BACCALAURÉAT GÉNÉRAL
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BACCALAURÉAT GÉNÉRAL
BACCALAURÉAT GÉNÉRAL SESSION 2010 LATIN Proposition de correction Ovide, L’art d’aimer, livre III, 101-132 Les soins de la personne Question 1 (15 points) Pronoms personnels : Vers 4 : vestrum : génitif de vos ; complément du nom pars. On valorisera les réponses précisant : génitif partitif Vers 21 : ego : nominatif, sujet de gratulor me : accusatif, sujet de natum (esse) dans la proposition infinitive vers 29 : Vos : renforcement de la personne verbale (on peut tolérer : vocatif, apostrophe) vers 32 : nos, accusatif, complément d’objet direct de petitis (et de fugatis) Question 2 (15 points) Les trois traductions présentées sont relativement récentes. La traduction de Bornecque, qui date de 1924 a été revue par Heuzé en 1994. On pourra donc s’interroger sur la part de renouvellement possible lorsqu’on s’attache à un texte si souvent traduit. La première traduction, en prose, se veut fidèle au texte et renonce à la contrainte du vers. Elle est très proche d’une traduction littérale, respecte les temps des verbes, garde les répétitions de termes : munus/munere, ( le présent ) facies/faciem… Les deux traductions suivantes sont en vers. Mais celle de Danièle Robert semble avoir du mal à se détacher de la précédente : les deux premiers vers en sont très proches, même si elle traduit plus littéralement le tali munere : « un tel cadeau » ; « joli visage » est remplacé par « beau visage ». Les choix de Michel Grodent sont plus hardis : il supprime carrément la moitié du premier vers, et remplace par le nom de la déesse « Vénus » la périphrase « la déesse d’Idalie », très obscure pour le lecteur contemporain moyen ; en outre il reconstruit le système énonciatif : vestrum n’est pas traduit mais on trouve la 2° personne dans les vers 5 et 6. On remarquera une recherche dans les mètres : un alexandrin, un décasyllabe, une rime avantage / visage, qui peut expliquer pourquoi le traducteur ne garde pas la répétition du mot « cadeau » pour munus. Le dernier vers est très long puisqu’il correspond à un vers et demi dans le texte latin. Finalement les choix de M. Grodent sont plus marqués, ce qui l’amène à prendre plus de liberté par rapport au texte. Il serait intéressant que les candidats mettent l’accent sur des points précis. Par exemple la traduction de l’expression facies neglecta peribit permet d’observer de près les différences de traduction : - La traduction Bornecque/Heuzé est très littérale, assez improbable en français moderne ; LATIN 10LALIME3C Page : 1/3 - Danièle Robert, cherchant une correspondance plus usitée, trouve une formule un peu abrupte : « fini le beau visage ». - La formulation de Grodent, syntaxiquement infidèle « Négligez-le, il sera vite flétri », est peutêtre la plus intéressante, pour rendre l’esprit du texte latin dans une formulation très évocatrice en français. Question 3. (30 points) Le texte est construit sur une opposition entre le passé et le présent. On attendra des candidats qu’ils développent leur recherche sur les vers 1 à 20 essentiellement ; on n’exigera donc pas qu’ils mènent la réflexion sur le passage à traduire dans la version, de manière à ne pas pénaliser ceux qui ne l’auraient pas compris ; toutefois, on valorisera ceux qui auront su évoquer les vers 21 à 28, particulièrement intéressants dans le cadre de la question. On peut distinguer dans l’extrait plusieurs mouvements : 1 - Opposition entre les soins (cura) préconisés au début du texte, et la tenue négligée des anciens, veteres puellae et veteres viros ; noter le parallélisme non sic coluere/ nec… cultos sic qui répond à cultu (vers 1) et cura ( vers 3) Ovide évoque en guise de contre-exemples des figures héroïques de la mythologie : Andromaque, Hector, Ajax ne sont que des personnages primitifs et grossiers. Aux tunicas valentes d’Andromaque correspond la tenue d’Ajax : tegumen septem boum. On peut noter le traitement ironique de ces figures traditionnellement considérées comme des modèles. Ce mouvement se clôt avec les vers 13-14 ; ante s’oppose à nunc, et simplicitas rudis à la richesse de la Rome moderne (aurea Roma, magnas opes…) A la simplicité grossière du passé s’oppose la magnificence du présent. 2 - Le deuxième mouvement est construit autour de l’évocation de lieux symboliques de la grandeur de Rome. Les oppositions sont nettement marquées par les temps des verbes (présent renforcé par nunc / passé) : vers 15 : nunc sunt / fuerunt, fuisse ; vers 17-18 : Curia nunc dignissima… / de stipula, Tatio regna tenente vers 19 : nunc fulgent / erant ; Là encore, il y a opposition entre la pauvreté, la rusticité d’autrefois (stipula, pascua araturis bubus, références à une civilisation rustique) et la richesse du présent (fulgent) Tous ces lieux tirent leur valeur de la grandeur de l’autorité qu’ils abritent : Jupiter, le sénat, Phoebus et les chefs de la cité. A travers ces premiers relevés les candidats ont les données pour formuler clairement la position d’Ovide : une célébration du raffinement de son époque, un éloge de la parure, et du luxe. Mettre sur le même plan la parure des femmes et l’architecture des grands monuments revient à légitimer comme un progrès l’art de la toilette. [3 - Le texte de la version apporte des éléments complémentaires intéressants à cette réflexion avec une formulation plus générale : prisca / nunc, haec aetas Il s’agit ici d’une véritable profession de foi. Dans l’affirmation de cette supériorité du présent sur le passé, Ovide manifeste sa singularité ; l’opposition alios / ego, me est renforcée par l’asyndète, et l’insistance sur les marques de la première personne ( meis / haec). A travers l’accumulation des causales négatives, qui sont en fait des prétéritions, Ovide célèbre la grandeur de son époque où les hommes sont capables d’intervenir sur la nature, d’en extraire les richesses (l’or, le marbre), pour vivre dans le luxe. Il célèbre aussi les bienfaits du commerce maritime et des échanges et la construction des ouvrages d’art pour maîtriser la nature. LATIN 10LALIME3C Page : 2/3 Le sed introduit la dernière opposition forte du texte qui reprend les termes du début et revient à une sorte de synthèse : cultus, l’élégance, le raffinement, contre la rusticitas, la grossièreté des aïeux ; l’époque contemporaine (nostros in ann)s) contre celle des premiers Romains (priscis avis). A tous ceux qui ont la nostalgie du passé, Ovide oppose la célébration du présent.] Ovide prend à rebours l’idéologie dominante et la sacralisation du mos majorum. Son discours n’est guère en adéquation avec la politique de moralisation du régime, qui prône un retour à l’austérité et à la sobriété d’antan. On sait que ce discours, s’il rencontra la faveur du public, lui valut peut-être sa disgrâce, quelques années après, alors qu’il écrivait Les Métamorphoses, œuvre dans laquelle il semble pourtant revenir, à travers l’évocation de l’âge d’or et de l’âge de fer, à un discours plus consensuel sur la perte des valeurs. S’appuyant sur leurs préparations et leur connaissance du texte, les candidats devront évoquer d’autres passages dans lesquels Ovide s’oppose au discours austère des partisans du retour au mos majorum, au nom d’une morale du plaisir. Pour ce qui concerne l’élargissement aux autres œuvres, on valorisera la culture générale des candidats. On pensera notamment au Mondain de Voltaire dont certains vers semblent directement inspirés d’Ovide. VERSION (40 points) - Traduction Que d’autres donnent leur sympathie au passé ! Moi je me félicite de n’être venu au monde que maintenant. Ce temps est tout fait pour mes mœurs Est-ce parce que, de nos jours, on arrache de la terre l’or malléable, qu’on fait venir de divers rivages des coquillages choisis, que nous voyons décroître les montagnes à force d’en extraire le marbre, et que nos môles mettent en fuite les flots bleus ? Non, c’est que l’on a soin de soi, et notre temps ne connaît plus cette rusticité qui survécut longtemps à nos premiers aïeux. OVIDE, L’art d’aimer, livre III, vers 121 à 128. Texte latin établi par Henry Bornecque, C.U.F. 1924. Traduction de Henry Bornecque (1924), revue par Philippe Heuzé, Les Belles Lettres (1994) Barème : - de Prisca … à … moribus apta meis : 10 points - de Non quia… à… concha venit 1: 10 points - de Nec quia … à… fugantur aquae : 10 points - de Sed quia … à … avis : 10 points 1 On acceptera deux interprétations : (e) diverso litore venit ou (in) diverso litore lecta. LATIN 10LALIME3C Page : 3/3