n° 109 - Observatoire de la non
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n° 109 - Observatoire de la non
OBSERVATOIRE DE LA NON-PROLIFÉRATION Numéro SOMMAIRE Introduction ……...1 Corée du Nord…….2 Pakistan…….……...4 Numéro spécial balistique HORS SERIE 2015/2 Alors que certains événements majeurs ont braqué cette année le projecteur sur les questions nucléaires – accord avec l’Iran, conférence d’examen du TNP, « retour » du nucléaire dans les relations Russie-OTAN dans le cadre de la crise en Ukraine – la question de la prolifération des missiles balistiques conserve son importance d’autant que leur développement est source d’instabilité dans plusieurs régions du monde. Au-delà de l’évolution quantitative et qualitative de ces systèmes, il est utile de s’intéresser aux doctrines qui encadrent leur emploi, en particulier dans des pays tels que la Corée du Nord, le Pakistan, l’Iran et la Syrie, pour mieux comprendre dans quelle mesure ils contribuent à l’insécurité régionale (voire globale). Les programmes balistiques de ces quatre pays présentent des caractéristiques communes : à l’exception du cas pakistanais, ils ont pour objectif de garantir la survie de régimes relativement isolés et en conflit avec les Etats de leur environnement proche, ils sont associés plus ou moins directement à des armes de destruction massive, enfin, leur niveau d’efficacité et de perfectionnement variable leur confère une valeur plus politique que strictement militaire. Pourtant, des différences majeures doivent être observées. En Corée du Nord comme au Pakistan, les vecteurs balistiques sont intrinsèquement liés à une arme nucléaire revendiquée et placée au centre des doctrines de dissuasion. Du côté de Pyongyang néanmoins, de nombreuses incertitudes demeurent sur d’éventuelles doctrines d’emploi en raison de l’opacité du régime et des hypothèses s’affrontent sur des éléments cruciaux tels que l’emploi en premier, la possibilité de frappes de représailles majeures ou encore l’existence d’une stratégie dite de « de-escalatory strikes ». Pour Islamabad, l’arsenal balistique a une mission beaucoup plus claire, articulée autour de deux axes. Il s’agit tout d’abord de garantir une dissuasion stratégique visant à sanctuariser son territoire. Plus récemment, le Pakistan a développé des vecteurs de très courte portée pour dissuader toute invasion conventionnelle limitée visant à opérer endeçà du seuil stratégique. Iran……………...….7 Syrie……….....…...10 Du côté de l’Iran, les contraintes associées à la portée, la précision, la fiabilité des vecteurs et l’absence (connue) d’armes de destruction massive ainsi que leur nombre limité, proscrivent la définition de toute doctrine d’emploi à finalité strictement militaire et renforcent la thèse d’armes politiques assurant la protection ultime du sol iranien mais pouvant également servir à désamorcer une crise régionale en faveur de Téhéran. Enfin, la situation en Syrie rend ardu tout exercice d’analyse de ses doctrines et il ne semble possible que de déduire des développements passés ce que pourrait avoir été l’objectif du régime au moment de l’acquisition de ces capacités. Intimement lié à son programme chimique, le programme balistique syrien a été initialement une réponse asymétrique destinée à protéger Damas de la capacité nucléaire israélienne comme de sa supériorité conventionnelle. Dans le contexte de la guerre civile, il contribue à dissuader toute intervention extérieure. L’étude des doctrines de ces Etats, souvent peu transparents, semble donc relever parfois de la spéculation, d’autant qu’elle s’appuie sur une analyse incomplète de leurs capacités, Publications et res- des forces déployées et de l’état des équipements, bien que certaines innovations technosources web…….…12 logiques les rendent mieux connues (généralisation de l’imagerie satellite, open data, …). L’étude des doctrines—et des capacités qui y sont associées—reste donc essentielle pour mieux comprendre l’importance de ces arsenaux et espérer à terme réduire l’instabilité qu’ils font peser sur la scène internationale. PAGE 2 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : Corée du Nord Des missiles perçus comme essentiels pour la survie du régime Datant des années 1970, le programme balistique nord-coréen est perçu comme indispensable à la survie du régime. En effet, La Corée du Nord se trouve depuis la fin de la guerre de Corée — dont le traité de paix n’a toujours pas été ratifié — dans une situation stratégique extrêmement délicate. Elle est en effet cernée par des puissances hostiles dont les capacités militaires sont très supérieures, à savoir la Corée du Sud, le Japon, mais également les Etats-Unis considérés comme un ennemi « mortel ». Les forces américaines qui sont encore largement déployées dans le sud de la péninsule et en constant renforcement dans la région, sont en effet le pilier de très nombreux exercices militaires régionaux perçus comme déstabilisateurs par Pyongyang. Alors que l’extrême pauvreté et l’isolement du régime, privé de l’assistance de l’URSS depuis 1991 et ne semblant bénéficier que d’un soutien de plus en plus tiède de la Chine, le condamnent à une infériorité technologique et militaire dans tous les domaines conventionnels (infériorité également sensible en matière d’entrainement, de logistique etc.), le choix de développer des armes de destruction massive (biologiques, chimiques et nucléaires) et des missiles balistiques a donc été opéré dans le cadre d’une stratégie asymétrique visant à rendre inviolable le territoire nord-coréen. Il a également répondu à Missiles réputés opérationnels (source : NTI, misdes objectifs politiques dans la mesure où ces silethreat.com) programmes ont pu servir de monnaie Missiles Frog 7 KN-02 HwaHwaHwaNodong d’échange dans le cadre de négociations sur leur démantèlement. Enfin, leurs retombées song-5 song-6 song-7 Caractéristiques économiques ne sont pas négligeables puisque malgré leur coût très élevé, ils ont Premier 1960s 2006 1986 1992 1994 1994 déploiement apporté des ressources substantielles au régime dans le cadre de trafics proliférants. Longueur Diamètre Masse 9,4 m 0,54 m 2 485 kg 6,4 m 0,65 m 2 010 kg 11 m 0,88 m 5 865 kg Performance 11 m 0,88 m 6 095 kg 13,5 m 0,88 m 6 400 kg 16 m 1,32 m 16 500 kg Des capacités en évolution Tout d’abord concentré sur les courtes portées avec l’acquisition de Scud en 1984, l’arsenal balistique nord-coréen s’est développé Portée 68 km 120 km 300 km 500 km 700 – 1300maximale 800 km 1500 de sorte à accroître progressivement la porkm tée, la précision et les capacités d’emport de ECP 500 m 100400700 m 3000 m 1000ses missiles. Aujourd’hui, la Corée du Nord 200m 1000 m 2000m Charge 1 x 200- 1 x 2501x 1x 4001 x 700- 1 x 1200 dispose de trois types de SRBM (Scud B et 457 kg 500 kg 1000 kg 750 kg 1000 kg kg Scud C ainsi que KN-02, dérivé du SS-21, Propulsion 1 étage, 1 étage, 1 étage, 1 étage, 1 étage, 1 étage, l’existence du Scud D étant débattue), évasolide solide liquide liquide liquide liquide lués à quelques centaines d’unités, d’une StationneTEL TEL TEL TEL TEL TEL composante MRBM qui s’appuie principalement ment sur les Nodong (entre 50 et 200 selon les estimations) mais aussi sur le Musadan dont le statut opérationnel est incertain. Celui du Taepodong 2, réputé avoir une portée intercontinentale et base du lanceur Unha, reste quant à lui très discuté, même si les évaluations américaines tendent à le considérer comme potentiellement opérationnel. A ce titre, le Livre Blanc japonais de 2014 estime dans son premier chapitre qu’ « its range is estimated to be approximately 6,000 km for the twostage type while the range of its three-stage variant can be more Missiles non-déployés ou en cours de than approximately 10,000 km assuming that the weight of the développement warhead is not over approximately one ton ». L’allongement des portées reste un objectif majeur de Pyongyang qui exploite son programme spatial pour développer les technologies nécessaires (Taepodong-2/Unha). Il est probable qu’un travail important soit également réalisé pour améliorer la fiabilité des systèmes, leur précision et leur capacités opérationnelles (ensilage potentiel du Taepodong-2, systématisation de déploiement mobile des autres missiles) mais aussi leurs systèmes de propulsion, voire le mode de stationnement (y compris sur des plates-formes sousmarines). Missiles Taepodong-2 Longueur Diamètre Masse 32 m 0,9 – 2,4 m 64 300 kg Musudan KN-08 Caractéristiques Portée maximale ECP Charge 10-16 m 1,5 m 19 000 – 26 000 kg Performance 7000 à 10 000 3200-4000 km ? km ? 1600 m 1 x 1000 – 1500 1 x 1200 kg kg 2 à 3 étages, 1 ou 2 liquide étages, liquide Rampe statique Rampe statique 17,1 m 1,9 m ? 2 500 – 6 000 km 1 x 500 – 700 kg Par ailleurs, il faut ajouter à ces systèmes balistiques un nombre Propul3 étages, important de roquettes légères de type BM-21 (122 mm) mais éga- sion solide lement des roquettes de 240 mm, lesquelles disposent d’une porRampe statée suffisante (environ 40 km) pour toucher Séoul si elles étaient Stationnement tique tirées depuis la frontière. Un nombre sans doute important de Frog-7 serait également opérationnel, ce qui interroge sur l’emploi qui leur serait attribué en cas de crise. [...] PAGE 3 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : Corée du Nord A portée maximale (70 km) en effet, le Frog-7 est réputé ne disposer que d’une précision très faible pour un système conventionnel (1 200 à 2 000 mètres selon le Jane’s, pour une précision théorique de 700 mètres), laissant supposer que des usages chimiques pourraient être préférés. Plusieurs hypothèses sur l’utilisation de l’arsenal en temps de crise Le 20 mai 2015, la Corée du Nord a annoncé être en mesure de miniaturiser des têtes nucléaires sur ses missiles balistiques. Même si l’information Missile Musadan, lors d’un défilé à Pyongyang, est controversée (mais jugée crédible par certains responsables militaires 2010 américains), cette déclaration renforce la crédibilité de la dissuasion nordcoréenne. Celle-ci est par ailleurs soutenue par les tentatives les plus récentes de développer des capacités de frappes à partir de plates-formes navales ou sous-marines. Du fait de cet accent mis sur les capacités nucléaires, les doctrines d’emploi balistiques nord-coréennes sont le plus souvent étudiées sous l’angle nucléaire, mais l’usage associé à d’autres armes de destruction massive—notamment chimiques—ne doit pas être négligé. L’évaluation de ces doctrines est davantage fondée sur des spéculations que sur des certitudes, en raison de l’opacité qui entoure l’ensemble des programmes et s’appuie donc sur une analyse de ce que l’on connaît de l’arsenal nord -coréen et d’une étude du comportement actuel et passé du régime. En conséquence, les thèses s’affrontent sur ce que serait une doctrine d’emploi de l’arsenal. Pour certains experts, comme Alexander Mansourov, les derniers développements illustreraient la volonté de Pyongyang d’exploiter l’arsenal balistique pour tenter de maîtriser les divers paliers de l’escalade d’un conflit. Selon cette logique, l’intensification du conflit passerait par des avertissements, des démonstrations de tirs de vecteurs voire des essais nucléaires. Elle se poursuivrait par des menaces de frappes nucléaires sur les forces ennemies en cas d’invasion du territoire nord-coréen puis sur les bases situées dans la région. Les cibles prioritaires seraient alors les bases militaires en Corée du Sud, en Asie Pacifique, Guam, Hawaii et de manière ultime le continent américain. Dans ce cadre, Pyongyang adopterait une posture offensive couplée à une première frappe. Cette logique d’escalade lui permettrait d’espérer mettre fin à une invasion à son avantage, mais postule à l’absence de riposte par les Etats-Unis. Dans une telle hypothèse, la Corée du Nord ne serait a priori pas capable de monter une seconde frappe. Ce scénario nécessiterait un travail accru sur la précision et la fiabilité des systèmes, pour tenter de percer les défenses adverses ainsi qu’un travail sur l’accroissement de la puissance des armes nucléaires pouvant compenser la faible précision des vecteurs (notamment sur les longues et très longues portées) permettant un usage adapté à des objectifs militaires. Pour d’autres et en particulier Terence Roehrig, cette option est peu crédible au vu de l’état très incertain des capacités nord-coréennes et du risque élevé qu’une première frappe nucléaire entraine directement la chute du régime du fait de l’ampleur des représailles américaines. En conséquence, il postule plutôt à l’existence d’une doctrine punitive qui viserait en priorité les villes sud-coréennes et les bases américaines dans la région de manière large. Cette hypothèse serait accréditée par les efforts du régime pour renforcer la résilience de l’arsenal : discours autour des sous-marins et missiles déployés sur des navires, missiles mobiles et dissimulés en temps de paix en zone montagneuse ou dans des tunnels, zones de lancement à proximité de la frontière chinoise... Brad Roberts propose une synthèse de ces deux hypothèses en montrant que Pyongyang pourrait utiliser son arsenal dans une logique d’escalade conventionnelle puis nucléaire classique, théorie accréditée par la rhétorique agressive du régime. Toutefois, on peut penser que la combinaison entre la très faible fiabilité des systèmes d’armes et l’existence de défenses antimissiles pourrait conduire la Corée du Nord à privilégier l’emploi restreint d’armes chimiques voire une frappe nucléaire de démonstration pour capitaliser sur les peurs des populations sud-coréennes et résoudre un éventuel conflit à son avantage. La posture nord-coréenne se traduirait donc par une forte ambiguïté, renforcée par les incertitudes de la communauté internationale sur la rationalité de l’équipe dirigeante. Face au risque d’annihilation du territoire national que pourrait susciter toute manœuvre d’escalade nucléaire, les gesticulations nord-coréennes pourraient être considérées comme du bluff. Toutefois la crainte, chez les Etats-Unis et leurs alliés, que le calcul de Pyongyang soit biaisé par le poids de l’idéologie et de la personnalité impulsive de Kim Jung-un, pourrait les contraindre à la retenue et donner une capacité de coercition politique à un arsenal en réalité assez peu performant au niveau militaire. Selon cette hypothèse, le régime n’aurait pas besoin de travailler avec application au perfectionnement de ses systèmes et pourraient se contenter d’essais sporadiques pour intimider des adversaires peu enclins à prendre le risque de subir une frappe, conventionnelle ou non, sur les zones peuplées de la péninsule coréenne. O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N PAGE 4 Spécial balistique : Pakistan Un arsenal balistique né de la compétition avec l’Inde Comme le développement de l’arsenal nucléaire pakistanais, l’acquisition de missiles balistiques, à partir des années 1980 et 1990 a été menée dans l’optique de répondre à la menace nucléaire perçue en provenance de l’Inde, elle-même largement influencée par l’existence d’une capacité nucléaire chinoise. Initialement, les premiers développements de missiles pakistanais se sont appuyés sur des technologiques issues du programme spatial, qui a vu le jour au début des années 1960 autour d’un programme de fusées sonde. Ces dernières ont permis à Karachi de lancer ses premiers démonstrateurs technologiques Hatf 1 et Hatf 2 en 1989, un an après les essais indiens du Prithvi (missiles sol-sol d’une portée d’environ 150 km). A partir des années 1990 et des restrictions apportées par les Occidentaux sur les programmes à dimension stratégique, le régime s’est principalement tourné vers des réseaux clandestins (Corée du Nord) mais aussi sur des coopérations interétatiques avec la Chine pour poursuivre ses travaux balistiques. Cette double influence a permis au Pakistan de développer parallèlement deux types de technologie : des missiles à propulsion solide, comme le Hatf 3 ou le Hatf 4, inspirés du M-11 chinois et produit par la PAEC et un missile à propulsion liquide, le Hatf 5, directement dérivé du Nodong et produit par le Khan Research Lab (KRL). Dès la fin des années 1990, la recherche et le développement ont été rationnalisés alors que les essais ont été très souvent politisés et corrélés aux essais indiens mais également aux crises de sécurité qui ont opposé les deux pays. Ces nombreux essais ont permis de perfectionner les systèmes les plus anciens et de concentrer les efforts technologiques sur des systèmes d’armes couvrant un plus grand spectre de portées (SRBM/MRBM) ainsi que des missiles de croisière. Un développement capacitaire suivant plusieurs axes Essentiellement destiné à servir de vecteur à l’arme nucléaire, le programme balistique pakistanais s’est d’abord concentré sur le développement d’une capacité de frappe stratégique sur le nord de l’Inde (zone New Delhi traitée par les missiles Hatf 3 et 4 acquis à partir de 1994) ainsi que sur les grandes zones économiques et démographiques du nord du sous-continent (traitées par les missiles Hatf 5 puis Hatf 6), avant de concevoir des vecteurs pouvant être déployés sur le champ de bataille (Hatf 2 et Hatf 9). L’essentiel des technologies de propulsion solide est plus que probablement d’origine chinoise, bien que le Pakistan semble développer des capacités nationales pour les systèmes de courte portée et, très éventuellement, sur les systèmes de plus longue portée les plus récents (Hatf 6). Au niveau quantitatif, de grandes incertitudes demeurent : il est généralement estimé qu’il existerait entre quarante et cent Hatf 3, SRBM d’une portée estimée entre 250 et 400 km, une quarantaine de Hatf 4 de 750 km de portée, et moins de 30 Hatf 6 d’une portée d’environ 2000 km dont l’origine (chinoise dérivée du M-18, missile lui-même très mal identifié, ou purement pakistanaise) ne fait pas consensus. Missiles réputés opérationnels (source : NTI, missilethreat.com) Missiles Hatf 1 B Hatf 2 / Abdali Hatf 5 / Ghauri I / II Hatf 6 / Shaheen II Hatf 9/ Nasr 2002 Hatf 3 / Hatf 4 / GhaznaShahee vi nI Caractéristiques 2004 2003 Premier déploiement Longueur Diamètre 2001 2003 2004 2013 6m 0,56 m 6,5 m 0,56 m 8,5 m 0,8 m 12 m 1m 15,9 m 1,350 m 17,5 m 1,2 m 6m 0,4 m Masse 1 500 kg 1 750 kg 4 650 kg 9 500 kg 15 850 kg 23 600 kg 1200 kg Portée maximale ECP Charge 100 km 200 kg Propulsion 1 étage solide 150 m 1 x 250 à 400 kg 1 étage solide 12001800 m 2 500 m 1 x 7001000 kg 1 étage solide 1 étage solide 1 étage liquide 2000-2300 m 350 m 1 x 700 kg ou plus si conventionnel 2 étages solide 60 km ? 1 x 500 kg Performance 320 km 750 – 900 km 250 m 200 m 1 x 700 1 x 700 kg kg Stationnement TEL TEL TEL TEL TEL TEL TEL ? 1x 400 kg 1 étage solide La filière d’acquisition nordcoréenne a de son côté permis de développer le MRBM à propulsion liquide Hatf 5, version sur laquelle un important travail a été réalisé pour en améliorer la fiabilité comme la portée. 12 Nodong auraient été initialement livrés par la Corée du Nord, ce qui pourrait permettre à Islamabad de disposer aujourd’hui de plus du double de Hatf 5. Enfin, l’arsenal est composé de missiles développés en interne, catégorie dont le nombre est en augmentation. Ces développements, qui ont pu à l’origine exploiter des technologies mises en œuvre dans le cadre du programme spatial, ont profondé- [...] PAGE 5 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : Pakistan ment évolué sous l’impulsion des acquisitions technologiques chinoises. C’est plus particulièrement le cas du Hatf 1B et du Hatf 2, qui seraient au maximum une centaine. Le Hatf 9, quant à lui, semble être de conception récente et se baser sur des technologies nationales. Testé pour la première fois en 2011, sa portée est donnée à 60 km, avec une capacité nucléaire. Parmi les systèmes à l’étude, le Shaheen III (Hatf 6A) a été lancé pour la première fois le 9 mars 2015 et témoigne de la volonté pakistanaise de pouvoir frapper n’importe quel point du territoire indien. Ainsi, la portée du missile (2750 km) lui permet de couvrir toute l’Inde jusqu’aux îles Andaman et Nicobar (golfe du Bengale). Les principaux projets en cours portent sur l’amélioration de la précision notamment par le développement de systèmes manœuvrants tant au niveau des vecteurs courte portée qu’à celui des MRBM, mais aussi le développement de missiles plus puissants, capables d’emporter plusieurs têtes nucléaires ainsi que des aides à la pénétration, pour faire face à l’émergence des programmes de défense antimissile indiens. Une doctrine d’emploi qui vise principalement à dissuader l’Inde en sanctuarisant le territoire national Cold Start : mythe ou réalité L’appellation « Cold Start » recouvre en réalité une pluralité d’options militaires développées par l’Armée indienne pour améliorer la réactivité de ses forces et permettre une action punitive au Pakistan en-deçà du seuil nucléaire. Cette volonté a pris corps après l’attaque du Parlement de New Delhi en 2001, lorsque l’Inde, après avoir considéré des mesures de rétorsion sur le sol pakistanais, a pris conscience du temps nécessaire à la mobilisation de ses troupes (trois semaines), délai annihilant l’effet de surprise et la mettant sous de fortes pressions internationales l’invitant à la retenue. Plusieurs « options stratégiques proactives » ont donc été proposées par l’Armée, plus ou moins radicales, pour permettre une mobilisation rapide en réorganisant les forces notamment à proximité de la frontière, en re-divisant trois corps d’armée en huit nouvelles divisions pouvant se lancer dans des opérations offensives dans les 72-96 heures. L’objectif de la manœuvre serait d’occuper la zone frontalière pakistanaise sans franchir les « lignes rouges » de sa doctrine nucléaire pour pouvoir faire pression sur le gouvernement, et dans le scénario souvent retenu, le contraindre de renoncer à soutenir des groupes terroristes. Ces propositions ont reçu un soutien modéré du gouvernement civil, ce qui interdit de parler de doctrine officielle, mais les efforts constants pour améliorer la réactivité et la rapidité des forces conventionnelles indiennes ainsi que le souhait de dissuader efficacement de nouvelles attaques terroristes en Inde influencent néanmoins le gouvernement pakistanais dans la préparation de son arsenal et la formulation de ses doctrines d’emploi. Cet impact est d’autant plus fort que de récents exercices de grande ampleur ont démontré les progrès réalisés par l’armée indienne pour procéder à des manœuvres dans une situation d’urgence. La doctrine d’emploi du Pakistan a évolué au fur et à mesure que son arsenal s’est modernisé et lui a permis d’envisager des logiques de frappes plus complexes. Elle s’est tout d’abord construite dans une logique existentielle, la seule possession d’une arme vectorisée étant jugée suffisante pour sanctuariser le territoire. Aujourd’hui, grâce aux progrès majeurs réalisés dans les années 2000 tant en termes qualitatifs que quantitatifs, la doctrine d’emploi des missiles est plus ambitieuse et prend davantage en considération les contingences militaires et l’évolution de la pensée stratégique indienne. L’accroissement du stock d’armes nucléaires comme de missiles devrait ainsi donner au Pakistan la possibilité de passer d’une posture de dissuasion minimale, fondée sur une capacité restreinte à cibler l’Inde, à une posture de dissuasion sur un large spectre (full spectrum deterrence), devant lui permettre d’assurer un principe de dissuasion du plus bas niveau opérationnel (champ de bataille) jusqu’au niveau stratégique. Cette évolution résulte à la fois de la transformation des arsenaux indiens et pakistanais mais également des choix politiques du Pakistan, qui, en instrumentalisant le terrorisme contre l’Inde, a suscité une évolution de la posture militaire indienne autour de scénarios de riposte conventionnelle axés sur l’idée de manœuvre (Cold Start, voir encadré). Ces opérations conventionnelles limitées, inspirées des concepts opérationnels soviétiques (groupes de manœuvre opérationnels) et américains, visent, par des actions brusquées mais limitées, à permettre des opérations de nature stratégique réputées par leurs auteurs comme étant en-deçà du seuil de riposte nucléaire. Compte-tenu de la géographie et de l’absence de profondeur stratégique du Pakistan, celles-ci poseraient néanmoins un risque de sécurité majeur à Islamabad. D’autre part, du fait de leur nature brusquée, elles auraient le potentiel de décrédibiliser une dissuasion essentiellement fondée sur la notion de représailles stratégiques et ont contraint le Pakistan à renforcer ses capacités de frappe non stratégiques pour y répondre. Selon le Général Khalid Kidwai, alors responsable de la Pakistan’s Strategic Plans Division (SPD), non seulement des opérations militaires indiennes entrainant la destruction des forces armées pakistanaises ou la saisie d’une portion stratégique du territoire pourraient justifier une frappe nucléaire mais toute politique de blocus ou de déstabilisation en résultant serait également sus- [...] PAGE 6 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : Pakistan ceptible de conduire au même résultat. Afin de préserver son intégrité territoriale, le Pakistan compte sur l’emploi de missiles de très courte portée, et en particulier les récents Hatf 9, pour dissuader une invasion indienne, quitte à menacer de cibler des troupes ennemies sur son propre sol. Une telle doctrine nécessite non seulement de posséder des missiles très précis et réactifs, ce qui serait a priori le cas des Hatf 9, mais également de disposer d’une infrastructure C4ISR (commandement et reconnaissance) relativement évoluée. Toutefois, la logique d’emploi sous-jacente reste à déterminer. En effet, pour arrêter des unités blindées dispersées sur la zone frontalière, plusieurs centaines de missiles et d’armes seraient nécessaires selon les estimations les plus basses, une quantité qui dépasse les stocks actuels. Si le déploiement de cette catégorie d’arme permettrait d’éviter la concentration de troupes indiennes sur le théâtre des opérations et ainsi d’accroître les chances de l’armée pakistanaise de parvenir à défendre son territoire, on peut néanmoins penser que le Pakistan n’envisage pas de développer une capacité de frappe tactique massive mais chercherait avant tout, par des frappes très limitées, à démontrer à l’Inde sa capacité à engager l’escalade nucléaire. Missile Hatf 5 / Ghauri, lors d’une exposition à Karachi, 2008 Il est par ailleurs à souligner que le déploiement de tels systèmes posent des questions complexes en termes d’effets militaires mais également de sécurisation des armes, de command and control et de délégation de tir vers les unités tactiques. Autant de contraintes qui risquent d’influer sur les doctrines d’emploi, voire de les restreindre à une logique plus politique que purement opérationnelle. On peut également estimer que la mise en œuvre d’une logique d’escalade nucléaire au niveau tactique signifie que le Pakistan ne juge pas crédible la doctrine indienne qui prévoit des représailles massives à tout type d’usage du nucléaire y compris sur des troupes qui seraient engagées au Pakistan. Pour autant, une telle stratégie impose à Islamabad de disposer d’une capacité de seconde frappe crédible, tant dans la capacité de riposte per se, que dans sa capacité à infliger à l’Inde des dommages substantiels, voire inacceptables. Les évolutions en termes de puissance, portée, manœuvrabilité et précision des Hatf 4, Hatf 5 et surtout Hatf 6 ont ainsi pour vocation d’assurer cette capacité de représailles et de Tir d’essai d’un missile Hatf-9, 2013 Source : Ministère de rendre les enjeux du conflit insoutenables pour l’Inde, pour autant la Défense pakistanais que la puissance des armes le permette. Certains analystes tendent déjà à estimer que le Pakistan dispose de capacités de contre-force, permettant de priver l’Inde de la possibilité de réussir une attaque nucléaire, ce qui reste erroné dans les faits, mais qui pourrait se concrétiser à terme si les évolutions qualitatives et quantitatives de l’arsenal devaient se poursuivre. Le déploiement de défenses antimissiles par l’Inde tend à accélérer ce processus de modernisation. Il faut néanmoins noter que même si la Strategic Plans Division du Ministère de la Défense travaille sur des doctrines de plus en plus précises qui sont couplées pour l’essentiel aux développements technologiques en cours, certains projets semblent davantage signaler une volonté d’imiter l’Inde et de prouver des capacités scientifiques et industrielles plutôt que refléter des doctrines d’emploi construites. Le rythme des essais, qui suivent souvent les essais indiens, ou des annonces, par exemple concernant le projet de seconde frappe navale, accrédite cette hypothèse et confirme les craintes de courses aux armements sur le sous-continent indien. Il reste à voir si l’ensemble de ces développements permettra au Pakistan de maintenir sa logique de sanctuarisation agressive, qui jusqu’à présent, lui a permis de soutenir des actions de déstabilisation contre le territoire indien sans risque de représailles militaires. Les coûts de modernisation de l’arsenal sont en effet probablement prohibitifs et le pays est engagé dans une course qu’il ne peut que difficilement gagner. Une évolution des stratégies asymétriques qu’Islamabad poursuit contre l’Inde et l’abandon du soutien aux groupes terroristes opérant contre elle pourraient faire évoluer les doctrines d’emploi et les stratégies en déconnectant la dissuasion nucléaire des activités de déstabilisation. Les deux Etats rentreraient alors dans une logique de dissuasion purement stratégique qui ne nécessite probablement pas de capacités aussi développées et qui contribuerait alors à stabiliser la région. PAGE 7 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : Iran Un programme lancé dans le sillage de la Quel impact de l’accord sur le nucléaire sur le programme balistique? guerre Iran-Irak Lors du conflit l’opposant à l’Irak, l’Iran a pris conscience des limites de ses forces armées incapables d’opérer dans la profondeur du territoire ennemi. Devant cette faiblesse, le pays a fait le choix de se lancer dans l’acquisition et le développement de missiles balistiques. Entre 1980 et 1990, en raison de son isolement sur la scène internationale, Téhéran a privilégié les réseaux proliférants avec des importations de Scud B de Libye puis de Corée du Nord avant d’acquérir auprès de cette dernière une capacité d’assemblage puis de production. Les Scud B ont été utilisés dès la fin de la guerre avec l’Irak pour des bombardements stratégiques sur Bagdad à l’occasion de « la guerre des cités ». Grâce à l’acquisition en Corée du Nord de Scud B et C puis de Nodong, l’Iran est capable dès la fin des années 1990 de développer son arsenal autour de systèmes équivalents (Shahab 1 et 2 pour les Scud B et C et Shahab 3 pour les Nodong). A partir du début des années 2000, l’Iran dispose d’une capacité de production nationale, qui continue toutefois de dépendre d’importations de certains composants ainsi que d’expertises techniques étrangères pour moderniser ses systèmes. Ces progrès ont été réalisés parallèlement au développement des capacités spatiales iraniennes, concrétisé par le premier lancement d’une fusée Safir en 2007 et le placement d’un satellite en orbite en 2009. Tout au long de l’année de négociations ayant permis d’aboutir à un accord global avec l’Iran sur son programme nucléaire, la question de ses capacités balistiques a été posée. Pour autant, les membres du P5+1 et l’Iran ont fini par reconnaître que le dialogue ne concernait que le nucléaire. Comme attendu donc, l’accord signé le 14 juillet 2015 à Vienne ne fait pas mention de limitations aux développements balistiques. Dans les faits, la levée des sanctions prévue par les résolutions 1737 et 1929 de l’ONU n’a cependant pas conduit à la suppression de toute mesure restrictive sur le transfert d’armes et de technologies à destination de l’Iran, puisque la nouvelle résolution 2231, adoptée le 20 juillet 2015, exige de l’Iran un arrêt de ses activités balistiques pouvant emporter des charges nucléaires, et en particulier un arrêt des lancements, pendant une durée de 8 ans. La résolution prévoit également que le Conseil de sécurité puisse refuser au cas par cas l’importation par Téhéran de composants susceptibles d’être utilisés pour des missiles à capacité nucléaire. Des capacités surtout centrées sur les portées courtes Du fait de leur technologie d’origine, la majorité des systèmes balistiques déployés par l’Iran utilise des combustibles liquides, et notamment la série des Shahab, qui composent la base de l’arsenal et seraient, si l’on s’en tient aux volumes importés et aux estimations de production, au nombre de quelques centaines pour les Shahab 1 et 2 et moins de cent pour le Shahab 3. Les deux premiers missiles disposeraient d’une petite vingtaine de transporteurs-lanceurs pour seulement six TEL pour le Shahab 3, chiffres qui paraissent cependant très faibles. Les caractéristiques techniques qui sont proposées dans le tableau ci-dessous sont très approximatives. En effet, beaucoup de doutes subsistent sur les performances de l’arsenal iranien en raison du faible nombre d’essais réussis et réalisés dans des conditions opérationnelles. La précision estimée des armes, souvent extrapolée de celle des SS-1c soviétiques, est possiblement surévaluée, tant pour le Shahab-1 que pour le Shahab-2. En dépit de travaux importants sur le Shahab-3, notamment au niveau des têtes, sa précision pourrait être supérieure au kilomètre. Enfin, la fiabilité de l’ensemble des Missiles réputés opérationnels (source : NTI, missystèmes reste très difficile à apprécier, silethreat.com) mais l’obsolescence d’une partie de l’arsenal Missiles Fateh Shahab1 ShahabShahab-3 Qiam laisse supposer des taux relativement A110 2 faibles. Caractéristiques 1987 1997 Déploiement Longueur 8,86 m 10,94 m Diamètre 0,61 m 0,88 m 10,94 – 11,5 m 0,88 m Masse 3 400 kg 5 860 kg 6 095 kg 2003 2011 16,58 m 10,6 m 1,25-1,38 ? 0,88 m 17 410 kg 6155 kg Performance Portée maximale 210 km 300 km 500 km 1300 km 500 km ECP 100-300 m 450 à 1000 m ? 2000 m? <1000 m 500 m Charge 1x500 kg 1 x 985 1x770 kg 1 x 1200 1x750kg Propulsion 1 étage, solide 1 étage, liquide 1 étage, liquide 1 étage, liquide 1 étage, liquide Stationnement TEL TEL TEL TEL / silo TEL Néanmoins, les efforts de Téhéran pour allonger la portée de ses missiles semblent témoigner de son souhait de pouvoir à tout le moins cibler Israël de manière certaine sans devoir s’appuyer sur une exposition de ses forces de missiles sur sa frontière occidentale, qui renforcerait la vulnérabilité des lanceurs. Le Ghadr, qui présenterait des caractéristiques similaires au Shahab 3, mais est réputé emporter davantage de propergol, répond à cet objectif, mais son déploiement opérationnel n’a pas été confirmé. La poursuite par l’Iran d’une capacité intercontinentale fait débat depuis plusieurs années. Niée avec véhémence par le [...] PAGE 8 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : Iran régime, elle a fait l’objet d’une forte suspicion, plus particulièrement depuis le lancement réussi des lanceurs spatiaux Safir et de la révélation par l’Iran du programme Simorgh, qui semble dérivé des Unha-2 ou 3 nord-coréens. Aucun essai ne permet d’affirmer que l’Iran maîtrise cette technologie à ce jour. "Sejil 2 et Qiam lors d’une exposition à Téhéran, 2012, crédit : Vahid alpha Shahab 2, lors d’une exposition à Téhéran, 2012, crédit : Vahid alpha Fateh-110, lors d’un défilé à Téhéran, 2012 Du côté des missiles à propulsion solide, le Sejjil, a priori capable de toucher le sud de l’Europe, semble confirmer la maîtrise technologique de l’Iran sur ce type de propulsion. Il ne semble cependant pas encore être opérationnel, d’autant que ce missile n’a pas été testé depuis 2011 pour des raisons inconnues, mais éventuellement liées à des problèmes d’approvisionnement pour la production de propergol. À la limite entre artillerie et SRBM, le régime possède enfin plusieurs types de roquettes lourdes (y compris guidées) de courte portée dont les stocks sont difficiles à déterminer mais pourraient se chiffrer autour de plusieurs centaines. Depuis quelques années, l’Iran a accentué le développement de systèmes courte portée, jusqu’alors largement obsolètes. Si le Qiam a semblé montrer que Téhéran entendait valoriser les technologies des Scud pour moderniser l’arsenal (amélioration de la précision par rapport au Shahab-2), il n’est pas à exclure que des choix technologiques différents aient été finalement retenus, notamment autour de la modernisation des roquettes lourdes de type Zelzal et Fateh. Le Fateh 110 et ses différentes évolutions (Khalij Fars) tendent à montrer que pour les plus courtes portées, l’Iran s’oriente désormais vers les propulsions solides, compensant la plus faible capacité d’emport de ces systèmes par une plus grande précision. Certaines informations évoquent à ce titre le retrait du Qiam, laissant présager un renouvellement complet des systèmes opérant sur les portées basses des SRBM. Une doctrine d’emploi limitée par les insuffisances techniques Dans l’état actuel des développements cependant, l’arsenal iranien reste fortement limité par les capacités techniques des vecteurs, trop imprécis pour permettre la mise en œuvre de stratégies de frappes à finalité militaire sans être couplés à des armes de destruction massive. En dépit de nombreux exercices mettant en œuvre des tirs de salve, la précision des vecteurs iraniens est trop faible pour envisager de garantir la destruction d’infrastructures militaires de la taille d’une base aérienne sans consommer une part très substantielle du stock. Cette remarque, vraie pour les Shahab 1 et 2, l’est d’autant plus pour les Shahab-3 qui n’auraient d’utilité que pour des frappes de terreur dirigées contre de grands centres urbains. Si les effets ne doivent pas être sous-estimés, les destructions occasionnées par une charge conventionnelle d’une tonne portée par un missile balistique étant considérables, l’imprécision des armes limite néanmoins les logiques d’emploi à des scénarios très circonstan- Missiles non-déployés ou en cours de dévelopciées, exposant avant tout les Etats du Golfe et, de mapement nière plus résiduelle, Israël. Missiles Ghadr-1 Sejjil-2 Variante du Shahab-4 Shahab 3 Compte tenu de son environnement stratégique, l’Iran Caractéristiques doit en effet considérer que tout conflit qui l’opposerait Longueur 15,86 m 17,6 m 17 m ? à un Etat voisin pourrait générer une coalition impli- Diamètre 1,25 m 1,25 m 1,25 – 1,38 m ? quant une majorité des Etats du Golfe (membres du Masse 19 600 kg 23 600 kg 18 300 – ? 19 000 kg Conseil de coopération du Golfe), les Etats-Unis et une Performance ou plusieurs autres puissances occidentales. Les conPortée 1500 – 2000 km 1 700 km 2000 – traintes liées aux ciblages sont donc particulièrement maximale 1900 km 4000 km nombreuses, la supériorité aérienne d'une éventuelle ECP 50 – 700 m ? 500 m ? 1x1000 kg 1x1000kg 1x750 kg ? coalition rendant très difficile la coordination des Charge 2 étages, 2 étages, 1 étage, li? frappes. Cela pourrait contraindre l'Iran à exploiter la Propulsion liquide solide quide profondeur stratégique de son territoire - ce qui peut StationTEL TEL TEL ? impliquer qu'un certain nombre de systèmes opéreront nement en limite de portée, sous menaces constantes alors que la définition des cibles devrait être étroitement associée aux objectifs politiques recherchés in fine par Téhéran. Compte-tenu des très fortes limitations des vecteurs (précision mais aussi de réactivité), les déclarations iraniennes sur les emplois insistent généralement sur la notion de première frappe et de frappe de saturation, permettant d’en maximiser les effets avant que les déploiements militaires de l’adversaire entravent la mise en œuvre des opérations balistiques. A cette stratégie potentielle de première frappe s’associe, selon toute probabilité, une logique de tir perlé, visant à maintenir une capacité de tir dans la durée en minimisant [...] PAGE 9 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : Iran Missiles balistiques et programme nucléaire : ce que l’on sait Les analyses liants les capacités balistiques et le programme nucléaire iranien ont été qualifiées de « stupides et idiotes » par l’Ayatollah Khamenei. Pour autant, les experts s’accordent sur le fait que si l’Iran venait à disposer d’une bombe nucléaire, le vecteur choisi pour les porter serait ses missiles balistiques. La question est donc de savoir dans quelles mesures l’arsenal actuel est adapté à l’emport de têtes nucléaires. Sur ce point, les données les plus utiles semblent être contenues dans l’annexe du rapport GOV/2011/65 de l’AIEA qui cite plusieurs activités pouvant signaler l’intention de Téhéran d’adapter ses vecteurs à des têtes nucléaires, et en particulier des essais d’explosifs brisants (y compris la mise au point de détonateurs à fil explosant) et la reconfiguration d’un corps de rentrée du Shahab-3 lui permettant d’accueillir une nouvelle charge sphérique. Ces études ont notamment porté sur la modélisation permettant de concevoir la chambre de la charge et son contenu et d’évaluer leur résistance aux stress subi lors du lancement et du vol du missile (projet 111). Un prototype aurait également été construit et potentiellement testé. Par ailleurs, le rapport explique que l’Iran, grâce à ses rapports avec le réseau Khan, possédait des documents sur l’utilisation de l’uranium sous forme métallique ainsi que son moulage, et probablement plus généralement sur la construction d’un dispositif nucléaire explosif. Enfin, l’Iran se serait livré aux préparations nécessaires à un essai d’un dispositif nucléaire explosif. l’exposition des vecteurs. Du fait de leur mobilité, les SRBM seraient probablement dispersés sur le territoire en cohérence avec la doctrine plus globale de défense « en mosaïque » mise en avant par l’Iran et qui vise à décentraliser ses forces ainsi que le commandement pour se prémunir de opérations aériennes adverses. Ce type de stratégie, qui avait fonctionné pour l’Irak et est encore régulièrement mise en œuvre – sur des portées bien plus courtes – par les Palestiniens, ne vise cependant qu’à un résultat politique, les effets militaires de ces frappes étant pour le moins hasardeux. Dès lors, l’arsenal a pour l’instant un rôle essentiellement dissuasif. Les exercices répétés de tir en salve peuvent laisser supposer que des bombardements massifs pourraient être initiés contre des centres démographiques et économiques, incitant les Etats potentiellement ciblés à ne pas entrer en conflit. La stratégie prioritaire pour l’Iran consisterait avant tout à dissuader et à se servir de ses missiles de manière politique et non militaire, pour intimider et compenser les faiblesses de ses forces conventionnelles. En cas de conflit, en anticipant un usage parcimonieux de l’arsenal dans la durée, l’Iran pourrait tenter d’ébranler la détermination psychologique de son adversaire ainsi que renforcer le moral de sa propre population. Toutefois, si l’Iran ne devait se trouver en conflit qu’avec une seule puissance régionale géographiquement proche, le stock de vecteurs balistiques suffirait probablement à exercer une menace de frappe crédible, soutenant ainsi directement l’effort militaire iranien. Le rôle politique et de propagande (tant en interne qu’à l’extérieur) de l’arsenal ne doit pas être sous-estimé. En effet, l’Iran a choisi de faire parader de manière ostensible ses derniers systèmes d’armes, ainsi que de retoucher les images des missiles et des impacts au sol créés par des tirs d’essai, pour donner l’impression d’une maîtrise technologique et d’une capacité militaire supérieures à celles dont il dispose réellement. Objets de prestige en interne pour un régime autoritaire cherchant des sources de légitimité, ces armes sont également perçues comme des moyens de pression à l’extérieur puisqu’elles ont pour rôle de démontrer la puissance de l’Iran et sa capacité à réagir à toute agression sur l’ensemble du théâtre régional, et de convaincre ses adversaires du bienfondé de privilégier la voie diplomatique dans leurs relations avec Téhéran. Enfin, la médiatisation du programme le transforme en une cause nationale et permet au régime d’expliquer lors de négociations avec la communauté internationale qu’il lui est impossible d’y renoncer en raison de la pression populaire. Des évolutions doivent néanmoins être anticipées, les programmes iraniens tendant à se focaliser sur le développement de systèmes d’arme plus opérationnels à finalité militaire, plus particulièrement dans le cadre des doctrines de déni d’accès. Au fur et à mesure des modernisations des vecteurs courte portée à propulsion solide (de type Fateh) et des missiles de croisière, une capacité de frappe sélective, visant des infrastructures critiques, pourrait voir le jour. Ce développement capacitaire permettrait à Téhéran de compléter sa stratégie de terreur par une stratégie de frappe plus souple, permettant une meilleure gestion de l’escalade intra-conflictuelle. Certains analystes escomptent ainsi voir se mettre en place des manœuvres d’intensification de frappe visant à contraindre les puissances adverses à envisager une pause dans le conflit, suivant une logique de frappe de désescalade (« de-escalatory strikes »). Une telle stratégie reste cependant totalement inenvisageable sur les portées plus longues, où l’arsenal iranien ne pourrait être utilisé que dans une visée politique. Enfin et peut-être surtout, l’évolution de l’arsenal iranien doit être envisagée en lien avec la modernisation accélérée des capacités antimissiles de l’ensemble des Etats de la région. De plus en plus performantes face à des vecteurs de courtes et moyennes portées, ces défenses remettent directement en cause la validité de la stratégie balistique de l’Iran et participent directement au renforcement politique et militaire des mécanismes d’alliance existant dans la région. Pour les surmonter, Téhéran n’aura d’autre choix que de renoncer à son modèle de développement proliférant indigène et de se rapprocher d’autres puissances balistiques, ce qui pourrait à terme en- PAGE 10 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : Syrie La genèse du programme balistique Les capacités balistiques syriennes ont été principalement conçues dans l’optique du conflit qu’entretient le régime avec Israël. Le programme a vu le jour suite aux échecs de Damas à s’imposer face à son voisin lors des différents affrontements, et en particulier lors des guerres du Kippour et du Liban (1982), guerres pendant lesquelles le régime a pris conscience de l’infériorité manifeste de ses forces aériennes et de son incapacité à opérer des frappes dans la profondeur du territoire adverse. Convaincue que le fossé entre les technologies occidentales et celles de son allié soviétique ne lui permettrait pas de rattraper son retard en matière aérienne, la Syrie décide alors de s’appuyer pour sa défense sur le développement d’un arsenal balistique. En effet, Hafez al-Assad aurait déclaré : « La guerre de 1982 était une guerre aérienne, la prochaine guerre sera une guerre de missiles ». Cette décision s’est déclinée depuis lors dans trois directions : tout d’abord l’acquisition de missiles auprès d’alliés ou dans le cadre de trafics proliférants (Corée du Nord, Iran), la constitution de capacités de recherche et de production nationales et enfin le développement en parallèle de capacités non-conventionnelles (biologiques et chimiques). Missiles réputés opérationnels (source : NTI, misDes capacités qui restent mésilethreat.com) connues Missiles Tochka / SS‐21‐B SS‐1c puis Scud‐C Scud‐B Caractéristiques 1974 (SS1990s 1c) 11,25 m 11,25 m 0,88 m 0,88 m 5900 kg 6400 kg Performance 300 km 580 km 450 m 700 m 1 x 985 kg 1 x 600 kg 1 étage, 1 étage, liquide liquide TEL TEL Contrairement à Téhéran ou Pyongyang, la Syrie n’a pas fait le choix de l’ostenta- Premier déploie- 1983 tion concernant son arsenal de missiles. ment Ainsi, faute de défilés réguliers ou Longueur 6,4 m d’informations fiables, les composants Diamètre 0,65 m 2 000 kg exacts de cet arsenal restent méconnus et Masse extrapolés des caractéristiques des vecteurs nord-coréens ou iraniens. Dans le Portée maximale 70 km ECP 160 m contexte très troublé des insurrections Charge 1 x 482 kg dans le monde arabe, le régime s’est vu Propulsion 1 étage, dans l’obligation de changer de stratégie solide et de démontrer à la communauté inter- Stationnement TEL nationale ses capacités dans le but de dissuader l’Occident d’intervenir dans la guerre civile, comme cela avait été le cas en Libye. Analyse des trafics proliférants Syrie-IranCorée du Nord Les programmes balistiques syriens, iraniens et nordcoréens, ainsi que les ambitions non-conventionnelles de ces trois pays, ont alerté la communauté internationale qui a cherché à empêcher tout commerce de technologies et de matières sensibles à destination de ces Etats. Les Etats-Unis ont été parmi les plus actifs avec l’adoption du Iran, North Korea and Syria Nonproliferation Act (INKSNA, P.L. 106178) en 2006. Les coopérations entre Damas et Pyongyang sont anciennes et ont notamment permis à la Syrie d’acquérir les Scud les plus récents qui composent son arsenal, ainsi que des composants et une assistance technologique nécessaires à la production nationale. D’après la CIA, cette dépendance envers la Corée du Nord serait toujours d’actualité, notamment pour la maintenance et le développement de l’arsenal de Scud. Avec l’Iran, la coopération entre les deux pays s’est surtout manifestée autour de la production du M-600, une variante très proche du Fateh-110 iranien. Une commission conjointe aurait en réalité travaillé sur le projet à partir de 2010. Par ailleurs, les deux Etats ont un intérêt à renforcer les capacités d’acteurs non-étatiques tels que le Hezbollah et à leur transmettre des armes comme les Scud ou le M-600, transferts qui aurait été entrepris par l’un ou l’autre des alliés, selon des sources israéliennes, en 2010 au Liban. Scud‐D M‐600 / CSS‐8 2000 ? 2008 ? 12,29 m 0,88 m 6500 kg 8,86 m 0,61 m 3,450 kg 700 km 50 m 1 x 985 kg 1 étage, liquide TEL 210 km 100 m 1 x 500 kg 1 étage, solide TEL Ainsi, le régime a réalisé deux exercices de grande ampleur donnant un aperçu de son arsenal en décembre 2011 et juillet 2012. Ces exercices ont permis de dévoiler l’ensemble des moyens de l’armée syrienne (avions, hélicoptères, artillerie, blindés, navires, mais aussi missiles antinavires, missiles antiaériens et missiles sol-sol). Trois types de missiles balistiques ont été lancés à cette occasion. Des missiles de courte portée de type Scud, rebaptisés Julan-2, ont été testés sans qu’il soit possible de savoir avec certitude s’il s’agissait de Scud B (300 km de portée) ou Scud C (580 km de portée). L’essai de juillet 2012 a permis de distinguer des Tochka (ou éventuellement des KN-02 nordcoréens), mais les images ne permettent pas de distinguer leur TEL, floutés sur les vidéos probablement pour en cacher l’origine. Enfin, le missile connu sous le nom de M600 a été exhibé, très proche du Fateh-110 iranien, mais qui pourrait être légèrement plus long. Sa portée serait de 300 km et sa précision de moins de 500 m. Côté quantitatif, là encore, des précautions sont de mise, car les informations issues en particulier du renseignement israélien et relayées par la presse semblent parfois peu fiables. Ainsi, on estime, d’après les acquisitions connues et une estimation des transactions clandestines et des productions locales, que Damas pour- [...] PAGE 11 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : Syrie rait disposer d’environ 400 missiles Scud, une quarantaine de Utilisations de missiles balistiques Tochka et un nombre inconnu de M600. Ces chiffres, déjà ap- lors de la guerre civile syrienne proximatifs, ont pu significativement évoluer depuis le début de 12/12/12 : l’administration Obama acla guerre civile. cuse le régime Assad d’avoir tiré au Une doctrine d’emploi très liée à la situation géosmoins 6 missiles de type Scud 21/12/12 : le secrétaire général de tratégique du Proche-Orient l’OTAN confirme le lancement de nouComme le révèle la typologie des missiles composant l’arsenal veaux missiles syrien, la composante balistique est avant tout adaptée à un envi- 07/2013 : Human Rights Watch estime ronnement local caractérisé par de faibles distances géograque 130 tirs ont eu lieu, des images laisphiques et son absence de profondeur stratégique. N’ayant tousent voir des Scud B et des Tochka jours pas signé de traité de paix avec Israël, la Syrie a longtemps 2013 : l’opposition syrienne, puis adopté une posture essentiellement dissuasive, couplant les misDaesh, revendique la possession de siles balistiques à des armes de destruction massive. Jamais utiliScuds sés avant la guerre civile, ces armes ont été décrites comme de- 25/03/2015 : la Turquie accuse la Syrie vant faire contrepoids à la capacité nucléaire israélienne. Aucune d’avoir utilisé un Scud à proximité de la menace d’emploi n’a donc été recensée lors des multiples affronville frontalière de Hatay tements que les deux pays ont connus, soit directement, soit par l’intermédiaire du Hezbollah. Au tournant des années 2000 cependant, la plupart des analyses israéliennes reconnaissent une valeur dissuasive à l’arsenal syrien, suffisante pour inhiber des opérations conventionnelles de grande ampleur contre le territoire syrien. Le déploiement de défenses antimissiles performantes par Israël a contraint Damas à faire évoluer son arsenal pour garantir sa capacité à pénétrer le bouclier défensif israélien (Arrow 2). Pour ce faire, les forces syriennes ont lors des essais de 2011 et 2012 procédé à des tirs extrêmement rapprochés (1/10e de seconde) qui pourPoint sur le démantèlement des armes chimiques raient illustrer la volonté de Damas de saturer la défense antimissile israéLe 23 juin 2014, l’OIAC se félicitait de la destruction des derniers lienne. Il n’est pas impossible que le déstocks d’armes chimiques précédemment détenues par Damas. Un an veloppement du Scud D, généralement plus tard, cet accomplissement est perçu avec ambivalence. Certes, le décrit comme un Scud à plus longue désarmement chimique syrien a permis la destruction de 1300 tonnes portée (700 km) ait également visé à d’armes, qui auraient pu tomber entre les mains de Daesh ou d’autres accroitre la charge utile du missile sur groupes djihadistes. Mais les récents rapports selon lesquels le régime les portées plus courtes et permettre aurait fait usage de chlore, d’une part, et les estimations du renseigne- l’adjonction de systèmes d’aide à la pément américain selon lequel Assad n’aurait pas mentionné tous les nétration. sites de production et de stockage à l’OIAC suscitent toujours des interrogations. Avec le prolongement de la guerre civile, des rumeurs ont circulé sur l’emploi de missiles balistiques contre des sites tenus par les rebelles, notamment de Scud. Il semble peu probable que le régime ait opté pour un emploi autre que symbolique de ce type de missile dont les stocks sont limités et ne peuvent que très difficilement être accrus au vu des conditions actuelles. Les tirs recensés (voir ci-contre) ont probablement eu une valeur plus symbolique (frappes de terreur) que purement militaire, les tirs à visée opérationnelle ayant probablement été réalisés par des Tochka ou des M-600. En effet, le nombre réduit de Scud, leur manque de précision, le peu d’essais récents et les conditions de maintenance que l’on peut supposer très complexes, invitent à penser qu’ils ont un rôle plus psychologique qu’opérationnel, et visent non seulement à démontrer une capacité de frappe sur l’ensemble du territoire mais également, dans une logique dissuasive, une capacité de sanctuarisation du territoire syrien face à toute tentative d’intervention extérieure. Cette hypothèse est renforcée par leur couplage à des armes de destruction massive. Le démantèlement des armes chimiques limite cette fonction même si elle n’a pas totalement annihilé le caractère dissuasif de l’arsenal balistique syrien. Dans l’état actuel des choses, les capacités balistiques syriennes sont très difficiles à évaluer, notamment du fait de la fragmentation du territoire contrôlé par le régime et des contraintes logistiques et humaines qui peuvent en résulter. Par ailleurs, il est assez probable que Damas conM-600, source : télévision nationale syrienne centre actuellement ses acquisitions sur des systèmes directement opérationnels dans le cadre de la guerre civile, et plus particulièrement autour des M600. Les modalités d’emploi de ces armes seront assez probablement moins contraignantes que celles des Scud, permettant un usage plus systématique et l’adoption de stratégies de frappe dans la profondeur sur les théâtres d’opération. Reste que sauf acquisition de nouveaux vecteurs, le risque posé par l’arsenal syrien sur la région s’est grandement atténué. PAGE 12 O B S E R V A T O I R E D E LA N O N- P R O LI FÉ R A T I O N Spécial balistique : publications et ressources web Alors que l’actualité récente a eu tendance à mettre sous la lumière les programmes nonconventionnels (nucléaire en Iran, chimique en Syrie), la question des vecteurs a néanmoins continué d’être traitée notamment sous l’angle des développements technologiques les plus récents. De nombreux auteurs ont ainsi choisi de se pencher sur les conséquences en termes de stabilité d’innovations telles que les ICBM, missiles de théâtre ou encore SLBM. Le CSIS, sous la direction d’Anthony Cordesman, a abordé les capacités balistiques de plusieurs Etats sous l’angle quantitatif et qualitatif, en compilant de nombreuses sources disponibles et estimations et formulant des hypothèses et interprétations. La question des doctrines d’emploi et des stratégies a été abordée de manière moins régulière, même si plusieurs chercheurs ont émis des théories en la matière, en particulier Terence Roehig pour le cas nord coréen, Michael Krepon pour le Pakistan ou encore Uzi Rubin pour la Syrie. Corée du Nord Terence Roehrig, North Korea's Nuclear Weapons: Future Strategy and Doctrine, Policy Brief, Belfer Center for Science and International Affairs, Harvard Kennedy School, Mai 2013 Terence Roehrig « North Korea's Nuclear Weapons Program: Motivations, Strategy, and Doctrine », in Strategy in the Second Nuclear Age: Power, Ambition, and the Ultimate Weapon. Washington, D.C.: Georgetown University Press, cctobre 2012 Henry Kan, John Schilling, « The Future of North Korean Nuclear Delivery Systems », North Korea’s Nuclear Futures Series, U.S.-Korea Institute SAIS, 2015 Joel S. 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