and
bone marrow stromal cells.
Tumoral mass index, as Salmon and Durie classification or ß 2 microglobulin, remain strong prognos-
* Service de Médecine Interne Gériatrique du Pr Piette, Hôpital Charles
Foix, 94200 Ivry.
** Service d’Hématologie Clinique Adultes du Pr Degos, Hôpital SaintLouis, Paris 75010.
*** Gériatre, 6 Place Fontaine du Temple, 06100 Nice.
Article reçu le 09.12.1999 - Accepté le 19.01.2000.
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tion de Salmon et Durie ou taux de ß 2 microglobuline, restent des facteurs pronostiques essentiels de
la maladie mais d’autres facteurs pronostiques ont
été récemment identifiés.
L’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques a
modifié le traitement du myélome chez les patients
de moins de 60 ans. Cependant, la chimiothérapie
conventionnelle de type melphalan-prednisone reste
le traitement de référence du myélome des sujets
âgés. Il semble utile de lui associer des traitements
de type biphosphonates, radiothérapie ou dexaméthasone. On peut espérer qu’au cours des prochaines années le traitement du myélome des sujets
âgés progressera grâce à de nouveaux protocoles de
chimiothérapie conventionnelle et à l’utilisation
chez ces patients des intensifications thérapeutiques
avec autogreffe ou de l’immunothérapie.
tic factors, but new prognostic factors have been
recently identified.
Autologous stem cell transplantation has modified
the treatment of young patients with multiple myeloma. However, conventional combination chemotherapy with melphalan - prednisone remains the
gold standard treatment in elderly patients with
myeloma. Treatments like biphosphonates, radiotherapy or dexamethasone may be usefully associated
to chemotherapy. It is reasonable to think that,
during next years, treatment of elderly patients with
myeloma will integrate new therapeutic approaches
as new conventional chemotherapy regimens, autologous stem cell transplantation or immunotherapy.
Mots-clés : Gammapathie monoclonale - Myélome Sujets âgés - Chimiothérapie.
Key words : Monoclonal gammopathy - Multiple
myeloma - Elderly - Chemotherapy.
L
nale : myélome, maladie de Waldenström, leucémie
lymphoïde chronique, lymphome non hodgkinien,
maladie de Hodgkin et amylose (figure 1).
GAMMAPATHIE MONOCLONALE DE
SIGNIFICATION INDÉTERMINÉE ______________
Epidémiologie
Les gammapathies monoclonales de signification indéterminée sont la première cause de dysglobulinémie
monoclonale, devant le myélome multiple et l’amylose.
(figure 1)
La prévalence des GMSI augmente avec l’âge. Elle est
de 1 % dans la population générale, de 1,5 à 2 % chez
les sujets âgés de plus de 50 ans, supérieure à 3 %
chez les sujets âgés de plus de 70 ans et peut atteindre
10 à 20 % chez des sujets âgés de plus de 80 ans.
La prévalence des GMSI varie également selon les ethnies (plus fréquentes chez les afro-américains que dans
la population générale aux Etats-Unis).
Des études rétrospectives cas-témoins ont confirmé que
l’exposition au pétrole et à ses dérivés, aux engrais, aux
pesticides, aux peintures et aux radiations était plus fréquente chez les patients porteurs d’une GMSI que dans
la population générale. Il est intéressant de noter que
ces mêmes facteurs environnementaux augmentent le
risque de survenue du myélome multiple.
a découverte d’un pic d’allure monoclonale à
l’électrophorèse des protides est une situation
fréquente en pathologie gériatrique. Elle peut
révéler principalement deux diagnostics : un myélome
multiple ou une gammapathie monoclonale dite bénigne.
Nous nous intéresserons à ces deux entités cliniques,
en insistant sur les éléments permettant leur diagnostic
différentiel, sur l’évolutivité possible et les modalités de
surveillance des gammapathies monoclonales dites
bénignes et sur les acquis récents concernant la physiopathologie et le traitement du myélome.
Le terme classique de gammapathie monoclonale
bénigne ne doit plus être employé au regard de leur
potentiel évolutif. On lui préfère celui de «gammapathie
monoclonale dite bénigne» ou «apparemment bénigne»
ou, selon le terme anglo-saxon, «gammapathie monoclonale de signification indéterminée (GMSI)».
On considère actuellement que les GMSI sont des
pathologies plasmocytaires monoclonales à malignité
réduite, pouvant évoluer lentement vers une hémopathie maligne lymphoïde, principalement un myélome.
Le diagnostic de GMSI est un diagnostic d’élimination.
La réalisation d’examens complémentaires doit éliminer les étiologies malignes de gammapathie monocloLa Revue de Gériatrie, Tome 25, N°4 AVRIL 2000
Diagnostic des gammapathies monoclonales de
signification indéterminée
Le caractère monoclonal de la gammapathie, suspecté
sur l’électrophorèse des protides, est confirmé par
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Lymphome non
hodgkinien et
leucémie
lymphoïde
chronique 2,5 %
hémopathie lymphoïde, d’une maladie de
Waldenström, d’une amylose), ou d’éléments cliniques
évocateurs d’une amylose primitive (macroglossie,
mono-, multi- ou polynévrite, organomégalie, hypotension orthostatique…).
C’est la normalité du bilan paraclinique qui permet
d’affirmer le diagnostic de la GMSI.
Ce bilan comprend :
- une numération formule sanguine, plaquettes,
- une vitesse de sédimentation
- un myélogramme
- une calcémie, un dosage de l’urée et de la créatinine,
- une recherche de protéinurie de Bence-Jones.
Waldenstrom 2 %
Plasmocytome
solitaire 2,5 %
Autre sauses 2 %
Amylose 8 %
Myélome multiple
21 %
Gammapathie
monoclonale de
signification
indéterminée
62 %
L’existence d’une plasmocytose médullaire supérieure à 10 % élimine formellement le diagnostic de
gammapathie monoclonale dite bénigne.
Il en est de même de la présence de lésions radiologiques d’ostéolyse ou d’une hypercalcémie en
l’absence de toute pathologie ostéolytique associée
(tableau 1).
Enfin, toute anomalie de la numération-formule sanguine non expliquée par une pathologie associée
doit aussi faire rejeter le diagnostic de GMSI.
Figure 1 : Etiologies des gammapathies monoclonales.
Figure 1 : Aetiologies of monoclonal gammapathies.
l’immuno-électrophorèse ou par l’immunofixation, plus
sensible. Au cours des GMSI, le pic monoclonal est
classiquement inférieur à 30 g/l.
La chaîne lourde est le plus souvent de type γ (70 à
75 %), parfois µ (15 à 20 %), plus rarement α ou biclonale (2 %). La chaîne légère est de type kappa dans
2/3 des cas et de type lambda dans 1/3 des cas.
Une protéinurie de Bence-Jones est retrouvée chez 5 à
10 % des patients porteurs d’une GMSI, mais elle est
rarement supérieure à 1 g/l . Son augmentation progressive est un argument essentiel contre le diagnostic
de GMSI.
Le taux des immunoglobulines normales polyclonales
est abaissé chez près d’un tiers des patients ayant une
GMSI et ne peut donc constituer un élément différentiel
avec un myélome.
- Le dosage de la ß 2 microglobuline ne présente pas
d’intérêt pour le diagnostic différentiel entre GMSI et
myélome car elle peut être élevée dans ces deux pathologies.
- De même, le taux sérique de l’interleukine-6 (IL-6) est
peu utile au diagnostic différentiel : en effet, s’il n’est que
très exceptionnellement élevé dans les GMSI (< 3 %), il
est normal dans 60 % des myélomes au moment diagnostic.
Une élévation de la vitesse de sédimentation, sans autre
signe biologique inflammatoire, peut être retrouvée et
est liée aux propriétés physiques du pic monoclonal,
qui favorisent la sédimentation érythrocytaire in vitro.
L’élément clinique essentiel est le caractère asymptomatique des GMSI. Leur découverte est donc fortuite.
L’examen clinique ne doit pas retrouver de douleur
osseuse (évocatrice de myélome multiple) d’hépatosplénomégalie ou de polyadénopathie (évocatrice d’une
Tableau 1 : Diagnostic différentiel entre gammapathie monoclonale de signiflication indéterminée (GMSI) et myélome.
Table 1 : Differential diagnosis between monoclonal gammapathy of
undetermined significance (MGUS) and myeloma.
Anomalie
Plasmocytose médullaire > 10%
Hémoglobine < 12 g/dl
Calcémie > 3 mmoles/l
Lésions osseuses radiologiques
Baisse des Ig polyclonales
Pic monoclonal
Protéinurie de Bence-Jones
Elévation Interleukine-6 sérique
Fréquence
dans GMSI
Fréquence
dans myélome
0%
0%
0%
0%
30 %
100 %
< 10 %
(en général < 1 g/24 h)
<3%
90 %
65 %
14 %
75 %
100 %
92 %
75 %
Gammapathies monoclonales et autres pathologies
Des gammapathies monoclonales peuvent être, en
dehors des GMSI et des hémopathies lymphoïdes
malignes, associées à d’autres pathologies.
40 %
(En gras, les anomalies dont la présence permet, en l’absence d’une étiologie
associée, d’éliminer le diagnostic de GMSI).
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Pathologies infectieuses :
* infections virales bénignes (cytomégalovirus, virus
d’Epstein-Barr, rougeole…) où la gammapathie sera
spontanément régressive ;
* infections virales graves : hépatites virales aigües et
chroniques B ou C ; infection par le VIH s’accompagnant
dans 10 % des cas d’une gammapathie monoclonale ;
* infections bactériennes profondes prolongées (abcès
profond, endocardite bactérienne).
Pathologies auto-immunes :
* lupus systémique, polyarthrite rhumatoïde, maladie de
Sjögren, vascularites (surtout périartérite noueuse).
Cirrhose hépatique.
Figure 2 : Evolution des gammapathies monoclonales de
signification indéterminée.
Figure 2 : Evolution of monoclonal gammapathies of undetermined
significance.
Hémopathies non lymphoïdes :
* myélodysplasies et en particulier leucémie myélomonocytaire chronique.
Ces associations restent anecdotiques (< 5 % des gammapathies monoclonales). Elles ne doivent pas faire
oublier que devant une gammapathie monoclonale, la
priorité est d’éliminer une hémopathie lymphoïde
maligne associée, avant tout un myélome.
Lorsqu’une hémopathie maligne apparaît, le type de
gammapathie reste le même.
Un myélome multiple secondaire à une GMSI ne se distingue d’un myélome de novo ni par le taux de réponse
aux traitements, ni par la médiane de survie (de l’ordre
de 3 ans).
Facteurs prédictifs de l’apparition d’une hémopathie
au cours des GMSI
Au diagnostic initial de GMSI, aucun élément (type de
la gammapathie, taux du pic, existence d’une protéinurie de Bence-Jones, plasmocytose médullaire, âge,
sexe…) n’est prédictif d’une évolution ultérieure vers
une hémopathie lymphoïde maligne.
Certaines études ont montré que les GMSI ayant un pic
inférieur à 15 g/l, une plasmocytose médullaire inférieure à 5 %, une absence de protéinurie de BenceJones et des taux normaux d’immunoglobulines polyclonales avaient un risque évolutif très faible.
Cependant, dans ces études, les durées de suivi des
patients n’étaient pas supérieures à 10 ans.
Le meilleur facteur prédictif de la survenue ultérieure
d’un myélome semble être l’existence de signes histologiques d’ostéolyse à la biopsie osseuse (présents dans
52 % des gammapathies évoluant vers un myélome et
dans seulement 4 % des gammapathies restant stables).
Cependant, il semble difficile de réaliser une biopsie
osseuse au cours de l’évaluation initiale de toute GMSI.
C’est en fait la modification rapide de certains paramètres biologiques lors du suivi d’une GMSI qui permet de prédire son évolutivité ultérieure, dans un
délai difficile à préciser.
Les meilleurs facteurs prédictifs de survenue d’une
hémopathie sont alors une élévation importante du pic
monoclonal (de plus de 50 %, ou à un taux supérieur à
30 g/l) et l’apparition d’une baisse des immunoglobulines polyclonales normales.
Evolution des gammapathies monoclonales de
signification indéterminée
Les études de suivi à long terme (10 à 30 ans) de
patients souffrant de GMSI montrent des résultats
concordants (figure 2) :
- dix à 15 % des GMSI n’ont aucune évolutivité ;
- chez environ 10 % des patients, le taux d’immunoglobuline monoclonale va dépasser 30 g/l, sans évolution
vers un myélome multiple ou une autre gammapathie
monoclonale maligne ;
- la moitié des patients porteurs de GMSI décèdent lors
du suivi, le décès n’étant pas lié à la gammapathie.
Ceci n’est guère étonnant vu l’âge moyen des patients
au diagnostic (de 64 à 70 ans selon les séries)
- surtout, on voit apparaître, lors du suivi, une hémopathie lymphoïde maligne chez un quart des patients
porteurs d’une GMSI.
Cette hémopathie est le plus souvent un myélome
multiple (68 %). Il peut s’agir d’une amylose primitive
(13 %), d’une maladie de Waldenstrom (11 %) ou,
dans 8 % des cas, d’un lymphome non hodgkinien
ou d’une leucémie lymphoïde chronique.
A compter du diagnostic de GMSI, le délai médian de
survenue d’une hémopathie lymphoïde maligne est de
l’ordre de 10 ans. L’incidence actuarielle des hémopathies lymphoïdes malignes est de 15 % à 10 ans du diagnostic initial de GMSI, de 25 % à 15 ans et de 40 % à
25 ans.
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Surveillance d’une gammapathie monoclonale
de signification indéterminée
Du fait de leur potentiel évolutif et de l’absence de facteurs prédictifs clairement définis, le suivi des GMSI
doit être rigoureux.
Pour les gammapathies monoclonales à faible risque
évolutif (pic inférieur à 15 g/l, pas de baisse des immunoglobulines polyclonales, pas de protéinurie de BenceJones) la surveillance peut être annuelle. Pour les GMSI
ne répondant pas à tout ces critères, on recommande
un suivi semestriel.
L’évaluation d’une GMSI comporte :
- un examen clinique à la recherche de tout signe
d’hémopathie associée ;
- une numération formule sanguine, une calcémie, une
créatininémie et une mesure du pic monoclonal par
électrophorèse des protides.
On complète ce bilan par une recherche de protéinurie
de Bence-Jones et un myélogramme en cas d’apparition de signes cliniques ou biologiques évocateurs d’une
hémopathie associée ou en cas de majoration significative du pic (augmentation de plus de 50 % ou > 30
g/l).
Il est important d’expliquer au patient que la GMSI est
une anomalie bénigne mais ayant un risque évolutif (de
l’ordre de 25 %) à long terme (> 10 ans) afin que son
adhésion au suivi soit bonne.
De même, il est capital de recommander au patient de
consulter rapidement en cas de symptome pouvant
évoquer une hémopathie associée (asthénie, pâleur,
douleurs osseuses, paresthésies…). En effet, l’apparition d’une hémopathie associée, et plus particulièrement d’un myélome, peut être brutale.
Physiopathologie
Aux stades initiaux du myélome, la croissance tumorale
se fait surtout par accumulation cellulaire et repose sur
l’inhibition de l’apoptose. L’évolution de la maladie est
marquée par des modifications phénotypiques, cytogénétiques et moléculaires des cellules myélomateuses.
Ces modifications se traduisent par une capacité croissante de prolifération du clone plasmocytaire.
Origine du clone plasmocytaire
Le précurseur du clone plasmocytaire est un lymphocyte B mémoire, ayant été activé dans les centres germinatifs ganglionnaires ou spléniques. L’événement critique initial survient lors du réarrangement de la région
du chromosome 14 codant pour les gènes des chaines
lourdes des immunoglobulines.
La cellule clonale initiale , prémédullaire, circule dans le
sang et va se loger dans la moelle osseuse. Cette fixation médullaire est possible grâce à des interactions
entre des antigènes membranaires plasmocytaires (en
particulier VLA-4) et des molécules d’adhésion présentes sur les cellules du stroma médullaire et dans la
matrice médullaire extracellulaire.
L’activation des plasmocytes monoclonaux est provoquée
par des interactions entre certains de leurs antigènes
membranaires, en particulier le CD 40, et leurs ligands
présents dans le stroma médullaire. Cette activation aboutit à l’expression membranaire de molécules d’adhésion
qui vont renforcer le contact entre plasmocytes et cellules
du stroma médullaire et favoriser leurs interactions.
Interactions clone plasmocytaire et stroma médullaire (figure 3)
Au cours des dernières années, de nombreux auteurs
ont insisté sur l’importance des interactions entre
stroma médullaire et plasmocytes dans la physiopathologie du myélome.
Ces interactions mettent en jeu de nombreuses cytokines dont les plus importantes sont :
- L’interleukine-1ß (IL-1ß) sécrétée par les plasmocytes
myélomateux. Les plasmocytes ne produisent jamais
d’IL-1 ß à l’état normal et exceptionnellement lors des
GMSI. L’apparition d’une production d’IL-1 ß par les
plasmocytes semble être un événement initial et essentiel de l’évolution d’une GMSI vers un myélome.
L’IL-1 ß est le principal facteur activant les ostéoclastes.
Elle stimule la différenciation ostéoclastique des CFUGM médullaires et la production d’enzymes ostéolytiques par les ostéoclastes. Elle joue aussi un rôle essentiel dans l’expression des molécules d’adhésion par les
plasmocytes. Enfin, l’IL-1 ß stimule la sécrétion d’IL-6
par les cellules du stroma médullaire.
MYÉLOME ______________________________________
Le myélome est une pathologie fréquente : il représente 1 % de l’ensemble des pathologies malignes et
10 % des hémopathies malignes.
C’est une pathologie touchant préférentiellement les
sujets âgés. L’incidence annuelle du myélome est 15
fois plus élevée chez les patients de plus de 80 ans
(60/100 000) que dans la population générale. Lors du
diagnostic de myélome, 75 % des patients sont âgés de
plus de 60 ans et 45 % de plus de 70 ans.
Les quinze dernières années ont été marquées par une
meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques du myélome, par l’identification de nouveaux facteurs pronostiques et par des avancées thérapeutiques : emploi des biphosphonates, clarification du
rôle de l’interféron, intensification thérapeutique avec
autogreffe.
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moelle de patients atteints de myélome. Cependant, les
cellules infectées par HHV8 ne sont pas les plasmocytes monoclonaux mais des cellules du stroma médullaire, les cellules dendritiques. L’infection des cellules
dendritiques médullaires par l’HHV8 semble être un
des évènements critiques aboutissant au développement d’un myélome.
Diagnostic
Les symptomes révélateurs du myélome sont souvent
liés à l’atteinte osseuse : douleurs osseuses rachidiennes
ou thoraciques, souvent d’horaire mécanique ; perte de
taille par tassements vertébraux ; complications
osseuses : fracture d’os long, tassement vertébral éventuellement compliqué de compression neurologique,
hypercalcémie.
Les complications rénales ou infectieuses du myélome
sont plus rarement révélatrices
Lors du diagnostic de myélome, des anomalies biologiques et radiologiques sont fréquentes (tableau 2) et
peuvent être révélatrices.
En dehors des signes d’atteinte osseuse, l’examen clinique est pauvre. On peut retrouver une asthénie, isolée ou due à une anémie. Une hépatomégalie ou une
splénomégalie n’est présente que dans 5 à 10 % des
cas. Les plasmocytomes extramédullaires sont exceptionnels, surtout de localisation pulmonaire ou cutanée.
Le myélome est diagnostiqué devant l’association.
- D’une prolifération plasmocytaire : plasmocytose
médullaire > 10 %, avec plasmocytes anormaux, ou
tumeur plasmocytaire (plasmocytome) osseuse ou
extra-osseuse.
- Et d’au moins une de ces 3 anomalies :
- immunoglobuline monoclonale (en général supérieure à 30 g/l),
- protéinurie de Bence-Jones,
- lésions ostéolytiques.
Figure 3 : Physiopathologie du myélome Interactions plasmocyte - stroma médullaire.
Figure 3 : Physiopathology of myeloma. Plasmocyte - medullary stroma interaction.
- L’interleukine-6 (IL-6) est principalement sécrétée par
les cellules du stroma médullaire. Sa sécrétion est activée par l’adhésion des plasmocytes à celles-ci.
L’IL-6 joue le rôle d’un facteur de survie tumorale en
inhibant l’apoptose des plasmocytes monoclonaux. Elle
stimule aussi la prolifération plasmocytaire et constitue
un véritable facteur de croissance tumorale.
L’hypothèse d’une sécrétion autocrine d’IL-6 semble
aujourd’hui écartée.
- Le TGF- ß1 est synthétisé par les plasmocytes myélomateux. Il joue un rôle dans l’immunodéficience humorale et cellulaire des patients atteints de myélome en
inhibant les cellules immunitaires normales (lymphocytes B, T et natural-killer) et les macrophages. De
plus, il stimule la production d’IL-6 par les cellules du
stroma médullaire.
Tableau 2 : Fréquence des anomalies biologiques et radiologiques au diagnostic de myélome.
Table 2 : Frequency of biological and radiological anomalies in the
diagnosis of myeloma.
Myélome et Herpes Hominis virus 8 (HHV8)
L’herpes hominis virus 8 (HHV8) possède un gène viral
analogue de celui de l’IL-6. L’HHV8 a été mis en évidence dans les cellules malignes de pathologies tumorales (sarcome de Kaposi, syndrome de Castleman,
lymphome des séreuses) dans lesquelles l’IL-6 est un
facteur de croissance tumorale important. C’est la raison pour laquelle on a évoqué l’hypothèse de son intervention au cours du myélome.
Au cours des dernières années, de nombreuses équipes
ont mis en évidence la présence d’HHV8 dans la
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Anomalie
Hémoglobine < 12 g/dl
Calcémie > 3 mmoles/l
Créatinine > 180 µmoles/l
Pic monoclonal
Protéinurie de Bence-Jones
Lésions osseuses radiologiques
Plasmocytose médullaire> 10 %
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Fréquence %
65
14
23
92
75
75
90
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Le myélogramme est donc indispensable au diagnostic de myélome.
L’étude cytologique des plasmocytes met en évidence
des anomalies évocatrices de leur caractère malin (asynchronisme de maturation nucléo-cytoplasmique, divisions multiples). L’aspect cytologique des plasmocytes
monoclonaux myélomateux n’est pas univoque : il peut
s’agir de petits plasmocytes matures ou de grandes cellules peu différenciées, d’aspect plasmoblastique. Le
caractère monoclonal des plasmocytes est démontré
par la mise en évidence par immunocytochimie d’une
immunoglobuline intra-cytoplasmique monotypique.
Facteurs pronostiques liés à la masse tumorale
C’est avant tout la classification de Salmon et Durie
(tableau 3), qui permet d’évaluer la masse tumorale à
partir de paramètres clinico-biologiques simples. Bien
qu’ancienne, cette classification garde une certaine
valeur mais ne doit pas être le seul facteur pronostique
pris en compte.
Le taux sérique de ß2 microglobuline est corrélé à
l’importance de la masse tumorale myélomateuse et
est, en analyse multivariée, un facteur pronostique de la
survie indépendant. Le seuil de signification pronostique varie selon les études (4 ou 6 mg/l).
Plusieurs formes cliniques de myélome méritent
d’être connues :
- Le smoldering myeloma ou « myélome rampant» est
un myélome (plasmocytose médullaire > 10 % et pic
monoclonal > 30 g/l) de découverte fortuite car asymptomatique. Il est caractérisé par l’absence de signe clinique, de complication (pas d’insuffisance rénale,
d’anémie ni d’hypercalcémie) et de lésion osseuse
radiologique. Son pronostic est bon et il ne nécessite
qu’une surveillance clinique et biologique, jusqu’à apparition d’une évolutivité.
- La leucémie à plasmocytes est caractérisée par une
plasmocytose circulante (supérieure à 2000 / mm3 ou
à 20 % de la leucocytose). Elle peut être secondaire
(évolution terminale de 1 à 2 % des myélomes) ou plus
rarement primitive. Il s’agit d’une forme dramatique,
dont le traitement, associant polychimiothérapies
lourdes et autogreffe(s), se solde souvent par un échec
- Le syndrome POEMS est une entité rare associant un
myélome (M), le plus souvent ostéocondensant, et des
manifestations paranéoplasiques neurologiques (P :
polyneuropathie démyélinisante), cutanées (S = skin :
lésions pigmentaires, hypertrichose, angiomatose du
tronc), endocriniennes (E : anomalies surrénaliennes,
déficit gonadotrope, dysthyroïdies) et une organomégalie (O : hépatomégalie dans 50 % des cas, splénomégalie, adénopathies …). L’insuffisance rénale et l’hypercalcémie sont rares. Une hyperplaquettose est fréquemment associée. Le myélogramme est souvent non
contributif et c’est la biopsie de lésions osseuses
condensantes qui permet de mettre en évidence la plasmocytose médullaire.
Tableau 3 : Classification pronostique de Salmon et Durie.
Table 3 : Prognostic classification of Salmon and Durie.
Critère
Stade I
Tous les critères suivants
- Hémoglobine ≥ 10 gdI
- Pas de lésion osseuse radiologique
ou plasmocytome isolé
- Calcémie normale
- Pic faible
IgG < 50 g/l ou Ig A < 30 g/l
et Bence-Jones < 4 g / 24 h
Stade II
Aucun critère du stade III
Pas tous les critères du stade I
Stade III Au moins un des critères suivants
Hémoglobine < 8.5 g/dl
Calcémie > 3mmoles/l
Plus de 3 lésions osseuses radiologiques
Pic élevé
IgG > 70 g/l ou IgA > 50 g/l
ou Bence-Jones > 12 g/24 h
Médiane de survie
(chimiothérapie
conventionnelle)
> 72 mois
52 mois
28 mois
Facteurs pronostiques liés à l’intensité de la prolifération tumorale
Bien que le myélome soit majoritairement constitué de
cellules en interphase, le pourcentage de cellules proliférantes est un facteur pronostique majeur. Il peut être
estimé sur :
- l’index cinétique (IC) ou labeling index qui est le pourcentage de plasmocytes myélomateux en phase S. Plus
l’IC est élevé, plus courte est la survie, la valeur seuil
permettant de déterminer un groupe de mauvais pronostic étant de 1 %. Les patients ayant un IC élevé (> 2
%) ont en général une bonne réponse initiale à la chimiothérapie (réduction de plus de 50 % de la masse
Evolution et pronostic
La médiane de survie sans traitement des patients
atteints de myélome est de l’ordre de 1 an ; elle est de
2.5 à 3.5 ans pour les patients traités par chimiothérapie conventionnelle. Il existe en fait une grande variabilité du pronostic selon les patients, ce qui a conduit à
rechercher des facteurs pronostiques.
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Stade
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tumorale en moins de 3 mois) mais avec une durée de
réponse courte et une survie de moins de 18 mois.
- Le taux sérique d’interleukine-6 est corrélé à la prolifération tumorale avec une valeur pronostique seuil de
l’ordre de 7 pg/µl.
- Le taux de C réactive protéine (CRP). La production
hépatique de CRP est contrôlée par l’IL-6 in vivo. Il
existe une corrélation entre le taux de CRP et l’intensité de la prolifération tumorale. La valeur pronostique
seuil de la CRP est 6 mg/l. Les patients qui ont une
CRP supérieure à 6 mg/l ont une survie deux fois plus
courte que ceux ayant une CRP normale (médianes de
survie : 21 vs 48 mois).
Tableau 4 Classifications pronostiques prenant en compte
masse tumorale et prolifération.
Table 4 : Prognostic classification taking into account tumoral masse
and proliferation.
A - Classification de Greipp ( ß2 microglobuline et index cinétique IC)
Facteurs pronostiques liés aux caractéristiques du
clone plasmocytaire
Certaines caractéristiques biologiques du clone plasmocytaire peuvent avoir une incidence majeure sur le pronostic et devraient donc être prises en compte. Ces
anomalies biologiques peuvent exister au diagnostic ou
apparaître au cours de l’évolution, annonçant alors une
aggravation de la maladie.
• La cytogénétique : la présence d’anomalies chromosomiques clonales (anomalies des chromosomes 1, 11,
14, translocation (11,14)) est un facteur de mauvais
pronostic.
•- L’immunophénotype : le phénotype des plasmocytes
myélomateux est variable, associant des marqueurs
assez spécifiques (CD 38 ++, CD 138 +) et l’expression inconstante de marqueurs pan B (CD 19, CD 20,
HLA DR) et de molécules d’adhésion (CD 56, CD 49e
ou VLA-5). Deux profils phénotypiques de mauvais
pronostic ont été identifiés :
- une population pré B, IL-6 indépendante et très proliférative : CD38+, CD 56+, CD 19- ;
- une population plasmoblastique IL-6 dépendante CD
38+, VLA-5 (CD49e-).
• La biologie moléculaire permet de mettre en évidence
des mutations, évènements oncogéniques se traduisant
par une plus forte agressivité tumorale et l’acquisition
d’une chimiorésistance. On peut citer :
- les mutations de l’oncogène ras, présentes chez 30 %
des patients, se traduisant par une croissance indépendante de l’IL-6 ;
- les mutations du gène suppresseur Rb, qui favorisent
l’entrée en phase S ;
- l’inactivation du gène p 53, qui entraine l’apparition
d’une chimiorésistance ;
- la surexpression de c-myc, de bcl-2.
Il semble maintenant difficile de se contenter de la classification de Salmon et Durie pour évaluer le pronostic
d’un patient ou comparer des patients dans le cadre
d’essais cliniques. L’établissement et la validation de
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Grade de malignité
Paramètres
Médiane de survie
(chimiothérapie
conventionnelle)
Faible
IC < 1 %
ß2 microglobuline < 2.7 mg/l
71 mois
Intermédiaire
IC ≥ 1 %
ß2 microglobuline ≤ 2.7 mg/l
40 mois
Haut
IC > 1 %
ß2 microglobuline > 2.7 mg/l
16 mois
B - Classification de Bataille (ß2 microglobuline et C Reactive protéine :
CRP)
Critères
ß2 microglobuline et CRP < 6 mg/l
ß2 microglobuline ou CRP > 6 mg/l
ß2 microglobuline et CRP > 6 mg/l
Médiane de survie
(chimiothérapie
conventionnelle)
54 mois
27 mois
6 mois
classifications pronostiques prenant en compte la
masse tumorale et la prolifération tumorale sont en
cours (tableau 4).
Traitement du myélome du sujet âgé
Le traitement du myélome des sujets âgés repose avant
tout sur la chimiothérapie à doses conventionnelles, à
laquelle il peut être utile d’associer certains traitements
complémentaires.
Dans le myélome, la réponse est définie comme
l’obtention d’une diminution d’au moins 50 % du taux
initial du pic monoclonal, alors que la rémission complète est définie comme la disparition du pic monoclonal et de la plasmocytose médullaire. Les traitements
chimiothérapiques conventionnels utilisés chez le sujet
âgé ne permettent qu’exceptionnellement d’obtenir une
rémission complète. Les éléments permettant d’évaluer
leur efficacité sont donc le taux de réponse et la durée
de survie.
Chimiothérapie
Du fait de leur faible évolutivité, certaines formes cliniques de myélome ne nécessitent pas de traitement
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immédiat, mais une surveillance clinico-biologique régulière, semestrielle. Ainsi, la chimiothérapie n’est pas
indiquée ni dans les myélomes rampants (ou smoldering myeloma) ni dans les myélomes de faible masse
tumorale (stade I dans la classification de Salmon et
Durie ou myélome à CRP et ß2 microglobuline basses
dans la classification de Bataille). La chimiothérapie ne
sera introduite qu’ultérieurement, en cas d’évolutivité.
De même, la prise en compte des pathologies associées, en particulier neuro-dégénératives, doit pondérer
les indications de chimiothérapie chez les patients âgés
atteints de myélome, surtout chez les plus de 80 ans.
La chimiothérapie classiquement proposée dans le traitement du myélome est l’association orale melphalan
prednisone (M-P) selon le schéma d’Alexanian :
* Melphalan 0.25 mg / kg / j ou 10 mg / m2 / j
* Prednisone 2 mg / kg / j ou 60 mg / m2 / j par cures
de quatre jours consécutifs, les cures étant espacées de
4 à 6 semaines selon la toxicité hématologique.
Chez les patients les plus âgés (> 80 ans), ou insuffisants rénaux chroniques, la toxicité hématologique du
melphalan peut être importante. Il est alors recommandé d’effectuer la première cure à demi-dose de
melphalan et, en cas de bonne tolérance hématologique, d’augmenter progressivement la posologie du
melphalan jusqu’à effectuer la troisième ou quatrième
cure à doses pleines.
La chimiothérapie doit être poursuivie 4 à 6 mois après
obtention du plateau, soit en règle une durée totale de
traitement de 12 à 18 mois. On définit la phase de plateau comme la réponse maximale obtenue, avec stabilisation du pic. La chimiothérapie n’est réintroduite
qu’après avoir constaté une reprise évolutive (myélome
en rechute).
L’association melphalan-prednisone reste donc le
traitement de première ligne de référence du myélome du sujet âgé, auquel on doit comparer les nouvelles approches thérapeutiques.
Lors de la rechute, la chimiothérapie initiale est réintroduite. On obtient alors des taux de réponse de l’ordre
de 50 %, mais avec des réponses de moins bonne qualité et moins durables que les réponses initiales.
Dans les myélomes réfractaires au M-P, initialement ou
lors de la rechute, on peut proposer l’association VAD :
* Vincristine 0.4 mg / j en intra-veineux continu, 4 jours
toutes les 4 à 6 semaines.
* Adriamycine 9 mg / m2 / j en intra-veineux continu,
4 jours toutes les 4 à 6 semaines.
* Dexaméthasone 40 mg / j per os, 4 jours par
semaine qui permet d’obtenir des taux de réponse de
40 à 50 %. La durée médiane de réponse est de l’ordre
de 1 an.
L’emploi d’une polychimiothérapie de type VAD est
assez difficile chez les patients âgés. En effet, outre les
contraintes liées à l’administration intra-veineuse continue, la morbidité, en particulier infectieuse et hématologique, est très importante.
De nouveaux agents de chimiothérapie sont à l’étude
dans le traitement du myélome du sujet âgé.
L’idarubicine est sûrement une des molécules les plus
intéressantes. Il s’agit d’une anthracycline disponible
sous forme orale, dont la tolérance, en particulier cardiaque, est bonne chez les patients agés. Des protocoles associant idarubicine et dexaméthasone orales
sont en cours. Les résultats préliminaires sont encourageants, avec des taux de réponse de l’ordre de 60 % et
une toxicité qui ne semble pas supérieure à celle de
l’association melphalan-prednisone.
La chimiothérapie par melphalan-prednisone permet
d’obtenir une réponse chez 50 à 60 % des patients
et des médianes de survie d’environ 3 ans.
Traitements associés à la chimiothérapie
Si la chimiothérapie est un élément essentiel du traitement du myélome du sujet âgé, des traitements associés sont utiles et permettent d’optimiser la prise en
charge thérapeutique des patients.
•Biphosphonates : ils sont de puissants médicaments
anti-ostéoclastiques. Dans des études randomisées
contre placebo, associés à la chimiothérapie conventionnelle, ils diminuaient la fréquence de survenue des
complications osseuses du myélome : douleurs
osseuses, évènements fracturaires. Cet effet positif était
retrouvé chez les patients âgés.
De plus, un effet anti-tumoral direct des biphosphonates est suggéré par des données in vitro (cytotoxicité
directe du pamidronate sur les plasmocytes monoclonaux en culture) et in vivo (survie prolongée des
patients atteints de myélome réfractaire au M-P en cas
Des protocoles de polychimiothérapie associant au M-P
diverses drogues (anthracyclines, cyclophosphamide,
vincristine, CCNU…) ont été proposés comme traitement alternatif au M-P. Une méta-analyse reprenant les
études randomisées comparant M-P et polychimiothérapie comme traitement de première intention dans le
myélome a conclu à l’absence de différence en terme de
survie. Bien qu’il n’y ait pas eu d’analyse stratifiée selon
l’âge des patients, ce résultat semble applicable aux
sujets âgés. En effet, la plupart des études randomisées
comparant M-P et polychimiothérapie dans le traitement du myélome des sujets âgés concluent à un taux
de réponse souvent plus élevé dans le bras polychimiothérapie mais à une absence de gain en terme de survie.
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d’association du pamidronate à la chimiothérapie de
seconde ligne).
Les biphosphonates sont donc tout à fait indiqués dans
le traitement du myélome des sujets âgés. On peut préférer les biphosphonates par voie intra-veineuse (pamidronate : une perfusion mensuelle de 90 mg) aux
biphosphonates oraux (clodronate : 300 mg / j) en particulier à cause de leur meilleure biodisponibilité.
bénéficieront de nouvelles modalités thérapeutiques
permettant d’améliorer le pronostic de la maladie.
Autogreffe dans le traitement du myélome des sujets
âgés
Au cours de la dernière décennie, l’utilisation de chimiothérapie intensive en association avec une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques a modifié
le traitement du myélome des patients de moins de 60
ans, permettant d’obtenir des médianes de survie de
plus de cinq ans.
Chez les patients plus âgés, le traitement par autogreffe
comporte des difficultés :
- recueil plus difficile du greffon, du fait des modifications de l’hématopoïèse liées au vieillissement ;
- prise de greffe plus difficile, et donc risque d’aplasie
prolongée ;
- toxicité plus importante de la chimiothérapie intensive.
Des protocoles d’autogreffe ont été réalisés chez des
patients de plus de 65 ans très sélectionnés et ont montré une mortalité initiale supérieure (9 % vs 1 %) et des
taux de rémission complète inférieurs (20 % vs 36 %) à
ceux observés chez les patients de moins de 60 ans.
Les techniques d’expansion in vitro des greffons médullaires autologues permettent de supprimer la phase
d’aplasie post chimiothérapie intensive. Elles pourraient, dans un proche avenir, permettre d’étendre
l’indication des autogreffes aux patients de plus de 65
ans atteints de myélome.
• Dexaméthasone : elle a, dans le myélome, à la fois un
effet anti-ostéoclastique et un effet cytotoxique antitumoral.
A des posologies de 20 mg/m2/j durant 4 jours par
mois, elle a été employée comme agent anti-tumoral
dans le myélome avec des taux de réponse de l’ordre
de 40 % et des médianes de survie de plus de 2.5 ans.
Son absence de toxicité hématologique est malheureusement contrebalancée par la fréquence, chez le sujet
âgé, des complications infectieuses et métaboliques
(intolérance aux glucides surtout).
La dexaméthasone peut être indiquée comme traitement initial chez des patients ayant une pancytopénie
liée à l’envahissement médullaire plasmocytaire, ou
pour obtenir un effet antalgique rapide en cas de
lésions osseuses multiples symptomatiques
• Radiothérapie : les tumeurs plasmocytaires sont
radiosensibles. La radiothérapie est donc indiquée chez
des sujets âgés atteints de myélome en cas de lésion
osseuse pré-fracturaire des os longs. Elle est également
efficace en cas d’atteinte vertébrale avec épidurite compressive mais doit alors impérativement être associée à
une corticothérapie.
Nouvelles approches thérapeutiques du myélome
Les nouvelles approches thérapeutiques du myélome
sont pour la plupart des applications des nouvelles
connaissances de la physiopathologie de la maladie.
On peut citer :
- les anticorps anti IL-6 qui, dans des myélomes réfractaires, ont démontré une efficacité anti-tumorale certaine mais de courte durée ;
- la vaccination anti idiotype, visant à restaurer et stimuler l’immunité anti-tumorale, l’antigène tumoral sensibilisateur étant l’idiotype monoclonal ;
- l’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre
des antigènes membranaires assez spécifiques des plasmocytes myélomateux, comme les anticorps anti-CD
38.
Ces techniques ne semblent pas devoir se substituer à
la chimiothérapie mais constituent plutôt des traitements post-chimiothérapiques, visant à diminuer la
maladie résiduelle.
Enfin, la découverte du rôle que joue dans la physiopathologie du myélome l’infection par HHV8 des cellules
dendritiques médullaires est à l’origine d’essais préliminaires de traitements anti-viraux dans le myélome. ■
• Interféron α : son utilisation dans le traitement du
myélome repose sur son action anti-plasmocytaire
constatée in vitro : inhibition de la croissance plasmocytaire et cytotoxicité directe.
Au cours des quinze dernières années, l’interféron α a
été proposé comme traitement de maintenance du
myélome, durant la phase de plateau. La plupart des
études randomisées contre placebo ont conclu à une
absence d’efficacité en termes de survie, même si la
phase de plateau était souvent prolongée. De même,
l’association initiale chimiothérapie - interféron α n’a
pas de résultats supérieurs à ceux des traitements chimiothérapiques classiques.
La tolérance cardiaque, neuropsychiatrique et hématologique de l’interféron α est médiocre chez les patients
âgés et son utilisation comme traitement de maintenance du myélome ne semble donc pas avoir d’intérêt.
Traitements d’avenir
On peut raisonnablement penser qu’au cours de la prochaine décennie, les patients âgés atteints de myélome
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BIBLIOGRAPHIE _______________________________
3 - Parmi les situations suivantes, lesquelles
sont de bonnes indications à un traitement chimiothérapique par melphalan - prednisone
A- Myélome de stade I chez un patient de 70 ans sans
pathologie associée
B- Gammapathie monoclonale de signification indéterminée avec un pic à 50 g/l
C- Myélome de stade III chez une femme de 78 ans
sans pathologie associée
D- Myélome de stade II chez un patient de 50 ans
E- Myélome en rechute, auparavant sensible au melphalan, chez un patient de 75 ans
1- KYLE R.: A. Monoclonal gammopathy of undetermined significance and
solitary plasmocytoma. Hematol Oncol Clin North Am 1997 ; 11, 1 : 71 - 87.
2 - BALDINI L., GUFFANTI A., CESANA B. M.: Role of different hematologic
variables in defining the risk of malignant transformation in monoclonal gammopathy. Blood 1996 ; 87 : 912 - 919.
3 - KLEIN B.: Cytokine, cytokine receptors, transduction signals, and oncogenes in human multiple myeloma. Sem Hematology 1995 ; 32, 1 : 4 - 19.
4 - PAULE B.: Facteurs pronostiques du myélome multiple. Ann Med Interne
1997 ; 148, 8 : 534 - 541
5 - GAUTIER M., COHEN H. J.: Multiple myeloma in the elderly. JAGS 1994 ;
42 : 653 - 664.
6 - ANDERSON K. C., HAMBLIN T. J., TRAYNOR A.: Management of multiple myeloma today. Sem hematol 1999 ; 36, 1, sup 3 : 9 - 13.
4 - Parmi les éléments suivants, lesquels sont
des facteurs de mauvais pronostic au cours du
myélome ?
A- Hypercalcémie à 3 mmoles/l
B- Anémie à 8 g/dl
C- Antécédent de gammapathie monoclonale de signification indéterminée
D- Effondrement des immunoglobulines polyclonales
normales
E- Taux de C reactive proteine élevé à 20 mg/l
QCM - MYÉLOME ET DYSGLOBULINÉMIE
MONOCLONALE _______________________________
5 - Parmi les pathologies suivantes, lesquelles
peuvent s’accompagner d’une immunoglobuline
monoclonale
A- Amylose
B- Leucémie lymphoïde chronique
C- Maladie de Vaquez
D- Leucémie myéloïde chronique
E- Lymphome non hodgkinien
1 - Devant un pic monoclonal de découverte
fortuite, lequel (lesquels) des éléments suivants
permet(tent) d’éliminer formellement le diagnostic de gammapathie monoclonale de signification indéterminée ?
A- Pic monoclonal à 35 g/l
B- Plasmocytose médullaire à 18 % avec présence de
plasmocytes dystrophiques
C- Présence d’une protéinurie de Bence-Jones
D- Géodes à l’emporte pièce sur la radio du crâne
E- Effondrement des immunoglobulines polyclonales
normales
2 - Laquelle (lesquelles) des propositions suivantes vous paraît (ssent) correspondre au bon
suivi d’une gammapathie monoclonale de signification indéterminée ?
A- Surveillance clinique mensuelle
B- Consultation rapide en cas de survenue d’un tassement vertébral
C- Myélogramme en cas de survenue d’une anémie
inexpliquée
D- Bilan biologique semestriel avec immunoélectrophorèse
E- Myélogramme en cas de vitesse de sédimentation
supérieure à 50 mm à la 1ère heure
:
:
:
:
:
BD
BC
CE
ABE
ABE
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1
2
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4
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RÉPONSES QCM

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