vers un nouvel enseignement de la musique au conservatoire de

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vers un nouvel enseignement de la musique au conservatoire de
Octobre 2010
VERS UN NOUVEL ENSEIGNEMENT DE LA MUSIQUE
AU CONSERVATOIRE DE NANTES
Rémi Corbière
Professeur et coordonnateur du département formation musicale au CRR de Nantes
Le dispositif
Au CRR de Nantes, cela fait quelques années déjà que l’on réfléchit à une autre façon de
commencer la musique… Comment aider nos jeunes élèves débutants à faire le lien entre leurs
différents enseignements (traditionnellement formation musicale d’un côté et instrument de
l’autre) ?
•
Comment leur donner l’occasion de vivre de riches expériences musicales dès leurs
premières années d’apprenti musicien ?
•
Comment rompre avec le sentiment d’isolement des différents enseignants en charge d’un
même élève : combien sont les professeurs d’instrument qui savent ce qu’il se passe en
cours de FM ?
Après un premier dispositif expérimental appelé « Maîtres Uniques » en 1998/99, ce sont les
cuivres et la Petite Fanfare qui inaugurent en 2005 la mise en place progressive des « Ensembles
Débutants », aujourd’hui un dispositif pédagogique qui a fini par se développer et s’imposer petit
à petit comme le cursus « normal » d’apprentissage de la musique et de formation du jeune
musicien au Conservatoire de Nantes : une formation musicale au sens large (chant, formation
musicale par « famille d’instruments » adaptée aux spécificités de la pratique instrumentale de
l’enfant, formation instrumentale), fondée sur la recherche d’un « beau son » et le plaisir de jouer
ensemble (par l’orchestre, le chœur ou la musique de chambre).
Sur un plan pratique, les enfants ont deux ateliers par semaine pendant les deux premières années,
et ils viennent bien sûr chaque fois avec leur instrument :
•
premier temps : « l’ensemble » proprement dit sous la responsabilité partagée d’un
professeur de formation musicale et d’un ou deux professeurs d’instrument, le « cours de
formation musicale » s’appelant désormais pour les enfants « cours d’ensemble ».
•
deuxième temps : le cours d’instrument par petits groupes de 2 ou 3 élèves. A partir de la
3ème année, les apprentissages s’approfondissent et le même professeur de formation
musicale poursuit seul sa partie, mais toujours en lien avec les collègues instrumentistes, la
pratique collective instrumentale s’amplifie et un « parcours » est organisé sur 2 ans en
semestre ou trimestre pour que chaque enfant expérimente l’orchestre, la chorale, la
musique de chambre, et aborde d’autres esthétiques.
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Chacun des neuf « Ensembles Débutants » (cuivres, cordes, musiques traditionnelles, musiques
anciennes,
hautbois/bassons,
pianos/percussions,
harpes/guitares/flûtes
traversières,
clarinettes/saxophones et « voix ») que compte aujourd’hui le dispositif emprunte un chemin qui
lui est propre, contraint par les spécificités des instruments qui le composent, chemin jalonné de
rencontres musicales et de présentations publiques nécessitant bien sûr beaucoup de concertation
de la part des équipes pédagogiques : pour la préparation des cours (objectifs de fin de cycle, de
l’année, de la période, de la séance), pour la réalisation du matériel pédagogique (arrangements,
fiches de travail), pour l’évaluation (« conseils de classe » destinés à remplir des bulletins
communs, auditions en fin de cycle permettant d’évaluer l’ensemble des apprentissages,
individuels et collectifs).
Commentaires
Du point de vue du professeur de formation musicale, ce dispositif lui permet de :
•
sortir de son isolement, en lui permettant de travailler en équipe avec ses collègues profs
d’instrument sur un projet musical et pédagogique commun, que ce soit pour la préparation
et le déroulement du cours comme pour l’évaluation des élèves ;
•
placer la pratique musicale au cœur du cours collectif et s’appuyer sur un répertoire (de
chansons, de grands thèmes classiques ou de morceaux issus du répertoire instrumental)
qui permet tous les apprentissages : oreille, lecture, écriture, invention, culture ;
•
ne plus être seulement considéré par les enfants comme « le prof de solfège » alors que son
collègue prof d’instrument est, lui, « le prof de musique »…
Mais il présente aussi quelques contraintes :
•
beaucoup de temps de concertation : pour préparer les objectifs de fin de cycle spécifiques
à chaque ensemble, les objectifs de fin d’année, les objectifs par période et ceux par
séance, les évaluations collectives, auditions et concerts…
•
beaucoup de temps de préparation des cours : tout le matériel est à créer : arrangements (en
collaboration avec les profs d’instrument), exercices issus du répertoire travaillé.
En ce qui concerne l’attitude et le travail des élèves, on constate :
•
une plus grande implication dans le déroulement du cours, où l’enfant est acteur de son
apprentissage ;
•
•
un plaisir renforcé ;
une plus grande écoute ;
•
de plus grandes qualités de justesse, de mise en place rythmique et d’expression musicale
(phrasé, dynamique, intensités…) ;
•
un meilleur développement de l’ « oreille » de manière générale ;
•
une plus grande « culture » développée par la diversité du répertoire abordé et le nombre
de partitions travaillées : chants, écoutes, morceaux d’ensemble (chœur, orchestre ou
musique de chambre), morceaux individuels,
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mais aussi quelques points négatifs :
•
moins d’aisance à l’écrit, dans l’exercice typiquement solfégique de la dictée, car bien
souvent la disposition de la salle ne permet pas de profiter à la fois d’un endroit
suffisamment vaste pour bouger, chanter et jouer debout ou assis face à son pupitre et d’un
autre équipé de tables, mais aussi parce qu’il existe d’autres moyens de vérifier le bon
fonctionnement de l’oreille (mémorisation/imitation
transposition, improvisation…) ;
•
vocale
ou
instrumentale,
un travail personnel amoindri, car, si les situations de pratique musicale sont plus
nombreuses, elles demandent aussi plus de travail du fait du nombre de partitions
abordées… Le résultat est souvent moins abouti ;
•
si la lecture dans la clé de l’instrument est souvent meilleure qu’avant, elle est la plupart du
temps peu satisfaisante dans la ou les autres clés, malgré le travail de lecture relative.
Pour finir, même s’il reste des choses à améliorer, notre métier change et j’espère ne jamais avoir
à revenir en arrière…
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