Livret de l`exposition
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Livret de l`exposition
Conception graphique PommeP - Photos © Antanas Sutkus, 2013 SARTRE ET BEAUVOIR UN VOYAGE EN LITUANIE Exposition proposée dans le cadre de la 22e édition du festival Les Boréales Tous les jours sauf le lundi de 14h à 18h 23 novembre 2013 - 12 janvier 2014 IMEC - Abbaye d’Ardenne Photographies d’Antanas Sutkus SARTRE, BEAUVOIR ET LENA ZONINA EN LITUANIE Une autre photo de Sartre seul, où Mais, comme toujours chez lui, il entre où il la tient au courant, de Paris, des il paraît contrarié, me rappelle une de l’affectif dans ses prises de positions détails de sa vie au jour le jour. Un anecdote que je tiens de lui. Peut-être publiques. En 1962, il a accepté une écrivain, Juan Goytisolo, est chargé de les ne se rapporte-t-elle pas à cette visite invitation que lui a faite l’Union des faire parvenir. Le jour où ces lettres seront en Lituanie, mais elle a en tout cas trait écrivains soviétiques. Il ne s’était plus publiées, on aura une vision différente de Les deux plus célèbres images de Sartre, à un voyage officiel dans un pays de rendu en URSS depuis 1954, date de Sartre et de ses relations avec les femmes. nous les devons à des photographes, l’un l’Est, peut-être cette Avanie populaire où, son premier séjour là-bas : la sanglante On le voit sur les photos de Sutkus : très connu, l’autre beaucoup moins. En dans une parodie célèbre de Simone de répression de l’insurrection hongroise Sartre est constamment entouré de ses 1946, Henri Cartier-Bresson photographie Beauvoir, Michel-Antoine Burnier faisait en novembre 1956 avait mis fin à son deux femmes, l’épouse protectrice, la Sartre sur le Pont des Arts, pipe à la bouche un sort à ces voyages par lesquels Sartre compagnonnage de route avec les maîtresse fidèle. Lena va jusqu’à adopter et portant une canadienne qui deviendra voulait croire à la coexistence pacifique communistes. On lui assigne un guide- le fameux turban beauvoirien, accentuant comme l’uniforme de l’existentialiste, en et à la bonne foi de Khrouchtchev, héros interprète, Lena Zonina, qui est aussi ainsi le parallèle entre ces deux femmes compagnie de Jean Pouillon, son jeune de la déstalinisation. Il avait demandé à sa traductrice. Une belle femme dans intelligentes qui ont pour leur Sartre ami et collaborateur des Temps Modernes, pouvoir jouir chaque jour d’un moment la quarantaine, très cultivée, fille d’un les yeux mêmes de l’affection, de la avec la coupole de l’Institut qui se profile de solitude. Alors ses accompagnateurs, bolchévique déporté par Staline. Il tendresse. Si Beauvoir connut un moment derrière lui, ironiquement peut-être. En déférents, tombe amoureux de cette intellectuelle de jalousie (qu’elle transpose dans une 1965, sur une dune de Lituanie où Sartre demi-heure, le laissaient à l’écart, seul, et qui connaît tous les rouages du pouvoir, nouvelle, « Malentendu à Moscou »), elle fait une visite officielle avec Simone de s’emmerdant comme un rat, car il n’était ne se fait guère d’illusions mais veut reprit vite confiance en faisant de Zonina Beauvoir, le jeune photographe Antanas pas doué pour la méditation. faire confiance à Khrouchtchev. Elle est une alliée indéfectible. Sutkus, qui a pour mission de couvrir Ces années-là, les années du dégel, sont la visite, capte le philosophe avançant bien les dernières de l’illusion sartrienne seul dans le désert. On dirait une statue sur l’Union soviétique et ses satellites. Il a d’Alberto Giacometti, et cette image participé à la fondation de la COMES, un de « l’homme seul », comme Sartre se comité des écrivains pour le dialogue Est- représentait dans les années 1930, quand s’éloignaient pendant une chargée d’écrire quotidiennement un rapport sur lui, ses réactions à ce qu’il Ce qui émeut dans ces photos, ce sont voit, ses questions, ses curiosités. Elle le les multiples visages de cet homme. Son lui avoue ; et ils décident, en riant, de sourire enfantin. Son regard interrogatif. rédiger ce rapport ensemble. Simone Sa mauvaise humeur. Son évidente joie. de Beauvoir qui a assisté à la naissance Ouest, initié par des intellectuels du Parti Sa curiosité. Sa naïveté. Sa sagesse. de cet amour lui donne sa bénédiction il n’était pas encore Jean-Paul Sartre, le Sa sociabilité. Sa bonne foi. Son infinie communiste italien avec qui il se sent des et fait mieux : elle le couvre. Au cours bonne volonté. Sa lassitude parfois aussi. penseur de l’engagement, s’est finalement affinités et poursuit un débat sur la morale et des voyages suivants, qui se multiplient Son entrain. Son incertitude. identifiée à lui, ou lui à elle : il est bien la société. Son idée est que les marxistes se jusqu’en 1966, elle accompagne Sartre Sartre, « tout un homme, fait de tous les sont rendus incapables de penser la morale pour éloigner les soupçons. Si la liaison Antanas hommes et qui les vaut tous et que vaut à laquelle ils se réfèrent, et que cette morale de Zonina avec Sartre avait été connue prélevées sur la vie en noir et blanc, nous n’importe qui », mais un n’importe qui un doit être fondée dialectiquement par une des autorités, la guide eût connu de a rendu Sartre plus aimable. En ces temps peu plus n’importe qui que n’importe qui, réflexion sur l’histoire. A l’Institut Gramsci sérieux ennuis. Sartre lui écrit des lettres où l’on ne lui veut guère de bien, on peut de Rome, Sartre donne des conférences et d’amour, ou plutôt une longue lettre à lui en être reconnaissant. se lance dans des discussions animées. épisodes, qu’il appelle « Lettre à Mme Z » comme le dira joliment à son sujet son ami Claude Lanzmann. Sutkus, avec ces images Michel Contat