De la surprise et de la cohérence

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De la surprise et de la cohérence
LUNDI 17 AOÛT 2015 LE NOUVELLISTE
CULTURE 15
FESTIVAL DE LOCARNO Clap de fin pour une 68e édition réussie.
De la surprise et de la cohérence
VINCENT ADATTE
PALMARÈS 2015
Proclamé samedi soir sur la
Piazza Grande avant la projection d’«Heliopolis», tire-larmes
violoneux du Brésilien Sergio
Machado, le palmarès de cette
68e édition a un peu surpris son
monde, en dépit de sa grande cohérence. De fait, personne ne
s’attendait à ce que le jury octroie
une telle part du lion au cinéma
asiatique, lequel était de surcroît
assez peu représenté au sein de la
Compétition internationale.
Léopard d’or «Jigeumeun matgo
geuttaeneun teullida» de Hong
Sang-soo, Corée du Sud
Prix spécial du jury «Tikkun» de
Avishai Sivan, Israël
Prix du meilleur réalisateur
Andrzej Zulawski pour
«Cosmos», France/Portugal
Prix d’interprétation féminine
Tanaka Sachie, Kikuchi Hazuki,
Mihara Maiko et Kawamura Rira
pour «Happy Hour» de
Hamaguchi Ryûsuke, Japon
Un Léopard d’or mérité
Après un Prix spécial du jury
décroché en 2013 grâce à «U Ri
Sunhi», le Sud-Coréen Hong
Sang-soo remporte à l’âge de
54 ans un Léopard d’or nullement immérité avec son dix-septième long métrage, «Jigeumeun
matgo geuttaeneun teullida»,
dont le titre international est un
brin plus court («Right Now,
Wrong Then», en français:
«Juste maintenant, faux ensuite»). Variation en deux temps
proposant au spectateur qui y
consent de jouer à une version
très cinématographique du jeu
des sept erreurs, son film raconte
la rencontre d’un réalisateur célèbre et d’une jeune femme peintre, un jour d’hiver.
Au mitan de son écoulement,
l’histoire recommence. Hong
Sang-soo glisse alors quelques différences, certes menues, mais qui
n’en révèlent pas moins l’être
même du cinéma. Pour celles et
ceux qui le suivent depuis «Le
jour où le cochon est tombé dans
le puits» (1996), ce nouvel exercice d’intelligence virtuose aura
sans doute un petit air de déjà-vu,
les autres découvriront la griffe de
l’un de nos cinéastes contemporains parmi les plus importants du
moment! Parfait dans le rôle d’un
cinéaste porté sur la boisson et un
brin exhibitionniste, l’acteur Jung
Jae-Young a raflé le Prix d’interprétation masculine, permettant
à Hong Sang-soo de faire coup
double!
Quatre coups doubles
Toujours à juste titre, les jurés
ont décerné un Prix d’interpréta-
Prix d’interprétation masculine
Jung Jae-young pour «Jigeumeun
matgo geuttaeneun teullida» de
Hong Sang-soo, Corée du Sud
Mentions spéciales pour le
scénario de «Happy Hour» de
Hamaguchi Ryûsuke, Japon, et
pour la photographie de Shai
Goldman de «Tikkun» de
Avishai Sivan, Israël
Prix du meilleur premier film et
Léopard d’or Cinéastes du
présent «Thithi» de Raam
Reddy, Inde/Etats-Unis/Canada
Prix du public «Der Staat gegen
Fritz Bauer» de Lars Kraume,
Allemagne
Hong Sang-soo remporte à 54 ans un Léopard d’or mérité, après un Prix spécial du jury déjà décroché en 2013. KEYSTONE
DE VRAIES PROPOSITIONS DE CINÉMA
Dans le souvenir des cinéphiles, Locarno 2015 restera
sans doute un bon millésime. La «faute» en incombe
principalement à une Compétition internationale dont la
diversité aura frappé les esprits, même si le sujet du «proche aidant n’aidant guère» a été omniprésent. Ainsi, plusieurs œuvres ont avancé de vraies propositions de cinéma, innovantes parfois jusqu’à l’excès, comme le
«brouillon» de Chantal Akerman, ce «No Home Movie»
bouleversant qui a dû rebuter plus d’un membre du jury!
En idolâtre de l’adage «qui aime bien châtie bien», nous
devons tout de même lâcher quelques bémols. Par
exemple, à l’exception du très réussi «La vanité» de Lionel
Baier, les films suisses n’ont guère brillé par leur qualité, à
l’image de la grosse déception causée par «Heimatland».
tion collectif aux quatre actrices
formidables de «Happy Hour» du
Japonais Hamaguchi Ryûsuke.
Elles excellent toutes dans ce film
au long cours, dont la durée
Autre sujet de désappointement, les rétrospectives ne
sont plus vraiment ce qu’elles étaient, soit l’occasion
pour le festival d’investir dans la production de copies
neuves. Partant, il soutiendrait ainsi les cinémathèques
qui ne peuvent pas tout faire.
Sur ce plan, la rétro Peckinpah a souvent viré à la catastrophe, pour reprendre le verbe qui désigne l’un des
processus de dégradation affectant la bonne vieille pellicule, au point que l’on a dû parfois se contenter de
DVD! Pour conclure, il semble que le franc fort n’ait pas
trop freiné les ardeurs des festivaliers étrangers, même
si les chiffres sont en légère baisse, avec un total de
164 000 spectateurs pour cette édition, au lieu des
166 800 accourus l’an passé… } VAD
(5 h 17) permet de faire craqueler
le vernis des soi-disant vies heureuses que prétendent vivre leurs
personnages. En recevant une
Mention spéciale pour son scéna-
rio aussi foisonnant que parfaitement composé, Hamaguchi
Ryûsuke a lui aussi fait coup double. Décerné pour la première
fois. le Prix du meilleur premier
film, toutes sections compétitives
confondues, a aussi récompensé
une œuvre asiatique, «Thithi» du
jeune cinéaste indien Raam
Reddy, présenté dans le concours
des Cinéastes du présent, dont il a
également remporté le Léopard
d’or.
Venant en deuxième position
par ordre d’importance, le Prix
spécial du jury a été attribué à
«Tikkun» d’Avishai Sivan, qui
était, ouf, l’un de nos favoris.
Dans un noir-blanc ascétique, ce
jeune cinéaste israélien décrit
de la manière la plus aiguë les
contradictions insolubles dans
lesquelles s’enfonce un jeune
étudiant ultra-orthodoxe. Son
chef opérateur Shai Goldman a
reçu une Mention spéciale pour
son travail remarquable sur
l’image. Seule distinction un
peu trop consolatrice à notre
sens, le Prix du meilleur réalisateur a été attribué à Andrzej
Zulawski pour son «Cosmos».
Le vétéran polonais en espérait
sans doute plus en renouant
avec le cinéma après quinze ans
d’inactivité!
Quelques regrets
Cela dit, l’on regrettera quand
même l’absence au palmarès de
l’étonnant film du Britannique
Ben Rivers («The Sky Trembles
and the Earth Is Afraid and the
Two Eyes Are Not Brothers»),
du poignant et si humble documentaire du Brésilien Sergio
Oskman («O Futebol»), ainsi
que le trop maigre Prix des jeunes accordé à «Bella e perduta»
de l’Italien Pietro Marcello, qui
reste toujours pour nous la
meilleure toile vue au cours de
cette 68e édition. }
MUSIQUE Le prince de la glisse, originaire de Crans-Montana fait le buzz avec son premier clip.
Pat Burgener, snowboardeur ascendant chanteur
Gratte à la main, un musicien
marche le long des rues pavées
de Lausanne et attire comme un
aimant les passants. Ensemble,
ils fredonnent les paroles fraîches d’une génération qui malgré les qu’en dira-t-on reste optimiste et rêveuse. «Je vais continuer mon chemin le long de la
route, jusqu’à ce que tu me croises», souffle dans la langue de
Shakespeare le chanteur sur une
mélodie magnétique. Accessible
gratuitement sur le Web, le single pop-rock de Pat Burgener a
enregistré plus de 8000 vues en
deux semaines. Beau score pour
le jeune sportif de 21 ans qui
prépare avec son petit frère
Max (lead guitariste), Christian
Schulz (percussion) et Patrick
Velan (basse) leur premier
album, supervisé par MarcAntoine Burgener, le grand frère
manager. «On a pas encore de
date de sortie mais patience», affirme le snowboardeur professionnel au joli brin de voix.
Musique in the blood
Pat Burgener lors du tournage du clip à Lausanne. LAURIANNE ÆBY
Ancien élève du Conservatoire de Lausanne, la musique
l’a toujours accompagné. «Je
joue de la guitare depuis l’âge de 5
ans. Et depuis, je la trimballe partout avec moi, même pendant les
compétitions». Blessé aux ligaments croisés, Pat Burgener
avait deux options pendant sa
convalescence: déprimer dans
son lit ou s’adonner à 100% à sa
deuxième passion, la musique.
Très productif, il se met à composer. «D’abord, c’était pour
m’amuser, puis j’y ai pris un réel
plaisir car au final, l’écriture ne
connait pas de limites. Un peu
comme le freestyle», explique-t-il
enthousiaste.
Un de ses sponsors qui bossait
dans l’industrie musicale entend
ses créations lors d’une soirée à
Saas-Fee et lui propose de suivre
des cours de chant à Zürich. Pat
enregistre deux morceaux pour
le fun. Puis le fun se transforme
en passion chez cet impulsif né.
«En 3 semaines, on a écrit, enregistré et tourné le clip show me the
way», dit-il avec fierté.
Porté par le rock anglophone
de Led Zeppelin, le rider de
Montana tente aussi de rédiger
un ou deux textes en français
pour l’opus en devenir. «Le
snowboard et la musique sont
deux faces d’une même pièce. Ils
sont intrinsèquement liés. L’un inspire l’autre», décrit le musicien.
Le groupe se produira sur scène
cet hiver à Crans. Il affichera les
dates de leur passage sur la page
Facebook de Pat. } JADE ALBASINI
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