Anne-Marie LORIN

Transcription

Anne-Marie LORIN
Anne-Marie LORIN
Accrochage du 23 septembre au 10 octobre
On entre dans l’œuvre d’Anne-Marie Lorin à la fois par la matière et par l’image.
Par la matière, car ses figures sont plaquées ou plutôt collées sur des papiers froissés, usés,
parfois même des enveloppes.
Souvent, avec cette technique héritée du cubisme, elle utilise également de petites
coupures de journaux, manière d’introduire ces signes que sont les lettres imprimées. Les
collages de Lorin restent toutefois « discrets » car l’artiste ne cherche ni les effets de relief,
ni les dissonances entre différentes matières.
On dira qu’il s’agit d’une peinture « enrichie » qui fait participer le support à la représentation.
Sur le support lui-même on trouve les images : des silhouettes noires, stylisées à l’extrême,
à l’instar de ces hommes et de ces femmes qui «couraient» le long des parois des grottes
ou se battaient sur les surfaces courbes des vases d’argile,
Certes, les personnages de l’univers de Lorin ne racontent pas d’histoires, chez elle, les
récits se réduisent à des saynètes à deux ou à trois « acteurs » figés dans des attitudes
étranges et des gestes incompréhensibles.
Pourtant, ces figures tronquées ou hybrides dégagent quelque chose d’archaïque, comme
si elles participaient d’un mythe dont le contenu nous échappe.
Tout laisse à penser qu’il s’agit d’une mythologie personnelle qui échappe à la temporalité
même si parfois un objet - un vélo par exemple- nous en donne une indication. On n’en
saura pas plus avec les« Guerriers », ces totems filiformes, peints de couleurs éclatantes,
comme un tatouage tribal.
Toutes ces figures plates, pratiquement bidimensionnelles, ont une chose en commun :
elles sont représentées de profil.
Inévitablement on songe à un mythe ancien qui remonte à l’enfance de l’art, raconté par
Pline l’Ancien. Selon l’auteur, Dibutade, une belle Corinthienne, inventa la peinture en
traçant sur un mur le contour de l’ombre de son amant qui partait au combat.
On retrouve une version de cette fable, répétée à travers les siècles, chez Diderot qui écrit
: «Quelle a été la première origine de la peinture et de la sculpture ? Ce fut une jeune fille
qui suivit avec un morceau de charbon les contours de la tête de son amant dont l’ombre
était projetée sur un mur éclairé».
Il est peu probable qu’Anne-Marie Lorin se soit inspirée de cette légende. Mais, peut-être,
comme tout véritable artiste, ses œuvres sont des histoires d’amour.
Amour de la peinture.
Itzhak Goldberg, historien d’art, septembre 2015