COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

Transcription

COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
QUÉBEC
DOSSIERS :
C-2014-3985-2 (12-1349-1)
C-2014-3986-2 (12-1349-2)
C-2014-3987-2 (12-1349-1,2)
LE 8 AVRIL 2016
SOUS LA PRÉSIDENCE DE Me PIERRE DROUIN
LE COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
c.
L’agent MAXIM GIROUX, matricule 3163
L’agent MICHAEL JONES, matricule 3114
Membres du Service de police de la Ville de Québec
DÉCISION
CITATIONS
C-2014-3985-2
[1]
Le 17 avril 2014, le Commissaire à la déontologie policière (Commissaire)
dépose au Comité de déontologie policière (Comité) la citation suivante :
C-2014-3985-2, C-2014-3986-2 et C-2014-3987-2
PAGE : 2
« Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de
déontologie policière, l’agent Maxim Giroux, matricule 3163, membre du
Service de police de la Ville de Québec :
1. Lequel, à Québec, le ou vers le 7 juillet 2012, alors qu’il était dans
l’exercice de ses fonctions, n’a pas respecté l’autorité de la loi et des
tribunaux et n’a pas collaboré à l’administration de la justice en
n’intervenant pas face au manquement déontologique de son collègue
à l’égard de monsieur Jean-Sébastien Smith-Jacob, commettant ainsi
un acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie des
policiers du Québec (chapitre P-13.1, r.1);
2. Lequel, à Québec, le ou vers le 7 juillet 2012, alors qu’il était dans
l’exercice de ses fonctions, n’a pas respecté les droits de
monsieur Jean-Sébastien Smith-Jacob alors placé sous sa garde en
étant négligent et/ou insouciant à l’égard de la santé ou de la sécurité
de celui-ci par sa non-intervention face au manquement déontologique
de son collègue, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à
l’article 10 du Code de déontologie des policiers du Québec
(chapitre P-13.1, r.1). »
[2]
Il est convenu de préciser que les termes « au manquement déontologique »
mentionnés aux deux chefs de la citation C-2014-3985-2 font référence à l’usage de la
force.
C-2014-3986-2
[3]
Le même jour, le Commissaire dépose au Comité la citation suivante :
« Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de
déontologie policière, l’agent Michael Jones, matricule 3114, membre du
Service de police de la Ville de Québec :
1. Lequel, à Québec, le ou vers le 7 juillet 2012, alors qu’il était dans
l’exercice de ses fonctions, ne s’est pas comporté de manière à
préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction en
manquant de respect ou de politesse à l’égard de monsieur
Jean-Sébastien Smith-Jacob, commettant ainsi un acte dérogatoire à
C-2014-3985-2, C-2014-3986-2 et C-2014-3987-2
PAGE : 3
l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec
(chapitre P-13.1, r.1);
2. Lequel, à Québec, le ou vers le 7 juillet 2012, alors qu’il était dans
l’exercice de ses fonctions, a eu recours à une force plus grande que
celle nécessaire à l’égard de Jean-Sébastien Smith-Jacob, commettant
ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 6 du Code de déontologie
des policiers du Québec (chapitre P-13.1, r.1);
3. Lequel, à Québec, le ou vers le 7 juillet 2012, alors qu’il était dans
l’exercice de ses fonctions, a eu recours à une force plus grande que
celle nécessaire à l’égard de Jean-Sébastien Smith-Jacob alors placé
sous sa garde, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à
l’article 10 du Code de déontologie des policiers du Québec
(chapitre P-13.1, r.1). »
C-2014-3987-2
[4]
Enfin, le même jour, le Commissaire dépose cette autre citation :
« Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de
déontologie policière, les agents Michael Jones, matricule 3114, et
Maxim Giroux, matricule 3163, membres du Service de police de la Ville de
Québec :
1. Lesquels, à Québec, le ou vers le 7 juillet 2012, alors qu’ils étaient
dans l’exercice de leurs fonctions, n’ont pas respecté l’autorité de la loi
et des tribunaux et n’ont pas collaboré à l’administration de la justice
en ne bouclant pas la ceinture de sécurité de monsieur Jean-Sébastien
Smith-Jacob, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 7
du Code de déontologie des policiers du Québec (chapitre P-13.1, r.1);
2. Lesquels, à Québec, le ou vers le 7 juillet 2012, alors qu’ils étaient
dans l’exercice de leurs fonctions, n’ont pas respecté les droits de
Jean-Sébastien Smith-Jacob alors placé sous leur garde en étant
négligents et/ou insouciants à l’égard de la santé ou de la sécurité de
celui-ci en omettant de boucler sa ceinture de sécurité, commettant
ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 10 du Code de déontologie
des policiers du Québec (chapitre P-13.1, r.1). »
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PAGE : 4
FAITS
Contexte de l’événement
[5]
Il n’est pas contesté que l’événement sous-tendant le présent dossier se déroule
pendant le Festival d’été de Québec alors que l’on présentait plus tôt dans la soirée sur
les Plaines d’Abraham (Plaines) un groupe musical très populaire, soit LMFAO.
[6]
Ce spectacle a attiré environ 70 000 personnes sur les Plaines et dans les
environs, notamment sur la Grande Allée située tout près.
[7]
Cette importante artère regroupe plusieurs restaurants et bars concentrés sur
une courte distance.
[8]
Il n’est pas davantage contesté que, dans le cadre de ce spectacle majeur,
plusieurs policiers sont affectés au maintien de l’ordre dans ce secteur.
[9]
Bien que ce type d’événement se déroule généralement dans l’ordre, les
policiers doivent parfois intervenir auprès de festivaliers ivres ou trop turbulents.
[10] Dans certains cas, des constats d’infractions sont simplement donnés et, dans
d’autres cas, la personne est arrêtée et conduite en cellule au poste de police.
Version du Commissaire
[11] Le soir du 6 juillet 2012, vers 17 h, M. Jean-Sébastien Smith-Jacob est dans un
restaurant asiatique du quartier St-Jean-Baptiste de Québec, accompagné de deux
amies, où ils fêtent l’une d’elles.
[12] Par la suite, ils vont dans un bar du secteur avant de se rendre au bar Dagobert
où ils arrivent vers 0 h 30.
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[13] Sur place, le groupe se sépare et M. Smith-Jacob rencontre un ami, soit
M. Michael Guillemette-Jérôme qu’il connaît depuis 10 ans. Tous les deux sont
militaires.
[14]
Ils terminent la soirée ensemble.
[15] À la fermeture du bar, soit après 3 h, ils décident d’aller manger dans un petit
restaurant libanais appelé « La Galette Libanaise » situé de l’autre côté de la rue. Une
troisième personne se joint à eux, soit M. Rémy Thibodeau-Albert.
[16] Selon le témoignage de M. Smith-Jacob, en sortant du bar Dagobert, il n’est pas
ivre, n’ayant que peu bu.
[17] Il affirme avoir bu les trois quarts d’une bouteille d’hydromel à 16% d’alcool au
souper et une grosse bière à 8% d’alcool au premier bar où il s’est arrêté.
[18] Finalement, au Dagobert, constatant que sa carte bancaire était expirée et,
n’ayant que dix dollars en poche, il aurait simplement partagé avec
M. Guillemette-Jérôme une bouteille de « Smirnoff » de 340 ml à 7% d’alcool.
[19] M. Guillemette-Jérôme a témoigné que son souvenir concernant
consommation d’alcool de M. Smith-Jacob au bar Dagobert est « vague ».
la
[20] Il n’est pas contesté que La Galette Libanaise est un restaurant minuscule
servant principalement des sandwichs.
[21] Il est difficile de consommer à l’intérieur. Il y a donc une terrasse de 16 places à
l’extérieur de l’établissement.
[22]
M. Smith-Jacob commande un sandwich.
[23]
Durant l’attente, il s’appuie sur le comptoir réfrigéré en verre.
[24] Un employé lui dit alors sur un ton « impoli et hautain » de ne pas « frapper sur le
comptoir ».
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[25] M. Smith-Jacob affirme s’être excusé en disant qu’il n’avait pas frappé sur le
comptoir.
[26] Un échange verbal s’ensuit durant lequel M. Smith-Jacob dit à la personne que,
s’il préfère, on peut lui rembourser son sandwich qu’il n’a pas encore reçu et qu’il
quittera les lieux.
[27] Toujours durant cet échange verbal, une personne intervient. Il n’est pas
contesté qu’il s’agit d’un portier du restaurant-bar « Savini » (Savini) qui est voisin du
commerce.
[28] Considérant que cette personne ne se mêle pas de ses affaires et croyant
erronément qu’elle est « en train de foutre la merde dans l’endroit », M. Smith-Jacob lui
demande fermement de demeurer en dehors de ça, désirant simplement s’expliquer
avec l’employé.
[29]
M. Guillemette-Jérôme intervient et lui dit : « Ne crie pas, laisse faire ».
[30]
Ils sortent du commerce sans qu’on leur demande de quitter les lieux.
[31] M. Guillemette-Jérôme sort en premier suivi peu après de M. Smith-Jacob qui
attendait son sandwich. Ce dernier constate alors que des policiers procèdent à
l’arrestation de son ami.
[32] Selon M. Smith-Jacob, il s’approche d’un policier, qui sera identifié comme étant
l’agent Jonathan Leblond, à qui il demande simplement pourquoi ils procèdent à
l’arrestation de son ami Michael.
[33] Pour toute réponse, le policier lui dit de « décâlicer », que ce n’est pas de ses
affaires.
[34]
M. Smith-Jacob insiste pour savoir ce qui se passe puisqu’il s’agit de son ami.
[35] C’est alors que, sans raison apparente, l’agent Leblond le saisit par le collet et le
plaque au sol.
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[36] Un autre policier intervient également afin de procéder à la mise des menottes
alors que M. Smith-Jacob est couché sur le ventre. Il s’agit de l’agent
Alexandre Pageau, le partenaire de patrouille de l’agent Leblond.
[37] M. Smith-Jacob affirme qu’il a tenté de discuter avec les policiers en disant qu’il
ne voulait pas de problèmes, qu’il a collaboré et qu’il n’a pas offert de résistance.
[38] Cependant, il a reçu sans raison des coups de genou dans le dos de la part de
l’agent Leblond.
[39] Selon M. Smith-Jacob, un policier en civil est venu prêter main-forte aux deux
autres policiers en lui disant de collaborer.
[40] Il n’est pas contesté qu’il s’agit d’un policier de la GRC qui n’était pas en devoir et
qui était à cet endroit par hasard.
[41] M. Smith-Jacob est finalement menotté dans le dos et assis à l’arrière d’un
véhicule de patrouille.
[42]
Les policiers prennent place dans le véhicule 15 à 20 minutes plus tard.
[43] L’agent Leblond qui est passager se retourne vers M. Smith-Jacob et lui dit :
« Toi, t’es un ostie de militaire sale ».
[44]
M. Smith-Jacob lui demande ce qu’il a contre les militaires.
[45] L’agent Leblond répond en lui disant : « Vous êtes tous des post-traumatiques,
prenez des pilules, pis des batteurs de femmes ».
[46] M. Smith-Jacob réplique en « écœurant » l’agent Leblond sur sa capacité d’être
policier.
[47] Durant cet échange verbal, l’agent Pageau, qui est le conducteur, quitte les lieux,
selon toute vraisemblance, vers le poste de police.
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[48] Selon M. Smith-Jacob, durant le trajet, l’agent Pageau freine fréquemment de
façon brusque dans le but qu’il se heurte la tête contre la cloison divisant l’avant de
l’arrière du véhicule.
[49] Étant menotté dans le dos, M. Smith-Jacob a de la difficulté à se protéger, mais il
ne subit pas de blessure.
[50] À un certain moment, les policiers immobilisent leur véhicule dans une ruelle
sombre de la Basse-Ville.
[51]
L’agent Leblond sort du véhicule et ouvre la portière arrière côté passager.
[52] M. Smith-Jacob prétend avoir le réflexe de se coucher sur le dos sur la banquette
lorsque le policier ouvre la portière arrière.
[53] L’agent Leblond entre dans l’habitacle, se place sur lui et le frappe à
trois reprises au visage sans rien dire.
[54] M. Smith-Jacob, qui a relevé ses genoux sur sa poitrine, tente de repousser le
policier à l’extérieur du véhicule.
[55] Dans son témoignage devant le Comité, M. Smith-Jacob ajoute s’être plaint
durant le trajet que les menottes étaient trop serrées. Cependant, après l’avoir frappé
au visage, l’agent Leblond a resserré davantage les menottes au lieu de les relâcher.
[56] Selon M. Smith-Jacob, lorsque l’agent Leblond sort du véhicule dans le but de
venir le frapper, son collègue l’agent Pageau sort également.
[57] M. Smith-Jacob n’est pas certain si, à ce moment, l’agent Pageau dit qu’il va
fumer une cigarette ou qu’il va prendre de l’air.
[58] Selon M. Smith-Jacob, le but de l’agent Pageau est, à ce moment, de laisser
faire son collègue et de ne pas être témoin de son comportement excessif.
[59]
Finalement, M. Smith-Jacob est conduit au poste de police.
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[60]
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Sur place, il est informé que, les cellules étant toutes occupées, il sera libéré.
[61] Il est effectivement libéré vers 5 h 15 après avoir reçu trois constats d’infraction :
l’un pour insultes à un agent de la paix, un autre pour ivresse et un dernier pour entrave
au travail d’un agent de la paix.
[62]
On lui dit de retourner chez lui et on lui recommande de prendre un taxi.
[63] Cependant, M. Smith-Jacob retourne récupérer son automobile stationnée sur le
boulevard Charest.
[64] Des photographies sont déposées devant le Comité1 afin de démontrer les
blessures qu’aurait subies M. Smith-Jacob au visage et au poignet.
[65] À aucun moment durant son transport au poste de police, les policiers n’ont
attaché sa ceinture de sécurité.
[66] Le Commissaire a aussi fait entendre M. Guillemette-Jérôme, ami de
M. Smith-Jacob.
[67] Le Comité retient de son témoignage que lui et M. Smith-Jacob ne sont pas ivres
à leur arrivée au restaurant La Galette Libanaise.
[68] Il témoigne que, à cet endroit, M. Smith-Jacob ne fait que s’appuyer sur le
comptoir réfrigéré en verre, mais les propriétaires ont peur qu’il brise la vitre.
[69] M. Guillemette-Jérôme sort à l’extérieur pour aller manger. Il constate la
présence de plusieurs policiers.
[70] Il se fait accrocher par une personne et échappe son sandwich sur la jambe d’un
policier.
1
Pièce C-1.
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[71]
Les policiers croyant qu’il l’a fait sciemment, la tension monte et il se fait arrêter.
[72]
Il veut savoir pourquoi on l’arrête, mais il n’obtient pas de réponse.
[73]
Des policiers « l’embarquent brusquement » dans un véhicule de patrouille.
[74] Du véhicule, il voit l’arrestation de M. Smith-Jacob, telle que décrite par ce
dernier, mais il ne peut entendre les échanges verbaux.
[75]
On le conduit au poste de police sans qu’il sache pourquoi.
[76]
Il ne peut identifier les policiers qui l’ont transporté.
[77] Ayant constaté qu’il est militaire, le policier passager dans le véhicule lui
dit : « Ostie de militaires sales, vous êtes tous des post-traumatisés ».
[78]
Il veut savoir pourquoi le policier lui dit cela, mais ce dernier ne veut pas discuter.
[79]
En route, le véhicule de police s’immobilise sur le bord de la route.
[80] Le policier passager sort du véhicule et vient à l’arrière le frapper à l’abdomen et
dans les côtes.
[81]
Il tente de se protéger avec ses pieds.
[82]
Ils arrivent finalement au poste de police.
[83] M. Guillemette-Jérôme n’a pas porté plainte puisque les coups portés par le
policier n’ont pas laissé de marques.
[84] En contre-interrogatoire, il précise que les événements survenus après la sortie
du bar Dagobert sont vagues à sa mémoire.
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Version policière
[85] M. Tony Tanous, copropriétaire de La Galette Libanaise, a témoigné devant le
Comité.
[86] Lui est son frère ont ouvert ce restaurant le 7 mai 2012, soit environ deux mois
avant les événements.
[87]
On y sert principalement des sandwichs libanais.
[88] Il est présent lors de l’arrivée de M. Smith-Jacob et de ses deux amis peu de
temps avant la fermeture. Il y a également quelques autres clients sur place.
[89] M. Tanous constate que, pendant que M. Smith-Jacob attend, il appuie
« violemment » ses deux mains sur le dessus du comptoir réfrigéré.
[90]
De plus, ce dernier semble ivre.
[91] Ce comptoir est fabriqué avec un dessus en verre en forme de demi-lune
permettant au client de voir et de choisir les ingrédients de son sandwich.
[92] Puisqu’il s’agit d’un meuble dispendieux, M. Tanous craint que les gestes
brusques de M. Smith-Jacob l’endommagent.
[93]
Il avertit M. Smith-Jacob de « cesser de faire ça ».
[94] M. Guillemette-Jérôme, qui est à ses côtés, réplique de façon grossière et
agressive. Il semble être ivre lui aussi.
[95]
M. Smith-Jacob réplique également, encouragé par son ami.
[96] M. Tanous leur demande de quitter les lieux et se dit prêt à rembourser le
sandwich commandé.
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[97]
Les hommes refusent et le ton monte.
[98]
Un portier du Savini tente d’intervenir, mais en vain.
[99]
Finalement, c’est ce portier qui demande l’intervention des policiers.
[100] Peu après, deux policiers arrivent.
[101] M. Tanous leur explique la situation et le fait que les deux hommes font du
trouble. M. Tanous demande donc aux policiers d’expulser les deux hommes.
[102] Les policiers demandent à M. Smith-Jacob et ses amis de quitter les lieux, mais
ceux-ci refusent pour finalement sortir sur la terrasse. Le calme revient à l’intérieur.
[103] M. Tanous étant retourné servir ses derniers clients et procéder à la fermeture du
commerce, il n’a pas particulièrement porté attention à ce qui se passait à l’extérieur
entre M. Smith-Jacob et les policiers.
[104] À cet égard, la preuve policière est à l’effet que, vers 3 h du matin, les
agents Jonathan Leblond et Alexandre Pageau patrouillent sur la Grande Allée qui vient
d’être rouverte à la circulation automobile.
[105] Ils circulent très lentement, car il y a encore beaucoup de festivaliers sur la rue
dont plusieurs semblent intoxiqués.
[106] Ils sont interpellés à la hauteur de La Galette Libanaise par un portier du Savini.
[107] Le portier les informe que trois personnes font du « trouble » à La Galette
Libanaise, insultant des clients et le propriétaire. Le portier identifie les personnes
concernées.
[108] Les deux policiers décident d’intervenir.
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[109] Ils se présentent au propriétaire qui se plaint que M. Smith-Jacob et
M. Guillemette-Jérôme dérangent la clientèle. Il demande aux policiers de les expulser.
Les deux hommes sont sur la terrasse.
[110] Les deux agents leur demandent à plusieurs reprises de quitter les lieux, mais
ceux-ci refusent de collaborer.
[111] Pour les policiers, il est évident que les deux hommes sont ivres. Ils ont un
langage lent, les yeux injectés de sang et vitreux et une démarche « molle ».
[112] Compte tenu des refus répétés de quitter le commerce, l’agent Pageau intervient
auprès de M. Guillemette-Jérôme et l’agent Leblond auprès de M. Smith-Jacob.
[113] L’agent Pageau prend alors le bras de M. Guillemette-Jérôme pour l’escorter
hors de la terrasse. Celui-ci réplique en disant qu’il désire manger son sandwich et
insulte le policier en lui disant : « Suce ma queue ».
[114] Le policier informe M. Guillemette-Jérôme qu’il recevra un constat d’infraction
pour ivresse sur la voie publique et un autre pour insultes à un agent de la paix.
[115] L’agent Pageau menotte M. Guillemette-Jérôme et le conduit dans son véhicule
de patrouille.
[116] De son côté, l’agent Leblond constate que M. Smith-Jacob devient plus agressif,
contestant l’arrestation de son ami. Il crie après le policier en lui disant de relâcher
M. Guillemette-Jérôme, car ils n’ont rien fait.
[117] M. Smith-Jacob touche le sternum du policier d’une main et son autre main est
fermée. Il a les yeux sortis de leur orbite. Il se tient en position de combat, torse bombé.
Il invective le policier.
[118] Constatant que la situation risque de dégénérer et craignant que M. Smith-Jacob
ne l’agresse, le policier demande de l’assistance sur les ondes radio.
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[119] Voyant que l’agent Pageau revient vers lui accompagné d’un autre policier,
l’agent Leblond décide de procéder à l’arrestation de M. Smith-Jacob.
[120] Vu son agressivité, l’agent Leblond tente en vain de le coucher au sol afin de le
menotter.
[121] Les deux autres policiers arrivent et ils ont également de la difficulté à le
maîtriser et à le coucher au sol.
[122] Un passant, constatant que les policiers ont de la difficulté à maîtriser
M. Smith-Jacob, vient leur prêter main-forte. Il s’avère que cet homme est un policier de
la GRC qui n’est pas en devoir.
[123] Au sol, M. Smith-Jacob se débat et serre le collet de la chemise du policier,
tentant ainsi de l’étouffer.
[124] L’agent Leblond réplique en utilisant une technique de diversion consistant en
deux coups de poing au visage de M. Smith-Jacob qui, malgré tout, ne lâche pas prise.
[125] Le policier parvient finalement à se dégager.
[126] M. Smith-Jacob est maîtrisé et conduit dans le véhicule de patrouille des
agents Michael Jones et Maxim Giroux arrivés en renfort.
[127] Ceux-ci arrivent sur les lieux au moment où M. Smith-Jacob est couché au sol et
menotté dans le dos.
[128] Rendu au véhicule de patrouille, M. Smith-Jacob est agité et sent l’alcool. Les
policiers ont de la difficulté à procéder à sa fouille sommaire avant de l’asseoir à
l’arrière. L’agent Jones témoigne que M. Smith-Jacob « veut casser ses menottes ». De
plus, il ne cesse de les insulter.
[129] L’agent Jones l’informe qu’il est arrêté pour entrave et injures à un agent de la
paix.
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[130] Contrairement à la prétention de M. Smith-Jacob, les policiers affirment que ce
sont les agents Jones et Giroux qui ont effectué son transport.
[131] Tel que le prévoit le protocole, compte tenu du fort achalandage de festivaliers
sur la Grande Allée et afin d’éviter tout débordement, il est prévu que les policiers ne
s’attardent pas sur les lieux d’une arrestation, mais qu’ils se regroupent plutôt à un point
de rendez-vous, en l’occurrence, le Manège militaire.
[132] Les agents Jones et Giroux y conduisent d’ailleurs M. Smith-Jacob, alors que les
agents Leblond et Pageau y conduisent M. Guillemette-Jérôme et que les
agents Bélanger et Godin, aussi arrivés en renfort, y conduisent M. Thibodeau.
[133] Compte tenu de l’état d’agitation de M. Smith-Jacob et de la courte distance à
parcourir jusqu’au Manège militaire, les deux policiers n’attachent pas sa ceinture de
sécurité. Vu la densité de piétons sur la Grande Allée, ils circulent à une vitesse
d’environ 10 km/h. L’agent Giroux qui conduit n’a, à aucun moment, freiné
brusquement.
[134] En route, M. Smith-Jacob manifeste beaucoup d’agressivité et insulte
constamment les policiers.
[135] Menotté dans le dos et n’étant pas attaché par la ceinture de sécurité, il se
couche sur la banquette, la tête du côté conducteur. Il donne des coups de pied sur la
cloison séparatrice, sur la portière côté passager et sur la vitre de la portière.
[136] Ne pouvant laisser la situation dégénérer, les policiers décident d’intervenir. Leur
objectif est de confiner M. Smith-Jacob à l’aide de la ceinture de sécurité.
[137] Ils s’immobilisent sur la rue St-Amable située tout près, et non dans la
Basse-Ville.
[138] Les deux policiers débarquent du véhicule.
[139] L’agent Jones ouvre la portière arrière du côté passager pour entrer dans le
véhicule afin de boucler la ceinture de sécurité.
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[140] À cet instant, M. Smith-Jacob tente de le repousser à l’extérieur avec ses jambes
et il tente de sortir du véhicule.
[141] Le policier réussit à le repousser à l’intérieur et, à l’aide de deux coups de
diversion à main ouverte au visage, il parvient à entrer dans l’habitacle. Il se retrouve
sur M. Smith-Jacob qui est couché sur le dos.
[142] À l’aide de ses jambes, M. Smith-Jacob pousse le policier vers le plafond.
[143] Constatant qu’il lui sera impossible de boucler la ceinture de sécurité,
l’agent Jones sort du véhicule et referme la portière.
[144] Étant concentré sur son intervention auprès de M. Smith-Jacob, laquelle dure
moins de 30 secondes, l’agent Jones ne remarque pas ce que fait son collègue Giroux.
[145] Concernant le rôle de l’agent Giroux à ce moment, il témoigne que,
contrairement à l’affirmation de M. Smith-Jacob, il n’est jamais allé fumer ou prendre
l’air. De plus, il souligne qu’il ne fume pas.
[146] Au contraire, le policier affirme qu’il ouvre alors la portière arrière côté
conducteur, mais qu’il ne peut saisir M. Smith-Jacob, ce dernier s’étant déplacé du côté
passager.
[147] L’agent Giroux décide d’aller de l’autre côté du véhicule afin d’aider son collègue.
[148] Cependant, il se retrouve derrière l’agent Jones qui vient de sortir du véhicule et
qui referme la portière.
[149] Les deux policiers décident de ne pas procéder à une autre tentative pour éviter
de se blesser ou de blesser M. Smith-Jacob.
[150] Sur ce point, l’agent Jones témoigne « qu’il n’est pas question de l’attacher dû à
son agressivité …. On ne rouvre pas la porte ».
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[151] Ils poursuivent leur route jusqu’au Manège militaire. Durant le trajet,
M. Smith-Jacob continue de les insulter.
[152] Concernant l’affirmation de M. Smith-Jacob à l’effet que le policier passager, qu’il
identifie comme étant l’agent Leblond, l’aurait insulté durant son transport en lui disant,
entre autres « toi, t’es un ostie de militaire sale », l’agent Jones réplique d’une part que
c’est lui et non l’agent Leblond qui a procédé à son transport et qui occupait le siège
passager et, d’autre part, qu’il ne l’a d’aucune manière insulté.
[153] Sur ce point, l’agent Giroux qui était le conducteur corrobore son collègue.
[154] L’agent Giroux témoigne aussi qu’il possède lui-même un passé militaire. Il a été
policier militaire et a servi en Bosnie.
[155] Il insiste pour dire que, à un moment de sa vie, il a eu à faire le choix « difficile »
entre poursuivre sa carrière militaire, qu’il aimait, ou être policier. Il a choisi le métier de
policier.
[156] L’agent Giroux témoigne que, ayant du respect pour la fonction de militaire, il
n’aurait jamais toléré que son collègue Jones insulte M. Smith-Jacob, tel que ce dernier
en témoigne.
[157] Arrivés au Manège militaire, les six policiers font le point.
[158] Ils conviennent de libérer M. Thibodeau, n’ayant rien de particulier à lui reprocher
et ce dernier étant calme.
[159] Les policiers décident de conduire M. Guillemette-Jérôme au poste de police,
celui-ci ayant commis certaines infractions et son identification n’étant pas certaine. Le
transport est effectué par les agents Leblond et Pageau.
[160] Il est également convenu de conduire M. Smith-Jacob au poste de police, bien
qu’il ait cessé de frapper dans la portière, compte tenu des reproches qui lui sont faits et
de son état d’agitation.
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[161] Les agents Jones et Giroux se dirigent alors au poste de police situé à environ
2 km.
[162] Compte tenu de ce qui vient de se passer à l’arrière du véhicule avec
M. Smith-Jacob, les deux policiers décident de ne pas tenter de nouveau de boucler sa
ceinture de sécurité, évaluant qu’il serait risqué de le faire.
[163] Les policiers affirment avoir circulé « normalement » et non brusquement
puisqu’il n’y avait pas d’urgence.
[164] Au poste de police, les deux policiers apprennent que M. Smith-Jacob sera libéré
puisqu’il n’y a plus de place dans les cellules. En effet, il s’agit d’une très grosse soirée
de spectacles.
[165] Les policiers le conduisent dans le hall d’entrée du poste où l’agent Giroux lui
enlève les menottes.
[166] M. Smith-Jacob est plus calme, mais il menace le policier de lui faire perdre son
emploi.
[167] Il est libéré après avoir reçu des constats d’infraction et qu’on lui ait recommandé
de quitter en taxi.
[168] Concernant la pose des menottes, les policiers affirment ne pas les avoir trop
serrées aux poignets de M. Smith-Jacob ni les avoir resserrées par la suite.
[169] Concernant le transport de M. Guillemette-Jérôme au poste de police, les
agents Leblond et Pageau nient catégoriquement que, durant le trajet, l’agent Leblond,
qui était assis côté passager tel que décrit par M. Guillemette-Jérôme, ait insulté ce
dernier en faisant référence à son passé militaire.
[170] Les deux policiers nient également s’être immobilisés pour permettre à
l’agent Leblond d’aller le frapper.
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APPRÉCIATION DE LA PREUVE ET MOTIFS DE LA DÉCISION
[171] Dans le présent dossier, c’est le niveau d’agressivité et de résistance manifesté
par M. Smith-Jacob qui est déterminant, car cet élément sous-tend les chefs de citation.
[172] La version des faits présentée par M. Smith-Jacob est à l’effet qu’il a
constamment été calme, que ce soit à La Galette Libanaise ou lors de son arrestation
par les policiers. En conséquence, les policiers n’avaient aucun motif d’agir comme ils
l’ont fait.
[173] La version policière est diamétralement à l’opposé de celle de M. Smith-Jacob.
[174] Selon cette version, M. Smith-Jacob a continuellement manifesté de l’agressivité
et de la résistance lors de son arrestation et de son transport au poste de police.
[175] À cet égard, avant d’analyser spécifiquement les chefs des présentes citations, le
Comité constate que le présent dossier repose essentiellement sur la crédibilité des
témoins entendus.
[176] Or, il appert qu’il est plus raisonnable de croire la version des faits présentée par
les policiers que celle de M. Smith-Jacob, et ce, pour les motifs qui suivent.
[177] D’abord, les deux policiers cités devant le Comité, soit les agents Jones et
Giroux, n’ont eu comme seul rôle, lors des événements, que celui de transporter
M. Smith-Jacob au poste de police.
[178] Ils sont arrivés pour prêter assistance aux agents Leblond et Pageau qui sont les
policiers ayant décidé d’arrêter M. Smith-Jacob et ayant eu besoin de faire usage de la
force pour ce faire.
[179] N’ayant pas été directement impliqués dans l’arrestation, les agents Jones
et Giroux n’avaient donc pas de raison d’avoir du ressentiment envers M. Smith-Jacob.
[180] Par ailleurs, le Comité souligne que, en plus de prétendre avoir été arrêté par
l’agent Leblond de façon abusive, M. Smith-Jacob a prétendu constamment devant le
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Comité et devant la Cour municipale que c’est ce même policier qui a procédé à son
transport au poste de police et qui, au cours de ce transport, l’aurait insulté et aurait
utilisé, une fois de plus, une force abusive à son endroit.
[181] Or, la preuve est claire que c’est l’agent Jones et non l’agent Leblond qui, avec
l’agent Giroux, ont procédé au transport de M. Smith-Jacob.
[182] Il est raisonnable de conclure que M. Smith-Jacob confond les deux policiers du
fait que, d’une part, c’est l’agent Leblond qui a été le premier à intervenir auprès de lui
et que son arrestation ne s’est pas déroulée dans le calme et que, d’autre part, dû à son
état d’ivresse, la mémoire de M. Smith-Jacob a focalisé sur l’agent Leblond.
[183] Les policiers prétendent en effet que M. Smith-Jacob était ivre et le Comité les
croit.
[184] M. Smith-Jacob prétend le contraire.
[185] Concernant son état d’ivresse, M. Smith-Jacob témoigne qu’il a peu bu entre
17 h et 3 h, bien qu’il soit allé manger dans un restaurant, pour ensuite se déplacer
dans un bar et, enfin, terminer la soirée au bar le Dagobert.
[186] Il explique sa faible consommation d’alcool, entre autres, du fait qu’il a constaté
au Dagobert que sa carte bancaire était expirée et qu’il n’avait que dix dollars en poche.
Il aurait donc partagé simplement une consommation avec son ami,
M. Guillemette-Jérôme, qui corrobore le partage de cette consommation.
[187] Le Comité considère peu crédible cette explication, alors que le but de cette
sortie était de fêter une amie.
[188] De plus, et surtout, des témoins confirment que M. Smith-Jacob était en état
d’ébriété lorsqu’il a été interpellé par les policiers.
[189] En effet, M. Tanous, qui travaillait à son commerce ce jour-là, affirme que
M. Smith-Jacob et ses deux amis étaient ivres.
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[190] À cet égard, le Comité n’a aucune raison de douter de son témoignage, qui est
convaincant.
[191] De plus, les agents Leblond et Pageau, qui ne sont pas cités devant le Comité et
qui ont procédé à l’arrestation de M. Smith-Jacob, affirment également que ce dernier
était ivre.
[192] Quant au témoignage de M. Guillemette-Jérôme selon lequel ni M. Smith-Jacob
ni lui n’étaient ivres, le Comité constate qu’il est peu crédible.
[193] D’une part, M. Guillemette-Jérôme a passé beaucoup de temps lui-même au
Dagobert où il a rencontré M. Smith-Jacob et surtout, d’autre part, il a peu de souvenirs
de sa soirée dans ce bar et de l’événement qui s’est déroulé à La Galette Libanaise, ce
qui tend à soutenir qu’il était lui-même sous l’effet de l’alcool.
[194] Le Comité constate donc que la preuve prépondérante est à l’effet que, lors de
l’intervention des policiers, M. Smith-Jacob était ivre, contrairement à ce qu’il prétend.
[195] Enfin, le fait que MM. Smith-Jacob et Guillemette-Jérôme formulent exactement,
mot à mot, la même insulte qui aurait été proférée à leur endroit par le policier passager
du véhicule de patrouille qui les transportait respectivement au poste de police et que
tous les deux reprochent également à ce policier passager d’être venu le frapper sans
raison sur le banc arrière du véhicule après que le policier conducteur l’ait immobilisé
est totalement invraisemblable et affecte grandement leur crédibilité.
[196] En effet, il est totalement invraisemblable que deux policiers dans deux véhicules
de police aient exactement le même comportement à l’égard de deux personnes sans
qu’il y ait collusion.
[197] Or, ne serait-ce que pour une question de temps, il est clair qu’une telle collusion
était impossible.
[198] Pour toutes ces raisons, le Comité ne retient pas la version des faits présentée
par M. Smith-Jacob.
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C-2014-3986-2
Chef 1 (impolitesse)
[199] Le Commissaire reproche à l’agent Jones d’avoir manqué de respect ou de
politesse envers M. Smith-Jacob.
[200] L’agent Jones aurait dit à M. Smith-Jacob lors de son transport au poste de
police : « Toi, t’es un ostie de militaire sale ».
[201] Le policier aurait également ajouté : « Vous êtes tous des post-traumatiques,
prenez des pilules, pis des batteurs de femmes ».
[202] M. Smith-Jacob attribue ces paroles au passager du véhicule de patrouille qu’il
identifie comme étant l’agent Leblond.
[203] Or, le Commissaire ayant établi que le passager était l’agent Jones, c’est ce
policier qui est cité.
[204] Étant donné que le Comité ne retient pas la version de M. Smith-Jacob pour les
motifs exposés plus haut, il est d’avis que les insultes reprochées n’ont jamais été
prononcées.
[205] Au surplus, si de telles insultes ont été prononcées, M. Smith-Jacob les attribue
à l’agent Leblond, qui n’est pas celui visé par ce chef de citation.
[206] Enfin, l’agent Giroux est convaincant lorsqu’il témoigne que, ayant lui-même un
passé militaire pour lequel il a beaucoup de respect, il n’aurait jamais laissé son
collègue Jones insulter le métier de militaire.
[207] Dans les circonstances, ce chef n’est pas retenu.
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Chefs 2 et 3 (force)
[208] Par ces chefs de citation, le Commissaire reproche à l’agent Jones, d’une part,
d’avoir eu recours à une force abusive sur la personne de M. Smith-Jacob et, d’autre
part, d’avoir eu recours à une force abusive à l’égard de ce dernier alors qu’il était sous
sa garde.
[209] Des éléments de preuve tendent à démontrer que M. Smith-Jacob était turbulent
à La Galette Libanaise, qu’il était agressif et qu’il a résisté fortement à son arrestation.
[210] Premièrement, un portier du Savini, présent à La Galette Libanaise, tente
d’intervenir auprès de M. Smith-Jacob. Ce dernier ne conteste pas ce fait, témoignant
même avoir manifesté fermement à cette personne qu’elle ne se mêlait pas de ses
affaires.
[211] De plus, c’est ce même portier qui demandera aux agents Leblond et Pageau
d’intervenir.
[212] Il est reconnu que la fonction de portier de bar est, entre autres, de repérer les
clients perturbateurs. Or, nul doute que, pour ce portier, M. Smith-Jacob perturbait
suffisamment le commerce pour justifier l’intervention des policiers.
[213] Deuxièmement, lors de l’arrestation de M. Smith-Jacob, un autre citoyen est
intervenu afin de prêter main-forte aux policiers.
[214] En effet, il n’est pas contesté que, par hasard, un policier de la GRC non en
devoir et qui était témoin de l’intervention policière, a jugé nécessaire d’intervenir
physiquement.
[215] Il devient raisonnable de croire que, si M. Smith-Jacob n’avait pas résisté à son
arrestation, ce citoyen ne serait pas intervenu.
[216] Finalement, l’agent Leblond a demandé de l’assistance sur les ondes radio, car à
ce moment, il était seul avec M. Smith-Jacob qui résistait. L’agent Pageau était occupé
à conduire M. Guillemette-Jérôme au véhicule de police.
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[217] Sur les ondes radio, on entend l’agent Leblond, qui semble essoufflé, demander
de l’aide, craignant d’être débordé.
[218] Il devient évident que, si M. Smith-Jacob n’avait pas offert de résistance,
l’agent Leblond n’aurait pas jugé nécessaire de demander de l’assistance.
[219] M. Smith-Jacob prétend que, lors de son transport, le véhicule de police s’est
immobilisé et que, alors qu’il était toujours menotté dans le dos, l’agent Jones est venu
le frapper à plusieurs reprises sans autre raison que celle d’avoir été vertement insulté
pendant le trajet.
[220] Selon la version policière, en route vers le Manège militaire, les agents Jones
et Giroux ont constaté que M. Smith-Jacob était toujours très agité. Entre autres, il
frappait dans la cloison séparatrice avec ses pieds et ne cessait de les insulter.
[221] Craignant que la situation dégénère, les policiers ont alors décidé d’immobiliser
le véhicule dans le seul but d’attacher la ceinture de sécurité de M. Smith-Jacob afin de
mieux le confiner et non pour le molester.
[222] Tel que déjà mentionné, l’analyse de la preuve amène le Comité à constater qu’il
est plus raisonnable de croire la version offerte par les policiers que celle de
M. Smith-Jacob.
[223] En effet, le Comité ayant déjà retenu que M. Smith-Jacob avait manifesté une
forte résistance et de l’agressivité, il est plus raisonnable de croire que le but recherché
par les policiers était de mieux confiner M. Smith-Jacob en bouclant sa ceinture de
sécurité et non de l’agresser.
[224] Considérant que son arrestation était injustifiée, M. Smith-Jacob manifestait sa
colère en donnant des coups de pied sur la cloison séparatrice, sur la portière côté
passager et sur la vitre de la portière. Il a résisté également à l’agent Jones lorsqu’il a
ouvert la portière arrière pour venir l’attacher.
[225] Il s’en est suivi l’échauffourée à l’intérieur du véhicule.
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[226] Les photos démontrant l’arrière de ce type de véhicule de police2, la liste
déposée par les policiers3 dénombrant, depuis 2010, plusieurs cas où des portières ou
des vitres ont été endommagées par des détenus occupant la banquette arrière et
l’expertise du Comité relative à des cas similaires démontrent qu’il est possible pour un
détenu de frapper la cloison séparatrice et les portières à l’aide de ses pieds.
[227] De plus, le Comité rappelle que M. Guillemette-Jérôme a témoigné avoir subi
exactement le même traitement par le « policier passager » lors de son transport dans
un autre véhicule occupé par deux autres policiers que ceux cités.
[228] Le Comité ayant précédemment conclu à l’improbabilité d’une telle situation,
cette constatation a pour effet d’affaiblir sérieusement la crédibilité à accorder aux
prétentions de M. Smith-Jacob, tel que déjà mentionné.
[229] L’agent Jones admet avoir dû frapper M. Smith-Jacob de deux coups de
diversion à main ouverte au visage afin qu’il demeure dans le véhicule.
[230] Par conséquent, les blessures constatées sur le visage et sur les poignets de
M. Smith-Jacob et apparaissant sur les photos produites4 sont plus compatibles à de la
résistance de sa part qu’à un abus de force.
[231] Pour ces motifs, le Comité ne retiendra pas ces deux chefs de citation.
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Chefs 1 et 2 (non-intervention de l’agent Giroux)
[232] Par ces deux chefs de citation, le Commissaire reproche à l’agent Giroux de ne
pas être intervenu alors que, toujours selon le Commissaire, son collègue utilisait une
force excessive sur la personne de M. Smith-Jacob.
2
3
4
Pièce C-3.
Pièce P-5.
Pièce C-1.
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PAGE : 26
[233] D’une part, le Comité ayant conclu que l’agent Jones n’a pas employé une force
abusive sur la personne de M. Smith-Jacob, il ne peut conclure que l’agent Giroux
devait s’interposer.
[234] D’autre part, le Comité ayant également conclu que l’immobilisation du véhicule
avait pour but de boucler la ceinture de sécurité, il devient plus raisonnable de croire
l’agent Giroux lorsqu’il témoigne ne pas s’être éloigné, mais, au contraire, avoir tenté en
vain d’assister son collègue.
[235] Le Comité conclut que l’agent Giroux n’a pas commis les actes dérogatoires qui
lui sont reprochés dans la présente citation.
C-2014-3987-2
Chefs 1 et 2 (ne pas avoir bouclé la ceinture de sécurité)
[236] Le Commissaire reproche aux agents Jones et Giroux de ne pas avoir bouclé la
ceinture de sécurité de M. Smith-Jacob.
[237] Les policiers reconnaissent ne pas l’avoir bouclé durant le transport, mais ils
expliquent les motifs de cette décision.
[238] En premier lieu, après l’arrestation de M. Smith-Jacob et tel que prévu par le
protocole, compte tenu du fort achalandage de festivaliers et afin d’éviter tout
débordement, les policiers se sont dirigés au point de rencontre, en l’occurrence au
Manège militaire.
[239] Cependant, compte tenu de l’état d’agitation de M. Smith-Jacob et de la courte
distance, ils n’ont pas bouclé sa ceinture de sécurité.
[240] Dans les circonstances, le Comité constate que les policiers étaient justifiés de
ne pas boucler la ceinture de sécurité d’autant plus que, étant crédible le fait qu’il y avait
encore beaucoup de festivaliers sur la Grande Allée, ils ont circulé prudemment à une
vitesse d’environ 10 km/h.
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PAGE : 27
[241] En second lieu, à la suite de la séquence houleuse où l’agent Jones a tenté en
vain d’aller boucler la ceinture de sécurité de M. Smith-Jacob, les policiers ont décidé,
pour des raisons de sécurité, de ne pas procéder à une deuxième tentative.
[242] Le Comité évalue comme raisonnable cette décision des policiers.
[243] En effet, une autre tentative pouvait entraîner un risque de blessure pour
M. Smith-Jacob ou pour eux-mêmes.
[244] C’est à cette conclusion qu’en est arrivé le Comité dans l’affaire Commissaire à
la déontologie policière c. Albert5 où, comme dans le présent dossier, les policiers n’ont
pu boucler la ceinture de sécurité de la personne assise sur la banquette arrière étant
donné son niveau d’agressivité.
[245] Les explications des policiers Giroux et Jones ainsi que la jurisprudence du
Comité amènent ce dernier à conclure que, dans les circonstances, ils n’ont pas dérogé
au Code de déontologie des policiers du Québec6.
[246] POUR CES MOTIFS, après avoir entendu les parties, pris connaissance des
pièces déposées et délibéré, le Comité DÉCIDE :
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Chef 1
[247] QUE l’agent MICHAEL JONES, matricule 3114, membre du Service de police de
la Ville de Québec, le 7 juillet 2012, à Québec, n’a pas enfreint les dispositions
de l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir manqué de
respect ou de politesse);
5
6
2013 QCCDP 11 (CanLII).
RLRQ, c. P-13.1, r. 1.
C-2014-3985-2, C-2014-3986-2 et C-2014-3987-2
PAGE : 28
Chef 2
[248] QUE l’agent MICHAEL JONES, matricule 3114, membre du Service de police de
la Ville de Québec, le 7 juillet 2012, à Québec, n’a pas enfreint les dispositions
de l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir eu recours
à une force abusive);
Chef 3
[249] QUE l’agent MICHAEL JONES, matricule 3114, membre du Service de police de
la Ville de Québec, le 7 juillet 2012, à Québec, n’a pas enfreint les dispositions
de l’article 10 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir eu recours
à une force abusive envers une personne placée sous sa garde).
C-2014-3985-2
Chef 1
[250] QUE l’agent MAXIM GIROUX, matricule 3163, membre du Service de police de
la Ville de Québec, le 7 juillet 2012, à Québec, n’a pas enfreint les dispositions
de l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (ne pas intervenir
auprès de son collègue);
Chef 2
[251] QUE l’agent MAXIM GIROUX, matricule 3163, membre du Service de police de
la Ville de Québec, le 7 juillet 2012, à Québec, n’a pas enfreint les dispositions
de l’article 10 du Code de déontologie des policiers du Québec (ne pas
intervenir auprès de son collègue).
C-2014-3985-2, C-2014-3986-2 et C-2014-3987-2
PAGE : 29
C-2014-3987-2
Chef 1
[252] QUE les agents MICHAEL JONES, matricule 3114, et MAXIM GIROUX,
matricule 3163, membres du Service de police de la Ville de Québec,
le 7 juillet 2012, à Québec, n’ont pas enfreint les dispositions de l’article 7 du
Code de déontologie des policiers du Québec (ne pas avoir bouclé la ceinture de
sécurité);
Chef 2
[253] QUE les agents MICHAEL JONES, matricule 3114, et MAXIM GIROUX,
matricule 3163, membres du Service de police de la Ville de Québec,
le 7 juillet 2012, à Québec, n’ont pas enfreint les dispositions de l’article 10 du
Code de déontologie des policiers du Québec (ne pas avoir bouclé la ceinture de
sécurité).
Pierre Drouin, avocat
Me Fannie Roy
Procureure du Commissaire
Me Robert DeBlois
Procureur de la partie policière
Lieu des audiences : Québec
Dates des audiences : 7, 8 et 9 juillet 2015