Chappatte,le dessinateur de presse et auteur de reportages BD, est

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Chappatte,le dessinateur de presse et auteur de reportages BD, est
80 tendances&loisirs
N° 10 du 5 mars 2013
Le trait qui ironise et témoigne
Chappatte, le dessinateur de presse et auteur de reportages BD, est dans le
jury du Festival du film sur les droits humains, à Genève. Et deux expositions
mettent en lumière son travail avec des dessinateurs d’Amérique centrale.
Texte florence michel
photos darrin vanselow
Coopération. Le Festival du
film sur les droits humains
et le Musée du dessin de
presse présentent deux
expositions sur un échange
avec des dessinateurs de
presse d’Amérique centrale,
sur le thème de la violence et
de la corruption. En quoi
consiste ce projet «Plumes
croisées»?
Patrick Chappatte. En mars
2012 à Guatemala City, avec
le soutien de l’ambassade
suisse au Guatemala, j’ai
coordonné un atelier réunissant neuf dessinateurs de
presse du Guatemala, du
Honduras et du Salvador.
Un calendrier destiné à un
large public a été réalisé. Ces
pays, dont personne ne
parle, vivent une réalité qui
m’a coupé le souffle. Les
taux d’homicides de la dernière décennie placent ces
pays en tête des classements
mondiaux de la violence.
Dans leurs rues, on meurt
autant ou plus qu’en Irak ou
en Afghanistan!
C’est «L’autre guerre»,
titre du reportage BD
que vous avez réalisé au
Guatemala…
Oui, ce quotidien de violence extrême, dominé par
les gangs, sur fond d’inégalités sociales et d’exclusion,
m’a vraiment bouleversé.
Entre le dessinateur suisse
qui vient d’un des pays
les plus sûrs et les plus
riches de la planète, et vos
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Coopération Festival Jusqu’au 10 mars
Dans le jury du 11e Festival du film et forum international sur les droits humains (jusqu’au 10 mars),
Patrick Chappatte a pour président Ai Weiwei, figure
majeure de l’art contemporain et de la dissidence
chinoise, qui est en contact avec Genève depuis Pékin,
car il n’a pas le droit de quitter son pays. Tout le programme du festival sur:
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Chappatte au travail
dans le nouvel atelier où
il vient de s’installer
à Genève, dans le
quartier des Pâquis.
«Je suis content
d’être tout près du
lac.»
lien www.fifdh.org
Parcours Du Pakistan à Genève
Origines. Patrick Chappatte est né le
22 février 1967 à Karachi au Pakistan
où son père, Jurassien, était en poste
pour la Fédération horlogère suisse.
«Il avait rencontré ma mère, Libanaise, à
Beyrouth. J’ai deux frères aînés. Nous
sommes venus à Genève quand j’avais
5 ans.»
confrères d’Amérique
centrale, quel décalage!
Bien sûr, c’est un contraste
très fort. Mais on apprend les uns des autres.
Très souvent je suis en admiration en découvrant
les styles de magnifiques
dessinateurs, il y a plein
d’étincelles qui sortent de
ces ateliers. Plumes croisées
existe depuis 2006, je suis
allé en Côte d’Ivoire, au Liban et au Kenya. Certains
dessinateurs étrangers sont
venus en Suisse où ils ont pu
nouer des contacts.
Famille. Avec son épouse journaliste
Anne-Frédérique Widmann, cheffe de la
rubrique enquêtes à la Radio Télévision
Suisse, il a trois fils de 15, 13 et 7 ans.
Dessins de presse et reportages BD sur
le site Internet de Chappatte:
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lien www.globecartoon.com
Vous-même, avez-vous déjà
été censuré?
Oui, mais c’est presque
anecdotique par rapport à
des confrères étrangers qui
risquent leur peau avec un
dessin! J’en suis assez loin,
je pourrais risquer au pire
une fâcherie avec un rédacteur en chef.
Qu’est-ce qui vous
pousse à aller dans les zones
en conflit?
J’ai une curiosité sans fin,
une envie de voir comment
les gens se débrouillent ail-
leurs, en particulier les dessinateurs de presse, dans des
contextes de violence. J’ai
besoin de sortir de mon bureau et d’aller me confronter
à ça. Après, avec mes reportages BD, j’ai envie de faire
partager ces réalités aux lecteurs suisses. J’ai l’impression de faire du documentaire sur papier plutôt que
de la BD.
Revenons au dessin de
presse: chaque semaine,
vous en livrez trois au
«Temps» à Genève, un à la
«NZZ am Sonntag» à Zurich
et deux au «International
Herald Tribune» à Paris.
Combien de temps vous
faut-il pour réaliser un
dessin?
C’est une gymnastique,
je cherche plusieurs idées
– bien que souvent la première soit la bonne. J’en
trouve quatre ou cinq en
une heure, parfois deux. Ensuite je fais mon dessin en
une à deux heures, puis je le
scanne et je fais les couleurs
sur Photoshop.
Comment vous imaginezvous dans dix ans?
C’est une très bonne question qu’on peut se poser
quand on regarde l’état de
la presse! Cette évolution
ne me fait pas spécialement
peur, mais elle m’intrigue.
Il y a plein de choses à faire
avec le dessin, c’est un outil de communication qui
va très bien au monde d’aujourd’hui, il est rapide, intuitif. Je me tournerai peutêtre vers la télévision ou les
sites multimédias…
Avez-vous parfois peur
qu’on n’aime plus ce que
vous faites?
Non, j’ai surtout peur de ne
plus aimer ce que je fais!
C’est là le vrai déclin, quand
on n’aime plus ce qu’on fait
mais qu’on continue pour
une raison économique ou
autre.
Expositions «Violence et
corruption en Amérique
centrale»: jusqu’au 10 mars
à la Maison des arts du Grütli
à Genève, et du 6 mars au
12 mai à la Maison du dessin
de presse à Morges.

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