L`œuvre d`art n`est pas celle que l`on croit
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L`œuvre d`art n`est pas celle que l`on croit
21/8/2015 L’œuvre d’art n’est pas celle que l’on croit L’œuvre d’art n’est pas celle que l’on croit LE MONDE | 08.08.2015 à 10h45 • Mis à jour le 10.08.2015 à 08h34 | Par Nathaniel Herzberg (/journaliste/nathaniel herzberg/) Regardez bien cette miniature de saint Jean l’Evangéliste. Un chefd’œuvre. L’expression du sujet, la composition, les couleurs, encore intenses. Et la scène, mythique : l’« aigle de Patmos » semble y rédiger un des textes qui feront sa postérité, son Evangile, ses trois épîtres, à moins qu’il ne mette la touche finale à son Apocalypse. L’apparence vieillie du parchemin ne doit pourtant pas nous tromper. La « relique » a été réalisée au XXe siècle. Copiée, comme trois autres, dans un ouvrage publié à Paris en 1929, intitulé Les Manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale. Un faux, ou plutôt une imitation, réalisée « à la manière de… ». La dernière couche, surtout, d’un étonnant codex, aussi rare dans son contenu qu’incroyable dans son histoire : le palimpseste d’Archimède. http://abonnes.lemonde.fr/arts/article/2015/08/08/luvredartnestpascellequeloncroit_4716980_1655012.html 1/4 21/8/2015 L’œuvre d’art n’est pas celle que l’on croit Miniature de SaintJean l’Évangéliste l’« aigle de Patmos ». THE ARCHIMEDES PALIMPSEST PROJECT Rédigé au Xe siècle, ce volume de 90 pages constitue la plus ancienne copie – et de très loin – d’un ensemble de sept traités du physicien et mathématicien grec. Pour trois d’entre eux, il en demeure même la seule trace originale. On y trouve ses théorèmes, ses pensées et certains des schémas qu’Archimède de Syracuse (287 av. J.C.212 av. J.C.) aimait à dessiner dans le sable lorsqu’il souhaitait illustrer son raisonnement. Pour découvrir cette merveille, il fallut d’abord toute la science du philologue Johan Ludvig Heiberg. Lorsque, en 1906, le savant danois le retrouva dans le SaintSépulcre de Constantinople, le document se présentait sous la forme d’un livre de 176 pages qui n’avait plus rien de scientifique. Quelque sept siècles plus tôt, en 1229 exactement, un moine byzantin, Johannes Myronas, avait cru bon de gratter le parchemin initial afin d’y rédiger un ouvrage de prière. Heiberg prit des photos en lumière rasante, parvint à retrouver certains dessins déjà connus du savant grec et à apporter la preuve de ce que dissimulait l’ouvrage. Mais en 1908, le volume disparaissait. Texte intégral http://abonnes.lemonde.fr/arts/article/2015/08/08/luvredartnestpascellequeloncroit_4716980_1655012.html 2/4 21/8/2015 L’œuvre d’art n’est pas celle que l’on croit Acheté aux enchères chez Christie’s à New York, en 1998, pour 2 millions de dollars par un collectionneur privé, le manuscrit a été déposé au Walters Art Museum de Baltimore. Depuis, il a été longuement étudié, un site Internet a même été créé pour en décrire l’épopée. Une équipe de Stanford est d’abord parvenue, grâce aux rayonnements ultraviolets, à déchiffrer l’essentiel du texte. La « Méthode », le « Stomachion » et les « Corps flottants » – pour ce dernier, il restait une traduction en latin – ont ainsi repris vie. Derrière la miniature apparaît, par fluorescence du fer, le manuscrit d'Archimède. THE ARCHIMEDES PALIMPSEST PROJECT Restait pourtant le plus périlleux : retrouver ce qui se dissimulait derrière la série d’illustrations surajoutées par l’ancien propriétaire – un Français, si l’on en croit Christie’s –, qui avait cru pouvoir ainsi accroître la valeur du volume. Physicien à l’université californienne, Uwe Bergmann a proposé d’utiliser le synchrotron de l’établissement pour percer les derniers mystères. L’accélérateur de particules offre un flux de rayons x particulièrement puissant. En bombardant le matériau, il permet de sélectionner les photons résultants, et de faire apparaître différents http://abonnes.lemonde.fr/arts/article/2015/08/08/luvredartnestpascellequeloncroit_4716980_1655012.html 3/4 21/8/2015 L’œuvre d’art n’est pas celle que l’on croit éléments chimiques présents dans l’échantillon. Le scientifique a choisi de faire « rougeoyer » le fer, très présent dans certaines encres anciennes. Il a ainsi vu remonter à la surface, malgré les outrages du temps (moisissures, brûlures…), outre quelques éléments de la miniature, l’intégralité du texte du savant grec. Et Uwe Bergmann de conclure : « La véritable œuvre d’art, ici, ce n’est pas la peinture… c’est la connaissance. » FIN Lire aussi : Enlacés pour l’éternité (/archeologie/article/2015/08/07/enlacespourl eternite_4715650_1650751.html) http://abonnes.lemonde.fr/arts/article/2015/08/08/luvredartnestpascellequeloncroit_4716980_1655012.html 4/4