Bonjour Philippe / philippine - HAMONET

Transcription

Bonjour Philippe / philippine - HAMONET
philippine
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« …Bonjour Philippe / philippine »
Voilà, quelques explications à tes interrogations sur l’origine de
la tradition des amandes jumelles et du « bonjour
Philippe »…encore en usage chez vous.
…Le « bonjour Philippe » est sans doute une déformation
argentine, la tradition ici est « bonjour Philippine » ou de façon
plus raccourcie « Philippine ». C’est sous cette forme
raccourcie qu’Odile et moi la connaissons, et la pratiquions
dans notre enfance. Comme les amandes étaient plus rares sur
nos tables que les noisettes, c’était surtout pour ces dernières
que l’on disait « Philippine », encore que l’amandier pousse
bien sous la latitude angevine, au climat doux réputé, ( et
chanté par le poète angevin du XVIème siècle, Joachin du
Bellay que tu connais peut-être, tant ta connaissance de la
littérature française m’épate)…L’amandier de mon beau-frère
Jean Goupille qui habite encore l’Anjou est actuellement en
bourgeons et sera fleuri dans un mois. Un arbre qui lui avait été
offert par ses enfants, il y a longtemps, et qu’il a planté à
l’entrée de sa petite propriété, vieille maison angevine en
calcaire blanc de « tuffeau », couverte d’ardoises bleues,
typique des paysages angevins.
Ai été impressionné par ta citation de l’Albatros de Baudelaire.
« Chapeau ! »,( une expression populaire française pour
« saluer », quelque chose qui suscite l’admiration ).
Quant à moi, je ne m’aventurerai pas à essayer de citer Jorge
Luis Borgès, ou d’autres auteurs argentins…
Mais revenons à la coutume : un convive trouve deux amandes
dans une même coquille, en offre une à sa voisine, ou son
voisin. Le premier qui le lendemain matin s'écrie: " Philippine! ",
reçoit un cadeau de l'autre, dis-tu ; Est-ce que cette coutume
est angevine, française ? Pourquoi Philippine ?
Tout d’abord, je ne m’étais jamais posé ces questions avant ton
message ! S’en est suivi, quelques coups de téléphones pour
vérifier si deux proches de ma génération, et angevins aussi,
avaient quelques explications. Eh bien, notre génération a
oublié l’origine de « Philippine », ce qui n’a jamais gêné l’enfant
que nous étions. C’était aussi clair et magique que
« Abracadabrah ! ».
philippine
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Deuxième point du sondage : tradition omniprésente dans
l’Anjou de cette génération. Oui !
Exclusivement angevine ? Non.
Et c’est là qu’il faut consulter d’autres sources pour
remonter à une chanson d’amour et de libertinage
amoureux du XVIIème siècle. La chanson s’intitule : Le
devoir conjugal…Tout un programme ! (L’histoire d’un
mari qui a fauté et voudrait retrouver l’amour de son
épouse Philippine et les hommages de sa belle. Surtout les
hommages ! ).
C'est la fête à Philippine1.
Amour, je viens t'implorer
D'une rose sans épine.
Il s'agit de la parer
Si tu m'aides je devine
Où je puis la rencontrer
…//…
Si le soin de sa culture
A trompé mon doux exploit
Le tort en est à la nature
Qui m'en ôta le pouvoir.
Amour tu sais l'aventure :
J'ai pêché sans le vouloir.
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Mais une santé brillante
Reprenant son heureux cours,
Maintenant rose charmante
Tu seras seul mes amours
Et ta culture enivrante
Les délices de mes jours
…//…
Les devoirs du mariage
Furent faits pour maintenir
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Philippine ne viendrait pas du grec ou du latin, mais serait dérivé de l'allemand
vielliebchen, "bien aimé", altéré en Philippchen, avec le suffixe « chen » petit, jeune
et traduit en français Philippine,
philippine
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L'union dans le ménage.
Par le charme du plaisir.
Ce n'est donc pas être sage
Que de ne les point remplir2.
Le succès de cette chanson, aurait donné naissance à la
tradition philippine. Symbolique sexuelle derrière l’union des
noisettes ou des amandes dans la même coquille. L’amour et
l’union complice, avec le « charme du plaisir » que le mari
repentant voudrait retrouver auprès de sa Philippine. Badinage
amoureux et . transposition dans le jeu. A ce jeu, les enfants
avaient bien compris, que son mystère cachait un trouble
plaisir. Tradition perpétuée génération après génération,
exportée jusque chez vous par tous ces émigrés européens qui
comme les Hamonet sont venus là chercher le nouvel eldorado
et y faire souche..
Et chez nous, si l’on ne dit pas que « les argentins
descendent… du bateau, »
on dit, par contre : « la vérité sort de la bouche des enfants ».
Au jeu de l’amour et de la vie, une seule réponse : Philippine !
19 janvier 2005
pour Luis Lamberti et Maria del Pilar Ivaldi
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Mangent éd. : Recueil des plus belles chansons des comédiens françois, 1615, repris dans
Paris Voix de ville, R. Blanchard, 1998. Je doute que beaucoup de français connaissent cette
chanson. Tu me l’auras fait découvrir.