thématiques - Stimultania
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thématiques LE NU : UN GENRE ARTISTIQUE Depuis les origines de l’art, la représentation de corps nus est un thème majeur de la pratique artistique. Il apparaît d’abord en peinture et en sculpture puis en photographie et sous la forme de performance vivante. Genre artistique à part entière, le nu tente de recréer une image du corps humain en respectant les exigences morales et les canons esthétiques des périodes qu’il traverse. Ainsi, durant l’Antiquité, le nu, essentiellement masculin, incarne la perfection divine et la beauté virile. Interdit au Moyen-âge, il ne se manifeste plus que dans quelques rares scènes bibliques, avant de connaître un succès croissant à la Renaissance où il s’impose véritablement. Nu féminin et masculin se dévoilent avec pudeur dans des œuvres qui se réfèrent systématiquement à un sujet précis : l’histoire, la mythologie et la religion. Au fil des siècles, le modèle féminin s’affirme et, tout en incarnant un idéal de beauté, tend à traduire une forme d’érotisme dans des scènes désormais privées. Mais il faut attendre le XIXe siècle avec la scandaleuse « Olympia » de Manet, les nus très réalistes de Courbet et l’invention de la photographie pour commencer à voir des reproductions fidèles du corps humain. Naturel, exposé et provocant, il dérange et soulève de nombreuses polémiques. Si les représentations de nus sont aujourd’hui entrées dans les standards de l’imagerie collective, les artistes et photographes, tels Arno Minkkinen, Edward Weston, Jeff Koons, Jan Saudek ou encore Spencer Tunick n’ont de cesse d’explorer de nouvelles voies pour l’évoquer, le figurer, le fragmenter, le transcander ou le mettre à mal. Tantôt mystifié, tantôt condamné, le nu fascine ou dérange, on le cache ou on l’exhibe, symbolisant la perfection ou servant le scandale. thématiques la PHOTOGRAPHIE ET l’ALBUM DE FAMILLE Nous avons tous un album de famille qui retrace la mémoire, nous renvoie à nos propres souvenirs et nous présente les différentes générations. Dès son avènement au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la photographie de famille privilégie la pose, la ressemblance des individus et la représentation des scènes de vies ordinaires, du quotidien, au détriment des qualités formelles de l’image. Elle coïncide avec le désir d’enregistrer des moments forts et marquants de la vie pour en conserver une trace et se veut vecteur d’émotions. Autobiographique, mais en même temps évocatrice pour chacun d’entre nous, elle porte une dimension universelle. Avec l’évolution technique de la photographie et l’apparition des petits appareils photos, la photo de famille devient une véritable pratique de loisir où les poses se font peu à peu plus naturelles et spontanées. Depuis les années 60, nombreux sont les artistes et collectionneurs qui explorent, redécouvrent et dévoilent dans leurs œuvres les images familiales et populaires. Qu’ils utilisent des photographies trouvées, collectionnées, anonymes ou appartenant à leur propre album, ils détournent les codes de la photographie amateur. Ce faisant, des artistes comme Céline Duval, Christian Boltanski, Diane Arbus, Larry Clark, Martin Parr, Nan Goldin ou encore Alessandra Sanguinetti portent un regard neuf, poétique et décalé sur la « photo de famille » traditionnelle. Multipliant les clichés pour dérouler une narration souvent intime et autobiographique, ils posent la question du spectateur qui doit se prêter au rôle de voyeur : comment aborder une telle œuvre pour sa valeur formelle et esthétique si elle est indissociable de la vie de l’artiste ? thématiques L’INSTANT DÉCISIF La photographie est le seul moyen d’expression qui fixe et fige un instant précis et éphémère. Concept inventé par Henri-Cartier Bresson, « l’instant décisif » est un concept qui définit le moment exact où le photographe presse le déclencheur pour capturer une image. Au-delà de cette intention, c’est, plus précisément le moment exact où une image unique - qui ne se reproduira plus de la même manière - est capturée par le photographe. Généralement, on associe à cette notion la photographie humaniste de Brassaï, Henri CartierBresson, Izis et Willy Ronis mais aussi les images de reportage et de photo journalisme. De fait, ces deux tendances mettent l’accent sur l’instantanéité de l’image : les photographes sont à l’affût de leur image, ils traquent leur sujet pour saisir le moment précis, unique. L’instantanéité implique en outre l’idée de l’immédiateté. Ni pose, ni mise en scène. Aucune construction de l’image avant la prise de vue. Les photographies qui en découlent s’inscrivent ainsi dans le mouvement, le changement et la fugacité de l’instant. Ainsi en est-il des œuvres de Weegee, Martin Parr, Federico Clavarino, William Klein, Garry Schneider ou encore de Michael Ackerman. Leurs images sont parfois mal cadrées, floues, bruyantes, les couleurs saturées et les contrastes saisissants. Une esthétique involontaire qui joue avec les accidents photographiques, une prise de vue instantanée et une technique de tirage qui renvoient souvent volontairement à l’amateurisme. thématiques Le CABINET DE CURIOSITÉS Paru à la Renaissance, le Cabinet de curiosités était un lieu où se trouvaient entreposés des objets collectionnés, avec un certain goût pour l’hétéroclisme et l’inédit. À l’origine de celui-ci on peut citer l’enthousiasme pour les collections, la découverte de l’Amérique en 1492 par Christophe Colomb et aussi l’engouement pour l’exotisme. Découvrir, connaître et s’émerveiller tels étaient les mots d’ordre. L’idée était d’embrasser d’un seul regard tout ce que la nature produit de plus extraordinaire, de plus aberrant et de plus beau. On y rassemble des produits de la nature végétale, animale et minérale, des oeuvres d’art et des objets techniques qui n’ont de points communs que celle de la rareté et à qui on confère des pouvoirs magiques et autres vertus extraordinaires. Cette curiosité participe pleinement à l’émergence d’un nouveau savoir et à l’avènement des Cabinets d’histoire naturelle, ancêtres des musées. Au XVIIIe siècle l’attrait pour le merveilleux régresse au profit d’une approche plus savante et scientifique. Rigueur des classements, étude des spécimens mais aussi progrès en matière de conservation. On assiste, dès lors, à la spécialisation d’une nouvelle science, la zoologie. thématiques le BESTIAIRE Type de poème édifiant dans lequel sont mises en lumière les caractéristiques « morales » des animaux les plus variés au Moyen-âge, le bestiaire est plus généralement un livre qui rassemble de brèves descriptions sur la « nature » des animaux réels et fantastiques, mais aussi des pierres et des plantes, qui sont accompagnées d’une fiche signalétique dont l’explication correspond au nom scientifique et vulgarisé, au descriptif physique, à l’environnement dans lequel vit l’animal, aux habitudes alimentaires, aux comportements avec ses petits, aux traits de caractère, à la manière de s’exprimer ou de se faire comprendre et à la leçon que l’homme peut retenir du comportement de cet animal. thématiques DE L’ÉTRANGE AU FABULEUX Les animaux ont une histoire. On les retrouve dans la foi et le savoir, dans la société et la vie quotidienne. Parfois réalistes, souvent exotiques et mirifiques, les animaux subissent des transformations. Ils s’apparentent alors davantage à des hybrides, des chimères ou encore à des monstres. De la mythologie mésopotamienne aux traditions orientales, des vases grecs aux gargouilles des Cathédrales ou des enluminures, des peintures de Bosch, Goya ou encore de Picasso aux bandes dessinées actuelles, ces monstres se découvrent surtout dans les sources littéraires et iconiques. Mais savez-vous pourquoi l’homme s’est entouré de toutes ces étranges créatures et de ces monstres ? C’est parce qu’ils permettent de donner sens à des faits inexpliqués et inexplicables, de répondre à des questions métaphysiques et dans la pensée chrétienne médiévale d’opposer le Mal (le monstrueux) au Bien (le Beau). Le monstre est un être rattaché à une espèce donnée, mais qui présente une anomalie par rapport à l’apparence « normale ». En ce sens, il se rapproche d’une forme de l’extraordinaire qui peut se faire « distrayant » ou « amusant » ou « inquiétant » voire franchement « effrayant ». thématiques LE BESTIAIRE DANS LA LITTÉRATURE, LE RAPPORT HOMME - ANIMAL Les animaux se révèlent dans notre langage quotidien sous la forme d’expressions et de proverbes. Ne dit-on pas, « être chargé comme un âne » et « dormir comme un loir » ? Ou encore « il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué » ? La littérature fournit un fond de ressources passionnant qui permet d’éclairer un des aspects de la question des rapports ambigus entre l’homme et l’animal. Contes, fables, légendes, mythologies et écrits religieux, tant de textes qui racontent des histoires où les animaux sont investis d’une mission symbolique et morale. Qui n’a jamais lu les contes de Perrault comme le « Chat botté » ou le « Petit Chaperon rouge » ou celui de Grimm, « Le Loup et les sept Chevreaux », qui présentent des animaux anthropomorphisés en lieu et place de héros ? Qui n’a jamais entendu parler de La Cigale et la Fourmi de La Fontaine et ne connaît pas ses Fables moralisatrices, lieu d’enseignement moral ? Comme Donald et Mickey, ces animaux sont humanisés : ils peuvent parler, ils vivent comme les humains, se déplacent comme eux et sont vêtus de la même manière. Qu’ils soient gentils ou méchants, ils revisitent la nature humaine pour mieux rire de ses défauts et / ou au contraire mettre en avant ses qualités. Modèles de vertu ou dénonciation de vices, la Fable, l’Histoire ou le Conte cachent toujours un homme dans la bête mais nous rappellent aussi que l’animal est en chacun de nous. thématiques L’ART DE L’AUTOPORTRAIT Sous-genre et à l’image du portrait, l’autoportrait, quel qu’en soit le degré de réalisme, rend compte de l’apparence d’une personne et en révèle le caractère et les pensées intérieures. Contrairement au portrait, l’autoportrait est un portrait réalisé par soi-même. D’abord considéré comme un exercice technique et pratique dans la mesure où le modèle est toujours disponible, l’autoportrait ne prend véritablement son essor qu’avec la montée de l’individualisme et l’intérêt grandissant pour soi à partir de la Renaissance. Qui ne connaît pas le fameux récit de Narcisse, l’histoire du jeune homme qui s’éprend de son propre reflet et qui désespère de ne jamais pouvoir rattraper son image ? Narcisse est bien évidemment la figure emblématique qui s’impose quand on évoque la contemplation de soi. Et l’image de Narcisse se contemplant dans un miroir nous renvoie directement à l’origine et à l’art de l’autoportrait. Qui suis-je et que suis-je ? Un autoportrait peut correspondre à : une signature visuelle d’un tableau pratiquée par les artistes du début de la Renaissance, un modèle à portée de main pour Le Caravage, une introspection chez les Flamands, un journal intime à la manière de Rembrandt, une œuvre « auto picturale » comme chez Van Gogh, une exploration psychologique de soi à l’image d’Egon Schiele, ou encore un élément de mise en scène comme chez Cindy Sherman. thématiques L’autoportrait en photographie Très vite après son invention, la photographie se consacre au portrait et en explore toutes les pratiques : portrait officiel, portrait social, documentaire et familial, portrait de groupe, portrait fictif et même autoportrait. En s’appropriant ce genre traditionnel, daté du Ve siècle av. J.-C., la photographie inaugure une nouvelle ère dans la représentation du réel. En peinture, l’artiste représente le réel comme il le voit et comme il le peut, le photographe lui, du fait du support utilisé, donne une image « objective » du réel au plus près de l’exacte ressemblance. La photographie permettant à l’artiste de saisir une image qui s’offre à son regard soulève dans le cas de l’autoportrait un paradoxe intéressant. L’appareil ne photographie-t-il pas quelque chose que le photographe ne voit pas ? Si le peintre qui s’autoportraiture reste le sujet et le producteur de signes, le photographe, lui, cède sa place à l’objectif et finit par devenir l’objet de sa photographie, de sorte qu’il y a déplacement voire absence du sujet. Quel photographe n’a jamais réalisé de double de lui-même, intime ou public, symbolique ou suggéré, déformé ou fragmenté, anecdotique, autobiographique, ou encore mis en scène ? Depuis l’ « Autoportrait en noyé » d’Hyppolite Bayard, considéré comme le premier autoportrait de l’histoire de la photographie, la pratique de l’autoportrait n’a de cesse d’évoluer et de jouer d’innovations formelles. Nadar, Doisneau, Bernard Plossu, Helmut Newton, Nan Goldin, Arno Rafaël Minkkinen, Olivier Blanckart ou encore Kimiko Yoshida, tant d’artistes qui démontrent que l’autoportrait photographique est un souvenir et un reflet de soi qui s’inscrit dans un processus créatif. thématiques L’ART ET la CÉCITÉ Fascinants, parfois étranges et émouvants, les aveugles hantent les sentiers de l’imaginaire artistique et littéraire qui en fait des figures emblématiques et symboliques. Sous les traits d’œdipe, d’Homère, de Tirésias et même du légendaire Samson, on reconnaît les plus mythiques. On se souvient aussi des visages marquants des peintures de Bruegel L’Ancien, de Rembrandt et de Jacques Louis David ou encore des poèmes virulents de Victor Hugo et de Charles Baudelaire. Ces personnages se révèlent sous de multiples facettes qui oscillent entre tragédie et comédie. Image forte, les aveugles s’apparentent à une métaphore très ambivalente : tantôt métaphore de l’ignorance et de l’obscurantisme tantôt celle de la clairvoyance et de la connaissance. Les aveugles vivent-ils toujours dans le noir ? Ont-ils une autre façon de voir et de percevoir le monde ? Sujet et objet de questionnements à la fois mystérieux et angoissants, la cécité ouvre sur de nouvelles réflexions. Concept du regard absent, d’un monde intérieur invisible et d’un jeu de regard impossible mais aussi opposition entre visible et visuel et relation entre vision, cécité et invisibilité. Autant de préoccupations que des artistes tels Eugen Bavcar, Yoshiko Murakami, Rémy Zaugg ou encore Joan Fontcuberta expriment dans leurs œuvres. thématiques Les cinq SENS ET LEUR REPRÉSENTATION DANS L’ART La perception du monde se construit à partir du traitement et de l’intégration de différentes données perçues par nos cinq sens : – la vue : les yeux, perception visuelle ; – l’odorat : le nez, perception olfactive ; – le goût : la langue, perception gustative ; – l’ouïe : les oreilles, perception auditive ; – le toucher : la peau, en particulier les mains et les pieds, perception tactile. Comme des fenêtres ouvertes sur le monde extérieur, ces organes sensoriels nous facilitent l’approche et la compréhension des choses qui nous entourent. Sujet traditionnel dans l’histoire de l’art depuis le Moyen-âge, le thème des cinq sens est illustré de façon symbolique et allégorique. Sculptures ou jeux de société, le toucher devient l’image d’objets du quotidien. On devine l’ouïe dans des partitions ou des instruments de musique, et la vue dans l’illustration d’un miroir ou d’un tableau. Roses, œillets et autres fleurs symbolisent l’odorat tandis que la nourriture, le pain, le vin et les fruits représentent le goût. Ce thème pictural est largement représenté dans les natures mortes, les scènes de genre et parfois subtilement suggéré dans les célèbres Vanités du XVIIe siècle. thématiques Le fantastique : un genre artistique Genre littéraire et cinématographique qui apparaît au XIXe siècle, le fantastique est un thème à la croisée d’autres courants que l’on retrouve largement illustré dans le domaine de l’art figuratif. Des chapiteaux romans et gothiques aux œuvres de Jérôme Bosch, Gustave Moreau, Gustave Doré, Marc Chagall ou encore de certains surréalistes comme Salvador Dali jusqu’à la photographie contemporaine, on retrouve des thèmes et des iconographies fantastiques. Par certaines pratiques, la photographie est vecteur de fantastique et d’illusion. Sa forme objective devient alors un moyen pour les artistes de questionner le réel avec des images qui conjuguent quotidien et étrangeté. Dès lors que l’extraordinaire ou le surnaturel apparaît dans un contexte réaliste et familier, le fantastique s’illustre. De l’ordre de l’imaginaire et de l’irréalisme, il se distingue du merveilleux par le cadre rationnel et ordinaire dans lequel il évolue. Le fantastique n’est pas toujours soudain et immédiat. Au contraire, son apparition est lente et insidieuse. Il opère un glissement inaperçu de deux plans de réalité qui finissent par ne plus coïncider et laissent le spectateur seul et face à l’irrationnel. Les artistes jouent avec le fantastique pour créer des ambiances et des tonalités particulières : une atmosphère inquiétante, un environnement parfois sombre et lugubre. Ainsi, le doute s’impose et un sentiment de malaise ou de peur envahit le spectateur. Le fantastique délivre un message angoissant, tourmenté ou triste. En passant par des représentations de monstres, d’hybrides et de métamorphoses, par la création d’illusions et d’apparitions et en puisant ses thèmes tantôt dans la mythologie gréco-romaine et dans la religion, tantôt dans les contes et les légendes populaires, il raconte le mystérieux et l’inadmissible. Le genre du fantastique est celui de l’incertitude, de l’ambiguïté, de l’hésitation et de l’entre-deux. thématiques L’art vidéo L’histoire de l’art vidéo comme expression artistique remonte aux années 1960, période où l’on s’interrogeait sur les perspectives d’utilisation et d’évolution du médium vidéo lui-même. Approchant un aimant du tube cathodique d’un poste de télévision qui en altérait ainsi les composantes électroniques, Nam June Paik crée la première œuvre d’art vidéo et la présente comme une écriture plastique à part entière. Aujourd’hui, la vidéo est reconnu comme médium protéiforme qui permet la fusion des disciplines artistiques entre elles, participe à l’élan d’un art tourné vers l’avenir ainsi qu’à la diffusion de l’art dans la vie. En art vidéo, on distingue généralement deux formes principales de création : – la bande, support vidéo sur lequel les artistes enregistrent leurs œuvres ; – l’installation qui intègre des éléments vidéo dans une mise en scène. Que la bande soit un enregistrement, qu’elle soit conceptuelle ou expérimentale, que l’œuvre corresponde à une installation, à un environnement ou encore à une sculpture vidéo, bien des artistes tels Bioll Viola, Bruce Nauman, Wolf Vostell, Pipilotti Rist, Gary Hill, Mona Hatoum, Matthew Barney, Pierre Huyghe ou encore Fabrice Hybert et Pierrick Sorin se réunissent autour de l’art vidéo. Comme la photographie avant elle, la vidéo a souvent été réduite aux particularités de son support. Comment interroger le médium en fonction de ses spécificités phénoménologiques ? Comment l’intégrer dans un espace ? Comment rompre l’effet de mimésis pour révéler la facture de l’image et par là sa véritable nature (mise en valeur du grain, des rayures, des effets de saturations...) ou encore, comment détourner des images préexistantes pour produire une image symbolisant la critique de la société (découpage de l’image et recollage dans le montage) ? thématiques Les contes, des univers de référence Une atmosphère, des références, des symboles, de la magie et des héros. Les contes, mélanges d’événements ordinaires et de faits merveilleux, sont une source de références inépuisable pour les artistes et un langage universel qui s’adresse à tous les âges. S’il arrive que ces derniers s’intéressent à la dimension figurative des contes, c’est d’abord l’aspect symbolique des personnages, le sens et la morale des histoires qui attirent leur attention. Les contes sont ambivalents. Derrière leurs apparences heureuses, ils présentent les tumultes de notre inconscient, évoquent les grands thèmes de l’existence, comme la mort, le sexe, le pouvoir, l’obéissance et la peur et reflètent la complexité de nos rapports au monde. L’ensemble des contes illustrent et opposent le Bien et le Mal tout en stimulant notre imagination. Ainsi, on comprend que l’art contemporain, au travers des œuvres de Jim Dine, Kiki Smith, Matthew Barney, Karen Knorr, Katia Bourdarel et encore Catherine Bäy, s’empare de la force poétique et subversive des contes, de leur ambiance mystérieuse pour suggérer nos désirs, exprimer nos craintes et trahir nos envies. thématiques La photographie mise en scène Considérée comme un genre photographique à part entière, la mise en scène rend compte d’une image organisée qui induit une forme de fiction. Rigoureusement et consciemment construite, elle convoque des décors construits, des personnages qui posent ou encore des accessoires divers dans le cadre de la prise de vue. Tout est pensé par l’artiste lui-même qui porte une attention particulière à chaque détail. C’est en 1840 qu’Hippolyte Bayard nous livre la première mise en scène de l’histoire de la photographie avec son « Autoportrait en noyé ». Ce faisant, il détourne la technique et le médium photographique. La notion de la mise en scène pose la question de l’instant décisif et prend sens dans la pratique de la photographie plasticienne. Cette dernière désigne une pratique aux antipodes de celle qui gouverne le reportage et le photo journalisme, où domine une conception de l’acte photographique fondé sur le mythe de l’instant décisif. Au contraire, l’instant décisif n’a pas de pertinence pour le photographe plasticien : le modèle est fixe, il tient une pose et s’inscrit dans une mise en scène ou un décor. Il n’y a ni instant décisif, ni mouvement ou fugacité de l’instant. Pratiquée par de nombreux photographes tels James Casebere, Ralph Eugene Meatyard, Gregory Crewdson, Mariko Mori ou encore David LaChapelle, la mise en scène leur permet de construire des images fictives, oniriques et théâtralisées qui s’ancrent dans un nouvel univers. thématiques LE PAYSAGE COMME MODÈLE, LE PAYSAGE COMME SUPPORT Le paysage est apparu dans l’art occidental au XVIe siècle. C’est un genre à part entière qui marque le début de l’observation de la nature, la reconnaissance de l’aspect scientifique des choses et le début de la Renaissance. Dès lors, les artistes représentent le paysage de manière imaginaire ou reproduisent des lieux existants. La nature devient un modèle changeant au gré des lumières. Avec sa Pêche miraculeuse, Konrad Witz nous lègue la première représentation identifiable d’un lieu existant : un rivage du lac Léman. Aujourd’hui, le paysage est à la fois modèle et support artistique. Si les représentations de paysages perdurent, une nouvelle forme d’art est née dans les années 60 aux États-Unis. Il s’agit du Land art. Cette pratique artistique propose de ne plus considérer le paysage comme un modèle, mais comme un outil de création. C’est au cœur de la nature que les créateurs travaillent. La nature devient un atelier géant, une galerie où les œuvres sont éphémères. La nature offre à l’artiste les matières premières dont il a besoin : bois, feuilles, terre, pierre, eau, etc., sont autant d’éléments qui rentrent dans la composition des œuvres. Mais la nature se fait aussi galerie. Les œuvres sont laissées à la vue de tout un chacun, livrées aux éléments qui les façonnent et les redessinent à leur manière. Les artistes de ce courant cherchent à sortir des circuits artistiques classiques et à rendre l’art accessible à tous en sortant des musées. Parmi les grands noms du Land art, on peut citer notamment : Christo, qui « emballe la géographie et l’Histoire » en empaquetant de célèbres monuments, Dennis Oppenheim, Walter de Maria, Richard Long, Nils Udo ou encore Robert Smithson et sa célèbre Spiral Jetty. thématiques la FIGURATION ET l’ABSTRACTION L’art figuratif est un style artistique qui utilise comme modèle les objets du réel et représente par là-même une scène immédiatement identifiable : des portraits, des paysages, des natures mortes ou encore des scènes de genre. La figuration peut être réaliste, stylisée ou encore imaginée, mais, depuis la Renaissance, reste reconnaissable et fidèle à l’image et à la représentation du réel. Au contraire, l’art abstrait ne se préoccupe pas de représenter le monde sensible ni même de donner une illusion du monde. S’affranchissant de tout modèle et d’une quelconque réalité visuelle, l’abstraction est un langage plastique qui n’apparaît qu’en 1910 avec l’œuvre de Vassily Kandinsky. Il se compose de formes et de couleurs libérées qui se suffisent à elles-mêmes. Par définition, la photographie est un art qui puise toujours sa source dans le monde qui nous entoure. Mais, par un jeu de fragmentation, de cadrage surprenant ou encore d’un rapport d’échelle innovant, les photographes donnent lieu à des compositions abstraites. Ils suppriment à l’image sa signification réelle pour lui conférer une dimension poétique. Nombreux sont les artistes qui détournent le médium photographique pour créer une image allusive qui s’adresse à l’imaginaire du spectateur. Ainsi en est-il de Peter Knapp, de Ray Metzker, de Fay Godwin qui allient abstraction et figuration pour créer des images étonnantes et rythmées et même de Man Ray, de MoholyNagy, d’Aaron Siskind et de Minor White qui innovent dans le domaine de la photographie abstraite. thématiques la PHOTOGRAPHIE ET LE DESSIN Les liens entre photographie, dessin et peinture sont étroits. Des premières techniques nécessitant de dessiner, à la photogravure en passant par le « dessin photogénique » de William Henry Fox Talbot, la photographie se présente comme un dessin ou un tracé réalisé par la lumière. Dès son avènement, la photographie rivalise avec la peinture et, cherchant quelques affiliations esthétiques, se revendique rapidement comme un art. En 1885, apparaît une nouvelle tendance photographique : le pictorialisme. Cette création veut faire reconnaître la prééminence de l’image sur le réel photographié et faire de la photographie une expression artistique personnelle. Tel en est-il des photographies de Robert Demachy, Constant Puyo ou encore d’Alfred Stieglitz qui manipulent leurs images jusqu’à imiter l’eau-forte ou la peinture impressionniste et symboliste. Aujourd’hui encore, des photographes comme Gerhard Richter, Joël-Peter Witkin, Miroslav Tichý ou bien Telin Hocks privilégient l’intervention humaine et manuelle dans la création photographique : manipulations spécifiques en chambre noire, grattage et brossage sur la surface du tirage, expérimentation de nouvelles techniques pigmentaires, rehauts de peinture et dessin sur la photographie. Autant de jeux plastiques qui augmentent la force visuelle des images retouchées et renforcent l’aspect pictural et original des photographies. thématiques la peinture D’ACTION, la PEINTURE GESTUELLE On appelle peinture d’action, une peinture où le geste se veut l’expression originelle et authentique de la création artistique. Ce geste s’impose comme un tracé dynamique et énergique. Si l’art surréaliste et l’expressionnisme de Kandinsky sont les sources initiales de cet art abstrait, c’est Jackson Pollock qui en est le véritable fondateur dans les années 1950. Un des points essentiels de cette peinture d’action n’est autre que l’évolution de la relation du peintre à son support. À la verticale, au sol, son format de plus en plus important invite l’artiste à l’investir physiquement, à tourner autour de lui, à pénétrer dans l’image et à libérer le geste. Ainsi, la peinture d’action tend à favoriser l’émergence de l’intuition et de la créativité artistique. L’oeuvre se fait donc témoin d’un corps vivant, d’un corps en action et en mouvement. Les peintres les plus marquants de ce mouvement furent Jackson Pollock, Willem de Kooning, Franz Kline et Sam Francis. Mais de nombreux artistes comme Georges Mathieu, Hans Hartung, Wols, Shiraga Kazuo ou encore Shozo Shimamoto s’adonnèrent à cette pratique. En résultent des œuvres spontanées, intuitives et dynamiques. Des œuvres abstraites. thématiques LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE SOCIALE On distingue plusieurs genres photographiques dont la photographie sociale et la photographie documentaire. Si le photographe social se donne pour mission de dénoncer les difficultés rencontrées par les hommes de son temps, le photographe documentaire, propose un point de vue plus objectif sur l’actualité en s’effaçant de son image. Mais, l’artiste a forcément un point de vue qui tend à orienter son travail et les choix esthétiques peuvent être si différents qu’il existe, en somme, une réelle difficulté à distinguer la photographie documentaire de la photographie sociale. Dans les deux cas, le public est appelé à s’interroger sur le monde dans lequel il vit ainsi que sur les problèmes d’actualité. Cette photographie se veut militante. On peut caractériser la photographie sociale ou documentaire de la manière suivante : le sujet est anonyme, la composition est simple et le cadrage est centré sur le sujet. Grâce à ces choix esthétiques, la personne photographiée arbore un statut de symbole et devient par là même un type social. On considère August Sander comme le pionnier de ce genre. Jacob A. Riis, rendant compte de la pauvreté des immigrés européens du quartier de Lower East Side, Lewis Hine se focalisant sur le travail infantile, sont deux figures clés de la photographie sociale. D’autres artistes comme Martin Parr ou encore Diane Arbus ont su renouveler le genre, en regardant le monde avec un œil nouveau et empreint d’étrangeté. La photographie documentaire est omniprésente et les opprimés en sont le sujet principal. Face à ces images souvent crues, cadrant le modèle en souffrance, plusieurs photographes s’indignent et sont à l’origine d’un renouveau documentaire, retenu et distancié. Ainsi, des photographes comme Jacqueline Salmon, Sophie Ristelhueber, Raymond Depardon et Willie Doherty décident de photographier les lieux, témoins du passage de l’homme et de ses déchirures. Ces artistes ne cherchent plus à choquer le public par le biais d’images violentes ou pathétiques mais tentent avec plus de subtilité de le faire réfléchir. thématiques Les expéditions SCIENTIFIQUES ET les VOYAGES ETHNOLOGIQUES Si l’Orient est au XVIIe et XVIIIe siècles l’objet de curiosités et de fantasmes exotiques, il devient une préoccupation générale dès le XIXe siècle. Les puissances européennes rivalisent d’ambitions colonialistes tandis que l’Empire Ottoman décline lentement. Par ses campagnes d’Égypte, la guerre de libération de la Grèce mais aussi la conquête d’Algérie, la France s’impose et l’Orient s’ouvre : les échanges, les voyages et les missions exploratrices se multiplient. Dès lors, voyageurs solitaires, expéditions scientifiques, missions religieuses, civiles ou militaires, rapportent les premières images de régions et de peuples jusque-là ignorés des Occidentaux. Le désir de découvrir la vie orientale et la curiosité pour l’ethnographie conduisent les artistes et les photographes à s’intéresser à la réalité de ces pays et de leurs populations puis de fixer la mémoire de cet Orient. Eugène Fromentin se passionne pour l’anthropologie et l’archéologie, Gustave Guillaumet teinte sa peinture d’un parfum social et étienne Dinet a une peinture humaniste qui fait connaître la vie du désert, l’âme des Algériens et leur condition sociale. Ils s’imposent comme de véritables témoignages sociologiques. L’essor de la photographie, contemporaine du grand mouvement d’exploration de la seconde moitié du XIXe siècle, va jouer un rôle fondamental dans l’accès visuel à ces mondes. Si les technologies expérimentales photographiques ne sont à leur début guère adaptées aux conditions de voyage, elles n’en restent pas moins le moyen le plus sûr pour retranscrire la plus stricte vérité. Maxime Du Camp fut l’un des premiers à délaisser le dessin au profit de la photographie pour documenter ses notes de voyage. Ainsi, la photographie devient un outil de travail et de documentation utilisée par de nombreux photographes comme Auguste Salzmann, Louis de Clercq, Victor Segalen et Arthur Rimbaud, participent largement à l’essor du reportage photographique. thématiques LA PHOTOGRAPHIE HUMANISTE Durant les années 1930, Paris voit l’avènement de la photographie humaniste lorsque des artistes français entendent mettre à l’honneur « la personne humaine, sa dignité, sa relation avec son milieu ». Cet élan connaît son apogée après la Seconde Guerre Mondiale et se prolonge jusqu’à la fin des années 1960. Marquée par le souvenir des guerres, des crises financières et le désir de lendemains meilleurs, cette période pousse les artistes à porter un regard bienveillant sur l’être humain. Munis de nouveaux appareils transportables, les photographes investissent les fêtes foraines, les bistrots, les bals musette et la rue. Ces clichés relayés par la presse mondiale contribuent à l’élaboration d’une iconographie nationale qui entraîne les photographes humanistes tels qu’Izis, Edouard Boubat, Henri Cartier-Bresson et Werner Bischof à parcourir le monde pour mettre l’accent sur l’universalité des valeurs humaines. L’image est en noir et blanc, très contrastée, et le gros plan est exclu afin que les personnages soient présentés dans leur cadre de vie. Le contexte est essentiel pour ces photographes qui mettent l’accent sur des types sociaux et des corps de métier. On considère souvent que les photographes humanistes ont une vision naïve du monde qui les entoure alors qu’ils sont véritablement engagés. Ils dénoncent, partagent une idéologie et pointent du doigt les revendications de la classe populaire ou les ravages causés par la crise du logement. Aujourd’hui, des artistes tels JR, Sebastiao Salgado ou Zeng Nian mettant l’accent sur l’espoir qu’ils portent en l’homme s’inscrivent encore dans cette tradition photographique humaniste. thématiques Un peu d’histoire... La guerre d’Algérie De 1954 à 1962, la guerre d’Algérie oppose l’État français aux indépendantistes algériens principalement réunis sous la bannière du Front de Libération Nationale (FLN). Cette guerre prend place dans le mouvement de décolonisation qui affecte les empires occidentaux après la Seconde Guerre mondiale. En 1954, le FLN fixe les objectifs de la lutte armée pour l’indépendance nationale par la restauration de l’état algérien souverain. Une vague d’attentats et des exactions contre les Français vivant en Algérie marquent le début de la guerre. En 1957, on dénonce l’utilisation de la torture par l’armée française en Algérie et en 1958 des émeutes de Pieds-Noirs à Alger entraînent la chute de la IVe République ainsi que l’arrivée du Général De Gaulle au pouvoir. Conflits, tortures, diasporas, camps de regroupements et mutations sociales bouleversent l’opinion publique et ébranlent les piliers de l’ordre traditionnel. Si, dans un premier temps, l’armée utilise tous les moyens à sa disposition pour écraser l’insurrection, le Général De Gaulle opte finalement pour la seule issue possible du conflit : l’indépendance de l’Algérie. Cette décision entraîne une fraction de l’armée française à se rebeller et à entrer en opposition avec le pouvoir. C’est après les Accords d’évian du 18 mars 1962 que le conflit débouche enfin sur l’Indépendance de l’Algérie. thématiques LE JAPONISME Le Japon est longtemps resté un pays méconnu, nourrissant autant de fantasmes qu’il ne suscite la curiosité lors de son ouverture sur le monde. Le pouvoir féodal exercé par les shoguns à partir du XVIIe siècle tient le Japon à l’écart de tout échange avec le monde extérieur. C’est dans la dernière moitié du XIXe siècle que cette politique isolationniste prend fin, déclenchant au Japon une véritable révolution appelée restauration de Meiji : l’empereur recouvre son pouvoir politique alors que le reste du monde découvre une culture singulière qui donne jour à une véritable fascination. Très vite les premiers collectionneurs français s’intéressent aux estampes japonaises et à l’ukiyo-e. C’est d’ailleurs Philippe Burty, critique d’art, qui, en 1872, donne à cette tendance le nom de « Japonisme ». Avec les Expositions Universelles, l’enthousiasme des collectionneurs français s’étend au public et aux artistes occidentaux. La tendance devient même une révolution dans tous les domaines de la culture : mode, peinture, arts appliqués, cinéma ou encore littérature. On retrouve l’influence du japonisme chez de nombreux artistes, comme Whistler, Manet, Monet, Renoir, Gauguin et Klimt. Une influence allant parfois jusqu’à la réappropriation de grandes œuvres de l’ukiyo-e, comme en témoigne la confrontation de l’estampe de Hiroshige au tableau de Van Gogh. Des mouvements artistiques entiers y puisent leur inspiration. Les Impressionnistes y trouvent un traitement particulier de la lumière et un espace autrement construit que sur les bases de la perspective. L’art nouveau multiplie les références japonisantes en peinture comme en arts appliqués, où les objets d’Emile Gallet figurent parmi les exemples les plus raffinés. Ainsi, l’art occidental s’est nourri et enrichi des échanges avec le Japon qui propose de nouveaux territoires de création et permet un renouvellement des pratiques et des formes artistiques. thématiques L’AUTOFICTION Depuis les années 1960, et surtout depuis 1990, l’idée d’investir la pratique photographique pour fabriquer une autobiographie visuelle se développe largement. Ainsi, des auteurs tels Larry Clark, Nan Goldin ou encore Nobuyoshi Araki, envisagent la photographie comme un journal intime en images, sous une apparente spontanéité et en réutilisant les codes de la photographie amateur. Néologisme de Serge Doubrovsky datant de 1977, l’autofiction caractérise un récit où se mêlent la fiction et l’autobiographie. Brouillant les pistes entre réalité et invention pure, l’autofiction s’impose comme une oeuvre par laquelle un artiste s’invente une personnalité ou une existence tout en conservant son identité réelle, à travers son nom propre. Couramment utilisée dans l’art contemporain, l’autofiction est un langage qui, confondant des éléments réellement biographiques à des vérités subjectives et des clichés réalistes à des fantasmes romanesques, interroge les notions de vérité, d’authenticité, d’invraisemblance et d’imagination. Nombreux sont les artistes, tels Sophie Calle, Cindy Sherman, Eleanor Antin, Yasumasa Morimura ou encore Matthew Barney qui explorent le concept de l’autoportrait et étudient la construction de l’identité. Objet et motif de leurs œuvres, ils développent de multiples façons de représenter le « moi » : invention de pseudonymes ou de vies imaginaires, construction d’une nouvelle image d’eux-même, autoportrait factice, autobiographie et mythologie personnelle, déguisement et maquillage, mise en scène élaborée ou image manipulée. Autant de moyens pour « fictionnaliser » une expérience vécue, s’inventer un nouveau visage, une nouvelle vie et pour fabriquer des images narratives et des récits factuels. thématiques LE BESTIAIRE FANTASTIQUE JAPONAIS Dans le bestiaire fantastique japonais, on distingue deux familles d’étranges créatures : les yôkai et les kaïju. Qui ne connaît pas Godzilla, King-Kong ou encore Gamera, la tortue géante ? Ces énormes monstres sont des kaïju, réveillés par les humains, qui détruisent tout sur leur passage et engagent de terrifiants combats. Considérés comme une force mystique de la nature devant laquelle l’homme reste impuissant, ils s’imposent dans l’univers cinématographique japonais. Les yôkai, au contraire, sont réputés pour leur méchanceté. Surnaturels et effrayants, ces êtres aux divers pouvoirs sont hostiles aux humains et revêtent une multitude de formes. Parmi les plus représentatifs de ce bestiaire, on peut citer le kappa, monstre des rivières, le tanuki, petit chien viverrin aux testicules démesurées, le kitsune, renard polymorphe ou encore le moine voyeur, personnage au cou extensible. D’origine incertaine, ces hybrides s’insèrent dès la fin du XIe siècle dans de courts récits compilés. Leur pouvoir d’attraction dans l’imaginaire japonais inspire les artistes qui en réalisent les premières images à partir du XIVe siècle. Toriyama Sekien, pour son travail de recensement des yôkai, Kawanabe Kyosai ou Hokusai pour leur imaginaire peuplé d’êtres cruels et grotesques, contribuèrent à figer l’apparence de nombreux yôkai. Avec la modernisation du Japon au XIXe siècle, la croyance des yôkaï disparaît peu à peu, jusqu’en 1960 où, Shigeru Mizuki, le père du manga de yôkai, relance l’intérêt du grand public pour ces créatures. Dès lors, le bestiaire fantastique connaît une véritable renaissance avec Kazuichi Hanawa, Hayao Miyazaki, Ima Ichiko, Imiri Sakabashira ou encore Daisuke qui incarnent les nouvelles tendances du manga yôkaï, entré dans une ère de postmodernité. thématiques Une HISTOIRE DE GENRES, ENTRE CODES ET HIÉRARCHIE En art, on distingue de nombreux thèmes qui tentent de catégoriser et de décrire les sujets les plus récurrents en peinture, en sculpture mais aussi en photographie. Parmi tous ces genres on connaît : le portrait, le paysage, le nu, la nature morte, la marine, la peinture religieuse ou encore la peinture d’histoire. Chaque époque instaure une hiérarchie des genres. Si certains sont estimés nobles et supérieurs, d’autres au contraire sont jugés inférieurs. C’est ainsi que la peinture qui demande le plus de compétences est considérée comme la plus difficile, la plus noble et dans un même temps la plus belle. Ce classement hérité de l’Antiquité et codifié au XVIIe siècle, s’appuie bien évidemment sur des règles strictes et des critères variés permettant de distinguer une bonne oeuvre d’une autre. En voici quelques exemples : degré de spiritualité de l’œuvre, ampleur des connaissances nécessaires, quantité d’inventivité, techniques utilisées... Autre règle à respecter, le format des œuvres : à chaque genre son format. Plus la peinture correspond à un genre élevé, plus le format est grand. Ainsi, le grand format est destiné à la peinture d’histoire, tandis que le petit est dédié aux natures mortes et aux scènes de genres. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle, que les peintres comme Courbet se libèrent peu à peu de ces principes de hiérarchie. Hiérarchie des genres, du plus noble au moins noble : – la Peinture d’histoire, dit « le grand genre » (sujets religieux, mythologiques ou historiques) ; – le Portrait (représentation de personnages) ; – les Scènes de genre (scène de la vie quotidienne) ; – le Paysage / Nocturne ; – la Nature morte. thématiques La NATURE MORTE ET la SYMBOLIQUE Déjà présente dans l’art grec et les mosaïques romaines, la nature morte devient réellement un genre à part entière à partir du XVIIe siècle sous les pinceaux d’artistes flamands tels Jan Bruegel, Pieter Claesz et Jan de Heem ou encore du célèbre français, Jean Siméon Chardin. Chargée de symboles et témoignant du rapport de l’homme à la matière, de ses croyances et de sa vie quotidienne, la nature morte représente généralement de façon très réaliste des objets inanimés peu sollicités pour leur qualité esthétique : objets usuels, animaux, fleurs et denrées alimentaires. Longtemps méprisée, ce n’est qu’avec Cézanne, Picasso, Matisse ou encore Braque qu’elle acquiert ses lettres de noblesse en devenant un motif de recherches artistiques et un sujet d’expérimentation autour de la perception de la réalité. De ces natures mortes se démarque un genre particulier : la Vanité. Issue de la tradition chrétienne, elle regroupe divers objets pour évoquer le caractère transitoire de la vie, la mort, illustrer la fragilité des biens terrestres ainsi que la futilité des plaisirs. – Symboles de connaissance : livre, instrument de musique, globe... ; – Symboles de pouvoir : pièces, bourse, joyaux... ; – Symboles de plaisir : carte à jouer, gobelet... ; – Symboles de la mort : crâne, bougie, fleurs fanées, sablier, bulle de savon... ; – Symboles de Résurrection : lierre, rameau de laurier... Réduisant ce genre à un crâne solitaire, les artistes comme Andy Warhol, Damien Hirst, Michel Blazy, Gabriel Orozco, Gerhard Richter et même Jan Fabre en redécouvrent le thème et résument le propos à une méditation sur la vie et la mort. thématiques Il était une fois... Avec Charles Perrault, les Frères Grimm, Hans Christian Andersen et Lewis Caroll, les contes de fées quittent l’univers populaire pour devenir un genre littéraire, une source d’imaginaire inépuisable et l’objet de diverses réécritures. On connaît les fameuses illustrations de Gustave Doré et de Kay Nielsen ou encore l’œuvre colorée de Walt Disney qui donnent une nouvelle dimension à l’imagerie féerique. Mais, très vite, la trame narrative des contes ne suffit plus. Leur nature subversive, leur universalité et leur récit se prêtent à de nombreuses transpositions. « Pinocchio », « Alice au Pays des Merveilles », « Blanche-Neige », « Le Magicien d’Oz » ou encore «Le Joueur de Flûte » de Hamelin, autant de contes qui nourrissent l’art contemporain. L’ambivalence de ces histoires, leur univers enchanté et le monde de l’enfance sont une source d’influence pour des artistes tels Alice Anderson, Jim Dine, Cindy Sherman, Jeff Koons, Paul McCarthy, Peter Saul et même Christian Gonzenbach. Les contes de fées se terminent-ils tous bien ? Comme Sigmund Freud nous l’avait déjà démontré, les contes souvenirs d’enfance deviennent révélateurs de nos peurs et de nos fantasmes en incarnant des interrogations sur notre identité sexuelle, sur l’abandon et sur la mort. Ainsi en est-il des relectures que les œuvres d’artistes contemporains dévoilent... thématiques les FLEURS ET LEUR REPRÉSENTATION DANS L’ART La fleur revêt plusieurs fonctions. Décorative ou symbolique, elle est, dès l’Antiquité, vecteur de sens multiples, exprimant tantôt une idée, tantôt une pensée ou un sentiment. Qui n’a jamais entendu parler du langage des fleurs ? Le trèfle pour la chance, le muguet portebonheur, la rose par amour, le chrysanthème pour la mort. Quelqu’en soient leurs formes, leurs nombres, le sujet mais aussi le genre de l’oeuvre, les fleurs sont omniprésentes en peinture et souvent chargées d’une infinité de significations : elles peuvent être ornementales, symboliques, allégoriques, métaphoriques ou encore emblématiques. À l’origine de cet héritage, on retrouve l’influence de la tradition chrétienne associée aux sources mythologiques de l’Antiquité que la science et la botanique viennent largement compléter. Si la fleur figure une idée en soi, comme la rose symbole d’amour, ce sont leurs couleurs qui complètent largement leur contenu. Ainsi, une rose rouge exprime la Passion du Christ ou le désir tandis que la rose blanche renvoie à la pureté de l’amour. Genre autonome au XVIIe siècle, l’art floral devient plus formel et expérimental avec l’Impressionnisme et les peintres comme Van Gogh ou Matisse et s’impose comme motif incontournable en sculpture, en installation et en photographie dans les oeuvres de Irving Penn, Jeff Koons, Wolfgang Tillman, David Hockney, Yoshihiro Suda, Roxy Paine ou encore d’Andy Goldsworthy, depuis les Flowers d’Andy Warhol. thématiques les ACCIDENTS PHOTOGRAPHIQUES, UNE QUESTION DE HASARD On appelle accident photographique les détails et les défauts qui construisent les photographies considérées comme ratées. Avec les avant-gardes du XXe siècle, l’ensemble des accidents techniques photographiques connus du XIXe siècle tels la surimpression, le flou, le décadrage, la déformation ou encore la solarisation se transforment en proposition artistique. Pour représenter le mouvement, les futuristes italiens Giacomo Balla, Umerto Boccioni et Carlo Carrà développent, en peinture, des solutions plastiques qui ne sont pas sans rappeler les effets accidentellement obtenus en photographie : flou, décadrage, déformation. Dans leur pratique artistique, des photogrammes à la solarisation, Man Ray et MoholyNagy revendiquent les accidents. Dès lors, les photographes jouent avec les différentes possibilités techniques pour varier les paramètres du dispositif et pour tester les potentialités du médium. Que ce soit la vitesse d’obturation, la sensibilité du film, la mise au point, l’ouverture du diaphragme ou encore le type de focale, tout est soumis au bon vouloir du photographe : pour une image floue, il modifie le temps d’exposition ; pour des corps déformés dans une image, il utilise un grand angle. Tous ces écarts envers les normes traditionnelles établies par les photographes professionnels au cours du XIXe siècle caractérisent en partie l’esthétique photographique contemporaine. Ce faisant, des photographes tels William Klein, Garry Schneider, Nan Goldin et Annelie Strbà détournent l’objet photographique pour déconstruire une représentation fidèle de la réalité, devenue désuète, tout en offrant de nouvelles perspectives visuelles et plastiques. De l’image ratée aux propositions artistiques, ainsi s’opère un changement de statut de la photographie. thématiques la PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE ET PLASTICIENNE En photographie on distingue différentes orientations telles que le reportage, le photo journalisme, la photographie documentaire ou la photographie plasticienne. Chacune d’entre elles marque l’évolution des pratiques photographiques contemporaines. Parmi celles-ci, distinguons la photographie documentaire de la photographie plasticienne. Qui ne connaît pas l’œuvre photographique sociale de Walker Evans à l’origine du style documentaire qui se caractérise par : – une impersonnalisation de la prise de vue et des modèles ; – une neutralité et une froideur ; – une absence de tout contenu narratif ; – un statisme visuel ; – une uniformisation des poses ; – un refus des marques traditionnelles de l’art ? S’inscrivent dans la même lignée les documentaires photographiques sur la dureté des conditions sociales de Dorothea Lange, les portraits sociaux rigides et conventionnels d’August Sander ou encore l’image marginale de Diane Arbus. Au contraire, la photographie plasticienne est un vaste champs d’investigations où la prise de vue, la taille de l’image, la mise en scène, le tirage, le support et les retouches sont des éléments essentiels à la composition de l’oeuvre photographique. Hasard et décadrages, flous et grains éclatés mais aussi subjectivité et autofiction deviennent le langage plastique de photographes tels Robert Franck, William Klein et plus tard Christer Strömholm, Anders Petersen, Christian Boltanski... thématiques LA SÉRIE NARRATIVE L’association d’une narration et d’images photographiques est une pratique artistique récurrente dans l’histoire des arts, qui dépasse largement le domaine de la bande dessinée. Le récit photographique sous forme de séquences légendées raconte des histoires et s’apparente alors au roman-photo qui apparaît en 1948. Dès sa création, ce dernier constitue un genre en soi. Histoire intégrale, découpage en cases, dialogues sur l’image, texte dans des bulles, telles en sont les caractéristiques. Popularisée dans l’entre-deux-guerres par la presse illustrée, la séquence ne sera redécouverte et exploitée pour sa dimension narrative que dans les années 1960. Composée d’une suite d’images, selon une organisation rigoureuse, elle permet au spectateur de combler les vides entre les images et de poursuivre l’histoire. La séquence apparaît alors comme un cas extrême de la représentation photographique. De fait, elle contredit l’unicité de l’image et de par son déroulement chronologique, évoque les images cinématographiques. Le roman-photo et la série narrative ont inspiré de nombreux photographes, dont Raymond Depardon, Mac Adams, Duane Michals, Marie-Françoise Plissart ou encore Bernard Faucon qui développent une réflexion sur le rapport entre la narration et l’image. thématiques de l’image FIXE À L’IMAGE ANIMÉE Dès la fin du XIXe siècle, les savants ont su à partir d’images fixes, créer l’illusion du mouvement. Du thaumatrope au phénakistoscope, du folioscope au praxinoscope en passant par la chronophotographie d’Edward Muybridge, toutes ces expérimentations et ces jouets optiques ont contribué à l’avènement du cinéma. L’illusion du mouvement est produite grâce à la succession d’images ou de photographies représentant un mouvement en un laps de temps très court. Ainsi, le cinéma et l’animation sont nés de la rencontre d’innovations dans le domaine du support photographique et dans celui de la synthèse du mouvement qui utilise la persistance rétinienne. Certains photographes, dont Garry Winogrand, Louis Fauré, Saul Leiter et Sid Grossman, vont jouer de cette dimension quasi antiphotographique. Faisant ressembler les images à des extraits de films, elle crée des photographies d’un mouvement en mouvement. Instinctivement, audacieusement et directement, les photographes capturent des moments précis et les figent dans l’instant. Entre immobilité et mouvement, figuration et défiguration, ces images volées semblent s’imposer comme un lieu de passage ou une entreimage, qui renvoie au moment et au mouvement d’avant et d’après. thématiques Un peu d’histoire... le Maroc Le Maroc est un pays au nord-ouest de l’Afrique appartenant au Magrheb. Il est bordé par l’océan Atlantique à l’Ouest, par le détroit de Gibraltar et la mer Méditerranée au Nord, par l’Algérie à l’Est et par la Mauritanie au Sud, au-delà du Sahara Occidental. Le Maroc a pour capitale Rabat. Le Maroc est appelé en arabe Al-Maghrib (Le couchant) ou plus complètement Al-Maghrib Al-Aqsa (Le couchant lointain). Le nom français Maroc dérive lui de la prononciation espagnole de Marrakech Marruecos, ville du centre du pays fondée en 1062 et qui fut la capitale de trois dynasties (Almoravide, Almohade et Saâdienne). La ville impériale de Marrakech est fondée en 1062 par le Sultan Youssef ben Tachfine à qui revient le mérite de la construction des remparts de défense entourant la ville. Sa prospérité de l’époque en fait la capitale d’un empire allant d’Alger à l’Atlantique et de la Méditerranée presque jusqu’au Sénégal. Après 400 années de dynasties berbères émanant des tribus d’origine des montagnes de l’Atlas (les Almoravides, Almohades et Mérinides qui ont été au pouvoir jusqu’en 1465), le XVIe siècle voit l’arrivée des arabes au pouvoir. Les riches Saâdiens (1554 – 1603) sont responsables de l’unification du Maroc. En 1659 les Alaouites arrivent sur le trône (occupé de 1672 à 1727 par Moulay Ismaïl, le plus connu de tous les sultans) et dirigent toujours le pays à ce jour. En 1912, le traité de Fès reconnaît le Maroc comme étant un protectorat français sous la souveraineté du sultan. Les 40 années suivantes, l’économie du pays progresse grandement grâce au développement des infrastructures ferroviaires et routières, l’introduction de centrales hydro-électriques, de systèmes d’irrigation et l’introduction de l’éducation nationale par les français. Le quartier commercial et résidentiel de Guéliz, hors médina, se développe peu de temps avant que le Maroc ne redevienne indépendant en 1956. thématiques Les photographies de famille Les photographies de famille occupent dans la sphère domestique une place très importante. Traces de souvenirs vécus, joies d’immortaliser certains moments de la vie, plaisir de montrer l’album de famille aux amis, ces images saisissent la magie d’un instant. Longtemps réservées aux professionnels, elle est aujourd’hui devenues le domaine de prédilection des amateurs, à l’exception désormais marginale des clichés commandés aux photographes pour solenniser les grandes étapes de l’existence. Leurs fonctions sont essentiellement sociales, sentimentales et affectives se déployant dans un album dont les images, souvent légendées et datées, tissent une mémoire de la famille, une fiction de son histoire. L’album de famille est une mosaïque d’instants anodins ou solennels, des instants fétiches de la famille ; ceux dont l’on veut se souvenir. Sélectionner les images, les disposer dans les pages et éventuellement les légender revient à dresser pas à pas un mémorial de la famille, une mémoire construite, c’est-à-dire sélective, infidèle et lacunaire. L’album transforme, ajoute, recompose, idéalise et devient une fiction en image. Lieu de certitudes, de stabilité et de réconfort, l’album rassure grâce à sa forme symbolique de l’union familiale. Ainsi utilisé, ce procédé photographique est crédité d’un nouvel et illusoire potentiel de vérité. C’est parce que les clichés des proches ne sont pas destinés à sortir de l’intimité familiale qu’ils peuvent rester en marge des normes techniques et esthétiques qui régissent les images publiques. Soit par maladresse technique, soit par manque de culture esthétique, soit par une concentration exclusive sur leur objet, les photographies de famille négligent souvent de rectifier une pose disgracieuse, d’adopter la solution technique adéquate, ou de se préoccuper d’esthétique. Pour ces photographes, l’instant, la scène et les personnages prévalent sur la qualité technique et esthétique des images ; l’objet compte plus que son apparence, l’épreuve plus que sa forme, l’enregistrement plus que ses modalités. C’est alors une pratique hasardeuse, aux résultats imprévisibles, qui est privilégiée. thématiques Le portrait, une phénoménologie brève Dans le portrait, il ne s’agit pas seulement d’une interaction entre le modèle et le photographe. C’est la troisième figure, le spectateur, qui, formant une correspondance triangulaire, rend le genre du portrait si particulier. C’est lui qui se trouve en face des personnes portraiturées, vis-à-vis de personnes qui lui sont familières ou étrangères, vis-à-vis d’expressions d’autrui. Le portrait fascine parce qu’il s’agit du visage humain qui nous fait face. Qui nous parle et nous questionne sur la grande énigme de notre existence, de l’humain. Un portrait peut nous faire peur par ce visage déformé, un autre nous inquiète par son regard suppliant, angoissant, un autre encore nous impressionne par sa dignité ou sa figure marquée par la vie... Une rencontre, c’est une quête vis-à-vis de l’autre. En effet, on cherche à déceler dans le visage du prochain un signe qui soit le point du départ du face-à-face. En scrutant le reflet dans la pupille de cet autre, notre propre image nous est révélée. Ainsi, le portait nous habite et nous habitons le portrait. Il n’est pas étonnant de voir que cette relation intime au portrait se retrouve également avec un portrait provenant d’une époque lointaine, parce qu’il peut tout autant fasciner qu’un portrait photographique contemporain. Toutefois, les portraits n’étaient jadis pas accessibles au public, le musée résultant de la démocratisation du XIXe siècle. L’art du portrait peint fut longtemps réservé à une élite, « à une caste aristocratique, obsédée par le souci de la lignée, ou à une élite bourgeoise, soucieuse de poser pour la postérité » (Thierry Grillet). Les portraits étaient réunis dans les salles à manger ou les longs couloirs des demeures nobles. Ce n’est pas un hasard si Olivier Roller a choisi pour ses photographies des cadres ovales ornementés, faisant fortement allusion à ces « galeries de portraits » d’autrefois... thématiques Le portrait... un peu d’histoire Se remémorer une personne est l’une des fonctions premières du portrait. Dès l’origine, le portrait est lié à la mémoire : « (...) Le potier Butadès de Sicyone découvrit le premier l’art de modeler les portraits en argile ; cela se passait à Corinthe et il dut son invention à sa fi lle, qui était amoureuse d’un jeune homme ; celui-ci partant pour l’étranger, elle entoura d’une ligne l’ombre de son visage projeté sur le mur par la lumière d’une lanterne ; son père appliqua de l’argile sur l’esquisse, en fi t un relief qu’il mit à durcir au feu avec le reste de ses poteries. » (Pline, Histoire naturelle, Livre XXXV, chap. XLIII, trad. J.-M. Croisille, Paris, Les Belles Lettres, 1985, p. 101) Aux origines du portrait, on retrouve aussi l’idée de mort et de survie. Le portrait apparaît comme une tentative désespérée de conjurer la durée éphémère de la vie. Les premiers portraits revendiquent la ressemblance - en dehors des portraits des empereurs romains qui étaient assez idéalisés et stéréotypés - comme les effigies sur les momies qui ont survécu dans le climat sec de la région de Fayoum en égypte. Selon leurs procédés artistiques, ils sont clairement d’origine romaine et datent environ du Ier-IIIe siècle ap. J.-C. Au Moyen-âge, l’art du portrait décline, l’individu se fond dans l’ensemble de la chrétienté. Les seuls portraits qui nous restent ne montrent pas le souci de la ressemblance mais sont au contraire fortement idéalisés avec des traits simplifiés. Ce n’est qu’au XIVe siècle que le portrait resurgit en Europe. La Renaissance avec ses tendances séculaires marque un tournant sans précédent. Le portrait connaît alors un grand succès, d’une part à cause du regain d’intérêt pour la nature et l’antiquité, d’autre part en raison d’une considération grandissante envers l’individu. Durant les périodes baroque et rococo, au XVIIe et au XVIIIe siècle, les portraits prirent une importance croissante. Dans une société de plus en plus dominée par la bourgeoisie, des représentations d’individus luxueusement vêtus à côté des symboles de puissance et de richesse contribuaient de manière efficace à l’affirmation de leur autorité. thématiques La fonction du portrait Pendant des siècles, la fonction du portrait traditionnel n’était alors pas simplement le souci d’immortaliser une personne par son effigie, mais plus spécifiquement de mettre en évidence sa fortune économique et sa fonction sociale, c’est-à-dire son rôle et son importance dans la société. « ... photographier un écrivain, c’est réfléchir sur son image, sur l’icône de l’écrivain tel qu’il est le plus souvent représenté, en jeux d’ombres subtils, assis devant sa bibliothèque, le menton négligemment posé au creux de la main... » (Olivier Roller, FACE(S), p. 228). La figure de l’écrivain n’est pas non plus exclue des clichés de représentation, surtout au siècle des Lumières, pendant la période néoclassique et aussi pendant le romantisme. (Les portraitistes néoclassiques importants étaient : Jacques-Louis David, Jean-Auguste-Dominique Ingres, Antonio Canova. Pour le romantisme : Eugène Delacroix, Théodore Géricault et à la même époque : Francisco de Goya.) Le plus souvent, l’écrivain était représenté se reposant d’une manière pensante sur son bureau, à côté d’une pile de livres, et souvent, la plume à la main, pour parfaire cette image d’homme de lettres. Même encore aujourd’hui, des photographies répondent fréquemment aux clichés. Chez Olivier Roller, on ne trouve pas de poses stéréotypées. Pendant une séance avec un écrivain, il ne donne que des directives (« debout, changez le regard, tournez ! » ...) comme il le fait avec tout le monde. Les attributs laissent la place à un environnement très simple, dépouillé. Il aspire à autre chose : « Ce qu’ils sont humainement... et que je suis. » thématiques La photographie et l’art du portrait Il semble que toute l’histoire du portrait soit une recherche, une oscillation entre la ressemblance et l’élaboration d’un système plastique (et les attentes d’un portrait « réussi »). Mais peut-on encore parler de ressemblance s’il s’agit d’un portrait photographique, c’està-dire d’un moyen dont on sait qu’il donne, grâce à la technique, une effigie identique au modèle ? C’était le défi de cette grande invention du XIXe siècle, de trouver sa légitimation en tant qu’art à côté de la peinture : montrer qu’elle a en plus d’une simple image technique une force transformatrice, une propre valeur artistique. Dès ses origines, la photographie se montre fidèle au portrait, qui reste encore longtemps attaché à l’esthétique de la peinture de l’époque. Le grand succès de la daguerréotypie au milieu du XIXe siècle s’explique par la demande énorme des portraits bon marché : la photographie correspond à la démocratisation de l’image de soimême. D’innombrables portraits photographiques dits « cartes de visites » en format standardisé de 5,5 × 9 cm étaient produits pendant la deuxième moitié du XIXe siècle afin d’être échangés parmi des membres de la famille ou des amis. On s’est vite rendus compte des nouvelles possibilités qu’offre ce procédé plus rapide et plus souple que la peinture. C’est Alphonse Bertillon qui découvre le côté utile du portrait photographique pour le système judiciaire. Il instaure une photographie de portrait où l’individu disparaît sous la recherche d’une typologie du « criminel ». à l’inverse, le célèbre portraitiste français Félix Tournachon, dit Nadar, tente de prendre des poses étudiées afin d’évoquer au mieux le caractère de chacun. Il arrivait qu’il fasse des sortes d’expériences en prenant par exemple quelqu’un de dos (peut-être pour échapper à l’évidence du visage), comme Olivier Roller plus d’un siècle après, qui se demande si une image du dos ou d’une main est encore un portrait... thématiques LE PICTORIALISME En réaction aux évolutions modernes de la photographie, le Pictorialisme, mouvement photographique, s’impose dès les années 1885, avec Peter Henry Emerson et Peach Robinson. Ce mouvement international tente de faire reconnaître la photographie comme une discipline artistique à part entière en s’inspirant à la fois des thèmes picturaux et des techniques d’autres pratiques artistiques. Ce faisant, il multiplie ses affinités avec les principaux mouvements picturaux de la fin du siècle tel que le Symbolisme, l’Art Nouveau ou encore l’Impressionnisme. Le Pictorialisme cherche à se libérer de la fonction imitative et objective que prône la photographie. Filtres spéciaux, emplois de techniques alternatives (sténopés), travail sur l’épreuve, grattages et interventions sur le négatif, photomontages, utilisation de différents modes de tirages dits pigmentaires rapprochent alors le travail du photographe à celui du peintre ou du dessinateur. Toutes ces interventions humaines devaient permettre à la photographie de simuler la peinture mais aussi de conférer une valeur artistique à une création qui se veut avant tout technique et chimique. Pour des photographes comme Margaret Cameron, Alfred Stiegltz à ses débuts, Daniel Puyo ou encore Robert Demachy, il n’est alors plus question d’imiter la réalité, mais, au contraire, de remplacer ces pures descriptions par des visions subjectives, des émotions et de la spiritualité. Si le Pictorialisme prend fin vers 1910, il se poursuit sous des formes académiques et son influence irrigue bien des aspects du modernisme. Entre pratiques hybrides et techniques photographiques anciennes et délaissées, et suivant la prescription du mouvement pictorialiste sur la question de la manipulation de l’image photographique, les images de Sally Mann ou de Nancy Wilson Pajic présentent un lien de parenté évident avec les œuvres des principaux tenants du Pictorialisme. thématiques La méTAMORPHOSE DU PAYSAGE Si le paysage est parmi l’un des sujets les plus traités dans l’histoire de l’art depuis l’Antiquité, il faut attendre le XIXe siècle pour que celuici soit un genre à part entière reconnu. Dès le début du XIXe siècle, le mouvement romantique est bien décidé à rompre avec la tradition paysagère héritée du classicisme. Il cherche à traduire les dimensions exaltantes, insoupçonnées et contemporaines du paysage, afin de renouveler le genre du paysage. Dorénavant, l’artiste donne sa vision du monde en exprimant singulièrement ce qu’il voit et traduit le paysage au travers de ses émotions personnelles. Le paysage se confronte alors à la violence du sentiment, à la démesure de la passion et au symbolisme exubérant du paysage romantique. Casper David Friedrich, William Turner ou encore John Constable ont modifié les paysages par leur sensibilité exacerbée. Ceux-ci se détachent de la réalité, cèdent la place aux couleurs, aux atmosphères brumeuses et aux lumières peintes jusqu’à s’apparenter à une forme d’abstraction lyrique. Une liberté esthétique nouvelle ouvre la voie à l’Impressionnisme et aux représentations de paysages innovants. Claude Monet, Camille Pissaro ou encore Alfred Sisley vont définitivement imposer l’évocation de la nature comme genre majeur de la peinture. Ces artistes décrivent les changements de la nature, relèvent et figent des impressions fugitives, capturent la mobilité des phénomènes atmosphériques et les reportent directement sur la toile. La peinture impressionniste est une peinture sans subjectivité, sans marque d’affectivité et l’artiste n’est plus qu’un œil : les formes y sont subordonnées à la couleur et la sensation à l’optique. Dès lors, le paysage n’est plus le reflet d’une réalité objective mais une expression picturale faite de matière et de sensations. thématiques L’allégorie La Justice, cette femme aux yeux bandés tenant une balance à la main, Marianne, la statue de la Liberté ou encore Le Printemps de Botticelli sont autant d’allégories très connues. Symbole, mythe et figure, l’allégorie consiste à représenter de façon imagée voire figurative une idée abstraite ou une notion morale que l’on ne peut pas représenter naturellement. Largement répandue dans l’univers des Beaux-arts, l’allégorie use de figures mythologiques comme icône, elle évoque des symboles diversifiés et de par son contenu sous-tend une lecture allusive de l’image. Remontant à l’Antiquité où les idées apparaissaient sous la forme de figures humaines ou animales, les allégories ont servi au cours du Moyen-âge à illustrer les Vices et les Vertus, telles la foi, l’espérance, la charité, la force... Les allégories sont des images très populaires qui perdurent de la Renaissance jusqu’au XVIIe siècle où, avec l’art baroque, elles s’imposent et connaissent leur apogée. Chaque allégorie possède ses attributs et ses caractéristiques propres de façon à faciliter son identification. De même, l’allégorie conservera ses spécificités d’une période à une autre. La plupart des allégories et des symboles connus aujourd’hui sont issus de la Mythologie et des Divinités gréco-romaines mais aussi de la Bible dont les plus récurrents sont : – la Paix : une colombe ou un rameau d’olivier ; – la Gloire : une couronne de lauriers ; – la Fidélité : un chien ; – la Mort : un squelette armé d’une faux ; – l’Amour : une femme souvent accompagnée de Cupidon, une rose. thématiques LA PHOTOGRAPHIE, UN ART DE SURFACE La surface plane du papier photographique offre assez peu de variations de matière contrairement au dessin, à la peinture ou encore à la sculpture. Cependant, nombreux sont les photographes et les artistes qui vont mettre à profit ce défaut pour faire du plan d’une image une surface d’inscription et d’expression artistique. Certains, comme Arnulf Rainer ou Sogmar Polke, interviendront directement sur la photographie avec du graphisme, du dessin et de la gravure, d’autres, tels Alain Fleischer et Joël-Peter Witkin, joueront avec des effets spécifiques lors du tirage en s’interrogeant sur la nature même de la photographie. Les derniers utiliseront la photographie pour immortaliser des images créées à partir de matériaux très disparates qui deviennent un médium de création. Ce traitement d’image confère un nouveau statut à la photographie qui acquiert un caractère unique. Ces œuvres alliant la photographie à un autre médium artistique sont appelées « mixed media ». Cherchant à rompre avec le caractère bi-dimensionnel des images, les photographes usent de tous les effets spécifiques au langage photographique et donnent ainsi une réalité corporelle aux espaces représentés. Par la forme-tableau, les illusions de surface, les jeux de profondeurs et de lumière, par les jeux d’échelle et de volume mais aussi d’écarts créés entre le sujet représenté et la technique de représentation utilisée, les photographies de Jan Diebbets, Luigi Ghirri, Vik Muniz ou encore d’Andreas Gursky incarnent cette quête d’une surface plane tangible et réelle. thématiques La PHOTOGRAPHIE : UN MIROIR DE SOI La naissance mythique du portrait est attribuée à la fille de Dibutades, un potier corinthien. Pour conserver le souvenir de son amant, garder en mémoire et en image les traits de ce dernier, la fille de Dibutades trace au charbon l’ombre du jeune homme dont le profil se découpe sur un mur grâce à la lumière d’une lampe. C’est là, dit la légende, l’origine de la peinture et du dessin. Dans un portrait, c’est d’abord l’apparence du modèle qui est visible, mais certains indices, comme les traits et les expressions du visage ou encore la posture du corps, peuvent éclairer le spectateur sur la personnalité de celui qui pose. À partir de la Renaissance, le portrait s’impose comme un genre à part entière. Dès les années 1840, on fait face à un véritable engouement pour sa version photographique. Elle devient accessible à tous. Charles Baudelaire est le premier à s’offusquer de l’attitude de cette société obsédée par son image. En effet, l’avènement de la photographie réalise le souhait ultime de Narcisse : délivrer un parfait miroir de soi. Alors que le peintre s’appliquait à gommer les défauts du commanditaire, le photographe, lui, reproduit le réel et révèle les épreuves du temps gravées sur la peau. Le visage marque la singularité de l’être. C’est pourquoi en photographie le cadrage qui était d’abord en pied s’est rapidement recentré sur le buste. Le regard se concentre ainsi davantage sur la physionomie des modèles dont l’identité et la spécificité des traits sont renforcés. Le succès du célèbre portraitiste Nadar s’est établi sur sa capacité à dévoiler la personnalité de ses modèles. Si les poses sont très classiques et la lumière naturelle, c’est la grande variété des expressions qui amène à voir l’intériorité des personnalités immortalisées. Au-delà d’un être humain, le photographe s’intéresse à la singularité d’un individu et cherche à représenter la personne en tant qu’ellemême. thématiques La photographie : UN REFLET SOCIAL ET CULTUREL Le portrait est un genre pictural artistique qui présente dans un même temps une image physique et psychologique d’un modèle. Et, si le portrait photographique s’appuie sur ce même principe inhérent, il est en outre, et ce par définition, un gage de vérité et d’objectivité : un visage ni idéalisé, ni transformé ou caricaturé. Dès ses origines, la photographie remplit une fonction documentaire en tant que témoignage fidèle du réel ; le photographe, au contraire du peintre, ne représente plus le réel tel qu’il le voit. C’est tel qu’il est que ce « réel » impressionne le support et qu’il est immortalisé par l’image. Dès lors, la photographie vise à représenter le monde et s’impose comme un outil de représentation. Observer les portraits photographiques comme ceux d’August Sander, de Diane Arbus, d’Henri Cartier-Bresson, de Pierre et Gilles mais aussi comme ceux de Nadar ou encore de Paul Strand, c’est faire le constat d’un art de la posture et de la mise en scène où les modèles jouent toujours, peu ou prou, un rôle et s’affirment dans leur rang social, leur puissance ou leur renommée. Tous différents les uns des autres, ces portraits se définissent non plus seulement par un visage ou par une expression. De fait, tous les éléments constituant l’image et sa composition, de la lumière aux accessoires, en passant par les postures et le cadrage, participent largement au contenu et au sens de la photographie. Le décor des images se met ainsi au service du réalisme photographique et le modèle se voit renforcé dans sa fonction ou son rang social par des éléments extérieurs qui l’environnent et le situent. Et, si le réalisme d’un cliché ne se situe pas toujours dans son objectivité photographique, il peut se trouver dans la restitution fidèle ou dans l’adéquation du modèle portraituré : un environnement, une ambiance ou une fiction qui lui renvoient son image. Reflet social et culturel, le portrait photographique témoigne d’une fonction ou d’une qualité, d’une intention ou d’un idéal. thématiques LA PHOTOGRAPHIE EN BELGIQUE La France et l’Angleterre, avec les inventions du daguerréotype et du calotype ont été les pays pionniers de la photographie. Toutefois, la Belgique ne demeure pas en reste. Dès 1839, Jean-Baptiste Jobard devient le premier photographe belge en réalisant deux daguerréotypes. Très vite, la photographie belge se développe et se résume à deux tendances : le portrait, avec les célèbres ateliers des frères Brand et Ghémar et la photographie de commande publique qui naît des grandes modifications urbanistiques apportées à la ville de Bruxelles. Les travaux de la Senne et les monuments sont immortalisés sous forme de simple inventaire comme dans les images de Jean-Théodore Kämpfe ou de manière plus onirique avec celles de Louis Ghémar. En 1873, le photographe Hubert Zeyen est envoyé par le Gouvernement belge à l’Exposition Universelle de Vienne. Il constate le retard de son pays en matière de photographie et attribue cela à l’absence d’associations d’amateurs. L’association belge de photographie voit le jour, bientôt suivie par le premier mouvement photographique international : le pictorialisme qui évoque les peintures classiques et impressionnistes. Grâce à une intervention sur les images, Gustave Marissiaux et Léonard Misonne immortalisent des paysages noyés dans la brume ou des scènes de villes déchirées par des jeux de lumière. Ils optent pour des cadrages insolites, des grattages sur l’image, l’utilisation de la gomme bichromatée, un allongement des perspectives, des contre-jours, un écrasement de l’espace ou le recours au flou. Le monde est mis à distance. C’est le savoir-faire du photographe qui prime. À l’heure actuelle, certains artistes comme Jean Janssis continuent d’avoir recours à des techniques manuelles sur leurs photographies pour réaliser des images qui évoquent les peintures. thématiques Le photographe ET SON RAPPORT AU MODÈLE On dit « faire un tableau » mais « prendre une photographie ». Dès cette dénomination, on comprend bien que la photographie implique une relation de force et de confrontation entre le photographe et son modèle. Le portrait repose, dans sa possibilité-même et sa réalisation, sur une interaction entre le photographe et le portraituré. Ce rapport, tantôt égal tantôt visuellement inégal, se matérialise généralement dans l’image à travers la posture des corps et l’attitude des modèles ou bien encore dans l’organisation formelle de la photographie. Pour chaque portrait photographique se sont deux regards qui s’éprouvent : celui du photographe et celui du modèle lui-même. Ainsi présuppose-t-il toujours un pacte dont l’enjeu est la rencontre et la négociation de deux désirs distincts et différents. Précisons-les d’emblée : si le photographe cherche à imposer la souveraineté de sa volonté de puissance et son regard d’artiste par un geste purement formel ou esthétisant, par son style ou par une signature visuelle, le portraituré, lui, se sert du photographe pour accéder à une image narcissique de lui-même. C’est tel qu’il veut être vu et tel qu’il veut paraître que le photographe devra l’immortaliser. Ainsi, bien que derrière chaque photographie demeure le regard du photographe qui décide du cadrage, du point de vue et de l’éclairage, le dialogue entre les deux reste essentiel pour l’équilibre de l’image. thématiques Le PORTRAIT AU XIXe SIÈCLE Dès l’avènement du daguerréotype, le portrait ouvre l’ère démocratique de la représentation de soi et représente un enjeu fondamental : l’un de ses plus importants débouchés commerciaux et un sujet de prédilection. Qu’il soit officiel, documentaire, social ou encore familial, le portrait photographique est un genre artistique qui célèbre le sujet immortalisé en inaugurant un nouvel épisode dans la représentation. À la croisée de l’œuvre d’artiste et de la pratique d’amateur, le portrait photographique devient une véritable industrie. Les ateliers fleurissent en nombre et les photographes s’adonnent presque exclusivement au genre du portrait. Dès 1862, le daguerréotype fait place à l’ambrotype. Réduisant le temps de pose de 30 min à 2 h, ce dernier, plus rapide et moins onéreux, est largement exploité pour la réalisation des portraits. Imitant les poses et reproduisant les artifices du portrait peint, le portrait photographique se caractérise à ses débuts par un aspect conventionnel et figé. Inconvénients techniques, mises en scène, décors et accessoires renforcent l’uniformisation de ces portraits. De même, le temps de pose encore bien long est à l’origine de l’aspect apprêté et du regard morne des modèles qui ne devaient ciller les yeux. Équipements spécifiques et instruments particuliers, telle la « chaise Daguerrienne », étaient nécessaire pour ajuster la posture et assurer l’immobilité des sujets en vue d’une image nette. En résulte, une production de masse et bon marché qui se propage au détriment de toutes formes d’originalités et de qualités esthétiques. À partir de 1880, la photographie se fait plus instantanée et le portrait photographique de plus en plus naturel. Certains, comme Nadar et de Disdéri, ont su élever le portrait photographique au rang d’art. Exploitant les qualités techniques propres au médium et s’intéressant à la psychologie des modèles, ils créent des œuvres originales, sobres et expressives qui ouvrent de nouvelles voies à la représentation du visage humain. thématiques La PHOTOGRAPHIE ET LES TECHNIQUES ALTERNATIVES De plus en plus simplifiée dans sa technique et objet de nombreuses recherches sur l’instantanéité, la précision optique et le perfectionnement de l’appareil, la photographie devient accessible au plus grand nombre. Commercialisation, profusion des images et reproductibilité font de la photographie un simple outil témoin de la réalité et ce au profit de ses potentialités artistiques. La photographie « alternative » est une approche photographique où l’originalité, l’émotion et la valeur artistique de l’image priment sur le matériel photographique qui passe au second plan. Dès 1840, des procédés simples mais complexes dans leurs mises en œuvre tentent d’accorder une nouvelle place à la plasticité du médium photographique : la photographie « alternative » exploite le travail des matériaux et du support et tente de renforcer son unicité. Les techniques anciennes, – daguerréotype, talbotype, calotype, collodion, papier albuminé ou salé... –, le goût de l’expérimentation des pictorialistes avec Robert Demachy et Constantin Puyo, les pratiques de solarisation et de rayogramme de Man Ray et de Moholy-Nagy, les photocollages et l’abstraction photographique des surréalistes, l’hybridation des techniques telles qu’on les voit dans l’œuvre de Sigmar Polke et d’Arnulf Rainer et les « pratiques pauvres » comme le sténopé, la lomographie et le téléphone portable sont autant d’exemples qui exploitent le support et engendrent des surprises : flou, imprécision du détail, raté, décadrage, vignettage, grain, texture... Ainsi, la matérialité de l’image devient un outil supplémentaire à son expression. Elle lui confère une dimension plastique en lui procurant une émotion indicible, subjective, fugace et matérialiste. Utilisation d’anciennes recettes, inventions et innovations sont de mise dans la création contemporaine ; Sally Mann, Patrick Bailly-Maître Grand, Bernard Plossu, Nancy Rexroth, Stephen Shore, Pierre Cordier ou Yannick Vigouroux réalisent des images qui s’éloignent de la réalité objective tout en renforçant l’harmonie entre l’image et le support. thématiques L’OBJET PHOTOGRAPHIQUE La photographie, plus qu’une image, est un objet qui se regarde. Les premiers clichés en rendent compte. Les supports variés, le verre avec ses effets translucides et miroitants, le métal et ses rendus brillants et précieux, la toile ou encore le papier et ses tonalités chaudes et colorés, contribuent à la matérialité de l’image. Ils font appel à une approche de lecture différente et participent largement à la fragilité des photographies. Entre la lumière qui les crée mais qui, lentement, finit par les détruire, et un simple frottement ou un contact direct sur leur surface qui risque de les altérer, les photographies nécessitent une protection adaptée : un montage hermétique. Depuis ses origines, l’encadrement renvoie à deux fonctions essentielles : la mise en valeur et la protection de l’œuvre. À la fois pratique et esthétique, le cadre se décline : des écrins de velours noir, des cadres précieux dorés ou décorés et parfois un encadrement à deux volets qui s’ouvre comme un livre. Une présentation qui confère aux photographies un statut d’objet de luxe, délicat et raffiné, rare et unique, intime et fragile en leur faisant perdre leur statut d’image. Si la photographie contemporaine, numérique et objective délaisse la question de la matérialité de l’image, alors les artistes recourant aux pratiques « alternatives » ou replaçant le support et le cadre au centre de leur réflexion tels Pierre et Gilles, Arnulf Rainer, Joël-Peter Witkin ou encore Gerhard Richter, initient-ils une rematérialisation de l’image photographique. thématiques La PHOTOGRAPHIE IN SITU : LE DÉVELOPPEMENT INSTANTANÉ Si les impressionnistes bouleversent les traditions picturales en peignant des paysages en plein air et sur le vif, certaines pratiques photographiques permettent aux artistes d’innover dans leur démarche artistique en imposant ou rendant le développement in situ possible. Ainsi en est-il de la technique au collodion humide. Celle-ci oblige le photographe à se munir d’une chambre noire portative afin d’enduire et de développer ses plaques de verre qui doivent rester humides tant pour la prise de vue que pour leur traitement final. Le cartophote, une sorte de polaroïd avant l’heure ? Révolutionnant la photographie au début du XXe siècle, cet appareil photographique en bois, munis de tout le matériel nécessaire au développement, offre aux photographes la possibilité de cadrer leurs images, de capter l’instant et de poursuivre avec le tirage photographique. Une démarche qui se présente comme une volonté de retranscrire un paysage, un environnement et une réalité dans une forme d’instantanéité poétique. Aujourd’hui encore, le développement instantané comme le polaroïd, le tirage in situ et les chambres noires portatives tel le sténoflex, mini laboratoire qui fournit révélateur et fixateur en poudre et une feuille de film inactinique sont de mise dans la création photographique contemporaine. Apparaissant comme une nouvelle donne pour les photographes, ces moyens leur offrent des perspectives de création originales ; les images qui en découlent sont des photographies ex-nihilo, des images de la beauté de l’instant. thématiques LE GENRE DU PAYSAGE : Le PAYSAGE RURAL, le PAYSAGE URBAIN L’histoire du paysage renvoie aux premières tentatives réalisées pour appréhender l’espace dans ses rapports avec la lumière du plein air et s’accompagne, en outre, de la réflexion et de la place de l’homme dans la nature. Dès le XIIIe siècle, bien qu’encore considéré comme un accessoire scénique pour la figure humaine, certains artistes, comme Giotto, confèrent au paysage une consistance plastique. Mais ce n’est véritablement qu’au milieu du XVIe siècle, que le paysage naturel ou urbain devient un genre pictural qui acquiert sa pleine autonomie. Idyllique, paradisiaque, héroïque, classique ou encore idéalisé, le paysage urbain et naturel se décline sans pour autant être considéré comme un genre majeur. C’est avec le Romantisme mais aussi William Turner et Kaspar David Friedrich que des changements s’opèrent : le paysage, devenant le reflet d’une profonde sensibilité et d’expériences subjectives, accède à un nouveau statut. La peinture en plein air, les innovations techniques et l’industrialisation favorisent l’essor du genre à la fin du XIXe siècle : école de Barbizon, Réalisme, Naturalisme et Impressionnisme, Théodore Rousseau, Camille Corot, Claude Monet, Pissarro ou encore Sisley sont autant de tendances artistiques et de noms fameux qui réinventent le genre du paysage moderne et influencent le paysage photographique. Perçue dans ses débuts comme un instrument documentaire précis et fidèle utile aux sociétés de géographie et d’archéologie, la photographie de paysage rencontre un immense succès avec l’œuvre de Gustave le Gray suivi d’Eugène Atget, d’Anselm Adams, d’Edward Steichen, de Minor White ou encore de Michael Kenna, tout en s’affirmant comme un genre photographique libre et à part entière. thématiques LA nuit et le NOCTURNE EN ART « Le Songe de Saint Joseph », « La Nativité », « L’Adoration des bergers », Amour découvrant Psyché endormie ou encore Diane et Endymion, autant de thèmes religieux et mythologiques qui supposent la suggestion de l’obscurité. Telles sont, en peinture et ce dès le XVe siècle, les premières manifestations d’un traitement pictural de la nuit. Qui ne connaît pas les puissants clairs-obscurs de Le Caravage, les douces nocturnes de Georges de la Tour ou encore la fameuse toile « La Ronde de nuit » de Rembrandt ? Le sujet d’une nocturne en peinture ? La nuit, le noir et l’obscurité qui se traduisent le plus souvent par la représentation d’un paysage éclairé par la lune et les étoiles. Pour les artistes, la nuit est un vaste champ d’investigation. Tantôt profonde et mystérieuse, tantôt claire et paisible, tantôt terrifiante et dangereuse, elle devient un sujet iconographique important qui leur permet d’aborder des thèmes aussi variés que ceux de la vie, du rêve, de la peur, des vices, de la pensée et de la recherche de soi. Ainsi, nombreux sont les artistes tels Kaspar David Friedrich, Jean-François Millet, William Turner, Edward Munch, Odilon Redon ou encore Van Gogh qui s’en emparent dans certaines de leurs œuvres. Pour un photographe à l’image de Brassaï, Weegee, René Burri, Olivier Metzger, Axel Hütte ou encore Troy Paiva, capturer l’univers de la nuit et ses lumières fait appel à une démarche bien différente. De fait, il va à sa rencontre et la troue à coups de flash. Images prises sur le vif ou remises en scènes, ces photographies nous dévoilent la vie nocturne et interrogent tant la place de la lumière que son absence. thématiques Le POLYPTYQUE, UN TABLEAU À LA FOIS UN ET MULTIPLE Un polyptyque désigne un ensemble de panneaux peints ou sculptés, articulés ou non, exposant une peinture chrétienne. Il est aussi connu sous le nom de livrets ou encore tableaux cloants. Un diptyque est composé de deux panneaux et un triptyque de trois panneaux fixes ou mobiles, dont les sujets se regardent et se complètent. Ce sont des unités distinctes mais liées et donc indissociables. Lorsqu’il y a plus de trois parties, on utilise généralement le terme de polyptyque. Utiliser cette forme de peinture ou sculpture permet ainsi une forme d’animation et d’interaction entre les sujets, en offrant une pluralité de lectures à la fois simultanées et successives. Le polyptyque est une forme d’art très utilisée durant l’Antiquité, le Moyen-Âge et la Renaissance par des artistes de renoms tels Jérôme Bosch, Grünewald, Rogier van der Weyden et même Pierre-Paul Rubens. Après une longue absence, le polyptyque réapparaît au XXe siècle dans de nombreuses variations qui ont, le plus souvent, perdu leur signification religieuse et symbolique. Confrontation formelle et multiplication sérielle, citation historique et parodie ironique, le polyptyque contemporain s’affirme comme une fragmentation de l’espace et renvoie à des problématiques plastiques. thématiques Les QUATRE ÉLÉMENTS L’air, l’eau, la terre et le feu constituent les quatre éléments fondamentaux. Aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire des cultures humaines, ils structurent l’imaginaire à la manière des quatre points cardinaux. Dans l’histoire de l’iconographie occidentale, il existe de nombreuses représentations des éléments sous forme de petites gravures, des sortes de constructions symboliques souvent liées au savoir alchimique. Ne racontant pas d’histoire, les éléments ne sont pas un thème iconographique de la grande peinture classique. Mais, leur présence dans l’art est une petite clef qui aide à mieux comprendre l’œuvre. Ainsi, ils ne sont pas représentés comme des sujets autonomes, mais apparaissent plus ou moins explicitement dans une œuvre. Dès lors, on obtient une symbolique à la fois évidente et suffisamment floue pour laisser l’imaginaire vagabonder. L’air et le feu sont des éléments actifs et masculins, alors que la terre et l’eau sont considérées comme passifs et féminins. L’air est un symbole de spiritualisation, l’eau reste un moyen de purification et la terre symbolise la fonction maternelle, la fécondité. Le feu, est purificateur et régénérateur. thématiques L’écrivain et le photographe Pour ne pas nuire à la poésie des images, le travail photographique de certains photographes n’est pas accompagné de cartels. Les petites étiquettes sur lesquelles on trouverait le nom de la ville, de la rue, un titre ou un référent visuel ainsi que la date de la prise de vue, donneraient aux images le statut de document. Comment expliquer alors la démarche de l’artiste ? Un recours : l’écrivain. La littérature est un outil qui permet de décrire ce genre photographique. Les extraits de textes choisis, soit par l’artiste lui-même soit par l’écrivain, apportent les mots nécessaires pour raconter l’histoire qui se déroule derrière ces images. Tout comme dans un film, les images défilent et le texte narre l’histoire. Les images guident notre imagination et le récit nous apporte de nouvelles informations. thématiques Un peu d’histoire... l’Inde L’Inde est un pays du sud de l’Asie qui occupe la majeure partie du sous-continent indien. Son nom officiel est la République de l’Inde. Il s’étend sur plus de sept mille kilomètres. L’Inde est le foyer de civilisations parmi les plus anciennes, et un carrefour historique des grandes routes commerciales. Quatre grandes religions ont vu le jour dans ce seul sous-continent : l’hindouisme, le bouddhisme, le jaïnisme et le sikhisme. Autrefois, l’Inde constituait une partie importante de l’empire britannique (le Raj) avant d’obtenir son indépendance en 1947. Ils établissent alors une puissante administration coloniale placée sous la responsabilité directe de la Couronne britannique. À la même époque, des comptoirs français et portugais sont présents sur le territoire indien, qui lui seront rétrocédés quelques années après l’indépendance. En 1857, pendant la révolte des Cipayes, des soldats indiens au service des Britanniques, établissent un soulèvement populaire général contre la puissance de la Compagnie anglaise des Indes orientales. Après la révolte, les mouvements indiens nationalistes se forment et s’organisent dès la création du Congrès national indien en 1885 et commencent à exiger une indépendance complète. Le 15 août 1947, l’Inde accède finalement à son indépendance, au prix de nombreux sacrifices, grâce aux efforts tenaces des dirigeants du mouvement nationaliste, et en particulier de Nehru et du Mahatma Gandhi. La période qui suit est dédiée à la construction de la nation. Nehru est le premier dirigeant de l’Inde indépendante. Il met en place une économie planifiée et qui tend à l’auto-suffisance, notamment en mettant l’accent sur la réforme de l’agriculture. En politique extérieure, il promeut le mouvement des « non-alignés » pendant la guerre froide. Après plusieurs décennies de stagnation économique, le pays s’est beaucoup développé, en particulier grâce aux réformes lancées en 1991. thématiques La danse en art Dans son acceptation la plus générale, la danse est l’art de mouvoir le corps humain selon un certain accord entre l’espace et le temps rendu perceptible grâce au rythme et à la composition chorégraphique. La danse est donc un art corporel constitué d’une suite de mouvements ordonnés, souvent rythmés par la musique. Elle exprime des idées et des émotions ou raconte une histoire. Le corps réalise alors toutes sortes d’actions. Il se tourne, se courbe, s’étire ou saute. En combinant ces actions selon des dynamiques variées, une infinité de mouvements différents s’inventent. Le corps passe à l’état d’objet et sert à exprimer les émotions du danseur. L’art devient donc le maître du corps. La danse est un art international. Chaque peuple danse pour des motifs distincts et de façons différentes, très révélatrice de leur mode de vie. Dans l’art indien, la danse est très souvent, et très typiquement, représentée en sculpture, en relief et en peinture. La danse a également fasciné de nombreux artistes. Le thème de la danse de Salomé prend un essor à la fin du Moyen-âge et au XVIe siècle. Fille d’Hérodiade et d’Hérode Philippe, Salomé est la petitefille d’Hérode le Grand par son père. Après avoir dansé devant son oncle Hérode Antipas, et sur le conseil de sa mère, elle obtient de lui pour prix de son exhibition la tête de Jean-Baptiste. C’est le peintre français Edgar Degas (1834-1917) qui accorde une place primordiale à la danse comme sujet principal de ses toiles. La danse est un sujet qui marque toute sa carrière. En pleine admiration devant ces danseuses, il les montre en préparation, derrière la scène et lors de leur prestation. En groupe, mais aussi seules, ces danseuses atteignent le même statut qu’un paysage ou un portrait. En tant que peintre, graveur, sculpteur et photographe, Edgar Degas a su étudier ce sujet au travers de diverses techniques artistiques. thématiques L’Inde , une danse codifiée En Inde, il existe six formes de danses : le bharata natyam, le kathak, le kathakali, le manipuri, le kuchipudi et l’odissi. Elles sont issues des Vedas et du Natyashastra qui est le recueil sacré où est codifié l’art dramatique. L’aspect religieux est donc très présent dans ces danses. En Inde, la danse toute entière est construite autour du rythme pouvant être qualifié de non-humain, elle est un mouvement très stylisé du corps. Son premier but est visuel : les gestes, costumes et ornements sont tous là pour plaire à l’œil. Cette danse ne fait pas usage des gestes naturels du corps et ne reproduit pas les gestes ordinaires de tous les jours. C’est un nouveau langage à apprendre, un système technique et esthétique à mémoriser. La danse atteint alors une dimension rituelle, surnaturelle et divine et se différencie des activités banales. Dans ces conditions, il s’agit de bien maîtriser le mouvement. Dans la vie quotidienne, bouger un bras ou lever une jambe est un geste trivial, mais dans la pratique de la danse en Inde cela a une signification et la cinétique du geste nous dira dans quelle mesure le danseur maîtrise ses mouvements. La raison d’être de la danse en Inde est l’expression. Tout est en vie mais en même temps fortement codifié. Tous les gestes ont un poids symbolique et peuvent avoir une signification précise. L’expression est dans les bras, dans les jambes, dans les mains, dans chaque partie du corps, des orteils à la tête. Costumes et décorations prennent aussi part dans l’expression. Le centre de l’expression du danseur est son visage. L’expression du visage se concentre dans les yeux où réside l’essence de l’expression du danseur. Cet éclat surnaturel montre enfin que le danseur est possédé par son personnage. Les seuls yeux d’un vrai danseur disent tout : gestes, rythmes, expressions, histoires. Ils reflètent toute la danse. thématiques La Ville Lieux d’ouverture et de brassage culturel, au carrefour des flux de l’information, les villes alimentent fantasmes et utopies. L’homme tente de s’adapter aux cités démesurées, avec son corps, avec des souvenirs et des mots. La ville accumule les strates, passé, présent, et avenir en gestation. Elle devient le sujet de prédilection chez les peintres, photographes, écrivains... « La ville nourrit l’imaginaire des écrivains, des peintres, des photographes et des cinéastes. Elle stimule les rêves des utopistes et des architectes, suscite des projets, des cartes et des plans. Elle s’actualise en s’inscrivant sur le territoire et affirme son pouvoir, son aura. C’est par la grande ville que se définit l’identité d’une nation et que se construit son destin. Souvent associée à la modernité, pour le meilleur et pour le pire, la ville est un objet privilégié de réflexion pour les historiens, les géographes, les sociologues et les philosophes qui s’interrogent sur la place de l’individu dans la cité. Qu’elle soit métropole, banlieue ou petite ville, elle sert de cadre à d’innombrables récits, réalistes, oniriques, fantastiques, mais peut aussi devenir un personnage de fiction. La ville, espace complexe, en perpétuelle mutation, se prête à la métamorphose. C’est un lieu privilégié pour la déambulation, les rencontres, le métissage culturel. C’est aussi un lieu de mémoire qui porte les traces et les stigmates de l’Histoire. À la fin du XIXe, Londres, ville cosmopolite et labyrinthique est devenue un locus privilégié pour la fiction chez des auteurs comme Stevenson ou Conan Doyle. On peut en dire autant de Paris à diverses époques, de Berlin, de New York, Rome ou de Saint-Pétersbourg. La ville, décor spectaculaire, insolite, fantasmatique, est un inducteur de l’aventure suscitant des phénomènes et événements aléatoires. » Alexandre Gefen, Les Imaginaires de la ville. Entre littérature et arts, Hélène et Gilles Menegaldo, Collection : Interférences, Rennes, 2007 thématiques un peu d’histoire ... Marco Polo Marco Polo (1254-1324), parti avec son père et son oncle, atteignit la Chine en 1275, après avoir parcouru la Route de la soie. Il y séjourna pendant 17 ans (1274-1291) et fut employé par l’Empereur Mongol Kubilaï qui acheva la conquête de la Chine. Ayant conquis Pékin en 1271, il prit un titre dynastique à la manière chinoise (celui des Yuan) sans devenir véritablement un empereur chinois. Marco Polo fut chargé de diverses missions par Kubilaï Khan, tant en Chine que dans des pays de l’Océan Indien. De retour à Venise en 1295, il combattit à Gênes, y fut fait prisonnier et dicta dans sa geôle à Rustichello de Pise une narration de ses voyages dans les États de Kubilaï intitulée Le Devisement du monde. Paru en 1298, le livre qui a rendu Marco Polo mondialement célèbre est l’un des premiers ouvrages importants en prose européenne moderne, et le tout premier encore connu du grand public. Le Livre de Marco Polo décrit, non l’histoire de Marco, mais l’empire de son patron, le plus puissant empereur de l’Histoire du monde. Quand le livre évoque la Russie, l’Asie centrale, l’Iran, l’Afghanistan, c’est que Kubilaï était le suzerain de ces terres. Quand il parle du Japon (qu’il dénomme Cypango), du Vietnam, de la Birmanie, c’est que Kubilaï Khan y envoyait des armées. Quand il raconte le Sri Lanka, l’Inde du sud et jusqu’à Madagascar, c’est que Kubilaï Khan y dépêchait des émissaires pour obtenir leur soumission... Kubilaï Khan est le sujet, le centre et l’unité du livre. Tout ce que Marco Polo relate n’a de sens que par lui. Mais le livre se présente comme un recueil de belles histoires et de « merveilles » (au sens ancien : étonnant, surprenant, voire effrayant). Sa trame est une base continue d’informations précises, beaucoup plus nombreuses, exactes et savantes que la légèreté des récits et sa langue simple ne le laissent supposer.