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EDITORIAL
C’est toujours avec un grand plaisir que le REAGSO revient à Pau.
C’est vrai que cette Capitale des Pyrénées Atlantiques présente des atouts incontestables : Palais des Congrès somptueux, sites touristiques à visiter, équipe organisatrice toujours performante regroupée autour de notre secrétaire général le Docteur Jean Paul GUERIN,
implication jamais démentie de la direction dans la réussite de ce congrès inter-régional d’Anesthésie Réanimation. Je tiens à remercier personnellement Monsieur Gauthier, directeur du Centre Hospitalier de Pau et le Docteur Olivier Tueux, chef de service
d’Anesthésie –Réanimation, pour leur contribution.
A la demande des congressistes, nous avons privilégié la formation par atelier qui nous rapproche des problèmes et des pratiques quotidiennes de notre profession, car nous nous acheminons rapidement vers l’évaluation de nos pratiques et la gestion des risques de
notre spécialité.
La session plénière sera toujours animée par des intervenants nationaux de qualité.
La session professionnelle du dimanche sera consacrée aux problèmes de financement de nos retraites d’une part et d’autre part à la
loi Hôpital – Patient – Santé – Territoire et ses conséquences pour les Praticiens Hospitaliers .Madame Danielle Toupillier ,directrice
du Centre National de Gestion des carrières des praticiens hospitaliers et des directeurs nous fait l’honneur de venir nous éclairer sur
notre avenir professionnel :je l’accueillerai avec plaisir et animerai une table ronde prévue sur ce sujet d’actualité.
Je compte sur votre présence et sur votre fidélité pour réussir ce 44ème REAGSO.
Dr Michel PICHAN,
Président du REAGSO, Expert visiteur HAS
Le REAGSO a choisi Pau pour tenir son 44e congrès et notre ville s'en réjouit.
Deux jours durant, vous pourrez profiter des installations exceptionnelles du Palais Beaumont, lieu emblématique de Pau, tout comme
le parc attenant et le boulevard des Pyrénées qui vous guidera jusqu'au château d'Henri IV.
Félicitations à l'équipe d'anesthésie du centre hospitalier de Pau pour leur sens de l'organisation et leur dynamisme.
Je vous souhaite à tous de bons travaux !
Mme Martine LIGNIERES-CASSOU
Députée-Maire de Pau
C’est avec beaucoup de plaisir et de fierté que le Centre Hospitalier de PAU apporte son concours au 44ème Congrès du REAGSO
qui a lieu dans ce superbe site du Palais Beaumont.
Je souhaite, tout d’abord remercier l’équipe du REAGSO d’avoir bien voulu choisir, une nouvelle fois, PAU et son cadre exceptionnel, pour son congrès et remercie en particulier chaleureusement, le Docteur GUERIN pour son implication dans l’organisation de ces
journées.
Par la qualité du programme proposé, le REAGSO témoigne ainsi de la vitalité des réflexions et des recherches conduites par les anesthésistes hospitaliers, garantes de la haute qualité des soins dispensés au sein de nos établissements.
Je vous souhaite à toutes et à tous un excellent congrès à PAU ».
Mr Christophe GAUTIER
Directeur du Centre Hospitalier de PAU
Un congrès bien organisé, une compétence de qualité, une convivialité sans égal, tel se présente le Congrès REAGSO 2009.
Les Béarnais sont accueillants et, qui les connaît, sait qu’ils sont sensibles au fait que leur site magnifique puisse être le lieu de travaux scientifiques, et plus particulièrement Médicaux et Sociaux.
Très souvent au sein des Pyrénées la clarté émise par le « beth ceu de Pau » fait la fierté des Femmes et des Hommes qui vivent dans
cette Région.
Ayant l’honneur d’être maintenu par les autorités et mes collègues dans les activités hospitalo-universitaires, engagé depuis 1985 dans
le déploiement de la Télémédecine et la mise en œuvre de la plate forme Régionale de Santé et eS@nté en Région Midi Pyrénées, je
rencontre dans les Etablissements mes anciens élèves. Ce sont eux d’ailleurs qui souvent m’accompagnent dans nos travaux.
Je me rends compte que la vie Hospitalière change et continuera à s’ouvrir en collaborant, par la Télémédecine, avec tout le potentiel
médical territorial.
« La Vie est brève et longue de Besogne », avait écrit Hippocrate. C’est dans ce combat contre le temps que Littré semblait trouver
un certain bonheur. Et dans ce mouvement sociétal qui nous surprend et qui nous interpelle sur notre Avenir, nous avons à rester
confiants.
Professeur Louis LARENG
Président Fondateur de SAMU de France
Président du GIP Réseau Télémédecine Régional
Le REAGSO 2009 arrive ! Cette année, il revient une nouvelle fois à PAU, capitale du Béarn, ville ancienne, berceau d'Henri IV, riche
de son glorieux passé anglais et de ses peintres et poètes béarnais, mais aussi ville moderne résolument tournée vers l'avenir avec le
haut débit informatique, l'agriculture et l'industrie.
Ce nouveau REAGSO est encore d'un cru particulier :
- Toujours des conférences,
- Des ateliers tournés résolument vers la gestion des risques et la démarche qualité,
- Une session professionnelle consacrée à la nouvelle loi hospitalière.
Il se veut aussi moderne et chaleureux ; grâce à l'aide de Madame LIGNERES-CASSOU, Députée-Maire de PAU, le congrès a encore
lieu au Palais Beaumont Centre de Congrès Historique de PAU, construit à la fin du XIX ème siècle et entièrement rénové en 2000.
Les anesthésistes du Centre Hospitalier de PAU chargés de l'organisation locale mettent tout en œuvre pour vous accueillir le mieux
possible et vous proposer une bonne édition. A vous de juger du résultat !
Dr Jean Paul GUÉRIN
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Secrétaire du REAGSO 2008
Programme de la Formation :
Samedi 10 Octobre 2009
• 07h45 Accueil
Séances Plénières
• 16h45 – 17h15 Analgésie post opératoire par cathéters pariétaux
Auditorium Alphonse de LAMARTINE (niveau –1)
Dr AISSOU
CHU St Antoine APHP - Paris
• 08h30 Ouverture du congrès en présence de Madame Martine
LIGNERES-CASSOU, Députée-Maire de la Ville de PAU
• 17h15 – 17h45 Gestion de l’anesthésie en dehors des blocs opératoires
Pr SZTARK
Hôpital Pellegrin CHU Bordeaux
• 09h15 – 09h45 Traumatismes crâniens graves : prise en charge en
dehors des centres spécialisés
Dr TAZAROURTE
Centre Hospitalier Melun
• 17h45 – 18h30 Prévention des Evénements Thrombo-Emboliques
Veineux en chirurgie : situations problématiques en 2009
( Symposium GSK )
• 09h45 – 10h30 Pause (visite des stands)
Dr ROSENCHER (CHU Cochin APHP – Paris)
Dr FUZIER (CHU Toulouse)
Dr OMMARI (GSK)
• 10h30 - 11h15 Nouveaux modes ventilatoires en réanimation
Pr HILBERT
Hôpital Pellegrin CHU Bordeaux
Ateliers
(niveau –1)
Nombre de places limité
(Pré inscription nécessaire sur place le jour du congrès)
• 11h15 - 11h45 Le repérage échographique des voies veineuses
chez l’enfant
Dr MARCINIAK
CHU Lille
• 09h00 – 17h00 Atelier 1 : Anesthésie : intubation difficile
Salle Aristide de MONTPEZAT
• 11h45 - 12h30 Quoi de neuf en ALR ? ( Symposium Abbott )
Dr PEAN - Dr BELIARD - Dr BOLLOT
(CHU de Nantes)
Dr AYA (CHU Nîmes)
Dr CECCOLI (Clinique St Joseph Chambéry)
Dr MAZOIT (CHU Kremlin-Bicêtre APHP - Paris)
• 09h00 – 17h00 Atelier 2 : Anesthésie : gestion des situations à risque au bloc opératoire
Salle Adolphe ALPHAND
• 13h00 Déjeuner de travail
Pr FAVIER - Pr RÜTTIMANN
HIA Legouest - Metz avec la participation de la société LAERDAL
• 14h15 - 15h00 Le remplissage vasculaire balancé : du concept à la
pratique ( Symposium BBRAUN )
Dr MAZEROLLES (CHU Toulouse)
Pr JABER (CHU Montpellier)
• 15h00 – 17h00 Atelier 3 Réanimation : cas cliniques :
- Urgences chirurgicales infectieuses
- Un cas clinique de détresse respiratoire aiguë
• 15h00 - 15h30 Décurarisation pharmacologique :quoi de neuf ?
Pr HILBERT (Bordeaux)
Pr GENESTAL (Toulouse)
Pr JABER (Montpellier)
Dr GEORGES (Toulouse)
Dr ARBELOT (Paris)
Pr DEBAENE (CHU Poitiers)
• 15h30 - 16h00 Gestion du traitement médical de l’insuffisant coronarien durant la période péri-opératoire
Pr DEBAENE (CHU Pitié Salpêtrière – APHP – Paris)
• 20h30 : Soirée de Gala
• 16h00 - 16h45 Pause (visite des stands)
Dimanche 11 Octobre 2009
Séances Plénières
• 11h00 - 11h45 Hyperthermies post-opératoires
• 09h15 - 10h00 Retraite des PH : quelles perspectives ?
Pr JANVIER
Hôpital du HAUT LEVEQUE CHU Bordeaux
Mme SOL IRCANTEC - Angers
• 10h00 - 10h45 Pause (visite des stands)
• 11h45 - 12h45 Loi HPST : Quelles conséquences pour le PH ?
Mme TOUPILLIER
Directrice du Centre National de Gestion - Paris
• 10h45 - 11h00 Estimation des besoins transfusionnels en
chirurgie orthopédique : l'expérience du Centre Hospitalier de Pau
Dr LAGRABETTE, Dr GUIOT, Dr LARBAIGT
(Centre Hospitalier Pau)
• 13h00 : Fin du congrès - Déjeuner de clôture
Comité scientifique
Comité local d'organisation
Pr M. Génestal, Dr J.P. Guérin,
Pr S. Jaber, Dr A. Jacob, Pr G. Janvier,
Dr P. Lanau, Dr Minville, Dr Lhossein,
Dr M. Pichan, Dr O. Tueux.
Toute l'équipe d'Anesthésie Réanimationdu Centre Hospitalier de PAU
Colette SOULAS
Magali BAREILLE
Marie-Jeanne DEGAND
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Séances Plénières
PRISE EN CHARGE DES TRAUMATISMES CRÂNIENS
GRAVES EN MILIEU NON SPÉCIALISÉ
Thomas GEERAERTS 1, 2, Bernard VIGUÉ 1 ,, Karim TAZAROURTE 1,2
1 : AP-HP, Département d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital de Bicêtre, 94276
Le Kremlin-Bicêtre, France;
2 : SAMU 77 pôle Urgence-réanimation Hôpital Marc Jacquet 77000 Melun
Introduction
Si l’hypertension intracrânienne (HTIC) est fréquente en réanimation neurochirurgicale, elle est loin d’être exceptionnelle en milieu
non-spécialisé (ne disposant pas d’un neurochirurgien 24h/24h et
d’une neuro-réanimation). De très nombreux traumatismes crâniens
modérés et un pourcentage important (environ 30%) des traumatisés
crâniens graves sont pris en charge dans des réanimations n’ayant
pas accès à un monitorage continu de la pression intracrânienne.
Une proportion non négligeable de ces patients peut s’aggraver sur
le plan neurologique et nécessiter des traitements spécifiques.
L’objectif du réanimateur doit alors être de dépister ces patients à
risque et d’éviter l’évolution vers l’ischémie cérébrale.
1. Traumatisé crânien pris en charge en milieu non spécialisé.
En Europe, une proportion importante (environ 30%) des patients
présentant un TC grave est prise en charge en dehors des structures
spécialisés, ayant un accès limité aux consultations neurochirurgicales et à la mise d’une PIC [1]. Le manque de disponibilité de lits
d’hospitalisation dans ces structures est probablement la principale
explication à cette constatation. Pourtant on sait aujourd’hui que la
prise en charge de ces patients dans des unités spécialisées permet
d’améliorer la survie et de diminuer les séquelles neurologiques [2,
3]. Ceci reste vrai même pour les patients ne nécessitant pas d’intervention neurochirurgicale [1]. Malheureusement, la décision de
transfert vers les centres neurochirurgicaux dépend bien souvent de
l’indication opératoire et de la tomodensitométrie initiale. Or, une
tomodensitométrie cérébrale initiale normale ne permet pas d’éliminer une HTIC et une aggravation secondaire est toujours possible
[4]. Ainsi les traumatisés crânien graves pris en charge en dehors des
structures spécialisées présentent un risque non négligeable d’HTIC
pouvant passer totalement inaperçue sans monitorage invasif de la
pression intracrânienne.
De la même façon, tous les traumatismes crâniens modérés hospitalisés pour surveillance, éthyliques aigus ou non, sont susceptibles de
s’aggraver vers une HTIC morbide si elle est négligée.
2. Comment dépister une HTIC
La mesure continue de la pression intracrânienne par capteur intraventriculaire ou intraparenchymateux est la méthode de référence
[5]. Elle seule permet de dépister tous les épisodes d’HTIC. Pour la
quasi-totalité des équipes, sa mise en place et sa surveillance impose
la présence d’un neurochirurgien. Les patients à risque d’HTIC pris
en charge en dehors des structures neurochirurgicales ne disposent
donc quasiment jamais de ce monitorage [6]. Cette attitude est
excessive car rien n’empêche un réanimateur de pourvoir introduire
un capteur intra parenchymateux sinon une formation adéquate et
l’existence d’un contrat-relais avec un service de neurochirurgie
pour assurer les éventuelles complications. Existe-t-il des moyens
complémentaires pouvant permettre de dépister une HTIC ?
2.1. Clinique
L’examen clinique reste indispensable pour évaluer l’évolution des
patients. L’HTIC s’accompagne d’une somnolence avec obnubilation, céphalées, nausées ou vomissements. Le coma apparaît en cas
d’HTIC avec baisse du débit sanguin cérébral et risque d’engagement cérébral dont la traduction clinique tardive sera une mydriase
aréactive, uni - puis bilatérale, une décérébration, puis une hyperten-
3
sion artérielle sévère associée à une bradycardie (reflexe de
Cushing). Ainsi chez les patients sédatés les signes cliniques
d’HTIC sont peu sensibles et apparaissent le plus souvent tardivement lorsque les lésions ischémiques cérébrales sont malheureusement définitives [7,8].
2.2. Fond d’œil
L’examen au fond d’œil à la recherche du classique œdème papillaire témoignant d’une HTIC n’est pas satisfaisant, car l’œdème
papillaire nécessite plusieurs jours pour se constituer et pour disparaître. De plus la présence de nombreux faux positifs en fait un examen aujourd’hui totalement désuet pour la recherche d’une HTIC
aiguë en réanimation. De même la mesure de la pression intra-occulaire n’est pas un estimation fiable de la PIC [9].
2.3.Tomodensitométrie
De nombreuses publications soulignent les limites de la tomodensitométrie cérébrale pour le dépistage d’une HTIC. Pour les traumatises crâniens par exemple, l’incidence de l’HTIC est élevée (plus de
50%) pour les patients ayant un score de Glasgow initial 8 et un
scanner cérébral anormal [10]. Toutefois, la prédiction de l’HTIC
reste difficile y compris en examinant les signes scannographiques
classiques d’HTIC que sont l’augmentation de la taille des ventricules en cas d’hydrocéphalie, la disparition des sillons corticaux, la
présence d’un déplacement sous la faux, ou la dédifférenciation
substance blanche/substance grise [11, 12]. Le risque d’HTIC est
multiplié par trois en cas de citernes de la base comprimées ou
absentes [13]. Néanmoins, une HTIC peut survenir même en cas de
scanner jugé normal [14]. En effet, une hydrocéphalie compressive
peut s’accompagner d’une taille normale des ventricules en cas
d’oedème parenchymateux associé. En conséquence, on ne peut
exclure une HTIC avec un scanner normal. A contrario, un scanner
cérébral d’un sujet jeune peut ressembler à tord à un scanner d’un
patient présentant une HTIC. Une surveillance basée sur des scanners répétés sans arguments cliniques apparaît donc non rentable,
très consommatrice de temps et dangereuse du fait du transport
qu’elle impose au patient [15].
2.4.Doppler transcrânien
Le Doppler transcrânien (DTC) est probablement le moyen diagnostic le plus efficace et le plus rapide pour estimer l’urgence à un traitement. Le DTC étudie la vitesse des globules rouges dans les artères de gros calibre du polygone de Willis. Les artères à visée encéphalique ont une grande part de leur flux se produisant en diastole.
Le cerveau, comme d’autres organes (foie, rein) fonctionne avec des
résistances distales basses autorisant le passage des globules rouges
même pour des niveaux bas de pression artérielle (comme la pression diastolique). Une augmentation des résistances cérébrales sera
donc d’abord figurée par une diminution des vélocités diastoliques
et donc une augmentation de l’index de pulsatilité (IP). Une élévation de la pression intracrânienne par hypertension intracrânienne
avec baisse de la pression de perfusion cérébrale aura pour première
conséquence de modifier le profil des vélocités des gros troncs artériels à destinée cérébrale en le rapprochant de celui retrouvé pour
des artères destinées aux muscles au repos, c’est-à-dire un système
à hautes résistances. En l’absence de monitorage invasif, et dans les
situations à risque d’HTIC, le DTC a de bons atouts théoriques mais
aussi pratiques. Chez les traumatisé crâniens, l’indice le plus sensible pour détecter la baisse de pression de perfusion cérébrale est l’index de pulsatilité [16]. Une stratégie d’accueil de ces patients présentant un TC grave (score de Glasgow <9) centrée sur les résultats
du DTC dès l’arrivée, avant tout examen TDM ou pose de PIC, a
permis de valider les seuils de gravité suivants : index de pulsatilité
? 1,4 et vitesse diastolique ≤ 20 cm/s [17]. Un DTC normal permettait de s’assurer de l’absence de mise en danger immédiat de la circulation cérébrale. Enfin, les TC modérés, GCS entre 8 et 14, examinés aux urgences du CHU de Grenoble, qui s’aggravent dans les
heures qui suivent leur arrivée avaient un IP en moyenne à 1,6 à l’arrivée aux urgences [18]. Pour analyser les vaisseaux intracrâniens,
on utilise une sonde à basse fréquence (2 MHz, sonde similaire à
celle utilisée pour l’échographie cardiaque) permettant le passage
tion d’une mydriase aréactive uni ou bilatérale, il faut administrer en
urgence une osmothérapie afin de diminuer la PIC (Mannitol 20%,
1 gr/kg, ou sérum salé hypertonique) avant le transfert vers un centre spécialisé pour un traitement spécifique.
des ultrasons au travers de l’os. Tous les appareils d’échographie
cardiaque disposent d’une telle sonde et peuvent servir, comme les
appareils spécifiques, à la mesure des flux sanguins dans les artères
cérébrales. La réalisation d’un DTC est donc déjà matériellement
possible dans tous les hôpitaux. Le DTC peut donc permettre dans
des situations à risque, sans accès à un monitorage invasive, de
dépister les patients présentant une HTIC ayant des conséquences
significative sur le débit sanguin cérébral et nécessitant un geste thérapeutique urgent.
2.5 Méthodes non invasives pour l’estimation de la pression intracrânienne
En complément du DTC qui estime de flux intracrânien, il semble
aujourd'hui qu’on puisse estimer le risque d’une HTIC grâce à
l’échographie oculaire. Le nerf optique est entourée d’une gaine de
dure-mère extensible dans sa partie antérieure en cas d’hyperpression dans le liquide céphalo-rachidien, et donc en cas d’HTIC [19,
20]. La mesure du diamètre de l’enveloppe du nerf optique est réalisable au lit du patient par échographie oculaire. Une étude récente
chez les traumatisés crâniens a montré un corrélation satisfaisante
entre la mesure de l’enveloppe du nerf optique et la PIC intra-parenchymateuse [21]. Surtout, une valeur inférieure à 5,8 mm chez les
patients sédatés permettait d’éliminer une HTIC. Cet examen n’a
bien sur pas vocation à remplacer la mesure continue de la PIC, mais
comme le DTC permet le dépistage les patients à risque de bas débit
sanguin cérébral, il peut permettre de repérer les patients à risque
d’HTIC et de les réorienter vers des structures spécialisées, afin
d’organiser au mieux la surveillance et les traitements spécifiques.
4.Quand faut-il transférer les patients ?
L’attitude idéale serait de pouvoir prendre en charge tous les malades à risque d’HTIC dans des milieux spécialisés. Il est bien évident
que ceci n’est pas réalisable en pratique du fait du nombre limité de
places dans ces centres. A l’image de la prise en charge des AVC
ischémiques, on peut retenir les indications suivantes pour le monitorage continu de la PIC [25]:
- Patient présentant une pathologie intracrânienne dans le coma
(score de Glasgow ≤< 8)
- Patient suspect d’HTIC avec un scanner montrant un effet de
masse (déviation ligne médiane ou effacement des citernes de la
base)
- Pronostic permettant d’envisager un bénéfice d’une réanimation
agressive.
Une attitude raisonnable nous semble être la suivante : si le monitorage continu de la PIC est indiqué, il convient de transférer les patients
en centre spécialisé ou bien d’être en mesure de pouvoir monitorer la
PIC en centre non spécialisé. Si la pose d’une DVE (dérivation ventriculaire externe est du ressort du neurochirurgien, la technique de
pose de PIC par capteur intra-parenchymateux n’est pas difficile à
acquérir et peut faire partie d’une procédure d’apprentissage délégué
par un service référent de neurotraumatologie.
3.Traitements de première ligne
Conclusion
Après une agression cérébrale, l’autorégulation du débit sanguin
cérébral peut être altérée et le cerveau est alors plus vulnérable aux
agressions secondaires. L’apparition de lésions cérébrales ischémiques secondaires faisant suite aux lésions primaires est favorisée par
de nombreux facteurs décrits sous le terme d’agressions cérébrales
secondaires. Cette aggravation en cascade conduit à des lésions
ischémiques et apoptotiques. Ces lésions secondaires s’ajoutant aux
lésions primitives vont aggraver le pronostic vital et fonctionnel des
ces patients. Elles peuvent survenir dans les minutes, les heures ou
les jours suivant le traumatisme [22]. Ces aggravations peuvent être
d’origine intracrânienne (hématome, tumeur, hypertension intracrânienne, convulsion, infection) mais également d’origine extra-crânienne. On parle alors d’agressions cérébrales secondaires d’origine
systémique (ACSOS). L’université d’Edimbourg a développé pour
les patients de neuro-réanimation, une échelle de gravité permettant
de donner des valeurs seuils pour ces différents paramètres (Tableau
1) [23]. La prise en charge initiale générale de ces patients visent à
prévenir l’apparition de ces ACSOS par une prévention stricte de
l’hypotension artérielle, qui est un facteur pronostic extrêmement
important, la sédation si besoin afin d’adapter au mieux le patient à
son respirateur pour contrôler la capnie et éviter les efforts de toux
compromettant le retour veineux cérébral, la prévention de la fièvre
par des moyens médicamenteux (paracétamol ou AINS) ou physiques (refroidissement actif). Si le patient est hypertendu et en l’absence de complication cardiaque, l’attitude habituelle est de tolérer
cette hypertension qui est le plus souvent un mécanisme adaptatif à
l’HTIC. Le positionnent de la tête en rectitude légèrement surélevée
de 30° (après avoir vérifier l’absence de lésions rachidienne en cas
de traumatisme) améliore le retour veineux et permet une diminution
de la PIC ainsi qu’une prévention des pneumopathies d’inhalation.
Le soluté de remplissage de choix chez les patients à risque d’HTIC
est le sérum salé isotonique. L’hypoosmolarité plasmatique (osmolarité plasmatique < 280 mOsm/L) doit être prévenue et traitée de
façon agressive. Enfin un contrôle strict de la glycémie est nécessaire.
L’administration de stéroïdes dans le but de diminuer l’œdème intracellulaire n’est pas efficace dans l’AVC ischémique ou hémorragique, l’hémorragie sous-archnoidienne ou le TC grave [24]. En cas
d’aggravation avec risques d’engagement, en l’occurrence l’appari-
L’hypertension intracrânienne peut survenir en dehors des pathologies classiquement dites neurochirurgicales. La pire des situations
serait de méconnaître ce danger et de faire courir au patient un risque inacceptable d’ischémie cérébrale et de séquelles neurologiques
évitables. Le Doppler transcrânien, réalisable sans équipement spécialisé, permet de dépister les patients à risque ischémique cérébral.
Il va falloir élargir les capacités de monitorage de la PIC aux hôpitaux non spécialisées en neurochirurgie.
Agressions
secondaires
Paramètres
Seuils
Durées
Hypoxémie
SaO2
90%
5 min
PaO2
< 60 mmHg
5 min
< 90 mmHg
5 min
< 70 mmHg
5 min
> 160 mmHg
5 min
> 110 mmHg
5 min
Hypotension
artérielle
Hypertension
artérielle
Pression artérielle
systolique
Pression artérielle
moyenne
Pression artérielle
systolique
Pression artérielle
moyenne
Hypercapnie
PaCO2
45 mmHg
5 min
Hypocapnie
PaCO2
< 22 mmHg
5 min
Fièvre
Température
> 38°C
1 heure
Tableau 1 : Seuils et durée des agressions cérébrales secondaires d’origine
systémique, d’après l’université d’Edimbourg [25].
Références
4
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ACTUALITÉS SUR LA TOXICITÉ
DES ANESTHÉSIQUES LOCAUX
JX MAZOIT
Université Paris-Sud, Laboratoire d'Anesthésie, EA 3540, Faculté de
Médecine, F-94276 Le Kremlin Bicêtre, France
Les anesthésiques locaux amino-amides de longue durée d'action
ont une toxicité locale et systémique. Ils sont tous susceptibles d'entraîner des accidents neurologiques et cardiaques [1]. Les énantiomères S (ropivacaïne et lévobupivacaïne) sont moins toxiques pour
le coeur (quatre études randomisées en double aveugle chez le
volontaire sont là pour l'attester). Cependant la toxicité, en particulier cardiaque reste un problème important. Récemment, une thérapeutique nouvelle, la perfusion rapide d'émulsion lipidique a semble-t-il révolutionné le problème. Un premier travail expérimental
avait proposé ce traitement dès 1998 [2]. Ce n'est cependant qu'à
partir de 2006 que cette thérapeutique a été utilisée chez l'homme
[3, 4]. Bien qu'il soit impossible de pratiquer des études de haut
niveau de preuve (essais cliniques randomisés), ce traitement est
devenu incontournable et il s'impose maintenant comme un "Gold
Standard". Le mécanisme par lequel les émulsions lipidiques agissent semble assez simple, il s'agit d'un effet volume par captation
rapide des molécules d'anesthésique dans les gouttelettes lipidiques.
Un effet métabolique au niveau des mitochondries avait été avancé
initialement, mais ne semble pas être déterminant. Les questions
qui se posent aujourd'hui sont :
1) Quelle émulsion, quelle posologie ? Les lipides induisent-ils une
modification de la pharmacocinétique des anesthésiques locaux,
faut-il faire suivre le bolus d'une perfusion continue ?
2) Pour quelle indication ?
En 1998, Guy Weinberg et son équipe qui travaillaient sur l'effet des
émulsions lipidiques sur la mitochondrie ont l'idée de perfuser de
l'Intralipide® à des rats recevant par ailleurs de la bupivacaïne [2].
L'effet était surprenant puisque la dose létale de bupivacaïne était
4,5 fois supérieure lorsque les rats étaient prétraités par
l'Intralipide®. Ce travail était resté au fond des tiroirs, jusqu'à ce que,
coup sur coup, deux cas cliniques rapportent l'utilisation de
l'Intralipide dans deux cas d'arrêt cardiaque, l'un à la bupivacaïne,
l'autre à la ropivacaïne [3, 4]. Depuis, d'autres cas cliniques ont été
publiés, en particulier relatant l'usage d'une émulsion lipidique pour
traiter des manifestations toxiques neurologiques sans cardiotoxicité associée [5]. De plus, l'indication de ce traitement s'est élargie,
puisque les intoxications par d'autres molécules ont pu être réanimées avec succès [6].
Au laboratoire, nous avons testé la fixation de la bupivacaïne racémique, de la lévobupivacaïne et de la ropivacaïne sur deux émulsions lipidiques, la solution originellement décrite I'Intralipide® qui
ne comporte que des acides gras à chaînes longues et le
Médialipide® qui comporte 50 % d'acides gras à chaînes longue et
50 % d'acides gras à chaînes moyennes [7]. Aucune stéréospécificité de la liaison n'a été retrouvée. La fixation est quasi immédiate
comme le montre la figure 1. La fixation s'avère être une diffusion
passive de nature hydrophobe avec une dépendance marquée en
fonction de la température et une baisse importante de la liaison
lorsque le pH diminue. Ainsi, le coefficient de distribution est-il
parallèle au coefficient de partage tampon-octanol des molécules.
L'Intralipide® a une capacité de fixation 2,5 fois plus forte que le
Médialipide®, vraisemblablement en raison d'une taille plus importante des gouttelettes lipidiques d'Intralipide®. Cette capacité de
fixation est très importante puisque 100 ml d'Intralipide® à 20 % ont
un pouvoir de fixation équivalent à la quantité d'albumine contenue
dans 7 à 12 litres de sérum. L'affinité étant parallèle à l'hydrophobicité, la bupivacaïne (racémique comme l'énantiomère S) est 2,5
fois mieux fixée que la ropivacaïne (figure 2).
Quelle émulsion, quelle posologie ?
5
Clairement, l'émulsion de choix à l'heure actuelle semble être
l'Intralipide®, les émulsions plus modernes étant faites de chylomi-
crons de plus petite taille, la capacité de fixation semblant inversement proportionnelle à la taille des particules lipidiques. Les cas cliniques publiés font état d'une posologie de 100 à 150 ml d'émulsion
à 20 % en bolus suivi d'une perfusion rapide. Je serais tenté de dire
que la vraie posologie est qsp : 100 ml ou plus jusqu'à disparition
des signes cliniques. La perfusion d'entretien n'est justifiée que si
l'on pense que le site d'injection de l'anesthésique continue à relarguer des molécules en abondance. Chez l'enfant, la posologie que
l'on peut conseiller est un bolus de 1,5 à 2 ml/kg, éventuellement
suivi d'une perfusion dans les mêmes conditions. La posologie
maximum semble être 500 ml chez l'adulte, 8 à 10 ml/kg chez l'enfant. En l'absence d'effet au delà de cette posologie, le diagnostic de
toxicité de l'anesthésique local doit être remis en question à moins
qu'il ne s'agisse d'une intervention trop tardive.
A ce propos, on ne répétera jamais assez que la réanimation classique prime sur tout le reste [8] et que le lipide ne peut agir que s'il
existe un débit coronaire minimum. En tout état de cause, une surveillance "armée" pendant les heures qui suivent est nécessaire car
la demi-vie des chylomicrons est courte et par ailleurs il existe une
modification de la pharmacocinétique de l'anesthésique local (le
lipide ajoute brutalement un immense volume de distribution qui
peut ensuite relarguer lentement la drogue). A ce propos, un cas de
récurrence 40 minutes après une récupération initiale a été publié
récemment [9].
Figure 2. Liaison de la bupivacaïne racémique (cercles), de la lévobupivacaïne (losanges) et de la ropivacaïne (triangles) à l'Intralipide® à 1% (symboles noirs et lignes continues) et au Médialipide® à 1% (symboles grisés
et lignes pointillées).
∂
Références
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Pour quelle indication ?
Au début, les auteurs se sont montrés prudents dans les indications
envisagées. Ces indications se sont rapidement étendues et sont
maintenant très larges. La toxicité éventuelle de l'émulsion est très
faible, sinon nulle aux posologies utilisées. C'est pourquoi il faut
perfuser l'émulsion dès l'apparition de signes cliniques d'intoxication. Ceci me parait tout à fait justifié, car l'attitude qui consisterait
à attendre l'accident ne parait pas responsable. Il est évident par
contre, que le fait d'avoir un antidote présumé ne doit pas conduire
à l'attitude irresponsable qui consisterait à augmenter les doses
d'anesthésique local. Ce n'est pas parce que le dantrolène permet de
traiter une éventuelle hyperthermie maligne que nous avons oublié
les règles de prévention et de diagnostic de cette complication de
l'anesthésie générale. Par ailleurs, toutes les molécules tant soit peu
hydrophobes ("lipophiles") doivent pouvoir entrer dans le champ
d'action de l'Intralipide® : antidépresseurs notamment les tricycliques, antiépileptiques, flécaïne entre autres, la liste n'est pas limitative.
Au total, l'utilisation des émulsions lipidiques n'est pas (et ne sera
jamais) "evidence based" comme nous l'entendons actuellement.
C'est un élément capital de la réanimation des accidents toxiques
des anesthésiques locaux. L'Intralipide® doit être utilisé sans attendre dès qu'un patient présente les premiers signes de toxicité systémique. C'est pourquoi, tout site d'anesthésie doit posséder de
l'Intralipide® immédiatement disponible.
Figure 1. Vitesse de fixation de la bupivacaïne et de la ropivacaïne aux deux
émulsions.
6
POURQUOI DES SOLUTÉS BALANCÉS ?
ber la motilité du tractus digestif [15]. En effet, dans deux études,
les patients perfusés avec du sérum salé isotonique ont eu plus de
nausées et de vomissements que ceux perfusés avec une solution
électrolytique équilibrée ou du Ringer Lactate [9,10]. L'une des
seules études ayant réellement comparé de façon prospective l'impact non hémodynamique du type de solution (cristalloïde versus
colloïde) utilisée en périopératoire de chirurgie “lourde” a montré
que les patients réanimés avec du Ringer Lactate présentaient plus
de nausées et de vomissements post-opératoires, étaient plus algiques et avaient plus d'oedème périorbitaire (avec troubles de la
vision) que ceux recevant un colloïde [14]. Le mécanisme supposé
de la plus grande incidence des troubles digestifs est un oedème de
la muqueuse gastro-intestinale. La majorité des études montrant les
effets délétères d'apports cristalloïdes importants reposait sur des
protocoles conduisant à une administration massive de ces solutions.
Effets sur les globules rouges
Expérimentalement, il a été démontré que le sérum salé pouvait
provoquer une lyse des globules rouges [17]. Ce phénomène a été
observé à un moindre degré lors de l’utilisation de colloïdes de type
gélatine, amidon et surtout albumine.
Effets sur l’hémostase et le saignement périopératoire
Le saignement périopératoire a été significativement moins important dans les groupes recevant une solution électrolytique équilibrée ou du Ringer Lactate par rapport à ceux qui ont reçu du sérum
salé isotonique [12, 13]. Dans une des deux études, cette différence
a été attribuée à un ralentissement significatif du début de la formation du caillot mesuré par le thrombo-élastogramme dans le groupe
sérum salé isotonique [13].
Choc hémorragique expérimental
Au cours du choc hémorragique, notamment traumatique, la survenue d’une acidose hyperchlorémique, favorisée par une charge
chlorée importante, peut être délétère. Ainsi, expérimentalement, il
a été démontré au cours du choc hémorragique chez le rat, que pour
20 % de perte de la volémie, l’acidose métabolique observée résultait d’une diminution de la SID (strong ion difference) [18]. Dans
la phase de début, l’acidose métabolique était liée à la fois à une
dilution du secteur vasculaire et à un échange ionique entre l’espace extravasculaire et les globules rouges, mécanismes de compensation habituels de l’hypovolémie. Lorsque la perte hémorragique devient plus grande, il se rajoute une acidose d’origine lactique. La réanimation ultérieure par du sérum salé isotonique ne peut
que contribuer à aggraver l’acidose métabolique.
MAZEROLLES M
CHU Rangueil - Toulouse
Le remplissage vasculaire amène à se poser trois questions principales : quand, combien et avec quoi ? Le type de soluté de remplissage et la quantité à administrer dépendent de la situation clinique,
du terrain, des explorations hémodynamiques et de l’évolution clinique. Le premier objectif de l’administration de solutés intravasculaires est de restaurer une volémie efficace pour maintenir une
perfusion tissulaire adéquate. La conduite empirique du remplissage vasculaire expose au double risque de sous-compensation, ou
de sur-compensation des pertes périopératoires. Dans le premier
cas, le patient risque de souffrir d’une insuffisance d’oxygénation
tissulaire dans les territoires qui sont mal perfusés. Dans le second
cas, il peut présenter une surcharge veineuse en amont du ventricule dont la fonction systolique est la moins performante. Le
second objectif est d’assurer une stabilité de la macro et de la
microcirculation en évitant un excédent de liquide interstitiel.
L’usage de solutions chlorées expose au risque d’acidose hyperchlorémique. Cette acidose hyperchlorémique peut être délétère
pour différentes circulations et pour l’hémostase.
Solutés isotoniques versus solutés balancés
Au début des années 1990, il a été décrit que la perfusion de grandes quantités de sérum salé isotonique pouvait entraîner une acidose avec acidémie. Le chloruré isotonique et les colloïdes, dont le
solvant est du sérum salé isotonique, peuvent provoquer le même
type d’acidose. Le trou anionique est normal en raison de l’existence d’une hyperchlorémie. La physiopathologie peut être expliquée soit simplement par l’équation d’Henderson-Hasselbach soit
par la diminution de la différence des ions fortement dissociés
(concept de Stewart). Le rôle de l’apport excessif de chlore est prépondérant [8].
Conséquences cliniques potentielles de l’acidose hyperchlorémique
Données expérimentales
Un certain nombre d’études expérimentales tendent à montrer que
l’acidose hyperchlorémique peut avoir potentiellement des effets
délétères sur l’organisme.
Effets sur la fonction cérébrale
Dans une étude comparant le remplissage par du Ringer lactate
(RL) ou du sérum salé isotonique (SSI), les volontaires sains du
dernier groupe ont présenté des difficultés mineures pour se
concentrer, en particulier pour lire ou pour effectuer des épreuves
arithmétiques simples [9]. Ceci n’a pas été observé chez les volontaires qui ont reçu du RL. Dans une autre étude, la même constatation a été faite chez des patients traités avec du sérum salé par rapport à ceux qui ont reçu du RL [10].
Effets sur le rein
Chez le chien, la charge en chlore a provoqué une vasoconstriction
rénale [11]. Dans l’étude précitée chez le volontaire sain, il existait
un retard à la première diurèse dans le groupe recevant du sérum
salé par rapport à celui recevant du Ringer Lactate (106 min vs 76
min) [9]. Dans une autre étude clinique, la diurèse a été plus basse
(717 mL) chez les patients perfusés avec du sérum salé par rapport
à ceux ayant reçu avec du Ringer Lactate (1 075 mL) [12]. Enfin,
deux études comparant des patients recevant du sérum salé isotonique avec des patients recevant une solution électrolytique équilibrée ont retrouvé dans les deux cas une diminution de la diurèse
avec le sérum salé isotonique versus la solution électrolytique équilibrée [10, 13].
Effets digestifs
La charge salée pourrait, de la même façon que sur le rein, provoquer une vasoconstriction sur la circulation splanchnique et pertur-
Données cliniques
7
Contrairement aux colloïdes, qui exposent aux risques d'allergie,
de troubles de l'hémostase et d'altération de la fonction rénale, l'intérêt des cristalloïdes est la très faible incidence d'effets secondaires spécifiques. Deux aspects doivent cependant être pris en
compte : l'inflation hydrosodée qui peut résulter des apports importants en cristalloïdes et l'acidose “hyperchlorémique” consécutive à
l'administration des solutions “non équilibrées” telles que le SSI.
Ces dix dernières années, plusieurs observations ont souligné les
inconvénients de l’utilisation de larges volumes de sérum salé isotonique pour le remplissage vasculaire [9, 19-22]. Cependant, lors
de perfusions peu abondantes, l’acidose hyperchlorémique est d’intensité modérée [9, 19, 21]. En pratique clinique, l’importance de
l’acidose dans le contexte du remplissage vasculaire périopératoire
est la conséquence de plusieurs facteurs : la volémie initiale, la
composition du volume plasmatique et du volume extracellulaire
avant remplissage ; le volume, la composition et la vitesse de perfusion des solutés perfusés ; le volume, la composition et la vitesse
des pertes sanguines et électrolytiques périopératoires ; les modifications physiologiques de composition des liquides extracellulaires
résultant de passages transmembranaires ou d’élimination des ions
[23]. Finalement l’acidose est souvent moins importante que prévue du fait de ces nombreux facteurs qui ont pu modifier l’équili-
bre acido-basique par ailleurs. Néanmoins, dans des situations relativement simples de chirurgie réglée peu hémorragique, où des
quantités importantes de cristalloïdes peuvent être perfusées (5 à 6
litres), situations qui correspondent à la majorité des interventions
moyennement hémorragiques, cette perturbation acido-basique
peut se présenter de manière relativement pure [24]. Dans ces
conditions, l’acidose hyperchlorémique est observée en phase postopératoire immédiate et peut se cumuler avec une acidose d’autre
origine comme une acidose respiratoire qui résulterait de l’utilisation de morphine dans le cadre d’un relais pour l’analgésie postopératoire après une analgésie peropératoire utilisant des agents de
très courte durée. Ainsi, certains auteurs ont constaté une acidémie
majeure avec un pH inférieur à 7,20 [12]. Cette perturbation acidobasique mérite de ne pas être négligée. En effet, dans une étude
récente, il a été montré que l’acidose métabolique initiale observée
chez des patients sévèrement traumatisés, était aggravée par des
apports importants de cristalloïdes [25]. Au total, les données expérimentales ne sont pas pour le moment confortées par les résultats
d’études cliniques concernant la mortalité ou la morbidité.
Cependant, elles encouragent à éviter de favoriser la survenue
d’une acidose hyperchlorémique ou d’aggraver une acidose au
cours d’une hypovolémie aiguë. L'autre question pratique posée
aujourd'hui est de savoir si tous les cristalloïdes “isotoniques” sont
équivalents. Le choix, en tout cas en France, s'est limité pendant
longtemps entre le RL et le SSI. La seule recommandation pratique
est d'éviter les solutés hypo-osmolaires (Ringer Lactate) en cas de
situation à risque d'oedème cérébral. Le sujet s'est trouvé relancé
depuis quelques années avec la redécouverte des “acidoses hyperchlorémiques” secondaires à l'administration assez large de SSI (en
fait, de toute solution à forte concentration en chlore) et ce, d'autant
plus que de nouveaux solutés, dits “balancés” ou “équilibrés”, sont
proposés. Est-il important d'éviter ces acidoses ?
Un premier élément de réponse est d'observer les conditions dans
lesquelles ont été mises en évidence ces acidoses dans les études de
référence : 6 litres de SSI (versus RL) en deux heures (chirurgie
gynécologique réglée) pour un pH moyen de 7,30 versus 7,40 dans
une étude [12], 50 ml/kg de SSI (versus RL) en une heure pour un
pH moyen de 7,38 versus 7,44 dans une autre [9].
De plus, les patients recevant ces doses de RL ont une augmentation (sans acidose bien sûr) de la lactatémie. L'acidose, quand elle
survient, est transitoire si la fonction rénale est normale. En dehors
de pouvoir théoriquement poser un problème d'interprétation (et
éventuellement de traitement inadapté) par méconnaissance de son
étiologie, cette acidose hyperchlorémique a-t-elle des conséquences néfastes ? Les données cliniques disponibles sont en faveur
d'une réponse négative, en tout cas en termes de complications
post-opératoires, de dysfonctions d'organe, voire de mortalité [26].
Cependant, il faut, comme toujours pour un traitement tel que le
remplissage vasculaire pris isolément dans une situation complexe,
aussi rechercher des conséquences moins directement évidentes
mais pouvant devenir significatives dans un contexte particulier.
L'hyperchlorémie secondaire au SSI s'est accompagnée d'une incidence plus élevée (par rapport au RL) d'hyperkaliémie chez des
patients opérés d'une transplantation rénale, sans incidence sur la
fonction rénale [27, 28]. L'hyperchlorémie semble aussi altérer la
coagulation et les fonctions plaquettaires et pourrait augmenter le
saignement périopératoire et les besoins transfusionnels [26, 29].
Ces effets justifient-t-ils d'abandonner le SSI au profit de nouveaux
solutés ? Ceux-ci ont l'avantage théorique d'être “équilibrés” et,
contrairement au RL, de ne pas contenir de lactates et de ne pas être
hypo-osmolaires. Même en l'absence de bénéfice clinique démontré, la composition plus physiologique peut-elle suffire à privilégier
ces nouvelles solutions ? En l'état actuel des connaissances, le prix
devrait constituer un critère de décision important.
Composition des solutions “cristalloïdes iso-osmolaires”
NaCl 0,9%
Ringer
Ringer Lactate
Isofudine
154
140-147
130-132
140
K (mmol/l)
2,7-4,0
4,0-5,4
4
Ca2+ (mmol/l)
0,9-2,2
1,4-1,8
2,5
Na+ (mmol/l)
+
Mg (mmol/l)
1
2+
Cl- (mmol/l)
154
141-156
Lactate (mmol/l)
108-112
127
27,0-28,5
Acélate (mmol/l)
24
Malate (mmol/l)
5
Osmolarité (mOsm/l)
308
292-310
253-280
304
Conclusion
En matière de remplissage vasculaire, le point faible des cristalloïdes est le volume de distribution, celui des colloïdes de synthèse, les
effets indésirables, celui de l'albumine, le prix. Les cristalloïdes ne
sont a priori pas adaptés au remplissage vasculaire, en tout cas pas
en cas d'hypovolémie aiguë par hémorragie ou par extravasation
plasmatique comme dans le sepsis grave [30]. Mais les grandes études multicentriques et les méta-analyses suggèrent au contraire
qu'ils sont à utiliser en première intention [2]. Les caractéristiques
pharmacologiques des différentes solutions permettent en fait non
pas d'opposer cristalloïdes et colloïdes mais de privilégier l'un
et/ou/puis l'autre en fonction des circonstances cliniques.
L'utilisation des cristalloïdes en première intention a été préconisée
en cas de vasoplégie anesthésique (en association à un médicament
sympathomimétique) et de choc anaphylactique (en complément de
l'adrénaline) et il n'y a pas d'argument pour modifier ces recommandations. Chez les patients atteints d'un traumatisme crânien grave,
l’étude SAFE suggère de privilégier spécifiquement le SSI dans l'attente d'éventuelles données complémentaires ou contradictoires
[31]. Dans le cadre spécifique du remplissage vasculaire en urgence,
l'obtention précoce d'objectifs thérapeutiques est probablement un
élément plus déterminant que le choix de la solution utilisée [32].
Toute participation d'une déshydratation extracellulaire justifie pleinement leur utilisation. La conduite empirique du remplissage vasculaire expose au double risque de sous-compensation ou de surcompensation des pertes périopératoires. Il y a un besoin urgent de
travaux multicentriques randomisés pour objectiver l’utilité de guider la titration du remplissage vasculaire en se guidant sur une
mesure du volume d’éjection systolique ou du débit cardiaque. Si
l’on parvient à établir avec un niveau de preuve élevé que l’optimisation hémodynamique apporte un bénéfice pronostique chez les
patients chirurgicaux à haut risque, cela démontrera qu’un changement de nos pratiques peut avoir une influence sur le pronostic de
nos patients.
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9
LA DÉCURARISATION
INDICATIONS ET UTILISATION DU SUGAMMADEX
Pr Bertrand DEBAENE (1), Pr Claude MEISTELMAN (2)
(1)
Département d’Anesthésie Réanimation Chirurgicale, CHU de Poitiers
(2)
Département d’Anesthésie Réanimation Chirurgicale, CHU de Brabois,
Vandoeuvre les Nancy
Correspondance à adresser au
Pr Bertrand Debaene, Département d’Anesthésie Réanimation Chirurgicale,
CHU de Poitiers, 2 rue de la Milétrie, BP 577, 86021 Poitiers Cedex
Tél : 05 49 44 38 95 ; fax 05 49 44 38 84
E mail : [email protected]
Introduction
Alors que la curarisation résiduelle demeure une entité clinique fréquente [1, 2] malgré plus de 30 ans de recherche clinique active
démontrant ses effets délétères, Baillard et collaborateurs ont bien
montré que l’association monitorage de la curarisation et administration d’agent anticholinestérasique (la néostigmine) [3] était à
même d’améliorer la prise en charge de la curarisation péri-opératoire. Le développement d’une nouvelle classe pharmacologique
(les cyclodextrines) capable de lever la curarisation va sans aucun
doute induire une voire des modifications majeures dans notre
manière de gérer la curarisation.
I. Que doit-on attendre d’un nouvel antagoniste ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de passer en revue
les limites et les inconvénients de la néostigmine seul antagoniste de
la classe des anticholinestérasiques disponible en France.
Ces limites s’expliquent aisément dans le mécanisme d’action de la
néostigmine. Cet agent est un inhibiteur de l’acétylcholinestérase,
enzyme présente dans la fente synaptique mais également dans l’ensemble du système nerveux parasympathique ayant pour but de
dégrader l’acétylcholine. Ainsi la néostigmine va entraîner une augmentation de la concentration de l’acétylcholine dans la fente
synaptique et également dans toutes les synapses du système nerveux parasympathique. Les curares non dépolarisants étant des
antagonistes compétitifs de l’acétylcholine pour les récepteurs postsynaptiques, un excès d’acétylcholine (la molécule agoniste) dans la
fente synaptique pourra, selon la loi d’action de masse, libérer ces
récepteurs des curares non dépolarisants qui y sont fixés à la condition que le rapport des concentrations entre l’agoniste et l’antagoniste soit en faveur de l’agoniste. Cette loi d’action de masse suppose donc que la concentration du curare non dépolarisant soit faible et que la concentration de l’agoniste puisse augmenter suffisamment. Les conséquences cliniques de ce mécanisme sont double :
d’une part le délai d’action de la néostigmine est d’autant plus lent
(entre 5 à plus de 20 minutes) que le degré du bloc au moment de
l’antagonisation est important, et d’autre part elle est inefficace pour
antagoniser un bloc profond car la concentration du curare non
dépolarisant est encore trop importante par rapport à celle de l’acétylcholine. Une autre conséquence clinique du mode d’action de la
néostigmine est une augmentation du tonus parasympathique responsable en autres d’une bradycardie sévère voire d’une asystolie,
d’une augmentation du tonus bronchique à l’origine d’un bronchospasme potentiel. C’est la raison pour laquelle l’administration de la
néostigmine doit être obligatoirement associée à un agent parasympatholytique comme l’atropine, elle-même source d’effets secondaires bien connus. De plus la néostigmine a été accusée d’augmenter
la fréquence des nausées et vomissements postopératoires bien que
ceci n’a pas été formellement démontré.
En pratique, la néostigimine doit être administrée à une dose comprise entre 40 et 70 µg/kg associée à l’atropine (10-15 µg/kg) lorsque le bloc neuromusculaire a spontanément atteint un certain degré
de récupération : 2 contractions musculaires de l’adducteur du
pouce en réponse à une stimulation en train de quatre appliquée sur
le nerf ulnaire après administration d’un curare non dépolarisant de
durée d’action intermédiaire (atracurium, rocuronium) et 4 contractions après administration de pancuronium. Malgré ces recommandations, l’efficacité de la néostigmine peut être mise à défaut. En
effet, 20 minutes après l’administration de 70 µg/kg de néostigmine
après l’obtention d’une, 2, 3 ou 4 contractions de l’adducteur du
pouce après l’injection d’atracurium, le pourcentage de patients
ayant un train de quatre supérieur à 90 % n’atteignait que 35, 43, 50
et 73 % respectivement [4]. Après l’administration de rocuronium
ou de cisatracurium (30 patients par groupe), le nombre de patients
n’ayant pas retrouvé un train de quatre supérieur à 90 % 30 minutes
après l’administration de 50 µg/kg de néostigmine était de 5 et 2 respectivement [5].
Enfin de nombreux travaux ont parfaitement montré que l’efficacité
de la néostigmine était retardée lorsque l’anesthésie était entretenue
par un agent halogéné : isoflurane [6] et sévoflurane [7].
En résumé, les propriétés attendues d’un nouvel antagoniste sont de
pouvoir réverser rapidement un bloc neuromusculaire induit par un
curare non dépolarisant quel que soit le degré du bloc lors de l’antagonisation, dont l’efficacité ne soit pas liée à la technique de
l’anesthésie générale, ne nécessitant pas l’administration concomitante d’agent parasympatholytique et ne présentant pas ou peu d’effets secondaires.
II. Les avancées thérapeutiques possibles avec le
sugammadex
II.1. Le sugammadex ayant été synthétisé pour inhiber de manière
spécifique les effets curarisants du rocuronium, la première question
était de savoir si le sugammadex était plus efficace que la néostigmine en terme de vitesse de décurarisation.
Ainsi les effets du sugammadex ont été comparés à ceux des anticholinestérasiques conventionnels (néostigmine et édrophonium).
Soixante patients curarisés par le rocuronium ont été répartis en
trois groupes après randomisation (n = 20 dans chaque groupe) et
ont reçu 4 mg/kg de sugammadex, ou l’association 1 mg/kg d’édrophonium avec 10 µg/kg d’atropine, ou l’association 70 µg/kg de
néostigmine avec 14 µg/kg de glycopyrrolate. Le degré du bloc neuromusculaire au moment de l’antagonisation était comparable entre
les trois groupes (le rapport T1/T0 était de 6 ± 7 ; 12 ± 8 et 12 ± 14
% dans les groupes sugammadex, édrophonium et néostigmine respectivement) [8]. L’anesthésie était entretenue par desflurane et
rémifentanil. Après antagonisation, le délai pour obtenir un rapport
T4/T1 à 70 et 90 % était significativement plus court avec le sugammadex (71 ± 25 et 107 ± 61 secondes) comparé à l’édrophonium
(202 ± 171 et 331 ± 27 secondes) et à la néostigmine (625 ± 341 et
1044 ± 590 secondes). Tous les patients ayant reçu du sugammadex
avaient un rapport T4/T1 > 90 % moins de 5 minutes après l’antagonisation contre 1 seul dans le groupe néostigmine et aucun après
édrophonium. Ces résultats laissent suggérer que la vitesse de l’antagonisation est environ 10 fois plus rapide avec le sugammadex
qu’avec la néostigmine.
Lorsque le bloc est antagonisé plus précocement (compte post-tétanique compris entre 1 et 2), la vitesse d’antagonisation du sugammadex est encore plus élevée que celle de la néostigmine (de l’ordre de 17 fois plus rapide), confirmant que la néostigmine est incapable de lever rapidement un bloc profond et suggérant que le
sugammadex est efficace quelque soit le degré du bloc au moment
de l’antagonisation [9]. Ce dernier point sera discuté ci-dessous.
II.2. Antagonisation du bloc induit par le rocuronium et le vécuronium
Si l’efficacité du sugammadex pour antagoniser un bloc induit par
le rocuronium est un fait établi, la seconde question qui se posait
était de démontrer son efficacité vis à vis du vécuronium, l’affinité
du sugammadex pour ce dernier curare étant plus faible que pour le
rocuronium.
Dans une étude de doses, des patients avaient été curarisés soit par
10
du vécuronium (0,1 mg/kg) ou du rocuronium (0,6 mg/kg). Le
sugammadex était administré à une dose variant de 0,5 à 8 mg/kg et
son effet était comparé à un placebo. L’anesthésie était entretenue
par propofol AIVOC et rémifentanil. Le sugammadex ou le placebo
était administré dès la récupération de deux réponses à l’adducteur
du pouce après une stimulation en train de quatre [10]. Les résultats
sont présentés dans le tableau 1. Ces résultats montrent que, après
une dose de 4 mg/kg de sugammadex, la vitesse de décurarisation
du bloc neuromusculaire induit par le rocuronium est comparable à
celui induit par le vécuronium [10].
II.3. Efficacité de l’antagonisation en fonction du degré du bloc
neuromusculaire au moment de l’administration du sugammadex.
Alors que la néostigmine est inefficace pour antagoniser un bloc
profond, la troisième question était de savoir si, compte tenu de son
mode d’action, le sugammadex en était capable.
Toujours dans le cadre d’une étude de doses, le bloc induit par 1,2
mg/kg de rocuronium a été antagonisé par du sugammadex (dose
comprise entre 2 et 16 mg/kg) ou un placebo, administré seulement
5 minutes après l’injection du curare (témoignant donc d’un bloc
très profond) [11]. L’anesthésie était entretenue par propofol et morphinique. Les résultats de cette étude sont présentés dans le tableau
2. Il apparaît clairement que le sugammadex peut efficacement antagoniser un bloc profond avec un délai aussi bref (moins de 2 minutes) que lorsque le bloc est plus modéré (deux réponses au train de
quatre) pour peu que la dose soit adaptée (au moins 8 mg/kg) ; pour
mémoire, la dose recommandée pour antagoniser un bloc modéré
est comprise entre 2 et 4 mg/kg.
Un autre essai clinique de phase 3 a étudié l’efficacité du sugammadex (étude de doses comprise entre 2 et 16 mg) pour antagoniser un
bloc induit par le rocuronium administré à la dose de 1,0 ou 1,2
mg/kg. L’antagonisation était réalisée 3 ou 15 minutes après l’injection du rocuronium. L’anesthésie était entretenue par propofol et
morphinique [12]. Les résultats de cette étude sont présentés dans le
tableau 3. Schématiquement, plus la dose de rocuronium est importante et plus le délai entre l’injection du curare et celle du sugammadex est court, plus la dose de sugammadex nécessaire pour atteindre
le plus rapidement possible un TdQ > 0,9 est élevée. Lorsque l’antagonisation est réalisée 3 minutes après l’injection du curare, une
dose comprise entre 12 et 16 mg/kg de sugammadex est optimale ;
elle est plutôt de l’ordre de 8 à 12 mg/kg si ce délai entre sugammadex et rocuronium est de 15 minutes.
Les études précédentes prouvent qu’il est possible d’antagoniser
facilement un bloc très profond permettant, en cas de situation clinique périlleuse telle que l’impossibilité d’intuber et de ventiler,
d’obtenir le retour rapide d’une ventilation spontanée. Cette propriété devrait cependant faire l’objet d’une étude spécifique.
Il existe d’autres situations cliniques où la levée d’un bloc moins
profond peut être également utile comme par exemple en fin de coeliochirurgie. Dans ce cas, le bloc à antagoniser correspond à une ou
deux réponses au compte post-tétanique, alors qu’aucune réponse
au train de quatre n’est réapparue. Ce contexte clinique a été évalué
dans une étude de doses où le bloc était induit par 0,6 ou 1,2 mg/kg
de rocuronium, le sugammadex (0,5 à 8 mg/kg) étant administré
après le retour de 1 à 2 réponses au PTC [13]. Quelle que soit la
dose de rocuronium (0,6 ou 1,2 mg/kg), une dose de 2 mg/kg de
sugammadex semble insuffisante pour réverser rapidement le bloc,
mais une dose de 4 mg/kg permet d’atteindre un TdQ > 0,9 en moins
de 3 minutes en moyenne.
II.4. Influence de l’agent de l’entretien de l’anesthésie sur l’efficacité de l’antagonisation
Comme précédemment évoqué, l’efficacité de la néostigmine est
diminuée lorsque l’anesthésie a été entretenue par un agent halogéné. Qu’en est-il avec le sugammadex ? Cette question a également été étudiée. Dans cette étude, 41 patients ont été randomisés
en fonction de l’agent de l’entretien de l’anesthésie : le propofol en
perfusion continue a été utilisé chez 21 d’entre-eux et le sévoflurane
dans les autres cas [14]. Tous ces patients ont été curarisés par du
rocuronium (0,6 mg/kg). Le bloc a été antagonisé par sugammadex
2 mg/kg dès la réapparition de deux réponses à l’adducteur du pouce
après une stimulation en train de quatre. Le délai entre l’injection du
sugammadex et l’obtention du rapport T4/T1 > 90 % n’était pas
significativement différent entre les deux groupes : 1,8 ± 0,7 (0,93,4) minutes (moyenne ± écart type et valeur minimale et maximale) dans le groupe propofol et 1,8 ± 0,7 (1,1-4,5) minutes dans le
groupe sévoflurane [14]. Ces résultats confirment que l’efficacité du
sugammadex pour antagoniser un bloc modéré (deux réponses à
l’adducteur du pouce) n’est pas modifiée par le sévoflurane. Des
études supplémentaires seraient nécessaires pour confirmer cette
propriété lorsque l’anesthésie est entretenue par d’autres agents
halogénés (isoflurane et desflurane) et également lorsque l’antagonisation est débutée avec un bloc plus profond.
madex n’aient été observés.
De part ses propriétés pharmacologiques et malgré la spécificité du
sugammadex en particulier pour le rocuronium, il s’est posé rapidement le problème des éventuelles interactions avec d’autres molécules stéroïdiennes qu’elles soient endogènes ou exogènes ou avec les
curares d’autres familles. Les réactions entre sugammadex et de très
nombreuses hormones stéroïdiennes ou médicaments de structure
stéroïdienne ont été étudiées. L’affinité pour ce type de molécules
apparaît 120 à 700 fois moins importantes qu’avec le rocuronium.
Ces faits rassurants s’expliqueraient par le fait que les interactions
entre sugammadex et rocuronium ou vécuronium sont dépendantes
des groupements ammonium quaternaires dont sont porteurs ces
curares. De plus de nombreuses hormones d’origine stéroïdienne
sont liées dans le plasma à des transporteurs spécifiques ce qui
empêche les interactions avec le sugammadex. Les rares interactions significatives retrouvées pour l’instant ont été une faible fixation du sugammadex sur le tamoxifène (17 %), la norethindrone (14
%), le beclométhasone (7 %) ou l’oestradiol (7 %) ainsi que la flucloxacycline sans que cela ne préjuge d’éventuelles conséquences
cliniques. De part sa structure, le sugammadex n’a aucune affinité
pour la succinylcholine, l’atracurium ou le cisatracurium. Les études réalisées chez l’animal ont pu confirmer l’inefficacité du
sugammadex pour inhiber la curarisation liée à ces curares non stéroïdiens [17].
III. Sugammadex et insuffisance rénale
La clairance d’élimination du sugammadex est de l’ordre de 120
ml/min, donc très proche du débit de filtration glomérulaire.
D’ailleurs, ce médicament est éliminé par voie rénale puisque 70 à
80 % de la dose administrée est excrétée dans les urines en 24 heures [15]. Aucune donnée pharmacocinétique n’est actuellement disponible chez l’insuffisant rénal. Par contre une étude clinique pharmacodynamique a déjà été réalisée chez des patients ayant une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min [16]. Dans cette étude,
les 30 patients inclus (15 ayant une fonction rénale altérée et 15
ayant une fonction rénale normale) ont reçu une seule dose de 0,6
mg/kg de rocuronium. Le sugammadex (2 mg/kg) a été administré
lorsque la deuxième réponse à une stimulation en train de quatre
était observée sur l’adducteur du pouce. L’anesthésie était entretenue par propofol et morphinique. Le délai entre l’injection du
sugammadex et l’obtention du TdQ > 0,9 était de 2,0 ± 0,75 min et
1,65 ± 0,63 min chez les patients insuffisants rénaux et les patients
normaux respectivement (moyenne ± ds) [16]. Les patients insuffisants rénaux ont bénéficié d’une surveillance clinique attentive pendant les 48 premières heures suivant l’administration du sugammadex à la recherche d’une éventuelle recurarisation. Aucun patient de
ce groupe n’a présenté de signes cliniques pouvant être reliés à cette
éventualité. Cette étude permet de conclure que le sugammadex
reste efficace chez les patients ayant une insuffisance rénale terminale sans crainte de voir se développer une curarisation secondaire,
tout du moins pendant 48 heures.
Cependant des données cinétiques complémentaires réalisées chez
ces patients sont attendues. Jusqu’à aujourd’hui, le sugammadex
reste contre-indiqué chez l’insuffisant rénal. Malgré tout, l’administration d’un curare stéroïdien (vécuronium et rocuronium) en cas
d’insuffisance rénale n’est peut être pas le meilleur choix quand on
sait que la pharmacocinétique et la pharmacodynamique de ces
curares sont très modifiées par l’insuffisance rénale et que nous disposons d’autres curares non dépolarisants n’ayant pas cet inconvénient (curares de la famille des bensylisoquinolines tel que l’atracurium et le cisatracurium).
V. Indications
IV. Effets secondaires du sugammadex
Compte tenu de son mode d’action, aucune étude n’a associé un
agent parasympatholytique avec le sugammadex et aucun épisode
de bradycardie sévère n’a été observé dans toutes les études
publiées. Quelques cas d’allongement modéré de l’intervalle QTc
ont été notés sans qu’un lien de causalité avec le sugammadex n’ait
été formellement identifié.
Quelques rares cas de nausées-vomissements ou d’hypotension ont
été décrits au décours de l’administration de sugammadex en fin
d’anesthésie. La fréquence et la non spécificité de ce type de manifestation au réveil n’a pas permis d’établir un lien de causalité entre
l’injection de sugammadex et la survenue de ces manifestations.
Pour l’instant, près de 2000 patients ont été inclus dans les études de
phase I, II et III sans que des problèmes liés à l’utilisation de sugam-
11
L’ensemble des résultats des études déjà publiées permet de pouvoir
envisager les principales inductions de ce nouveau concept de réversion du bloc neuromusculaire induit par le rocuronium et à un moindre degré par le vécuronium (les données étant encore trop parcellaires pour ce dernier curare).
V.1. Le monitorage de la curarisation ne doit pas être abandonné.
L’efficacité du sugammadex ayant été démontrée quelle que soit la
profondeur du bloc neuromusculaire et étant non modifiée par
l’agent de l’entretien de l’anesthésie (propofol ou sévoflurane), il
serait tentant pour le clinicien de penser qu’il ne sera plus nécessaire
de monitorer la curarisation durant le période peropératoire. Cette
pratique clinique ne saurait être pertinente car la dose du sugammadex à administrer est directement dépendante du degré du bloc neuromusculaire lors de l’antagonisation. Une dose trop forte serait la
source d’un gâchis financier et une dose trop faible n’autoriserait
pas une réversion complète dans les délais attendus. De plus, une
dose trop faible peut même être à l’origine d’une recurarisation. Ce
risque a été décrit dans un cas clinique issu d’une étude du programme de développement où un patient avait reçu une dose de 0,5
mg/kg de sugammadex 42 minutes après une dose de 0,9 mg/kg de
rocuronium, correspondant à un compte post-tétanique égal à 1
[18]. Alors que dans les minutes suivant l’administration du sugammadex, le TdQ atteignait une valeur de 0,6, un phénomène de recurarisation a été observé avec un TdQ revenant aux alentours de 25
% dans les 10 minutes suivantes. Ce n’est que plus de 40 minutes
plus tard que le TdQ avait franchi la barre des 90 %. L’hypothèse
expliquant cet effet « rebond » du rocuronium pourrait être la suivante. Après l’administration du sugammadex, la concentration
libre de rocuronium dans le compartiment central diminue rapidement responsable d’un transfert de ce produit du compartiment effet
(la jonction neuromusculaire) et des compartiments périphériques
(modèle tri-compartimental) vers le compartiment central en suivant le gradient de concentration. Ceci concourt à la levée rapide du
bloc neuromusculaire.
Si la concentration plasmatique du sugammadex (dont le secteur de
distribution est essentiellement le plasma) est faible, les molécules
libres du rocuronium issues de la redistribution ne pourront pas être
complexées. Ainsi, toujours suivant le gradient de concentration,
ces molécules vont facilement retourner vers le compartiment effet,
ce qui à l’évidence sera responsable d’une « recurarisation ». Ce
phénomène de rebond de curarisation illustre l’importance du moni-
torage précis du degré de la curarisation au moment de l’injection
du sugammadex afin de déterminer la dose nécessaire à administer
et également après l’injection pour confirmer l’absence d’un bloc
résiduel.
V.2. Trois indications sont indiscutables.
1) L’antagonisation conventionnelle.
Dans cette indication, le degré du bloc neuromusculaire au moment
de l’antagonisation correspond à la réapparition de deux réponses
au train de quatre à l’adducteur du pouce (ce critère est celui communément utilisé lorsque la néostigmine est utilisée). Une dose de
2 mg/kg de sugammadex est suffisante pour obtenir un TdQ > 0,9
en moins de 5 minutes.
2) L’antagonisation du bloc profond
Le degré du bloc au moment de l’antagonisation correspond à une
réponse post-tétanique comprise en 1 et 2. Un tel bloc est fréquent
à la fin d’une intervention sous coelioscopie quelle qu’en soit la
nature. La dose de sugammadex est alors plus importante de l’ordre
de 4 mg/kg.
3) Antagonisation de secours
Il s’agit ici d’antagoniser très tôt un bloc très profond devant une
intubation impossible non prévue associée à une impossibilité de
ventiler au masque (le très anxiogène « cannot intubate, cannot ventilate »). La dose de sugammadex doit être adaptée sur la dose de
rocuronium administrée pour l’intubation et surtout sur le délai
entre l’injection du rocuronium et celle du sugammadex (3, 5 ou 15
minutes). Si ce délai est très bref (3 minutes), la dose de sugammadex est comprise entre 12 et 16 mg/kg. Après un délai de 5 minutes,
8 à 12 mg/kg de sugammadex semblent suffire pour obtenir un TdQ
> 0,9 en moins de 5 minutes.
Le tableau 4 résume ces données essentielles.
V.3. Alternative à la succinylcholine ?
Une indication supplémentaire pourrait être aussi discutée. Celle-ci
serait une solution alternative à la succinylcholine grâce à une
séquence rocuronium 1,2 mg/kg suivi 3 minutes plus tard par une
dose de 16 mg/kg de sugammadex. Cette proposition pourrait être
intéressante en cas de contre-indications absolues à l’utilisation de
la succinylcholine. Une étude non publiée actuellement sous forme
d’article, mais seulement sous forme de résumé a exploré ce principe [19]. Cent dix patients ont été répartis en deux groupes : l’un
recevant 1,0 mg/kg de succinylcholine (n = 55) et l’autre du rocuronium (1,2 mg/kg) suivi 3 minutes plus tard par 16 mg/kg de sugammadex. Le délai entre l’injection du curare et l’obtention d’une première réponse au train de quatre était significativement plus court
avec l’association rocuronium + sugammadex (4,4 ± 0,7 minutes)
par rapport à la succinylcholine (7,1 ± 1,6 minutes, moyenne ± ds).
De même, le délai pour obtenir un rapport T1/T0 à 90 % était significativement plus court après rocuronium + sugammadex (6,2 ± 1,8
minutes) qu’après succinylcholine (10,9 ± 2,4 minutes).
V.4. La reprise chirurgicale après administration du sugammadex.
Il faut rappeler que le sugammadex n’est efficace qu’avec les curares stéroïdiens. Ainsi, s’il fallait recurariser un patient (reprise chirurgicale) quelques heures après l’administration du sugammadex,
l’atracurium ou le cisatracurium pourrait alors être employé sans
problème. A l’heure actuelle, aucune donnée ne permet de préciser
plus avant le délai à attendre pour qu’une nouvelle administration de
rocuronium induise un effet curarisant habituel.
VI. Conclusion
Les propriétés pharmacologiques du sugammadex et les résultats
des études de phase II et III sont très prometteurs. Sa vitesse d’action et sa capacité à antagoniser une curarisation quelle qu’en soit la
profondeur devrait modifier nos habitudes. Il ne sera plus nécessaire
d’attendre le début de la décurarisation spontanée pour inhiber le
bloc, ce qui devrait raccourcir les délais de réveil des patients au
bloc opératoire. Enfin, on ne devrait plus voir de patient transféré en
salle de réveil encore partiellement curarisé avec tous les risques
que cela comporte. La seule contrainte liée à l’utilisation du sugam-
12
madex reste l’obligation d’utiliser un curare non dépolarisant stéroïdien : le vécuronium ou le rocuronium.
Bien entendu comme pour toute introduction de nouvelle molécule chez
l’homme, et ce quelle que soit la qualité des études cliniques, il sera nécessaire d’attendre son administration à plusieurs dizaines de milliers de
patients avant d’être sur de l’absence d’effets secondaires significatifs
imputables au sugammadex. Quelques années après la commercialisation
du propofol, du desflurane puis du rémifentanil il semble bien que nous
soyons à l’orée d’une nouvelle phase de notre pratique anesthésique [20,21].
Sugammadex (mg/kg)
placebo
1,0
2,0
4,0
Rocuronium (0,6 mg/kg)
3
7
n
31,8 ± 12,9 1,5 ± 0,4
T4/T1 > 90 %
8
1,4 ± 0,4
8
1,0 ± 0,2
Vécuronium (0,1 mg/kg)
4
8
n
48,8 ± 27,9 2,5 ± 0,8
T4/T1 > 90 %
8
2,3 ± 0,8
7
1,5 ± 0,5
Tableau 1 : Vitesse de décurarisation comparée du bloc induit par le vécuronium (0,1 mg/kg)
et le rocuronium (0,6 mg/kg) après différentes doses de sugammadex injectées dès l’obtention de deux réponses de l’adducteur du pouce après une stimulation en train de quatre. Le
délai entre l’injection de l’antagoniste et la récupération d’un rapport T4/T1 > à 90 % est
présenté en moyenne avec écart-type (minute) [10].
Sugammadex (mg/kg)
placebo
2,0
8,0
12,0
16,0
n
4
5
12
7
7
Médiane
126,1
55,3
2,5
1,3
1,3
1,0 – 1,9
0,7 – 6,9
Min - Max 96,8 – 139,4 50,5 – 65,1 2,2 - 3,7
Tableau 2 : Vitesse de décurarisation du bloc induit par le rocuronium (1,2 mg/kg) après
l’injection du sugammadex ou d’un placebo. Le sugammadex était injecté 5 minutes après
l’administration du rocuronium. Les résultats montrent le délai entre l’injection de l’antagoniste et la récupération d’un rapport T4/T1 > 90 % (minute, médiane et valeur minimale
et maximale) [11].
Sugammadex (mg/kg)
placebo
2
4
8
12
16
Roc 1,0
111,1
(63,7-144,8)
34,4
(23,9-94.3)
6,8
(3,4-11,9)
2,2
(1,3-4,8)
1,4
(1,0-7,1)
1,6
(0,9-4,8)
Roc 1,2
124,3
(87,3-156,1)
63,3
(36,3-117,2)
11,3
(5,3-28,5)
3,6
(1,5-4,7)
1,9
(1,2-4,1)
1,3
(0,8-2,3)
Roc 1,0
91,0
(58,3-232,8)
9,0
(6,8-9,6)
5,4
(1,8-9,3)
1,8
(1,0-2,4)
1,9
(0,9-2,9)
0,9
(0,8-1,2)
Roc 1,2
94,2
(92,8-231,9)
41,9
(7,3-86,5)
5,6
(2,6-9,2)
2,2
(2,1-2,8)
1,3
(0,8-3,8)
1,9
(0,9-16,6)
Antag
3 min
Antag
15 min
Roc 1,0 : rocuronium 1,0 mg/kg
Roc 1,2 : rocuronium 1,2 mg/kg
Antag 3 min : antagonisation débutée 3 minutes après l’injection du rocuronium
Antag 15 min : antagonisation débutée 15 minutes après l’injection du rocuronium
Tableau 3 : Vitesse de décurarisation du bloc induit par le rocuronium (1,0 et 1,2 mg/kg)
après l’administration du sugammadex réalisée 3 et 15 minutes après l’injection du curare.
Les résultats montrent le délai entre l’injection de l’antagoniste et la récupération d’un rapport T4/T1 > 90 % (minute, médiane et valeur minimale et maximale) [12].
GESTION DU TRAITEMENT MEDICAL
DE L’INSUFFISANT CORONARIEN DURANT LA
PERIODE PERI-OPERATOIRE
Dose du sugammadex (mg/kg)
Degré du bloc lors de la réversion
Pr CORIAT
CHU Pitié Salpêtrière - APHP - Paris
T2 (antagonisation conventionnelle)
PTC 1 – 2 (antagonisation d’un bloc profond)
2
4
Délai entre l’injection du rocuronium et celle
du sugammadex (antagonisation de secours)
3 minutes
12-16
5-15 minutes
8-12
T2 : réapparition de la deuxième réponse au train de quatre sur l’adducteur du
pouce ;
PTC 1 – 2 : apparition de 1 à 2 réponses au compte post-tétanique sur l’adducteur du pouce.
Tableau 4 : Doses du sugammadex pour lever le bloc neuromusculaire induit par le rocuronium, en fonction du degré du bloc au moment de la réversion ou du délai entre l’injection
du curare et celle du sugammadex. La dose est déterminée pour obtenir un rapport T4/T1 >
0,9 en moins de 5 minutes.
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13
Beaucoup plus discrètement que les progrès techniques de la cardiologie interventionnelle, qui ont occupé le devant de la scène ces 20
dernières années, l’efficacité de la prévention primaire et secondaire
de la maladie coronarienne par des médicaments, a été établie de
façon scientifiquement irréfutable. Quatre médicaments, qu’ils
soient prescrits isolément ou en association, ont fait la preuve de
leurs effets spectaculaires sur l’espérance de vie du coronarien. Il
s’agit par ordre d’entrée en scène, de l’aspirine, des bêtabloquants,
des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des statines. Comme
les trois mousquetaires, ces quatre médicaments agissent un pour
tous et tous pour un. C'est-à-dire qu’ils sont efficaces isolément,
mais que leurs effets bénéfiques sont d’autant plus marqués qu’ils
sont prescrits en association. La prescription simultanée des quatre
médicaments ayant une meilleure efficacité que celle de trois, elle
même plus efficace que celle de deux. En raison, de l’incidence de
la maladie coronaire chez les malades de plus de 60 ans, et du pourcentage de malades de cet âge opérés chaque année en France, établi par l’étude de SFAR-INSERM de 1996, un nombre croissant de
malade sous « quadrithérapie anti coronarienne », va être adressé en
milieu chirurgical.
L’enquête SFAR-INSERM [1], publiée fin 2003, confirme la place
prépondérante de l’insuffisance coronaire aiguë dans les pathologies responsables de la morbidité post-opératoire en chirurgie non
cardiaque.
Les contraintes de la période opératoire déstabilisent la maladie
coronarienne chronique, exposant le patient à risque à la nécrose
myocardique. Cette complication recouvre un large spectre d’atteinte allant de la nécrose limitée de quelques cellules myocardiques
à l’infarctus antérieur étendu responsable d’un choc cardiogénique.
La viabilité des cellules myocardiques est le principal facteur conditionnant l’espérance de vie du patient coronarien. C’est pourquoi
tout dommage cellulaire myocardique qui survient pendant la
période opératoire retentit inéluctablement sur l’espérance de vie
des opérés.
L’anesthésiste réanimateur par la gestion des traitements médicamenteux tout au long de la prise en charge de l’opéré joue un rôle prépondérant dans l’amélioration du risque cardiaque post-opératoire. Il doit
envisager la prescription des quatre médicaments cardiovasculaires
qui ont fait la preuve de leur efficacité dans la prévention primaire et
secondaire de la maladie coronaire :
- En pré-opératoire, où ces médicaments devront être prescrits
lorsqu’ils sont justifiés en raison de la pathologie cardiovasculaire.
Par ailleurs chez certains malades à haut risque, ces médicaments
peuvent être prescrits à titre prophylactique en fonction de l’évaluation cardiaque pré-opératoire.
- Tout au long de la période opératoire, l’instabilité de la maladie
coronarienne devrait être détectée. Si elle s’avère, un traitement
médical spécifique qui fait appel aux médicaments de l’insuffisance
coronarienne doit être institué sans retard.
- En post-opératoire, les facteurs qui déstabilisent la maladie coronarienne doivent être contrôlés. Ces facteurs vont bien au-delà de la
décharge cathécholergique ; ils concernent la dysfonction endothéliale, l’inflammation et l’hyperagrégabilité plaquettaire. Ceci explique pourquoi les médicaments cardiovasculaires qui agissent de
façon particulièrement efficace sur ces composantes physiopathologiques trouvent toutes leurs justifications chez l’opéré à risque.
- A la sortie du milieu chirurgical, il est indispensable de prescrire à
l’opéré chez qui une instabilité de la maladie coronarienne a été
détectée, une prévention médicamenteuse secondaire de la maladie
coronarienne.
Une prescription adaptée tout au long de la période opératoire des
quatre médicaments qui ont fait la preuve de leur efficacité pour
prolonger l’espérance de vie du malade souffrant d’une pathologie
cardiovasculaire et améliorer son risque opératoire, doit être envisagée à toutes les étapes de la période opératoire.
I) Rappel physiopathologique
Pour mieux comprendre la nature des effets bénéfiques des médicaments prescrits chez l’opéré à risque cardiovasculaire, il faut rappeler
la biodynamique du système circulatoire au cours de la période postopératoire. Il existe un contraste entre la chirurgie où les modifications circulatoires sont parfaitement contrôlées et la période post-opératoire où plusieurs facteurs s’additionnent pour déstabiliser la maladie coronarienne et être à l’origine d’un dommage myocardique évoluant rapidement vers un infarctus du myocarde [2].
Les contraintes métaboliques et l’altération de l’interface sang vaisseaux qui caractérisent la période postopératoire sont des facteurs
d’instabilité reconnus de la maladie coronarienne.
Les contraintes de la période opératoire :
- Contraintes métaboliques : La période postopératoire est caractérisée par une décharge catécholergique associée à une élévation de la
consommation globale en oxygène (VO2) de l’organisme et des
conditions de charge ventriculaire gauche.
- Altération de l’interface sang vaisseaux : L’interface sang vaisseaux
est profondément altérée par la survenue d’une dysfonction endothéliale, d’une hyperagrégabilité plaquettaire et d’un syndrome inflammatoire.
- Dysfonction endothéliale : L’endothélium sain assure des fonctions
anti-inflammatoires, anti-thrombotiques, anti-coagulantes, antihypertrophiques et joue un rôle déterminant dans la régulation du
tonus coronaire. Les contraintes circulatoires post-opératoires altèrent
profondément la fonction endothéliale.
- Hypercoagulabilité : Tous les facteurs de la coagulation s’élèvent en
postopératoire. On note parallèlement une augmentation de la viscosité plasmatique, de l’agrégabilité plaquettaire et de la réactivité des
plaquettes aux catécholamines. De plus, les inhibiteurs de la coagulation sont diminués, à la fois par dilution et par défaut de synthèse.
- Le syndrome inflammatoire : Tout geste chirurgical est à l’origine
d’un syndrome inflammatoire qui favorise la survenue d’une insuffisance coronaire aiguë en agissant directement sur la plaque d’athérome et en perturbant la circulation coronaire. Il constitue un des
mécanismes reconnus de l’insuffisance coronaire aiguë post-opératoire.
- Vulnérabilité de la plaque d’athérome : Le rôle joué par la rupture
de plaque dans la nécrose myocardique aiguë post-opératoire rend
compte de l’intérêt potentiel à instaurer un traitement par statine pendant le mois précédent l’intervention de chirurgie non cardiaque. Bien
que ce traitement n’améliore pas le degré de sténose coronaire, il stabilise la plaque d’athérome.
Tableau 1 : Principaux effets des traitements de la maladie coronaire sur les
contraintes post-opératoires
ACEI
Aspirine
Décharge
catécholergique
B+++
Réponse
inflammatoire
Hyperagrégabilité
plaquettaire
Dysfonction
endothéliale
+++
++++
++
++
++
Rupture de la plaque
athéromateuse coronaire
Effet rebond si arrêt
Statine
+
++
++
+++
++
14
II) Effets bénéfiques des médicaments sur les mécanismes à l’origine des complications cardiaques post-opératoires
Les effets bénéfiques des médicaments dont bénéficient les opérés
à risque cardiovasculaire sont si importants que la gestion de ces
médicaments pendant la période opératoire est un des facteurs plus
importants des stratégies modernes d’amélioration du risque cardiaque péri opératoire. En d’autres termes, la pertinence avec laquelle
ces médicaments sont prescrits à l’opéré en fonction de sa pathologie, la façon dont ils vont être administrés ou interrompus pendant
la période opératoire, est actuellement une des données qui
influence de façon la plus significative le risque opératoire. La prescription d’un traitement médicamenteux optimal chez l’opéré à risque vasculaire qui améliore de façon significative le risque opératoire, guide la prise en charge pré-opératoire de l’opéré.
A partir du moment où les traitements médicamenteux sont efficaces
pour la prévention des complications cardiaques post-opératoires, le
recours à des examens invasifs péri opératoires est significativement
limités chez des opérés bénéficiant d’un traitement médicamenteux
optimal.
Ces examens invasifs débouchaient souvent sur la nécessité d’une
revascularisation myocardique pré-opératoire, essentiellement par
angioplastie coronaire.
Il y a dix ans, avant que les effets bénéfiques des médicaments cardio vasculaire aient été démontrés, les progrès de la cardiologie
interventionnelle avaient amené à étendre les indications de la coronarographie pré-opératoire pour dépister d'éventuelles sténoses
coronaires afin de proposer leur traitement par angioplastie avant
l'intervention chirurgicale. La dilatation coronaire était supposée
assurer de façon efficace la prévention des complications coronariennes post-opératoires. En fait, les bienfaits de l’angioplastie coronaire pré-opératoire ne se sont pas révélés fondés, ce qui donne
toute leur place aux médicaments cardiovasculaires dans les stratégies de prévention des complications cardiaques post-opératoires. Il
est actuellement fermement établi que ce n’est pas en étendant les
indications de la coronarographie et de la revascularisation myocardique pré-opératoire mais en adaptant et en optimisant le traitement
médical de l’opéré coronarien, que son pronostic fonctionnel postopératoire peut être amélioré. Ainsi, il est plus utile chez un opéré à
risque cardiovasculaire de prescrire ou d’adapter un traitement
médicamenteux optimal que de prescrire des examens complémentaires invasifs pour évaluer le risque opératoire, stratégie qui débouche fréquemment sur une revascularisation myocardique pré-opératoire par angioplastie, inefficace pour améliorer le risque opératoire.
A) Les STATINES
L’effet bénéfique des statines sur la maladie coronarienne s’est
longtemps limité à son effet hypolipémiant, qui prévenait le développement et la progression des plaques athéromateuses coronaires.
A cet effet bénéfique sur la plaque d’athérome, il faut ajouter un
effet de stabilisation de la plaque d’athérome coronaire, qui pourrait
jouer un rôle important dans la prévention de la nécrose myocardique aiguë post-opératoire. Ainsi, les effets bénéfiques potentiels des
statines sont beaucoup plus larges, ce qui explique qu’en plus des
effets sur le taux de cholestérol, ces médicaments induisent d’autres
effets bénéfiques chez l’opéré coronarien, si nombreux et si différents des effets hypocholestérolémiants, qu’ils sont appelés « pléiotropes ».
En fait, prenant en compte les contraintes auxquelles est soumis
l’opéré coronarien pendant la période opératoire, ce sont surtout les
effets pléiotropes des statines qui apparaissent bénéfiques : effet
anti-inflammatoire, effet de stabilisation de la plaque athéromateuse
coronaire, effet sur l’hyperagrégabilité plaquettaire. En d’autres termes, les statines ont un effet bénéfique sur la dysfonction endothéliale post-opératoire. Ce mécanisme est d’autant plus important que
le syndrome inflammatoire et la décharge catécholergique post-opé-
ratoire favorisent très largement la rupture de la plaque athéromateuse. Ces effets bénéfiques rendent compte de l’incidence significativement plus faible des complications coronaires retrouvées dans
la littérature chez les opérés recevant des statines, adressés pour
intervention de chirurgie non cardiaque.
Une étude randomisée récente, réalisée chez les opérés de chirurgie
non cardiaque, a confirmé l’effet bénéfique des statines lorsque ces
médicaments sont prescrits tout au long de la période opératoire,
chez les opérés à risque. Le risque de mortalité cardiaque et les complications cardiaques post-opératoires sont diminués de façon significative chez les opérés sous statine. Le risque cardiaque et le risque
de décès d’origine cardiaque ou de nécrose myocardique post-opératoire ont été diminués de plus de 50% : ischémie myocardique
11% versus 19%, décès d’origine cardiaque ou infarctus du myocarde post-opératoire 4,8% versus 10,1%. Cette réduction des complications est plus que significative. Aucun effet délétère lié à l’administration des statines n’a compromis l’effet bénéfique cardiovasculaire spectaculaire de ces médicaments.
Les effets bénéfiques potentiels des statines chez les opérés coronariens, nous ont conduit à s’intéresser plus particulièrement à l’incidence des complications coronaires chez les malades traités au long
court par statines adressés pour intervention de chirurgie non cardiaque. Il est ainsi apparu, que si le traitement par statine n’était pas
poursuivi tout au long de l’hospitalisation du malade en milieu chirurgical incluant la période opératoire, cette interruption du traitement pouvait être à l’origine d’une déstabilisation de la maladie
coronarienne.
Les statines doivent donc être administrées le matin de l’intervention comme les bêtabloquants, et ce d’autant que leurs effets délétères potentiels paraissent négligeables. L’altération de la fonction
plaquettaire, et le risque de rhabdomyolyse, qui sont les deux effets
potentiellement délétères des statines pendant la période opératoire,
ne paraissent pas avoir d’incidence clinique, en tout cas pour des
posologies de statines inférieures à 40 mg.
Risque si arrêt
Inhibiteurs
S.R.A.
Aspirine
B-
Statine
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Oui
Oui
Risque si poursuite Hypotension Saignement
Amélioration du
risque si poursuite
Non
Oui
Tableau 2 : Risque de l’arrêt ou de la poursuite des médicaments pris par l’opéré à risque
cardio-vasculaire
B) Les bloqueurs du système rénine angiotensine
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les inhibiteurs de l’angiotensine 2 agissent également comme traitement de fond de la
maladie coronaire car ils ont des effets bénéfiques sur le remodelage
ventriculaire du myocarde ischémique, et limitent l’hypertrophie du
myocarde et du système vasculaire résistif. Ces mécanismes améliorent la balance énergétique du myocarde et la fonction ventriculaire
gauche. Alors que les bêtabloquants interfèrent avec un système à
l’origine d’élévation de la fréquence cardiaque et de la pression
artérielle qui compromettent la balance énergétique du myocarde,
les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et l’angiotensine 2 altèrent le fonctionnement du système rénine angiotensine dont le rôle
essentiel est de maintenir la pression artérielle face à une diminution
des conditions de charge ventriculaire gauche. Ceci explique pourquoi, alors que les bêtabloquants ne majorent pas l’effet hypotenseur de l’anesthésie et contrôlent de façon efficace les élévations de
pression artérielle et de fréquence cardiaque secondaires aux stimuli
15
nociseptifs per et post-opératoires, la poursuite du traitement par les
inhibiteurs de l’enzyme de conversion favorise la survenue d’épisodes d’hypotension artérielle péri opératoire, compromettant les perfusions myocardique et rénale. La baisse de la filtration glomérulaire qui en résulte est à l’origine d’une altération de la fonction
rénale post-opératoire. A partir du moment où l’arrêt des médicaments qui interfèrent avec le système rénine angiotensine n’expose
ni à un effet rebond, ni à une élévation de la pression artérielle, ni à
une altération de la fonction ventriculaire gauche, et ce même chez
l’insuffisant cardiaque, il est actuellement établi qu’il ne faut pas
administrer le traitement par inhibiteurs de l’enzyme de conversion
le matin de l’intervention, et qu’il ne faut reprendre ce traitement
qu’une fois l’équilibre volémique de l’opéré restauré.
C) Les bêtabloquants
L’intérêt de la poursuite du traitement bêtabloquant en milieu chirurgical est établi depuis plus de trente ans. Cette poursuite est d’autant plus impérative que les bêtabloquants exercent un effet bénéfique sur la balance en oxygène du myocarde pendant l’intervention
et que leur arrêt est à l’origine d’un syndrome « de rebond » en raison de la régulation des récepteurs adrénergiques.
La question essentielle qui se pose pour les bêtabloquants est celle
de débuter un traitement chez des malades n’en bénéficiant pas au
long court, et qui présentent un antécédent d’infarctus ou des facteurs de risques de la maladie coronarienne. Les propriétés pharmacologiques des bêtabloquants rendent compte des effets bénéfiques
de ces médicaments chez l’opéré à risque coronaire car ils s’opposent aux effets circulatoires de la décharge cathécolergique postopératoire. Par contre, ils limitent les mécanismes compensateurs
que la fonction circulatoire peut mettre en jeu pour assurer une oxygénation périphérique face à l’augmentation des contraintes métaboliques post-opératoires, en particulier de la consommation globale en oxygène de l’organisme.
Une étude randomisée récente (POISE [perioperative ischemic evaluation study]) prenant en compte plus de 8200 opérés adressés pour
une chirurgie non cardiaque, compare le risque cardiaque post-opératoire selon que le malade reçoit un bêtabloquant (du métoprolol)
ou du placebo. Le risque de nécrose myocardique aiguë post-opératoire a été réduit de 20% chez les opérés recevant le bêtabloquant.
Il faut noter cependant que bien que la mortalité d’origine cardiaque
soit diminuée de façon significative chez les opérés recevant du
métoprolol, la mortalité globale augmente significativement dans le
groupe traité par métoprolol en raison d’un risque accru d’infection
et d’accident vasculaire cérébral. Des épisodes d’hypotension artérielle et de bradycardie plus fréquemment notées chez les opérés
traités par métoprolol pourrait avoir joué un rôle dans la survenue
des accidents vasculaires cérébraux. Il apparaît donc que s’il reste
indispensable de poursuivre un traitement bêtabloquant suivi au
long court chez l’opéré à risque coronaire, instaurer un traitement
bêtabloquant dans le but de diminuer la survenue d’une nécrose
myocardique post-opératoire doit prendre en compte le risque accru
de certaines complications post-opératoires au premier rang desquelles les complications infectieuses et la survenue d’un accident
vasculaire cérébral.
Si l’administration à titre prophylactique reste controversée pendant
la période opératoire, il n’en va pas de même de l’administration des
bêtabloquants à titre curatif devant la survenue d’une tachycardie
post-opératoire, dont on connaît les effets délétères sur la balance
énergétique du myocarde.
D) Les antiplaquettaires
L’efficacité des antiplaquettaires dans le traitement et la prévention
primaire et secondaire de la maladie coronarienne a été établie de
façon scientifiquement irréfutable. Les problèmes spécifiques posés
par la prise en charge des opérés porteurs de stents coronaires pharmaco actifs qui impliquent une poursuite obligatoire et prolongée
d’une bithérapie antiplaquettaire confirment, s’il en était besoin, la
réalité des problèmes spécifiques posés par la prise en charge des
opérés bénéficiant au long cours d’un traitement antiplaquettaire.
Une meilleure connaissance de la pharmacologie des antiplaquettaires qu’il s’agisse de l’aspirine ou du clopidogrel, ainsi que la chronologie et la nature des complications auxquelles sont exposés les
malades adressés en milieu chirurgical selon que le traitement antiplaquettaire est interrompu et poursuivi, permet de définir une gestion logique et raisonnée des antiplaquettaires qui prend en compte
la nature de l’intervention chirurgicale et la pathologie cardiovasculaire ayant justifiée ce traitement antiplaquettaire au long cours.
1) Les antiplaquettaires peuvent être poursuivis pendant la période
opératoire
De nombreuses situations cliniques permettent la poursuite du traitement antiplaquettaire. Ainsi la 7è conférence de consensus de
l’ACCP recommande de ne pas interrompre l’aspirine avant une
endartérectomie carotidienne ou une chirurgie vasculaire périphérique des membres [3].
Si la conférence d’experts de la SFAR 2001 décrit un grand nombre
de situations chirurgicales compatibles avec la poursuite de l’aspirine [4], elle signale une augmentation des complications hémorragiques en cas de poursuite des AAP avant une intervention pour
amygdalectomie ou pour une chirurgie de la prostate. Une revue
générale de Burger confirme ce risque en montrant que l’augmentation du saignement répond à un facteur 1,5 mais indique que la présence d’aspirine ne majore pas la sévérité des complications hémorragiques, exceptions faites de la chirurgie intracrânienne, de
l’amygdalectomie et potentiellement de la prostatectomie par voie
transuréthrale. Les données sont plus équivoques avec les thiénopyridines (ticlopidine et clopidogrel) pour lesquelles une majoration
du saignement et de la transfusion a été décrite, notamment en chirurgie cardiaque. Il faut également porter attention aux interventions
pour lesquelles l’hémostase chirurgicale ne peut être complète et
celles où la moindre hémorragie per ou post-opératoire peut mettre
en jeu le pronostic fonctionnel de l’intervention (tympanoplastie).
2) L’arrêt des traitements antiplaquettaires fait courir un risque
Plusieurs études ont clairement mis en évidence l’effet délétère
potentiel de l’arrêt de l’aspirine chez l’opéré souffrant d’une insuffisance coronaire patente. Une méta analyse portant sur 52279
patients démontre clairement que l’arrêt non raisonné d’une prescription par l’aspirine augmente de façon significative le risque
d’évènements cardiovasculaires (risque de survenue d’évènements
cardiaques graves multiplié par trois chez les malades souffrant
d’une pathologie cardiovasculaire ; le risque est multiplié par un
facteur 90 chez les malades porteurs de stents). L’arrêt non raisonné
d’un traitement par aspirine altère donc de façon significative l’espérance de vie des malades. L’arrêt de l’aspirine ne doit être évoqué
que dans les situations où le risque de saignement surpasse sans discussion le risque de survenue d’accident cardiovasculaire associé à
l’arrêt de l’aspirine.
Les études qui ont recherché spécifiquement la survenue de complication cardiovasculaire à l’arrêt d’un traitement par aspirine montrent que l’arrêt de l’aspirine précède 10% des accidents artériels
aigus donnant lieu à une hospitalisation. Le délai entre l’arrêt de
l’aspirine et la survenue de l’accident artériel dépend du calibre du
vaisseau touché. Ce délai est de 8 jours pour l’artère coronaire, de
14 jours pour l’artère carotide et de 26 jours pour les artères des
membres inférieurs.
3) Gestion de l’arrêt des antiplaquettaires administrés au long
court chez l’opéré adressé pour une chirurgie non cardiaque
a) Chez les opérés à risque cardiovasculaire
Les modalités d’arrêt et de reprise du traitement anti-plaquettaire,
lorsque leur interruption est imposée par la nature de l’intervention
chirurgicale, conditionnent de façon très significative le risque de
survenue de complications cardiovasculaires associées à l’interruption du traitement. La chronologie avec laquelle doit être arrêté puis
repris le traitement antiplaquettaire, ainsi que la posologie d’administration des antiplaquettaires à la reprise du traitement sont actuellement bien définies. C’est dans le cadre d’une démarche bénéfice
risque que la poursuite ou l’arrêt de l’aspirine doit maintenant être
16
envisagé chez l’opéré coronarien, un accent tout particulier étant
mis sur l’information dû à l’opéré. Lorsqu’il est indispensable avant
une intervention chirurgicale d’arrêter le traitement antiplaquettaire
chez un opéré, il faut raisonner en terme de compétence hémostatique permettant la chirurgie pour interrompre le traitement antiplaquettaire pour la durée la plus courte possible.
Prenant en compte, le pourcentage journalier de régénération plaquettaire, à l’arrêt du traitement antiplaquettaire une compétence
hémostatique permettant en toute sécurité la réalisation de l’acte
chirurgical devrait être obtenue chez les opérés à partir du 4e ou du
5e jour. Dans une étude clinique menée au groupe hospitalier Pitié
Salpêtrière, l’agrégabilité plaquettaire des opérés chez qui l’intervention chirurgicale n’avait imposé l’arrêt d’un traitement au long
cours par aspirine a été mesuré avant l’opération alors que le traitement était poursuivi le matin de l’intervention alors que le traitement était arrêté depuis les 5 jours. Le matin de l’intervention, après
5 jours d’arrêt, on note chez les opérés ayant arrêté l’aspirine une
compétence hémostatique parfaitement compatible avec une
hémostase chirurgicale chez tous les opérés. Prenant en compte
l’agrégabilité plaquettaire mesurée chez ces opérés le matin de l’intervention et la cinétique de la récupération de la fonction plaquettaire à l’arrêt de l’aspirine, il apparaît vraisemblable qu’un arrêt de
l’aspirine de seulement 3 à 4 jours permet une récupération de la
fonction plaquettaire suffisante pour permettre l’intervention chirurgicale chez les opérés traités au long cours par aspirine.
Chez les opérés traités au long court par clopidogrel sous traitement,
la fonction plaquettaire est beaucoup plus hétérogène sous traitement. L’arrêt de 5 jours du traitement permet de retrouver un niveau
d’hémostase compatible avec une intervention chirurgicale. Ces
résultats qui sont parfaitement en accord avec les caractéristiques
pharmacologiques des antiplaquettaires confirment que lorsqu’il est
nécessaire, l’arrêt des traitements antiplaquettaires ne doit pas
dépasser 5 jours. Pour l’aspirine, il est vraisemblable que l’on peut
programmer une intervention chirurgicale en toute sécurité après 3
à 4 jours d’arrêt de cet antiplaquettaire.
Arrêter l’aspirine pendant plus de 4 jours et le clopidogrel pendant
plus de 5 jours chez les opérés traités au long cours par l’un ou l’autre antiplaquettaire n’est plus conforme à une bonne pratique clinique, car elle expose l’opéré à une complication cardiovasculaire en
particulier coronaire alors même qu’un délai plus important n’est
pas nécessaire pour permettre le retour à un niveau d’hémostase
compatible avec une intervention chirurgicale.
Les données de la littérature qui montrent qu’une instabilité de la
maladie coronarienne ne survient qu’après 8 à 10 jours après l’arrêt
du traitement anti-plaquettaire chez des opérés à risque cardiovasculaire, l’arrêt du traitement par l’aspirine pendant 3 à 4 jours, l’arrêt du clopidogrel pendant 5 jours, permettent un juste compromis
entre le risque cardiovasculaire inhérent à l’arrêt du traitement antiplaquettaire et la reprise d’une hémostase chirurgicale mettant
l’opéré à l’abri de complications hémorragiques péri-opératoires.
Ces recommandations ne s’appliquent que lorsqu’il est impératif
d’arrêter le traitement antiplaquettaire en raison de la nature de l’intervention.
b) Chez les opérés porteurs d'un stent coronaire
Pour les stents à métal nu, il apparaît absolument impératif que l'intervention de chirurgie vasculaire soit réalisée au minimum deux
mois après la mise en place du stent (4 à 6 semaines minimum de
poursuite d’une bithérapie antiplaquettaire, 5 jours d’arrêt du traitement). Cette prise en charge prévient les risques de thrombose du
stent pendant la période opératoire. Cette prévention n'est cependant
pas absolue, car un cas clinique rapporte la thrombose d'un stent
coronaire non pharmaco actif au décours d'intervention chirurgicale.
Lorsqu’un stent non pharmacoactif a été mis en place et que la
nature de l'intervention chirurgicale ne permet pas qu'elle soit réalisée sous agents antiplaquettaires, le malade doit être informé de
toute modification du traitement antiplaquettaire bien que le risque
de thrombose du stent secondaire à l'arrêt des traitements antiagrégants plaquettaires (5 jours pour le clopidogrel et 3-4 jours pour l'as-
pirine) paraît faible.
Lorsqu’un stent pharmaco actif a été mis en place, le risque de
thrombose du stent en réponse à toute modification du traitement
antiplaquettaire, est beaucoup plus important. L’intérêt de la prescription du clopidogrel chez des malades porteurs d’un stent pharmacoactif a été confirmé par une étude regroupant un nombre
important de malades porteurs d’un stent pharmacoactif comparant
la survenue d’accident cardiovasculaire chez ces malades selon que
le clopidogrel a été prescrit de façon large ou de façon restrictive, en
fonction de la réglementation encadrant la prescription du clopidoprel au Canada.
Le risque que fait courir aux malades l’arrêt des antiplaquettaires en
présence d’un stent pharmacoactif doit être pris en compte avant la
mise en place du stent chez les malades souffrants d’une insuffisance coronaire aiguë.
C’est dans ce sens que des recommandations très précises ont été
publiées par les sociétés savantes américaines.
- Chez les malades chez qui on suspecte une mauvaise compliance
à la prise de clopidogrel, il faut éviter la pose d’un stent pharmacoactif.
- Lorsqu’une chirurgie programmée est prévue dans l’année qui suit
la mise en place d’un stent, il ne faut pas mettre en place un stent
pharmacoactif.
- Les malades doivent être informés de l’importance de bien suivre
le traitement et du risque de l’interruption prématurée sans prescription des antiplaquettaires.
- Le coût du traitement par le clopidogrel ne doit pas être une cause
d’arrêt prématuré du traitement.
- Toute intervention non urgente imposant l’arrêt du traitement antiplaquettaire doit être reportée de plusieurs mois, chez les malades
porteurs d’un stent, qu’il soit nu ou pharmacoactif.
- En cas de stent actif, l’aspirine doit être poursuivi et le clopidogrel
doit être repris le plus rapidement possible, si la nature de l’intervention chirurgicale a imposé son arrêt.
Il est nécessaire de faire une large information afin de mieux faire
connaître au professionnel de santé ayant à prendre en charge des
malades porteurs d’un stent coronaire, les risques associés avec l’interruption du traitement antiplaquettaire. Dans l’étude Regina, 2500
médecins ont été interrogés sur la gestion de l’interruption des antiagrégants plaquettaires oraux chez le coronarien. Les spécificités des
stents pharmacoactifs ne sont connues que par 56% des médecins
anesthésistes réanimateurs et par moins de 50% des gastroentérologues et des pneumologues. Ils ne sont connus que par 7% des dentistes. A l’inverse, ils sont connus de plus de 95% des cardiologues.
Cette étude montre également que moins de la moitié des anesthésistes, des gastroentérologues, des pneumologues et moins de 12%
des dentistes connaissent la durée minimale de l’association aspirine-clopidogrel après mise en place d’un stent.
Si l'intervention paraît indispensable, après avoir informé l’opéré
porteur d’un stent, il faut définir collégialement une stratégie et
choisir entre l'arrêt des antiplaquettaires, qui expose à un risque de
nécrose myocardique postopératoire et la poursuite des antiplaquettaires pendant l'intervention chirurgicale, quitte à recourir à la transfusion plaquettaire si le saignement chirurgical ne peut être contrôlé.
La thrombose d’un stent coronaire dans la période opératoire est
caractérisée par :
- la survenue d’une nécrose myocardique aiguë mettant en jeu le pronostic vital. La mortalité de cette complication est supérieure à 50%.
- La nécrose myocardique aiguë étant transmurale, elle est souvent
caractérisée par une élévation du segment ST et une augmentation
très importante du taux de troponine plasmatique.
4) Gestion de la reprise du traitement antiplaquettaire en post-opératoire
Chez les opérés traités au long cours par antiplaquettaires, à fortiori
lorsqu’il s’agit de malades porteurs d’un stent pharmacoactif, lorsque le traitement antiplaquettaire a été arrêté pour permettre l’intervention chirurgicale, son interruption doit être la plus courte possible.
17
Il est donc fondamental de porter une attention toute particulière à
la reprise du traitement antiplaquettaire. La prescription des antiplaquettaires dans la période post-opératoire doit obéir à deux impératifs :
- Ne pas favoriser la survenue d’une complication hémorragique
post-opératoire. Le risque dépend essentiellement de la nature et des
conditions dans lesquelles s’est déroulée l’intervention chirurgicale.
- Limiter autant que faire se peut la période pendant laquelle l’opéré
ne bénéficie plus de l’effet bénéfique incontestable du traitement
antiplaquettaire alors qu’il souffre d’une pathologie cardiovasculaire.
L’aspirine doit être reprise par une dose de charge de 250 mg suivie
d’une dose quotidienne égale à celle que prenaient les opérés avant
l’intervention.
En ce qui concerne le clopidogrel, une dose de charge paraît également nécessaire. L’analyse de l’agrégabilité plaquettaire, lors de la
reprise du clopidogrel chez des opérés de chirurgie vasculaire traités au long court par cet antiplaquettaire chez qui le traitement a été
arrêté 5 jours avant l’intervention, montre que la reprise du traitement à la posologie de 1 comprimé (75 mg) par jour, ne permet pas
un inhibition suffisante de la fonction plaquettaire dans un délai suffisamment rapide. Afin que le clopidogrel soit efficace le plus rapidement possible lorsqu’il est repris après l’intervention chirurgicale,
il doit être administré à la posologie de 150 mg par jour, pendant
trois jours ou à une dose de charge de 300 mg en une prise suivie de
la posologie habituelle prise au long court par l’opéré. Ces deux
posologies d’administration du clopidogrel repris après une intervention chirurgicale permettent d’assurer une reprise immédiate de
l’effet antiplaquettaire du clopidogrel. L’administration d’une dose
de charge de clopidogrel de 300 mg suivi d’une dose d’entretien de
75 mg pendant un an en association avec une faible dose d’aspirine,
fait partie intégrante du traitement de la maladie coronaire instable.
5) Implications pratiques pour l’anesthésiste réanimateur
• Dans tous les cas, il est fondamental que l'opéré soit informé du
risque potentiel pério-pératoire qui résulte du stent coronaire et de
la gestion péri-opératoire du traitement antiagrégant plaquettaire qui
lui est associé. Cette information doit être consignée par écrit, et
s'inscrire dans le cadre d'une démarche de type bénéfice-risque.
• Lorsqu’un opéré ayant bénéficié d’une revascularisation myocardique dans le cadre de la prise en charge de sa maladie coronarienne
est adressé à la consultation d’anesthésie, il est impératif que l’anesthésiste connaisse avec précision la nature du stent mis en place. En
effet, le risque opératoire est totalement différent selon qu’il s’agit
d’un stent nu ou d’un stent pharmaco actif. Il faut également connaître l’évolutivité de la maladie coronarienne ayant imposé la mise en
place du stent.
• L’opéré doit être informé par oral du risque hémorragique secondaire à la gestion des agents antiplaquettaires et du risque coronaire
inhérent à toute modification, même minime et partielle, du traitement antiplaquettaire. Cette information doit être consignée par
écrit sur la feuille d’évaluation pré-opératoire.
• Il faut indiquer sur la feuille d’évaluation pré-opératoire, les grandes lignes de la démarche bénéfice/risque qui guident la gestion des
antiplaquettaires.
• Il faut informer le chirurgien de la modification du traitement antiplaquettaire.
• Il est souvent nécessaire de connaître l’avis du cardiologue. En
effet, l’observation cardiologique contient de nombreux renseignements permettant d’apprécier les facteurs de risque de thrombose du
stent, si le traitement antiplaquettaire est poursuivi. Une maladie
coronaire évolutive, la mise en place de stents pharmaco actifs multiples, les stents pharmaco actifs d’une certaine longueur et les
stents pharmaco actifs placés à des bifurcations coronaires, sont
autant de facteurs de risques de thrombose coronaire au niveau du
stent à la modification du traitement anti agrégant.
• Une carte de liaison pour les patients traités par antiplaquettaires
est en cours de diffusion. Cette carte, réalisée sous l’égide de plus
de 20 sociétés savantes avec le concours de l’industrie pharmaceutique sera proposée à tous les patients ayant une prescription d’AAP
oraux au long cours dans le cadre de la prévention d’événements
cardiovasculaires liés à la maladie athérothrombotique.
• Chez les patients porteurs d’endoprothèses coronaires pharmaco
actives, quelque soit le délai de l’implantation du stent, il est préférable d’opérer le patient sous aspirine. Cette proposition repose sur
des avis d’expert, en l’absence d’étude de haut niveau de preuve. La
prudence sera toutefois de mise et une discussion collégiale est particulièrement recommandée pour les chirurgies pour lesquelles l’hémostase chirurgicale est difficile.
• Si le traitement antiplaquettaire doit être interrompu il faut prescrire une interruption de 3 jours pour l’aspirine et de 5 jours pour le
clopidogrel et programmer l’intervention dans ce délai après l’arrêt
du traitement.
• Lorsqu'il est apparu indispensable de réaliser l'intervention chirurgicale en ayant interrompu le traitement antiplaquettaire, il faut
considérer ces patients opérés comme à haut risque de développer
une nécrose myocardique aiguë post-opératoire. Dans tout les cas,
une surveillance continue du segment ST s'impose, tout comme le
dosage de TnIc de façon systématique toutes les 12 heures en postopératoire tant que le traitement antiplaquettaire n’est pas repris.
• Reprendre le traitement antiplaquettaire le plus précocement possible en post-opératoire, après avoir demandé l’avis du chirurgien ;
une dose de charge permet la reprise plus rapide de l’efficacité des
agents antiplaquettaires.
Conclusion
Il apparaît donc, en ce qui concerne les interactions entre les médicaments pris au long court par les opérés coronariens et les contraintes de la période opératoire, que seuls les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion peuvent et doivent être interrompus pendant la période
opératoire. Pour les deux médicaments les plus récemment introduits comme traitement de fond de la maladie coronarienne, les statines et l’aspirine, c’est sur le modèle des bêtabloquants qu’il faut se
fixer, et considérer les statines et l’aspirine comme des médicaments
assurant une prévention efficace des complications coronariennes
péri-opératoires et dont l’arrêt expose à une déstabilisation de la cardiopathie dont souffre l’opéré. Les effets bénéfiques potentiels des
bêtabloquants et des statines, sur les facteurs qui déstabilisent la
maladie coronarienne pendant la période post-opératoire, ont
conduit à envisager l’administration de ces deux médicaments dans
le cadre de stratégies de prévention de l’insuffisance coronaire aiguë
post-opératoire. Si l’effet bénéfique des statines n’est contrebalancé
par aucun effet délétère potentiel de ces médicaments, la diminution
de la fonction plaquettaire et le risque de rhabdomyolyse étant
négligeable pendant la période opératoire, il n’en va pas de même
des bêtabloquants lorsque ces médicaments sont poursuivis à titre
prophylactique. L’étude POISE confirme les effets bénéfiques de
l’administration de bêtabloquants sur le risque coronaire post-opératoire, mais souligne que les bêtabloquants qui limitent les réserves
de fonction myocardique mises en jeu par l’organisme pour faire
face aux contraintes métaboliques post-opératoires, exposent à des
complications post-opératoires qui compromettent le pronostic vital
de l’opéré.
Références
[1]. Lienhart A, Auroy Y, Péquignot F, Benhamou D, Warszawski J, Bovet M, Jougla E.
Preliminary results from the SFAR-INSERM inquiry on anaesthesia-related deaths in France: mortality rates have fallen ten-fold over the past two decades Bull Acad Natl Med. 2004;188:1429-41
[2]. Le Manach Y, Perel A, Coriat P Early and delayed myocardial infarction after abdominal aortic surgery. Anesthesiology 2005;102:885-91
[3]. Clagett GP, Sobel M, Jackson MR, Lip GY, Tangelder M, Verhaeghe R. Antithrombotic therapy
in peripheral arterial occlusive disease: the Seventh ACCP Conference on Antithrombotic and
Thrombolytic Therapy. Chest 2004;126(3 Suppl):609S-26S.
[4]. Samama CM, Bastien O, Forestier F, et al. Antiplatelet agents in the perioperative period: expert
recommendations of the French Society of Anesthesiology and Intensive Care (SFAR) 2001--summary statement. Can J Anaesth 2002;49(6):S26-35.
18
ANALGESIE POST-OPÉRATOIRE
PAR CATHETERS PARIETAUX
Dr AISSOU
Département d’anesthésie Réanimation
Hopital St Atoine- APHP Paris
La douleur post-opératoire, dont l’origine est principalement pariétale, partage avec la douleur inflammatoire le risque de développement d’un état d’hypersensibilité liée à la douleur avec l’apparition
d’une hyperalgésie (origine neurogène) et d’une allodynie. Les trois
principales conséquences de l’hyperalgésie post-opératoire sont la
majoration des douleurs postopératoires, la majoration de la
consommation d’opioïdes ou d’analgésiques post-opératoires et
l’incidence accrue des douleurs chroniques résiduelles.
L’infiltration cicatricielle est une technique d’analgésie locale simple qui consiste à administrer un agent analgésique directement
dans les berges d’une cicatrice chirurgicale ou à distance, afin de
bloquer la transmission des influx douloureux par les terminaisons
distales. Injectés localement, l’action des anesthésiques locaux
dépasse toutefois ce cadre. Par un effet anti-inflammatoire, ils vont
contribuer à limiter les phénomènes d’autoentretien de la douleur au
niveau même de la lésion périphérique, responsable d’une prolongation de la genèse pariétale des messages douloureux [1]. Des
arguments cliniques laissent à penser que l’infiltration locale, même
en injection unique, pourrait avoir un effet bénéfique durant une
période dépassant largement la persistance du produit au site d’administration. Ainsi chez des patients opérés de hernie inguinale, la
réalisation d’une infiltration ilio-inguinale avec une forte dose de
ropivacaïne améliore considérablement la douleur à la mobilisation
et réduit la consommation d’antalgiques jusqu’au 7ème jour postopératoire [2]. Cependant, ce qui semble important dans le blocage
nociceptif : c’est la durée de ce dernier, laissant ainsi une place
considérable à la technique d’infiltration continue [3].
La possibilité de mettre en place un cathéter dans la cicatrice, en fin
d’intervention, et qui permette ainsi l’administration continue prolongée d’un anesthésique local, a étendu le champ des indications
d’infiltrations pariétales à la chirurgie « lourde ». Sans être exhaustif, l’efficacité analgésique de la perfusion continue cicatricielle est
documentée en chirurgie thoracique, cardiaque, gynécologique,
après laparotomie, lombotomie pour néphrectomie ou après chirurgie du rachis.
En dehors du bénéfice analgésique aigu et chronique, l’infiltration
cicatricielle participe à la convalescence. Il a été montré en chirurgie cardiothoracique que les patients bénéficiant d’une injection
continue de ropivacaïne 2 mg/ml durant 48 h dans la cicatrice de
sternotomie avaient un raccourcissement significatif de la durée
d’hospitalisation. La même observation a été faite en chirurgie
abdominale où la perfusion continue pré-péritonéale de ropivacaïne
2 mg/ml durant 48 h permet une amélioration de la qualité de sommeil sur les deux premières nuits post-opératoires, un raccourcissement du délai de reprise du transit intestinal et de la durée d’hospitalisation [4].
En conclusion, compte-tenu de l’importance des phénomènes de
paroi dans la genèse et l’entretien du message douloureux, l’infiltration pariétale d’anesthésique local est une technique efficace et qui
apporte un bénéfice analgésique dans de nombreuses indications. Le
bénéfice peut être direct, par l’amélioration de la douleur post-opératoire, et peut être indirect par la réduction de la morbidité liée à la
consommation de morphiniques post-opératoires et à l’immobilisation prolongée.
Références
[1]. Kawamata M, Watanabe H, Nishkawa K, Takahashi T, Kozuka Y, Kawamata T et al. Different
mechanisms of development and maintenance of experimental incision-induced hyperalgesia in
human skin. Anesthesiology 2002;97:550-9.
[2]. Aasbo V, Thuen A, Raeder J. Improved long-lasting postoperative analgesia, recovery function
and patient satisfaction after inguinal hernia repair with inguinal field block compared with general anesthesia. Acta Anaesth Scand 2002;46:674-8.
[3]. Sharon M. Gordon et al. Attenuation of Pain in a Randomized Trial by Suppression of Peripheral
Nociceptive Activity in the Immediate Postoperative Period. Anesth Analg 2002; 95: 1351-7
[4]. Beaussier M, El'Ayoubi H, Schiffer E, Rollin M, Parc Y, Mazoit J-X et al. Continuous preperitoneal infusion of ropivacaine provides effective analgesia and accelerates recovery after colorectal
surgery. A randomized, double-blind, placebo-controlled study. Anesthesiology 2007;107:461-8.
GESTION DE L’ANESTHÉSIE EN DEHORS DES BLOCS
OPÉRATOIRES :
QUELLES TECHNIQUES DE SÉDATION ?
Pr François SZTARK
Pôle d’anesthésie-réanimation, CHU de Bordeaux, Groupe Hospitalier
Pellegrin, Place Amélie Raba-Léon, 33076 Bordeaux Cedex
Email : [email protected]
Introduction
L'activité anesthésique en dehors du bloc opératoire représentait
selon les résultats de l'enquête « 3 jours d'Anesthésie en France » de
1996, 20 % de l'activité globale [1]. L'anesthésie pour endoscopie
digestive concerne par exemple plus d'un million de patients par an
en France ; les actes effectués en secteur radiologique occupent la
seconde position derrière les endoscopies digestives. L’anesthésiste
est ainsi confronté à des problèmes nouveaux à la fois d'organisation et liés à l'élaboration et la mise en pratique de techniques innovantes.
Les conditions spécifiques liées à l'environnement hors bloc opératoire compliquent la prise en charge anesthésique, mais celle-ci ne
peut déroger aux règles de sécurité habituelles : consultation préanesthésique à distance de l'acte programmé, équipement correct
des sites et de la SSPI, programmation, conformes au décret du 5
décembre 1994. Si l'anesthésie générale est préférable pour les procédures longues, requérant une immobilité parfaite, la sédation est
souvent proposée pour des actes courts, peu douloureux, réalisables
en ventilation spontanée [2].
Les techniques de sédation sont de plus en plus souvent réalisées au
bloc ou en dehors du bloc opératoire, notamment pour des procédures
réalisées de façon beaucoup moins invasive sous anesthésie locale ou
locorégionale (ALR).
1. Principes de la sédation per-opératoire
Le terme sédation peut prêter à confusion. On distingue la sédation
consciente où malgré la baisse du niveau de vigilance, le patient
garde l’efficacité de ses réflexes protecteurs, le contrôle des voies
aériennes, et la possibilité de répondre de façon adaptée aux stimulations verbales ou physiques. Cette pratique de la sédation per-opératoire correspond en partie au ‘monitored anesthesia care’ (MAC)
des anglosaxons [3]. Une sédation plus profonde est parfois nécessaire avec alors un risque de dépression des réflexes de protection
des voies aériennes et de dépression respiratoire. En fait, selon les
concentrations plasmatiques des agents administrés, il existe un
continuum entre sédation légère et sédation trop profonde, voire
anesthésie générale [4]. Le passage d'une sédation consciente à une
sédation profonde peut être imprévisible en raison de variabilités
pharmacologiques inter individuelles et des interactions pharmacodynamiques entre les agents utilisés (hypnotique plus morphinique
par exemple).
2. Quels moyens pour la sédation ?
La sédation intraveineuse fait appel à un nombre relativement limité
de médicaments. Parmi les agents hypnotiques, les deux agents les
plus employés restent le propofol et le midazolam [5]. Les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques du propofol en
font un agent de choix très apprécié pour sa maniabilité, la qualité
du réveil et ses propriétés antiémétiques. La sédation induite par le
propofol apparaît plus constante et de meilleure qualité (plus grande
satisfaction des patients) que celle obtenue avec le midazolam, et la
récupération des fonctions supérieures après l’administration de
propofol est toujours plus rapide. Les effets du midazolam sont plus
difficiles à contrôler et selon les patients la réinjection même d’une
dose minime peut faire évoluer un effet hypnotique mineur à une
sédation profonde ; le principe de la titration avec de faibles doses
19
(1 mg/2 min en bolus chez l'adulte jeune, la moitié chez le vieillard)
doit être respecté.
Dans certains protocoles de sédation, en particulier en pédiatrie, la
kétamine à faibles doses, seule ou en association, a également été
proposée [6, 7] ; la survenue éventuelle de manifestations psychiques ainsi que l'allongement de la période de réveil limitent son
emploi en cas d'anesthésie ambulatoire. De même, quelques études
ont évalué l’intérêt potentiel de la dexmédétomidine en sédation
anesthésique, sans que l’on puisse pour le moment la recommander
[7, 8].
Les morphiniques sont aussi souvent utilisés, seuls ou en association avec un hypnotique. Si l’effet pharmacologique principal des
morphiniques est leur action antalgique, quelques études ont montré que ces agents, même utilisés seuls, pouvaient procurer des
conditions générales de sédation satisfaisantes.
Les molécules comme l’alfentanil ou le rémifentanil, avec un court
délai d’action et une élimination rapide, sont les agents les plus intéressants dans ce contexte. Plusieurs études ont comparé rémifentanil et propofol et montrent soit des résultats comparables en termes
de niveau de satisfaction des patients, soit une supériorité du rémifentanil notamment pour gérer la douleur, l'inconfort et obtenir un
retour à la normale du niveau de sédation. En revanche, le risque de
dépression respiratoire est plus important avec le rémifentanil, l’incidence des nausées-vomissements plus élevée et l’amnésie de la
procédure moins fréquente qu’avec le propofol [9, 10].
Enfin, les agents par inhalation comme le sévoflurane permettent
également de réaliser des sédations conscientes à des concentrations
inférieures à 0,5 % avec une récupération post-opératoire des fonctions cognitives très rapide [11]. La mise à disposition de dispositifs
d’administration directe d’halogénés tel que l’AnaConDa® pourrait
faciliter leur utilisation notamment en dehors du bloc opératoire
[12].
Des moyens non-pharmacologiques doivent être aussi proposés
comme adjuvants aux agents pharmacologiques. L’installation
confortable du patient pendant la procédure en veillant à l’environnement (température, suppression des bruits, diffusion de musique…) est un facteur de qualité important de la prise en charge globale du patient. Parmi les techniques spécifiques, l’hypnose peut
manifestement améliorer le confort des opérés sous anesthésie
locale ou régionale, avec ou sans sédation médicamenteuse associée
[13] ; cette méthode séduisante nécessite une formation spécialisée
et un investissement personnel de la part de l’anesthésiste.
3. Monitorage de la sédation
La sédation réalisée au cours d’un acte médicochirurgical doit obéir
aux mêmes règles, en termes de surveillance et de sécurité, que
l’anesthésie générale. Elle doit être pratiquée sous la responsabilité
d’un médecin anesthésiste dans le cadre d’une structure et d’une
organisation répondant aux exigences de la pratique de l’anesthésie.
Les risques et les inconvénients de la sédation per-opératoire doivent
être connus. La crainte majeure reste la survenue d'une dépression
respiratoire et d'une hypoxémie. Au cours des rachianesthésies par
exemple, les arrêts cardiaques surviennent le plus souvent chez des
patients ayant bénéficié d’une sédation. Même à des concentrations
sub-hypnotiques (inférieures à 1 µg/ml), le propofol diminue significativement la réponse ventilatoire à l’hypoxie [14]. De même, il
réduit le tonus du sphincter supérieur de l’œsophage et modifie les
fonctions pharyngées avec un risque accru de fausses routes [15].
Une revue des complications de la sédation ayant donné lieu à des
plaintes a montré une incidence similaire de décès et de séquelles
neurologiques sous sédation ou sous anesthésie générale [16]. 21%
des accidents étaient liés à une dépression respiratoire par excès de
sédation survenant préférentiellement chez des patients âgés de
classe ASA 3 ou 4. Un monitorage approprié, dont la capnographie
,aurait pu prévenir la moitié de ces accidents. La surveillance respiratoire du patient en ventilation spontanée non intubé pourrait bénéficier de modèles de capnomètres à microflux pouvant être intégrés
sur un dispositif d'oxygénothérapie de type lunettes [17, 18]. Une
PETCO2 supérieure à 50 mmHg, une variation de la PETCO2 de
plus de 10 mmHg ou l’absence de courbe de capnographie sont des
critères permettant de détecter précocement une dépression respiratoire non mise en évidence par l’oxymètrie de pouls et ni corrélée
avec le niveau de sédation [19].
A côté du monitorage respiratoire, la profondeur de sédation doit
être surveillée régulièrement en per-opératoire. Le degré de sédation
peut être évalué à l'aide d'échelles : la plus connue en France est
celle de Ramsay qui comporte les 6 stades suivants : 1 : patient
anxieux, agité ; 2 : patient calme, coopérant ; 3 : réponse aux ordres
simples ; 4 : patient endormi avec réponse nette à la percussion de
la gabelle ou à un bruit intense ; 5 : patient endormi avec réponse
faible aux stimulations ; 6 : absence de réponse. Une échelle plus
adaptée à la sédation en anesthésie est l’Observer’s Assessment of
Alertness/Sedation (OAA/S) scale, côté de 5 (éveillé) à 1 (endormi)
en fonction de la réponse du patient, l’expression verbale, le faciès
et l’ouverture des yeux (Tableau I) [20]. L’apport de l’index bispectral dans ce contexte reste encore à préciser, compte tenu d’une
variabilité importante de la réponse lors d’une sédation consciente.
4. Techniques d’administration
Cet état de sédation est en fait relativement difficile à maintenir
constant tout au long d’une intervention. La fenêtre thérapeutique
des agents utilisés est plus étroite dans le cadre de la sédation que
pour l’anesthésie générale et surtout la variabilité interindividuelle
est très grande. Ainsi, lors de l’administration traditionnelle de bolus
répétés d’un agent anesthésique pour une sédation, il existe toujours
un risque potentiel de surdosage et de dépression respiratoire.
Ceci a motivé le développement de techniques permettant de mieux
contrôler l’évolution des concentrations plasmatiques des agents
comme la sédation contrôlée par le patient (SCP) ou la sédation à
objectif de concentration (SIVOC).
4.1. Sédation contrôlée par le patient
La SCP repose sur le même principe que l’analgésie contrôlée par
le patient (ACP) pour la douleur post-opératoire. Lors d’une SCP, le
patient s’auto-administre lui-même une dose d’agent hypnotique
jusqu’à l’obtention d’un niveau de sédation suffisant. Les premiers
essais datent du début des années 1990 et depuis, de nombreuses
publications ont confirmé l’intérêt et la sécurité de ce mode d’administration des agents anesthésiques [21]. La SCP a été proposée dans
des situations très variées : sédation au cours d’un acte chirurgical
sous anesthésie locale ou locorégionale, en chirurgie dentaire, en
neuroradiologie, ou lors des endoscopies digestives. Quand on compare l’administration d’un agent soit par l’anesthésiste soit en SCP,
les patients expriment le plus souvent une nette préférence pour
l’autoadministration. Le matériel utilisé est le plus souvent celui de
l’ACP qui permet au patient de s’administrer lui-même un bolus
déterminé d’un agent anesthésique avec éventuellement une période
réfractaire.
Le midazolam et le propofol ont été les deux agents les plus étudiés
en SCP [5, 21]. Les résultats, en terme de satisfaction des patients,
sont comparables avec les deux molécules. En revanche, le propofol permet d’obtenir plus rapidement le niveau de sédation désiré et
la récupération post-opératoire est également plus rapide avec le
propofol.
Comme avec la technique d’ACP, les deux paramètres à choisir
pour la SCP sont la dose du bolus administré et la durée de la
période réfractaire entre deux bolus consécutifs. Deux approches
différentes ont été proposées. La première a consisté à utiliser des
doses relativement importantes (0,2 à 0,7 mg/kg) avec une période
réfractaire suffisante (3 à 10 min) pour éviter une accumulation de
propofol et une augmentation trop importante des concentrations
plasmatiques ; une telle modalité ne permet pas une adaptation
rapide des concentrations de propofol dont les variations restent
importantes. La deuxième approche, qui semble plus adaptée au
20
propofol, consiste à injecter de faibles doses (3 à 5 mg) en supprimant toute période réfractaire (zero lockout patient-controlled sedation). Les concentrations plasmatiques de propofol sont alors beaucoup plus stables et peuvent être modifiées de façon plus rapide
(Fig. 1). Même sans période réfractaire, l’augmentation des concentrations reste limitée par la vitesse maximale de perfusion du dispositif, fonction entre autre du type de seringue utilisée. Une étude, sur
100 patients, a confirmé l’efficacité et la sécurité d’un tel protocole,
même si le niveau de sédation a cependant été jugé trop profond
chez 11 patients [22]. Cette étude a confirmé la grande variabilité
interindividuelle des doses nécessaires pour obtenir une sédation
efficace (rapport de 1 à 4) et la nécessité d’une surveillance médicale continue au cours de la SCP quel qu’en soit le protocole.
L’alfentanil et le rémifentanil ont été aussi utilisés en SCP dans différentes circonstances (lithotritie extracorporelle, chirurgie sous
anesthésie locale), soit comme agent unique de sédation et d’analgésie, soit en coadministration avec du propofol ou du midazolam
[5]. Leur administration reste associée à un risque plus élevé de
dépression respiratoire (surtout en association avec un hypnotique)
et de nausées ou vomissements.
4.2. Sédation à objectif de concentration
Au cours de la SIVOC, le dispositif utilisé détermine, en fonction
d’un modèle pharmacocinétique, la vitesse de perfusion pour atteindre et maintenir constante une concentration cible. L’avantage de la
SIVOC est de permettre la réalisation d’une véritable titration individuelle.
Plusieurs études ont déjà évalué la SIVOC avec le propofol [5]. Les
concentrations cibles de propofol pour maintenir une sédation
légère (score OAA/S = 3-4) sont comprises en général entre 0,8 et
2 µg/ml. En pratique, la concentration cible initiale de propofol est
de 1 µg/ml (moins chez le sujet âgé), elle est modifiée par paliers de
± 0,2 µg/ml toutes les 3 minutes environ suivant le niveau de sédation obtenu [23].
Le modèle de Marsh en concentration cible plasmatique ou celui de
Schnider [24] en concentration cible au site d’action sont utilisables
en SIVOC avec les dispositifs actuels. La précision de ces modèles
est moins bonne en SIVOC, à faible concentration par rapport à
l’anesthésie [25]. La performance du modèle de Marsh dans ces
conditions pourrait être supérieure, en termes de prédiction des
concentrations au site d’action, à celle du modèle de Schnider [26].
Le rémifentanil peut bénéficier aussi d’une administration à objectif de concentration à l’aide du modèle de Minto-Schnider. Par
exemple, au cours de l’intubation sous fibroscopie, la SIVOC avec
le propofol ou le rémifentanil permet de limiter le risque d’apnée et
d’adapter le niveau de sédation ou d’analgésie au geste en cours
[27].
Dans le travail de Lallo et al évaluant la SIVOC pour l’intubation
sous fibroscopie, les concentrations initiales de propofol et de rémifentanil étaient respectivement de 2,5 µg/ml et 1,5 ng/ml, les
concentrations finales au moment de l’intubation de la trachée
étaient de 3,9±1,4 µg/ml et 2,4±0,8 ng/ml [28].
4.3. Sédation contrôlée par le patient à objectif de concentration
La technique idéale d’administration pour la sédation pourrait être
la combinaison de la SCP et de la SIVOC qui permettrait de réaliser une véritable autotitration par le patient. Au cours d’une SCP à
objectif de concentration (patient-maintained sedation), le patient
augmente, lui-même, à chaque pression sur le bouton-poussoir, la
concentration cible de propofol ; le dispositif se charge ensuite de
maintenir cette concentration à un niveau constant. Un prototype a
déjà été évalué avec succès [29, 30]. L’anesthésiste choisit une
concentration cible initiale (1 µg/ml), puis le patient peut l’augmenter par paliers de 0,2 µg/ml, avec une période réfractaire de 2 min et
une concentration maximale fixée à 3 µg/ml. Une titration à la
baisse est réalisée automatiquement par l’ordinateur au bout d’un
certain temps à un même palier de concentration. Une étude a comparé en cross-over la SCP classique avec le propofol et la sédation
contrôlée par le patient à objectif de concentration, avec un avantage en termes de satisfaction des patients pour cette dernière technique [31].
5. Conclusion
La sédation en anesthésie (acte sous ALR, endoscopie, radiologie
interventionnelle, lithotritie…) est une pratique courante en dehors
du bloc opératoire. Elle doit s’inscrire dans le cadre d’une démarche
qualité visant à améliorer le confort et la sécurité du patient. La SCP
ou la SIVOC sont des techniques d’administration particulièrement
intéressantes en sédation où la marge thérapeutique est étroite et où
la variabilité interindividuelle de la réponse aux agents anesthésiques est importante. Le développement de dispositifs médicaux spécifiques permettra de promouvoir ces nouvelles techniques.
Réponse
Expression
verbale
Expression
du visage
Yeux
Score
Réponse aisée à
l’appel du nom
Normale
Normale
Yeux ouverts,
regard clair
5
(éveillé)
Réponse lente à Moyennement Moyennement Léger ptosis ou
l’appel du nom
ralentie
détendue
regard vitreux
4
Réponse à l’appel Mauvaise Très détendue Ptosis marqué
du nom à haute
articulation
avec
(plus de la moitié
voix et/ou de
ou expression
mâchoire de l’œil) et regard
façon répétée
très lente
relâchée
vitreux
3
Réponse uniQuelques
quement après
mots reconstimulation
naissables
tactile
-
-
2
Aucune réponse
-
-
1
(endormi)
-
Tableau I. Échelle de sédation OAA/S (Observer’s Assessment of Alertness/Sedation) [20].
Références
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OPTIMISATION DE LA STRATÉGIE TRANSFUSIONNELLE
EN CHIRURGIE PROTHÉTIQUE ORTHOPÉDIQUE :
L'EXPÉRIENCE DU CENTRE HOSPITALIER DE PAU
EPARGNE SANGUINE : OUI !
OPTIMISATION DES COÛTS : OUI !
RETARD À LA TRANSFUSION : NON !
Dr J.F. Lagrabette, Dr N. Guiot-Bonnefille, Dr M. Larbaigt,
Dr J.P. Guérin, Dr O. Tueux
Service d’anesthésiologie, CH François Mitterrand, 64000 Pau
La chirurgie prothétique orthopédique est une chirurgie à risque
hémorragique qui impose une stratégie transfusionnelle.
Jusqu'en 2006, la procédure de notre service était de prévoir de
manière systématique soit un programme de transfusion autologue
différée (TAD), soit une commande de culots globulaires homologues (CG) pour toute intervention de chirurgie prothétique orthopédique.
En étudiant les flux de notre dépôt de sang sur les années 2004 et
2005, nous avons fait les constatations suivantes :
- en 2005, sur 329 CG commandés, 76 ont été transfusés et 253 ont
été repris par le centre de transfusion sanguine (CTS) et facturés
- en 2004 sur 205 poches de TAD prélevées, 85 ont été transfusées
et 120 détruites par le CTS. En 2005, 102 poches ont été prélevées
parmi lesquelles 51 furent transfusés et 51 détruites, la totalité des
poches ayant été bien entendu facturée
Au vu de ces chiffres et du gaspillage engendré, nous avons décidé
d’optimiser notre stratégie transfusionnelle. Cela a été rendu possible
en faisant, au préalable, un calcul précis des pertes sanguines lors de
la chirurgie réglée des prothèses de hanche et de genou. Grâce à cette
évaluation, nous pouvons désormais adapter nos prescriptions lors de
la consultation d'anesthésie (commande de culots globulaires, utilisation d'érythropoïétine) [1].
Cette stratégie a fait l'objet d'une évaluation au bout d'un an.
Calcul des pertes sanguines :
Pour élaborer notre procédure, nous avons utilisé les recommandations de l'AFARCOT présentées lors des états généraux de l'épargne
sanguine en mars 2006 [2].
Afin d'avoir une évaluation fiable des pertes sanguines calculées
(PSC), nous avons colligé, de façon rétrospective (période du 1 janvier au 31 décembre 2005), les données nécessaires au calcul des
pertes sanguines des prothèses de genou (61 PTG) et des prothèses
de hanche (105 PTH), posées par un même chirurgien du service
d’orthopédie de notre hôpital. Du fait d'un effectif insuffisant, nous
avons exclu les reprises de prothèse de notre échantillon.
Les calculs ont été effectués au moyen de la formule de Mercuriali
et Nadler [3] en prenant comme valeur l’hématocrite initial à l'entrée du patient et l’hématocrite final avant sa sortie. Les calculs
prennent également en compte les poches de sang transfusées ainsi
que le sang épanché et retransfusé (cell-saver ou système de redon
récupérateur).
Les pertes sanguines calculées sont exprimées en ml à 100 % d’hématocrite; elles sont calculées de la manière suivante :
PSC = Volume Sanguin Total (VST) x (Ht i – Ht f) + Volume de sang
transfusé
VST en ml = Poids (kg) x 70 (hommes) ou 65 (femmes)
Ht i = hématocrite à l'entrée
Ht f = hématocrite avant la sortie
Volume de sang transfusé = (volume sang autologue x 0,3) + (nb de
CG homologue x 150)
L'estimation des pertes sanguines par recueil des données chez 50 à
100 patients d'un même centre montre que la distribution des pertes
sanguines suit une loi de Gauss [1]. Le chiffre de perte sanguine
que nous avons retenu a été celui du 85ème percentile afin de
22
réduire le risque de sous estimation des pertes, au prix d'une augmentation du risque de surestimation.
Les PSC dans notre établissement sont les suivantes :
- PTH femmes = 479 ml à 100 % Ht soit 1280 ml de sang
- PTH hommes = 677 ml à 100 % Ht soit 1890 ml de sang
- PTG femmes = 760 ml à 100 % Ht soit 1770 ml de sang
- PTG hommes = 704 ml à 100 % Ht soit 1770 ml de sangNous
avons ensuite décidé d'un seuil transfusionnel pour ce type d'intervention afin de calculer les pertes sanguines autorisées. Le chiffre
de 30 % d'hématocrite a été retenu sur les critères suivants :
- l'âge des patients : moyenne d'âge à 69 ans avec des extrêmes à 87
ans pour les PTH et moyenne à 73 ans avec des extrêmes à 82 ans
pour les PTG
- toutes les composantes de la récupération fonctionnelle précoce
(force, équilibre, catabolisme, récupération cognitive et fatigue) sont
affectées par l'anémie, notamment chez le sujet âgé [5]
- il existe une corrélation entre un niveau d'hématocrite < 30 % et
l'apparition d'un état confusionnel post opératoire en chirurgie
orthopédique [6]
- une réhabilitation opératoire de qualité sera rendue difficile par
une anémie dans cette chirurgie fonctionnelle. En effet il a été
démontré une atteinte significative de la VO2 max de 15 à 20 %
pour une baisse de 1 à 2 g/dl d'Hb par rapport au seuil personnel du
patient. De même, Lawrence a montré que les niveaux les plus élevés d'hémoglobine à la sortie sont corrélés avec une meilleure récupération fonctionnelle, se traduisant par une amélioration du périmètre de marche [7, 8].
Les pertes sanguines autorisées exprimées en ml à 100 % d’hématocrite sont calculées de la manière suivante :
Pertes sanguines autorisées = VST x (Ht i – 0,30)
Exploitation des résultats :
Au moyen de ces chiffres nous avons formulé des abaques en tenant
compte du type d’intervention, du poids et du sexe afin de pouvoir
dès la consultation d'anesthésie envisager une stratégie transfusionnelle en fonction de l'hématocrite initial du patient et non plus appliquer des commandes systématiques.
Nous avons choisi de créer quatre populations différentes : prothèses de hanche femmes, prothèses de hanche hommes, prothèses de
genou femmes et prothèses de genou hommes. Nous avons donc
construit 4 tableaux (annexe 1), un pour chaque population, en mettant en abscisse l'hématocrite du patient à la consultation d'anesthésie et en ordonnée son poids. En croisant les deux chiffres, on
obtient le volume de réserve du patient avant transfusion pour un
seuil transfusionnel avec un hématocrite à 30 %. En confrontant ce
chiffre aux pertes sanguines calculées on obtient trois zones sur le
tableau :
Zone verte : volume de réserve suffisant
Zone blanche : volume de réserve insuffisant
Zone bleue : volume de réserve limite à discuter au cas par cas
Lorsque le volume de réserve est insuffisant, nous prévoyons de
première intention une prescription d’érythropoïétine (EPO) durant
la période préopératoire dans une stratégie d’épargne sanguine. En
cas de contre-indication à l’EPO, nous commandons des culots globulaires homologues, les culots autologues de TAD étant réservés à
des indications exceptionnelles. Cette procédure est détaillée dans
l’annexe 2.
Evaluation à un an
Ce protocole a fait l’objet d’une évaluation après un an d’utilisation.
Les questions posées étaient les suivantes :
- les pertes sanguines avaient elles été correctement estimées ?
- la stratégie transfusionnelle (prescription d’EPO, commande ou
non de culots globulaires) avait elle été correctement appliquée par
les médecins de l’équipe d’anesthésie ?
Nous avons colligé de manière rétrospective les dossiers de 163
patients, correspondant aux 80 PTH et 83 PTG posées par le même
chirurgien sur une durée de sept mois durant l'année 2008.
Seuls 8 patients (4 %) ont saigné plus que prévu par nos abaques.
Ces patients étaient considérés comme ayant un volume de réserve
suffisant mais ils ont du être transfusés. Ce chiffre confirme la validité des prévisions de saignement de notre étude..
24 patients (12 %) sont sortis du service d’orthopédie avec un hématocrite inférieur à 30 % (seuil inférieur retenu dans notre protocole).
Parmi eux, 16 avaient pourtant eu une commande de culots globulaires. En étudiant ces dossiers au cas par cas, il s'agissait soit de
patients sans antécédent cardiovasculaire et d'âge inférieur à 55 ans
avec une bonne tolérance fonctionnelle de leur anémie, soit de
patients avec une bonne tolérance fonctionnelle de leur anémie associé à une réticence à la transfusion de la part de l'anesthésiste prescripteur.
Suite aux recommandations scientifiques intervenues depuis 2006, il
n’y a pas eu de commande de culots globulaires autologues par
TAD. Un patient porteur de RAI positives de type Cellano a bénéficié d'EPO plutôt que de TAD après discussion collégiale.
Nous sommes passés de 329 CG commandés pour 166 patients en
2005 à 109 poches pour 163 patients sur 7 mois en 2008. Outre le
nombre de poches de sang commandées, nous avons noté un fort
recul du nombre de patients transfusés après chirurgie prothétique
entre les deux périodes : 30,7 % en 2005 vs 6,7 % en 2008.
Pour expliquer cette épargne transfusionnelle en 2008 on note que
65 patients (35 %) classés en zone blanche (volume de réserve insuffisant) ont bénéficié d'un protocole EPO ce qui a permis d'éviter une
transfusion. Lors de l’évaluation précédente en 2005, seuls 9
patients soit 5 % avaient bénéficiés d'EPO.
L’application correcte du protocole par l’équipe d’anesthésie a également été évaluée :
- 28 patients (15 %) auraient pu bénéficier d'un protocole EPO et ne
l'ont pas eu
- 21 patients soit (11,5 %) ont eu une commande de sang non justifiée du fait de leur volume sanguin de réserve suffisant soit 50
poches de sang facturées.
En conclusion, le calcul de la masse globulaire des patient et l'évaluation des pertes sanguines pour un chirurgien donné et par type
d'intervention dès la consultation d'anesthésie a permis de diminuer
les commandes systématiques de produits sanguins labiles (PSL) de
manière très significative d'où :
- une diminution de l'immobilisation des culots globulaires dans
notre dépôt relais,
- une diminution des transports inutiles de PSL.
L'utilisation de l'EPO a elle aussi diminué le nombre de PSL transfusés, ce qui n'est pas négligeable actuellement (faible nombre de
donneurs, demandes de plus en plus importantes de PSL pour les
pathologies médicales).
L'impact financier de notre stratégie reste toutefois à évaluer.
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Annexe 1 : abaques de calcul de la réserve transfusionnelle, exemple des PTH chez la femme
23
J- 30, J- 21 et J- 15 voire J 0 ou J-21, J-14, J-7 et J 0
Annexe 2 : protocole d’utilisation de l’érythropoïétine
PROTOCOLE EPO ET PROTHESES
Il existe dans le service un protocole de prise en charge des prothèses totales de hanche et de genou en fonction du calcul des pertes sanguines au
moyen d'une étude rétrospective. Ce protocole n'est valable que pour les
prothèses du Dr D. Il permet lors de la consultation d'anesthésie de faire le
point sur les besoins transfusionnel du malade et sur la conduite à tenir.
Vous devez avoir en main la NFS demandée avant la consultation,
le poids du malade. Il faut alors utiliser le tableau plastifié correspondant à
l'intervention et au sexe du malade qui permet de calculer si le patient possède une réserve sanguine suffisante pour être opéré et garder un hématocrite supérieur ou égal à 30 %. Pour cela, il faut croiser le poids et l'hématocrite du patient sur ce tableau. On tombe alors sur une case verte, bleue ou
blanche.
Case verte : réserve sanguine suffisante, pas de commande de culots
Case blanche : réserve sanguine insuffisante, protocole Eprex® ou commande de culots globulaires, réservée aux contre indications de l'EPO
Case bleue : réserve sanguine limite, à juger en fonction des ATCD
AMM de l'Eprex ® :
Intervention chirurgicale orthopédique majeure programmée avec un risque
hémorragique important.
Patients avec un taux d'hémoglobine compris entre 10 et 13 g/dl ne pouvant
avoir accès à un programme de TAP, sans carence martiale.
Toujours associé à une prescription de fer 200 mg de fer élément, soit : 2
comprimés de Fero-grad® 500 ou 3 comprimés de Tardyféron® 80 par jour
jusqu'à l'intervention.
Contre indications :
- HTA non contrôlée
- Pathologie vasculaire sévère coronarienne, carotidienne ou périphérique
- Antécédents récents d'infarctus du myocarde ou d'accident vasculaire cérébral
- Patient ne pouvant pas recevoir une prophylaxie anti-thrombotique appropriée
- La voie sous cutanée est contre-indiquée chez les patients en insuffisance
rénale chronique et chez ceux ayant développé une érythroblastopénie à la
suite d'un traitement par érythropoïétine.
En pratique :
- Injections en sous-cutané à domicile par une IDE à J-21, J-14, J-7 (sauf si
le taux d'hémoglobine est supérieur à 15g/dl) cf. schémas d’utilisation cidessous
- Depuis le 1er juin 2005, ce traitement est disponible en officine de ville :
il est pris en charge par la sécurité sociale au taux de 65 % selon la procédure des médicaments d'exception. Il faut donc impérativement s'assurer
que le patient a une mutuelle sinon il paiera la différence : le prix du flacon
est de 402 euros, il paiera donc 140 euros par flacon.
Posologie = 600 Ul/kg mais "arrondie" à 1 flacon de 40 000 Ul (ne pas
rajouter d'ampoules à 10 000 Ul non remboursées).
- La prescription se fait sur une ordonnance d'exception en 4 exemplaires
disponible en consultation : rappel de quelques règles…
° Mettre le tampon sur les 4 feuillets
° Partie concernant le prescripteur : remplir correctement le nom
du médicament, la durée du traitement, le nombre de flacons d'EPREX à 40
000. Le patient peut acheter ses flacons en 2 fois avec la même ordonnance,
il doit le préciser au pharmacien
- Joindre l'ordonnance en précisant les dates d'injection, l'ordonnance pour
la NFS à faire à J-10 pour valider l'injection de J-7 et surtout vos coordonnées ou celles de la consultation d'anesthésie, l'ordonnance du fer.
- Donner au patient la note d'information.
- Prévoir une NFS à l'arrivée dans le service
Schémas d'utilisation de l'Eprex®? :
Il s'agit là d'un consensus d'équipe, certaines propositions n'étant pas dans la
littérature
Ht < 30 % :
Soit Hb < 10 g, normalement culots globulaires
Dans certains cas, EPO 600 UI/ kg en sous-cutanée
En moyenne 40 000 UI
24
30 % < Ht < 36 % :
Soit 10 g < Hb < 12 g, EPO 600 UI/ kg en sous-cutanée
En moyenne 40 000 UI
J- 21, J- 15 et J- 7
36 % < Ht < 39 % :
Soit 12 g < Hb < 13 g, EPO 600 UI/ kg en sous-cutanée
En moyenne 40 000 UI
J- 21 et J-15
39 % < Ht < 40 % :
Soit 13 g < Hb < 14 g et patient nécessitant une transfusion selon le volume
de réserve, EPO 600 UI/ kg en sous-cutanée
Une injection à J-21
HYPERTHERMIES POST-OPÉRATOIRES
Gérard JANVIER
Service d’Anesthésie-Réanimation 2, CHU de Bordeaux, Groupe
Hospitalier Sud, avenue de Magellan, 33604 – Pessac cedex, France
Introduction
Une fièvre > 38ºC est une manifestation commune des premiers
jours post-chirurgicaux [1, 2]. Elle est induite par l’inflammation
chirurgicale et se résout spontanément [3, 6]. Toutefois, les fièvres
post-opératoires peuvent également être le signe d'une complication
grave.
Le diagnostic d’une fièvre post-opératoire s’applique, dans un premier temps, à différencier les étiologies infectieuses des non infectieuses.
1. Physiopathologie de la fièvre post-opératoire
La fièvre est une manifestation impliquant la production de cytokines en réponse à une série de stimuli [7, 9]. Les cytokines associées
à une fièvre sont : l’interleukine (IL)-1, IL-6, le « tumor necrosis
factor alpha » (TNF) et l’Interferon-gamma (IFN-g). Elles sont produites par de multiples tissus et cellules et agressées par la chirurgie. L’IL-6 est la cytokine la plus étroitement corrélée avec la fièvre
postopératoire [10]. Elles sont libérées par le traumatisme des tissus
et ne signalent pas nécessairement une infection. L’importance du
traumatisme est corrélée avec le degré de la fièvre.
Des facteurs génétiques peuvent influencer la production de ces
cytokines en réponse au traumatisme des différents tissus. De plus,
des endotoxines bactériennes et des exotoxines peuvent stimuler la
libération des cytokines et causer une fièvre post-opératoire.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), administrés pour
réduire la douleur post-opératoire, peuvent supprimer la libération
des cytokines, réduire l'ampleur de la réaction fébrile et accélèrer la
récupération [11, 12]. Cette thérapeutique peut également masquer
ou générer certaines complications post-opératoires.
2. Diagnostic différentiel basé sur l’apparition de la
fièvre
Une fièvre post-opératoire peut apparaître dans quatre périodes :
- Immédiate : début de chirurgie ou quelques heures après l’acte chirurgical ;
- Aiguë : première semaine après l’acte chirurgical ;
- Subaiguë : une à quatre semaines après l’acte chirurgical ;
- Retardée : plus d’un mois après l’acte chirurgical.
2.1. Apparition immédiate
Trois causes sont principalement évoquées :
- Les médicaments ou produits sanguins administrés au patient en
période pré-opératoire, en salle d’intervention ou en salle de soins
post-interventionnelle (SSPI) ;
- Les traumatismes chirurgicaux (durée, CEC, neurochirurgie, traumatisme crânien) ;
- Les infections antérieures à la chirurgie (abcès, péritonite, fistule,
endocardite, nécrose cutanée…).
La fièvre provoquée par le traumatisme chirurgical se résout généralement dans les deux à trois jours. Cette résolution est plus longue
chez les patients ayant subi une intervention chirurgicale lourde.
Les fièvres induites par un traumatisme crânien peuvent être persistantes (quelques jours voire quelques semaines) [13, 14].
2.2. Apparition aiguë
Il y a plusieurs origines de fièvre dès la première semaine après une
intervention chirurgicale. Les infections nosocomiales (voies urinaires et respiratoires, site chirurgical, cathéters veineux) sont commu-
25
nes au cours de cette période. Parfois, la fièvre ou d’autres symptômes sont antérieurs à l’intervention chirurgicale et sont des manifestations d'infections communautaires acquises (infections virales des
voies respiratoires supérieures).
Les infections intravasculaires de cathéter peuvent provoquer une
fièvre post-opératoire aiguë, moins fréquemment que les pneumonies et les infections de l’appareil urinaire. Les patients recevant une
ventilation mécanique pendant une intervention chirurgicale sont à
risque pour les pneumonies sous ventilation assistée (PVA). Le risque de PVA augmente avec la durée de ventilation mécanique [15].
La fièvre aiguë peut également être provoquée par des conditions
non infectieuses. La pancréatite, l’infarctus du myocarde, l’embolie
pulmonaire, la thrombophlébite, le sevrage d'alcool et la goutte
aiguë peuvent compliquer la période post-opératoire aiguë.
2.3. Apparition subaiguë
Les infections du site chirurgical sont une cause commune de fièvre
dans la semaine qui suit la chirurgie. Les réactions fébriles médicamenteuses sont une cause fréquente des fièvres subaiguës de la fièvre : les antibiotiques bêta-lactaminiques sont généralement impliqués, mais d’autres médicaments, tels que les Inhibiteurs de la
Pompe à Protons (IPP), les anti-H2, la procaïnamide, la phénytoïne
et les héparines doivent être envisagés.
La thrombophlébite devrait être considérée comme une cause de
fièvre subaiguë chez un patient aux capacités affaiblies (cancer ou
chirurgie d’immobilisation). La thrombose veineuse profonde et
l’embolie pulmonaire peuvent entraîner une fièvre ; elles sont plus
fréquentes chez les patients qui ont des problèmes chroniques médicaux ou lors de certaines chirurgies.
Les patients qui nécessitent des soins intensifs après leur chirurgie
ont un risque plus élevé de développer une fièvre subaiguë [16].
2.4. Apparition retardée
La plupart des fièvres post-opératoires retardées sont dues à l'infection. Dans quelques situations, comme par exemple dans le syndrome post-péricardiotomie de chirurgie cardiaque, la fièvre apparaît dans ces délais.
Les infections virales dues aux produits sanguins, y compris le cytomégalovirus (CMV), les virus des hépatites et les virus d'immunodéficience humaine (VIH), peuvent survenir tardivement [17].
Des infections parasitaires (toxoplasmose, Babésiose, Plasmodium)
peuvent également être transmises par la transfusion [18].
Les infections du site chirurgical sont dues à des micro-organismes
très avides de biomatériaux (staphylocoque coagulase négatif) et
peuvent provoquer une fièvre retardée. Ces dispositifs doivent généralement être enlevés afin de traiter l’infection.
3. Les causes d’une fièvre post-opératoire
Bien que la liste des causes de la fièvre post-opératoire soit étendue,
le foyer initial de la plupart des patients peut être limité aux causes
infectieuses et non infectieuses les plus communes (tableau 1).
Les embolies graisseuses se produisent fréquemment après chirurgie orthopédique majeure (os longs et fractures pelviennes) [19, 20]
et peuvent également se développer après une liposuccion [21].
L’infarctus du myocarde et l’hémorragie sous-arachnoïdienne peuvent être responsables d’une fièvre post-opératoire [22, 23].
L’hyperthyroïdie et la chirurgie du cou peuvent parfois entraîner une
fièvre post-opératoire [24].
L’insuffisance surrénalienne aiguë ou la crise d’Addison peuvent
également se manifester après une intervention chirurgicale
(nécrose hémorragique) [25]. Le diagnostic peut être difficile, mais
il est important car un traitement avec des corticostéroïdes peut être
préconisé [26].
Les infections des voies respiratoires (pneumopathie de ventilation
et atélectasie post-opératoire) sont souvent rapportées comme interprétation d’une fièvre post-opératoire non expliquée.
Une fistule ou un abcès profond sont les causes primaires d’une fièvre postopératoire après un acte chirurgical abdominal. Mais une
thrombose splénoportale [34] ou une pancréatite (chirurgie abdominale supérieure) peuvent également se développer.
4.5. Chirurgie gynécologique et obstétrique
Les différentes étiologies retrouvées sont : l’endométrie post-partum, les infections urinaires, les abcès ou fasciite pelvienne et la
thrombophlébite.
4.6. Chirurgie urologique
Une infection des voies urinaires est la considération majeure à
prendre en compte dans l'évaluation d’un patient présentant une fièvre après une chirurgie urologique (pyurie, bactériurie).
4.7. Chirurgie orthopédique
Les diagnostics différentiels de fièvre persistante après une intervention chirurgicale orthopédique sont : les infections du site chirurgical (superficiel, profond) ou de prothèses, les hématomes et une
thrombose veineuse profonde et/ou embolie pulmonaire.
4.8. Transplantations
L’évaluation de la fièvre après une transplantation exige une observation particulière en raison des médicaments immunosuppresseurs
qui peuvent déclencher ou masquer une infection [35]. Le rejet d’organe et des infections opportunistes peuvent également être mis en
cause.
5. Approche décisionnelle
Tableau 1: Causes de la fièvre postopératoire
4. Fièvres et spécificités chirurgicales
4.1. Chirurgie cardiothoracique
La fièvre est courante dans les premiers jours après une chirurgie
cardiothoracique (composante inflammatoire sévère : 3 jours) [27,
28]. Une pneumonie (réintubation, hypotension, dysfonction neurologique et transfusion de plus de trois unités de produits sanguins)
se rencontre chez plus de 5 % des patients [29]. Le remplacement
valvulaire (endocardite), l’exérère pulmonaire (infections fongiques) et le syndrome post-péricardiotomie [30, 31] peuvent également entraîner une fièvre post-opératoire et des foyers d’accompagnement du type pneumopathie.
Une infection de la cicatrice sternale ou une médiastinite se produit
chez 1 à 5 % des patients après sternotomie médiane [32]. Les facteurs prédisposants sont : une insuffisance respiratoire, un diabète,
une obésité.
4.2. Neurochirurgie
La méningite est une cause fréquente et sérieuse de fièvre après un
acte neurochirurgical [33]. Une thrombose veineuse profonde se
produit plus souvent après un acte neurochirurgical qu'après de
nombreux autres types de chirurgie (mobilité réduite du patient
avant et après l’intervention chirurgicale, antibioprophylaxie).
4.3. Chirurgie vasculaire
Les infections de prothèse (inguinale, aortique) sont rapidement
présentes après l’acte chirurgical, mais elles peuvent survenir quelques mois, voire quelques années plus tard (10 jours à 1 an). Un
hématome rétropéritonéal, une ischémie digestive, un syndrome «
post-implantation stent », peuvent également être à l’origine d’une
fièvre post-opératoire.
4.4. Chirurgie abdominale
26
5.1. Examens complémentaires
Il ne peut y avoir d’examens complémentaires sans anamnèse circonstanciée et examen clinique approprié. L’évaluation doit être
systématique et argumentée dans le dossier du patient en précisant
le délai et le type de la fièvre, ainsi que les étiologies les plus vraisemblables.
Les examens complémentaires de première intention sont :
- Numération formule ; numération polynucléaires et lymphocytes
- Dosage de la Protéine C réactive (CRP)
- Radiographie pulmonaire
- Dosage de la Créatine PhosphoKinase +++ (CPK)
Les examens complémentaires de deuxième intention comprendront :
- Dosage de la Troponine i
- Dosage de la Procalcitonine (PCT) [36,37]
- Scanner – Echographie – Doppler (veines, cœur)
- Prélèvements micro-organismes (bactérie, virus, fongique) : sang,
bronches, émonctoires, cathéters et drains
5.2. Traitement et prise en charge
5.2.1. Diagnostic évident et prélèvements faits
- Infection site chirurgical : antibiotiques (fonction de la chirurgie)
- Cathéter : ablation du cathéter + antibiotiques (cible staphylococcique et fongique)
- Urine : ablation de la sonde + antibiotiques (cible BGN)
- Pulmonaire : en fonction des circonstances + Antibiotiques (cible
Cocci., BGN)
5.2.2. Diagnostic non évident ou suspecté
- Acétaminophène (paracétamol) : minimiser les effets des fièvres
- Patient déjà sous antibiotiques : arrêt, fenêtre thérapeutique, prélèvement
- Suspicion d’une complication aiguë infectieuse
o Traitement antibiotique probabiliste en fonction des circonstances cliniques
o Gravité du patient (instabilité hémodynamique)
Le pronostic vital dépend de la précocité et des cibles des antibiotiques (large spectre).
Conclusion
Mayo Clinic. Mayo Clin Proc 2001; 76: 161-168.
[27]. Pien F, Ho PW, Fergusson DJ. Fever and infection after cardiac operation. Ann Thorac
Surg 1982; 33: 382-384.
Une fièvre post-opératoire est une situation fréquente et dépend de
la spécificité et de la chirurgie.
Le diagnostic différentiel doit être posé le plus rapidement possible
et s’attacher à rechercher les antécédents du patient et des médications ainsi que le délai et le type de fièvre, d’où l’importance de la
médecine péri opératoire.
La stragégie d’identification classique d’une fièvre post-opératoire
peut se résumer de la façon suivante :
- Wind : affections des voies respiratoires
- Water : affections du milieu hydrique et des émonctoires
- Wound : plaies chirurgicales ou d’anesthésie réanimation
- What did we do ? Tous les traitements
o Agents anesthésiques (médicaments antérieurs pour
maladies chroniques)
o Produits sanguins
o Matériaux : cathéters, sondes, drains
Deux situations extrêmes sont à prendre en compte :
- Le sepsis grave : décision chirurgicale ?
- La fièvre chronique : médecine interne ?
[28]. Wilson AP, Treasure T, Gruneberg RN et al. Should the temperature chart influence
management in cardiac operations? Result of a prospective study in 314 patients. J Thorac
Cardiovasc Surg 1988; 96: 518-523.
[29]. Leal-Noval SR, Rincon-Ferrari MD, Garcia-Curiel A et al. Transfusion of blood components and postoperative infection in patients undergoing cardiac surgery. Chest 2001; 119:
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[31]. Webber SA, Wilson NJ, Junker AK et al. Postpericardiotomy syndrome: no evidence for
a viral etiology. Cardiol Young 2001; 11: 67-74.
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27
Ateliers
INTUBATION DIFFICILE
Didier Péan, Julie Bollot et Clément Béliard
CHU Nantes
1. Introduction
La conférence d’experts « intubation difficile » 2006 est une réactualisation du texte de 1996, tant sur le plan de la stratégie, des
matériels que de l’anesthésie. Elle concerne la pratique de l’anesthésie, de la réanimation et de la médecine d’urgence, chez l’adulte et
l’enfant. Les référentiels pour la prise en charge des voies aériennes
sont :
• Quel abord trachéal pour la ventilation mécanique des malades de
réanimation? Juin 1998 (Conférence de Consensus) ;
• Prise en charge des voies aériennes en anesthésie adulte, à l'exception de l'intubation difficile. Juin 2002 (Conférence de Consensus) ;
• Réactualisation de la Conférence d’Experts « Intubation Difficile »
2006.
Les documents sont téléchargeables sur : http://sfar.org et
http://www.srlf.org
2. Définitions, Dépistage
L’intubation est difficile si elle nécessite plus de deux laryngoscopies et/ou la mise en œuvre d’une technique alternative après optimisation des conditions d’intubation. La ventilation au masque est
difficile : 1) s’il est impossible d’obtenir une ampliation thoracique
suffisante ou un volume courant supérieur à l’espace mort (3
ml/kg), un tracé capnographique identifiable, de maintenir une
SpO2 > 92% ; 2) s’il est nécessaire d’utiliser l’oxygène rapide à plusieurs reprises, d’appeler un autre opérateur ; 3) si la pression d’insufflation est supérieure à 25 cm H2O [1].
Le dépistage de l’intubation difficile et de la ventilation au masque
facial difficile fait partie intégrante de la consultation d’anesthésie
et doit être réévalué lors de la visite pré anesthésique. Ces deux éléments doivent être systématiquement documentés lors de l’admission d’un patient en réanimation. Le dépistage est plus difficile dans
les conditions de l’urgence. La ventilation au masque facial est prévue difficile (population de patients standards) si 2 critères sur 6
sont retrouvés [1] :
• Âge >55 ans
• IMC >26 kg/m2
• Édentation
• Ronfleur
• Présence d’une barbe
• Limitation protrusion mandibulaire
La ventilation difficile au masque facial multiplie par 4 le risque
d’intubation difficile.
Les signes prédictifs d’une intubation difficile chez l’adulte sont [1] :
• Classe de Mallampati >II
• DTM <65 mm
• Ouverture de bouche <35 mm
• Antécédents d’intubation difficile
Les critères conseillés sont :
• Mobilité mandibulaire (morsure de lèvre sup)
• Mobilité rachis cervical (extension max-flexion max >90°)
Les autres critères à rechercher selon le contexte sont :
• IMC>35 kg/m2
• SAOS avec périmètre cou >45,6 cm
• Pathologie cervico-faciale
• Prééclampsie
3. La stratégie : les algorithmes et les techniques
28
Quand l’intubation difficile est prévue, il est fondamental d’évaluer
la difficulté de ventilation au masque facial, de s’assurer de la possibilité d’utiliser une des techniques alternatives d’oxygénation que
sont le masque laryngé Fastrach (LMA-Fastrach™) ou l’abord
transtrachéal direct (oxygénation transtrachéale ou cricothyroïdotomie) [2]. En fonction de ces éléments, le choix de la technique
d’anesthésie sera défini : apnée ou ventilation spontanée. La
préoxygénation est systématique, avec une FI02 = 1 pendant 3 minutes [3].
L’algorithme de l’intubation difficile prévue (figure 1) autorise le
choix entre 3 techniques après optimisation de la position de la tête
ou réalisation du BURP (Backward, Upward, Rightward Pressure) :
le mandrin long béquillé, le LMA-Fastrach™ ou la fibro-intubation
(FOI) [2].Le mandrin long béquillé doit être utilisé selon la technique de Seldinger chez un patient en apnée (la seule technique permettant une profondeur suffisante d’anesthésie pour la laryngoscopie) et il est particulièrement indiqué pour les patients présentant un
grade de Cormack 2 ou 3. Il existe des signes positifs de passage
intra-trachéal [4] :
• sensation de clics trachéaux,
• blocage du mandrin (24–40 cm),
• réflexe de toux (patient non curarisé).
Le LMA-Fastrach™ est la seule technique pouvant être utilisée
chez un patient en apnée ou en ventilation spontanée. Deux fonctions sont disponibles : ventilation et intubation à l’aveugle ou sous
contrôle de la vue avec le C-Trach™ [5]. Il est disponible en 3 tailles pour l’adulte. Chez l’enfant de moins de 30 kilos, le masque
laryngé reste la seule alternative utilisable. La ventilation est possible au premier essai dans 77.5 à 90% des cas et efficace dans 100%
des cas après plusieurs essais [6, 8]. En cas d’échec de la ventilation
au masque facial, il permet d’oxygéner le patient [9]. Dans l’étude
de Combes et al, il permet d’intuber les patients n’ayant pu l’être
avec une bougie [9]. Chez des patients prévus difficiles à intuber,
l’intubation est réussie au premier essai dans 50 (une seule étude) à
81% des cas et la réussite totale est de 84 à 100% après plusieurs
essais d’insertion [6, 9, 10, 11, 15]. La place privilégiée de la fibrointubation (FOI) est l’intubation difficile (ID) prévue au bloc opératoire et en réanimation. Cette technique est aussi utilisable pour l’ID
imprévue, à condition que sa mise en œuvre soit immédiate et que
l’oxygénation puisse être maintenue (SpO2>92%). La FOI n’a pas
sa place dans l’algorithme d’oxygénation. C’est une des seules techniques utilisables chez un patient vigile ou quand l’ouverture de
bouche est inférieure à 2 cm. L’utilisation d’un masque Fibroxy™
ou d’un autre dispositif adapté permet de maintenir l’oxygénation
ou l’anesthésie halogénée pendant sa réalisation [16]. Les éléments
clés de la réalisation d’une FOI sont résumés dans l’annexe 1.
A tout moment, le réveil du patient doit être envisagé comme option
stratégique : la multiplication des techniques, l’accumulation de
l’anesthésie, peuvent conduire à une difficulté d’oxygénation impliquant le passage vers l’algorithme d’oxygénation. Quand l’intubation difficile est imprévue, la facilité de ventilation au masque facial
détermine le passage vers l’algorithme d’intubation ou l’algorithme
d’oxygénation [2] [figure 2 et 3].
La technique de choix dans l’algorithme d’oxygénation est le LMAFastrach™, puis/ou l’oxygénation transtrachéale manuelle avec un
dispositif adapté ou la cricothyroïdotomie selon la méthode de
Seldinger [17]. La trachéotomie chirurgicale est une alternative
pouvant être envisagée d’emblée lors d’une intubation difficile prévue chez un patient présentant une obstruction respiratoire ou quand
l’oxygénation est difficile. L’abord de la membrane cricothyroïdienne suppose un repérage préalable réalisable dès la consultation
d’anesthésie : les dimensions de la membrane sont de 12 mm (8-19)
de large et de haut en moyenne, la distance à la peau de 8 mm (314), la ponction s’effectue au bord supérieur du cartilage cricoïde,
avec un angle de 45° vers le bas [18]. Pour l’oxygénation, un dispositif adapté (Manujet™ ou Enk™) doit être utilisé. La complication
majeure est le barotraumatisme, l’expiration doit être assurée
(canule oro et nasopharyngées, luxation mandibulaire…), la durée
d’insufflation limitée à une seconde et la fréquence inférieure à
12/min [3].
4. Les vidéo-laryngoscopes
Ces nouveaux dispositifs permettent la visualisation directe de la
glotte. La sonde d’intubation est guidée grâce à un mandrin rigide
ou grâce au canal du dispositif. L’insertion à l’aveugle avec un mandrin peut être source de traumatisme pharyngé. La place exacte des
ces dispositifs dans les algorithmes reste à préciser. Il en est de
même pour la technique d’anesthésie la plus adaptée. En aucun cas,
ils ne peuvent se substituer aux indications spécifiques du fibroscope et du LMA-Fastrach™.
5. Conclusion
La réactualisation en 2006 de la conférence d’experts « Intubation
Difficile » de la SFAR a mis en évidence la place des quatre dispositifs incontournables que sont : le mandrin long béquillé, le LMAFastrach™, un dispositif d’oxygénation transtrachéale manuel ou
un set de cricothyroïdotomie (méthode de Seldinger) et le fibroscope souple bronchique [2, 17]. La stratégie et la technique d’anesthésie sont les deux autres concepts fondamentaux. Le maintient de
l’oxygénation du patient doit rester une préoccupation constante et
un objectif pendant les manœuvre d’intubation.
6. Annexe 1 : FOI, technique et anesthésie
Préparation du fibroscope
£ Cahier de traçabilité du fibroscope
£ Stérilisation il y a moins de 12 heures
£ Aspiration efficace (vérifier la perméabilité du canal opérateur)
£ Lumière froide fonctionnelle, lampe de rechange
£ Vérification de l’optique + nettoyage
£ Lubrification de l’extrémité distale
Préparation du patient :
£ Information du patient sur la procédure
£ Voie veineuse et monitorage
£ Anesthésie topique ou bloc. Associations possibles dans la limite
de la posologie max : lidocaïne 4-6 mg.kg-1 au total.
❍ Contre-indication = obstruction des VAS
❍ Spray nasal de lidocaïne
❍ Méchage nasal avec lidocaïne à 5% et naphazoline
❍ Gargarisme avec 5 ml de lidocaïne à 2%
❍ Instillation pharyngée de lidocaïne à 2%
❍ Aérosol de lidocaïne à 5%
❍ Lidocaïne par voie trans trachéale à 1 ou 2%
❍ Bloc laryngé
£ Préoxygénation, masque facial FIO2=1 pendant 3 minutes sur circuit machine
Anesthésie
£ Remifentanil 1,5 à 2 ng.ml-1 AIVOC cible site effet
£ Propofol 2 µg.ml-1 AIVOC cible site effet
£ Sevoflurane 6% puis adaptation, masque Fibroxy™
£ Eviter les associations : une seule drogue
£ Association recommandée avec l’anesthésie topique ou un bloc
£ Dépister l’apparition d’une obstruction des VAS
£ Contre-indication = obstruction des VAS, ventilation au masque
prévue difficile, estomac plein
Technique
£ Sonde d’intubation souple (sonde armée flexible), diamètre
interne proche de celui du fibroscope
£ Maintien de l’oxygénation (y compris si anesthésie topique
seule) ou de l’anesthésie par inhalation pendant la fibro-intubation =
masque Fibroxy™.
£ Voie naso-trachéale
❍ Sonde montée sur le fibroscope
❍ Passage premier de la fosse nasale avec le fibroscope
❍ Passage de la glotte jusqu’à la carène
❍ Descente du tube trachéal, pointe le long du septum
nasal
❍ Rotation de 90° antihoraire pour le passage de la glotte
£ Voie orale
❍ Canule de fibroscopie
£ Vérification de la position intra-trachéale, essai de ventilation en
pression positive et fixation du tube avant l’approfondissement de
l’anesthésie
£ Après l’intubation :
❍ Rincer le canal opérateur avec 1 litre d’eau stérile
❍ Vérifier l’étanchéité de la gaine
❍ Procédure de décontamination-stérilisation immédiate
❍ Un fibroscope doit toujours être stérile et disponible
❍ Traçabilité du patient et des intervenants (opérateur et
infirmier assurant la maintenance)
Références
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Clin Anat. 2004;17:478-86.
29
Figure 1 : Algorithme de
l'intubation difficile prévue
[2]
Figure 2 : Algorithme de l'intubation difficile imprévue
[2]
Figure 3 : Algorithme d'oxygénation [2]
30
ACTUALITÉ DES INFECTIONS NÉCROSANTES DES
PARTIES MOLLES.
MICHÈLE GÉNESTAL
Réanimation polyvalente et hyperbare,
CHU Toulouse Purpan GRCB 48 IFR 31
Les infections bactériennes nécrosantes des parties molles concernent le derme, l’hypoderme, l’aponévrose superficielle et les muscles. Les infections bactériennes nécrosantes du derme, de l’hypoderme ou Dermo-Hypodermite Bacterienne Nécrosante (DHBN),
et de l’aponévrose superficielle ou Fasciite Nécrosante (FN) et
l’érysipèle ont en France fait l’objet pour leur prise en charge d’un
consensus en 2000 [1] (Table I). Les DHBN sont la conséquence de
thromboses vasculaires d’origine infectieuse au niveau de l’hypoderme qui aboutit à la nécrose de l’hypoderme puis du derme. Elles
sont associées ou non à une nécrose de l’aponévrose superficielle
ce qui aboutit à une fasciite nécrosante (FN). Dans la littérature
internationale, les DHBN-FN correspondent aux Necrotizing
Fasciitis [2]. Parmi les DHBN-FN on distingue : a. les DHBN-FN
de Type I dites synergistiques, liées à des infections polymicrobiennes aéro-anaérobies associant Streptococcus pyogenes,
Staphylococcus aureus, des bactéries aérobies Gram négatif et des
anaérobies, b. les DHBN-FN de Type II liées à une infection à un
Streptococcus pyogènes virulent (appelé également streptocoque
‚b hémolytique du groupe A) [3, 4, 5] avec fréquemment un
Streptococcal Toxic Shock Syndrome (STSS) [6, 7, 8]. Les infections sévères à Streptococcus pyogènes connaissent une augmentation de fréquence et font l’objet d’une étude européenne StrepEuro sur le plan épidémiologique, clinique et bactériologique [4, 5,
9]. Dans l’étude Strep-Euro, la mortalité globale des infections à
Streptococcus pyogènes avec STSS est de 44% et s’élève à 50%
pour un STSS avec DHBN-FN. Les STSS sont liés à la présence de
superantigènes produits par certaines souches de Streptococcus
pyogènes qui sont porteurs de certains types de protéine M en particulier de type emm1 et emm3 [5, 8]. Il s’agit de streptocoques
sensibles aux antibiotiques usuels. La prise en charge précoce chirurgicale (avec débridement-excision de tous les tissus nécrosés)
associée à la réanimation est déterminante pour le pronostic des
DHBN-FN de type I et de type II.
Les infections bactériennes des muscles (ou myosites bactériennes)
peuvent être classées en pyomyosites et en myonécroses (ou myosites nécrosantes). Les myonécroses (ou myosites nécrosantes)
s’accompagnent toujours d’un choc septique et d’une mortalité très
élevée (50 à 100%). Elles sont très douloureuses spontanément et à
la palpation et d’évolution très rapide. La tomodensitomètrie
(TDM) en urgence visualise les muscles atteints. L’IRM permet un
diagnostic précis des masses musculaires nécrosées, des fascias, du
derme et de l’hypoderme, mais l’acquisition des images est plus
longue et la technique moins disponible [10, 11]. Il n’y a pas de
collection purulente. Parmi les myonécroses on distingue : a. les
myonécroses (ou myosites nécrosantes) clostridiennes (dites
Gangrène Gazeuse) qui obligatoirement s’accompagnent d’un choc
septique gravissime mortel en quelques heures (une amputation
peut être salvatrice) et s’accompagnent de la présence de gaz, b. les
myonécroses (ou myosites nécrosantes) à Streptococcus pyogènes
avec Streptococcal Toxic Shock Syndrome (STSS) et CIVD. Des
cas cliniques pédiatriques de myosite nécrosante streptococcique
sont également rapportés [10, 12]. Les myosites nécrosantes doivent être différenciées des pyomyosites car leur survie dépend du
traitement chirurgical très précoce. Le débridement et les excisions
de tous les tissus mous nécrosés en urgence est impératif.
L’histologie, l’examen direct bactériologique et la culture des tissus excisés établissent le diagnostic final.
La prise en charge des infections nécrosantes des parties molles
impose immédiatement le trépied thérapeutique : réanimation du
choc septique, antibiothérapie probabiliste et traitement chirurgical
[1, 13, 14, 15]. La précocité de l’intervention chirurgicale est un
31
facteur déterminant du pronostic. Il n’y a pas de guérison possible
sans excision totale des tissus nécrosés : peau, aponévrose superficielle, cloisons, muscle [1]. Il n’existe pas d’abcédation, ni de collection purulente. L’incision confirme l’existence de lésions nécrotiques de l’aponévrose superficielle qui est infiltrée et de couleur
grise discrètement verdâtre. L’exploration doit être poursuivie tant
qu’un décollement à la surface de l’aponévrose est possible sans
difficulté. Le lendemain et les jours suivants, il faut de principe
contrôler chirurgicalement sous anesthésie générale la région opératoire, car il est souvent nécessaire de compléter l’exèrèse [1]. Une
amputation peut être nécessaire en présence d’une impossibilité de
maîtriser le processus infectieux et/ou en raison d’une extension de
la nécrose. Dans les DHBN-FN cervico-faciales, il faut rechercher
de principe une médiastinite et une porte d’entrée à l’infection.
Pour les infections nécrosantes abdomino-périnéales, il est souvent
nécessaire de procéder à une dérivation digestive (colostomie)
et/ou urinaire.
L’oxygénothérapie hyperbare (OHB) est recommandée par l’HAS
pour les infections nécrosantes des parties molles à germes anaérobies ou mixtes [16] en post-opératoire et après stabilisation des
défaillances vitales. Il s’agit de séances de base de 90 min à 2.5
ATA. En phase aiguë, 2 séances par jour sont souhaitables jusqu’à
un total de 10 séances [16]. Les séances d’OHB doivent s’intégrer
dans le processus de réanimation entre les actes chirurgicaux. Un
petit nombre de centres sont capables d’assurer à la fois la prise en
charge chirurgicale, la réanimation et l’oxygénothérapie hyperbare.
Le mode d’action de l’OHB dans les infections nécrosantes des
parties molles est en cours d’investigation [17]. L’OHB telle
qu’elle est recommandée (2.5 ATA pendant 90 min 2 fois par jour)
réalise un signal cellulaire hyperoxique capable de moduler l’activité du génome [17]. Dans un modèle expérimental de péritonite
chez la souris (ligature-ponction coecale), 6 séances d’OHB à partir de la 12ème heure et 2 fois par jour améliorent la survie et augmentent la production d’interleukine 10 des macrophages péritonéaux stimulés in vitro par du LPS [18]. Dans un modèle expérimental de choc avec CIVD par injection intra-péritonéale de zymosan chez le rat, l’OHB à 2 ATA pendant 60 min réalisée 4h et 11h
après l’injection de zymosan, réduit la mortalité, protège du choc,
diminue le pic de TNFa et prévient l’installation de la CIVD [19].
Les infections nécrosantes des parties molles secondaires à un écrasement de membres sont une indication privilégiée de l’OHB en
curatif et en préventif : l’OHB diminue le nombre d’actes chirurgicaux consécutifs à un écrasement de membre avec fracture ouverte
non recouverte (Di Gustilo type III B) ou avec fracture ouverte
associée à une ischémie artérielle (Di Gustilo III C) [20]. Dès que
le patient est stabilisé sur le plan cardio-respiratoire, la nutrition
artificielle doit assurer un apport calorico-azoté, en vitamines et
oligo-éléments d’abord de type agression aiguë puis de type
reconstruction tissulaire. La chirurgie reconstructrice est possible
lorsque le processus infectieux est guéri et le patient en bon état
général [1]. L’OHB favorise la cicatrisation, la prise des greffes et
des lambeaux musculo-cutanés [16].
En synthèse, la composante nécrosante d’une DermoHypodermite-Fasciite et/ou d’une Myosite doit être suspectée
devant tout choc septique associé et conduire immédiatement à un
geste chirurgical de débridement et d’excision de tous les tissus
nécrosés. L’imagerie (TDM-IRM) et les biopsies avec examen
direct bactériologique, culture et examen anatomo-pathologique ,
contribuent au diagnostic des lésions et à guider le geste chirurgical qui doit être répété et adapté à l’évolution des lésions. Après
l’intervention chirurgicale immédiate, il est recommandé de transférer le patient dans un centre de référence habitué à la prise en
charge de ce type de pathologie et de préférence capable de mettre
en œuvre un traitement par oxygénothérapie hyperbare.
Références
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randomized double-blind placebo-controlled clinical trial, J Trauma 1996; 41: 333-339.
Oxygénothérapie hyperbare : Michèle Génestal*
*Réanimation polyvalente et hyperbare, Purpan et Rangueil, Pôle Anesthésie et
Réanimation, GRC 48, IFR 31, Toulouse
(1)
DAR, CHU Montpellier
(2)
Réanimation polyvalente, DAR Pitié-Salpétriére, APH Paris
Grille de résolution d’un cas clinique.
I- Diagnostic positif d’une infection nécrosante des parties molles
1 Choc septique présent = Nécrose
2 Imagerie = TDM ou IRM
3 Débridement chirurgical avec Biopsie Examen direct
4 Cultures = hémocultures + prélèvements tissus excisés
II- Urgence chirurgicale
III- Réanimation préopératoire
1- Antibiothérapie immédiate probabiliste
2- Déchocage par remplissage rapide massif avec des objectifs hémodynamiques précoces : PVC, PAmoyenne, SvO2, débit cardiaque, hématocrite,
lactatémie
IV- Anesthésie-réanimation peropératoire
V- Prise en charge postopératoire
1- Transfert dans un centre de référence
2- Place de la Protéine C Activée recombinante humaine
3- Place de l’oxygénothérapie hyperbare
VI- Evolution
Table I- Définitions des infections des parties molles (1,2)
Atelier de Réanimation Urgences Infectieuses Chirurgicales :
Infections nécrosantes des parties molles
Modérateurs : Michèle Génestal* et Samir Jaber1
Cas cliniques : Silva Stein, Fabrice Ferré, Thomas Rival, Caroline Biendel,
Sophie Buys, Pascale Sanchez, Béatrice Riu*
1- 2008 : Dermo-Hypodermite Bactérienne -Fasciite Nécrosante DHBNFN et myonécrose pelvipérinéale secondaire à un écrasement abdominopelvien avec fractures multiples des membres inférieurs et du bassin chez
un homme de 24 ans.
2- 2009 : Myonécrose et DermoHypodermite-Fasciite Nécrosante à
Streptococcus pyogenes avec Toxic Shock Syndrome chez une femme de
38 ans.
Discussion des cas cliniques :
Antibiothérapie : Bernard Georges *
Anesthésie et Réanimation périopératoire : Samir Jaber (1), Charlotte
Arbelot (2)
32
Partenaires du 44 ème REAGSO
ARIZANT
ABBOTT
AMBU
ASTRA ZENECA
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BAXTER SAS
BIOCODEX
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