CFF : la mission d`un wagon pas comme les autres
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CFF : la mission d`un wagon pas comme les autres
DOSSIER_Les techniques ferroviaires CFF : la mission d’un wagon pas comme les autres Le wagon rouge à large bande jaune ne passe pas inaperçu avec sa vigie surélevée dotée de vitres (blindées). Stationné sur la voie 2 à Lausanne, il porte sur son flanc l’inscription : Voiture de mesure des lignes de contact. Ce matin-là, Bernard Nicollerat et son collègue Giuseppe Panarelli se préparent à un effectuer un aller-retour Lausanne – Genève La Praille à bord de ce train spécial. Mission : opération de surveillance des interfaces Pantographe-caténaire. Bénéficiant d’une autorisation spéciale, revêtue de chaussures de sécurité résistantes et du gilet orange des CFF obligatoire pour traverser le ballast et atteindre le wagon, je m’apprête à vivre – en tant que journaliste – une matinée particulière dans ce « wagon-diagnostic », encadrée par mes deux compagnons et guides de voyage, ainsi que par Jean-Philippe Schmidt, du service de presse des CFF. La caténaire, pièce maîtresse Une caténaire est constituée d’un fil de contact maintenu par des suspensions à un câble porteur. La transmission du courant jusqu’au train s’effectue au moyen d’un pantographe, sorte de bras articulé, qui vient s’appuyer sur la ligne de contact avec une pression d’environ 7 kilos. L’énergie transmise permet alors d’alimenter les moteurs de la locomotive ou la cuisine du wagon-restaurant. La ligne de contact ne suit pas le tracé rectiligne de la voie ferrée, mais effectue un « zig-zag », sorte de désaxement à droite et à gauche, afin d’user le pantographe de manière uniforme, désaxement qui varie selon la longueur des portées et le déplacement dû au 46 SWISS ENGINEERING NOVEMBRE 2015 CFF Les collaborateurs de la Technique de mesure et de diagnostic de CFF Infrastructure fournissent une contribution importante à la surveillance et au contrôle de l’infrastructure ferroviaire suisse et passent ainsi périodiquement à la loupe quelque 7’000 kilomètres de lignes de contact. Le wagon-diagnostic permet ainsi de superviser l’état et la hauteur des lignes de contact. La dynamique du pantographe n’est pas évidente à surveiller à une vitesse pouvant atteindre 160 km/h. vent. Un défaut présent dans le pantographe ou la caténaire peut entraîner à terme une rupture du fil de contact et par conséquent l’arrêt immédiat du train. Ce wagon de mesure permet un contrôle dynamique de la ligne de contact, c’est à dire en la mesurant avec la poussée d’un pantographe sur la caténaire, soit les conditions réelles d’exploitation. Contrôle visuel et par caméra A l’avant, dans la cabine surélevée, Giuseppe ne quitte pas des yeux les mouvements latéraux effectués par le fil de contact qui navigue dans la zone blanche. Muni d’un boîtier sur lequel il appuiera à chaque anomalie repérée, transmettant ainsi immédiatement les indications au pupitre de commande (écrans, enregistreur, ordinateur), surveillé par l’opérateur de faction dans le wagon, à l’étage infé- rieur. Une caméra est fixée au plafond de la cabine. Car toutes les données sont enregistrées et filmées en permanence. Tout en me fournissant informations et explications sur la structure porteuse, les fondations des portiques, les nombreux panneaux bordant les voies, le technicien spécialisé ne perd jamais le but de cette expédition, soit détecter les anomalies de captage, les mouvements anormaux de caténaire ou de pantographe : « Si le fil franchit la barre rouge, il y a danger. S’il atteint la zone noire à l’extrémité du pantographe, il y a défaut. Dès 30 % d’usure, le fil doit être changé. Les lignes sont refaites à neuf tous les 50 ans ». La dynamique du pantographe n’est pas évidente à surveiller à une vitesse pouvant atteindre 160 km/h. Fascinée, j’essaie de me concentrer sur le va et vient de ce fil si important qui, un bref instant, franchit la barre fatidique de la zone noire, à l’extrémité de la barre de contact. Signal d’une anomalie, vivement commentée par mes trois accompagnateurs. Les bandes enregistrées auxquelles les techniciens ont accès pendant le parcours de tests, montrent les vibrations régulières ainsi que toutes irrégularités. Elles seront revisionnées et analysées par des opérateurs et spécialistes de la caténaire, de manière plus précise, après le parcours, afin d’étudier l’infrastructure et le matériel lors de situations perturbées, comme une dilatation du fil de contact et du câble porteur due à des températures extrêmes. Les résultats de ces mesures et contrôles servent de base à une planification économique des travaux d’entretien requis. Le service informé enverra sur place une équipe d’entretien. Pendant longtemps, la surveillance et le contrôle périodique des installations ferroviaires ont été uniquement assurés par des «garde-voies» qui parcouraient les lignes à pied et annonçaient les irrégularités aux services spécialisés concernés, me racontent Bernard et Giuseppe. Même si ces spécialistes disposent d’instruments de travail modernes, les contrôles à vue continuent d’être exécutés dans toute la Suisse, en dehors des nouvelles lignes. « Souvent, en été, des interruptions de circulation sont prévues sur un bout de tronçon, le temps de pourvoir à l’entretien du site. Le travail s’effectue de nuit, à la lampe de poche ou frontale, par du personnel attribué à ce service ». Une grande responsabilité peu connue des voyageurs… Arrêt à Genève–La Praille, après quoi le train reprendra le même trajet, mais dans le sens inverse. Toujours avec l’extrême vigilance de la part de Giuseppe. Et l’on m’apprend, avec foule d’anecdotes, que les incidents de traction électrique peuvent avoir des causes « intempéries » : la foudre qui détruit les isolateurs et met la ligne électrique en court-circuit, le vent qui provoque des chutes d’arbres sur les lignes, le givre ou le verglas qui perturbent le captage du courant et détériorent les fils de contact et les pantographes. Il peut s’agir d’actes de malveillance (jets de pierre, vols de cuivre), de dégradations provoquées par des animaux (nids d’oiseaux) ou encore d’une usure de certains composants. Françoyse Krier Des contrôles à vue fondamentaux Le wagon de mesure d’avenir « La technologie de ce wagon, construit dans les années 70, n’est plus vraiment adaptée aux besoins actuels. Après plus de 40 ans de service, celui-ci va prochainement être remplacé par une nouvelle unité », commente Guiseppe, approuvé par Bernard, alors que nous rentrons en gare de Lausanne. En fait, il existe déjà un autre wagon de mesure moderne, qui sillonne le réseau en mesurant les lignes de contact de manière statique cette fois, c’est à dire sans la poussée d’un pantographe. Ce wagon tout informatisé, appelé « DFZ » (Technique de Mesure et de Diagnostic), contrôle les caractéristiques de la ligne de contact au moyen d’un laser. Plus de vigie sur le toit, mais une multitude d’écrans qui permettent de suivre le tracé depuis le wagon. La hauteur du fil, son diamètre, son usure et son désaxement, tout est mesuré au millimètre près, dans le but de prévoir au mieux les programmes d’entretien ou de renouvellement, et de maintenir l’infrastructure ferroviaire. Saut sur le ballast, exit le gilet orange et fin d’un voyage qui se fait deux fois par an lors de conditions extrêmes : de froid en hiver et de canicule en été. Une expérience intéressante, mémorable et surtout unique... (fk) Les informations sont immédiatement transmises au pupitre de commande devant lequel se tient un opérateur. à savoir La ligne de contact En Suisse, la ligne de contact est alimentée avec une tension monophasée de 15’000 volts alternatif. L’énergie électrique qui alimente la ligne de contact provient majoritairement d’usines hydro-électriques. Elle est ensuite transportée par des lignes à haute tension de 132’000 ou 66’000 volts jusqu’à des sous-stations, pour en transformer la tension en 15’000 volts. De ces sous-stations, cette énergie est ensuite acheminée sur la caténaire pour alimenter les 7’000 kilomètres de lignes de contact que compte le réseau suisse. La ligne de contact est tenue par une structure porteuse en acier, implantée au sol au moyen de fondations en béton. Le fil de contact se compose d’un fil de cuivre de 107 mm2, soit environ 12 mm de diamètre et d’un câble porteur de 92 mm2 en cuivre tressé avec un câble d’acier pour une meilleure résistance à la traction. Afin que la ligne de contact soit la plus horizontale possible par rapport à la voie ferrée, les câbles d’une longueur de maximum 1’200 mètres, sont tractés avec une tension de 1’000 à 1’200 kilos. Le captage du courant entre la ligne de contact et le pantographe est donc très important pour la bonne marche du convoi. Pour cela, le pantographe doit rester en permanence sur le fil de contact, quelles que soient la vitesse et les conditions météorologiques. La ligne de contact est alors inspectée plusieurs fois par année, afin d’éviter au maximum les dérangements pouvant entraîner l’arrêt du convoi ainsi que des retards sur l’horaire. SWISS ENGINEERING NOVEMBRE 2015 47