Sens Uniques limités
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Sens Uniques limités
Aménagement La ville est nulle sans SUL En Belgique comme en France, la désignation du contresens cyclable a connu des évolutions. Si en France, on parle maintenant de double-sens cyclable, en Belgique, la législation reconnaît le Sens Unique Limité (limité aux motorisés, S. Smets bien sûr), SUL en abrégé. Une longue histoire Avant 1977, la plupart des villes belges autorisaient par panneaux leurs cyclistes à rouler à contresens. Mais avec l’augmentation du trafic automobile, cette possibilité fut supprimée par décision « nationale ». Tout comme disparaissait la plupart des pistes cyclables avec la raréfaction des cyclistes urbains. Le nombre de rues mises à sens unique explosa, obligeant les cyclistes à de nombreux détours bien souvent plus dangereux que le contresens. Conscientes de ce danger pour leurs cyclistes, de nombreuses villes flamandes et quelques villes wallonnes (Mouscron, Namur) ont alors ouvert des « faux contresens » en plaçant « dans le sens interdit », des panneaux « interdiction de faire demi-tour sauf cyclistes » et ne plaçant pas la flèche du sens unique, « dans le sens unique ». Il a fallu attendre 1990 - soit 13 ans de réclamations des associations de cyclistes et en finale des organisations cyclistes municipales flamandes, avec l’aide progressive d’autorités régionales et municipales - pour que le contresens réapparaisse dans la législation et 1991 pour qu’il soit d’application. Le contresens est depuis lors signalé par des panneaux additionnels. La plupart des villes flamandes se sont jetées sur cette autorisation, mais les villes du sud de la Belgique ont été réticentes à les réintroduire. 12 Pour vaincre ces réticences et afin de simplifier les conditions d’ouverture des SUL, la législation a ensuite changé deux fois. En 1998, la largeur minimale de la chaussée nécessaire pour l’ouverture d’un SUL a été ramenée de 3,5 à 3 m. Cette année, une circulaire ministérielle a également demandé systématiquement d’étudier l’ouverture des SUL lors de la mise à sens unique d’une rue ; mais elle a été peu appliquée. Malgré cette première évolution de la législation, le nombre de sens uniques sans SUL a continué à augmenter. C’est en 2004 que la deuxième modification a permis la généralisation des SUL. de la rue belge impose d’inverser la logique et de faire de l’exception la règle. Il oblige les gestionnaires de la voirie à instaurer, en principe, le SUL dans toutes les rues à sens unique (« sauf circonstances locales »). À partir donc du 1er juillet 2004 (Arrêté royal du 18 décembre 2002), les sens uniques doivent obligatoirement être ouverts à la circulation des cyclistes à contresens, à condition que : • • • En 1997, l’association Pro Velo a étudié la possibilité d’ouvrir à contresens pour les cyclistes 300 sens uniques du centre de Bruxelles (1). De cette analyse, il est ressorti que les SUL sont réalisables dans 92 % des sections à sens unique. La première partie de cette étude a aussi permis de faire un tour des exemples et expériences belges et étrangers. D’où il s’avère que le nombre total d’accidents impliquant un cycliste a tendance à diminuer avec, en prime, une augmentation du nombre des déplacements cyclistes. L’exception devenue la règle Depuis 2004, la modification du code de la route, dite « code de la rue », prescrit que les SUL doivent être généralisés en Belgique. Désormais, le code la vitesse maximale autorisée ne dépasse pas 50 km/h ; la largeur libre (hors stationnement) de la chaussée soit d’au moins 3 mètres ; il n’y ait pas de raison de sécurité qui s’y oppose (par « raison de sécurité » on entend des circonstances tout à fait particulières telles que, par exemple, un virage sans aucune visibilité). L’IBSR (Institut Belge pour la Sécurité Routière) a publié en février 2004 une brochure à destination des gestionnaires de voiries pour une introduction généralisée, en toute sécurité, des sens uniques limités (2). Très détaillée, elle reprend l’appréciation du risque en matière de sécurité et les points importants à prendre en considération lors de l’instauration d’un SUL. La généralisation est moins systématique et plus laborieuse en Wallonie et à Bruxelles. La ville de Wavre refuse ainsi toujours l’ouverture des SUL, même Vélocité n° 97 • octobre 2008 Aménagement c’est à la sortie des contresens que la possibilité de conflits est la plus importante. D’où l’utilité de marquer les SUL jusqu’au milieu du carrefour. Les croisements dans les contresens cyclables ne sont quant à eux pas dangereux pour autant qu’il existe un bon contact visuel entre le cycliste roulant à contresens et l’automobiliste. si des communes comme Etterbeek ou Mons qui en 2006 a fêté les 10 ans d’existence des SUL sans accident, font exception ! Il est à noter que là où des associations de cyclistes existent et ont argumenté avec force, on y est arrivé presque partout. Un aménagement très sûr Enfin avant même la mise à contresens d’une rue, il est aisé de constater qu’à Münster comme à Bruxelles, beaucoup de cyclistes empruntent les sens uniques à contresens. C’est plus confortable que de rouler sur les trottoirs et plus respectueux pour les piétons. A Bruxelles, la probabilité d’être verbalisé pour ce type d’infraction est très faible. La police laisse faire. Un cycliste qui avait été verbalisé dans un sens unique non ouvert à contresens a ainsi réussi à faire sauter l’amende en faisant valoir auprès du bourgmestre que sa commune était en retard avec l’obligation de généraliser les SUL. A Bruxelles, il y a 700 km de sens uniques. 70 à 80 % de ceux-ci sont déjà ouverts à contresens pour les cyclistes. On peut donc estimer qu’il existe environ 2000 SUL ouverts à Bruxelles. La plupart sont des SUL dit de cohabitation avec des voitures garées des deux côtés et marqués au sol avec des logos vélos et des chevrons. Aucune augmentation du nombre d’accidents n’a été constatée suite à l’ouverture des SUL. Les Itinéraires Cyclables Régionaux (ICR) à Bruxelles passent principalement par des rues à contresens. Les SUL sur les ICR sont en général plus confortables. Ils sont plus larges et matérialisés avec soit une bande cyclable suggérée, soit une bande cyclable à contresens. Les aménagements cyclables importants sont réalisés seulement à des carrefours et des axes stratégiques à très gros trafic comme la « rue » de la Loi (quatre bandes à sens unique). La création de pistes cyclables dans les deux sens permet aux cyclistes d’éviter de descendre et remonter la vallée du Maelbeek et de prendre le pont de la rue de la Loi. Une incitation à créer des zones 30 Ouvrir en même temps plusieurs SUL est possible comme par exemple lors de la mise en zone 30 d’un quartier. C’est même hautement souhaitable, car un SUL isolé est peu perceptible par l’automobiliste. Les communes qui n’ont pas un personnel suffisant font appel à des firmes privées qui viennent placer les panneaux et réaliser le marquage. Ouvrir 70 à 80 contresens nécessite deux semaines de travail à une petite équipe de trois personnes. Il y a donc moyen d’aller vite. L’ouverture des SUL doit aussi être l’occasion de faire la promotion de ce nouveau type d’aménagement par une campagne de communication. De nombreux dépliants explicatifs (pour cycliste) et des languettes (à mettre sur les voitures en stationnement) ont été produits à Bruxelles grâce à une collaboration entre administration et associations de cyclistes. En Belgique, la généralisation des SUL s’est faite avant celle des zones 30. C’est même d’ailleurs grâce aux SUL que Bruges est devenu la première « ville 30 » de Belgique. Il y avait en effet assez de cyclistes roulant à contresens pour apaiser le trafic. A Gand, il y a déjà plus de 70 % des rues en zone 30. La promotion des zones 30 de Gand est exemplaire. A Bruxelles, les états généraux de la sécurité routière prévoyaient la généralisation des zones 30 sur les rues communales bruxelloises pour 2010 (1220 km). L’objectif intermédiaire pour 2006 était de 75 % (915 km). L’état des lieux des zones 30 réalisé en octobre 2007 montre que Marquage au sol avec des logos vélos et des chevrons dans un carrefour où aboutissent 4 SUL Concernant le marquage au sol des SUL, l’administration régionale de Bruxelles a publié un vade-mecum reprenant les bonnes pratiques pour que le SUL soit le plus visible (3). Si au début, des amorces de bandes cyclables étaient réalisées, actuellement ce sont des logos vélos et des chevrons qui sont peints. Les logos vélos et chevrons vont jusqu’au milieu du carrefour pour bien signaler la sortie des contresens cyclables. On utilise des doubles chevrons pour le fléchage des ICR. En outre une étude de 1990 sur le comportement des usagers à Münster (Allemagne) (1) a bien montré que Vélocité n° 97 • octobre 2008 L. Coveliers Une étude autrichienne a établi d’ailleurs que la perception des marquages au sol est environ 7 fois meilleure que la perception des mêmes indications données par panneaux. Les zones 30 sont aussi signalées avec des grands logos « Zone 30 » au sol et sans aménagements lourds. 13 Aménagement sur l’ensemble des 19 communes de Bruxelles, on n’atteint que 22 %. Seule la commune de Jette a atteint les 95 % en 2007. En France, le décret du 30 juillet 2008 impose aux gestionnaires de voiries de généraliser les doubles sens dans les zones 30 pour le 1er juillet 2010. Il faudra réclamer donc se mobiliser, à la fois pour un maximum de zones 30 et pour l’ouverture des contresens cyclables dans ces zones. A Bruxelles, sur les grands axes de circulation que sont les voiries régionales (320 km), très peu d’aménagements cyclables sont réalisés. Or, si les SUL sont très utiles et indispensables, il convient de ne pas oublier les itinéraires rapides pour les cyclistes sur les grands axes. Le partage de l’espace en faveur des cyclistes est difficile sans réduction du trafic automobile. Même si l’objectif du Plan Directeur Vélo 2005-2009 de la Région de Bruxelles-Capitale (4) est d’atteindre les 100 % d’aménagements cyclables sur les voiries régionales pour 2009, cela ne sera pas le cas et cela, bien qu’aura lieu en mai 2009 Velo-city à Bruxelles. Les SUL seront un point important du programme, l’expérience belge pouvant en effet servir aux pays n’ayant pas encore généralisé les contresens. Signalons cependant que 80 % des 478 carrefours régionaux à feux ont été équipés de sas vélo durant l’été 2006. C’est une mesure simple qui redonne de l’espace et de la sécurité aux cyclistes. Paris a proportionnellement plus d’aménagements cyclables sur les grands axes que Bruxelles. Au-delà des SUL Aux Pays-Bas, le magazine Fietsverkeer, spécialisé dans la mobilité cycliste, ne parle plus de contresens cyclable, mais d’aménagements d’itinéraires, de véloroutes rapides, d’intermodalité, de gestion de feux, de lutte contre le vol de vélos, etc. Les contresens cyclables sont donc devenus naturels et tellement évidents qu’il n’est plus besoin de les évoquer. Sont en revanche développées les « Fietsstraten », les rues cyclables. Ce type de rue donne la priorité absolue aux cyclistes. En Allemagne, cela s’appelle les « Fahrradstraßen ». Toutes les Fahrradstraßen comme les fietsstraten sont automatiquement à double sens pour les cyclistes. Les zones 30 sont elles généralisées depuis 15 ans. Luc Coveliers, ADAV Arras, ex-Pro Velo [email protected] > Merci à Jacques Dekoster pour ses compléments surtout sur l’historique. > Photos de SUL (Sens Unique Limité) : www.provelo.org/spip.php?article787 > GRACQ les cyclistes quotidiens, Dossier sur les SUL : www.gracq.org/dossiers/sul/index. html Bonnes pratiques dans un contresens cyclable Pour éviter les accidents avec les portières, il faut rouler au milieu du sens unique, dans le sens de la circulation automobile, comme dans le sens contraire et, dans tous les cas, à 1 m des portières. Dans le sens de la circulation automobile, cela évite les dépassements frôlant des voitures. Un dépassement en sécurité dans une rue avec stationnement n’est possible que si la voie de circulation fait plus de 5 m (1 m des portières, 1 pour le cycliste, 1 m de sécurité et 2 m pour la voiture). En se positionnant ainsi, le cycliste indique à l’automobiliste qu’il ne peut le dépasser sans le mettre en danger. La courtoisie, cependant, le pousse à se laisser dépasser, dès la présence d’une sur-largeur suffisante en longueur. L. Coveliers Dans le contresens, rouler au milieu de la chaussée permet de se faire voir et d’éviter l’ouverture des portières. Pour le croisement, on fait ralentir la voiture puis on se décale à droite. Le croisement est alors souple. La pratique du SUL s’apprend maintenant à l’école grâce au brevet du cycliste pour les enfants de 10-11 ans. La zone de police de Bruxelles-Nord a réalisé un Circuit Educatif Cycliste balisé à Evere (CECE) avec 13 panneaux explicatifs. Les deux dessins explicatifs proviennent du panneau n° 12. Pro Velo (1997), Les sens uniques limités à Bruxelles. Tome I, chapitre 3 : Etude de comportement des usagers – www.provelo.org/pdf/SUL3_ Comportement.pdf 2 IBSR (2004), SUL - Sens Uniques Limités. Pour une introduction généralisée, en toute sécurité, des sens uniques limités [Brochure à l’attention des gestionnaires de voiries], 44 pages. – www.ibsr.be > Publications & Matériel > Aménagements voirie (611 Ko). 3 Bruxelles Mobilité-AED et IBSR (2006), Marquage et signalisation dans les contresens cyclables, 36 p. – www.velo.irisnet.be/fr/publications_ fr.htm#vademecum (2.290 ko). 4 Région de Bruxelles-Capitale (fev. 2005), Plan Directeur Vélo 2005-2009 – www.pascalsmet.be > Actualité > Mobilité > 320 kilomètres des pistes cyclables pour Bruxelles (25/02/2005). 1 14 Vélocité n° 97 • octobre 2008