LE THERMALISME PAR EXCELLENCE

Transcription

LE THERMALISME PAR EXCELLENCE
BOU HANIFIA
LE THERMALISME PAR EXCELLENCE
Abritée dans une région agricole dont le paysage serein remplit l'âme de belles images, Bou Hanifia rassemble deux facteurs sous son ombrelle : thermalisme et tourisme. Située à environ 20 km de Mascara, Bou Hanifia El Hammamat
(appellation d'autrefois), mais aussi Aque Sirenses récolte sa première réputation avec les Romains, qui y trouvèrent une
région à blé et de nombreuses sources d'eau chaude radioactives, bicarbonatées, calciques, sodiques et magnésiennes. Les
Ottomans introduisent la construction solide de leurs bains dits hammams dans le pays. Le début du XXe siècle propulse Bou Hanifia en égalité aux villes des Eaux d'Europe. Précédemment, durant des centaines d'années, les habitants
utilisèrent ces visites hebdomadaires ou mensuelles pour harmoniser leur bien-être. Depuis des décennies, la médecine
moderne s'est juxtaposée à ces soins précieux au grand bonheur des habitants. Bou Hanifia offre tant de cures, qu'elle
continue à être considérée comme une des plus belles perles du thermalisme algérien.
partir d'Oran, la route qui nous y
mène, ressemble à un ruban noir de
satin. Autrefois, les transports vieillots arrivaient à cette destination en atteignant un plateau dont le site magnifique
dominait Oued El Hammam surplombant
les ruines d'une mosquée, de sa zaouïa et
d'un moulin à blé, disparus durant les combats divers contre l'occupation montante.
Bou Hanifia est glorifiée avec la présence
de l'Émir Abdelkader, né à Guetna, qui y
place son quartier général et utilise les
À
bains/hammam, pour se délasser avec ses
fidèles comme le faisaient ses prédécesseurs. Le bain, célébré avec la montée de
l'Islam, qui recommandait l'hygiène avant
la prière, a toujours aussi un endroit de prédilection où se soignaient maladies mentales ou physiques. Tout mal se soulageait
après avoir passé plusieurs heures, voire
plusieurs jours dans une eau chaude dont
les propriétés à l'époque n'étaient pas bien
identifiées. L'existence d'autres hammams
locaux dans les villages avoisinants, épar-
pillés ici et là, sont souvent ignorée, modestes dans leur conception, n'en sont pas
moins recommandables. Rien n'a changé
depuis ces siècles passés. Le thermalisme,
ancré dans nos us et coutumes, fut de
tout temps associé au bien-être de la
population.
La diversité des sources, 15 répertoriées en
1888, projette Bou Hanifia au rang de ville
de santé. Mon guide m'apprend que les
gens du Sud aiment y venir. La popularité
57
Malgré la création en 1910 des premiers
thermes européens, les habitants continuent à fréquenter les hammams publics,
reconnus pour leurs bienfaits. Lieux simples où chacun aime à discuter avec le voisin pour partager des secrets de famille ou
de santé. Certains préfèrent Hammam el
baraka dans lequel les femmes poussent
souvent des youyous, de bon augure. On
reste un tantinet superstitieux.
Photo M. Boudali
En 1938 de nouveaux thermes et le grand
Hôtel sont ajoutés et inaugurés. Construits
suivant l'architecture des années trente, les
hauts plafonds, les colonnes plates, les larges baies vitrées conviennent à cette ville
de villégiature. La bourgeoisie française y
trouve tous les atouts d'une station similaire à celle de l'Europe qui se réveille aux
plaisirs de l'eau curative. En 1943, les autorités la projettent comme ville des Eaux,
58
Photo M. Boudali
des Hammams el Saha, hammam el Baraka
et hammam el Babor, attirent ceux des
quatre coins du pays. Le barrage de Bou
Hanifia forme dans une boucle de l'oued El
Hammam, un lac d'une capacité de 75 millions de m3. Il alimente les irrigations de
20 000 ha par un débit annuel de 100 millions de m3. Un volume non négligeable
qui contribue à la richesse naturelle des
cultures qui couvrent les plaines fertiles,
servant d'abri à tous y compris une population d'animaux cachés. Imaginer être
réveillé par le chant des oiseaux ? Un plaisir enfantin certes, mais précieux,
lorsqu'on arrive stressé des grandes villes.
avec la construction de quelques hôtels
ouverts toute l'année. Cette évolution va
servir, durant la Deuxième Guerre mondiale, les Américains qui la transforment
en une cité hospitalière appropriée à leurs
blessés, meurtris pas la cruauté de la
guerre. Climat et sources thermales assurent leur thérapie et résolvent leur besoin
de bien être. Les huit sources exploitées
alors, offrent une eau de composition
chlorobicarbonatee fortement radioactive
jaillissant en deux parties sous une température qui atteint les 40 et 70 degrés !
Durant leur promenade, les malades pouvaient admirer le rempart antique romain,
autrefois distinct, s'élevant à 1200 mètres
d'altitude. Ces derniers construisirent les
premiers thermes pour leurs armées et la
ville d'Aque Sirenses pour leurs habitants.
Aujourd'hui seulement quelques restants
de construction et des lambeaux de bassins
qui existaient il y a encore une dizaine
d'années, attestent de leur présence. Ce site
archéologique est pillé régulièrement par
ceux qui nécessitent des pierres pour leur
construction, ignorants de ce patrimoine
culturel. Ce qui laisse certains rêver de la
possibilité d'un musée à ciel ouvert ?
Question de localiser Bou Hanifia sur la
carte, comme point d'attache dans l'histoire pré- islamique, une autre tentation
pour tout archéologue en herbe !
Dès 1983, sont ajoutés l'hôtel Ben
Chograne, Hôtel des Bains, étatiques gérés
par l'entreprise de Gestion Touristique de
Tlemcen. Celui qui retient mon attention
est le grand hôtel, décoré sobrement par
des tableaux de l'artiste local M. Boutaleb.
Le jardin luxuriant est particulièrement
bien entretenu par un pépiniériste de
Sfizef. La piscine est ouverte aux clients de
l'hôtel et aux jeunes de la ville qui sans cet
éden n'auraient aucune distraction. L'hôtel
attire régulièrement des curistes, assurés
sociaux ou indépendants. Des années
d'existence et d'expériences ont permis à
Photo M. Boudali
établir une structure et organisation parfaitement planifiées. Une longue liste offre
soins médicaux, traitements appropriés et
bains divers aux concernés. La bonne marche, comme dans tout établissement hôtelier, dépend de la direction, qui œuvre
harmonieusement avec le service technique. Celui-ci mené par le responsable Mr
Ourrab, adepte du tourisme algérien lié à la
médecine thermalisme et aux relations
humaines, est maitre du bon fonctionnement des eaux thermales.
Le travail de l'équipe est de vérifier régulièrement les stations de pompage tous les
deux mois. Nettoyant les composants
résiduels qui ralentissent la capacité de
l'eau desservie. Garder un œil ouvert sur la
sécurité des hôtels et le bien-être des
touristes.
On ajoute que depuis deux ans, grâce à l'arrivée du corps de la police, qui a remanié la
sécurité de la ville et ses alentours, Bou
Hanifia connait un regain constant de
popularité.
Afin de maintenir l'attraction de ces bains
thermaux, on m'explique qu'une des taches
les plus importantes est de maintenir le
débit d'eau potable de la ville par un système traditionnel, convenable à ces sources
antiques. Dans les bassins l'eau est refroidie
par l'évaporation de la chaleur, se débarrassant ainsi de ses composants qui s'effondrent vers le fond. Toute la ville se sert de
cette eau précieuse qui serait la raison pour
laquelle de nombreux octogénaires continuent de mener une vie en excellente santé.
Bien que Bou Hanifia ne soit pas une
grande ville, 18 000 habitants, des maisons
sans beauté exceptionnelle, ni caractère,
seuls les premiers hôtels de l'époque semblent apporter un cachet spécial de vacances, on se sent en vacances dès que nous y
approchons. Pas de maisons traditionnelles, mais des hammams publics bien fréquentés et entretenus régulièrement. Il n y
a plus d'artisanat. Les rues sont bordées de
quelques arbres, dont des faux poivriers.
Au centre, on peut voir, deux gros robinets
où coule l'eau à profusion toute l'année.
La ville ne connait aucune coupure d'eau.
Le climat est sec. C'est la fin de la moisson.
Les collines environnantes couvertes d'un
manteau doré méritent des promenades
pédestres dès le lever du soleil.
La qualité de l'eau de source chaude, née de
la couche volcanique qui l'imprègne de
calcium, de magnésium, de fer et autres
propriétés, est curieusement aérée par des
orifices ouverts, pour arriver bouillante à la
bouche de la source. Nous nous sommes
penchés sur la carte de la région et avons
noté toutes ces “Ayoune”, (sources d'eau) et
hammams agrémentaient régulièrement
les distractions rares d'une population fière
de sa terre. Mon guide reconfirme que l
Algérie est couverte par un network de
points d'eau souterrains, souvent sont bloqués volontairement par des constructions
telles routes ou larges villas. Ces sources ne
sèchent pas, mais sont détournées vers une
autre direction non étudiée.
La station thermale offre plusieurs types de
bains : individuels, en piscine, en caisse
(pour la sudation), de boue. La boue de
Bou Hanifia offre des supports thermiques
en forme de cataplasme dont le pouvoir
antalgique et anti-inflammatoire apportent
de nombreux soulagements. Deux médecins spécialistes de thermalisme, dont
un professeur, conseillent et suivent les
patients. Les soins traitent le malfonctionnement humain, dont le rhumatisme,
gynécologique, problèmes gastriques,
neurologique, affection psychiatrique,
digestive ou laryngologique. Les eaux
hyperthermales se repartissent en trois
types, selon leurs qualités en s'échelonnant
entre 70 à 20 degrés. Le bloc médico-thermal est assuré par des agents qualifiés qui
servent depuis des années les curistes
venus chercher une solution à leur problème de santé. Rien n'est laissé à la légère.
Hydrothérapie, physiothérapie, rééducation fonctionnelle, il y en a tant qu'on se
demande pourquoi personne n'a songé à
publier le résultat des recherches sur la
qualité exceptionnelle des ces sources ou
sur le résultat du travail de fourmi de cette
équipe médicale.
À l'intérieur de la station thermale, dans le
hall d'entrée, accrochés à un large vase
décoratif, quatre robinets laissent couler
59
leurs eaux curatives que les passants et
curistes peuvent boire à tout moment.
Chacun sait qu'une telle boisson contribue
au bon fonctionnement de l'estomac ou
autre partie du corps. Avec trois restaurants, un café, les estivants y trouvent un
bon choix de repas et services. En ville, des
petites rôtisseries offrent un menu limité.
De nombreux hôtels, pensions et chambres
chez l'habitant sont accessibles à toutes les
bourses. Par prudence, il est encore interdit
de cuisiner à l intérieur des chambres. Le
concept moderne d'une kitchenette n'a pas
encore sa place dans notre tourisme.
Chacun aime sa cuisine régionale n'est-ce
pas ?
La saison estivale qui dure de juillet à septembre surtout, reçoit des curistes et leurs
enfants qui aussi cherchent à se détendre
pendant cette période haute chaleur. Le jardin public est dans un état triste. L'ombrage
des arbres est primordial à ceux qui ont
besoin de repos ou à s'abriter du soleil brûlant. Il n y a pas de manèges pour les petits.
Cependant, le grand Hôtel a créé de nombreuses fonctions : expositions de bijoux
berbères en juillet ; artisanat, peinture d'artistes locaux et des soirées organisées dans
la fraîcheur du jardin qui font le bonheur
de tous.
La visite du Président de la République, des
fréquentes visites du Président Toure et
autres dignitaires africains, l'existence de
séminaires internationaux et le rôle dans
l'Institut du Tourisme pointent clairement
l'avenir de cette belle contrée.
Bou Hanifia tient dans son sous-sol des éléments volcaniques qui chauffent l'eau régulièrement. Cette force naturelle géothermique possède une force ignorée encore, mais
qui pourrait être développée à l'avenir.
L'Islande, ayant des sources similaires, a
depuis découvert que la vapeur obtenue de
cette eau chauffée des entrailles de la terre,
pourrait être transformée en fuel et générée
en électricité. En 1930, les ingénieurs puisèrent et détournèrent une eau thermale
souterraine afin de chauffer une première
école. Les ressources géothermiques qui
traversent notre pays pourraient éventuellement soulager la facture d'électricité et
éviter l'émission de gaz carbonique néfaste
a notre planète.
Les promenades aux alentours sont belles.
Mascara entourée de la plaine fertile
d'Eghris n'est pas loin. A une vingtaine de
60
km, un arrêt dans la petite ville de
Tighennif, pour jeter un coup d'œil aux
nombreuses Koubbas, dont les fameuses
Sidi Snoussi, Sidi Othmane et Sidi Youssef.
Proche, dans le lieu dit Ternifine, un gisement préhistorique a été mis à jour, dans
lequel des mandibules humaines âgées de
500 000 années environ contemporaines
avec le pithécanthrope de Java. Une trouvaille qui démontre que notre pays a sa
place dans l'histoire de la création du
monde. Et si vous avez le temps, pourquoi
ne pas continuer jusqu'à Sidi Kada ? Voir la
zaouïa de Sidi Mahyieddine, père de l'Émir
Abdel Kader, en ruines, qui mérite une
pensée pour l'un des plus braves de nos
résistants. Le hammam local, possèderait
une cuve connue sous le nom de “baignoire
d'Abdelkader”, autre curiosité à découvrir.
Bou Hanifia reçoit, ajoute mon guide, surtout des visiteurs de l'ouest du territoire.
toutes les bourses sont des atouts qui maintiennent l'invitation permanente.
Des investisseurs ont reconnu sa place primordiale. Ces dernières années, les hôtels
modernes se sont multipliés. Le potentiel
culturel et historique de Bou Hanifia reste
une autre tâche à développer. On regrette
de n'avoir pas trouvé des magasins offrant
tissages, poteries et spécialités de notre terroir. Ce qui encouragerait nos artistes et
artisans. Un musée du bain et des objets
romains ou d'une autre époque serait le
bienvenu. L'apport du grand hôtel est fort
appréciable. L'honnêteté du staff (qui a
retrouvé mon collier) et leur professionnalisme, la gentillesse des gens du pays et les
différentes sortes de bains, accessibles à
Station thermale
de Bou Hanifia
Des étrangers comme les Suisses,
Espagnoles, Canadiens, Portugais venus
découvrir les lieux, ont sans doute gardé
une belle image de ce lieu de repos et santé.
Qui sait si ces échanges seront enrichissants dans l'avenir ? Si à l'étranger, l'hôtellerie s'est ajustée à la demande des touristes
des stations balnéaires et estivales, d'une
manière sophistiquée, un tel lieu pourrait
tenter ceux à la recherche du calme et de la
simplicité qui rappelle le temps de notre
enfance. Que ce soit pour le plaisir de
découvrir cette belle région ou traiter sa
maladie, on comprend mieux pourquoi on
y revient régulièrement. Bou Hanifia n a
jamais perdu son charme, ni les dons de
son thermalisme.
Nefertari
Grand hôtel des thermes
Tél. : 045 86 72 55
Fax : 045 86 73 86
Chambre une personne : 2000
DA / pension
En suite : 3000 DA avec
pension complète
2 personnes : 5000 DA
M. Med Boutaleb, Artiste peintre
Tél. : 045 82 28 41