Dossier spectacle La chambre d`Isabella - Le Trident

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Dossier spectacle La chambre d`Isabella - Le Trident
© Eveline Vanassche
La chambre d ’Isabella
Théâtre à l’Italienne
Les 8 et 9 février I Théâtre musical
Merc 8 fév I 19h30 · jeu 09 I 20h30
Ouverture de billetterie 19 novembre
Tarif B I Passeport jeune
Saison 2011.2012
La chambre d ’Isabella
SPECTACLE MULTILINGUE SURTITRE
Jan Lauwers & Needcompany (Bruxelles)
Avec :
Isabella - Viviane De Muynck
Anna - Anneke Bonnema
Arthur - Benoît Gob
Alexander - Hans Petter Dahl
Frank - Maarten Seghers
Le Prince du Desert - Julien Faure
Sister Joy – Yumiko Funaya (remplace Louise Peterhoff)
Sister Bad - Sung-Im Her (remplace Tijen Lawton)
Narrateur - Misha Downey (remplace Ludde Hagberg)
Texte Jan Lauwers. Excepté le Monologue du menteur, écrit par Anneke Bonnema. Musique Hans
Petter Dahl, Maarten Seghers. Paroles Jan Lauwers, Anneke Bonnema. Danse Julien Faure, Ludde
Hagberg, Tijen Lawton, Louise Peterhoff. Costumes Lemm&Barkey. Scénographie Jan Lauwers.
Eclairages Jan Lauwers, Marjolein Demey. Concept Son Dré Schneider. Surtitrage Elke Janssens.
Direction de production Luc Galle.
Production Needcompany. Coproduction Festival d’Avignon, Théâtre de la Ville (Paris), Théâtre Garonne (Toulouse), La Rose
des Vents (Scène Nationale de Villeneuve d'Ascq), Brooklyn Academy of Music (New York), welt in basel theaterfestival.
Avec la collaboration du Kaaitheater (Bruxelles). Avec le soutien des autorités flamandes.
Durée 2h
La chambre d’Isabella
1- La chambre d’Isabella renferme un secret. Elle est le lieu d’un mensonge. Elle est le lieu du
mensonge qui domine la vie d’Isabella. Ce mensonge est une image. Une image exotique. L’image
d’un prince du désert. Isabella est la fille d’un prince du désert qui a disparu lors d’une expédition.
C’est ce que lui ont raconté ses parents adoptifs, Arthur et Anna. Ils vivent ensemble dans un
phare, sur une île, où Arthur est gardien de phare. Tout comme l’île, le phare est un lieu
intermédiaire : quelque part entre terre et mer, entre solide et liquide, entre intérieur et extérieur. Le
phare est bâti sur la terre, mais son désir est la mer. Le désir d’Isabella, c’est le désert, le prince
du désert, l’Afrique.
C’est ainsi que commence le récit de la vie d’Isabella, qui est vieille et aveugle. Rapidement,
pourtant, il s’avère que derrière l’histoire du prince du désert se cache une vérité terrible, indicible.
Anna et Arthur sont incapables d’affronter leurs secrets et se réfugient dans l’alcool. Anna meurt,
et Arthur se jette à la mer. La quête d’Isabella pour retrouver son père, le prince du désert, la mène
non pas en Afrique, mais dans une chambre à Paris, remplie d’objets anthropologiques et
ethnologiques.
2- Lorsque Isabella passe sa vie en revue, elle est vieille et aveugle. Elle vit dans sa petite
chambre à Paris, entourée de ces milliers d’objets exotiques de l’Egypte ancienne et d’Afrique
noire. Ils appartenaient au père de Jan Lauwers, qui les a laissés, après sa mort, à sa femme et
ses enfants. Ce sont des objets qui ont été arrachés à leur contexte culturel par un regard d’un
autre temps --- un regard colonial et exotisant. Ce sont des objets dans lesquels un monde --l’Afrique --- s’est arrêté, pétrifié, mis de côté, muséifié et fétichisé.
La vie d’Isabella s’étend presque sur l’entièreté du vingtième siècle : de la Première et la Seconde
Guerre mondiale, Hiroshima, le colonialisme, en passant par le développement de l’art
contemporain, avec Joyce, Picasso et Huelsenbeck, les voyages sur la lune, Ziggy Stardust de
David Bowie, jusqu’à la famine en Afrique et au Vlaams Blok [un parti politique d’extrême-droite] à
Anvers. Alexander, l’amant d’Isabella, est fait prisonnier par les Japonais pendant la Seconde
Guerre mondiale. Il survit à la bombe atomique sur Hiroshima (« C’était comme si le soleil avait
explosé et que ses cendres s’étaient répandues sur la terre »), mais après la guerre, il devient fou
petit à petit : « J’aimais être auprès d’Isabella. Elle aimait réellement le monde et moi je le
haïssais. Je haïssais le monde parce que plus rien ne tournait rond. On faisait n’importe quoi et je
ne ressentais que de l’exaspération et Isabella était la seule qui pouvait me faire oublier. Sa
passion pour la vie était d’une beauté pure, insupportable… La seule arme contre la dictature du
mensonge.»
3- « Face à l’extrême » : c’est le titre d’un livre du penseur français Tzvetan Todorov sur les camps
de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais en même temps, ce titre désigne la
position de toute personne vivant de façon consciente au vingt-et-unième siècle. Chaque jour, nous
nous retrouvons face à face avec l’extrême. Il nous regarde avec sa tête de méduse et nous
semblons nous pétrifier : dans l’indifférence émotionnelle, dans l’apathie politique, dans l’isolement
social, dans une surenchère de production et de consommation économiques. En même temps,
nous sommes fascinés par les visions apocalyptiques et les scénarios de fin du monde écologique
que les médias nous proposent quotidiennement.
Pour le sociologue français Jean Baudrillard, nous avons déjà dépassé la réalité et l’histoire. Les
choses ont déjà dépassé leur fin. Elles ne sont plus capables de finir. Elles s’enlisent dans une
crise sans fin. En d’autres mots, notre temps se caractérise non pas par la fin de l’histoire, mais
par l’impossibilité d’en finir avec l’histoire. Nous vivons au-delà de la fin. C’est là que réside
l’apocalypse de notre temps : l’impossibilité de la fin. Ou plutôt : la vie au-delà de la fin. Que se
passe-t-il donc au-delà de la fin ? Quels sont les événements qui se déroulent au-delà de la fin ?
Baudrillard les qualifie de « phénomènes extrêmes ». Il s’en réfère à la racine latine, « exterminus » : au-delà de la fin. L’extase et l’exponentiation sont les caractéristiques de ces
« phénomènes extrêmes » : L’extase du social : les masses (plus social que le social). L’extase du
corps : la corpulence (plus obèse qu’obèse). L’extase de l’information : la simulation (plus vrai que
vrai). L’extase du temps : le temps réel, l’instantané (plus présent que le présent). L’extase du réel:
l’hyperréel (plus réel que le réel). L’extase du sexe : la pornographie (plus sexuel que le sexe).
L’extase de la violence : la terreur (plus violent que la violence).
Notre époque est l’époque de l’obscénité : toutes nos structures enflent et absorbent tout dans leur
expansion. Chaque structure pénètre les autres, elles s’entre-submergent. Depuis longtemps, nous
ne connaissons plus les limites entre le politique et l’économique, entre le privé et le public, entre
l’intime et le pornographique. Les protagonistes de cette implosion sont les médias et le
multimédia : par la surenchère d’information, nous avons perdu l’accès à la vraie information et
aux vrais événements historiques. C’est ainsi que Donald Rumsfeld, le ministre américain de la
défense, a pu déclarer, peu après la publication mondiale des photos des tortures : « I don’t read
the newspapers anymore. » Alexander : « Lorsqu’ils sont venus nous annoncer la fin de la guerre,
je savais que c’était un mensonge. C’en était un. Et le pire de ce mensonge, c’est que tout le
monde l’a cru. »
4- Existe-t-il un « théâtre extrême » ? Et si oui, qu’est-ce que cela signifierait ? « Plus théâtre que
le théâtre », pour reprendre la formule de Baudrillard ? Un théâtre qui se positionne « face à
l’extrême », le regard fixé sur la tête de méduse de l’insoutenable réalité, et conscient du risque
de se pétrifier ? Un théâtre aux thèmes et intentions politiques et sociales explicites ? Un théâtre
avec des sans-abri et des sans-papiers ? Un théâtre qui descend dans la rue et dans les quartiers
? Un théâtre au nom des valeurs démocratiques ? En bref : un théâtre qui « s’engage », un théâtre
qui « intervient », qui interpelle directement son public ?
5- Isabella raconte l’histoire de sa vie, mais elle ne la raconte pas toute seule. Tous ceux qui ont
compté pour elle la racontent avec elle, les nombreux morts de sa vie : Anna et Arthur, ses
amants Alexander et Frank. Et ensemble, non seulement ils racontent l’histoire d’Isabella, mais ils
la chantent également. Ce n’est pas la première fois qu’il y a de la musique live et que les
comédiens chantent, dans un spectacle de Jan Lauwers, mais cela ne s’était jamais fait d’une
façon aussi ouverte et invitante qu’ici. Contrairement aux autres cultures, la culture occidentale
s’est éloignée du chant de groupe : chez nous, le chant de groupe n’existe plus que dans un cadre
professionnel. Le chant fait toujours référence à une dimension rituelle. Par rapport à la parole, il
est une autre forme d’échange d’énergie, et il crée une autre communication avec le public. Il
relève de la fête et de la célébration. Dans les spectacles de Lauwers, le langage a toujours été
un moyen de communication problématique, lié au pouvoir et au désir. Le langage était à la fois
un manque et un excès : on parlait plusieurs langues, on traduisait d’une langue à l’autre, tout le
monde parlait à la fois, criait, souvent… Le langage se heurtait toujours à ses propres limites. Cet
aspect n’a pas tout à fait disparu, mais à travers le chant, le langage de La chambre d’Isabella
est transporté au-delà de ces limites.
Lauwers : « Chanter ensemble, c’est l’une des plus belles choses que l’on puisse faire. C’était un de
mes rêves de porter cela sur la scène. Et curieusement, cela a fonctionné très rapidement. Nous
avons opté pour une présence très fugace du chant et de la musique. La musique semble présente
« par la bande », mais en fait, elle domine tout. Les émotions sont déterminées par ce que l’on
entend. Je veux que tout le monde chante en direction du public en souriant autant que possible.
Moi-même, je me trouve sur scène pour relativiser tout cela encore davantage. Je m’assieds tout
simplement près d’eux, je chante un peu avec eux, je donne quelques explications au public. Aussi
détendu que possible. Aucune sacralité. J’aimerais que le rituel du théâtre, ça devienne cela : des
gens qui se rassemblent pour chanter. En écrivant le texte, j’ai pensé à la façon dont Marquez,
dans Cent ans de solitude, essaye de transmettre des récits populaires à un public aussi large que
possible, plutôt qu’à la complexité de Finnegans Wake de James Joyce. Aujourd’hui, lorsque je
réfléchis à la communication avec le public, je pense plutôt à Marquez, alors qu’auparavant, mon
modèle, c’était James Joyce. »
6- « Regarder sans intervenir », voilà comment Lauwers décrivait son approche à l’époque du
Voyeur (1994). « Pour moi, le voyeurisme actuel a deux faces : d’une part, il s’agit du fait de
regarder ce que fait l’humanité, d’y participer --- contraint et forcé --- et d’adopter une position
d’indifférence afin de survivre ; d’autre part, il y a le voyeurisme à caractère sexuel : c’est le sida,
la maladie au confluent de la mort et de l’érotisme.
Isabella n’est pas une voyeuse, et certainement pas en matière de sexualité. Avec ses soixante
quatorze amants, elle glorifie la sexualité : « Je suis convaincue que le sexe a un pouvoir de
guérison. Ou à tout le moins, que cela donne de l’énergie. » A soixante-neuf ans, elle entame une
histoire d’amour avec un jeune homme de seize ans. Avec Isabella, Lauwers extrait le sexe de la
trame du voyeurisme et de la violence, de la maladie et de la mort, de la culpabilité et de la
perversion, comme c’était le cas dans The Snakesong Trilogy ou dans le monologue de Salomé
dans No Comment. Isabella est comme la Molly Bloom de James Joyce dans Ulysse, un texte que
Jan Lauwers a adapté en monologue avec Viviane De Muynck : fondamentalement, ces deux
femmes disent « Yes ».
7- Est-ce un hasard si Isabella est aveugle ? Le regard --- dans sa dimension voyeuriste (et donc
masculine) --- et la frustration/castration de ce regard constituent le cœur de la dialectique de
l’œuvre théâtrale de Lauwers. Il met en scène le point mort dans le regard masculin --- un point
dans lequel ‘le voyeur’, ‘le pouvoir’ et ‘le désir’ (les trois titres de la Snakesong Trilogy) se
retournent contre eux-mêmes et implosent. La femme, c’est l’enjeu, l’objet du regard, le désir et le
pouvoir des hommes. C’est autour de son corps que se forme le regard masculin (esthétisant,
voyeuriste, pornographique). Mais n’est-elle pas en même temps le point aveugle dans le regard
de l’homme, le point mort vers lequel revient tout regard, vers lequel il doit revenir lorsqu’il a
démasqué son propre désir ? Et ce retour ne crée-t-il pas la possibilité d’un autre regard, très
provisoire et très fragile ? Tout comme la construction bancale en verre qu’érige Carlotta Sagna
dans Le désir, la troisième partie de The Snakesong Trilogy, après avoir joué un extrait de Salomé,
de Wilde, dans lequel elle a fait décapiter l’homme dont le regard refusait de la désirer ? Mais
contrairement à la buveuse de thé, à Salomé et à Ulrike dans No Comment, Isabella n’est pas une
femme castratrice. «Elle avait connu 73 amants dans sa vie. Des expériences fabuleuses, chacune
à sa façon. Et elle en parlait toujours avec respect et tendresse.»
8- En 1993, Jan Lauwers déclarait : « Dans Need to know, le premier spectacle de Needcompany,
on voit une femme qui pleure très fort, et on entend un lamento de Mozart. Aujourd’hui, je pourrais
utiliser la même musique, mais on n’entend plus pleurer la femme. Les larmes se sont taries. La
femme essaye encore de pleurer, mais ce sont des sanglots secs. Même si elle ressent un profond
chagrin, elle n’est plus capable de pleurer. L’ennui, c’est que ce profond chagrin n’a pas disparu. »
L’image de la femme incapable de pleurer vient de la première scène du Voyeur, la première partie
de The Snakesong Trilogy.
Isabella ne pleure pas, mais son profond chagrin à elle a disparu. Elle perd ses amants, mais elle
ne ressent aucun vide, aucun chagrin, aucune rage : « Pas de grands états d’âme. Pas de
coquetterie des émotions. » A travers les personnages féminins de son œuvre, Lauwers éprouve sa
philosophie de la vie. Dans ses portraits de femmes successifs, qui occupent une place de plus en
plus importante dans ses spectacles, se dessine une profonde réflexion existentielle. Isabella
signifie-t-elle un nouveau pas, une nouvelle idée, une nouvelle philosophie ? Chez elle,
« l’indifférence » semble vaincue. Lauwers a baptisé cela « Budhanton », contraction de Bouddha
et d’Antoine, de la contemplation et de la maîtrise passionnée. Comme le dit Isabella : « Le cercle
paisible de Bouddha et l'intégrité d’Antoine, le général romain qui un jour, dans la déchéance
totale et le froid glacial des Alpes, pouvait boire sa propre urine et faire l’amour un autre jour dans
un lit de pourpre et d’or avec la plus belle femme du monde. Et qui n’avait jamais honte de ses
actes. »
C’est la voie de Lauwers pour échapper à la morale chrétienne de la culpabilité et de la pénitence,
qui a perdu sa légitimité ultime après la mort de Dieu. Budhanton : mélange d’une religion sans
dieu et d’une conscience préchrétienne.
9- Isabella est aveugle : c’est la fin du regard. Mais elle participe à une expérience scientifique au
cours de laquelle une caméra projette des images directement dans son cerveau. En fin de
compte, elle se séparera également de ces images-là --- les objets dans sa chambre --- dans un
éclair de compréhension ultime.
Isabella : « Tiens, la photo de l’homme barbu. L’homme qui est né d’un mensonge : mon prince du
désert. Il sera toujours là. Anna, Arthur, Alexander et Frank, par contre : partis. Pour toujours. Il est
le seul qui existe encore, mon prince du désert. Même sans ma caméra, je le vois encore très
nettement : Félix. F.E.L.I.X. Et ça veut dire « bonheur » dans une langue morte. Chimères et
illusions.»
C’est à partir de ce mensonge inlassablement répété que Lauwers construit ses spectacles : le
mensonge de l’imagination comme réponse au mensonge de la réalité, comprenant en définitive
que le bonheur ne peut s’écrire qu’avec les lettres d’une langue morte.
Jan Lauwers
Né à Anvers en 1957, plasticien de formation, Jan Lauwers est un artiste qui pratique toutes les
disciplines. Ces vingt dernières années, il s’est surtout fait connaître par son œuvre théâtrale
pionnière forgée avec son ensemble, Needcompany, fondé à Bruxelles en 1986. Pendant tout ce
temps, il a accumulé une œuvre considérable d’art plastique, qui a été exposée en 2007 au BOZAR
(Bruxelles).
Jan Lauwers a étudié la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Gand. Fin 1979, avec plusieurs
autres artistes, il forme l’Epigonenensemble. En 1981, cette troupe est transformée en un collectif,
Epigonentheater zlv (zlv = « zonder leiding van », sous la direction de personne), qui, en six
productions, épate le paysage théâtral. Jan Lauwers s’inscrit ainsi dans le mouvement de
renouveau radical du début des années quatre-vingts en Flandre, et perce sur la scène
internationale. Epigonentheater zlv fait du théâtre concret, direct et très visuel, avec la musique et
le langage pour éléments structurants. Parmi les spectacles : Reeds gewond en het is niet eens
oorlog (1981), dE demonstratie (1983), Struiskogel (1983), Background of a Story (1984) et
Incident (1985). Jan Lauwers a dissous ce collectif en 1985 pour fonder Needcompany.
Needcompany
Jan Lauwers needs company. Il a créé Needcompany avec Grace Ellen Barkey. A eux deux, ils sont
responsables des productions importantes de Needcompany. Le groupe de performers qu’on
rassemblé Jan Lauwers et Grace Ellen Barkey ces dernières années est unique dans sa multiplicité.
Les associated performing artists sont MaisonDahlBonnema (Hans Petter Dahl & Anna Sophia
Bonnema), Lemm&Barkey (Lot Lemm & Grace Ellen Barkey), OHNO COOPERATION (Maarten
Seghers & Jan Lauwers) et l’ensemble NC, avec notamment l’inénarrable Viviane De Muynck. Ils
créent leurs propres productions sous l’égide de Needcompany.
Depuis la création de Needcompany en 1986, son activité comme sa troupe de performers
présentent un caractère explicitement international. Les premières productions de Needcompany,
Need to Know (1987) et ça va (1989) --- pour laquelle Needcompany a obtenu le Mobil Pegasus
Preis --- sont encore très visuelles, mais dans celles qui suivent, la ligne narrative et la notion de
thème central gagnent en importance, même si la construction fragmentée est conservée.
La formation de plasticien de Jan Lauwers est déterminante dans son rapport au théâtre et résulte
en un langage théâtral personnel, novateur à plus d’un titre, qui interroge le théâtre et son sens.
L’une de ses caractéristiques principales est le jeu transparent, « pensant », des comédiens, ainsi
que le paradoxe entre ‘jeu’ et ‘performance’.
Cette écriture spécifique se retrouve également dans ses adaptations de Shakespeare, Julius
Caesar (1990), Antonius und Kleopatra (1992), Needcompany’s Macbeth (1996), Needcompany’s
King Lear (2000) et Ein Sturm (2001, au Deutsches Schauspielhaus Hamburg). Après la mise en
scène d’Invictos (1991), du monologue SCHADE/Schade (1992) et de l’opéra Orfeo (1993), il
entame en 1994 la réalisation d’un vaste projet pour lequel il s’est, pour la première fois,
pleinement révélé en tant qu’auteur, The Snakesong Trilogy : Snakesong/Le Voyeur (1994),
Snakesong/Le Pouvoir (1995) et Snakesong/Le Désir (1996). En 1998, il a proposé une version
adaptée de la Trilogie Snakesong dans son intégralité.
En septembre 1997, il est invité à participer au volet théâtral de la Documenta X (Kassel). Il y crée
Caligula d’après Camus, le premier volet du diptyque No beauty for me there, where human life is
rare. Avec Morning Song (1999), le second volet du diptyque No beauty…, Jan Lauwers et
Needcompany remportent un Obie Award à New York. A la demande de William Forsythe, Jan
Lauwers
conçoit,
en
coproduction
avec
le
Ballett
Frankfurt,
le
spectacle
DeaDDogsDon´tDance/DjamesDjoyceDeaD (2000).
Images of Affection (2002) a été créé pour fêter les 15 ans de Needcompany. Sous le titre de No
Comment, Jan Lauwers propose trois monologues et un solo de danse. Charles L. Mee, Josse De
Pauw et Jan Lauwers écrivent respectivement des textes pour Carlotta Sagna (Salomé), Grace
Ellen Barkey (La buveuse de thé) et Viviane De Muynck (Ulrike). Six compositeurs, Rombout
Willems, Doachim Mann, Walter Hus, Senjan Jansen, Hans Petter Dahl et Felix Seger, ont composé
la musique pour le solo de danse de Tijen Lawton. Les thèmes de ce spectacle sont ceux que
Lauwers reformule et redéfinit depuis le début de son travail avec Needcompany : la violence,
l’amour, l’érotisme et la mort.
Une collection de plusieurs milliers d’objets ethnologiques et archéologiques constitue le point de
départ pour raconter l’histoire d’Isabella Morandi dans le spectacle La chambre d'Isabella (2004)
(Festival d’Avignon). Neuf interprètes dévoilent ensemble le secret de la chambre d'Isabella. Le
personnage central est interprété par l'immense actrice Viviane De Muynck. Ce spectacle a obtenu
plusieurs prix, dont le Prix de la Communauté Flamande Culture 2006 dans la catégorie littérature
théâtrale.
En 2006, Jan Lauwers crée deux spectacles pour le Festival d’Avignon, dont Le Bazar du Homard,
sur un texte personnel, et un monologue de Viviane De Muynck, La Poursuite du vent, l'adaptation
par Viviane De Muynck du roman homonyme de Claire Goll.
A l’été 2008, le Festival de Salzbourg invite Jan Lauwers à créer un nouveau spectacle, La maison
des cerfs. Après La chambre d’Isabella (2004) et Le Bazar du Homard (2006), ce spectacle
constitue le dernier volet de la trilogie de l’humanité : Sad Face | Happy Face. Cette trilogie était
jouée pour la première fois dans son intégralité au Festival de Salzbourg 2008.
Depuis 2009, Needcompany est artist-in-residence au Burgtheater (Vienne). Jan Lauwers écrit un
nouveau texte, L’art du divertissement (2011) et rassemble sur scène dans ce nouveau spectacle
son ensemble Needcompany et plusieurs comédiens du Burgtheater.
Projects
En 1999, Jan Lauwers lance les Needlapbs, des rencontres permettant la présentation d'idées,
d'observations, d'esquisses, de considérations diverses. Pendant les Needlapbs le public découvre
différents projets à l’état d’ébauche, des expériences se frayant à tâtons un chemin vers la scène.
Just for Toulouse (Théâtre Garonne, 2006) fut la première édition de ces soirées où des associated
performing artists proposent installations et spectacles de Needcompany. Au BOZAR (2007), c’est
Just for Brussels qui fut présenté.
Les Déconstructions sont composées par Jan Lauwers à partir des débris des musées. Ces
installations muséales avaient déjà été présentées au BOZAR (Bruxelles) et à la haus der kunst
(Munich) en 2007. L’ensemble NC y a exécuté une performance marathon de six heures où se
retrouvait rassemblé l’univers mental de Jan Lauwers.
Jan Lauwers et Maarten Seghers créent ensemble OHNO COOPERATION afin de donner forme a leur
engagement artistique réciproque. Avec O.H.N.O.P.O.P.I.C.O.N.O., ils sont partis à la recherche de
l’iconographie de la musique pop. Pour cette première version, ils ont travaillé avec le vidéaste
Nico Leunen (Cobblersson Incorporated). Une installation très sensorielle, sous-titrée « la tragédie
des applaudissements ».
Projets cinéma
Jan Lauwers a signé un certain nombre de projets cinéma et vidéo, dont From Alexandria (1988),
Mangia (1995), Sampled Images (2000), C-Song (2003), C-Song Variations (2007) et The OHNO
Cooperation Conversations on the O.H.N.O.P.O.P.I.C.O.N.O. Ontology (2007). Au cours de l’été 2001,
Lauwers a réalisé son premier long métrage, Goldfish Game (2002). Il a écrit le scénario en
collaboration avec Dick Crane. Goldfish Game raconte l’histoire d’une petite communauté qui subit
une désagrégation violente. La première du film a eu lieu au Festival de Cinéma de Venise, dans
la section « Nuovi Territori ». Dans cette catégorie, le jury avait surtout sélectionné des films
témoignant d’une approche innovante, privilégiant l’expérimentation, les nouvelles technologies et
les nouveaux styles, qui porte déjà en elle les prémisses de la culture visuelle de demain. La
revue Internet italienne Kinematrix a désigné Goldfish Game comme meilleur film dans la
catégorie « Formati Anomali ». Extrait du rapport du jury : « Un style de mise en scène novateur,
au-delà des limites habituelles de la vidéo numérique ». Goldfish Game a été sélectionné pour
l’International Human Rights Film And Video Festival de Buenos Aires en 2002, pour le Festival du
Film de Gand, également en 2002, et pour le Solothurn FilmFestival en Suisse en 2003. À la
demande de William Forsythe, une projection du film a eu lieu à DAS TAT à Francfort. Au
Slamdance Film Festival (janvier 2004) Goldfish Game a reçu le prix du meilleur ensemble, le
«Grand Jury Honor for Best Ensemble Cast».
En février 2003, Jan Lauwers a réalisé un court métrage sans paroles sur le thème de la violence,
C-Song. Depuis lors, plusieurs projections de C-Song pour un public restreint ont eu lieu lors des
Needlapbs au STUK à Louvain et aux Studios du Kaaitheater à Bruxelles, ainsi que pendant Oorlog
is geen Kunst au Vooruit à Gent. En avril 2004 a eu lieu la première officielle de C-Song lors du
festival du court métrage Courtisane à Gand. Le film a ensuite été sélectionné pour le Festival
international du Court métrage de Hambourg. En juillet 2004, il a été projeté à l'ancien château
d'eau de Bredene, dans le cadre de « Grasduinen 2004, SMAK-aan-Zee ».
C-Song Variations (2007), un court métrage réalisé pour Le Bazar du Homard, a connu son avantpremière au mois d’avril au BOZAR (Bruxelles), et sa première au festival Temps d’Images à La
Ferme du Buisson (Paris) en octobre 2007. Ensuite, ce court métrage a été projeté à la haus der
kunst (2007) à Munich.
Pour le SPIELART Festival à Munich (2007), Jan Lauwers a réalisé avec Maarten Seghers un projet
vidéo : The OHNO Cooperation Conversations on the O.H.N.O.P.O.P.I.C.O.N.O. Ontology.
Art plastique
A la demande du curateur Luk Lambrecht, Jan Lauwers a participé à l'exposition Grimbergen 2002,
en compagnie de 8 autres artistes (notamment Thomas Schütte, Lili Dujourie, Job Koelewijn,
Atelier Van Lieshout, Jan De Cock et Ann Veronica Janssens).
Début 2006, ses œuvres étaient à l’exposition DARK, au musée Boijmans van Beuningen, à
Rotterdam.
En 2007, Jan Lauwers a présenté sa première exposition en solo au BOZAR de Bruxelles, dont le
commissaire était Jérôme Sans (ancien directeur du Palais de Tokyo, directeur associé du BALTIC
centre for contemporary arts). A l’occasion de cette exposition, il a également publié un premier
livre qui traite plus particulièrement de ses œuvres plastiques de 1996 à 2006. Au salon
Artbrussels (2007), il a été invité par le BOZAR à réaliser une œuvre liée à l’événement.
Jan Lauwers a été invité par Luk Lambrecht à participer à l’exposition collective de céramiques
Down to Earth au CC Strombeek, avec notamment des œuvres d’Ann Veronica Janssens, Heimo
Zobernig, Atelier Van Lieshout, Lawrence Weiner, Kurt Ryslavy et Manfred Pernice.
Les Déconstructions sont composées par Jan Lauwers à partir des débris des musées. Ces
installations muséales avaient déjà été présentées au BOZAR (Bruxelles) et à la haus der kunst
(Munich) en 2007.
The House of Our Fathers --- une maison de 20m x 5m x 5m --- constitue la base d’un nouveau
projet important de Jan Lauwers. Une ‘maison’-œuvre d’art qui interroge le temps, le lieu et la
perception (la différence essentielle entre le théâtre et l’art plastique). Au fil des ans, cette maison
évoluera en une œuvre d’art pleinement autonome dans laquelle Jan Lauwers invitera d’autres
artistes.
© Eveline Vanassche
Anneke Bonnema
De 1982 à 1986, la Néerlandaise Anneke Bonnema fréquente l’école de théâtre d’Amsterdam. Elle
réalise plusieurs spectacles et écrit un grand nombre de textes pour le théâtre, dont De bomen het
bos, réalisé avec la troupe Nieuw West, et Tegenmaat. Depuis 1995, elle travaille avec Hans Petter
Dahl au sein de la troupe de performance L & O Amsterdam. Ensemble, ils créent plusieurs
spectacles, dont le « love-show » Tantra & Western, la série Sing-Dance # 1 à 3, avec notamment
le happening méditatif Made in Heaven --- Sing-Dance #2 --- et la performance multidisciplinaire
Post coïtum omne animal triste est, avec chaque soir l’improvisation d’un danseur différent. Pour
ces projets, ils collaborent avec des gens issus de disciplines différentes, comme Liza May Post
(plasticienne), Oyvind Berg (écrivain), Tom Jansen (comédien), des danseurs improvisateurs, dont
David Zambrano, Laurie Booth, Eva Maria Keller, Michael Schumacher, et d’autres. En 1997, ils
réalisent Good Good Very Good, une coproduction avec Bak-Truppen. Ils créent, en duo, les
spectacles Nieuw Werk et Shoes and Bags (2003). Le point de départ de Shoes and Bags est
l’ouverture de la MaisonDahlBonnema, une maison virtuelle de mode, d’art et de conception. En
2005, ils réalisent, avec l’aide du dramaturge Robert Steyn, le spectacle d'introspection Not the
Real Thing. Leur dernière production en date, The Ballad of Ricky and Ronny (2007), a été réalisée
avec le soutien de Needcompany.
Needcompany’s King Lear (2000) est la première collaboration d’Anneke Bonnema avec Jan
Lauwers. Depuis lors, on a également pu la voir dans Images of Affection (2002), Goldfish Game
(2002), Le Bazar du Homard (2006) et La maison des cerfs (2008). Dans No Comment (2003),
elle remplace Carlotta Sagna. Elle a déjà écrit plusieurs textes, dont un texte pour Needlapb et le
Monologue du menteur pour La chambre d’Isabella (2004).
Hans Petter Dahl
Entre 1987 et 1995, Hans Petter Dahl a fait partie de la compagnie norvégienne Bak-Truppen. En
1995, il monte avec Anneke Bonnema la troupe de performance L & O Amsterdam. Ensemble, ils
créent plusieurs spectacles, dont le « love-show » Tantra & Western, la série Sing-Dance # 1 à 3,
avec notamment le happening méditatif Made in Heaven --- Sing-Dance #2 --- et la performance
multidisciplinaire Post coïtum omne animal triste est, avec chaque soir l’improvisation d’un
danseur différent. Pour ces projets, ils collaborent avec des gens issus de disciplines différentes,
comme Liza May Post (plasticienne), Oyvind Berg (écrivain), Tom Jansen (comédien), des danseurs
improvisateurs, dont David Zambrano, Laurie Booth, Eva Maria Keller, Michael Schumacher, et
d’autres. En 1997, ils réalisent Good Good Very Good, une coproduction avec Bak-Truppen. Ils
créent, en duo, les spectacles Nieuw Werk et Shoes and Bags (2003). Le point de départ de Shoes
and Bags est l’ouverture de la MaisonDahlBonnema, leur maison virtuelle de mode, d’art et de
conception. En 2005, ils réalisent, avec l’aide du dramaturge Robert Steyn, le spectacle
d'introspection Not the Real Thing. Leur dernière production en date, The Ballad of Ricky and
Ronny (2007), a été réalisée avec le soutien de Needcompany.
C’est à l’occasion de Needcompany’s King Lear (2000) qu’il travaille pour la première fois avec Jan
Lauwers. Depuis lors, on a également pu le voir dans Images of Affection (2002), Goldfish Game
(2002), La chambre d’Isabella (2004), Le Bazar du Homard (2006) et La maison des cerfs
(2008). Il a composé également de la musique pour Needlapb, No Comment (2003), La chambre
d’Isabella, Le Bazar du Homard et La maison des cerfs.
Viviane De Muynck
Viviane De Muynck a étudié le théâtre au Conservatoire de Bruxelles, où elle fut l’élève de Jan
Decorte. A partir de 1980, elle a été membre du collectif Mannen van den Dam, et elle a joué
notamment dans Le Pélican (Strindberg), Le laxatif (Feydeau), La force de l’habitude (Bernhard)
et Le Parc (Strauss). En 1987, elle a obtenu le ‘Théo d’Or’ pour son interprétation de Martha dans
Who’s afraid of Virginia Woolf?, dans une mise en scène de Sam Bogaerts, avec la compagnie De
Witte Kraai. Elle a ensuite joué avec Maatschappij Discordia, notamment dans UBU ROI (Alfred
Jarry), Kras (Judith Herzberg), Das Spiel vom Fragen (Handke), Mesure pour Mesure (Shakespeare)
et Driekoningenavond.
Sa collaboration avec trois théâtres aux Pays-Bas la fait jouer dans Count your Blessings avec le
Toneelgroep Amsterdam, dans une mise en scène de Gerardjan Rijnders, Iphigenia in Taurus avec
le Nationaal Toneel de La Haye, dans une mise en scène de Ger Thijs, et Hamlet, au Zuidelijk
Toneel, dans une mise en scène d’Ivo Van Hove. Elle a également joué dans deux productions du
Kaaitheater : en 1994 dans Pijl van de Tijd (Martin Amis), dans une mise en scène de Guy Cassiers,
et en 1995, elle a tenu le rôle d’Ulysse dans Philoktetes Variations (Müller, Gide, Jesureen) de Jan
Ritsema, aux côtés de Dirk Roothooft et Ron Vawter. Elle a également joué avec le Wooster Group
dans The Hairy Ape d’O’Neill. En ce moment, elle est en tournée avec Relazione Pubblica, une
chorégraphie de Caterina et Carlotta Sagna.
Elle travaille aussi avec des musiciens, notamment pour La Trahison Orale (oratorio de Murizio
Kagel) avec le Schönberg Ensemble (dirigé par Rembert De Leeuw), Ode to Napoleon Bonaparte
(Arnold Schönberg) avec Zeitklang (dirigé par Alain Franco) et le Spectra Ensemble (dirigé par
Philippe Raté), Lohengrin (Schiarrino) avec Neue Musik Berlin (dirigé par Beat Furrer et mis en
scène par Ingrid von Wantoch Rekowski). Elle travaille avec Erik Sleichim et le Bl!ndman
Saxophone Quartet dans Men in Tribulation (mai 2004). En 2006, elle a participé au spectacle
Walking in the Limits, une œuvre réalisée en collaboration avec Franz Krug et Heiner Reber.
Viviane De Muynck apparaît régulièrement dans des films et téléfilms. Elle a notamment joué
dans Vinaya, un film de Peter van Kraaij et Josse De Pauw, ainsi que dans De avonden, dans une
mise en scène de R. Van den Berg, d’après le livre homonyme de Gerard Reve. Deux de ses grands
rôles au cinéma furent Vincent et Théo (Robert Altman) et The Crossing (Nora Hoppe). Elle a été
nominée à deux reprises pour le ‘Veau d’or’ au festival du film d’Utrecht : pour le film De avonden
et pour le téléfilm Duister licht de Martin Koolhoven. En 2005 elle a joué dans le premier long
métrage de Fien Troch, Someone else’s happiness et a fait une apparition dans le film Vidange
Perdue (2006) de Geoffrey Enthoven.
Viviane De Muynck est très demandée à l’étranger en tant qu’enseignante dans des formations et
ateliers de théâtre. En outre, elle s’est lancée dans la mise en scène en Allemagne. Au Deutsches
Schauspielhaus à Hambourg, elle a créé en 2000 Die Vagina Monologe, une coproduction avec
Needcompany, et As I Lay Dying (2003) --- une adaptation de William Faulkner.
Depuis l’opéra Orfeo, elle joue régulièrement avec Needcompany dans les productions de Jan
Lauwers. Ces dernières années, elle a joué dans The Snakesong Trilogy (Le Pouvoir, Le Désir et la
version intégrale), Needcompany’s Macbeth (1996), Caligula (1997), Morning Song (1999),
DeaDDogsDon´tDance/DjamesDjoyceDeaD (2000), Goldfish Game (2002), No Comment (2003), La
Poursuite du vent (2006) et La maison des cerfs (2008).
Pour DeaDDogsDon´tDance/DjamesDjoyceDeaD, elle a écrit le texte avec Jan Lauwers. Elle a
également signé l’adaptation du texte La Poursuite du vent, d’après le livre éponyme de Claire
Goll.
Misha Downey
Misha Downey --- né à Leicester, Grande-Bretagne --- a suivi entre 1989 et 1992 des cours à la
London Contemporary Dance School. Après sa formation, il fut l’un des fondateurs de la Bedlam
Dance Company, sous la direction du chorégraphe Yael Flexer. Il a travaillé avec la troupe de
ballet Adventures in Motion Pictures (AMP) pour le spectacle Casse-Noisettes, et il a dansé avec la
Harlemations Dance Company, du chorégraphe Bunty Mathias. En janvier 1994, il a rejoint la
troupe de ballet Rosas de Anne Teresa De Keersmaeker, où il a participé à la création de Kinok et
de Amor constante más allá de la muerte. Il a également participé aux reprises de Toccata. Avant
de rejoindre Needcompany, il a également dansé Le Lac des Cygnes (1996), chez le chorégraphe
Matthew Bourne. En 2000, il fut l’un des fondateurs de la troupe belge Amgod, et il créa What Do
You Want? (2001), Second Album (2003) et As Simple As That (2005). En 2005, il a dansé en
Grande-Bretagne chez les Cholmondeleys de Lea Anderson, dans la production Flesh and Blood. Il
a également travaillé en Suisse pour la Gisela Rocha Company.
Misha Downey a dansé pour la première fois avec Needcompany dans le spectacle Rood Red
Rouge (1998), de Grace Ellen Barkey, puis dans Few Things (2000) et The Porcelain Project
(2007). Sa collaboration avec Jan Lauwers a commencé avec sa participation en tant que
comédien à la reprise de Caligula (1998), et en tant que danseur/comédien dans Morning Song
(1999), Needcompany’s King Lear (2000), Goldfish Game (2002), Images of Affection (2002) et
La maison des cerfs (2008). Dans La chambre d’Isabella (2004), il remplace Ludde Hagberg.
Julien Faure
Julien Faure, né en France, a suivi entre 1995 et 1998 une formation artistique à
Bruxelles. Après ses études, il a collaboré avec Pierre Droulers à la création Multum in
spectacle écrit pour le KunstenFESTIVALdesArts. Il a ensuite collaboré avec
chorégraphes dont Karin Vyncke, Julie Bougard, Jean-François Doroure et Cie Osmosie. En
réalisé sa propre chorégraphie Stamata #1-Et si demain voit le jour.
l'INSAS à
Parvo, un
différents
2001, il a
Il a travaillé pour la première fois avec Needcompany dans la dernière création (AND) (2002) de
Grace Ellen Barkey. Il a remplacé Timothy Couchman dans Images of Affection. On a également
pu le voir dans le spectacle La chambre d’Isabella (2004), Le Bazar du Homard (2006), La
maison des cerfs (2008) de Jan Lauwers et Chunking (2005) et The Porcelain Project (2007) de
Grace Ellen Barkey.
Yumiko Funaya
Yumiko Funaya est née au Japon et a étudié la danse à la Japan Woman’s College of Physical
Education à Tokyo (2002-2004). En 2004, elle entre à l'école de danse contemporaine P.A.R.T.S.
Elle commençait à travailler avec Jan Lauwers et Needcompany pour La maison des cerfs (2008).
Dans La chambre d’Isabella de Jan Lauwers, elle remplace Louise Peterhoff. Dans The Porcelain
Project (2007) de Grace Ellen Barkey, elle remplace temporairement Taka Shamoto.
Benoit Gob
Benoît Gob a étudié la peinture à l’académie des Beaux-Arts de Liège, avant de poursuivre ses
études à l’INSAS à Bruxelles. En 1998, il a rejoint la compagnie de danse Ultima Vez de Wim
Vandekeybus, et il a dansé dans différentes productions comme The day of heaven and hell, In
spite of wishing and wanting et Inasmuch as life is borrowed.
(AND)(2002), de Grace Ellen Barkey, était sa première collaboration avec Needcompany. Dans
Images of Affection, il a remplacé Dick Crane dans le rôle du narrateur. On a également pu le voir
dans le spectacle La chambre d’Isabella (2004), Le Bazar du Homard (2006), La maison des cerfs
(2008) de Jan Lauwers et Chunking (2005) et The Porcelain Project (2007) de Grace Ellen Barkey.
Sung-Im Her
Sung-Im Her est née en Corée du Sud. Elle a étudié la danse contemporaine à l’Université HanSung de Séoul, et a travaillé pendant 6 ans avec le théâtre de danse JI-Gu. En 2004, elle est
arrivée en Belgique pour entrer aux P.A.R.T.S. (3e et 4e année), l’école de danse contemporaine de
Bruxelles. En 2006 et en 2008, elle a travaillé avec Jan Fabre (Troubleyn). Elle a joué en solo
Quando l’uomo principale è una donna et Je suis sang. En 2007, elle a travaillé à Genève avec la
compagnie Alias. Cette année-là, elle s’est mise à développer des œuvres personnelles.
Elle a rejoint en 2008 Les Ballets C de la B (Koen Augustijnen), où elle a participé au spectacle
Ashes.
Sung-Im Her a entamé sa collaboration avec Grace Ellen Barkey & Needcompany pour la création
de Cette porte est trop petite (pour un ours) (2010). Elle remplace Tijen Lawton dans La chambre
d’Isabella de Jan Lauwers.
Maarten Seghers
Maarten Seghers a étudié la mise en scène théâtrale au RITS, à Bruxelles. Parallèlement, il a créé
des œuvres personnelles (théâtre et compositions). En 2001, il a réalisé, avec la troupe théâtrale d
a e m m e r u n g, la pièce Angel Butcher. Sa collaboration avec Needcompany a commencé avec
la production Images of Affection (2002).
Dans les spectacles Images of Affection (2002), La chambre d’Isabella (2004), Le Bazar du
Homard (2006), La maison des cerfs (2008) de Jan Lauwers et (AND) (2002), Chunking (2005) et
The Porcelain Project (2007) de Grace Ellen Barkey il a composé la musique du spectacle, en plus
de sa participation en tant que performer. Pour No Comment (2003), Chunking, Needlapb et The
Unauthorized Portrait (2003) --- un film de Nico Leunen sur Jan Lauwers --- il a signé la musique.
Jan Lauwers et Maarten Seghers créent ensemble OHNO COOPERATION afin de donner forme à leur
engagement artistique réciproque.
© Eveline Vanassche
Les extraits de presse
Le Monde, le 13 juillet 2004, Brigitte Salino
Dans la chambre aux secrets d'Isabella défilent les Amours vivantes et mortes
Jan Lauwers met en scène un spectacle dansé, La Chambre d'Isabella, inspiré par la mort de son
père. Une femme de 90 ans, devenue aveugle, revient sur le secret de sa naissance.
C'est un spectacle qui vous suit, au-delà de sa fin, comme une ombre blanche, et vous porte à
travers les rues, la nuit. C'est La Chambre d'Isabella, de Jan Lauwers, qui s'ouvre et se clôt par une
chanson : « We just go on », une chanson que vous n'oubliez pas parce que ceux qui vous l'ont
chantée l'ont fait en souriant, pour donner une légèreté nécessaire à ce qui va au-delà de la fin :
au-delà de la mort. La mort, c'est celle du père de Jan Lauwers, et c'est elle qui a donné lieu à La
Chambre d'Isabella.
Cela Jan Lauwers l'a raconté très simplement, quand il est arrivé, vêtu de blanc sur le plateau
blanc. « Mon père est mort il y a deux ans », a-t-il dit. Il était chirurgien et collectionnait les
objets ethnologiques et archéologiques. Il y en eut jusqu'à 5 000 dans la maison familiale,
beaucoup venus d'Afrique. Enfant, Jan Lauwers a grandi au milieu de ces objets. Il trouvait normal
de dormir avec des cercueils et des sarcophages sous son lit. « Depuis que mon père est mort,
cela me perturbe », dit-il. Alors, il a écrit une histoire. Une histoire où les objets d'un rêve mort se
retrouvent dans la chambre d'une vivante, Isabella.
Cette femme pourrait être celle d'un conte. Sa chambre est celle d'un secret, celui de sa
naissance. Il nous est raconté quand Isabella a 90 ans. Elle a traversé le XXe siècle, de la guerre
de 1914-1918 à aujourd'hui. Et maintenant, elle est aveugle, et elle se soumet à une expérience qui
permet de projeter des images dans son cerveau. Son cerveau est sur scène, à travers deux
femmes, qui représentent l'hémisphère droit et l'hémisphère gauche. Ils entourent Isabella comme
tous ceux qui ont accompagné sa vie. Et ils parlent, et ils chantent, et ils dansent sur le plateau
blanc, blanc comme le souvenir, blanc comme le mensonge effacé.
Il y a sur des tables, blanches elles aussi, des objets de la collection du père de Jan Lauwers. Jan
Lauwers se tient sur le côté, parfois il se mêle aux autres, qui vivent, là ; devant lui et avec lui,
l'histoire de cette femme qui est celle d'une réconciliation.
Isabella a grandi dans un phare, sur une île, avec Anna et Arthur, qui tanguait d'ivresse et lui disait
que son père était un prince du désert. Anna est morte jeune et, à son enterrement, ceux de l'île
ont porté son corps, très haut dans le ciel, au-dessus de leurs bras, dans un mouvement fou, à
briser les vagues.
PASSION POUR LA VIE
Puis Arthur est parti, confiant à Isabella la clef d'une chambre, à Paris. Dans cette chambre, il y
avait des objets laissés par le prince du désert. Isabella a vécu avec eux. Elle est devenue
anthropologue. Un jour, Arthur est réapparu. Il a donné à Isabella une lettre, à ouvrir quand il serait
mort. La lettre du secret de sa naissance. Ainsi, Isabella a su. Mais cela, qui l'aurait pu, n'a pas
entaché sa passion pour la vie, « une passion d'une beauté folle, presque insupportable », comme
il est dit.
Et c'est ce cortège d'amours, d'amants et de morts aux vivants liés, ce désir fou et assumé de ne
pas en finir quand l'Histoire a commencé de finir avec Hiroshima, cette jouissance sans fard, que
nous voyons sur le plateau, à travers les comédiens, danseurs, chanteurs, de la compagnie de Jan
Lauwers.
Et, avec eux tous autour de la fabuleuse Isabella, Viviane de Muynck, on sent comme rarement le
souffle de la vie, quand des corps et des voix s'unissent au-delà de la mort, pour dire simplement,
en souriant : « We just go on, go on, go on ».
Libération, le 12 juillet 2004, Marie-Christine Vernay
Les Flamands osent
A Avignon et Marseille, la danse belge confirme son absence de complexes et son inventivité.
Lorsqu'un programmateur veut dépasser le traditionnel clivage entre danse et théâtre, il convoque
en général des Belges flamands. Depuis les années 70, avec Jan Fabre qui a ouvert la voie, ceuxci sont en effet habitués aux trafics de style, performers autant que metteurs en scène ou
chorégraphes, voire vidéastes, auteurs et plasticiens. Issus pour la plupart des beaux-arts, ils ne se
sont jamais sentis redevables d'un quelconque héritage chorégraphique, contrairement à leurs
homologues français.
Très productifs et cependant peu présents dans les festivals purement danse, les Flamands
tiennent à Avignon le haut du pavé.
Il faut se réfugier dans la Chambre d'Isabella de Jan Lauwers pour assister à une saga qui
commence avec la Première Guerre mondiale et court jusqu'à nos jours. Là encore, il est question
de collection et d'héritage. Les objets ethnologiques sont exposés sur la scène. Ils en disent long
sur la colonisation et sur le pillage archéologique.
Lauwers explosif. Dans sa chambre muséale, Isabella, 90 ans, aveugle et isolée, raconte sa vie.
Comme dans un flash-back cinématographique, les personnages ressurgissent du passé. Comme
dans les plus mauvais feuilletons télé, on a droit à l'épopée familiale, du père prétendument
prince du désert au petit-fils qui tombe follement amoureux de sa grand-mère.
La mise à distance libère alors le rire. On ne peut faire pire cauchemar : une folie consanguine
portée collectivement au centre même de l'héritage. Comment Jan Lauwers, lui aussi visiblement
attiré par Isabella, va-t-il sortir de ce bourbier ? En costume blanc, il n'est guère plus sain que
l'amant fou, le petit-fils incestueux, le père adoptif ivrogne, la mère décavée... Entre le petit mac
et le dandy explorateur, Lauwers n'est pas brillant et se tient dans un coin de la scène comme un
chef d'orchestre désabusé.
Jan Lauwers choisit ici Gabriel Garcia Marquez comme guide pour transmettre le récit aux
spectateurs. ça marche, car Isabella, très généreuse, nous ouvre la porte de sa chambre. Et,
comme les acteurs, on s'en sort par le chant collectif. La Chambre d'Isabella est une pièce
explosive, sans morale, une aubade, un chant d'amour à l'adresse d'une femme qui a vu défiler les
pires horreurs - tout y passe : les guerres mondiales, les camps, Hiroshima, la famine en Afrique, le
Vlaams Blok... Isabella vaut bien un tel hommage, comme celle qui l'interprète, la follement
géniale Viviane De Muynck. A l'instar des plus idiots scénarios qui arrachent des larmes, sans le
sou, elle finira.
Les Inrockuptibles, le 2 janvier 2005, Fabienne Arvers, Philippe Noisette
Une comédie musicale tragique
Piqûre de rappel pour annoncer la tournée du plus beau spectacle de l‘année passée. La chambre
d‘Isabella, mise en scène par Jan Lauwers. Viviane De Muynck - la plus grande actrice actuelle ? dirige ses danseurs et acteurs dans « une comédie musicale tragique ». Le public n‘a plus qu‘à
suivre les yeux fermés, ou plutôt grands ouverts, la Needcompany dans ce périple fou entre rêverie
et souvenirs d‘enfance.
Le Devoir, Montreal, le 03 juin 2005, Solange Lévesque
Festival de théâtre des Amériques - Kaddish en forme d'hymne à la vie
L'énergie vitale dans ses expressions les plus diverses est au pouvoir dans cet hommage à Félix
Lauwers, décédé en 2001, père de Jan Lauwers, le directeur de la compagnie bruxelloise
Needcompany, auteur, metteur en scène, scénographe et interprète de ce spectacle. Ce père
demeure d'ailleurs présent à travers l'accumulation de dizaines d’œuvres d'art venant de l'Afrique
et du Moyen-Orient, installées sur des présentoirs ou reproduites sur de grandes photos, qui
constituent le décor du spectacle.
A voir Jan Lauwers, la puissante Viviane De Muynck qui incarne Isabella et les huit autres
interprètes polyvalents qui les accompagnent, on a l'impression que chacun porte en soi l'esprit du
spectacle à chaque instant. L'atmosphère de cette farandole baroque rappelle la fête foraine dans
laquelle chacun vient faire son numéro, mais en réalité, il s'agit d'une mise en scène aussi
délicieusement compliquée qu'extraordinairement précise.
Dès l'ouverture, Jan Lauwers s'adresse directement aux spectateurs pour préciser le contexte,
l'importance qu'ont eue dans son enfance les œuvres d'art que son père collectionneur rapportait
de ses voyages et la place qu'elles occupaient dans sa vie d'enfant. Par la même occasion, il lui
dédie La Chambre d'Isabella, qui raconte l'histoire d'une femme année par année à partir de 1910.
Aujourd'hui âgée de 94 ans, Isabella vit dans une pièce où sont entassées les œuvres rapportées
par le père de Lauwers. Elle est aveugle mais «une petite caméra cachée au coin de ses lunettes
noires lui permet de tout voir», explique l'auteur, qui s'empresse d'ajouter que, «bien sûr, cette
caméra n'existe pas» et qu'«il faudra donc l'imaginer». Le ton est donné : l'invention et l'esprit
ludique président à la narration de l'histoire d'Isabella, une femme affranchie, lucide et jeune
d'esprit qui trône au milieu de la scène tandis qu'autour d'elle s'agitent dans une sorte de
mouvement perpétuel les hémisphères gauche et droit de son cerveau, un prince du désert
considéré comme son père putatif, un de ses ex et son jeune amant du moment qui se trouve à
être son petit-fils, son père adoptif, sa mère ainsi que la «zone érogène» (sic) d'Isabella, tous
personnifiés par des interprètes qui chantent et dansent aussi bien qu'ils jouent la comédie et la
musique.
Dans cette chambre blanche où temps et lieux se confondent, tous ces personnages cohabitent et
dialoguent avec elle. Où que puisse se porter notre regard sur la scène, on découvrira toujours
quelque chose d'inattendu en train de se passer.
En réalité, c'est sur le XXe siècle que Jan Lauwers porte un regard archéologique avec une ironie
lucide et sans amertume. Si chaque passage d'une année à l'autre n'était pas ponctué d'un coup
de feu qui fait bondir, on pourrait presque croire que ce siècle n'a pas été le siècle de bruit, de
fureur et de guerres sanglantes qu'il a été.
La Chambre d'Isabella est encore à l'affiche ce soir. Il faut courir toutes affaires cessantes voir ce
spectacle drôle, brillant, tonique et incomparable.
DE TIJD, le 21 septembre 2004, Pieter T'Jonk
Parce que les femmes sont extrêmement importantes
Jan Lauwers à propos de La chambre d'Isabella, de Needcompany
Chez Needcompany, l'ambiance est joyeuse. Et pour cause. La chambre d'Isabella, la nouvelle
pièce de Jan Lauwers, a été reçue de manière particulièrement enthousiaste au festival d'Avignon,
et à Bruxelles aussi c'est l'engouement. Avant les représentations à Bruxelles, nous avons eu un
entretien avec Jan Lauwers, qui nous parle d'un « spectacle blanc » avec une «maîtresse femme»
dans le rôle principal. « Dans la littérature aussi, on trouve très peu de portraits de maîtresses
femmes. »
Nous lui demandons qui est, au juste, Isabella. Jan Lauwers nous raconte une histoire à ce propos.
« Quand mon père est décédé, il y a deux ans, il m'a laissé en héritage environ 5800 objets
ethnologiques et archéologiques. Mon père était médecin, mais à ses heures il était aussi
ethnographe amateur. Enfant, ça n'a jamais suscité de questions chez moi : j'ai grandi parmi ces
objets. Après coup, on se demande évidemment ce qui suscitait cette passion. Quand on se
retrouve avec cette collection sur les bras, on doit de surcroît décider quoi en faire. C'est
également une question éthique, car nombre de ces objets ont sans doute été dérobés à ceux qui
les ont réalisés, et se sont ainsi retrouvés dans un contexte qui n'est pas le leur. Tout cela m'a
amené à écrire une histoire à propos de cette collection. Bien entendu, elle contient beaucoup
d'éléments (auto)biographiques. Mais l'histoire est racontée par une femme, Isabella Morandi, qui
en réalité n'a jamais existé. Son récit commence en 1910 et il va jusqu'à nos jours. Cela donne par
la même occasion un panorama du siècle passé. Elle étudie la collection et rêve de se rendre en
Afrique. Mais cela ne se fera jamais, à l'exception d'un passage éclair. »
Ce nom de famille fait-il référence au peintre italien Giorgio Morandi, qui toute sa vie n'a peint que
des natures mortes sans éclat ?
Jan Lauwers : « En effet, c'est une référence à ce peintre. C'est un petit clin d'œil. Parfois, je
voudrais être un de ces artistes qui sont capables de se concentrer sur une seule chose pour en
extraire la quintessence. Alors que moi, au contraire, je ne tiens pas en place. Je fais toujours
quatre choses à la fois. Mais c'est justement pour cela aussi que je déteste ce personnage. Je ne
dirais pas qu'Isabella Morandi est mon alter ego. J'ai opté pour une narratrice plutôt que pour un
narrateur surtout parce que je trouve que les femmes sont extrêmement importantes, et qu'elles
ne reçoivent jamais la place qui leur revient. Dans la littérature et au cinéma aussi, on trouve très
peu de portraits de maîtresses femmes. Je voulais créer un pendant féminin à des personnages
mythiques comme Zorba le Grec, ou Marc Antoine chez Shakespeare. Qui pouvait mieux l'incarner
que Viviane De Muynck ? Mais bien entendu, c'est la mort de mon père qui a été le point de départ
de cette pièce. »
Pourtant, Lauwers n'a pas voulu tout focaliser sur son père. « Par conséquent, j'en ai fait l'histoire
d'une femme et des hommes qui ont joué un rôle dans sa vie. De nombreux éléments
biographiques s'y insinuent. En définitive, tous ces personnages forment ensemble une image de
qui je suis, et où j'en suis. Mais dès que la pièce a existé, j'ai préféré m'en effacer le plus possible.
Cela peut sembler paradoxal, mais c'est justement pour cette raison que cette fois-ci, je joue moimême dans la pièce. C'est-à-dire, je suis présent sur la scène, mais sans avoir clairement un rôle
ou une place. Pas comme Tadeusz Kantor, qui donnait ses indications sur la scène. On pourrait dire
que le simple fait que je sois présent sur la scène sans participer à l'action fait en sorte qu'il ne
s'agit plus de moi. Je considère la scène comme un espace mental dans lequel on peut réfléchir
sur les choses. D'où le titre, aussi, La chambre d'Isabella.
Légèreté
De nombreux spectateurs à Avignon ont remarqué que c'est une pièce inhabituellement légère
pour lui.
Jan Lauwers : « Par le passé, j'ai souvent fait des spectacles « noirs ». Morning Song a été un
tournant à ce point de vue. Comment cela se fait ? Ce qui se passe actuellement sur la scène du
monde réel me pèse énormément. De plus, il y a eu, récemment, la mort de mon père. C'est sans
doute pour cela que j'avais besoin de faire un spectacle « blanc ». Je voulais que cette pièce
donne un peu de bonheur aux gens. A Avignon, quelqu'un a même dit que j'étais l'optimiste du
Festival. Ce n'est pas que je fais des compromis. Je traite toujours les mêmes thèmes '‘‘ l'érotisme,
le pouvoir, la mort '‘‘ mais cette fois-ci, les comédiens ménagent le public. Par exemple, il y a une
structure narrative très claire dans cette pièce. Les spectateurs reçoivent donc les images d'une
façon moins brutale. Apparemment le côté autobiographique plaît également, même si, je le
crains, c'est surtout parce que personne de nos jours ne sait encore très bien quoi faire de l'art. Le
contexte pour y réfléchir ou pour en juger semble tellement lointain qu'on préfère se concentrer
sur la biographie de l'artiste. Et puis, cette pièce est une espèce de comédie musicale. Et la
musique est une puissante séductrice. Elle entraîne le spectateur en un tournemain. Et ça, j'en ai
largement abusé. Les compositeurs Hans Petter Dahl et Maarten Seghers m'y ont grandement
aidé. Le CD de la « bande originale » est en vente, et dans les jours qui ont suivi la première à
Avignon, on l'entendait résonner à travers les fenêtres ouvertes. J'en conclus que La chambre
d'Isabella touche un public très large. »
Limpidité
Cette large audience fait très plaisir à Jan Lauwers. « J'ai beau passer pour un membre de l'élite
ascétique, quelqu'un qui préfère James Joyce à Gabriel García Márquez, je ne méprise pas Márquez
pour autant. Il enveloppe le fond de son œuvre dans une forme plus directe, mais le fond de son
œuvre n'en est pas inférieur pour autant. D'ailleurs, on pourrait facilement se faire une fausse idée
de cette pièce. Ça paraît tout simple de prime abord, mais cette limpidité n'est qu'une apparence.
On peut comparer cela aux films de Lars Von Trier : Dogville est un récit clair, linéaire, mais il
cache plus que ça. J'essaye, moi aussi, de réétalonner la définition du théâtre d'une façon
similaire. »
Quel rapport entre son œuvre théâtrale et son activité d'artiste plasticien ?
Lauwers : « Le théâtre pose d'autres questions que l'art plastique. Un comédien est-il un artiste,
par exemple ? Comment se positionne-t-on par rapport au public ? Est-il vrai, comme le dit Louise
Bourgeois, que les applaudissements sont une forme de terrorisme de l'esprit ? L'évolution du
théâtre nous enseigne, par exemple, que jadis, on explorait les limites du théâtre dans de petites
salles expérimentales, tandis que les grandes salles étaient entièrement acquises aux bourgeois. A
cette époque, on pouvait encore choquer le public. Aujourd'hui, tout cela est différent. A Avignon,
j'ai été frappé par le fait que festival off ne produit plus que des œuvres conservatrices,
divertissantes, tandis que la sélection officielle propose un théâtre expérimental, provocateur. Mais
dans un lieu qui est complètement récupéré par la bourgeoisie et le pouvoir. Quoi qu'on fasse, il
n'est plus possible de choquer qui que ce soit. Quels codes inventer, dans ce cas, pour mettre tout
cela en mouvement ? Dans les arts plastiques, c'est différent. Là, on se préoccupe de ses propres
questions. On s'y crée son propre espace mental. Un espace de liberté. »
DE TIJD le 30 septembre 2004, Pieter T'Jonk
L'espoir de Jan Lauwers
Isabella Morandi, la narratrice dans La chambre d'Isabella, la nouvelle pièce de Jan Lauwers pour
Needcompany, est témoin, au cours de sa vie, de nombreuses horreurs. Ça commence par le
suicide de sa mère. Et pourtant, elle tient le coup. Un Jan Lauwers inattendu et néanmoins
familier, en très grande forme. Comme souvent, Lauwers nous présente une image scénique qui
est plutôt un amas d'objets isolés qu'un cadre structuré pour l'action. Ce n'est que dans le regard
des comédiens que ces objets morts acquièrent leur magie. Une seule différence : Lauwers n'a pas
fait ni choisi lui-même les objets qui figurent dans cette pièce, ils appartiennent à une collection
d'objets ethnographiques qu'il a héritée de son père récemment décédé.
Il le révèle tout de suite aux spectateurs dans sa brève introduction. Ensuite, comme un dirigeant
« d'all-star-jazzband », il présente les comédiens un à un et commente brièvement leur rôle,
parfois peu orthodoxe. Que Viviane De Muynck joue Isabella, qu'Anneke Bonnema est sa mère,
Benoît Gob, son père, Hans Petter Dahl, son amant ou Maarten Seghers son neveu, tout cela est
limpide. Mais que penser de Tijen Lawton en « Sister Bad », alias son hémisphère cérébral droit,
intuitif, et de Louise Peterhoff en « Sister Joy », alias son hémisphère cérébral gauche, rationnel et
verbeux. Ou encore : Ludde Hagberg, le narrateur, qui inclut d'emblée les parties génitales
d'Isabella dans les présentations, ou Julien Faure, à la fois prince du désert, père et amant
imaginaires, qui domine la scène sans pour autant prononcer un seul mot ?
Encore plus absurde : tous les personnages restent constamment présents sur la scène '‘‘ alors
que, tous sauf le personnage principal, ils meurent de façon plus ou moins atroce ou s'enfoncent
dans la folie '‘‘ et se mêlent pleinement au récit de la vie d'Isabella. Tantôt ils miment une partie
de l'histoire, tantôt ils commentent les événements. Très souvent, ils sont simplement présents
pour figurer les personnages clés avec lesquels Isabella continue de s'entretenir mentalement tout
au long de sa vie. Mais surtout, ils constituent un chœur polyphonique, qui entonne régulièrement
des chants et parfois des cris.
Malgré cette logique théâtrale inhabituelle, la pièce fonctionne à merveille et laisse se dessiner un
champ sémantique cohérent. Après la mort de sa mère, Isabella a hérité de son père une chambre
à Paris remplie d'objets ethnographiques. Ces objets expriment une cruelle domination des
hommes sur les femmes, nous explique le chœur. Mais Isabella tient bon au sein de cette
présence intimidante. Elle inverse même les rôles. Elle devient une femme qui plonge dans la vie
et l'amour sans inhibitions, mais pas de façon aveugle ou idiote pour autant. Elle ne cesse de
donner, sans rancune, même lorsque des hommes, comme son amant, Alexander, persistent à la
trahir. Même par la suite, lorsque Alexander, rendu fou par la guerre, tombe à sa charge, elle
continue de le soutenir. La différence entre eux réside dans l'immense capacité d'Isabella à
accepter même l'inacceptable et à ne pas se retourner sur le passé, tandis qu'Alexander, par pure
frustration, continue de cracher son fiel sur le monde.
Lauwers élabore une seconde fois cet antagonisme entre hommes et femmes dans la douloureuse
histoire d'amour entre les parents d'Isabella. Son père a violé sa mère sans que celle-ci ait jamais
su que c'était lui. Plus tard, il ramena Isabella en douce à la maison, la faisant passer pour une
enfant abandonnée. Mais sa femme ne pouvait pas vivre avec son « secret » et elle se suicida.
Pourtant, elle aussi possédait une force particulière : après sa mort, le père ne parvient plus à
conserver sa sérénité d'antan, tout en étant encore incapable d'accepter ses remords concernant le
passé. C'est dans ce tournant cruel de l'histoire qu'on reconnaît le fond noir de l'œuvre de Jan
Lauwers. Mais grâce à la vitalité de ce fantastique travail d'ensemble de la troupe, c'est au bout
du compte une légèreté inattendue et même un brin d'espoir qui dominent.
Autour de La chambre d’Isabella
Riches heures
[Rencontre] le mercredi 8 à l’issue de la représentation.
Le Trident, Scène nationale de Cherbourg-Octeville
Place du Général de Gaulle, BP 807
50108 Cherbourg-Octeville cedex
T +33 (0)2 33 88 55 50
F + 33 (0)2 33 88 55 59
Location +33 (0)2 33 88 55 55
[email protected]
www.trident-scenenationale.com
Relations publiques
T +33 (0)2 33 88 55 58
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Nadège Henry [email protected] (organismes de formation ou sociaux, associations culturelles,
enseignement supérieur, comités d’entreprise)
Relations Presse & Médias
T 06 82 75 30 21
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Informations & communication
T +33 (0)2 33 88 55 50
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Geneviève Poirier [email protected]

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