De Brouage à Québec, en passant par La Rochelle

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De Brouage à Québec, en passant par La Rochelle
De Brouage à Québec, en passant par La Rochelle :
Le parcours d’une famille de marchands
Samantha Rompillon
12-07-2004
Lier des espaces séparés par l’Atlantique est l’un des objectifs de l’Inventaire. Le parcours des
enfants de François Hazeur et de Marie Proust (ou Proulx) illustre parfaitement le type de
liens qui peut exister entre la France, ici Brouage (aujourd’hui appelé Hiers-Brouage), et les
villes de Québec et Montréal.
De l’enfance aux prémices de la vie d’adulte : Brouage et La Rochelle.
Originaire de Tours, Marie Proust épouse en 1645 François Hazeur, de Brouage. Le couple
s’installe par la suite à Brouage. Ils auront quatre enfants que l’on retrouve plus tard en
Nouvelle-France : François (1646-1708), Jean-François (1648-1685), Léonard (1654-1687), et
Marie-Anne (1654-1704).
Trois lieux demeurent associés à ces premières années en France : tout d’abord, l’église
paroissiale Saint-Pierre de Brouage où Léonard et Marie-Anne Hazeur sont baptisés en 1654,
mais aussi la maison Hazeur, où la famille s’installe à partir de 1656 et jusqu’en 1669, année
marquée par le décès de François Hazeur père.
L’église paroissiale Saint-Pierre (à Brouage) : vue d'ensemble prise depuis le sud-ouest.
Photo : Aline Carpentier, 2003.
Voir la fiche.
Dans ces chemins de la migration, La Rochelle devient une étape avant le départ pour la
colonie. Ville de recueil d’abord pour Marie Proulx et sa fille, puis ville de joie et de
renouveau avec le mariage du fils Jean-François, avec Anne Drouard (Marie-Anne Drouard)
en 1672 à l’église Saint-Nicolas.
Façade de l'ancienne église Saint-Nicolas. Photo : Alain Dagorn, 2002.
La Nouvelle-France ou la vie de négociants
François et Léonard partent les premiers pour la colonie. On les retrouve à Québec en 1669,
lors de leurs confirmations. Tous deux épousent des filles de marchands : Anne Soumande
(Anne Soumande Delorme) en 1672 pour le premier et Marie-Anne Pinguet en 1681 pour le
second. Tous deux embrassent également la carrière de négociants.
François : éminent négociant aux multiples relations d’affaires
François se démarque en devenant l’un des plus éminents hommes d’affaires de la NouvelleFrance. Gendre de Pierre Soumande, il ouvre un magasin à Québec et se livre à la traite des
fourrures. Parmi ses relations d’affaires, on retrouve des marchands de La Rochelle. Il y a tout
d’abord Jean Grignon, baptisé à l’église Saint-Nicolas (voir photo ci-dessus), mais aussi Jean
Gitton baptisé à l’église paroissiale Saint-Jean-du-Perrot.
Eglise Saint-Jean-du-Perrot, vue du clocher. Source : Alain Dagorn, 2002.
À ces hommes s’ajoute Philippe Gaultier de Comporté, qui est notamment propriétaire de la
seigneurie de la Malbaie et de la Comporté1 en Nouvelle-France.
Plaque commémorative de la seigneurie de La Malbaie et celle de la Comporte.
Photos : Marie-Claude Côté, 2003
Pierre Gaigneur est aussi en relation avec François Hazeur. Grand négociant rochelais, il est
également directeur de la Compagnie des Indes occidentales, dont nous possédons des plans
des anciens magasins à La Rochelle : un premier plan représente l’ensemble du port et les
différents bâtiments s’y attachant tandis que le second plan est une copie d’un original de Cl.
Masse en 1689, par Joseph-Nicolas Bournaud.
Plans des anciens magasins de la Compagnie des Indes : I- le cercle rouge indique l’emplacement des
anciens magasins de la compagnie des Indes ; II- Les magasins de la compagnie des Indes occupaient,
selon Jourdan, les parcelles sur le port numérotées sur le plan 247, 248 et 80. Sources plan 1 : Zoé,
Lambert, Zoé, 1997 et plan 2 : Médiathèque Michel Crépeau La Rochelle, 2003.
François Hazeur ne se limite pas à la traite des fourrures : il se lance dans l’industrie du bois
(sans succès), dans l’exploitation d’une carrière de schiste, dans la pêche aux marsouins, etc.
Il fut membre de la Compagnie du Nord2 et de la Compagnie de la colonie3 puis conseiller au
Conseil supérieur à partir de 1703. Un destin remarquable même si son magasin semble être
la seule entreprise à avoir fourni des bénéfices constants. Il meurt à Québec en 1708.
Quelques années auparavant, en 1696, il avait convolé en secondes noces avec Elisabeth
Barbe.
Sa maison, sise Place-Royale, au 27 rue Notre-Dame, est réputée à l’époque pour être la plus
belle de la ville. Sa mère Marie Proust vient y vivre dans les années 1680. C’est d’ailleurs à
Québec, qu’elle meurt en 1699. Sa sœur Marie-Anne y demeure également lors du
recensement de 1681.
Maison Hazeur, 27 rue Notre-Dame. Photos : S. Rompillon, hiver 2004
Voir la fiche.
Des frères et sœur à proximité et dans les affaires
Si François Hazeur se démarque nettement de ses frères, ces derniers firent également carrière
dans le négoce et ne furent jamais très éloignés les uns des autres. Léonard habite à proximité
de son frère François avec lequel, il est en affaires. Il décède en 1687, à Québec.
Jean-François Hazeur dit Petitmarest vient à Québec en 1670 avant de partir pour Montréal.
Marchand, lui aussi, il est dans le commerce des fourrures et surtout est associé à ses frères.
Jean-François meurt en 1685 à Montréal. Dans son testament, il fait des dons à la fabrique de
Montréal, aux Récollets de Québec, et, aux « pères de l’observance de la porte de Cognes » à
La Rochelle.
Marie-Anne Hazeur épouse en 1690 le négociant Jean Sébille (Cébille) à Québec. Ce dernier
fait construire une maison en 1701 sur un terrain mitoyen à la maison Hazeur : la maison
Soumande. Cette appellation nous rappelle que le terrain fut d’abord la propriété de Pierre
Soumande, le beau-père de François Hazeur.
Maison Soumande. Photo 1 : Vue de la côte de la Montagne, photo 2 : Vue de la rue Notre-Dame.
Photos : S. Rompillon, hiver 2004
Voir la fiche.
C’est sur le mur nord de la maison Soumande que se trouve aujourd’hui la Fresque des
Québécois, œuvre murale en trompe-l'œil qui raconte par l'image l'histoire de la capitale
nationale du Québec.
La fresque des Québécois, sur le mur de la Maison Soumande.
Photo : S. Rompillon, hiver 2004.
Une famille de négociants à la « mémoire encore vivante ».
Les chemins de la migration sont multiples et différents selon chacun. Ici, ils sont partis de
Brouage pour La Rochelle puis la Nouvelle-France avec la ville de Québec voire de Montréal.
« Ils », ce sont ces frères et sœur mais aussi cette mère veuve qui ont reformé un noyau solide
aux liens ancrés dans la famille (la proximité des demeures est étonnante) mais aussi dans les
liens professionnels : les trois frères sont marchands et la sœur est l’épouse d’un homme
d’affaires, d’ici à supposer qu’elle fut également active, il n’y a qu’un pas. À cela s’ajoute le
destin avec la mise en valeur de lieux dont ils furent à la fois les fondateurs et acteurs. On
peut penser notamment à la maison Hazeur qui abrite aujourd’hui le centre d’interprétation de
Place-Royale. Plusieurs expositions y sont proposées : sur les habitants de la maison, sur le
commerce et son importance pour Place-Royale, sur la vie quotidienne, etc4. À travers ces
expositions, c’est d’une certaine manière, la mémoire d’une famille de négociants qui se
perpétue.
Centre d’interprétation de Place-Royale. Photos : S. Rompillon, hiver 2004
1
Voir fiche Q03-400 : Plaque commémorative de la seigneurie de La Malbaie et celle de la Comporte.
Créée en 1682, la Compagnie du Nord avait pour but d’exploiter la traite à la Baie d’Hudson.
3
François Hazeur est un des actionnaires de la Compagnie de la colonie. Cette société fut fondée vers 1700,
année où elle prend le contrôle du domaine de Tadoussac.
4
Voir le site du Centre d’interprétation de Place Royale : http://www.mcq.org/place_royale/expositions.html
2