Métiers d`avenir afin de renforcer la compétitivité du

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Métiers d`avenir afin de renforcer la compétitivité du
7 métiers d’avenir pour renforcer la compétitivité du secteur
financier africain
Avril 2012
Fabrice KOM TCHUENTE
[email protected]
Deux chiffres pour caractériser le marché financier africain : Plus d’une vingtaine de places
boursières, et moins de 5% des investissements des pays émergents sont dirigés vers
l’Afrique.
Les raisons de ce manque d’engouement des investisseurs sont l’insuffisance de liquidité sur
les principaux marchés financiers, la faiblesse du nombre de titres côtés et la rareté des
opérations d’introduction. On constate plutôt ces dernières années un phénomène
d’extraterritorialité de la part de grands opérateurs économiques africains qui ont dû
s’introduire sur les bourses parisiennes et londoniennes pour lever des fonds. Ces places
financières très dynamiques leur permettent généralement (mais pas toujours suivant les
tendances du marché) de financer leur développement, et de plus, ils y trouvent des
intervenants spécialisés et très qualifiés en analyses et conseils financiers pour les
accompagner.
Pour palier à ces différents problèmes, il serait nécessaire de mettre en route assez
rapidement, la machine de concentration, d’intégration du marché financier africain et
d’harmonisation des différentes réglementations adossées à chacun de ces marchés. Pour ce
qui est de la création d’un marché financier panafricain, il est bel et bien prévu dans les textes
de l’union africaine même s’il tarde dans sa phase d’implémentation. Et en ce qui concerne
les réglementations des différents marchés, elles sont pour bon nombres d’entre elles assez
restrictives en investissements sur le plan régional et de ce fait, n’encourage pas beaucoup à
une coopération active des bourses régionales, ce qui constituerait les prémices d’une future
intégration.
Il y a également des efforts supplémentaires à faire dans la promotion, la formation et la
vulgarisation de la culture de marché auprès des investisseurs locaux que sont les banquiers,
les assureurs et les autres opérateurs économiques et étatiques, ainsi que les populations
africaines au sens large (étudiants, société civile, secteur informel). En d’autres termes, le
vendeur de pagne au marché Sandaga de Dakar, doit savoir qu’en dehors de son matelas, il y a
d’autres placements sécurisés qui lui seraient encore plus bénéfique tel qu’une souscription à
un emprunt obligataire émis par son état. Car pour dynamiser sa bourse, l’Afrique aura
fortement besoin de l’épargne de ses petits porteurs.
Fort des constats énoncés ci-dessus, plusieurs métiers apparaissent comme vitaux pour une
émergence du secteur financier africain dans le proche futur :
Analystes financiers :
Le marché financier africain recouvre aujourd’hui de nombreuses SGI (Société de Gestion et
d’Intermédiation) plus précisément en Afrique l’ouest, en Afrique anglophone et en Afrique
du Nord. Il y a aujourd’hui une soixantaine de Sociétés de gestion et d’Intermédiation qui
opèrent sur le marché financier d’Afrique francophone. Ce sont des sociétés dont les
principales activités sont la négociation de valeurs mobilières en bourse, la conservation de
titres pour le compte de la clientèle (des particuliers, des institutions financières ou des
entreprises). Elles sont également habilitées à faire de la gestion sous mandat ainsi que du
Conseil Financier. Sur ce dernier point qui est le conseil financier, on constate que très peu
d’entre elles en font réellement. Elles sont censées publier des études et analyses financières
pour les épargnants et les investisseurs. Et pour celles qui en font, les études se concentrent
souvent uniquement sur les valeurs africaines les plus en vue.
Ce manque de disponibilité de l’information financière constitue un véritable obstacle et frein
à l’investissement local et étranger. Il sera donc plus que nécessaire de se doter de véritables
éclaireurs qui émettraient un jugement argumenté sur l’attractivité des secteurs, des ressources
et des régions africaines. Ces travaux sont en partie réalisés par des institutions telles que la
BAD (Banque Africaine de Développement) sous forme de notes de recherche, mais il faudra
aller encore plus loin en ayant des études et analyses régulières sur les tendances des valeurs
africaines.
Ces analystes financiers travaillent directement au sein d’une grande banque, une société de
capital-investissement ou d’une société de gestion et d’intermédiation, ou alors ils officient de
façon indépendante en revendant leurs papiers de recherche auprès des institutions suscités.
Mise en place d’une Bibliothèque numérique :
A l’exemple des fournisseurs de données que sont Bloomberg et Reuters, l’Afrique a besoin
d’un annuaire de données statistiques, démographiques, économiques et financières
recouvrant l’ensemble du continent. Toutes ces données sont bien présentent mais sont très
difficile d’accès. Les institutions qui les détiennent sont les commissions bancaires, les
banques centrales, les instituts nationaux de statistiques, les communautés économiques
régionales, institutions de Bretton Woods etc.
Il faudrait donc un centralisateur de données afin de constituer une bibliothèque numérique
payante qui s’enrichirait grâce à des partenariats avec diverses institutions citées ci-dessus.
A ce jour, les banquiers, assureurs, chercheurs ont beaucoup de mal à accéder à ces données.
Il est très fastidieux pour eux d’établir des études de marché avant le lancement d’un nouveau
produit. Ils sont donc souvent contraints à établir leur propre base de données en fonction du
sujet qui les préoccupe.
Conseil en investissement :
Pour définir ce métier, nous allons d’abord évoquer un maux qui gangrène l’économie
africaine qui est la « surliquidité ». Si les banques sont très liquides et surtout sur le court
terme du fait des dépôts à vue, les assurances quant à elles sont très liquides sur le long terme.
Sans parler des banques centrales en surliquidité, « grâce ou à cause » des revenus
d’exportation des matières premières (dont 50% sont directement géré par le trésor français).
Un chiffre pour l’illustrer : en 2008 lors d’une conférence de la Banque Africaine d’importexport il a été révélé que le montant des réserves de change agrégées des pays du continent
avait atteint 461 milliards de dollars. Ces institutions surliquides n’investissent pas beaucoup
en Afrique parce qu’ils trouvent les opportunités économiques peu compétitives. Pour ceux
qui investissent sur des produits financiers hors d’Afrique, ils ont souvent une
méconnaissance des caractéristiques de leurs placements. Les caractéristiques des placements
(actifs) doivent être en phase avec les engagements du passif des différentes structures
investisseuses.
Nous pouvons prendre l’exemple du cas dramatique d’une grande banque centrale africaine
qui a perdu en 2008 la somme de 25 millions d’Euros à cause d’un placement dont elle
ignorait visiblement les caractéristiques.
Il devient donc nécessaire pour les grandes institutions africaines qui sont très liquides de
recourir à des cabinets de consultants indépendants qui interviendront auprès d’eux pour les
accompagner dans leurs problématiques de gestion de trésorerie, de dette, d’allocation d’actifs
et de sélections de gestionnaires. Ils se chargeront de sélectionner le meilleur produit /
investissement en fonction du profil investisseur (Risque/Performance/Maturé/Liquidité) de
leur client.
Capital-Investment :
Le continent africain est dominé par une prépondérance du secteur informel et une abondance
des petites et moyennes entreprises (autrement dit, en Afrique tout le monde est
« Entrepreneur ») qui éprouvent des difficultés de financement via les banques locales.
Celles-ci préfèrent octroyer généralement des prêts à court terme, moins risqués pour elles, à
des taux d’intérêt élevés, et exigent des garanties importantes. D’autre part, les PME
africaines peinent à trouver des compétences qualifiées.
Ainsi, en usant de prises de participation, les fonds d’investissement (Capital-Investment)
soutiennent le secteur informel par le biais des PME locales. Ils leur octroient un financement
long terme doublé d’un accompagnement et d’une assistance en termes de stratégie et de
gestion.
Ce métier totalement méconnu dans les années 90 est entrain d’évoluer depuis peu par
l’intérêt grandissant des investisseurs envers l’Afrique (arrivée récente d’investisseur
israéliens,…).
Il faut toutefois préciser que, pour la plupart, ces fonds d’investissement ne sont pas des
philanthropes. Une fois leur objectif de performance et leur horizon de placement (cinq ans en
moyenne) atteints, ils se désengagent de l’entreprise en cédant leur part de capital sur le
marché boursier, à la direction, à un autre fonds ou à un tiers.
Notation financière :
Trois agences de notation règnent sur les marchés financiers mondiaux : Il s’agit de Fitch,
Moody’s et Standard & Poors (S&P) qu’on appelle les « Big Three ».
La notation financière fournit un ensemble de normes et de repères qui permettent d’évaluer
la performance et la situation financière d’une entreprise ou d’un état. Il s’agit là d’un
indicateur d’importance qui permet aux investisseurs de percevoir les niveaux de risque
auxquels ils pourraient s’exposer : la solvabilité, la qualité du crédit ou qualité emprunteur
d’une entreprise ou d’un état. Bien entendu, il faudrait un système de notation adapté à
l’environnement régional.
Les états africains qui empruntaient souvent auprès des bailleurs de fonds tels que la Banque
Mondiale ou le FMI, se sont rendu compte que ce système n’était pas toujours très adapté à
leurs besoins. Ils se sentaient quelques fois un peu étriqués dans leurs choix d’investissement
par certains principes de conditionnalité. D’où leur désir de diversifier leurs sources de
financement en empruntant sur le marché financier. Afin d’être attractifs et de réduire le coût
de leur emprunt, plusieurs pays africains ont fait appel à Standard & Poors en 2010 pour la
notation de leur dette. Les pays les mieux notés étaient le Botswana, l’Afrique du Sud, la
Tunisie, la Libye avec une notation située entre A+ et A-, et les pays les moins bien notés
étant le Gabon, le Cameroun, le Sénégal, le Burkina avec une notation de BBB-.
Une réglementation sur la notation financière publiée en Novembre 2009 par l’organe
régulateur de la BRVM (Bourse régionale de valeurs mobilières) qui s’intitule CREPMF
(Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers) avait fixé l’échéance de
Novembre 2011 pour une première notation des émetteurs intervenant en bourse.
Ainsi, les émetteurs bénéficiant d’une bonne notation attireraient bien que leurs taux d’intérêt
soient plus bas que ceux actuellement pratiqués par le marché. Toutefois, ce concept
dynamiserait considérablement le marché financier, car une fois la crédibilité et l’expertise
des agences de notations établies, les entreprises bien notées n’auront pas de difficultés à lever
des fonds auprès du marché financier sous-régional.
Pour accompagner cette transition vers la notation, l’Union économique et monétaire ouestafricaine a instauré une législation en novembre 2009. Jusqu’alors, les prêts devaient être
garantis en totalité notamment en contractant une assurance assez chère pouvant atteindre 3 %
du prêt. Maintenant, un émetteur qui obtiendrait une note égale ou supérieure à BBB– pourrait
s’en passer.
Contrôle Interne / Gestion des risques
Le Contrôle interne constitue un instrument essentiel dans la politique de gestion et maîtrise
des risques d’une institution financière. Il veille au respect des réglementations, ainsi qu’aux
règles et procédures internes affectant les différentes tâches et responsabilités d’un
établissement financier.
Cette fonction aura de plus en plus son importance dans un contexte financier international
qui s’aligne aux nouvelles règles prudentielles Bâle 2 et Solvency 2. Car ces règles
prudentielles exigent des moyens humains et informatiques importants puisque chaque
établissement devrait disposer de systèmes d’information robustes pour l’archivage et le
traitement de gros historiques de données financières de leurs clients.
D’autre part, dans un contexte de fébrilité économique avec des crises financières souvent
imprévisibles, il sera indispensable de se doter de fortes compétences techniques au sein des
équipes de risques, capable par exemple de développer des scénarios de stress (worse case
scenario) tel que c’est aujourd’hui le cas dans quelques pays tels que le Ghana, le Nigéria.
Qu’est ce que c’est qu’un scénario de stress ?
Dans le cadre d’un portefeuille, il s’agit d’un exercice consistant à simuler des dégradations
de variables de marchés (Volatilités, devises, taux d’intérêt, …) afin d’évaluer les pertes
potentielles d’un portefeuille d’actifs. Dans le cadre d’une banque, il s’agit d’un exercice
consistant à simuler des conditions économiques et financières extrêmes mais plausibles afin
d’en étudier les conséquences sur la banque et de mesurer sa capacité de résistance à de telles
situations.
Micro Assurance :
Dans un contexte dominé par les travailleurs de l’informel, la micro-assurance serait un
métier d’avenir en Afrique. Elle est une particularité de l’assurance et a vocation à protéger
les personnes à faibles revenus contre les risques (accident, maladie, décès familiaux,
catastrophe naturelle) en échange du paiement d’une prime calculée en fonction de leurs
besoins, de leurs revenus et du niveau du risque concerné.
Selon une étude réalisée en 2009 par le Fonds pour l’innovation en micro-assurance de
l’Organisation internationale du travail (OIT), en collaboration avec l’Organisation des
assurances africaines (OAA) et la Fédération des sociétés d’assurances de droit national
africaines (FANAF), il n’y a que 2,6% d’africains vivants avec moins de 2 dollars par jour
qui sont actuellement couverts par des produits de micro-assurance. Sachant que L’Afrique du
Sud couvre à elle seule 56% de ce total. Ainsi Le marché potentiel de la micro-assurance
représente une opportunité non négligeable pour les assureurs. D’après cette même étude, la
micro-assurance cible les travailleurs pauvres, qui constituent un marché en Afrique d’environ
700 millions de personnes soit environ 25 milliards de dollars.
Cependant, l’expansion de la micro-assurance éprouve des difficultés d’attractivité d’une part,
du manque de culture et de compréhension des mécanismes de l’assurance et d’autre part, du
fait d’un problème d’image dû à des pratiques douteuses se traduisant par l’incapacité pour
certaines compagnies d’assurance à faire face à leurs engagements. Il s’ensuit donc la
nécessité d’investir dans l’éducation des futurs consommateurs parallèlement à un travail
d’assainissement des pouvoirs publics dans ce secteur.