Emigration Nous avons rencontré Jasoda dans son village isolé. En

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Emigration Nous avons rencontré Jasoda dans son village isolé. En
Emigration
Nous avons rencontré Jasoda dans son village isolé. En fait, nous
avons dû marcher deux heures à pied pour rejoindre ce village, car
notre voiture n’a pas su circuler sur le chemin, auquel seuls les
véhicules tout-terrain ont accès. Jasoda habite une modeste
chaumière avec ses beaux-parents et ses deux enfants. Son mari,
Bishnu, travaille en Inde. Il revient une fois l’année dans le village.
Jasoda fait le ménage et travaille sur le lopin de terre appartenant à
ses beaux-parents. Son mari envoie régulièrement de l’argent aux
beaux-parents pour contribuer aux frais du ménage.
Jasoda fait partie d’un groupement de femmes dans le village, et elle attache beaucoup
d’importance aux rencontres avec les autres femmes, qui leur permettent d’évoquer
ensemble leurs problèmes communs. Elle a convaincu ses beaux-parents que les jeunes
femmes ont aussi le droit de se promener dans le village, de parler à d’autres femmes, et
de réfléchir ensemble à trouver des solutions à leurs problèmes. Dans la tradition, une
femme népalaise ne quitte en effet pas sa maison, sauf pour puiser de l’eau au puits et
pour travailler sur les champs.
Jasoda et Bishnu attachent beaucoup d’importance à l’éducation de leurs deux enfants, un
garçon et une fille, qui fréquentent l’école primaire. Jasoda voudrait bien trouver une
occasion de développer une activité pour travailler et pour gagner un peu plus, car les fins
de mois sont difficiles. Mais elle ne voit pas de possibilités dans le village. Elle sait que
ses enfants n’auront pas d’avenir dans le village, et qu’ils devront faire leur vie ailleurs.
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Une ONG partenaire d’AEI conseille les hommes et les femmes qui souhaitent quitter le
Népal pour travailler à l’étranger. Ces émigrants, qui sont souvent illettrés, rêvent d’un
pays étranger, où ils ne comprennent pas la langue. Ils devront y faire face à un monde
très différent de leur village, un environnement qui n’est pas sans danger pour eux.
Un de nos partenaires a installé un bureau d’accueil à chaque
point de passage à la frontière entre le Népal et l’Inde, de
sorte à toucher tous les Népalais lorsqu’ils partent à la
recherche d’un travail en Inde. Ce même partenaire à aussi
installé un poste de conseil dans plusieurs bureaux de district,
où les Népalais viennent demander un passeport et un visa.
Lors de notre visite, le porte-parole de cette ONG nous a raconté quelques expériences
concrètes. Ainsi, un groupe de jeunes hommes d’un village avait payé une somme
importante à un intermédiaire qui leur avait promis un contrat de travail dans un pays
arabe avec un salaire confortable1. A la lecture du contrat, le conseiller de l’ONG a
remarqué que le texte ne correspondait pas aux promesses faites à ces travailleurs
illettrés.
Nous avons également visité un village où la plupart des
hommes avaient émigré vers l’Inde, en laissant leurs épouses
au village, pour revenir une fois par année. Celles-ci prennent
soin de leurs enfants et des beaux-parents. Notre partenaire
développe avec les femmes du village un modèle
d’agriculture écologique, basé sur le jardinage : les légumes
sont soigneusement choisis, en fonction des besoins
nutritionnels des habitants, les terres sont rendues fertiles par l’usage d’engrais naturels,
et les jeunes plantes sont soigneusement arrosées. Les résultats sont impressionnants :
aujourd’hui, les ménages disposent d’un régime alimentaire équilibré, grâce aux récoltes
de légumes, et le surplus de la récolte est vendu sur le marché.
Et nous avons entendu des histoires tristes, traduisant la situation difficile de la femme
dans la société népalaise. Ainsi, certains jeunes hommes souhaitant émigrer vers les pays
arabes ne disposent pas de l’argent liquide suffisant pour payer l’intermédiaire et acheter
le billet d’avion. Dès lors ils se marient, l’épouse apporte sa dot, et l’argent ainsi obtenu
sert au jeune mari à financer son émigration. La jeune mariée reste à la maison, elle fait le
ménage et assume en plus les travaux sur les champs. Elle est peut-être entretemps
enceinte, et elle aura donc un enfant d’un mari qu’elle connait à peine. Si le mari
contribue aux frais du ménage, il verse de l’argent au nom de son père, ou de son frère,
de sorte que la mariée n’y a pas accès. Lors du retour du mari, tout peut rentrer dans
l’ordre. Mais parfois aussi, le mari ne s’entend pas avec son épouse, et demande le
divorce. Si le mariage a été contracté devant les autorités civiles, l’épouse sera protégée
par la législation relative au divorce, du moins en théorie. Si par contre le mariage a
uniquement été célébré au temple hindou, l’épouse n’a aucun droit, et elle devra quitter le
ménage, en laissant son enfant entre les mains du père, si celui-ci veut garder l’enfant. A
moins que le mari ne se lie à une deuxième épouse : la polygamie est en effet une
pratique acceptée dans la société népalaise traditionnelle.
1
A titre d’exemple, environ 500.000 Népalais travaillent en Arabie Saoudite. Ils ont reçu un visa pour
travailler auprès d’un seul employeur, et celui-ci a confisqué leur passeport. Environ 100.000 Népalais ont
entretemps changé d’emploi, souvent parce que le travail et le salaire ne correspondaient pas aux promesses
faites à l’embauche. Au sens de la loi de l’Arabie Saoudite, ils sont devenus de ce fait des travailleurs sans
visa, donc illégaux. Et ils ne peuvent même pas quitter le pays sans l’accord écrit de leur premier
employeur.
Comparaison de salaire : un de nos chauffeurs gagne 7.000 roupies népalaises par mois (soit +- 70 €). Son
frère travaille dans le bâtiment dans les Emirats arabes unis pour un salaire mensuel d’environ 40.000
roupies.