« Récit et dramaturgie dans la trilogie Sad Face / Happy Face de la

Transcription

« Récit et dramaturgie dans la trilogie Sad Face / Happy Face de la
« Récit et dramaturgie dans la trilogie
Sad Face / Happy Face de la Needcompany »
par Gabrielle Girot
Rares sont les études sur le théâtre flamand à s’être intéressées à la question des textes qui
sont mis en scène. Pourtant, si la plupart des metteurs en scène reprennent des textes
classiques ou contemporains, ils le font rarement sans le réécrire ou au moins le modifier à
partir de leur expérience de la scène. Certains vont même jusqu’à écrire et mettre en scène
leurs propres textes, qu’ils affirment et revendiquent comme textes de théâtre. C’est ainsi que
Jan Fabre a publié l’ensemble des textes qu’il a écrits pour la scène ou que Jan Lauwers, après
avoir réécrit certains classiques, a écrit, mis en scène et publié les trois pièces de la trilogie
Sad Face / Happy Face. Le texte paraît donc être un des éléments importants de la création
théâtrale flamande. Mais plutôt que de m’intéresser aux raisons de ces rares études sur les
écritures dans le théâtre flamand, je me propose ici d’analyser en profondeur la nouvelle
dramaturgie mise en place par Jan Lauwers, d’abord textuelle puis scénique, et les
conséquences sur l’évènement théâtral de la représentation, à partir des trois pièces de la
trilogie Sad Face / Happy Face, La Chambre d’Isabella, Le Bazar du Homard et La Maison
des Cerfs.
La parole dans la trilogie Sad Face / Happy Face
Ces trois textes apparaissent comme assez conventionnels. Le texte est divisé en scène,
chacune ayant un titre. La progression de la pièce se fait suivant la prise de parole des
différents personnages présents, annoncée par leur nom en début de ligne. Il y a des
didascalies de temps, de lieux et d’actions, des monologues et des dialogues. La forme
textuelle affirme elle-même une structure théâtrale. A première vue, ces trois textes sont des
pièces de théâtre. La parole est donc la composante principale de l’écriture de Jan Lauwers.
Reste à savoir si elle est émise par des instances reconnues comme théâtrales et dans des
conditions propres à une représentation.
Chaque texte de la trilogie est envisagé par l’auteur sous deux formes, d’abord écrite – ce qui
forme la dramaturgie textuelle - puis dite – la dramaturgie scénique. Ce qui relie ces deux
aspects, ce sont les mots, parole d’un personnage sur le papier, voix sortant d’un corps sur la
scène. L’analyse de ces deux instances énonciatrices – parole et voix – permet de comprendre
la place de la parole dans le théâtre de la trilogie de Jan Lauwers.
Une étude approfondie des trois textes permet de déceler plusieurs modes d’énonciation des
personnages.
Le premier est celui du récit. Il est le principe directeur de l’ensemble de la trilogie : dans la
pièce La Chambre d’Isabella, Isabella et les autres personnages de la pièce, dont celui qui se
nomme « le narrateur » - nom de personnage hautement symbolique sont là pour raconter les
histoires qui composent sa vie ; Le Bazar du Homard est une constellation de récits de vie des
différents personnages qui se remémorent leurs actes passés1 ; la première partie de La Maison
des Cerfs donne à entendre des petites histoires personnelles tandis que la deuxième partie
1
donne à voir la reconstitution d’une histoire imaginée par tous les personnages. La narration
est un procédé très utilisé dans les pièces de théâtre pour narrer un fait qui ne s’est pas déroulé
sur scène mais qui est nécessaire à la compréhension du déroulement de l’action. Cet acte
d’énonciation pose la parole immédiatement comme adressée aux autres personnages présents
sur scène. Pour Jan Lauwers cependant, cette adresse est double : le récit s’adresse aussi aux
lecteurs et aux spectateurs. C’est ce qui apparaît clairement avec certains marqueurs textuels
de la narration. Que ce soit Isabella, Axel ou Vivianne, les personnages principaux de
chacune des pièces, chacun à son tour interpelle directement son auditoire par l’impératif
« Imaginez-vous »2. Le récit permet donc une adresse entre les instances d’énonciations
textuelles ou scéniques et leurs interlocuteurs et donc une double conscience permanente : les
personnages sont à la fois les narrateurs et les acteurs de leur propre histoire face à des
spectateurs, qui sont à la fois auditeur de personnages et auditeurs de narrateur.
Le deuxième mode d’énonciation utilisé par Jan Lauwers est le commentaire. En effet, la
conscience pour les personnages d’être en train de raconter une histoire leur permet d’adopter
une certaine distance vis-à-vis de leur narration et d’être critique à son endroit. Ils peuvent
exprimer leur avis concernant ce qui est dit sur scène3, anticiper sur ce qui va être dit4, décider
de supprimer un passage du récit5, s’interroger sur le déroulement même du récit, ses raisons
d’être et ses conséquences6. Ce mode d’énonciation permet d’intégrer directement les
marqueurs de présence des interlocuteurs dans les énoncés : les lecteurs ou les auditeurs des
récits sont impliqués dans les commentaires.
Le troisième mode d’énonciation que l’on retrouve dans les trois pièces de la trilogie est celui
de l’hypothèse. Certains récits sont issus non de faits donnés comme passés par les
personnages mais de leur imagination à partir de différentes suppositions7 : la mort ou la
naissance d’un personnage, sa présence ou non lors d’un événement, etc. L’hypothèse est un
marqueur fort de la conscience pour les personnages d’être des êtres de paroles qui n’existent
que par ce qu’ils disent ou bien ce que l’on dit sur eux8.
Enfin, le quatrième mode d’énonciation est l’affirmation, lorsque les énoncés sont à l’origine
des actions réalisées sur scène : ce qui est dit par un personnage se réalise en temps réel sur la
scène. Ainsi, lorsque le personnage du narrateur narre la rencontre entre Isabella et Alexander
lors d’une lecture de James Joyce dans une librairie, il structure en même temps la scène : il
décrit précisément la scène et dirige en même temps les comédiens. Au moment où il explique
qu’Isabella tombe évanouie, la comédienne qui joue Isabella se met à vaciller et il la pousse
dans les bras d’Alexander en même temps qu’il prononce : « Puis elle s’est évanouie dans les
bras de, oui… Alexander. »9. Il dévoile donc la construction même du jeu sur scène : la
narration devient affirmation d’une action qui se réalise sous les yeux des spectateurs. Et ce
processus est repris de nombreuses fois dans chacune des trois pièces.
Ces quatre modes d’énonciation mettent en place la double conscience comme un principe
d’écriture à l’origine de la dramaturgie textuelle. Cela a d’inévitables répercussions sur la
dramaturgie scénique et la façon dont les comédiens s’approprient cette double conscience.
2
De la double conscience de la dramaturgie textuelle à la triple
conscience de la dramaturgie scénique
Jan Lauwers n’a pas publié l’ensemble des paroles qui sont dites sur scène, notamment
l’introduction de La Chambre d’Isabella. Au début du spectacle, toute la troupe arrive sur
scène. Jan Lauwers, l’auteur et metteur en scène, prend alors la parole et présente les
comédiens en expliquant aux spectateurs qui va jouer quel personnage et en résumant
rapidement l’histoire qui va se dérouler sous leurs yeux. Il met en évidence le premier
protocole de la représentation qui ordinairement se fait dans les coulisses, à l’abri du regard
des spectateurs : le passage du comédien au personnage. Dans l’ouverture de la trilogie, ce
passage se fait sur la scène : les acteurs portent donc en eux la conscience d’être en train de
jouer tout comme les spectateurs voient ce passage et portent en eux la conscience d’assister à
une pièce de théâtre. Cette conscience a une conséquence sur l’ensemble du jeu qui va suivre
pour toute la trilogie : les comédiens pensent la scène et leur place sur la scène pendant leur
jeu ; ils ne se cachent pas entièrement derrière leurs personnages ; ils se révèlent en tant
qu’acteur en pensant la situation dans laquelle ils évoluent à partir d’eux-mêmes et sont donc
perçus comme étant à l’origine de toutes les actions avant que celles-ci ne soient attribuées
aux personnages. Même si la présentation n’est pas reprise pour les deux autres pièces de la
trilogie, ce processus de conscience perdure du fait de sa mise en place en préambule.
La double conscience des personnages et donc des comédiens présente dans la dramaturgie
textuelle est redoublée dans la dramaturgie scénique, mettant en place trois espaces : l’espace
théâtral où des comédiens présents sur une scène font face à des spectateurs assis dans une
salle, l’espace fictionnel où des personnages racontent une histoire sur une scène éclairée pour
des spectateurs plongés dans le noir, l’espace actionnel où les personnages agissent et
réalisent en temps réels devant les spectateurs les actions évoquées par la narration. Ces trois
espaces sont totalement et de manière permanente intégrés au processus de dramaturgie
textuelle et scénique et mettent en action une triple conscience chez les comédiens et les
spectateurs, triple conscience à l’origine du contrat sous-jacent aux représentations de ces
trois pièces.
La dissolution entre croyance et simulation : la performativité
Cette construction de la dramaturgie textuelle et scénique impose alors un dialogue spécifique
entre la scène et la salle que l’on peut rapporter à une notion de jeu, le « on dirait que… » des
enfants qui jouent, tel que l’analyse Hans-Georg Gadamer dans son ouvrage Vérité et
Méthode : les grandes lignes d’une herméneutique philosophique10. Il y examine la notion de
jeu, qui est avant tout un principe de comportement. D’après son analyse, les joueurs
s’extraient d’une « existence active et prévoyante »11 pour exécuter des mouvements dont ils
n’ont plus à assumer l’initiative – car elle s’enracine dans les règles du jeu - et qui ne trouvent
de but que dans leur exécution – but défini par ces mêmes règles du jeu -. C’est le « on dirait
que » des enfants qui distribue les rôles de chacun et établit des règles qui n’ont de valeur que
par la parole mais qui pourtant régit leur comportement ; il faut faire « comme si » on était ce
personnage, tout en sachant très bien qu’on ne l’est pas et que donc tout ce que l’on fait, tout
ce que l’on dit n’a de valeur et d’effectivité que dans cet espace de parole créé par l’adhésion
de chacun des joueurs au jeu. A cette notion d’existence du jeu non comme imitation mais
bien comme mouvement en lui-même et pour lui-même, Hans-Georg Gadamer ajoute la
notion de « sérieux ». Le joueur développe un rapport au jeu différent du rapport qu’il a au
3
monde. S’il prend au sérieux les buts sérieux du monde, il prend aussi au sérieux les buts du
jeu qu’il sait tout de même n’être pas des buts importants du monde. Le jeu est donc une sorte
d’espace mental partagé par tous les joueurs qui sont absorbés par celui-ci. Ainsi, la
conscience des joueurs oscille sans cesse entre être et jouer de telle sorte que « la distinction
entre croyance et simulation se dissout »12.
Cette définition du jeu semble tout à fait adéquate pour caractériser le jeu mis en place par la
parole dans la trilogie Sad Face/Happy Face : les récits définissent un espace fictionnel où les
comédiens comme les spectateurs font semblant de prendre Viviane De Muynck pour
Isabella, Anneke Bonnema pour Anna ou Hans Petter Dahl pour Alexander. On peut alors
parler de la dissolution entre « croyance » et « simulation » dans le sens où Jan Lauwers ne
demande pas aux spectateurs de croire ni aux comédiens de simuler mais bien plus de se
laisser guider par le pouvoir de la parole, ce pouvoir performatif, tel qu’Austin l’a défini dans
son ouvrage How to do things with words : les mots peuvent être à la fois énonciatifs et
performatifs lorsque leur énonciation constitue simultanément l’acte auquel il se réfère.
L’espace fictionnel et l’espace actionnel sont issus de ce contrat passé avec les spectateurs :
ils sont constitués à la fois de la parole des personnages et de l’imagination des spectateurs
qui par leur rencontre créent ces deux espaces. Des histoires peuvent y être racontées et
imaginées, des histoires qui ont leur propre réalité, indépendantes du monde extérieur, de ses
buts utiles et de son efficacité nécessaire, des histoires qui ne trouvent leur accomplissement
que dans leur récit, et dans l’imagination des spectateurs. Cette notion de jeu sur la scène a
une répercussion sur la perception des spectateurs : ils ont toujours conscience de cette dualité
du sérieux ; ils savent que la scène construit un monde de paroles, une parole performative,
complètement autonome vis-à-vis du déroulement du monde extérieur et qui a sa réalité
propre.
La parole performative des narrations
La Chambre d’Isabella - Polyscopie des récits de vie
C’est la parole performative qui préside à l’apparition et à la construction des trois espaces de
la trilogie Sad Face / Happy Face, dont les modes d’énonciation sont le moteur.
L’étude approfondie des procédés de la narration telle qu’utilisée dans les trois pièces montre
une évolution de sa structure.
S’il y a, dans La Chambre d’Isabella, un narrateur qui donne des indications objectives de
temps et de lieu, il n’en reste pas moins qu’une grande partie des narrations est prise en
charge par Isabella. En effet, c’est elle qui raconte sa vie, donne le rythme de la narration,
structure les différentes histoires qui s’enchâssent, effectuant une sorte de rétrospection de son
enfance à aujourd’hui, s’arrêtant sur les moments les plus importants pour elle, passant sur les
évènements qui ne lui ont laissé qu’un vague souvenir. Pour ne prendre qu’un exemple de
cette structuration totalement personnelle de la narration, nous pouvons nous arrêter sur la
façon dont elle traite sa descendance : si de nombreux passages sont consacrés à ses amants,
elle ne porte que peu d’intérêt à sa grossesse ou à son accouchement qui ne sont évoqués
qu’en deux lignes. Elle ne parle même pas de sa fille alors qu’elle va énormément s’attacher à
son petit-fils qui a donc droit à un long récit sur sa vie et leur relation commune. Cette
différence de traitement peut-être résumée par cette phrase d’Isabella qui ne se souvient
même pas de la date de naissance de sa fille et qui la demande à son petit-fils :
4
« Isabella : […] attends, ma fille a maintenant… Franck, quel âge a ta mère
maintenant ? »
13
La narration est ici structurée comme un « récit de vie » tel que Françoise Heulot et Mireille
Losco l’envisagent dans le Lexique du Drame Moderne et Contemporain14 :
« fortement lié à la subjectivisation du drame moderne puisque le réel y est filtré par
l’intériorité du personnage, le récit de vie vise à rendre compte d’un parcours global,
réorganisé par la parole dans le but de lui donner un sens. »
15
L’ellipse à propos de la fille d’Isabella illustre bien le fait qu’Isabella impose sa propre vision
de sa vie. La narration est donc totalement subjective.
Mais ce n’est pas seulement Isabella qui porte la narration dans cette pièce. La parole circule
entre les personnages pendant toute la pièce. Les autres personnages portent eux aussi les
récits à partir de leur subjectivité. Ils racontent ce qu’ils ont vu, vécu, ressenti et non pas ce
qui s’est passé objectivement. Ainsi, Arthur décrit longuement sa vie de vagabond après le
suicide d’Anna ; en comparaison, la description de sa mort - qui ne prend qu’une ligne - paraît
être seulement évoquée. À l’inverse, la vie de Franck est très peu évoquée tandis que sa mort
constitue un long passage de sa narration et de celle d’Isabella. Les faits ne sont donc soumis
à aucune objectivité de temps ou de déroulement. Ils sont totalement soumis à leur perception
par les différents personnages qui leur accordent en conséquence plus ou moins d’intérêt et
donc de place dans leurs différentes narrations. On voit ainsi que dans un récit de vie, ce qui
compte, c’est moins le récit lui-même que la présence de la subjectivité du personnage que
l’on y saisit. Dans La Chambre d’Isabella, les récits étant portés par tous les personnages, on
peut en conclure que cette pièce permet d’entendre un kaléidoscope de subjectivités
organisant le récit, une « polyscopie »16 de narrations tel que l’entend Barbara MétaisChastanier dans son article « L’ « Art » du montage chez Reza ». C’est grâce au pouvoir
performatif de la parole que cet éclatement des récits en plusieurs niveaux énonciatifs
subjectifs peut être mis en place dans la dramaturgie textuelle et scénique de la trilogie : en
donnant le pouvoir créateur à la parole, Jan Lauwers affirme la prégnance de l’énonciateur et
son pouvoir de faire advenir sa propre interprétation des évènements, non comme une illusion
ni comme une vérité mais comme un fait affirmé. Le Bazar du Homard lui permet de faire
évoluer ce pouvoir performatif de la parole.
La Bazard du Homard – De la variation au montage
Dans Le Bazar du Homard, Jan Lauwers pose la parole émise par les personnages comme la
principal moteur de la dramaturgie textuelle : c’est parce que les personnages ont quelque
chose à dire qu’il y a pièce de théâtre, et c’est parce qu’ils ne veulent plus parler sur scène que
la pièce se clôt. C’est Axel qui ouvre la pièce en voulant raconter son histoire. Ensuite les
personnages entrent et sortent pendant toute la pièce de manière aléatoire, prennent la parole
sans raison et s’arrêtent de parler sans que l’on sache pourquoi. A un moment, tous les
personnages sont sortis sauf Theresa et Jef qui continuent de dialoguer puis ils sortent en
pleine conversation sans que l’on connaisse le mot de la fin, l’auditeur ayant l’impression que
leur discussion continue dans les coulisses. La parole imprime sa logique aux évènements qui
se déroulent sur scène.
La polyscopie devient donc le principe organisateur de l’écriture de cette pièce en faisant de
chacun des personnages des possibles narrateurs, qu’ils aient assisté ou non aux évènements
passés, qu’ils soient partie prenante ou non des événements présents ou à venir. Chaque
personnage donne sa vision, sa version des faits qui sont racontés sur scène. On assiste donc
parfois à plusieurs récits d’un même fait, comme c’est le cas par exemple de l’explication de
5
la mort de Jef, fils du personnage principal, Axel et de sa femme Theresa17. La polyscopie
permet alors de développer une sorte de variation des évènements concernés : suivant le
personnage qui prend en charge la narration, l’événement sera situé dans un lieu et un temps
différent de la narration précédente comme de la suivante, avec des protagonistes différents,
et un enchaînement différent des actions. La parole performative permet alors une variation
polyscopique des narrations qui là encore ne cherche pas à affirmer une vérité mais bien
plutôt à donner à entendre l’ouverture des possibles et leur avènement. Les lecteurs et
spectateurs sont alors mis dans une situation de perception démultipliée : ils perçoivent non
pas seulement un récit mais l’ensemble des récits donnés possibles par la multiplicité des
variations de chacun des personnages.
La dramaturgie textuelle prend la forme du montage, notion issue du cinéma qui entraîne la
saisie du film monté dans sa continuité temporelle par la juxtaposition des plans alors que ces
derniers peuvent renvoyer à un déroulement temporel fragmenté dans le film. Le montage
permet aussi d’avoir plusieurs plans d’une même scène suivant plusieurs angles. C’est par la
continuité du temps auquel est soumis irrémédiablement le spectateur qu’il donnera un sens,
celui de sa perception ou celui de son imagination.
« Le montage est l’art d’exprimer […] quelque chose qui n’est pas contenu dans
aucun des deux plans pris séparément. »
18
La relativité des points de vue et des juxtapositions des différents espace-temps permet de
créer un « temps holistique »19, c’est-à-dire un temps global qui prend un sens différent du
sens des fragments séparés. C’est un temps qui ne se comprend que dans sa répétition toujours
différente. Le montage, malgré sa discontinuité formelle, crée une continuité temporelle qui
invite tout spectateur à trouver un sens rétrospectif à la totalité qu’il ne pourrait pas saisir dans
les seuls fragments.
La Maison des Cerfs – De l’enquêteur au témoin
La dramaturgie textuelle de La Maison des Cerfs remplace parfois, on l’a vu, la narration par
l’hypothèse. C’est la thématique même de la pièce qui implique ce changement de mode
d’énonciation qui affecte donc le statut de la parole. La première partie de la pièce voit les
comédiens accueillir le personnage de Tijen à son retour du Kosovo. Ils sont dans les loges et
semblent se préparer pour un spectacle. La conversation tourne autour de ce qu’elle a vécu
avec quelques digressions où chaque comédien raconte une anecdote personnelle que ce soit
l’histoire de Hans Petter sur l’accident de voiture ou le récit de la mort de son frère par
Maarten. Face à toutes ces histoires dont chaque personnage maîtrise bien la narration avec un
début, un événement, sa résolution et sa fin, Tijen, elle, se retrouve avec une histoire trouée
dont elle connaît seulement le début – son frère est photographe de guerre et est allé au
Kosovo pour un reportage sur les combats qui s’y déroulent et il a disparu : « La dernière
voiture dans laquelle il a été aperçu appartenait à la Croix Rouge. Je ne comprends pas. Un
photographe de guerre qui monte dans une ambulance et puis qui disparaît »20. Elle se trouve
désemparée face à cette histoire incomplète, mais n’arrive pas, avec les éléments qui sont à sa
disposition à trouver les réponses : certains personnages la poussent à enquêter à partir de ce
qu’elle a découvert au Kosovo, d’autres l’incitent plutôt à tourner la page. La deuxième partie
de la pièce voit les personnages enquêter eux-mêmes sur cette narration trouée : ils vont créer
à même la scène l’histoire du frère de Tijen, telle qu’ils l’imaginent tous ensemble. A partir
des données connues de tous, - Benoît (le frère de Tijen dans La Maison des Cerfs) a disparu
lorsqu’il est parti à la recherche de la maison des cerfs - tous peuvent donner leur avis sur les
directions à donner à l’histoire, sur les conséquences des différentes décisions, sur les bonnes
6
histoires et les mauvaises. Chacun peut formuler des hypothèses sur la suite à donner à la
pièce. La parole devient alors le catalyseur de la dramaturgie textuelle et scénique. Parce
qu’elle est performative, elle donne à voir en même temps qu’elle est prononcée l’avènement
des différentes hypothèses d’histoires. Dans une oscillation permanente entre l’invention de
l’histoire - et donc la conscience d’être en train de créer de la fiction - et leur personnage dans
l’histoire, les personnages fabriquent l’histoire de la maison des cerfs. Les lecteurs et les
spectateurs assistent à une construction en temps réel de l’espace fictionnel et actionnel. Les
personnages échafaudent des histoires hypothétiques, testent leur validité en imaginant leurs
conséquences ou en remaniant leur passé. Chacun cherche à fabriquer une bonne histoire,
mais alors que pour Maarten, il ne faut pas qu’elle soit trop noire, pour Hans Petter ce sont les
histoires « avec beaucoup d’incestes et de meurtres »21 qui sont les meilleures. Cette réflexion
sur les multiples possibles des histoires face aux données initiales trouve son apogée dans
l’arrivée sur scène de Juliette (la fille de Julien et Inge) et Daniel (le fils supposé de Julien et
Grace), lorsque les personnages imaginent les retrouvailles avec Julien qui aurait quatrevingt-quatorze ans. Juliette est jouée par Anneke et Daniel par Hans Petter ; tous les deux
portent des perruques avec les cheveux longs et parlent avec des voix traînantes et nasillardes
puisqu’ils jouent « un couple très âgé »22 comme il est dit dans les didascalies. Cependant, ce
n’est pas une définition quelconque de « la bonne histoire » qui permet de valider une des
hypothèses. Ce ne sont pas les personnages qui tranchent finalement pour savoir quelle
histoire doit advenir. Face à toutes les hypothèses qu’ils élaborent, l’action suit son cours par
des accidents.
En effet, lorsqu’ils tombent finalement tous d’accord pour venger Benoît, ce dernier demande
la grâce de Julien :
« Maarten, arrête. Vous voulez vraiment le tuer ? Il n’est pas question que Julien
meurt. Je ne faisais que vous provoquer. […] Maarten, laisse tomber. Laisse-le
partir. »
23
Mais Maarten ne l’écoute pas et tire quand même. Mais après son geste, il est incapable
d’expliquer la raison qui l’a poussé à faire cela :
« Je ne sais pas. Je n’avais jamais fait une chose pareille. Peut-être que je voulais
simplement voir ce qui arriverait. Peut-être que le pistolet est parti tout seul. Ou
alors je voulais secrètement que le coup parte. Ou bien, l’envie de faire partir le
coup était plus grande que la conscience des conséquences. C’est étrange, au
fond. »
24
Il n’a pas décidé de tirer. Cela s’est passé. On voit donc que la thématisation du déroulement
d’une bonne histoire avec l’étude de ses différents possibles et des suites des actions
impliquées ne répond finalement pas à la question de la raison de son déroulement. L’enquête
collective et abstraite sur la fabrication d’une histoire interroge la narration en tant que
processus. Les hypothèses ne sont donc pas là pour être validée mais seulement testée face à
un auditoire qui en devient le témoin.
La dramaturgie textuelle apparaît alors comme l’auscultation des protocoles de la
représentation scénique. La conscience nécessaire d’être en train de raconter une histoire pour
les personnages implique un questionnement sur le processus de narration, sa construction et
son déroulement. L’auteur transmet ses interrogations aux personnages, qui les donnent à
entendre aux lecteurs et aux auditeurs. Car en effet, le principal but est de toucher les
spectateurs et de leur faire prendre conscience de leur position fondamentale au théâtre : ils
sont non seulement les réceptacles des histoires mais aussi les fabricants puisqu’à partir de la
7
toute-puissance des paroles, ils construisent les différents espaces. Ce sont eux qui imaginent
et donnent vie à ces consciences : ils sont les témoins non pas pour affirmer la validité ou la
vérité de la parole performative mais pour attester qu’elle a bien eu lieu. Sans eux, la parole
ne peut pas atteindre ce statut si particulier.
Créer une communauté par la parole
« Needcompany playfully projects the narrative dilemma that we need stories to
make sense of our lives and that we are, at the same time, written by narrative scripts
that already exist. »
25
Comme le fait remarquer Felix Sprang dans son article intitulé « Turns on narrative turn »,
Jan Lauwers rend les spectateurs complices de la création de l’histoire racontée par ses
personnages ; il crée ainsi une communauté autour de l’histoire déjà existante des
personnages présents sur scène et autour de l’histoire qui se raconte au présent entre les
comédiens et les spectateurs, histoire qui n’existe pas encore mais se crée à même la scène.
Les spectateurs qui assistent à la même représentation, tout en sachant qu’ils ne voient pas la
même chose, n’imaginent pas la même chose, sentent qu’ils appartiennent cependant à la
même expérience, au même moment et au même espace. Ce que Jan Lauwers nous propose
de vivre à chaque fois qu’il donne à voir sa pièce, c’est le partage d’un sentiment
d’appartenance à la communauté théâtrale. La parole performative n’est pas ici un résultat
mais une impulsion. Jan Lauwers réhabilite la question du comment faire du théâtre :
« Quand Duchamp a lancé une bombe atomique dans l’art. C’était important à faire,
mais il n’y a pas eu de construction après cette déconstruction. Je constate qu’il n’a
pas construit. Dans une interview, il dit on a détruit Dieu et on l’a remplacé par l’art
mais Dieu était beaucoup plus intéressant. Quand on voit Michel-Ange, la chapelle
Sixtine, c’est pour Dieu, c’est pour le pape, c’est très clair. »
26
Posant la parole comme toute-puissance de son théâtre, il interroge les fondements de ce
pouvoir : chaque pièce analyse un aspect de la puissance de la parole performative sur la
scène face au dispositif de la représentation qui contient toujours les trois espaces.
Parler au passé – la parole d’une mémoire au présent
La plupart des narrations présentes dans la trilogie Sad Face / Happy Face sont avant tout des
constructions du passé. C’est ce que Jan Lauwers nomme lui-même à travers la description du
personnage d’Arthur la philosophie du « boudhhanton ». Comme le remarque Erwin Jans
dans son dossier dramaturgique27, cette contraction de Bouddha et Marc-Antoine est un
« mélange d’une religion sans dieu et d’une conscience préchrétienne ». Jan Lauwers esquisse
donc un rapport à la tradition débarrassé du poids de la notion même de souvenir en
s’inspirant des sociétés dites traditionnelles. Le passé y est sans cesse présent, c’est-à-dire que
les attitudes, les comportements de la vie quotidienne matérielle tout autant que de la vie
morale et spirituelle, témoignent de leur capacité de recréer le sens mythique et symbolique.
Les mêmes gestes sont répétés à des années de distance non de manière machinale ou
stéréotypée mais dans l’optique de faire advenir le sacré lui-même. Chaque acte est ritualisé et
porte donc en lui tout le passé qui l’a construit et transmis. Isabella, qui ne sait plus se servir
des objets africains que lui a légués son père, leur réinvente des fonctions grâce à son
imagination : « le vase de libation, elle s’en servait comme salière et le lourd pénis de baleine
montait la garde derrière la porte. »28. Elle leur redonne alors vie, non pas en perpétuant les
gestes sacrés mais en en inventant d’autres qui portent cependant en eux les gestes d’antan.
8
Cette tradition est aussi débarrassée de toute question de culpabilité. Isabella insiste sur le fait
que Marc-Antoine « n’avait jamais honte de ses actes »29. On peut retrouver ici la notion de
complémentarité où des actes exclusifs dans un système logique peuvent cohabiter dans un
autre type de pensée. Dans La Chambre d’Isabella, ni la mort ni la vie, ni le bonheur ni le
malheur, ni la passé ni le présent, ne s’excluent puisqu’ils sont tous inclus dans les narrations.
Le principal marqueur de cette non-exclusivité est la présence des personnages morts dans le
temps présents de la narration. Ils ne sont alors pas exclus de la narration : ils peuvent
raconter ce qui s’est passé mais aussi faire des commentaires ou encore faire des hypothèses
sur des évènements auxquels ils n’ont pas assisté car ils étaient morts. Cette présence mêle
mort et vie, passé et présent de manière intrinsèque. La scène est alors le lieu où mémoire et
vie ne font qu’un, grâce à la parole.
Parler au futur – l’imprévision de la parole
Avec Le Bazard du Homard, Jan Lauwers interroge le pouvoir de la parole à partir des
procédés d’écriture de la science-fiction. L’univers référentiel paraît ordinaire au spectateur
avec des éléments connus comme le restaurant, la mer, les voitures, les rues, … mais il n’est
pas l’univers que nous connaissons. L’auteur imagine comment le monde sera dans quelques
années. Jan Lauwers s’est prêté à cet exercice en « espér[ant] que tout se passe bien ». Malgré
la crise d’identité que connaît la génération de Salman et Nasty et malgré le constat que « le
seul malheur était qu’ils soient encore en vie » ils vivent toujours et encore. Même si la vie
pour eux n’a plus aucune valeur, qu’ils mettent sans cesse leur vie en danger, ils persévèrent
dans leur existence. Ils continuent ainsi à faire exister le futur et rendent impossible toute
prévision – leur action est « arbitraire et jamais ciblée »30 -. Dans cette pièce, on l’a vu, la
parole n’est plus garante de la stabilité du sens mais au contraire, de l’ouverture aux possibles,
de l’acceptation de l’incertitude. La parole est alors ce qui permet la persévérance de
l’existence des personnages et de la pièce. Si l’histoire présentée prend racine dans
l’indécision du futur après la fin des utopies et des idéologies alternatives, il y a encore de la
vie, car il y a encore de la parole. Cet auteur rétablit par là la valeur du futur oubliée par
l’accélération et la vitesse, maîtresse de l’existence actuelle : l’inconnu de l’avenir qui permet
espoir et existence.
La Maison des Cerfs – La parole au présent comme rencontre de l’autre
Le thème principal de la dernière pièce de la trilogie Sad Face/Happy Face est celui de la
guerre. De par sa constitution, la guerre est au présent : la menace permanente de la mort fait
que le passé n’intervient plus et que l’avenir n’existe plus. Chaque pensée pourrait être la
dernière, chaque geste peut entraîner la fin. Et le vivant n’a plus d’avenir dans la mort, seuls
les vivants vivront le futur du mort. C’est cette temporalité spéciale de la guerre que La
Maison des Cerfs cherche à faire vivre aux spectateurs en inventant au fur et à mesure
l’histoire à raconter. La guerre crée et anéantit les histoires justement parce qu’elle est une
force du présent. La guerre est habituellement perçue à travers son traitement par les médias :
elle est proche et lointaine à la fois pour les membres des sociétés occidentales. Proche parce
que tous les jours des images et des récits de guerre nous parviennent par le biais des médias,
proche parce que physiquement elle se déroule parfois à deux heures d’avion des capitales
européennes ; mais éloignée parce que ces images et ces récits n’ont aucun ancrage spatial,
confinées au réseau numérique de communication ; et elles ne sont pas enracinées dans un
temps ou un espace bien définit ; éloignée parce que l’écran nous empêche de nous sentir
concerné. Ainsi, la guerre est souvent pour nous synonyme d’un présent dématérialisé et
instantané, un présent qui ne nous touche pas. La façon dont Jan Lauwers fait entrer la guerre
sur la scène rompt avec ce faux présent. Dans la première partie de La Maison des Cerfs,
Tijen raconte ses émotions et ses sentiments au contact de la guerre ; même si elle est un
9
intermédiaire et nous fait vivre la guerre en différé, elle est un médium concret ; ses émotions
et ses sentiments passent par son corps, le timbre de sa voix, … La guerre entre physiquement
dans la pièce et s’établit dans son temps présent. Dans la deuxième partie, la guerre est un
bruit sourd qui entoure la maison des cerfs et s’y abat par ricochet lorsque Benoît puis Tijen y
entre. Le temps présent de la guerre correspond alors au temps présent de la scène : l’histoire
que raconte Benoît à son arrivée à la maison des cerfs illustre bien ce présent irréversible de la
guerre :
« Je prenais des photos d’une exécution de femmes et d’enfants. Ils m’ont forcé à
choisir mon camp. Je leur ai dit que je ne pouvais pas. L’un d’entre eux m’a dit que
c’était un jeu. […] Il y avait une mère et sa fille. Il m’a dit que je pouvais sauver
l’une des deux si j’abattais l’autre. »
31
La guerre implique de faire des choix et d’en vivre les conséquences ; ce temps-là implique la
responsabilité. L’histoire de Benoît est celle de la « zone grise » telle que Primo Lévi la décrit
dans Les naufragés et les rescapés, quarante ans après Auschwitz. En même temps qu’il doit
tuer quelqu’un, il sauve quelqu’un d’autre ; à la fois victime de l’oppression de la guerre,
bourreau de cette même guerre et sauveur. Cette narration pose le dépassement de la frontière
entre le bien et le mal. À partir du moment où Benoît est entrée sur scène, les autres habitants
vont être soumis à ce temps du choix et de la responsabilité de ses actes par la création de
l’histoire qui suit cette intrusion - choisir qui doit mourir et pourquoi, qui doit vivre et
pourquoi, … Le temps de la guerre est celui de l’échange, du dialogue et de la prise de risque
pour rencontrer l’altérité.
C’est dans la rencontre entre les êtres que l’on peut interroger la responsabilité humaine et ses
zones d’ombre. La guerre permet cette rencontre, même si elle se solde souvent par la mort.
De la même manière, le théâtre est cette prise de risque au présent de la rencontre avec
l’altérité. Les spectateurs sont eux aussi responsables des choix qu’ils font face au présent de
la scène, présent spatial et temporel.
Chez Jan Lauwers, la dramaturgie n’est pas un protocole prédéfini dont il faudrait suivre les
règles. Elle se crée d’abord et avant tout au contact de la langue théâtrale qu’il affirme comme
performative et qui engendre un nouveau contrat entre personnage et spectateur : rien d’autre
que ce qui est dit n’existe mais tout ce qui est dit existe. C’est donc en interrogeant la parole
qu’il questionne le monde tel qu’on le fabrique : d’abord à partir des instances énonciatrices,
personnages puis comédiens qui peuvent atteindre jusqu’à une triple conscience – celle du
comédien dans l’espace théâtral, celle du personnage narrateur dans l’espace fictionnel, celle
du personnage agissant dans l’espace actionnel. Cette triple dramaturgie textuelle implique
une nouvelle parole propre à la performativité : l’évacuation de la causalité et de la logique
pour une progression par une parole subjective, multiple et fragmentée, polyscope qui ne
prend sens que dans le fait théâtral – cette communauté d’êtres humains réunis pour voir
d’autres être humains parler et agir. Le sens ne se lit plus alors que dans la nécessaire
impulsion et injonction du langage au spectateur de créer cette communauté de la réception.
Jan Lauwers réhabilité l’interrogation du « comment faire du théâtre » et c’est en cela qu’il
questionne les 3 temps du récit, passé, présent et futur. Parole et narration sont les piliers de la
dramaturgie textuelle de la trilogie. Leur pouvoir au passé, au futur et au présent. Le présent
du théâtre qui fait advenir le temps et l’espace du partage par une parole et donc un monde
ouvert à l’imagination.
10
Bibliographie :
Sources primaires :
• Représentations
o
o
o
o
LAUWERS, Jan. Just for… Toulouse. Théâtre Garonne, Toulouse, 2 décembre 2006.
LAUWERS, Jan. La Chambre d’Isabella. Cloître des Célestins, Avignon, Juillet 2004. Théâtre
Garonne, Toulouse, Octobre 2004. Théâtre de la Ville, Paris, Février 2005. Grand Théâtre de
Provence, Aix-en-Provence, 14 février 2009.
LAUWERS, Jan. Needlap X. Cloître des Célestins, Avignon, Juillet 2005.
LAUWERS, Jan. Sad Face/Happy Face – Une Trilogie – Trois histoires sur la Condition
Humaine. Schauspielhaus, Zürich, 7 décembre 2008.
• Enregistrements vidéo
o
o
o
La Chambre d'Isabella, captation. Réalisé par Needcompany. 2004.
Le Bazard du Homard, captation. Réalisé par Needcompany. 2006.
La Maison des Cerfs, captation. Réalisé par Needcompany 2008.
• Textes
o
o
LAUWERS, Jan. La Chambre d'Isabella suivie de Le Bazard du Homard. Traduit par du
néerlandais par Monique NAGIELKOPF. Arles: Actes Sud - Papiers, 2006.
LAUWERS, Jan. La Maison des Cerfs. Traduit par Olivier Taymans. Paris: Actes Sud-Papiers,
2009.
• Enregistrement audio
o
SEGHERS, Maarten, DAHL, Hans Petter, Sad Face/Happy Face, Studio Luc Deryck, (enreg:
2008).
Sources secondaires :
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
BERGSON, Henri, Matière et Mémoire, essai sur la relation du corps à l'esprit. Paris: PUF,
1959.
BIET, Christian, et TRIAU, Christophe. Qu'est-ce que le théâtre. Paris: Gallimard, 2006.
CORVIN, Michel, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Paris : Larousse-Bordas, 1998.
GADAMER, Hans-Georg. Vérité et Méthode; les grandes lignes d'une herméneutique
philosophique. Traduit par Etienne Sacre. Paris: Edition du Seuil, 1976.
«L'ENERVEMENT.» Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Jan Lauwers L'ENERVEMENT.
Bruxelles: Bozar Book by Fonds Mercator and Palais des Beaux and Needcompany, 2 mars - 6
mai 2007.
LEHMANN, Hans-Thies, Le théâtre Postdramatique. Traduit par trad. de l'allemand par
Philippe-Henri LEDRU. Paris: L'Arche, 2002.
MÉTAIS-CHASTANIER, Barbara, «Le Montage chez Yasmina Réza.» Fabula.
PAVIS, Patrice, Dictionnaire du Théâtre, Paris : Dunod, 1996.
RYNGAERT, Jean-Pierre, SERMON, Julie, Le personnage théâtral contemporain :
décomposition, recomposition, Montreuil-sous-bois : Éditions théâtrales, 2006.
SAISON, Maryvonne, Les théâtres du réel, pratique de la représentation dans le théâtre
contemporain, Paris : L’Harmattant, 1998.
SALMON, Christian, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les
esprits. Paris: La Découverte, 2008.
SARRAZAC, Jean-Pierre, ouvrage collectif. Lexique du drame moderne et contemporain.
Paris: Circé, 2004.
STALPAERT, Christel, LE ROY, Frederik, BOSSUER, Bousset. No Beauty For Me There
Where Human Life Is Rare, On Jan Lauwers' Theatre Work with Needcompany. Ghent:
Academia Press and International Theatre and Film Books, 2007.
SZONDY, Peter. Théorie du drame moderne, 1880-1950. Traduit par trad. de l'allemand par
Patrice Pavis. Paris: L'âge d'homme, 1983.
11
1 Axel ouvre la pièce en disant : « Once upon a time » traduit en français par « Il m’est arrivé un jour » in
LAUWERS, Jan, La Chambre d'Isabella suivie de Le Bazard du Homard, trad. du néerlandais par Monique
NAGIELKOPF, Arles: Actes Sud - Papiers, 2006, p. 43.
2 LAUWERS, Jan, La Chambre d'Isabella suivie de Le Bazard du Homard, trad. du néerlandais par Monique
NAGIELKOPF, Arles: Actes Sud - Papiers, 2006, p. 18 et p. 44 et LAUWERS, Jan, La Maison des Cerfs, trad.
du néerlandais par Olivier Taymans, Arles: Actes Sud - Papiers, 2009, p. 35.
3
« Nasty : Cette histoire tourne maintenant au noir d’encre.
Jef : Au noir d’encre ? L’hôpital tout entier était noir d’encre. Noir comme les
corbeaux dans la nuit.
Catherine : Les corbeaux n’interviennent que plus tard dans l’histoire. »
in ibidem, pp. 51-52.
4
« Nasty : Vladimir est un sale con.
Theresa : Ne dis pas ça. Ils ne le savent pas encore. »
in ibidem, p. 44.
5
Catherine : « Son histoire est trop noire. Donc, nous n’allons pas la raconter. »
in ibidem, p. 44.
6 In LAUWERS, Jan, La Maison des Cerfs, Isabella instaure trois moments de pause où elle s’extrait de l’action
de la pièce qui passe en arrière plan et s’adresse directement aux spectateurs pour analyser, commenter et
questionner les évènements qui viennent d’être racontés ou qui viennent de se produire sur scène.
7
« Viviane : Si nous tuons Julien, sa fille sera orpheline.
Anneke : Imagine : elle sera adoptée par un couple sympathique de Bruxelles, qui
l’enverra dans une bonne école. Elle sera chirurgienne et travaillera pour Médecins
sans Frontières.
Benoît : Au fond, comment s’appelle ta fille ?
Julien : Juliette.
[…]
Hans Petter : Juliette a beaucoup d’amants, et l’un d’entre eux revient régulièrement.
C’est l’homme de sa vie. L’homme de sa vie s’avère être un fils inconnu de Julien.
Viviane : Il avait donc un enfant avec une autre femme ?
Hans Petter : Il s’appelle Daniel. Daniel et Juliette sont demi-frère et demi-sœur.
Leur amour est interdit.
[…]
Daniel : Mais si tu le tues maintenant, alors je n’existe pas ?
Julien : Évidemment que tu n’existes pas.
Daniel : Mais papa, comment peux-tu dire ça ? »
in LAUWERS, Jan, La Maison des Cerfs, op. cit., p. 42.
8
« Catherine : Mo, as-tu vu ce qui s’est passé avec Axel ? Tu l’as abandonné sur la
plage.
Mo : Mais je n’étais pas là du tout.
Nasty : Bien sûr que si, tu étais là. Qui était dans le bateau, sinon ?
Mo : Edouard.
Vladimir : Mais c’est toi, quand même ?
Mo : Si je suis Edouard le pêcheur, tu es un chauffeur de camion russe.
Vladimir : Mais je suis chauffeur de camion. Et mon grand-père était russe.
Mo : Est-ce que tu es un chauffeur de camion parce que tu roules avec un camion ?
Vladimir : Eh bien…
Mo : Je ne suis tout de même pas un garçon de café uniquement parce que je sers par
hasard du homard dans un restaurant ?
12
[…]
Vladimir : Est-ce que tu as trébuché avec le homard, ou pas ?
Mo : Suis-je Edouard le garçon ?
Vladimir : C’est possible.
Mo : Ou suis-je Edouard le pêcheur ?
Axel : Tu t’appelles quand même Mo ?
Mo : Exactement.
Theresa : Le problème de Mo était : « Je suis, mais qui suis-je ? »
Mo : Mais qui suis-je alors ?
Catherine : Tu es une invention. Tu es l’invention d’un homme angoissé.
Mo : Je ne suis pas d’accord.
Theresa : Oh, tu sais, il importe peu que tu existes ou que tu n’existes pas. »
in LAUWERS, Jan, La Chambre d’Isabella suivie de Le Bazard du Homard, op. cit,, pp. 69-70.
9 ibidem, p. 19.
10 GADAMER, Hans-Georg,Warheit und Method, Tübingen : 1973, Vérité et Méthode; les grandes lignes d'une
herméneutique philosophique, trad. de l’allemend par Etienne Sacre, Paris: Edition du Seuil, 1976.
11 ibidem, p. 27.
12 ibidem, p. 30.
13 ibidem, p. 24.
14 HEULOT, Françoise ; LOSCO, Mireille, « récit de vie », Lexique du drame moderne et contemporain, sous
la direction de Jean-Pierre SARRAZAC, Paris: Circé, 2004.
15 ibidem, p. 177.
16 METAIS-CHASTANIER, Barbara, « L’ « Art » du montage chez Reza », dans « Ce que le cinéma fait à la
littérature (et réciproquement) », Fabula LHT (Littérature, histoire, théorie), n°2, 01 décembre 2006, URL :
http://www.fabula.org/lht/2/Metais.html
17 C’est le cas, par exemple, pour la description de la mort de Jef : dans la deuxième scène de la pièce, Axel
affirme qu’il est mort dans ses bras sur la plage alors que Jef affirme qu’il n’est pas mort et qu’il est dans le
coma à l’hôpital ; dans la troisième scène, Theresa explique à son tour que Jef est mort sur la plage ; dans la
cinquième scène, Axel détaille enfin la mort de Jef dans l’incendie de l’hôpital ; dans la dernière scène, Theresa
apprend à Jef qu’il est bel et bien mort – cependant, elle ne précise pas comment ni de quoi.
18 Eisenstein cité par MÉTAIS-CHASTANIER, Barbara, « L’ « Art » du montage chez Reza », dans « Ce que le
cinéma fait à la littérature (et réciproquement) », Fabula LHT (Littérature, histoire, théorie), n°2, 1 décembre
2006, URL : http://www.fabula.org/lht/2/Metais.html.
19 Expression utilisée par Raoul Ruiz lors de son intervention à l’ENS pour désigner un temps fragmenté qui ne
prend sens que rétrospectivement dans sa totalité.
20 LAUWERS, Jan, La Maison des Cerfs, op. cit.,, p. 9.
21 ibidem, p. 41.
22 idem.
23 ibidem, p. 45.
24 ibidem, pp. 45-46.
25
13
« La Needcompany s’amuse à se projeter dans le dilemma de la narration : d’un côté
nous avons besoin d’histoires pour donner un sens à notre vie et d’un autre nous
sommes pris dans des histoires déjà écrites. »
in SPRANG, Felix, “Turns on narrative turn”, No Beauty For Me There Where Human Life Is Rare, On Jan
Lauwers' Theatre Work with Needcompany, sous la direction de STALPAERT, Christel; LE ROY, Frederik;
BOSSUER, Bousset Ghent: Academia Press and International Theatre and Film Books, 2007.
26 Entretien du 14 février 2009, Jan Lauwers interrogé par Gabrielle Girot.
27 JANS, Erwin, La Chambre d’Isabella, dossier dramaturgique.
28 LAUWERS, Jan, La Chambre d’Isabella suivi de Le Bazard du Homard, op. cit., p. 17.
29 ibidem, p. 39.
30 ibidem, p. 67.
31 LAUWERS, Jan, La Maison des Cerfs, op. cit., p. 25.
14

Documents pareils

Le Bazar du Homard - Automne en Normandie 2006

Le Bazar du Homard - Automne en Normandie 2006 « Trouver un sens à l'humanité… juste avant d'en finir (?) » Le Bazar du Homard raconte l'histoire d'Axel et Thérésa. C’est aussi le nom du restaurant où Axel met en scène le rituel qu'il a choisi ...

Plus en détail