La tête dans les étoiles - le site de l`Observatoire de Cully
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La tête dans les étoiles - le site de l`Observatoire de Cully
Migros Magazine 24, 8 juin 2009 VIE PRATIQUE ASTRONOMIE | 83 La tête dans les étoiles L’astronomie chez soi, c’est difficile, plutôt cher, mais possible. Entrez dans le dôme de Philippe Barraud, amateur éclairé qui a bâti un observatoire dans son jardin à Cully (VD). e ne fais pas d’observation, surtout de la photo. Parce qu’on ne voit pas grand-chose et qu’on est souvent déçu. Tout l’intérêt de la photo, c’est de montrer l’invisible.» Sur son site internet, Philippe Barraud a déposé une cinquantaine d’images. De l’amas d’Hercule à la nébuleuse du Croissant en passant par la galaxie d’Andromède. Des images étonnantes de vapeurs roses, de points scintillants, d’artères turquoise. On se croirait à l’intérieur du corps humain, alors qu’on est en réalité à des millions d’années-lumière. Aux fins fonds de la galaxie. J Les erreurs classiques du débutant Journaliste à mi-temps mais passionné à temps complet, Philippe Barraud, la soixantaine insaisissable, s’est donc improvisé astronome il y a trois ans, «avec les erreurs classiques du débutant». Autrement dit, un instrument acheté au petit bonheur et des premiers résultats «catastrophiques». «Alors, on rachète des trucs, ça coûte cher, il n’y a pas de mode d’emploi simple, et on doit tout découvrir par soi-même. C’est seulement maintenant que je commence à faire de bonnes images.» Comme en témoigne la nébuleuse de la Rosette, ce cliché très réussi, au temps de pause de quarante-deux minutes, qui fait toute sa fierté et qui a même été repris sur le site internet du magazine Astronomy. Un bâtiment insolite au fond du jardin Au fond de son jardin en pente, sur les hauteurs de Cully (VD), après les rosiers, les pivoines et les sauges, se dresse donc un bâtiment insolite. Un petit dôme à peine plus grand qu’une cabine de bain où il a installé tout son précieux matériel. Un astrographe à grosse ouverture pour faire Philippe Barraud, ici, dans son dôme d’observation, s’est improvisé astronome il y a trois ans. 84 | Migros Magazine 24, 8 juin 2009 La nébuleuse de la Rosette, photographiée au Nouveau-Mexique. La nébuleuse du Cocon vue depuis Cully. Photographiées en des photos, un télescope Schmidt-Cassegrain pour l’observation, une lunette japonaise «très lourde, mais top niveau» et une petite lunette chinoise, utile pour le guidage. Le tout relié à un ordinateur dont l’écran est en permanence branché sur la Voie lactée. «L’avantage de la coupole, c’est qu’en cinq minutes tout est prêt. Sinon, vous devez trimbaler les appareils, parfois très lourds, mettre en station la monture, et après deux heures d’installation, le ciel se couvre!» rigole Philippe Barraud. Reste justement à trouver le bon ciel. Et éviter la pollution lumineuse. «En hiver, l’air est plus transparent qu’en été, où il est souvent chargé d’humidité, ce qui crée des parasites sur les photos. Sans parler des coups de vent, des trajectoires d’avion ou de satellites qui font de vilaines traces.» Evidemment, plus le temps de pause est long, plus les chances sont grandes de réussir un bon cliché. Un long travail de traitement de l’image Philippe Barraud: «L’avantage de la coupole, c’est qu’en cinq minutes, tout est prêt.» Sauf que, quand l’image sort, brute, de l’ordinateur, elle ressemble à ça: un millier de points lumineux sur fond noir. On se croirait devant une chaîne TV cryptée ou en fin de programme. C’est que tout le travail, décomposition des couleurs et recomposition à l’écran, reste à faire: «Il faut traiter toutes les photos séparément, couleur par couleur, puis les empiler pour VIE PRATIQUE ASTRONOMIE | 85 LE CIEL À PORTÉE DE MAIN Conseils de pros mai 2008: les nébuleuses America et du Pélican. faire disparaître le bruit. Il n’y a pas de logiciel miracle. On sait que tel gaz ou tel métal produit une certaine couleur, mais il y a une part d’interprétation.» Jamais à court d’idées, l’astronome avisé termine ces jours la construction d’un deuxième observatoire, «plus simple» en Valais, à Saint-Martin. Une maison- Les nébuleuses de la Tête de Cheval et de la Flamme. nette avec toit coulissant qu’il compte pouvoir piloter à distance. «Je peux déjà enclencher les ordinateurs par SMS. Reste à mettre au point un système pour actionner l’ouverture du toit à distance.» Pourquoi un deuxième poste d’observation? «Avec le stratus en hiver, aucun ciel n’est utilisable en Lavaux. Sans parler des cirrus, de Engouement céleste «On assiste à un véritable engouement du grand public pour l’astronomie. On le voit au niveau de la vente d’instruments», affirme Bastien Cofino, astronome passionné et directeur du magasin Galileo à Lausanne depuis dix ans. Des télescopes d’initiation, il en vend entre 500 et 700 par année, avec une régularité de métronome depuis deux ou trois ans. Les raisons de cette nouvelle passion? Une bonne vulgarisation des médias, qui mettent les lecteurs sur orbite en parlant de Big Bang, de galaxie et d’événements à ne pas rater, comme le passage de la comète Hale-Bopp en 1997 ou l’éclipse du Soleil en 1999. Autre facteur de cet intérêt pour les étoiles: l’évolution des instruments. «Avant, il fallait des cartes du ciel et ça prenait du temps. Aujourd’hui, de petits ordinateurs couplés à des télescopes permettent de voir instantanément une planète sans être astronome.» Pour 300 francs déjà, on peut donc s’offrir une vue sur les cratères de la Lune ou les anneaux de Saturne. Gare toutefois de ne pas se laisser griser par les publicités racoleuses qui vantent les mérites d’appareil peu chers capables de grossir 500 fois: «Une règle à retenir: il n’y a pas de bonne optique bon marché. Ce n’est pas le grossissement de l’optique, mais son diamètre qui est important. Sans un bon diamètre, l’image est floue et très sombre, donc on ne voit rien», avertit le spécialiste. Bastien Cofino conseille enfin au débutant de se joindre à un club d’astronomie ou d’assister à des soirées d’observation. La prochaine en date: «Féerie d’une nuit», le 4 juillet au Signal de Bougy, rassemblera quelque 50 amateurs et leurs télescopes pour un ciel partagé. Infos sur www.astronomie2009.ch la brume… Alors qu’à SaintMartin, la météo est meilleure, l’air plus sec. Le val d’Hérens, c’est noir de noir, un ciel de rêve!» Sûr que Philippe Barraud a gardé intacte cette passion qui lui vient de l’enfance et de Tintin. De ces moments forts où il a découvert les fossettes de la Lune sous la plume claire d’Hergé. Des milliards d’étoiles bourrées de vie Et qui lui fait dévorer aujourd’hui tous les magazines d’astronomie et bouquins de SF, lui forge l’envie de réussir une fois une image de Siméis 147, sorte de nébuleuse sphérique avec des filaments. Et le ramène chaque jour pour une heure ou deux dans sa coupole. «Ce sont les galaxies qui me font rêver. De penser qu’il y a autour de nous 300 milliards d’étoiles bourrées de vie qu’on ne verra jamais. Ça me bouleverse!» Non, il ne regrette aucune de ces heures passées en tête-àtête avec l’infini, ce noir sidéral et vertigineux, qui lui chuchote une autre philosophie. «J’aime le ronronnement des machines, la qualité du silence à 2 heures du matin, quand tout le monde dort, sauf les criquets. Ça m’apporte une grande sérénité et ça relativise la vie sur terre tout en donnant de la grandeur à l’existence.» Patricia Brambilla Photos Mathieu Rod et Philippe Barraud Infos sur www.observatoiredecully.com Pour s’improviser astronome, mieux vaut avoir un talent de bricoleur, doublé d’un solide sens informatique. Et être persévérant! Sans oublier le budget, soit 7000 à 8000 francs pour la seule monture. Car, disent les spécialistes, ce n’est pas tant l’instrument qui compte que cette espèce d’horloge qui suit le mouvement des étoiles et sert à se repérer directement dans la voûte céleste. Enfin, plutôt qu’un télescope, mieux vaut miser sur une lunette à lentilles de verre, facile à transporter, plus performante et moins délicate. Télescopes télécommandés Envie d’observer les constellations de l’hémisphère Sud? C’est possible. Des télescopes télécommandés branchés aux quatre coins du globe, des déserts du Chili aux îles Canaries, sont en location pour les astronomes amateurs. Suffit d’acheter en ligne un temps d’observation (compter 150 dollars de l’heure). Avis d’astronome: mieux vaut bien planifier sa séance photo si l’on ne veut pas se retrouver à l’arrivée avec une méchante facture et une image ratée. Le ciel est à vous sur www.global-rent-a-scope.com, www.rent-a-sky.com et www.slooh.com. Le boom des planétariums 2009, année mondiale de l’astronomie et des projets tous azimuts! Trois planétariums risquent de voir le jour en Suisse romande à horizon plus ou mois lointain: à Vernier (GE), au Chalet-à-Gobet (VD) et à Saint-Luc (VS). Autant de lieux qui permettront au grand public de s’envoyer en l’air et de humer les étoiles tout en restant assis.