Franco Fontana site
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Franco Fontana Les aplats colorés du monde et des femmes « La créativité ne signifie pas photographier ce qui est, mais ce que nous imaginons qui soit. […] Le photographe découvre le monde à travers ce qu’il a en lui et en même temps il a besoin du monde pour le découvrir. Ainsi, libérez l’artiste qui est en vous et laissez cet artiste faire d’abord des photographies et pensez ensuite. » Fontana. Franco Fontana est un photographe italien passé maître dans l’art de la magie de la couleur, paysages entre ciel et terre, mer perdue dans l’horizon, femmes posées comme des nénuphars sur l’eau des piscines, paysages urbains à la limite de l’abstraction. Paysages hyperréels, donc plus réels que la réalité, presque surréalistes à force d’être recomposés, suspendus, souvent impossibles ou plutôt possibles que dans un ailleurs, Franco Fontana a un langage visuel personnel avec ses couleurs vives, lumineuses, éclatantes de manière à apparaître irréelles, imaginaires. Que ce soit les paysages de sa chère Italie du début de sa carrière (années soixante) en passant par les différentes recherches dédiées aux paysages urbains, les piscines et les éclats érotiques des nues, et la mer tout entière en allée. Il voyage beaucoup pour en fait restituer le même univers fait des chocs de couleurs et de lignes, qui font une sorte de monde parallèle, magique. Il peut revenir souvent bien des années après sur les lieux de ses photographies, pour essayer de rendre les fluctuations de la lumière, le délire des couleurs. S’il est connu du grand public pour avoir illustré des pochettes d’albums musicaux de jazz produits par le label ECM, et bien des campagnes publicitaires, comme Volkswagen, Volvo, Ferrari, Grundig, Kodak, Satoh, Versace, Hermès,…, et plusieurs calendriers artistiques., il est avant tout un des très grands photographes de la modernité, un maître de la couleur. Il a tout simplement révolutionné notre représentation des paysages de la nature et des paysages urbains. Il a créé en fait une nouvelle ère dans la photographie. Exposé internationalement : MoMa, Cologne, Pékin, Metropolitan, Museum de Tokyo, Stedelijk Museum d’Amsterdam, Londres, Helsinki, Moscou, Melbourne, Sao Polo…, il a influencé beaucoup de photographes actuels et ouvert la voie par son radicalisme photographique à une nouvelle écriture de l’image. En 1978, le livre Skyline de Franco Fontana fut un véritable électrochoc dans le monde de la photographie, « en nous montrant le paysage comme nous ne l’avions jamais vu auparavant, à la fois abstrait et concret, un ensemble parfait de lignes horizontales flambantes de couleurs sensuelles. » Il a su écrire avec la lumière, et a voulu transformer le réel en réduisant l’espace à la mesure de nos rêves. Le manque voulu de profondeur de ses photos ne fait qu’accroitre la profondeur de notre imagination. Ce sont des vies empruntées à un autre ailleurs qu’il nous propose avec ses paysages qui dépassent nos paysages. Et ses images sont de véritables poèmes de la lumière et des rêves éveillés. Une quête esthétique « Dans la photographie, je cherche la dimension de l’espace ; à mon avis c’est la base de tout l’équilibre de la vie, et par conséquent de toute forme artistique. » Franco Fontana. Franco Fontana est né le 9 décembre 1933 dans sa chère ville de Modène, qu’il a souvent célébrée. Il a commencé à travailler comme photographe amateur en 1961. Il a pris part à des compétitions et expositions de groupe organisées par les clubs de photo amateur. Depuis les années 1960, il a été l’un des grands maîtres de la photographie couleur. En 1963 il est invité à exposer son travail lors de la 3e Biennale de la couleur à Vienne. Ses premières études sur la couleur, l’espace, la forme et la lumière ont été présentée dans sa première exposition personnelle à Turin, à la Subalpina Società Fotografica en 1965, et à Modène en 1968 à la Galleria della Sala di Cultura. Auparavant un voyage à Prague en 1967 lui fait découvrir le monde urbain, qu’il retrouvera plus tard. En 1970 il publie son premier livre sur sa ville de Modène, « Modena una città » et expose à Ferrare. Dans cette exposition personnelle au Palais des Diamants, le public découvre sa série de paysages, série Paesaggi, des Pouilles, de Basilicata, et autres lieux. Ce sera une révélation, comme on pouvait par un génie chromatique, une pureté des formes et de l’espace, par les jeux des ombres, faire vibrer tout un monde mis à plat devant nos imaginations. Sa première grande reconnaissance internationale il l’obtient par une exposition à la galerie Brücke Die à Vienne, en 1972. Mais il aura fallu plus de quinze ans à Franco Fontana, pour arriver à la parfaite maîtrise de son art. En 1978, son livre Skyline est l’aboutissement d’une œuvre en pleine maturité, et va contribuer à ouvrir la voie à la nouvelle photographie italienne. Son écriture n’est pas celle d’un simple coloriste intégrant les apports technologiques de son temps, mais d’une sorte de peintre de la Renaissance voulant déchiffrer les lignes du ciel, les compositions géométriques de la nature et des villes, le cœur éclatant des couleurs. En 1979 il voyage aux États-Unis, à la découverte des paysages urbains comme nouveau sujet de son art, toujours porté vers les lignes et l’abstraction, mais dans un tout nouvel environnement que celui de ses plaines italiennes. De ces paysages des mégapoles il capte des fragments significatifs, leur géométrie cachée, qu’il ordonne comme des tableaux abstraits qui renvoient à Rothko et Poliakoff. Ce sera la série Paesaggi Urbani, où bâtiments, ombres fugitives des passants, dressent des réflexions sur le temps qui passe et la solitude des hommes. Il va avec la série Presenza Assenza (fin 1979-1980), faire du sujet humain qu’une trace comme des ombres inquiétantes, plaquées sur le réel. En 1984 il réalise sa série "Piscine", où le mariage de l’eau bleue et des corps sensuels et offerts des femmes produit un fort climat érotique. En 1981, il participe à différents ateliers à Arles et Venise et publie un ouvrage en noir et blanc. En 1985, à l’université de Turin, Fontana tient d’autres ateliers qui vont permettre d’alimenter un recueil, La scrittura fotografica. En 1986, il travaille étroitement avec Alexander Liberman des magazines Vogue USA et Vogue France, et il se lance dans la photo de mode et la photo publicitaire publicitaires pour Volkswagen, Volvo, Ferrari, Grundig, Kodak, Satoh, Versace, Hermès,… et plusieurs calendriers artistiques. En 1989, il collabore à la revue Il Venerdi, insère hebdomadaire du quotidien italien La Repubblica. Dans la même année, il reçoit le Premio della Cultura Presidenza dei Ministri, à Rome. En 1993 il entreprend une sorte de road-movie photographique le long de la route 66. En 1995, il participe à la Biennale de Venise avec l’exposition Un Secolo di ritratto fotografico in Italia 1895-1995. En 1999, son livre Sorpresi nella luce americana rend hommage à l’atmosphère vivante des tableaux d’Edward Hoppers et à la solitude des aliénés et des acteurs de la vie urbaine. En 2001, il a été inscrit dans la Britannica Enciclopedia et a représenté l’Italie, de concert avec De Chirico, Schifano et Ceroli, à la Biennale du Musée de l’Art de Buenos Aires. En 2003 il a commencé à travailler sur la série 'Asfalti', (asphalte) qui semble un écho à Aaron Siskind. En 2004 il réalise une grande exposition au Palazzo Reale, à Milan. En 2011, il est invité à la Biennale d’Alexandrie avec un projet personnel « Vita Nova » et à la Biennale de Venise dans le pavillon italien par le conservateur Vittorio Sgarbi. Il a reçu de nombreux prix, dont la Photokina de Cologne (1974), la nomination de Maître Photographe de la FIAF italienne (1995). Ses œuvres sont présentes dans 50 collections publiques internationales dont le MoMA (New York), le Musée Ludwig (Cologne), Musée d’Art Moderne (Paris), Galleria Civica d’Arte Moderna e Contemporanea (Torino). Il a organisé des conférences et des ateliers à l’étranger (Musée Guggenheim de New York, Institut de Technology Academy de Bruxelles, Université de Toronto Tokyo) et dans plusieurs villes italiennes. Il est directeur artistique du Festival Foto Toscana, et il a collaboré avec le Centre Pompidou et les ministères de la Culture de la France et le Japon. Ainsi sa vie aura été une quête esthétique constante, sorcier des couleurs et des ombres, il a poursuivi sa route, même si des séries ont connu bien moins de succès que ses paysages italiens. Et sa quête aura nourri la nôtre, en recherche de nos propres paysages intérieurs. Le monde intérieur et unidimensionnel de Fontana « J’essaie d’isoler dans l’espace et le temps tout ce qui est normalement mélangé avec une infinité de détails. Pouvoir extraire quelques éléments essentiels de l’ensemble qui se présente à l’œil humain est l’une de mes exigences intérieures : pour parvenir à une unité harmonieuse grâce à l’élimination de tous les éléments naturels inquiétants. De cette façon, un paysage est né qui est constitué par des relations subtiles de l’espace, de la forme, du dessin et de la couleur. ». Fontana. Sa science des aplats évoque et invoque Matisse et Bonnard. De larges couches de couleurs violentes sans profondeur et juxtaposées, font perdre toute réalité de ce qui est photographié. Et ses ombres de passants semblent des tableaux surréalistes et oniriques à la Chirico. Il restitue aussi l’esthétisme et les couleurs de la Renaissance, ellemême haute en couleurs. Cela devient une odyssée dans la couleur dépassant l’objet photographique et qui se décline aussi bien dans des commandes publicitaires que le rendu de ses chers paysages italiens, l’étendue infinie de la mer, les ombres du réel, les immeubles en quête de lumière, les ombres des passants. Couleurs et lignes décomposent ce qui est vu pour donner un équilibre comme des gouaches découpées, en suspens. Toutes les proportions sont volontairement fausses et à part la série des piscines, l’homme n’a pas sa place dans cet univers unidimensionnel, qui force le réel à n’être plus réel, mais fantasmé. Il semble replié le monde dans la planéité de ses images, paysages ou mégapoles. Un monde de grande solitude. Les contrastes très importants entre les lignes, les couleurs saturées, les pans de matière, fondent son pays imaginaire. L’apparente simplicité de ses images cache bien des mystères et des complexités. Chez lui le ciel bouge bien plus que le paysage. Sans cesse les conditions climatiques sont en fluctuation changeant lumière et regard. La planète tourne autour de son appareil photo, et l’immensité du monde nous apparaît dans ses petits bouts de paysage. Dans ses paysages, où seul parfois un seul arbre semble donner un sens de l’échelle, tout semble en expansion, une sorte de toile peinte à plat et qui va vers l’infini. Ses couleurs profondes, intenses, saturées font que ce qui pourrait sembler des paysages simplistes devient alors des odyssées pour nos perceptions. L’extrême sobriété devient porte ouverte pour l’autre côté des miroirs. Ses paysages urbains ne sont que des fragments de mémoire. La mer déborde de l’horizon pour venir vers nous. Franco Fontana nous fait entrer dans une autre dimension, et nous ne sommes plus en Toscane, en Emilie, à New York ou Los Angeles, au bord d’une piscine avec des ondines, nous sommes simplement ailleurs, dans un autre temps. Après avoir revisité les paysages (Skyline) il est passé aux paysages urbains, au nu, au Polaroid parfois, sans jamais abandonner son exaltation de la couleur, sauf pour de rares excursions vers le noir et blanc. Il utilise un équipement assez simple, un appareil argentique 35 mm Canon et n’utilise que trois lentilles : un zoom 17-35mm, un 35-350mm, et une lentille Premier 14mm. Franco Fontana travaille en profondeur sur les formes, des paysages italiens de ses débuts aux paysages urbains devenus des tableaux abstraits sous son regard. Il plie l’espace à sa vision, et par le pinceau de ses couleurs, comme un peintre, il dresse un univers fantasmagorique. Univers tout à la fois figuratif et abstrait avec ses couleurs sensuelles, débordantes, qui coulent comme sources vives. Franco Fontana est le sorcier des paysages transcendés qui deviennent des mosaïques reflétant notre monde intérieur. Maintenant à 82 ans il continue toujours à faire vibrer les jaunes, les rouges, les bleus, les verts, et les lignes. Toujours immense coloriste et qui humblement se définit ainsi : « Photographe amateur, iconographe depuis quelques années, amoureux des textures, lumières naturelles et artificielles et des progrès de la photographie. Mes grands sujets : la vie courante de tous les jours, les gens, les voyages. » Et la puissance d’émotions de ses images nous poursuit longtemps. Car que ce soit ses paysages urbains ou ceux des plaines italiennes, tout est transformé par une alchimie des formes, des couleurs en espaces rêvés, une pureté des lignes, des ombres et des formes, qui en font des êtres vivant devant nous. Le figuratif touche alors à l’abstraction et devient figures nouvelles et surprenantes, projections de nos espaces intérieurs. Gil Pressnitzer Toutes les images sont copyright Franco Fontana Sources : Réponses Photo n° 260 de novembre 2013 : Fontana, de toutes les couleurs. Article du 9 novembre 2013 de Pratique Photo Bibliographie Skyline, en anglais, préface de Claude Nori, contrejour biographie ; réédition 2013. Franco Fontana de Giovanna Calvenzi et Marguerite Pozzoli, Actes Sud 2003 Franco Fontana. Full color. Catalogo della mostra (Venezia, 15 febbraio18 maggio 2014) Franco Fontana : a Life of Photos : de Vicki Goldberg (Auteur), Ferdinando Scianna (Auteur) Postcart Edizion 2010 La raccolta fotografica di Franco Fontana Paolo Mauri, Walter Guadagnini, Grafis (1991) Franco Fontana. Paesaggi. Andrea Micheli. Galleria degli animali, R. Barilli, Mazzotta (2005) La via Emilia, Franco Fontana, Atlante (2006) Aemilia de Candido Bonvicini, Biblos 1993