Biharis: la fin de l`apatridie

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Biharis: la fin de l`apatridie
L’APATRIDIE
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RMF32
Biharis: la fin de l’apatridie
Khalid Hussain
Environ 160 000 Biharis apatrides vivent au Bangladesh, dispersés
dans 116 camps de fortune. Malgré des progrès récents en ce qui
concerne l’inscription sur les registres électoraux et l’obtention
de papiers d’identité, ils continuent à vivre dans des conditions
misérables et font face à des discriminations régulières.
chroniques. Les résidents du camp
sont victimes de discriminations sur
le marché du travail et le manque
d’éducation et de soins de santé entrave
le développement communautaire.1
Certains des résidents du camp, et en
particulier les plus jeunes, luttent depuis
des années pour
être reconnus
comme citoyens
bangladais. Au
cours des huit
dernières années,
ils ont transmis
deux pétitions à
la Cour suprême
pour obtenir le
droit de vote.
Dix jeunes
résidents du
camp de Genève
avaient rempli la
première pétition
en 2001. La Cour
suprême avait
alors déclaré
qu’ils étaient
citoyens du
Bangladesh
et ordonné à la Commission électorale
d’inclure leurs noms sur la liste des
électeurs. Par la suite, la Commission
électorale a non seulement inclus le
nom de ces dix personnes mais aussi
celui de résidents d’autre camps. Après
le 1er janvier 2007, date à laquelle un
nouveau gouvernement provisoire
a été formé au Bangladesh, la liste a
été déclarée nulle et une Commission
électorale nouvellement constituée s’est
vu accorder la responsabilité de préparer
une nouvelle liste des personnes ayant
le droit de voter et de délivrer des cartes
d’identité - pour les citoyens bangladais
- donnant accès à 22 services essentiels.
UNHCR/G M B Akash
Le peuple connu au Bangladesh sous
le nom de ‘Biharis’, ou ‘Pakistanais
abandonnés’, est un peuple de langue
urdu descendant de musulmans qui
vivaient dans diverses provinces de l’Inde
et principalement au Bihar et qui, lors de
la partition de l’Inde en 1947, ont rejoint
alors le Pakistan oriental. Après la guerre
L’absence
de services
de première
nécessité, comme
des toilettes,
des installations
sanitaires et le
ramassage des
ordures et un
système d’égouts,
contribue aux
conditions
épouvantables
auxquelles font
face les Biharis,
vivant dans les
établissements
de Dhaka.
entre le Pakistan occidental et le Pakistan
oriental, les Biharis ont été laissés pour
compte lorsque le Pakistan oriental est
devenu le Bangladesh en 1971. Comme
l’on estimait que plusieurs d’entre eux
avaient soutenu le Pakistan occidental
pendant la guerre, à l’instar des autres
Bengalais, ils n’étaient pas les bienvenus
au Bangladesh et demeurent depuis
apatrides et victimes de discriminations.
Les camps de Biharis se trouvent
surtout en zone urbaine et souffrent
de surpopulation ainsi que d’un
important manque d’hygiène publique et
d’équipements essentiels. Ces conditions,
qui rendent les camps semblables à
des bidonvilles, se sont aggravées au
fil des années avec l’augmentation de
la population. En raison du manque
d’eau propre disponible et sans système
de traitement des déchets et des eaux
usées, les problèmes d’hygiène sont
Une délégation composée de trois
membres des camps, y compris un
membre de l’Association de la jeune
génération de la communauté urdu,
venu du camp de Genève, a rencontré le
commissaire en chef chargé de l’élection
en juillet 2007 pour lui soumettre une
pétition demandant d’inclure le nom
des résidents des camps sur le nouveau
registre électoral. Le 6 septembre 2007,
le gouvernement a décidé d’accorder la
citoyenneté aux Biharis parlant l’urdu
qui sont nés après 1971 ou qui avaient
moins de 18 and lors de la création du
Bangladesh. En novembre 2007, vingttrois éminents universitaires, journalistes,
avocats et défenseurs des droits humains
ont fait une déclaration commune pour
exhorter le gouvernement à octroyer les
droits de citoyenneté, en accord avec la
constitution, à tous les résidents de langue
urdu dans les camps du Bangladesh.
En août 2008, la Commission électorale
a mis en oeuvre un processus
d’enregistrement des communautés de
langue urdu dans les camps à travers
le Bangladesh. Cela a représenté
une première étape importante vers
l’intégration de ces communautés
minoritaires au sein de la société
bangladaise. Pendant plusieurs jours, la
Commission a employé des recenseurs
pour passer de porte à porte avec leurs
registres, sur lesquels des centaines de
personnes étaient ajoutées chaque jour.
Aujourd’hui, tous les résidents des camps
sont des citoyens du Bangladesh et tous
détiennent une carte nationale d’identité.
Besoins restés sans réponse
Malgré de récentes avancées en ce qui
concerne l’enregistrement des électeurs
et la délivrance de cartes d’identité, les
Biharis, après 37 ans sans reconnaissance
officielle, vivent toujours dans l’indigence
la plus profonde et restent victimes de
discrimination. Ils ne leur est toujours
pas possible d’obtenir un passeport
bangladais. Mustakin, un résident du
camp de Genève, nous explique : « En
septembre dernier, j’ai payé 2 000 takas
(29 dollars) pour un passeport mais on
ne me l’a pas délivré, même après avoir
montré mas carte d’identité. » En réponse,
Abdur Rab Hawlader, le directeur général
du Département de l’immigration et
des passeports, nous a affirmé que son
département « n’a reçu aucune directive
de la part des autorités en ce qui concerne
la délivrance de passeports aux Biharis ».
Les conditions de vie restent difficiles
dans un environnement surpeuplé, où de
cinq à quinze personnes partagent une
ou deux pièces. La menace de l’éviction
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et le besoin d’éducation, de formation
technique et de trouver un emploi
restent les préoccupations principales.
Le gouvernement a mis en place plusieurs
programmes de développement pour la
réduction de la pauvreté en accord avec
son document stratégique de réduction de
la pauvreté (Poverty Reduction Strategy
Paper, PRSP). Toutefois, ces programmes
ne répondent pas aux besoins de la
communauté de langue urdu. Quand
et comment le PRSP prendra-t-il en
compte les besoins de cette communauté
pour la sortir de la pauvreté ?
Aucune ONG et aucun organe de
l’ONU n’a pris l’initiative de recueillir
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des données de références complètes
permettant de mettre en place des
programmes à court et à long terme afin
de faciliter la réhabilitation économique
de cette communauté. Certains affirment
que la réhabilitation de 160 000 résidents
des camps nécessiterait un financement
énorme et un ensemble de stratégies bien
planifiées qu’un pays pauvre comme le
Bangladesh n’est pas capable d’offrir sans
le soutien de l’ONU et d’autres organismes
donateurs internationaux.
Nous suggérons que le gouvernement
du Bangladesh établisse un fonds
d’affectation spécial pour la réhabilitation
afin d’obtenir des fonds de la part
d’organisations islamiques internationales,
de donateurs bilatéraux et d’autres
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organismes donateurs nationaux et
internationaux, afin de garantir la sécurité
des générations futures de résidents
de langue urdu au Bangladesh.
Khalid Hussain (Khalid.aygusc@gmail.
com) est président de l’Association de
la jeune génération de la communauté
de langue urdu (Association of Young
Generation of Urdu-Speaking Community,
AYGUSC) et coordinateur adjoint
de l’ONG Al-Falah Bangladesh.
1. Voir la Synthèse rédigée par le Refugee and Migratory
Movement Research Unit (RMMR) http://rmmru.net/
Policy_Brief/Policy_brief_ISSUE_2,pdf
2. Voir le rapport publié par le journal The Daily Star le
26 janvier 2009
www.thedailystar.net/newDesign/news-details.
php?nid=72960 - 29k
Enfance et apatridie
Maureen Lynch et Melanie Teff
L’apatridie - la non-acquisition d’une nationalité - peut détruire les
espoirs dès l’enfance, puis tout au long de la vie.
Les jeunes enfants et les adolescents
héritent une situation qu’ils n’ont pas
choisie, qui limite leurs possibilités et
qui leur ouvre les portes d’un avenir
plein d’incertitudes. Ils naissent, vivent
et, à moins qu’ils ne parviennent à
résoudre leur situation, meurent dans
une invisibilité presque totale. L’apatridie
peut aussi nuire à l’environnement
familial et entraîner la séparation des
parents, deux facteurs de développement
importants chez les enfants.
Une personne peut devenir apatride
de diverses manières ; pour les enfants
en particulier, l’apatridie peut survenir
lorsque les parents émigrent hors d’un
pays où la citoyenneté est fondée sur jus
sanguinis : l’enfant a le droit d’obtenir
la citoyenneté de ses parents mais ne
peut pas toujours exercer ce droit dans
le pays où il grandit, ce qui le rend de
facto apatride. Un enfant peut aussi
devenir apatride si sa naissance n’est pas
déclarée, par exemple, dans le cas où
des parents craignent d’attirer l’attention
sur leur propre statut. De même, un
enfant peut devenir apatride lorsque son
acte de naissance est perdu ou détruit
et qu’il n’existe aucun autre moyen de
l’associer à un pays en particulier.
L’existence de lois peu équitables provoque
aussi l’apatridie de certains enfants. Il est
vrai que, lors de ces 25 dernières années,
plus d’une vingtaine de pays ont modifié
leurs lois et donné aux femmes le droit de
transmettre leur nationalité à leurs enfants.
Toutefois, la question de la nationalité
d’un enfant né de parents venus de pays
différents reste préoccupante lorsque les
lois traitent les hommes et les femmes
différemment. Dans les pays où la
citoyenneté est déterminée exclusivement
par la nationalité du père, les hommes
apatrides, les femmes célibataires et les
femmes vivant séparément de leur mari
font face à d’innombrables obstacles pour
déclarer leurs enfants. Si une femme
ne peut transmettre sa citoyenneté à
son mari, elle risque alors parfois de
devenir apatride, tout comme son enfant.
De surcroît, la nationalité d’un enfant
peut aussi être déterminée selon que
ses parents sont mariés ou non. Par
exemple, les forces de maintien de la
paix de l’ONU ont laissé derrière elles,
entre autres, un certain nombre d’enfants
sans père - et il n’est pas toujours facile
de savoir à quelle nationalité ont droit
les enfants nés de l’union de soldats de
l’ONU et de femmes de divers pays.
Mais finalement, la raison peut-être la
plus évidente pour laquelle les enfants
deviennent apatrides c’est qu’ils ne
peuvent pas agir pour eux-mêmes.
Protection et droits
Un acte de naissance est l’enregistrement
officiel par l’Etat de la naissance
d’un enfant et la reconnaissance
initiale de l’existence d’un enfant par
le gouvernement. C’est un élément
crucial pour garantir une culture
de protection. Considérez par
exemple les situations suivantes :
Le jour de la naissance de l’enfant
d’un demandeur d’asile birman en
Thaïlande, son acte de naissance est
confisqué. Le gouvernement birman
refuse aussi toute responsabilité. L’enfant
est alors apatride, car ni la Thaïlande,
ni la Birmanie ne le reconnaissent.
Les enfants de réfugiés mauritaniens
nés au Sénégal ont le droit de se faire
enregistrer comme citoyens sénégalais
mais certains parents refusent. Ils préfèrent
attendre de retourner en Mauritanie
pour y faire enregistrer leurs enfants.
Les enfants nés de mère koweitienne et
de père bidoon - apatride - sont aussi
bidoon. Mais comme l’enfant d’une
koweitienne veuve ou divorcée peut
théoriquement acquérir la citoyenneté,
cela incite certains couples à divorcer
pour le bien de leurs enfants.
Lors d’un briefing sur les enfants
apatrides, le Congrès des Etats-Unis
a été informé de la situation d’une
famille qui s’est vu refuser l’asile parce
qu’elle était apatride. La fille, âgée de
cinq ans, avait été placée en cellule avec
sa mère. Les sœurs aînées, âgées de
huit et quatorze ans, étaient détenues
ensemble ailleurs. Leur frère, âgé de
15 ans, était détenu seul. Le père était

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