thématiques - Stimultania

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LE NU : UN GENRE ARTISTIQUE
Depuis les origines de l’art, la représentation de corps nus est un
thème majeur de la pratique artistique. Il apparaît d’abord en peinture
et en sculpture puis en photographie et sous la forme de performance
vivante. Genre artistique à part entière, le nu tente de recréer une
image du corps humain en respectant les exigences morales et les
canons esthétiques des périodes qu’il traverse.
Ainsi, durant l’Antiquité, le nu, essentiellement masculin, incarne
la perfection divine et la beauté virile. Interdit au Moyen-âge, il ne
se manifeste plus que dans quelques rares scènes bibliques, avant
de connaître un succès croissant à la Renaissance où il s’impose
véritablement. Nu féminin et masculin se dévoilent avec pudeur dans
des œuvres qui se réfèrent systématiquement à un sujet précis :
l’histoire, la mythologie et la religion. Au fil des siècles, le modèle
féminin s’affirme et, tout en incarnant un idéal de beauté, tend à
traduire une forme d’érotisme dans des scènes désormais privées.
Mais il faut attendre le XIXe siècle avec la scandaleuse « Olympia »
de Manet, les nus très réalistes de Courbet et l’invention de la
photographie pour commencer à voir des reproductions fidèles du
corps humain. Naturel, exposé et provocant, il dérange et soulève de
nombreuses polémiques.
Si les représentations de nus sont aujourd’hui entrées dans les
standards de l’imagerie collective, les artistes et photographes, tels
Arno Minkkinen, Edward Weston, Jeff Koons, Jan Saudek ou encore
Spencer Tunick n’ont de cesse d’explorer de nouvelles voies pour
l’évoquer, le figurer, le fragmenter, le transcander ou le mettre à mal.
Tantôt mystifié, tantôt condamné, le nu fascine ou dérange, on le
cache ou on l’exhibe, symbolisant la perfection ou servant le scandale.
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la PHOTOGRAPHIE ET l’ALBUM DE FAMILLE
Nous avons tous un album de famille qui retrace la mémoire, nous
renvoie à nos propres souvenirs et nous présente les différentes
générations.
Dès son avènement au cours de la seconde moitié du XIXe siècle,
la photographie de famille privilégie la pose, la ressemblance des
individus et la représentation des scènes de vies ordinaires, du
quotidien, au détriment des qualités formelles de l’image. Elle
coïncide avec le désir d’enregistrer des moments forts et marquants
de la vie pour en conserver une trace et se veut vecteur d’émotions.
Autobiographique, mais en même temps évocatrice pour chacun
d’entre nous, elle porte une dimension universelle. Avec l’évolution
technique de la photographie et l’apparition des petits appareils
photos, la photo de famille devient une véritable pratique de loisir où
les poses se font peu à peu plus naturelles et spontanées.
Depuis les années 60, nombreux sont les artistes et collectionneurs
qui explorent, redécouvrent et dévoilent dans leurs œuvres les
images familiales et populaires. Qu’ils utilisent des photographies
trouvées, collectionnées, anonymes ou appartenant à leur propre
album, ils détournent les codes de la photographie amateur. Ce
faisant, des artistes comme Céline Duval, Christian Boltanski, Diane
Arbus, Larry Clark, Martin Parr, Nan Goldin ou encore Alessandra
Sanguinetti portent un regard neuf, poétique et décalé sur la « photo
de famille » traditionnelle. Multipliant les clichés pour dérouler une
narration souvent intime et autobiographique, ils posent la question
du spectateur qui doit se prêter au rôle de voyeur : comment aborder
une telle œuvre pour sa valeur formelle et esthétique si elle est
indissociable de la vie de l’artiste ?
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L’INSTANT DÉCISIF
La photographie est le seul moyen d’expression qui fixe et fige un
instant précis et éphémère. Concept inventé par Henri-Cartier
Bresson, « l’instant décisif » est un concept qui définit le moment
exact où le photographe presse le déclencheur pour capturer une
image. Au-delà de cette intention, c’est, plus précisément le moment
exact où une image unique - qui ne se reproduira plus de la même
manière - est capturée par le photographe. Généralement, on associe
à cette notion la photographie humaniste de Brassaï, Henri CartierBresson, Izis et Willy Ronis mais aussi les images de reportage et
de photo journalisme. De fait, ces deux tendances mettent l’accent
sur l’instantanéité de l’image : les photographes sont à l’affût de leur
image, ils traquent leur sujet pour saisir le moment précis, unique.
L’instantanéité implique en outre l’idée de l’immédiateté. Ni pose,
ni mise en scène. Aucune construction de l’image avant la prise de
vue. Les photographies qui en découlent s’inscrivent ainsi dans le
mouvement, le changement et la fugacité de l’instant. Ainsi en est-il
des œuvres de Weegee, Martin Parr, Federico Clavarino, William
Klein, Garry Schneider ou encore de Michael Ackerman. Leurs images
sont parfois mal cadrées, floues, bruyantes, les couleurs saturées
et les contrastes saisissants. Une esthétique involontaire qui joue
avec les accidents photographiques, une prise de vue instantanée
et une technique de tirage qui renvoient souvent volontairement à
l’amateurisme.
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Le CABINET DE CURIOSITÉS
Paru à la Renaissance, le Cabinet de curiosités était un lieu où se
trouvaient entreposés des objets collectionnés, avec un certain goût
pour l’hétéroclisme et l’inédit. À l’origine de celui-ci on peut citer
l’enthousiasme pour les collections, la découverte de l’Amérique en
1492 par Christophe Colomb et aussi l’engouement pour l’exotisme.
Découvrir, connaître et s’émerveiller tels étaient les mots d’ordre.
L’idée était d’embrasser d’un seul regard tout ce que la nature
produit de plus extraordinaire, de plus aberrant et de plus beau. On
y rassemble des produits de la nature végétale, animale et minérale,
des oeuvres d’art et des objets techniques qui n’ont de points
communs que celle de la rareté et à qui on confère des pouvoirs
magiques et autres vertus extraordinaires.
Cette curiosité participe pleinement à l’émergence d’un nouveau
savoir et à l’avènement des Cabinets d’histoire naturelle, ancêtres des
musées. Au XVIIIe siècle l’attrait pour le merveilleux régresse au profit
d’une approche plus savante et scientifique. Rigueur des classements,
étude des spécimens mais aussi progrès en matière de conservation.
On assiste, dès lors, à la spécialisation d’une nouvelle science, la
zoologie.
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le BESTIAIRE
Type de poème édifiant dans lequel sont mises en lumière
les caractéristiques « morales » des animaux les plus variés
au Moyen-âge, le bestiaire est plus généralement un livre qui
rassemble de brèves descriptions sur la « nature » des animaux
réels et fantastiques, mais aussi des pierres et des plantes, qui
sont accompagnées d’une fiche signalétique dont l’explication
correspond au nom scientifique et vulgarisé, au descriptif physique, à
l’environnement dans lequel vit l’animal, aux habitudes alimentaires,
aux comportements avec ses petits, aux traits de caractère, à la
manière de s’exprimer ou de se faire comprendre et à la leçon que
l’homme peut retenir du comportement de cet animal.
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DE L’ÉTRANGE AU FABULEUX
Les animaux ont une histoire. On les retrouve dans la foi et le savoir,
dans la société et la vie quotidienne. Parfois réalistes, souvent
exotiques et mirifiques, les animaux subissent des transformations.
Ils s’apparentent alors davantage à des hybrides, des chimères
ou encore à des monstres. De la mythologie mésopotamienne aux
traditions orientales, des vases grecs aux gargouilles des Cathédrales
ou des enluminures, des peintures de Bosch, Goya ou encore de
Picasso aux bandes dessinées actuelles, ces monstres se découvrent
surtout dans les sources littéraires et iconiques.
Mais savez-vous pourquoi l’homme s’est entouré de toutes ces
étranges créatures et de ces monstres ?
C’est parce qu’ils permettent de donner sens à des faits inexpliqués
et inexplicables, de répondre à des questions métaphysiques et dans
la pensée chrétienne médiévale d’opposer le Mal (le monstrueux) au
Bien (le Beau).
Le monstre est un être rattaché à une espèce donnée, mais qui
présente une anomalie par rapport à l’apparence « normale ». En ce
sens, il se rapproche d’une forme de l’extraordinaire qui peut se faire
« distrayant » ou « amusant » ou « inquiétant » voire franchement
« effrayant ».
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LE BESTIAIRE DANS LA LITTÉRATURE,
LE RAPPORT HOMME - ANIMAL
Les animaux se révèlent dans notre langage quotidien sous la forme
d’expressions et de proverbes. Ne dit-on pas, « être chargé comme un
âne » et « dormir comme un loir » ? Ou encore « il ne faut pas vendre
la peau de l’ours avant de l’avoir tué  » ?
La littérature fournit un fond de ressources passionnant qui permet
d’éclairer un des aspects de la question des rapports ambigus entre
l’homme et l’animal. Contes, fables, légendes, mythologies et écrits
religieux, tant de textes qui racontent des histoires où les animaux
sont investis d’une mission symbolique et morale. Qui n’a jamais lu
les contes de Perrault comme le « Chat botté » ou le « Petit Chaperon
rouge » ou celui de Grimm, « Le Loup et les sept Chevreaux », qui
présentent des animaux anthropomorphisés en lieu et place de
héros ? Qui n’a jamais entendu parler de La Cigale et la Fourmi
de La Fontaine et ne connaît pas ses Fables moralisatrices, lieu
d’enseignement moral ?
Comme Donald et Mickey, ces animaux sont humanisés : ils peuvent
parler, ils vivent comme les humains, se déplacent comme eux et
sont vêtus de la même manière. Qu’ils soient gentils ou méchants,
ils revisitent la nature humaine pour mieux rire de ses défauts et / ou
au contraire mettre en avant ses qualités. Modèles de vertu ou
dénonciation de vices, la Fable, l’Histoire ou le Conte cachent toujours
un homme dans la bête mais nous rappellent aussi que l’animal est en
chacun de nous.
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L’ART DE L’AUTOPORTRAIT
Sous-genre et à l’image du portrait, l’autoportrait, quel qu’en soit le
degré de réalisme, rend compte de l’apparence d’une personne et
en révèle le caractère et les pensées intérieures. Contrairement au
portrait, l’autoportrait est un portrait réalisé par soi-même.
D’abord considéré comme un exercice technique et pratique dans la
mesure où le modèle est toujours disponible, l’autoportrait ne prend
véritablement son essor qu’avec la montée de l’individualisme et
l’intérêt grandissant pour soi à partir de la Renaissance.
Qui ne connaît pas le fameux récit de Narcisse, l’histoire du jeune
homme qui s’éprend de son propre reflet et qui désespère de ne
jamais pouvoir rattraper son image ? Narcisse est bien évidemment la
figure emblématique qui s’impose quand on évoque la contemplation
de soi. Et l’image de Narcisse se contemplant dans un miroir nous
renvoie directement à l’origine et à l’art de l’autoportrait.
Qui suis-je et que suis-je ? Un autoportrait peut correspondre à : une
signature visuelle d’un tableau pratiquée par les artistes du début de
la Renaissance, un modèle à portée de main pour Le Caravage, une
introspection chez les Flamands, un journal intime à la manière de
Rembrandt, une œuvre « auto picturale » comme chez Van Gogh, une
exploration psychologique de soi à l’image d’Egon Schiele, ou encore
un élément de mise en scène comme chez Cindy Sherman.
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L’autoportrait en photographie
Très vite après son invention, la photographie se consacre au portrait
et en explore toutes les pratiques : portrait officiel, portrait social,
documentaire et familial, portrait de groupe, portrait fictif et même
autoportrait. En s’appropriant ce genre traditionnel, daté du Ve
siècle av. J.-C., la photographie inaugure une nouvelle ère dans la
représentation du réel. En peinture, l’artiste représente le réel comme
il le voit et comme il le peut, le photographe lui, du fait du support
utilisé, donne une image « objective » du réel au plus près de l’exacte
ressemblance.
La photographie permettant à l’artiste de saisir une image qui s’offre
à son regard soulève dans le cas de l’autoportrait un paradoxe
intéressant. L’appareil ne photographie-t-il pas quelque chose que le
photographe ne voit pas ? Si le peintre qui s’autoportraiture reste le
sujet et le producteur de signes, le photographe, lui, cède sa place à
l’objectif et finit par devenir l’objet de sa photographie, de sorte qu’il y
a déplacement voire absence du sujet.
Quel photographe n’a jamais réalisé de double de lui-même, intime ou
public, symbolique ou suggéré, déformé ou fragmenté, anecdotique,
autobiographique, ou encore mis en scène ? Depuis l’ « Autoportrait en
noyé » d’Hyppolite Bayard, considéré comme le premier autoportrait
de l’histoire de la photographie, la pratique de l’autoportrait n’a de
cesse d’évoluer et de jouer d’innovations formelles. Nadar, Doisneau,
Bernard Plossu, Helmut Newton, Nan Goldin, Arno Rafaël Minkkinen,
Olivier Blanckart ou encore Kimiko Yoshida, tant d’artistes qui
démontrent que l’autoportrait photographique est un souvenir et un
reflet de soi qui s’inscrit dans un processus créatif.
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L’ART ET la CÉCITÉ
Fascinants, parfois étranges et émouvants, les aveugles hantent
les sentiers de l’imaginaire artistique et littéraire qui en fait des
figures emblématiques et symboliques. Sous les traits d’œdipe,
d’Homère, de Tirésias et même du légendaire Samson, on reconnaît
les plus mythiques. On se souvient aussi des visages marquants des
peintures de Bruegel L’Ancien, de Rembrandt et de Jacques Louis
David ou encore des poèmes virulents de Victor Hugo et de Charles
Baudelaire. Ces personnages se révèlent sous de multiples facettes
qui oscillent entre tragédie et comédie. Image forte, les aveugles
s’apparentent à une métaphore très ambivalente : tantôt métaphore
de l’ignorance et de l’obscurantisme tantôt celle de la clairvoyance et
de la connaissance.
Les aveugles vivent-ils toujours dans le noir ? Ont-ils une autre façon
de voir et de percevoir le monde ? Sujet et objet de questionnements
à la fois mystérieux et angoissants, la cécité ouvre sur de nouvelles
réflexions. Concept du regard absent, d’un monde intérieur invisible
et d’un jeu de regard impossible mais aussi opposition entre visible
et visuel et relation entre vision, cécité et invisibilité. Autant de
préoccupations que des artistes tels Eugen Bavcar, Yoshiko Murakami,
Rémy Zaugg ou encore Joan Fontcuberta expriment dans leurs
œuvres.
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Les cinq SENS ET LEUR REPRÉSENTATION DANS L’ART
La perception du monde se construit à partir du traitement et de
l’intégration de différentes données perçues par nos cinq sens :
– la vue : les yeux, perception visuelle ;
– l’odorat : le nez, perception olfactive ;
– le goût : la langue, perception gustative ;
– l’ouïe : les oreilles, perception auditive ;
– le toucher : la peau, en particulier les mains et les pieds, perception
tactile.
Comme des fenêtres ouvertes sur le monde extérieur, ces organes
sensoriels nous facilitent l’approche et la compréhension des choses
qui nous entourent.
Sujet traditionnel dans l’histoire de l’art depuis le Moyen-âge, le
thème des cinq sens est illustré de façon symbolique et allégorique.
Sculptures ou jeux de société, le toucher devient l’image d’objets du
quotidien. On devine l’ouïe dans des partitions ou des instruments
de musique, et la vue dans l’illustration d’un miroir ou d’un tableau.
Roses, œillets et autres fleurs symbolisent l’odorat tandis que la
nourriture, le pain, le vin et les fruits représentent le goût. Ce thème
pictural est largement représenté dans les natures mortes, les scènes
de genre et parfois subtilement suggéré dans les célèbres Vanités du
XVIIe siècle.
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Le fantastique : un genre artistique
Genre littéraire et cinématographique qui apparaît au XIXe siècle,
le fantastique est un thème à la croisée d’autres courants que
l’on retrouve largement illustré dans le domaine de l’art figuratif.
Des chapiteaux romans et gothiques aux œuvres de Jérôme
Bosch, Gustave Moreau, Gustave Doré, Marc Chagall ou encore de
certains surréalistes comme Salvador Dali jusqu’à la photographie
contemporaine, on retrouve des thèmes et des iconographies
fantastiques. Par certaines pratiques, la photographie est vecteur
de fantastique et d’illusion. Sa forme objective devient alors un
moyen pour les artistes de questionner le réel avec des images qui
conjuguent quotidien et étrangeté.
Dès lors que l’extraordinaire ou le surnaturel apparaît dans un
contexte réaliste et familier, le fantastique s’illustre. De l’ordre de
l’imaginaire et de l’irréalisme, il se distingue du merveilleux par le
cadre rationnel et ordinaire dans lequel il évolue. Le fantastique n’est
pas toujours soudain et immédiat. Au contraire, son apparition est
lente et insidieuse. Il opère un glissement inaperçu de deux plans de
réalité qui finissent par ne plus coïncider et laissent le spectateur seul
et face à l’irrationnel.
Les artistes jouent avec le fantastique pour créer des ambiances
et des tonalités particulières : une atmosphère inquiétante, un
environnement parfois sombre et lugubre. Ainsi, le doute s’impose
et un sentiment de malaise ou de peur envahit le spectateur. Le
fantastique délivre un message angoissant, tourmenté ou triste.
En passant par des représentations de monstres, d’hybrides et de
métamorphoses, par la création d’illusions et d’apparitions et en
puisant ses thèmes tantôt dans la mythologie gréco-romaine et dans
la religion, tantôt dans les contes et les légendes populaires, il raconte
le mystérieux et l’inadmissible.
Le genre du fantastique est celui de l’incertitude, de l’ambiguïté, de
l’hésitation et de l’entre-deux.
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L’art vidéo
L’histoire de l’art vidéo comme expression artistique remonte aux
années 1960, période où l’on s’interrogeait sur les perspectives
d’utilisation et d’évolution du médium vidéo lui-même. Approchant
un aimant du tube cathodique d’un poste de télévision qui en altérait
ainsi les composantes électroniques, Nam June Paik crée la première
œuvre d’art vidéo et la présente comme une écriture plastique à part
entière. Aujourd’hui, la vidéo est reconnu comme médium protéiforme
qui permet la fusion des disciplines artistiques entre elles, participe à
l’élan d’un art tourné vers l’avenir ainsi qu’à la diffusion de l’art dans
la vie.
En art vidéo, on distingue généralement deux formes principales de
création :
– la bande, support vidéo sur lequel les artistes enregistrent leurs
œuvres ;
– l’installation qui intègre des éléments vidéo dans une mise en scène.
Que la bande soit un enregistrement, qu’elle soit conceptuelle ou
expérimentale, que l’œuvre corresponde à une installation, à un
environnement ou encore à une sculpture vidéo, bien des artistes tels
Bioll Viola, Bruce Nauman, Wolf Vostell, Pipilotti Rist, Gary Hill, Mona
Hatoum, Matthew Barney, Pierre Huyghe ou encore Fabrice Hybert et
Pierrick Sorin se réunissent autour de l’art vidéo.
Comme la photographie avant elle, la vidéo a souvent été réduite
aux particularités de son support. Comment interroger le médium
en fonction de ses spécificités phénoménologiques ? Comment
l’intégrer dans un espace ? Comment rompre l’effet de mimésis pour
révéler la facture de l’image et par là sa véritable nature (mise en
valeur du grain, des rayures, des effets de saturations...) ou encore,
comment détourner des images préexistantes pour produire une
image symbolisant la critique de la société (découpage de l’image et
recollage dans le montage) ?
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Les contes, des univers de référence
Une atmosphère, des références, des symboles, de la magie et des
héros. Les contes, mélanges d’événements ordinaires et de faits
merveilleux, sont une source de références inépuisable pour les
artistes et un langage universel qui s’adresse à tous les âges. S’il
arrive que ces derniers s’intéressent à la dimension figurative des
contes, c’est d’abord l’aspect symbolique des personnages, le sens et
la morale des histoires qui attirent leur attention.
Les contes sont ambivalents. Derrière leurs apparences heureuses,
ils présentent les tumultes de notre inconscient, évoquent les grands
thèmes de l’existence, comme la mort, le sexe, le pouvoir, l’obéissance
et la peur et reflètent la complexité de nos rapports au monde.
L’ensemble des contes illustrent et opposent le Bien et le Mal tout en
stimulant notre imagination.
Ainsi, on comprend que l’art contemporain, au travers des œuvres de
Jim Dine, Kiki Smith, Matthew Barney, Karen Knorr, Katia Bourdarel
et encore Catherine Bäy, s’empare de la force poétique et subversive
des contes, de leur ambiance mystérieuse pour suggérer nos désirs,
exprimer nos craintes et trahir nos envies.
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La photographie mise en scène
Considérée comme un genre photographique à part entière, la mise
en scène rend compte d’une image organisée qui induit une forme de
fiction. Rigoureusement et consciemment construite, elle convoque
des décors construits, des personnages qui posent ou encore des
accessoires divers dans le cadre de la prise de vue. Tout est pensé par
l’artiste lui-même qui porte une attention particulière à chaque détail.
C’est en 1840 qu’Hippolyte Bayard nous livre la première mise
en scène de l’histoire de la photographie avec son « Autoportrait
en noyé ». Ce faisant, il détourne la technique et le médium
photographique. La notion de la mise en scène pose la question de
l’instant décisif et prend sens dans la pratique de la photographie
plasticienne. Cette dernière désigne une pratique aux antipodes de
celle qui gouverne le reportage et le photo journalisme, où domine
une conception de l’acte photographique fondé sur le mythe de
l’instant décisif. Au contraire, l’instant décisif n’a pas de pertinence
pour le photographe plasticien : le modèle est fixe, il tient une pose et
s’inscrit dans une mise en scène ou un décor. Il n’y a ni instant décisif,
ni mouvement ou fugacité de l’instant.
Pratiquée par de nombreux photographes tels James Casebere, Ralph
Eugene Meatyard, Gregory Crewdson, Mariko Mori ou encore David
LaChapelle, la mise en scène leur permet de construire des images
fictives, oniriques et théâtralisées qui s’ancrent dans un nouvel
univers.
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LE PAYSAGE COMME MODÈLE, LE PAYSAGE COMME SUPPORT
Le paysage est apparu dans l’art occidental au XVIe siècle. C’est un
genre à part entière qui marque le début de l’observation de la nature,
la reconnaissance de l’aspect scientifique des choses et le début de
la Renaissance. Dès lors, les artistes représentent le paysage de
manière imaginaire ou reproduisent des lieux existants. La nature
devient un modèle changeant au gré des lumières. Avec sa Pêche
miraculeuse, Konrad Witz nous lègue la première représentation
identifiable d’un lieu existant : un rivage du lac Léman.
Aujourd’hui, le paysage est à la fois modèle et support artistique.
Si les représentations de paysages perdurent, une nouvelle forme
d’art est née dans les années 60 aux États-Unis. Il s’agit du Land art.
Cette pratique artistique propose de ne plus considérer le paysage
comme un modèle, mais comme un outil de création. C’est au cœur
de la nature que les créateurs travaillent. La nature devient un atelier
géant, une galerie où les œuvres sont éphémères. La nature offre
à l’artiste les matières premières dont il a besoin : bois, feuilles,
terre, pierre, eau, etc., sont autant d’éléments qui rentrent dans la
composition des œuvres. Mais la nature se fait aussi galerie. Les
œuvres sont laissées à la vue de tout un chacun, livrées aux éléments
qui les façonnent et les redessinent à leur manière. Les artistes de
ce courant cherchent à sortir des circuits artistiques classiques et à
rendre l’art accessible à tous en sortant des musées. Parmi les grands
noms du Land art, on peut citer notamment : Christo, qui « emballe
la géographie et l’Histoire » en empaquetant de célèbres monuments,
Dennis Oppenheim, Walter de Maria, Richard Long, Nils Udo ou encore
Robert Smithson et sa célèbre Spiral Jetty.
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la FIGURATION ET l’ABSTRACTION
L’art figuratif est un style artistique qui utilise comme modèle les
objets du réel et représente par là-même une scène immédiatement
identifiable : des portraits, des paysages, des natures mortes
ou encore des scènes de genre. La figuration peut être réaliste,
stylisée ou encore imaginée, mais, depuis la Renaissance, reste
reconnaissable et fidèle à l’image et à la représentation du réel.
Au contraire, l’art abstrait ne se préoccupe pas de représenter
le monde sensible ni même de donner une illusion du monde.
S’affranchissant de tout modèle et d’une quelconque réalité visuelle,
l’abstraction est un langage plastique qui n’apparaît qu’en 1910 avec
l’œuvre de Vassily Kandinsky. Il se compose de formes et de couleurs
libérées qui se suffisent à elles-mêmes.
Par définition, la photographie est un art qui puise toujours sa source
dans le monde qui nous entoure. Mais, par un jeu de fragmentation,
de cadrage surprenant ou encore d’un rapport d’échelle innovant,
les photographes donnent lieu à des compositions abstraites. Ils
suppriment à l’image sa signification réelle pour lui conférer une
dimension poétique. Nombreux sont les artistes qui détournent le
médium photographique pour créer une image allusive qui s’adresse
à l’imaginaire du spectateur. Ainsi en est-il de Peter Knapp, de Ray
Metzker, de Fay Godwin qui allient abstraction et figuration pour créer
des images étonnantes et rythmées et même de Man Ray, de MoholyNagy, d’Aaron Siskind et de Minor White qui innovent dans le domaine
de la photographie abstraite.
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la PHOTOGRAPHIE ET LE DESSIN
Les liens entre photographie, dessin et peinture sont étroits. Des
premières techniques nécessitant de dessiner, à la photogravure en
passant par le « dessin photogénique » de William Henry Fox Talbot,
la photographie se présente comme un dessin ou un tracé réalisé
par la lumière. Dès son avènement, la photographie rivalise avec la
peinture et, cherchant quelques affiliations esthétiques, se revendique
rapidement comme un art.
En 1885, apparaît une nouvelle tendance photographique : le
pictorialisme. Cette création veut faire reconnaître la prééminence
de l’image sur le réel photographié et faire de la photographie une
expression artistique personnelle. Tel en est-il des photographies
de Robert Demachy, Constant Puyo ou encore d’Alfred Stieglitz qui
manipulent leurs images jusqu’à imiter l’eau-forte ou la peinture
impressionniste et symboliste.
Aujourd’hui encore, des photographes comme Gerhard Richter,
Joël-Peter Witkin, Miroslav Tichý ou bien Telin Hocks privilégient
l’intervention humaine et manuelle dans la création photographique :
manipulations spécifiques en chambre noire, grattage et brossage
sur la surface du tirage, expérimentation de nouvelles techniques
pigmentaires, rehauts de peinture et dessin sur la photographie.
Autant de jeux plastiques qui augmentent la force visuelle des
images retouchées et renforcent l’aspect pictural et original des
photographies.
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la peinture D’ACTION, la PEINTURE GESTUELLE
On appelle peinture d’action, une peinture où le geste se veut
l’expression originelle et authentique de la création artistique. Ce
geste s’impose comme un tracé dynamique et énergique.
Si l’art surréaliste et l’expressionnisme de Kandinsky sont les sources
initiales de cet art abstrait, c’est Jackson Pollock qui en est le
véritable fondateur dans les années 1950.
Un des points essentiels de cette peinture d’action n’est autre que
l’évolution de la relation du peintre à son support. À la verticale, au
sol, son format de plus en plus important invite l’artiste à l’investir
physiquement, à tourner autour de lui, à pénétrer dans l’image
et à libérer le geste. Ainsi, la peinture d’action tend à favoriser
l’émergence de l’intuition et de la créativité artistique. L’oeuvre se fait
donc témoin d’un corps vivant, d’un corps en action et en mouvement.
Les peintres les plus marquants de ce mouvement furent Jackson
Pollock, Willem de Kooning, Franz Kline et Sam Francis. Mais
de nombreux artistes comme Georges Mathieu, Hans Hartung,
Wols, Shiraga Kazuo ou encore Shozo Shimamoto s’adonnèrent à
cette pratique. En résultent des œuvres spontanées, intuitives et
dynamiques. Des œuvres abstraites.
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LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE SOCIALE
On distingue plusieurs genres photographiques dont la photographie
sociale et la photographie documentaire. Si le photographe social
se donne pour mission de dénoncer les difficultés rencontrées par
les hommes de son temps, le photographe documentaire, propose
un point de vue plus objectif sur l’actualité en s’effaçant de son
image. Mais, l’artiste a forcément un point de vue qui tend à orienter
son travail et les choix esthétiques peuvent être si différents qu’il
existe, en somme, une réelle difficulté à distinguer la photographie
documentaire de la photographie sociale. Dans les deux cas, le public
est appelé à s’interroger sur le monde dans lequel il vit ainsi que sur
les problèmes d’actualité. Cette photographie se veut militante.
On peut caractériser la photographie sociale ou documentaire de la
manière suivante : le sujet est anonyme, la composition est simple
et le cadrage est centré sur le sujet. Grâce à ces choix esthétiques,
la personne photographiée arbore un statut de symbole et devient
par là même un type social. On considère August Sander comme le
pionnier de ce genre. Jacob A. Riis, rendant compte de la pauvreté
des immigrés européens du quartier de Lower East Side, Lewis
Hine se focalisant sur le travail infantile, sont deux figures clés de la
photographie sociale. D’autres artistes comme Martin Parr ou encore
Diane Arbus ont su renouveler le genre, en regardant le monde avec
un œil nouveau et empreint d’étrangeté.
La photographie documentaire est omniprésente et les opprimés en
sont le sujet principal. Face à ces images souvent crues, cadrant le
modèle en souffrance, plusieurs photographes s’indignent et sont
à l’origine d’un renouveau documentaire, retenu et distancié. Ainsi,
des photographes comme Jacqueline Salmon, Sophie Ristelhueber,
Raymond Depardon et Willie Doherty décident de photographier les
lieux, témoins du passage de l’homme et de ses déchirures. Ces
artistes ne cherchent plus à choquer le public par le biais d’images
violentes ou pathétiques mais tentent avec plus de subtilité de le faire
réfléchir.
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Les expéditions SCIENTIFIQUES ET les VOYAGES
ETHNOLOGIQUES
Si l’Orient est au XVIIe et XVIIIe siècles l’objet de curiosités et de
fantasmes exotiques, il devient une préoccupation générale dès
le XIXe siècle. Les puissances européennes rivalisent d’ambitions
colonialistes tandis que l’Empire Ottoman décline lentement. Par ses
campagnes d’Égypte, la guerre de libération de la Grèce mais aussi
la conquête d’Algérie, la France s’impose et l’Orient s’ouvre : les
échanges, les voyages et les missions exploratrices se multiplient.
Dès lors, voyageurs solitaires, expéditions scientifiques, missions
religieuses, civiles ou militaires, rapportent les premières images de
régions et de peuples jusque-là ignorés des Occidentaux.
Le désir de découvrir la vie orientale et la curiosité pour
l’ethnographie conduisent les artistes et les photographes à
s’intéresser à la réalité de ces pays et de leurs populations puis
de fixer la mémoire de cet Orient. Eugène Fromentin se passionne
pour l’anthropologie et l’archéologie, Gustave Guillaumet teinte sa
peinture d’un parfum social et étienne Dinet a une peinture humaniste
qui fait connaître la vie du désert, l’âme des Algériens et leur
condition sociale. Ils s’imposent comme de véritables témoignages
sociologiques.
L’essor de la photographie, contemporaine du grand mouvement
d’exploration de la seconde moitié du XIXe siècle, va jouer un rôle
fondamental dans l’accès visuel à ces mondes. Si les technologies
expérimentales photographiques ne sont à leur début guère adaptées
aux conditions de voyage, elles n’en restent pas moins le moyen le
plus sûr pour retranscrire la plus stricte vérité. Maxime Du Camp fut
l’un des premiers à délaisser le dessin au profit de la photographie
pour documenter ses notes de voyage. Ainsi, la photographie devient
un outil de travail et de documentation utilisée par de nombreux
photographes comme Auguste Salzmann, Louis de Clercq, Victor
Segalen et Arthur Rimbaud, participent largement à l’essor du
reportage photographique.
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LA PHOTOGRAPHIE HUMANISTE
Durant les années 1930, Paris voit l’avènement de la photographie
humaniste lorsque des artistes français entendent mettre à l’honneur
« la personne humaine, sa dignité, sa relation avec son milieu ». Cet
élan connaît son apogée après la Seconde Guerre Mondiale et se
prolonge jusqu’à la fin des années 1960. Marquée par le souvenir des
guerres, des crises financières et le désir de lendemains meilleurs,
cette période pousse les artistes à porter un regard bienveillant
sur l’être humain. Munis de nouveaux appareils transportables,
les photographes investissent les fêtes foraines, les bistrots, les
bals musette et la rue. Ces clichés relayés par la presse mondiale
contribuent à l’élaboration d’une iconographie nationale qui entraîne
les photographes humanistes tels qu’Izis, Edouard Boubat, Henri
Cartier-Bresson et Werner Bischof à parcourir le monde pour mettre
l’accent sur l’universalité des valeurs humaines.
L’image est en noir et blanc, très contrastée, et le gros plan est exclu
afin que les personnages soient présentés dans leur cadre de vie. Le
contexte est essentiel pour ces photographes qui mettent l’accent sur
des types sociaux et des corps de métier.
On considère souvent que les photographes humanistes ont une
vision naïve du monde qui les entoure alors qu’ils sont véritablement
engagés. Ils dénoncent, partagent une idéologie et pointent du doigt
les revendications de la classe populaire ou les ravages causés par la
crise du logement. Aujourd’hui, des artistes tels JR, Sebastiao Salgado
ou Zeng Nian mettant l’accent sur l’espoir qu’ils portent en l’homme
s’inscrivent encore dans cette tradition photographique humaniste.
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Un peu d’histoire... La guerre d’Algérie
De 1954 à 1962, la guerre d’Algérie oppose l’État français aux
indépendantistes algériens principalement réunis sous la bannière du
Front de Libération Nationale (FLN). Cette guerre prend place dans
le mouvement de décolonisation qui affecte les empires occidentaux
après la Seconde Guerre mondiale.
En 1954, le FLN fixe les objectifs de la lutte armée pour
l’indépendance nationale par la restauration de l’état algérien
souverain. Une vague d’attentats et des exactions contre les Français
vivant en Algérie marquent le début de la guerre. En 1957, on dénonce
l’utilisation de la torture par l’armée française en Algérie et en
1958 des émeutes de Pieds-Noirs à Alger entraînent la chute de la
IVe République ainsi que l’arrivée du Général De Gaulle au pouvoir.
Conflits, tortures, diasporas, camps de regroupements et mutations
sociales bouleversent l’opinion publique et ébranlent les piliers de
l’ordre traditionnel.
Si, dans un premier temps, l’armée utilise tous les moyens à sa
disposition pour écraser l’insurrection, le Général De Gaulle opte
finalement pour la seule issue possible du conflit : l’indépendance de
l’Algérie. Cette décision entraîne une fraction de l’armée française à
se rebeller et à entrer en opposition avec le pouvoir. C’est après les
Accords d’évian du 18 mars 1962 que le conflit débouche enfin sur
l’Indépendance de l’Algérie.
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LE JAPONISME
Le Japon est longtemps resté un pays méconnu, nourrissant autant
de fantasmes qu’il ne suscite la curiosité lors de son ouverture sur
le monde. Le pouvoir féodal exercé par les shoguns à partir du XVIIe
siècle tient le Japon à l’écart de tout échange avec le monde extérieur.
C’est dans la dernière moitié du XIXe siècle que cette politique
isolationniste prend fin, déclenchant au Japon une véritable révolution
appelée restauration de Meiji : l’empereur recouvre son pouvoir
politique alors que le reste du monde découvre une culture singulière
qui donne jour à une véritable fascination.
Très vite les premiers collectionneurs français s’intéressent aux
estampes japonaises et à l’ukiyo-e. C’est d’ailleurs Philippe Burty,
critique d’art, qui, en 1872, donne à cette tendance le nom de
« Japonisme ». Avec les Expositions Universelles, l’enthousiasme des
collectionneurs français s’étend au public et aux artistes occidentaux.
La tendance devient même une révolution dans tous les domaines de la
culture : mode, peinture, arts appliqués, cinéma ou encore littérature.
On retrouve l’influence du japonisme chez de nombreux artistes,
comme Whistler, Manet, Monet, Renoir, Gauguin et Klimt. Une
influence allant parfois jusqu’à la réappropriation de grandes œuvres
de l’ukiyo-e, comme en témoigne la confrontation de l’estampe de
Hiroshige au tableau de Van Gogh. Des mouvements artistiques
entiers y puisent leur inspiration. Les Impressionnistes y trouvent un
traitement particulier de la lumière et un espace autrement construit
que sur les bases de la perspective. L’art nouveau multiplie les
références japonisantes en peinture comme en arts appliqués, où les
objets d’Emile Gallet figurent parmi les exemples les plus raffinés.
Ainsi, l’art occidental s’est nourri et enrichi des échanges avec le
Japon qui propose de nouveaux territoires de création et permet un
renouvellement des pratiques et des formes artistiques.
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L’AUTOFICTION
Depuis les années 1960, et surtout depuis 1990, l’idée d’investir la
pratique photographique pour fabriquer une autobiographie visuelle
se développe largement. Ainsi, des auteurs tels Larry Clark, Nan
Goldin ou encore Nobuyoshi Araki, envisagent la photographie comme
un journal intime en images, sous une apparente spontanéité et en
réutilisant les codes de la photographie amateur. Néologisme de
Serge Doubrovsky datant de 1977, l’autofiction caractérise un récit
où se mêlent la fiction et l’autobiographie. Brouillant les pistes entre
réalité et invention pure, l’autofiction s’impose comme une oeuvre par
laquelle un artiste s’invente une personnalité ou une existence tout en
conservant son identité réelle, à travers son nom propre.
Couramment utilisée dans l’art contemporain, l’autofiction est un
langage qui, confondant des éléments réellement biographiques
à des vérités subjectives et des clichés réalistes à des fantasmes
romanesques, interroge les notions de vérité, d’authenticité,
d’invraisemblance et d’imagination. Nombreux sont les artistes, tels
Sophie Calle, Cindy Sherman, Eleanor Antin, Yasumasa Morimura ou
encore Matthew Barney qui explorent le concept de l’autoportrait et
étudient la construction de l’identité. Objet et motif de leurs œuvres,
ils développent de multiples façons de représenter le « moi » :
invention de pseudonymes ou de vies imaginaires, construction d’une
nouvelle image d’eux-même, autoportrait factice, autobiographie
et mythologie personnelle, déguisement et maquillage, mise
en scène élaborée ou image manipulée. Autant de moyens pour
« fictionnaliser » une expérience vécue, s’inventer un nouveau visage,
une nouvelle vie et pour fabriquer des images narratives et des récits
factuels.
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LE BESTIAIRE FANTASTIQUE JAPONAIS
Dans le bestiaire fantastique japonais, on distingue deux familles
d’étranges créatures : les yôkai et les kaïju. Qui ne connaît pas
Godzilla, King-Kong ou encore Gamera, la tortue géante ? Ces
énormes monstres sont des kaïju, réveillés par les humains,
qui détruisent tout sur leur passage et engagent de terrifiants
combats. Considérés comme une force mystique de la nature devant
laquelle l’homme reste impuissant, ils s’imposent dans l’univers
cinématographique japonais.
Les yôkai, au contraire, sont réputés pour leur méchanceté.
Surnaturels et effrayants, ces êtres aux divers pouvoirs sont hostiles
aux humains et revêtent une multitude de formes. Parmi les plus
représentatifs de ce bestiaire, on peut citer le kappa, monstre des
rivières, le tanuki, petit chien viverrin aux testicules démesurées, le
kitsune, renard polymorphe ou encore le moine voyeur, personnage au
cou extensible. D’origine incertaine, ces hybrides s’insèrent dès la fin
du XIe siècle dans de courts récits compilés. Leur pouvoir d’attraction
dans l’imaginaire japonais inspire les artistes qui en réalisent les
premières images à partir du XIVe siècle. Toriyama Sekien, pour son
travail de recensement des yôkai, Kawanabe Kyosai ou Hokusai pour
leur imaginaire peuplé d’êtres cruels et grotesques, contribuèrent à
figer l’apparence de nombreux yôkai.
Avec la modernisation du Japon au XIXe siècle, la croyance des yôkaï
disparaît peu à peu, jusqu’en 1960 où, Shigeru Mizuki, le père du
manga de yôkai, relance l’intérêt du grand public pour ces créatures.
Dès lors, le bestiaire fantastique connaît une véritable renaissance
avec Kazuichi Hanawa, Hayao Miyazaki, Ima Ichiko, Imiri Sakabashira
ou encore Daisuke qui incarnent les nouvelles tendances du manga
yôkaï, entré dans une ère de postmodernité.
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Une HISTOIRE DE GENRES, ENTRE CODES ET HIÉRARCHIE
En art, on distingue de nombreux thèmes qui tentent de catégoriser
et de décrire les sujets les plus récurrents en peinture, en sculpture
mais aussi en photographie. Parmi tous ces genres on connaît : le
portrait, le paysage, le nu, la nature morte, la marine, la peinture
religieuse ou encore la peinture d’histoire.
Chaque époque instaure une hiérarchie des genres. Si certains
sont estimés nobles et supérieurs, d’autres au contraire sont
jugés inférieurs. C’est ainsi que la peinture qui demande le plus de
compétences est considérée comme la plus difficile, la plus noble
et dans un même temps la plus belle. Ce classement hérité de
l’Antiquité et codifié au XVIIe siècle, s’appuie bien évidemment sur
des règles strictes et des critères variés permettant de distinguer
une bonne oeuvre d’une autre. En voici quelques exemples : degré
de spiritualité de l’œuvre, ampleur des connaissances nécessaires,
quantité d’inventivité, techniques utilisées... Autre règle à respecter,
le format des œuvres : à chaque genre son format. Plus la peinture
correspond à un genre élevé, plus le format est grand. Ainsi, le grand
format est destiné à la peinture d’histoire, tandis que le petit est dédié
aux natures mortes et aux scènes de genres. Ce n’est qu’à partir du
XIXe siècle, que les peintres comme Courbet se libèrent peu à peu de
ces principes de hiérarchie.
Hiérarchie des genres, du plus noble au moins noble :
– la Peinture d’histoire, dit « le grand genre » (sujets religieux,
mythologiques ou historiques) ;
– le Portrait (représentation de personnages) ;
– les Scènes de genre (scène de la vie quotidienne) ;
– le Paysage / Nocturne ;
– la Nature morte.
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La NATURE MORTE ET la SYMBOLIQUE
Déjà présente dans l’art grec et les mosaïques romaines, la nature
morte devient réellement un genre à part entière à partir du XVIIe
siècle sous les pinceaux d’artistes flamands tels Jan Bruegel, Pieter
Claesz et Jan de Heem ou encore du célèbre français, Jean Siméon
Chardin. Chargée de symboles et témoignant du rapport de l’homme à
la matière, de ses croyances et de sa vie quotidienne, la nature morte
représente généralement de façon très réaliste des objets inanimés
peu sollicités pour leur qualité esthétique : objets usuels, animaux,
fleurs et denrées alimentaires. Longtemps méprisée, ce n’est qu’avec
Cézanne, Picasso, Matisse ou encore Braque qu’elle acquiert ses
lettres de noblesse en devenant un motif de recherches artistiques et
un sujet d’expérimentation autour de la perception de la réalité.
De ces natures mortes se démarque un genre particulier : la Vanité.
Issue de la tradition chrétienne, elle regroupe divers objets pour
évoquer le caractère transitoire de la vie, la mort, illustrer la fragilité
des biens terrestres ainsi que la futilité des plaisirs.
– Symboles de connaissance : livre, instrument de musique, globe... ;
– Symboles de pouvoir : pièces, bourse, joyaux... ;
– Symboles de plaisir : carte à jouer, gobelet... ;
– Symboles de la mort : crâne, bougie, fleurs fanées, sablier, bulle de
savon... ;
– Symboles de Résurrection : lierre, rameau de laurier...
Réduisant ce genre à un crâne solitaire, les artistes comme Andy
Warhol, Damien Hirst, Michel Blazy, Gabriel Orozco, Gerhard Richter
et même Jan Fabre en redécouvrent le thème et résument le propos à
une méditation sur la vie et la mort.
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Il était une fois...
Avec Charles Perrault, les Frères Grimm, Hans Christian Andersen
et Lewis Caroll, les contes de fées quittent l’univers populaire pour
devenir un genre littéraire, une source d’imaginaire inépuisable et
l’objet de diverses réécritures. On connaît les fameuses illustrations
de Gustave Doré et de Kay Nielsen ou encore l’œuvre colorée de Walt
Disney qui donnent une nouvelle dimension à l’imagerie féerique.
Mais, très vite, la trame narrative des contes ne suffit plus. Leur
nature subversive, leur universalité et leur récit se prêtent à de
nombreuses transpositions. « Pinocchio », « Alice au Pays des
Merveilles », « Blanche-Neige », « Le Magicien d’Oz » ou encore «Le
Joueur de Flûte » de Hamelin, autant de contes qui nourrissent l’art
contemporain.
L’ambivalence de ces histoires, leur univers enchanté et le monde
de l’enfance sont une source d’influence pour des artistes tels Alice
Anderson, Jim Dine, Cindy Sherman, Jeff Koons, Paul McCarthy, Peter
Saul et même Christian Gonzenbach.
Les contes de fées se terminent-ils tous bien ? Comme Sigmund
Freud nous l’avait déjà démontré, les contes souvenirs d’enfance
deviennent révélateurs de nos peurs et de nos fantasmes en incarnant
des interrogations sur notre identité sexuelle, sur l’abandon et sur
la mort. Ainsi en est-il des relectures que les œuvres d’artistes
contemporains dévoilent...
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les FLEURS ET LEUR REPRÉSENTATION DANS L’ART
La fleur revêt plusieurs fonctions. Décorative ou symbolique, elle est,
dès l’Antiquité, vecteur de sens multiples, exprimant tantôt une idée,
tantôt une pensée ou un sentiment. Qui n’a jamais entendu parler
du langage des fleurs ? Le trèfle pour la chance, le muguet portebonheur, la rose par amour, le chrysanthème pour la mort.
Quelqu’en soient leurs formes, leurs nombres, le sujet mais aussi
le genre de l’oeuvre, les fleurs sont omniprésentes en peinture et
souvent chargées d’une infinité de significations : elles peuvent être
ornementales, symboliques, allégoriques, métaphoriques ou encore
emblématiques.
À l’origine de cet héritage, on retrouve l’influence de la tradition
chrétienne associée aux sources mythologiques de l’Antiquité que
la science et la botanique viennent largement compléter. Si la fleur
figure une idée en soi, comme la rose symbole d’amour, ce sont leurs
couleurs qui complètent largement leur contenu. Ainsi, une rose rouge
exprime la Passion du Christ ou le désir tandis que la rose blanche
renvoie à la pureté de l’amour. Genre autonome au XVIIe siècle, l’art
floral devient plus formel et expérimental avec l’Impressionnisme et
les peintres comme Van Gogh ou Matisse et s’impose comme motif
incontournable en sculpture, en installation et en photographie dans
les oeuvres de Irving Penn, Jeff Koons, Wolfgang Tillman, David
Hockney, Yoshihiro Suda, Roxy Paine ou encore d’Andy Goldsworthy,
depuis les Flowers d’Andy Warhol.
thématiques
les ACCIDENTS PHOTOGRAPHIQUES,
UNE QUESTION DE HASARD
On appelle accident photographique les détails et les défauts qui
construisent les photographies considérées comme ratées. Avec
les avant-gardes du XXe siècle, l’ensemble des accidents techniques
photographiques connus du XIXe siècle tels la surimpression,
le flou, le décadrage, la déformation ou encore la solarisation
se transforment en proposition artistique. Pour représenter le
mouvement, les futuristes italiens Giacomo Balla, Umerto Boccioni
et Carlo Carrà développent, en peinture, des solutions plastiques
qui ne sont pas sans rappeler les effets accidentellement obtenus
en photographie : flou, décadrage, déformation. Dans leur pratique
artistique, des photogrammes à la solarisation, Man Ray et MoholyNagy revendiquent les accidents.
Dès lors, les photographes jouent avec les différentes possibilités
techniques pour varier les paramètres du dispositif et pour tester
les potentialités du médium. Que ce soit la vitesse d’obturation,
la sensibilité du film, la mise au point, l’ouverture du diaphragme
ou encore le type de focale, tout est soumis au bon vouloir du
photographe : pour une image floue, il modifie le temps d’exposition ;
pour des corps déformés dans une image, il utilise un grand angle.
Tous ces écarts envers les normes traditionnelles établies par les
photographes professionnels au cours du XIXe siècle caractérisent
en partie l’esthétique photographique contemporaine. Ce faisant,
des photographes tels William Klein, Garry Schneider, Nan Goldin et
Annelie Strbà détournent l’objet photographique pour déconstruire
une représentation fidèle de la réalité, devenue désuète, tout en
offrant de nouvelles perspectives visuelles et plastiques. De l’image
ratée aux propositions artistiques, ainsi s’opère un changement de
statut de la photographie.
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la PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE ET PLASTICIENNE
En photographie on distingue différentes orientations telles que le
reportage, le photo journalisme, la photographie documentaire ou la
photographie plasticienne. Chacune d’entre elles marque l’évolution
des pratiques photographiques contemporaines.
Parmi celles-ci, distinguons la photographie documentaire de la
photographie plasticienne. Qui ne connaît pas l’œuvre photographique
sociale de Walker Evans à l’origine du style documentaire qui se
caractérise par :
– une impersonnalisation de la prise de vue et des modèles ;
– une neutralité et une froideur ;
– une absence de tout contenu narratif ;
– un statisme visuel ;
– une uniformisation des poses ;
– un refus des marques traditionnelles de l’art ?
S’inscrivent dans la même lignée les documentaires photographiques
sur la dureté des conditions sociales de Dorothea Lange, les portraits
sociaux rigides et conventionnels d’August Sander ou encore l’image
marginale de Diane Arbus.
Au contraire, la photographie plasticienne est un vaste champs
d’investigations où la prise de vue, la taille de l’image, la mise en
scène, le tirage, le support et les retouches sont des éléments
essentiels à la composition de l’oeuvre photographique. Hasard et
décadrages, flous et grains éclatés mais aussi subjectivité et autofiction deviennent le langage plastique de photographes tels Robert
Franck, William Klein et plus tard Christer Strömholm, Anders
Petersen, Christian Boltanski...
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LA SÉRIE NARRATIVE
L’association d’une narration et d’images photographiques est une
pratique artistique récurrente dans l’histoire des arts, qui dépasse
largement le domaine de la bande dessinée. Le récit photographique
sous forme de séquences légendées raconte des histoires et
s’apparente alors au roman-photo qui apparaît en 1948. Dès sa
création, ce dernier constitue un genre en soi. Histoire intégrale,
découpage en cases, dialogues sur l’image, texte dans des bulles,
telles en sont les caractéristiques.
Popularisée dans l’entre-deux-guerres par la presse illustrée, la
séquence ne sera redécouverte et exploitée pour sa dimension
narrative que dans les années 1960. Composée d’une suite d’images,
selon une organisation rigoureuse, elle permet au spectateur de
combler les vides entre les images et de poursuivre l’histoire. La
séquence apparaît alors comme un cas extrême de la représentation
photographique. De fait, elle contredit l’unicité de l’image et de par son
déroulement chronologique, évoque les images cinématographiques.
Le roman-photo et la série narrative ont inspiré de nombreux
photographes, dont Raymond Depardon, Mac Adams, Duane Michals,
Marie-Françoise Plissart ou encore Bernard Faucon qui développent
une réflexion sur le rapport entre la narration et l’image.
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de l’image FIXE À L’IMAGE ANIMÉE
Dès la fin du XIXe siècle, les savants ont su à partir d’images fixes,
créer l’illusion du mouvement. Du thaumatrope au phénakistoscope,
du folioscope au praxinoscope en passant par la chronophotographie
d’Edward Muybridge, toutes ces expérimentations et ces jouets
optiques ont contribué à l’avènement du cinéma. L’illusion du
mouvement est produite grâce à la succession d’images ou de
photographies représentant un mouvement en un laps de temps très
court.
Ainsi, le cinéma et l’animation sont nés de la rencontre d’innovations
dans le domaine du support photographique et dans celui de la
synthèse du mouvement qui utilise la persistance rétinienne.
Certains photographes, dont Garry Winogrand, Louis Fauré, Saul
Leiter et Sid Grossman, vont jouer de cette dimension quasi antiphotographique. Faisant ressembler les images à des extraits de
films, elle crée des photographies d’un mouvement en mouvement.
Instinctivement, audacieusement et directement, les photographes
capturent des moments précis et les figent dans l’instant. Entre
immobilité et mouvement, figuration et défiguration, ces images
volées semblent s’imposer comme un lieu de passage ou une entreimage, qui renvoie au moment et au mouvement d’avant et d’après.
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Un peu d’histoire... le Maroc
Le Maroc est un pays au nord-ouest de l’Afrique appartenant au
Magrheb. Il est bordé par l’océan Atlantique à l’Ouest, par le détroit de
Gibraltar et la mer Méditerranée au Nord, par l’Algérie à l’Est et par
la Mauritanie au Sud, au-delà du Sahara Occidental. Le Maroc a pour
capitale Rabat.
Le Maroc est appelé en arabe Al-Maghrib (Le couchant) ou plus
complètement Al-Maghrib Al-Aqsa (Le couchant lointain).
Le nom français Maroc dérive lui de la prononciation espagnole de
Marrakech Marruecos, ville du centre du pays fondée en 1062 et qui
fut la capitale de trois dynasties (Almoravide, Almohade et Saâdienne).
La ville impériale de Marrakech est fondée en 1062 par le Sultan
Youssef ben Tachfine à qui revient le mérite de la construction des
remparts de défense entourant la ville. Sa prospérité de l’époque
en fait la capitale d’un empire allant d’Alger à l’Atlantique et de la
Méditerranée presque jusqu’au Sénégal.
Après 400 années de dynasties berbères émanant des tribus d’origine
des montagnes de l’Atlas (les Almoravides, Almohades et Mérinides
qui ont été au pouvoir jusqu’en 1465), le XVIe siècle voit l’arrivée
des arabes au pouvoir. Les riches Saâdiens (1554 – 1603) sont
responsables de l’unification du Maroc. En 1659 les Alaouites arrivent
sur le trône (occupé de 1672 à 1727 par Moulay Ismaïl, le plus connu
de tous les sultans) et dirigent toujours le pays à ce jour. En 1912, le
traité de Fès reconnaît le Maroc comme étant un protectorat français
sous la souveraineté du sultan.
Les 40 années suivantes, l’économie du pays progresse grandement
grâce au développement des infrastructures ferroviaires et routières,
l’introduction de centrales hydro-électriques, de systèmes d’irrigation
et l’introduction de l’éducation nationale par les français. Le quartier
commercial et résidentiel de Guéliz, hors médina, se développe peu de
temps avant que le Maroc ne redevienne indépendant en 1956.
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Les photographies de famille
Les photographies de famille occupent dans la sphère domestique une
place très importante. Traces de souvenirs vécus, joies d’immortaliser
certains moments de la vie, plaisir de montrer l’album de famille aux
amis, ces images saisissent la magie d’un instant.
Longtemps réservées aux professionnels, elle est aujourd’hui
devenues le domaine de prédilection des amateurs, à l’exception
désormais marginale des clichés commandés aux photographes pour
solenniser les grandes étapes de l’existence. Leurs fonctions sont
essentiellement sociales, sentimentales et affectives se déployant
dans un album dont les images, souvent légendées et datées, tissent
une mémoire de la famille, une fiction de son histoire. L’album de
famille est une mosaïque d’instants anodins ou solennels, des instants
fétiches de la famille ; ceux dont l’on veut se souvenir. Sélectionner les
images, les disposer dans les pages et éventuellement les légender
revient à dresser pas à pas un mémorial de la famille, une mémoire
construite, c’est-à-dire sélective, infidèle et lacunaire. L’album
transforme, ajoute, recompose, idéalise et devient une fiction en
image. Lieu de certitudes, de stabilité et de réconfort, l’album rassure
grâce à sa forme symbolique de l’union familiale.
Ainsi utilisé, ce procédé photographique est crédité d’un nouvel et
illusoire potentiel de vérité. C’est parce que les clichés des proches ne
sont pas destinés à sortir de l’intimité familiale qu’ils peuvent rester
en marge des normes techniques et esthétiques qui régissent les
images publiques. Soit par maladresse technique, soit par manque
de culture esthétique, soit par une concentration exclusive sur leur
objet, les photographies de famille négligent souvent de rectifier une
pose disgracieuse, d’adopter la solution technique adéquate, ou de se
préoccuper d’esthétique.
Pour ces photographes, l’instant, la scène et les personnages
prévalent sur la qualité technique et esthétique des images ; l’objet
compte plus que son apparence, l’épreuve plus que sa forme,
l’enregistrement plus que ses modalités. C’est alors une pratique
hasardeuse, aux résultats imprévisibles, qui est privilégiée.
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Le portrait, une phénoménologie brève
Dans le portrait, il ne s’agit pas seulement d’une interaction entre le
modèle et le photographe. C’est la troisième figure, le spectateur, qui,
formant une correspondance triangulaire, rend le genre du portrait si
particulier. C’est lui qui se trouve en face des personnes portraiturées,
vis-à-vis de personnes qui lui sont familières ou étrangères, vis-à-vis
d’expressions d’autrui. Le portrait fascine parce qu’il s’agit du visage
humain qui nous fait face. Qui nous parle et nous questionne sur la
grande énigme de notre existence, de l’humain. Un portrait peut nous
faire peur par ce visage déformé, un autre nous inquiète par son
regard suppliant, angoissant, un autre encore nous impressionne par
sa dignité ou sa figure marquée par la vie...
Une rencontre, c’est une quête vis-à-vis de l’autre. En effet, on
cherche à déceler dans le visage du prochain un signe qui soit le point
du départ du face-à-face. En scrutant le reflet dans la pupille de cet
autre, notre propre image nous est révélée. Ainsi, le portait nous
habite et nous habitons le portrait.
Il n’est pas étonnant de voir que cette relation intime au portrait se
retrouve également avec un portrait provenant d’une époque lointaine,
parce qu’il peut tout autant fasciner qu’un portrait photographique
contemporain. Toutefois, les portraits n’étaient jadis pas accessibles
au public, le musée résultant de la démocratisation du XIXe siècle.
L’art du portrait peint fut longtemps réservé à une élite, « à une
caste aristocratique, obsédée par le souci de la lignée, ou à une élite
bourgeoise, soucieuse de poser pour la postérité » (Thierry Grillet).
Les portraits étaient réunis dans les salles à manger ou les longs
couloirs des demeures nobles.
Ce n’est pas un hasard si Olivier Roller a choisi pour ses
photographies des cadres ovales ornementés, faisant fortement
allusion à ces « galeries de portraits » d’autrefois...
thématiques
Le portrait... un peu d’histoire
Se remémorer une personne est l’une des fonctions premières du
portrait. Dès l’origine, le portrait est lié à la mémoire : « (...) Le potier
Butadès de Sicyone découvrit le premier l’art de modeler les portraits
en argile ; cela se passait à Corinthe et il dut son invention à sa fi
lle, qui était amoureuse d’un jeune homme ; celui-ci partant pour
l’étranger, elle entoura d’une ligne l’ombre de son visage projeté sur
le mur par la lumière d’une lanterne ; son père appliqua de l’argile sur
l’esquisse, en fi t un relief qu’il mit à durcir au feu avec le reste de ses
poteries. » (Pline, Histoire naturelle, Livre XXXV, chap. XLIII, trad. J.-M.
Croisille, Paris, Les Belles Lettres, 1985, p. 101)
Aux origines du portrait, on retrouve aussi l’idée de mort et de survie.
Le portrait apparaît comme une tentative désespérée de conjurer
la durée éphémère de la vie. Les premiers portraits revendiquent la
ressemblance - en dehors des portraits des empereurs romains qui
étaient assez idéalisés et stéréotypés - comme les effigies sur les
momies qui ont survécu dans le climat sec de la région de Fayoum en
égypte. Selon leurs procédés artistiques, ils sont clairement d’origine
romaine et datent environ du Ier-IIIe siècle ap. J.-C.
Au Moyen-âge, l’art du portrait décline, l’individu se fond dans
l’ensemble de la chrétienté. Les seuls portraits qui nous restent ne
montrent pas le souci de la ressemblance mais sont au contraire
fortement idéalisés avec des traits simplifiés. Ce n’est qu’au XIVe
siècle que le portrait resurgit en Europe.
La Renaissance avec ses tendances séculaires marque un tournant
sans précédent. Le portrait connaît alors un grand succès, d’une part
à cause du regain d’intérêt pour la nature et l’antiquité, d’autre part en
raison d’une considération grandissante envers l’individu.
Durant les périodes baroque et rococo, au XVIIe et au XVIIIe siècle, les
portraits prirent une importance croissante. Dans une société de plus
en plus dominée par la bourgeoisie, des représentations d’individus
luxueusement vêtus à côté des symboles de puissance et de richesse
contribuaient de manière efficace à l’affirmation de leur autorité.
thématiques
La fonction du portrait
Pendant des siècles, la fonction du portrait traditionnel n’était alors
pas simplement le souci d’immortaliser une personne par son
effigie, mais plus spécifiquement de mettre en évidence sa fortune
économique et sa fonction sociale, c’est-à-dire son rôle et son
importance dans la société.
« ... photographier un écrivain, c’est réfléchir sur son image, sur
l’icône de l’écrivain tel qu’il est le plus souvent représenté, en
jeux d’ombres subtils, assis devant sa bibliothèque, le menton
négligemment posé au creux de la main... » (Olivier Roller, FACE(S),
p. 228). La figure de l’écrivain n’est pas non plus exclue des clichés
de représentation, surtout au siècle des Lumières, pendant la période
néoclassique et aussi pendant le romantisme.
(Les portraitistes néoclassiques importants étaient : Jacques-Louis
David, Jean-Auguste-Dominique Ingres, Antonio Canova. Pour le
romantisme : Eugène Delacroix, Théodore Géricault et à la même
époque : Francisco de Goya.)
Le plus souvent, l’écrivain était représenté se reposant d’une manière
pensante sur son bureau, à côté d’une pile de livres, et souvent, la
plume à la main, pour parfaire cette image d’homme de lettres. Même
encore aujourd’hui, des photographies répondent fréquemment aux
clichés.
Chez Olivier Roller, on ne trouve pas de poses stéréotypées. Pendant
une séance avec un écrivain, il ne donne que des directives (« debout,
changez le regard, tournez ! » ...) comme il le fait avec tout le monde.
Les attributs laissent la place à un environnement très simple,
dépouillé. Il aspire à autre chose : « Ce qu’ils sont humainement... et
que je suis. »
thématiques
La photographie et l’art du portrait
Il semble que toute l’histoire du portrait soit une recherche, une
oscillation entre la ressemblance et l’élaboration d’un système
plastique (et les attentes d’un portrait « réussi »). Mais peut-on encore
parler de ressemblance s’il s’agit d’un portrait photographique, c’està-dire d’un moyen dont on sait qu’il donne, grâce à la technique, une
effigie identique au modèle ?
C’était le défi de cette grande invention du XIXe siècle, de trouver sa
légitimation en tant qu’art à côté de la peinture : montrer qu’elle a
en plus d’une simple image technique une force transformatrice, une
propre valeur artistique.
Dès ses origines, la photographie se montre fidèle au portrait, qui
reste encore longtemps attaché à l’esthétique de la peinture de
l’époque. Le grand succès de la daguerréotypie au milieu du XIXe
siècle s’explique par la demande énorme des portraits bon marché :
la photographie correspond à la démocratisation de l’image de soimême. D’innombrables portraits photographiques dits « cartes de
visites » en format standardisé de 5,5 × 9 cm étaient produits pendant
la deuxième moitié du XIXe siècle afin d’être échangés parmi des
membres de la famille ou des amis.
On s’est vite rendus compte des nouvelles possibilités qu’offre ce
procédé plus rapide et plus souple que la peinture. C’est Alphonse
Bertillon qui découvre le côté utile du portrait photographique pour
le système judiciaire. Il instaure une photographie de portrait où
l’individu disparaît sous la recherche d’une typologie du « criminel ».
à l’inverse, le célèbre portraitiste français Félix Tournachon, dit
Nadar, tente de prendre des poses étudiées afin d’évoquer au mieux
le caractère de chacun. Il arrivait qu’il fasse des sortes d’expériences
en prenant par exemple quelqu’un de dos (peut-être pour échapper
à l’évidence du visage), comme Olivier Roller plus d’un siècle après,
qui se demande si une image du dos ou d’une main est encore un
portrait...
thématiques
LE PICTORIALISME
En réaction aux évolutions modernes de la photographie, le
Pictorialisme, mouvement photographique, s’impose dès les années
1885, avec Peter Henry Emerson et Peach Robinson. Ce mouvement
international tente de faire reconnaître la photographie comme une
discipline artistique à part entière en s’inspirant à la fois des thèmes
picturaux et des techniques d’autres pratiques artistiques. Ce faisant,
il multiplie ses affinités avec les principaux mouvements picturaux
de la fin du siècle tel que le Symbolisme, l’Art Nouveau ou encore
l’Impressionnisme.
Le Pictorialisme cherche à se libérer de la fonction imitative et
objective que prône la photographie. Filtres spéciaux, emplois de
techniques alternatives (sténopés), travail sur l’épreuve, grattages
et interventions sur le négatif, photomontages, utilisation de
différents modes de tirages dits pigmentaires rapprochent alors le
travail du photographe à celui du peintre ou du dessinateur. Toutes
ces interventions humaines devaient permettre à la photographie
de simuler la peinture mais aussi de conférer une valeur artistique
à une création qui se veut avant tout technique et chimique. Pour
des photographes comme Margaret Cameron, Alfred Stiegltz à ses
débuts, Daniel Puyo ou encore Robert Demachy, il n’est alors plus
question d’imiter la réalité, mais, au contraire, de remplacer ces
pures descriptions par des visions subjectives, des émotions et de la
spiritualité. Si le Pictorialisme prend fin vers 1910, il se poursuit sous
des formes académiques et son influence irrigue bien des aspects du
modernisme.
Entre pratiques hybrides et techniques photographiques anciennes et
délaissées, et suivant la prescription du mouvement pictorialiste sur
la question de la manipulation de l’image photographique, les images
de Sally Mann ou de Nancy Wilson Pajic présentent un lien de parenté
évident avec les œuvres des principaux tenants du Pictorialisme.
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La méTAMORPHOSE DU PAYSAGE
Si le paysage est parmi l’un des sujets les plus traités dans l’histoire
de l’art depuis l’Antiquité, il faut attendre le XIXe siècle pour que celuici soit un genre à part entière reconnu.
Dès le début du XIXe siècle, le mouvement romantique est bien
décidé à rompre avec la tradition paysagère héritée du classicisme.
Il cherche à traduire les dimensions exaltantes, insoupçonnées et
contemporaines du paysage, afin de renouveler le genre du paysage.
Dorénavant, l’artiste donne sa vision du monde en exprimant
singulièrement ce qu’il voit et traduit le paysage au travers de ses
émotions personnelles. Le paysage se confronte alors à la violence du
sentiment, à la démesure de la passion et au symbolisme exubérant
du paysage romantique. Casper David Friedrich, William Turner ou
encore John Constable ont modifié les paysages par leur sensibilité
exacerbée. Ceux-ci se détachent de la réalité, cèdent la place aux
couleurs, aux atmosphères brumeuses et aux lumières peintes
jusqu’à s’apparenter à une forme d’abstraction lyrique.
Une liberté esthétique nouvelle ouvre la voie à l’Impressionnisme
et aux représentations de paysages innovants. Claude Monet,
Camille Pissaro ou encore Alfred Sisley vont définitivement imposer
l’évocation de la nature comme genre majeur de la peinture. Ces
artistes décrivent les changements de la nature, relèvent et figent
des impressions fugitives, capturent la mobilité des phénomènes
atmosphériques et les reportent directement sur la toile. La peinture
impressionniste est une peinture sans subjectivité, sans marque
d’affectivité et l’artiste n’est plus qu’un œil : les formes y sont
subordonnées à la couleur et la sensation à l’optique. Dès lors, le
paysage n’est plus le reflet d’une réalité objective mais une expression
picturale faite de matière et de sensations.
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L’allégorie
La Justice, cette femme aux yeux bandés tenant une balance à la
main, Marianne, la statue de la Liberté ou encore Le Printemps de
Botticelli sont autant d’allégories très connues. Symbole, mythe
et figure, l’allégorie consiste à représenter de façon imagée voire
figurative une idée abstraite ou une notion morale que l’on ne peut pas
représenter naturellement. Largement répandue dans l’univers des
Beaux-arts, l’allégorie use de figures mythologiques comme icône,
elle évoque des symboles diversifiés et de par son contenu sous-tend
une lecture allusive de l’image. Remontant à l’Antiquité où les idées
apparaissaient sous la forme de figures humaines ou animales, les
allégories ont servi au cours du Moyen-âge à illustrer les Vices et les
Vertus, telles la foi, l’espérance, la charité, la force... Les allégories
sont des images très populaires qui perdurent de la Renaissance
jusqu’au XVIIe siècle où, avec l’art baroque, elles s’imposent et
connaissent leur apogée.
Chaque allégorie possède ses attributs et ses caractéristiques
propres de façon à faciliter son identification. De même, l’allégorie
conservera ses spécificités d’une période à une autre.
La plupart des allégories et des symboles connus aujourd’hui sont
issus de la Mythologie et des Divinités gréco-romaines mais aussi de
la Bible dont les plus récurrents sont :
– la Paix : une colombe ou un rameau d’olivier ;
– la Gloire : une couronne de lauriers ;
– la Fidélité : un chien ;
– la Mort : un squelette armé d’une faux ;
– l’Amour : une femme souvent accompagnée de Cupidon, une rose.
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LA PHOTOGRAPHIE, UN ART DE SURFACE
La surface plane du papier photographique offre assez peu de
variations de matière contrairement au dessin, à la peinture ou encore
à la sculpture. Cependant, nombreux sont les photographes et les
artistes qui vont mettre à profit ce défaut pour faire du plan d’une
image une surface d’inscription et d’expression artistique. Certains,
comme Arnulf Rainer ou Sogmar Polke, interviendront directement
sur la photographie avec du graphisme, du dessin et de la gravure,
d’autres, tels Alain Fleischer et Joël-Peter Witkin, joueront avec des
effets spécifiques lors du tirage en s’interrogeant sur la nature même
de la photographie. Les derniers utiliseront la photographie pour
immortaliser des images créées à partir de matériaux très disparates
qui deviennent un médium de création.
Ce traitement d’image confère un nouveau statut à la photographie
qui acquiert un caractère unique. Ces œuvres alliant la photographie
à un autre médium artistique sont appelées « mixed media ».
Cherchant à rompre avec le caractère bi-dimensionnel des images,
les photographes usent de tous les effets spécifiques au langage
photographique et donnent ainsi une réalité corporelle aux espaces
représentés. Par la forme-tableau, les illusions de surface, les jeux
de profondeurs et de lumière, par les jeux d’échelle et de volume
mais aussi d’écarts créés entre le sujet représenté et la technique
de représentation utilisée, les photographies de Jan Diebbets, Luigi
Ghirri, Vik Muniz ou encore d’Andreas Gursky incarnent cette quête
d’une surface plane tangible et réelle.
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La PHOTOGRAPHIE : UN MIROIR DE SOI
La naissance mythique du portrait est attribuée à la fille de Dibutades,
un potier corinthien. Pour conserver le souvenir de son amant, garder
en mémoire et en image les traits de ce dernier, la fille de Dibutades
trace au charbon l’ombre du jeune homme dont le profil se découpe sur
un mur grâce à la lumière d’une lampe. C’est là, dit la légende, l’origine
de la peinture et du dessin.
Dans un portrait, c’est d’abord l’apparence du modèle qui est visible,
mais certains indices, comme les traits et les expressions du visage
ou encore la posture du corps, peuvent éclairer le spectateur sur la
personnalité de celui qui pose.
À partir de la Renaissance, le portrait s’impose comme un genre à part
entière. Dès les années 1840, on fait face à un véritable engouement
pour sa version photographique. Elle devient accessible à tous. Charles
Baudelaire est le premier à s’offusquer de l’attitude de cette société
obsédée par son image. En effet, l’avènement de la photographie réalise
le souhait ultime de Narcisse : délivrer un parfait miroir de soi.
Alors que le peintre s’appliquait à gommer les défauts du
commanditaire, le photographe, lui, reproduit le réel et révèle les
épreuves du temps gravées sur la peau. Le visage marque la singularité
de l’être. C’est pourquoi en photographie le cadrage qui était d’abord
en pied s’est rapidement recentré sur le buste. Le regard se concentre
ainsi davantage sur la physionomie des modèles dont l’identité et la
spécificité des traits sont renforcés. Le succès du célèbre portraitiste
Nadar s’est établi sur sa capacité à dévoiler la personnalité de ses
modèles. Si les poses sont très classiques et la lumière naturelle, c’est
la grande variété des expressions qui amène à voir l’intériorité des
personnalités immortalisées.
Au-delà d’un être humain, le photographe s’intéresse à la singularité
d’un individu et cherche à représenter la personne en tant qu’ellemême.
thématiques
La photographie : UN REFLET SOCIAL ET CULTUREL
Le portrait est un genre pictural artistique qui présente dans un
même temps une image physique et psychologique d’un modèle. Et,
si le portrait photographique s’appuie sur ce même principe inhérent,
il est en outre, et ce par définition, un gage de vérité et d’objectivité :
un visage ni idéalisé, ni transformé ou caricaturé. Dès ses origines,
la photographie remplit une fonction documentaire en tant que
témoignage fidèle du réel ; le photographe, au contraire du peintre, ne
représente plus le réel tel qu’il le voit. C’est tel qu’il est que ce « réel »
impressionne le support et qu’il est immortalisé par l’image. Dès lors,
la photographie vise à représenter le monde et s’impose comme un
outil de représentation.
Observer les portraits photographiques comme ceux d’August Sander,
de Diane Arbus, d’Henri Cartier-Bresson, de Pierre et Gilles mais
aussi comme ceux de Nadar ou encore de Paul Strand, c’est faire le
constat d’un art de la posture et de la mise en scène où les modèles
jouent toujours, peu ou prou, un rôle et s’affirment dans leur rang
social, leur puissance ou leur renommée. Tous différents les uns des
autres, ces portraits se définissent non plus seulement par un visage
ou par une expression.
De fait, tous les éléments constituant l’image et sa composition, de la
lumière aux accessoires, en passant par les postures et le cadrage,
participent largement au contenu et au sens de la photographie. Le
décor des images se met ainsi au service du réalisme photographique
et le modèle se voit renforcé dans sa fonction ou son rang social
par des éléments extérieurs qui l’environnent et le situent. Et, si le
réalisme d’un cliché ne se situe pas toujours dans son objectivité
photographique, il peut se trouver dans la restitution fidèle ou dans
l’adéquation du modèle portraituré : un environnement, une ambiance
ou une fiction qui lui renvoient son image.
Reflet social et culturel, le portrait photographique témoigne d’une
fonction ou d’une qualité, d’une intention ou d’un idéal.
thématiques
LA PHOTOGRAPHIE EN BELGIQUE
La France et l’Angleterre, avec les inventions du daguerréotype et du
calotype ont été les pays pionniers de la photographie. Toutefois, la
Belgique ne demeure pas en reste.
Dès 1839, Jean-Baptiste Jobard devient le premier photographe belge
en réalisant deux daguerréotypes. Très vite, la photographie belge
se développe et se résume à deux tendances : le portrait, avec les
célèbres ateliers des frères Brand et Ghémar et la photographie de
commande publique qui naît des grandes modifications urbanistiques
apportées à la ville de Bruxelles. Les travaux de la Senne et les
monuments sont immortalisés sous forme de simple inventaire
comme dans les images de Jean-Théodore Kämpfe ou de manière
plus onirique avec celles de Louis Ghémar.
En 1873, le photographe Hubert Zeyen est envoyé par le
Gouvernement belge à l’Exposition Universelle de Vienne. Il constate
le retard de son pays en matière de photographie et attribue cela à
l’absence d’associations d’amateurs.
L’association belge de photographie voit le jour, bientôt suivie par le
premier mouvement photographique international : le pictorialisme
qui évoque les peintures classiques et impressionnistes. Grâce à une
intervention sur les images, Gustave Marissiaux et Léonard Misonne
immortalisent des paysages noyés dans la brume ou des scènes de
villes déchirées par des jeux de lumière. Ils optent pour des cadrages
insolites, des grattages sur l’image, l’utilisation de la gomme
bichromatée, un allongement des perspectives, des contre-jours, un
écrasement de l’espace ou le recours au flou. Le monde est mis à
distance. C’est le savoir-faire du photographe qui prime.
À l’heure actuelle, certains artistes comme Jean Janssis continuent
d’avoir recours à des techniques manuelles sur leurs photographies
pour réaliser des images qui évoquent les peintures.
thématiques
Le photographe ET SON RAPPORT AU MODÈLE
On dit « faire un tableau » mais « prendre une photographie ». Dès
cette dénomination, on comprend bien que la photographie implique
une relation de force et de confrontation entre le photographe et son
modèle.
Le portrait repose, dans sa possibilité-même et sa réalisation, sur
une interaction entre le photographe et le portraituré. Ce rapport,
tantôt égal tantôt visuellement inégal, se matérialise généralement
dans l’image à travers la posture des corps et l’attitude des modèles
ou bien encore dans l’organisation formelle de la photographie. Pour
chaque portrait photographique se sont deux regards qui s’éprouvent :
celui du photographe et celui du modèle lui-même.
Ainsi présuppose-t-il toujours un pacte dont l’enjeu est la rencontre
et la négociation de deux désirs distincts et différents. Précisons-les
d’emblée : si le photographe cherche à imposer la souveraineté de
sa volonté de puissance et son regard d’artiste par un geste purement
formel ou esthétisant, par son style ou par une signature visuelle,
le portraituré, lui, se sert du photographe pour accéder à une image
narcissique de lui-même. C’est tel qu’il veut être vu et tel qu’il veut
paraître que le photographe devra l’immortaliser.
Ainsi, bien que derrière chaque photographie demeure le regard du
photographe qui décide du cadrage, du point de vue et de l’éclairage,
le dialogue entre les deux reste essentiel pour l’équilibre de l’image.
thématiques
Le PORTRAIT AU XIXe SIÈCLE
Dès l’avènement du daguerréotype, le portrait ouvre l’ère
démocratique de la représentation de soi et représente un enjeu
fondamental : l’un de ses plus importants débouchés commerciaux
et un sujet de prédilection. Qu’il soit officiel, documentaire, social ou
encore familial, le portrait photographique est un genre artistique qui
célèbre le sujet immortalisé en inaugurant un nouvel épisode dans
la représentation. À la croisée de l’œuvre d’artiste et de la pratique
d’amateur, le portrait photographique devient une véritable industrie.
Les ateliers fleurissent en nombre et les photographes s’adonnent
presque exclusivement au genre du portrait.
Dès 1862, le daguerréotype fait place à l’ambrotype. Réduisant le
temps de pose de 30 min à 2 h, ce dernier, plus rapide et moins
onéreux, est largement exploité pour la réalisation des portraits.
Imitant les poses et reproduisant les artifices du portrait peint, le
portrait photographique se caractérise à ses débuts par un aspect
conventionnel et figé. Inconvénients techniques, mises en scène,
décors et accessoires renforcent l’uniformisation de ces portraits. De
même, le temps de pose encore bien long est à l’origine de l’aspect
apprêté et du regard morne des modèles qui ne devaient ciller les
yeux. Équipements spécifiques et instruments particuliers, telle la «
chaise Daguerrienne », étaient nécessaire pour ajuster la posture et
assurer l’immobilité des sujets en vue d’une image nette. En résulte,
une production de masse et bon marché qui se propage au détriment
de toutes formes d’originalités et de qualités esthétiques.
À partir de 1880, la photographie se fait plus instantanée et le portrait
photographique de plus en plus naturel. Certains, comme Nadar et
de Disdéri, ont su élever le portrait photographique au rang d’art.
Exploitant les qualités techniques propres au médium et s’intéressant
à la psychologie des modèles, ils créent des œuvres originales, sobres
et expressives qui ouvrent de nouvelles voies à la représentation du
visage humain.
thématiques
La PHOTOGRAPHIE ET LES TECHNIQUES ALTERNATIVES
De plus en plus simplifiée dans sa technique et objet de
nombreuses recherches sur l’instantanéité, la précision optique et le
perfectionnement de l’appareil, la photographie devient accessible
au plus grand nombre. Commercialisation, profusion des images et
reproductibilité font de la photographie un simple outil témoin de la
réalité et ce au profit de ses potentialités artistiques. La photographie
« alternative » est une approche photographique où l’originalité,
l’émotion et la valeur artistique de l’image priment sur le matériel
photographique qui passe au second plan.
Dès 1840, des procédés simples mais complexes dans leurs mises
en œuvre tentent d’accorder une nouvelle place à la plasticité du
médium photographique : la photographie « alternative » exploite le
travail des matériaux et du support et tente de renforcer son unicité.
Les techniques anciennes, – daguerréotype, talbotype, calotype,
collodion, papier albuminé ou salé... –, le goût de l’expérimentation
des pictorialistes avec Robert Demachy et Constantin Puyo, les
pratiques de solarisation et de rayogramme de Man Ray et de
Moholy-Nagy, les photocollages et l’abstraction photographique
des surréalistes, l’hybridation des techniques telles qu’on les voit
dans l’œuvre de Sigmar Polke et d’Arnulf Rainer et les « pratiques
pauvres » comme le sténopé, la lomographie et le téléphone portable
sont autant d’exemples qui exploitent le support et engendrent des
surprises : flou, imprécision du détail, raté, décadrage, vignettage,
grain, texture...
Ainsi, la matérialité de l’image devient un outil supplémentaire à son
expression. Elle lui confère une dimension plastique en lui procurant
une émotion indicible, subjective, fugace et matérialiste. Utilisation
d’anciennes recettes, inventions et innovations sont de mise dans la
création contemporaine ; Sally Mann, Patrick Bailly-Maître Grand,
Bernard Plossu, Nancy Rexroth, Stephen Shore, Pierre Cordier ou
Yannick Vigouroux réalisent des images qui s’éloignent de la réalité
objective tout en renforçant l’harmonie entre l’image et le support.
thématiques
L’OBJET PHOTOGRAPHIQUE
La photographie, plus qu’une image, est un objet qui se regarde. Les
premiers clichés en rendent compte. Les supports variés, le verre
avec ses effets translucides et miroitants, le métal et ses rendus
brillants et précieux, la toile ou encore le papier et ses tonalités
chaudes et colorés, contribuent à la matérialité de l’image. Ils font
appel à une approche de lecture différente et participent largement à
la fragilité des photographies. Entre la lumière qui les crée mais qui,
lentement, finit par les détruire, et un simple frottement ou un contact
direct sur leur surface qui risque de les altérer, les photographies
nécessitent une protection adaptée : un montage hermétique. Depuis
ses origines, l’encadrement renvoie à deux fonctions essentielles
: la mise en valeur et la protection de l’œuvre. À la fois pratique
et esthétique, le cadre se décline : des écrins de velours noir, des
cadres précieux dorés ou décorés et parfois un encadrement à deux
volets qui s’ouvre comme un livre. Une présentation qui confère aux
photographies un statut d’objet de luxe, délicat et raffiné, rare et
unique, intime et fragile en leur faisant perdre leur statut d’image.
Si la photographie contemporaine, numérique et objective délaisse
la question de la matérialité de l’image, alors les artistes recourant
aux pratiques « alternatives » ou replaçant le support et le cadre au
centre de leur réflexion tels Pierre et Gilles, Arnulf Rainer, Joël-Peter
Witkin ou encore Gerhard Richter, initient-ils une rematérialisation de
l’image photographique.
thématiques
La PHOTOGRAPHIE IN SITU :
LE DÉVELOPPEMENT INSTANTANÉ
Si les impressionnistes bouleversent les traditions picturales en
peignant des paysages en plein air et sur le vif, certaines pratiques
photographiques permettent aux artistes d’innover dans leur
démarche artistique en imposant ou rendant le développement in situ
possible. Ainsi en est-il de la technique au collodion humide. Celle-ci
oblige le photographe à se munir d’une chambre noire portative afin
d’enduire et de développer ses plaques de verre qui doivent rester
humides tant pour la prise de vue que pour leur traitement final. Le
cartophote, une sorte de polaroïd avant l’heure ? Révolutionnant la
photographie au début du XXe siècle, cet appareil photographique
en bois, munis de tout le matériel nécessaire au développement,
offre aux photographes la possibilité de cadrer leurs images, de
capter l’instant et de poursuivre avec le tirage photographique.
Une démarche qui se présente comme une volonté de retranscrire
un paysage, un environnement et une réalité dans une forme
d’instantanéité poétique.
Aujourd’hui encore, le développement instantané comme le polaroïd,
le tirage in situ et les chambres noires portatives tel le sténoflex, mini
laboratoire qui fournit révélateur et fixateur en poudre et une feuille
de film inactinique sont de mise dans la création photographique
contemporaine.
Apparaissant comme une nouvelle donne pour les photographes,
ces moyens leur offrent des perspectives de création originales ; les
images qui en découlent sont des photographies ex-nihilo, des images
de la beauté de l’instant.
thématiques
LE GENRE DU PAYSAGE :
Le PAYSAGE RURAL, le PAYSAGE URBAIN
L’histoire du paysage renvoie aux premières tentatives réalisées pour
appréhender l’espace dans ses rapports avec la lumière du plein air
et s’accompagne, en outre, de la réflexion et de la place de l’homme
dans la nature. Dès le XIIIe siècle, bien qu’encore considéré comme un
accessoire scénique pour la figure humaine, certains artistes, comme
Giotto, confèrent au paysage une consistance plastique. Mais ce n’est
véritablement qu’au milieu du XVIe siècle, que le paysage naturel ou
urbain devient un genre pictural qui acquiert sa pleine autonomie.
Idyllique, paradisiaque, héroïque, classique ou encore idéalisé, le
paysage urbain et naturel se décline sans pour autant être considéré
comme un genre majeur. C’est avec le Romantisme mais aussi
William Turner et Kaspar David Friedrich que des changements
s’opèrent : le paysage, devenant le reflet d’une profonde sensibilité et
d’expériences subjectives, accède à un nouveau statut. La peinture en
plein air, les innovations techniques et l’industrialisation favorisent
l’essor du genre à la fin du XIXe siècle : école de Barbizon, Réalisme,
Naturalisme et Impressionnisme, Théodore Rousseau, Camille Corot,
Claude Monet, Pissarro ou encore Sisley sont autant de tendances
artistiques et de noms fameux qui réinventent le genre du paysage
moderne et influencent le paysage photographique.
Perçue dans ses débuts comme un instrument documentaire
précis et fidèle utile aux sociétés de géographie et d’archéologie, la
photographie de paysage rencontre un immense succès avec l’œuvre
de Gustave le Gray suivi d’Eugène Atget, d’Anselm Adams, d’Edward
Steichen, de Minor White ou encore de Michael Kenna, tout en
s’affirmant comme un genre photographique libre et à part entière.
thématiques
LA nuit et le NOCTURNE EN ART
« Le Songe de Saint Joseph », « La Nativité », « L’Adoration des
bergers », Amour découvrant Psyché endormie ou encore Diane et
Endymion, autant de thèmes religieux et mythologiques qui supposent
la suggestion de l’obscurité. Telles sont, en peinture et ce dès le XVe
siècle, les premières manifestations d’un traitement pictural de la
nuit. Qui ne connaît pas les puissants clairs-obscurs de Le Caravage,
les douces nocturnes de Georges de la Tour ou encore la fameuse toile
« La Ronde de nuit » de Rembrandt ?
Le sujet d’une nocturne en peinture ? La nuit, le noir et l’obscurité
qui se traduisent le plus souvent par la représentation d’un paysage
éclairé par la lune et les étoiles. Pour les artistes, la nuit est un vaste
champ d’investigation. Tantôt profonde et mystérieuse, tantôt claire
et paisible, tantôt terrifiante et dangereuse, elle devient un sujet
iconographique important qui leur permet d’aborder des thèmes aussi
variés que ceux de la vie, du rêve, de la peur, des vices, de la pensée
et de la recherche de soi. Ainsi, nombreux sont les artistes tels Kaspar
David Friedrich, Jean-François Millet, William Turner, Edward Munch,
Odilon Redon ou encore Van Gogh qui s’en emparent dans certaines de
leurs œuvres.
Pour un photographe à l’image de Brassaï, Weegee, René Burri,
Olivier Metzger, Axel Hütte ou encore Troy Paiva, capturer l’univers de
la nuit et ses lumières fait appel à une démarche bien différente. De
fait, il va à sa rencontre et la troue à coups de flash. Images prises sur
le vif ou remises en scènes, ces photographies nous dévoilent la vie
nocturne et interrogent tant la place de la lumière que son absence.
thématiques
Le POLYPTYQUE, UN TABLEAU À LA FOIS UN ET MULTIPLE
Un polyptyque désigne un ensemble de panneaux peints ou sculptés,
articulés ou non, exposant une peinture chrétienne. Il est aussi connu
sous le nom de livrets ou encore tableaux cloants. Un diptyque est
composé de deux panneaux et un triptyque de trois panneaux fixes
ou mobiles, dont les sujets se regardent et se complètent. Ce sont
des unités distinctes mais liées et donc indissociables. Lorsqu’il y a
plus de trois parties, on utilise généralement le terme de polyptyque.
Utiliser cette forme de peinture ou sculpture permet ainsi une forme
d’animation et d’interaction entre les sujets, en offrant une pluralité
de lectures à la fois simultanées et successives.
Le polyptyque est une forme d’art très utilisée durant l’Antiquité, le
Moyen-Âge et la Renaissance par des artistes de renoms tels Jérôme
Bosch, Grünewald, Rogier van der Weyden et même Pierre-Paul
Rubens. Après une longue absence, le polyptyque réapparaît au
XXe siècle dans de nombreuses variations qui ont, le plus souvent,
perdu leur signification religieuse et symbolique. Confrontation
formelle et multiplication sérielle, citation historique et parodie
ironique, le polyptyque contemporain s’affirme comme une
fragmentation de l’espace et renvoie à des problématiques plastiques.
thématiques
Les QUATRE ÉLÉMENTS
L’air, l’eau, la terre et le feu constituent les quatre éléments
fondamentaux. Aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire des
cultures humaines, ils structurent l’imaginaire à la manière des quatre
points cardinaux. Dans l’histoire de l’iconographie occidentale, il existe
de nombreuses représentations des éléments sous forme de petites
gravures, des sortes de constructions symboliques souvent liées au
savoir alchimique. Ne racontant pas d’histoire, les éléments ne sont
pas un thème iconographique de la grande peinture classique. Mais,
leur présence dans l’art est une petite clef qui aide à mieux comprendre
l’œuvre. Ainsi, ils ne sont pas représentés comme des sujets autonomes,
mais apparaissent plus ou moins explicitement dans une œuvre. Dès lors,
on obtient une symbolique à la fois évidente et suffisamment floue pour
laisser l’imaginaire vagabonder. L’air et le feu sont des éléments actifs et
masculins, alors que la terre et l’eau sont considérées comme passifs et
féminins. L’air est un symbole de spiritualisation, l’eau reste un moyen de
purification et la terre symbolise la fonction maternelle, la fécondité. Le
feu, est purificateur et régénérateur.
thématiques
L’écrivain et le photographe
Pour ne pas nuire à la poésie des images, le travail photographique
de certains photographes n’est pas accompagné de cartels. Les
petites étiquettes sur lesquelles on trouverait le nom de la ville, de la
rue, un titre ou un référent visuel ainsi que la date de la prise de vue,
donneraient aux images le statut de document. Comment expliquer
alors la démarche de l’artiste ?
Un recours : l’écrivain.
La littérature est un outil qui permet de décrire ce genre
photographique. Les extraits de textes choisis, soit par l’artiste
lui-même soit par l’écrivain, apportent les mots nécessaires pour
raconter l’histoire qui se déroule derrière ces images. Tout comme
dans un film, les images défilent et le texte narre l’histoire. Les
images guident notre imagination et le récit nous apporte de nouvelles
informations.
thématiques
Un peu d’histoire... l’Inde
L’Inde est un pays du sud de l’Asie qui occupe la majeure partie du
sous-continent indien. Son nom officiel est la République de l’Inde. Il
s’étend sur plus de sept mille kilomètres.
L’Inde est le foyer de civilisations parmi les plus anciennes, et un
carrefour historique des grandes routes commerciales. Quatre
grandes religions ont vu le jour dans ce seul sous-continent :
l’hindouisme, le bouddhisme, le jaïnisme et le sikhisme.
Autrefois, l’Inde constituait une partie importante de l’empire
britannique (le Raj) avant d’obtenir son indépendance en 1947. Ils
établissent alors une puissante administration coloniale placée
sous la responsabilité directe de la Couronne britannique. À la
même époque, des comptoirs français et portugais sont présents
sur le territoire indien, qui lui seront rétrocédés quelques années
après l’indépendance. En 1857, pendant la révolte des Cipayes,
des soldats indiens au service des Britanniques, établissent un
soulèvement populaire général contre la puissance de la Compagnie
anglaise des Indes orientales. Après la révolte, les mouvements
indiens nationalistes se forment et s’organisent dès la création
du Congrès national indien en 1885 et commencent à exiger une
indépendance complète. Le 15 août 1947, l’Inde accède finalement à
son indépendance, au prix de nombreux sacrifices, grâce aux efforts
tenaces des dirigeants du mouvement nationaliste, et en particulier
de Nehru et du Mahatma Gandhi. La période qui suit est dédiée à la
construction de la nation. Nehru est le premier dirigeant de l’Inde
indépendante. Il met en place une économie planifiée et qui tend à
l’auto-suffisance, notamment en mettant l’accent sur la réforme de
l’agriculture. En politique extérieure, il promeut le mouvement des
« non-alignés » pendant la guerre froide. Après plusieurs décennies
de stagnation économique, le pays s’est beaucoup développé, en
particulier grâce aux réformes lancées en 1991.
thématiques
La danse en art
Dans son acceptation la plus générale, la danse est l’art de mouvoir le
corps humain selon un certain accord entre l’espace et le temps rendu
perceptible grâce au rythme et à la composition chorégraphique. La
danse est donc un art corporel constitué d’une suite de mouvements
ordonnés, souvent rythmés par la musique. Elle exprime des idées et
des émotions ou raconte une histoire.
Le corps réalise alors toutes sortes d’actions. Il se tourne, se courbe,
s’étire ou saute. En combinant ces actions selon des dynamiques
variées, une infinité de mouvements différents s’inventent. Le corps
passe à l’état d’objet et sert à exprimer les émotions du danseur. L’art
devient donc le maître du corps. La danse est un art international.
Chaque peuple danse pour des motifs distincts et de façons
différentes, très révélatrice de leur mode de vie.
Dans l’art indien, la danse est très souvent, et très typiquement,
représentée en sculpture, en relief et en peinture.
La danse a également fasciné de nombreux artistes. Le thème de
la danse de Salomé prend un essor à la fin du Moyen-âge et au XVIe
siècle. Fille d’Hérodiade et d’Hérode Philippe, Salomé est la petitefille d’Hérode le Grand par son père. Après avoir dansé devant son
oncle Hérode Antipas, et sur le conseil de sa mère, elle obtient de lui
pour prix de son exhibition la tête de Jean-Baptiste. C’est le peintre
français Edgar Degas (1834-1917) qui accorde une place primordiale à
la danse comme sujet principal de ses toiles. La danse est un sujet qui
marque toute sa carrière. En pleine admiration devant ces danseuses,
il les montre en préparation, derrière la scène et lors de leur
prestation. En groupe, mais aussi seules, ces danseuses atteignent
le même statut qu’un paysage ou un portrait. En tant que peintre,
graveur, sculpteur et photographe, Edgar Degas a su étudier ce sujet
au travers de diverses techniques artistiques.
thématiques
L’Inde , une danse codifiée
En Inde, il existe six formes de danses : le bharata natyam, le kathak,
le kathakali, le manipuri, le kuchipudi et l’odissi. Elles sont issues des
Vedas et du Natyashastra qui est le recueil sacré où est codifié l’art
dramatique. L’aspect religieux est donc très présent dans ces danses.
En Inde, la danse toute entière est construite autour du rythme
pouvant être qualifié de non-humain, elle est un mouvement très
stylisé du corps. Son premier but est visuel : les gestes, costumes et
ornements sont tous là pour plaire à l’œil.
Cette danse ne fait pas usage des gestes naturels du corps et
ne reproduit pas les gestes ordinaires de tous les jours. C’est un
nouveau langage à apprendre, un système technique et esthétique à
mémoriser. La danse atteint alors une dimension rituelle, surnaturelle
et divine et se différencie des activités banales. Dans ces conditions, il
s’agit de bien maîtriser le mouvement. Dans la vie quotidienne, bouger
un bras ou lever une jambe est un geste trivial, mais dans la pratique
de la danse en Inde cela a une signification et la cinétique du geste
nous dira dans quelle mesure le danseur maîtrise ses mouvements.
La raison d’être de la danse en Inde est l’expression. Tout est en vie
mais en même temps fortement codifié. Tous les gestes ont un poids
symbolique et peuvent avoir une signification précise. L’expression est
dans les bras, dans les jambes, dans les mains, dans chaque partie du
corps, des orteils à la tête. Costumes et décorations prennent aussi
part dans l’expression. Le centre de l’expression du danseur est son
visage. L’expression du visage se concentre dans les yeux où réside
l’essence de l’expression du danseur. Cet éclat surnaturel montre
enfin que le danseur est possédé par son personnage. Les seuls yeux
d’un vrai danseur disent tout : gestes, rythmes, expressions, histoires.
Ils reflètent toute la danse.
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La Ville
Lieux d’ouverture et de brassage culturel, au carrefour des flux de
l’information, les villes alimentent fantasmes et utopies. L’homme
tente de s’adapter aux cités démesurées, avec son corps, avec des
souvenirs et des mots. La ville accumule les strates, passé, présent,
et avenir en gestation. Elle devient le sujet de prédilection chez les
peintres, photographes, écrivains...
« La ville nourrit l’imaginaire des écrivains, des peintres, des
photographes et des cinéastes. Elle stimule les rêves des utopistes
et des architectes, suscite des projets, des cartes et des plans. Elle
s’actualise en s’inscrivant sur le territoire et affirme son pouvoir, son
aura. C’est par la grande ville que se définit l’identité d’une nation et
que se construit son destin. Souvent associée à la modernité, pour
le meilleur et pour le pire, la ville est un objet privilégié de réflexion
pour les historiens, les géographes, les sociologues et les philosophes
qui s’interrogent sur la place de l’individu dans la cité. Qu’elle soit
métropole, banlieue ou petite ville, elle sert de cadre à d’innombrables
récits, réalistes, oniriques, fantastiques, mais peut aussi devenir
un personnage de fiction. La ville, espace complexe, en perpétuelle
mutation, se prête à la métamorphose. C’est un lieu privilégié pour
la déambulation, les rencontres, le métissage culturel. C’est aussi un
lieu de mémoire qui porte les traces et les stigmates de l’Histoire. À
la fin du XIXe, Londres, ville cosmopolite et labyrinthique est devenue
un locus privilégié pour la fiction chez des auteurs comme Stevenson
ou Conan Doyle. On peut en dire autant de Paris à diverses époques,
de Berlin, de New York, Rome ou de Saint-Pétersbourg. La ville, décor
spectaculaire, insolite, fantasmatique, est un inducteur de l’aventure
suscitant des phénomènes et événements aléatoires. »
Alexandre Gefen, Les Imaginaires de la ville. Entre littérature et arts, Hélène et Gilles
Menegaldo, Collection : Interférences, Rennes, 2007
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un peu d’histoire ... Marco Polo
Marco Polo (1254-1324), parti avec son père et son oncle, atteignit la
Chine en 1275, après avoir parcouru la Route de la soie.
Il y séjourna pendant 17 ans (1274-1291) et fut employé par l’Empereur Mongol Kubilaï qui acheva la conquête de la Chine. Ayant conquis
Pékin en 1271, il prit un titre dynastique à la manière chinoise (celui
des Yuan) sans devenir véritablement un empereur chinois. Marco
Polo fut chargé de diverses missions par Kubilaï Khan, tant en Chine
que dans des pays de l’Océan Indien.
De retour à Venise en 1295, il combattit à Gênes, y fut fait prisonnier et
dicta dans sa geôle à Rustichello de Pise une narration de ses voyages
dans les États de Kubilaï intitulée Le Devisement du monde.
Paru en 1298, le livre qui a rendu Marco Polo mondialement célèbre
est l’un des premiers ouvrages importants en prose européenne
moderne, et le tout premier encore connu du grand public. Le Livre
de Marco Polo décrit, non l’histoire de Marco, mais l’empire de son
patron, le plus puissant empereur de l’Histoire du monde. Quand le
livre évoque la Russie, l’Asie centrale, l’Iran, l’Afghanistan, c’est que
Kubilaï était le suzerain de ces terres. Quand il parle du Japon (qu’il
dénomme Cypango), du Vietnam, de la Birmanie, c’est que Kubilaï
Khan y envoyait des armées. Quand il raconte le Sri Lanka, l’Inde du
sud et jusqu’à Madagascar, c’est que Kubilaï Khan y dépêchait des
émissaires pour obtenir leur soumission... Kubilaï Khan est le sujet, le
centre et l’unité du livre. Tout ce que Marco Polo relate n’a de sens que
par lui. Mais le livre se présente comme un recueil de belles histoires
et de « merveilles » (au sens ancien : étonnant, surprenant, voire
effrayant). Sa trame est une base continue d’informations précises,
beaucoup plus nombreuses, exactes et savantes que la légèreté des
récits et sa langue simple ne le laissent supposer.

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