1 PREAC Titre Finir en beauté Mohamed El Khatib Les Solitaires
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1 PREAC Titre Finir en beauté Mohamed El Khatib Les Solitaires
Titre Finir en beauté Mohamed El Khatib Les Solitaires Intempestifs. 2015. Présentation de Après des études en Khâgne puis un diplôme de Science-Po, l'auteur Mohamed El Khatib co-fonde en 2007 le collectif Zirlib, réunissant auteurs, danseurs, comédiens et plasticiens autour d'un postulat simple : l'esthétique n'est pas dépourvue de sens politique. Auteur, comédien, metteur en scène, ses œuvres s'articulent autour d'un thème central : la mort. Liens biographiques : http://www.zirlib.fr : site de la compagnie de Mohamed El Khatib Cadre spatio- La pièce se déroule à l'hôpital où la mère finit ses jours, puis au funérarium et ensuite au Maroc où son corps est inhumé temporel Résumé Il s'agit d'une restitution des derniers jours de la mère de l'auteur, atteinte d'un cancer du foie en phase terminale et des moments qui suivent son décès. Le point de vue est celui du fils, et toute la famille accompagne ce moment douloureux. L'ensemble est présenté sous forme de chronique documentaire mais, loin d'être objectif, l'auteur ponctue sa « fiction documentaire » de remarques aussi drôles qu'émouvantes. Structure La pièce est sous titrée « Pièce en un acte de décès ». Un prologue (2010 - 2011) Un acte découpé en saynètes. On commence le 12 février 2012, une semaine avant le décès, puis le récit est organisé par ordre chronologique (avec un retour en 2011) Un épilogue Une chronologie indicative Une note de l'auteur Notes de fin NB : chacune de ces parties fait partie intégrante de la pièce. Thématiques - Thématique principale : la maladie incurable et la mort - Le personnage de la mère, l'attachement du fils - Le deuil - La relation mère-fils, les relations familiales - L'immigration, la culture maghrébine, l'administration française et le statut d'immigré. Personnages - La mère : personnage qui, jusque la fin de sa vie paraît plein de vie et de gouaille. Une « mama » haute en couleur à laquelle 1 PREAC « Écritures Francophones et Théâtre » le fils - narrateur est très tendrement attaché. - Le fils : auteur, c'est son point de vue, son vécu qui nous est rapporté. - Le père : croyant et traditionaliste, il apparaît en filigrane, ses actes et paroles ne sont que très peu rapportés par l'auteur, comme dans une grande pudeur. Le père et le fils semblent tout deux maladroits à communiquer. - Les sœurs : on devine entre les lignes la vie ordinaire d'une fratrie soudée, avec des non dits, de petites rivalités, et beaucoup d'amour. - Les proches et les amis : présents à leur manière et chacun comme il le peut dans ces moments difficiles, leur approche semble ne jamais convenir à l'auteur, qui reste inconsolable. Ils apparaissent à travers leurs lettres, mots, sms, mails et sont ainsi saisis dans leurs quotidiens, leurs peines à eux, leurs tracas personnels que l'auteur ne commente pas, comme enseveli sous son propre deuil maternel. Langue Le langage utilisé est simple, tournures orales dominantes. Ecriture sous forme de retranscription d'enregistrements, ou bien de notes de fin et de bas de page, de lettres, de sms. L'ensemble est ancré dans le réel, le quotidien, le prosaïque et dans un même temps, les mots sont justes, efficaces, les tournures choisies et le registre doux-amer. Éléments Machine à jouer, tout est ici à inventer. Aucune indication n'est scéniques donnée, le texte n'est pas à proprement parler théâtral, dans sa forme. Niveau de Texte assez bref, qu’il est possible d’étudier en fin de 3 ème et au lycée. Problématique très concrète, possibilité d'aborder avec difficulté les élèves les thèmes de l'accompagnement de fin de vie, du deuil, de la famille. Extraits significatifs Prologue. Mai 2010. (pages 11-12) Ma mère a 78 ans, elle vient de dépasser l'âge qui lui permettait d'accéder à tous les jeux de société destinés aux joueurs de 7 à 77 ans. Elle a les traits tirés, le visage marqué par les années de souffrance et de bonheur, le corps usé par tant d'hospitalité, de devoir d'hospitalité. Accueillir l'autre, quand on vient des montagnes du Rif, ça a du sens. Depuis l'hiver dernier, je suis à son chevet. Alors je lui raconte des histoires. Elle n'a jamais su lire, elle récitait simplement ça et là quelques versets du Coran appris par coeur lors de brefs passages à l'école coranique de Zaouia. Elle n'a donc qu'un seul livre, le Livre, son Livre. Je commence à rattraper le temps perdu, son temps littéraire et notre temps mère-fils. Je lui fais la lecture en français, certains passages en arabe, et les silences, en silence, jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Parfois, même endormie, je poursuis la lecture à cette mère somnolente qui ne comprend ni les passages de Proust, ni les aventures du sultan 2 PREAC « Écritures Francophones et Théâtre » Mourad de La Légende des siècles. L'intensité est ailleurs, plus que les textes, c'est notre relation qui est en tension. Chaque livre lu est du temps de vie sur le temps de mort, chaque parole, chaque reprise de souffle est un instant de paix. Le printemps vient s'immiscer dans la chambre de ma mère, écouter les histoires de ma mère et m'accompagner dans la lecture du Livre de ma mère d'Albert Cohen. Je crois que ce fut sa lecture préférée. J'avais décidé de lire toute la nuit. Elle n'a jamais autant souri, me regardant fixement dans les yeux, sa main dans la mienne. 28 février 2012. (pages 38-39) Cela faisait deux jours que nous n'avions pas pleuré. Il était environ 19 heures et il nous fallait servir la soupe à tous les convives compatissants dont on ne savait plus s'ils étaient là pour ma mère ou pour la soupe ou un peu des deux. On se met alors à chercher les petits bols à soupe pour mettre la table et je ne les vois pas. On commence à regarder mais on ne les trouve pas. Mes sœurs s'y mettent, mon père aussi. Rien. Rien et je sens qu'inexorablement la tension monte lentement à cause de ces petits bols à soupe. Quinze minutes et on n'arrive toujours pas à mettre la main sur ces petits récipients hémisphériques destinés à accueillir la soupe et qui nous permettraient de mettre les gens dehors. Ils doivent bien être quelque part ces tout petits bols à soupe. Il est temps qu'ils apparaissent ces foutus bols à soupe parce que là je sens que ça va plus aller. Si quelqu'un s'est amusé à cacher les petits bols c'est extrêmement drôle merci mais là il faut arrêter maintenant, le moment est mal choisi, faut très vite rendre les petits bols à soupe avant que ça ne dégénère. Ca commence, soudain mon père s'effondre en larmes. Il reçoit de plein fouet la disparition des petits bols. Il mesure combien une soupe orpheline de ses bols ne sert à rien. A cet instant, toute la famille, absolument toute la famille se remet à pleurer devant cette béance amère, qui nous rappelle qu'elle n'est plus là, la seule personne qui savait que ces putains de petits bols se trouvaient à l'intérieur de la soupière. 8 mai 2012. (pages 47-48) Objet : Faire quelque chose Mohamed, Bon mon coco, écoute bien là, parce que tu commences sérieusement à nous étouffer tous là avec ta mère. Faut que tu comprennes que ni ta mère, ni aucune autre mère n'est le 3 PREAC « Écritures Francophones et Théâtre » centre du monde. Faut arrêter avec cette vaste fumisterie, ce complot de l'association des mères juives, arabes ou mères tout court dont le seul but est cultiver une dépendance ad vitam aeternam de leurs progénitures, de s'astreindre quotidiennement à les étouffer avec application et méthode, à les rendre inadaptées en dehors de leur seule et unique présence. Même Dieu ; même Dieu n'a pas eu un ego aussi surdimensionné et hypertrophié que la première mère venue, même tous les dieux réunis – bordel ! - font preuve d'un peu plus d'humilité à l'égard de « leur création » Parce que bon je ne connaissais pas ta mère hein, d'accord mais moi ma mère je la déteste, je la hais, qu'elle crève plutôt deux fois qu'une, elle a pourri mon enfance, elle a pourri mon père, mes frères et sœurs, le seul dénominateur commun dans notre famille c'est la détestation concertée qu'on lui porte. Tu comprends ça ? Chez nous la mère, c'est notre père. Je n'éprouve rien pour ma mère, absolument rien, tout au plus une belle indifférence et je peux même te dire que c'est réciproque et que ça va. Et que ça va. Alors maintenant tu arrêtes de nous emmerder avec ta mère parce que ça va ! Ton entreprise de culpabilisation de l'amour filial de la chair de ma chair de mes entrailles à la con, c'est peut-être vrai pour ta mère et toi, celle d'Albert Cohen à la rigueur, mais toutes les autres mères la vérité c'est qu'elles n'en ont rien à foutre de leurs gamins. Et je vais te dire, eh bien tant mieux. Et ça va ! Merci. Ca va ! M. Liens http://www.theatre-contemporain.net/biographies/MohamedEl-Khatib/ : page de l'auteur sur le site théâtre contemporain avec plusieurs vidéos, une biographie, et de nombreux autres documents. http://www.franceculture.fr/personne-mohamed-elkhatib.html : émissions France Culture consacrées à Finir en beauté Lexique Les montagnes du RIF : région septentrionale du Maroc, bordée (dans l'ordre du par la mer Méditerranée au nord, l'Algérie à l'est, le Moyen Atlas texte) au sud et l'océan Atlantique à l'ouest. Versets : courts paragraphes numérotés subdivisant la Bible, le Coran, un livre sacré. Coran : Livre sacré de l'Islam Ecole coranique : l'école coranique assure aux jeunes enfants une formation fondée sur la mémorisation des sourates du Coran Zaouia : ville de Lybie Proust : écrivain français du début du XXe siècle La Légende des siècles : recueil de poèmes de Victor Hugo Egorger un mouton : tradition religieuse effectuée à l'occasion de la fête de l'Aïd, qui marque la fin du jeûne du Ramadan 4 PREAC « Écritures Francophones et Théâtre » (neuvième mois du calendrier hégirien. Au cours de ce mois, les musulmans ayant l'âge requis ne doivent pas manger, boire, fumer ni entretenir de relations sexuelles de l'aube au coucher du soleil) Cathéter : tube qui sert à distribuer ou retirer des fluides de l'organisme. Snada : ville du Maroc Figues de Barbarie : fruit d'un cactus originaire du Mexique Maladie hépatique : maladie du foie. Métastase : cellule cancéreuse. Traitement immunosuppresseur : traitement utilisé pour prévenir le rejet d'une greffe par exemple, qui consiste à inhiber le système de défenses immunitaires. Traitement palliatif : traitement qui tente d'atténuer les symptômes d'une maladie incurable. OPA : Offre Publique d'Achat. Terme économique qui consiste à la proposition de rachat du capital d'une entreprise. Road-movie : genre cinématographique dans lequel le périple sur les routes constitue le fil conducteur du scénario. Imam : chef religieux musulman, à même de diriger la prière communautaire dans une mosquée. Djellaba : longue robe ample avec capuchon portée dans les pays arabes. Barthes (Roland) : critique littéraire et sémiologue français. Meetic : site de rencontres. Mektoub : le « destin » en arabe. Site de rencontres de la communauté maghrébine et musulmane en France. Halal : désigne tout ce qui n'est pas interdit par la charia (la loi) islamique. La viande Halal est autorisée car sa préparation a suivi des règles particulières. 5 PREAC « Écritures Francophones et Théâtre »