Le cadre de santé et la polyvalence infirmière
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Le cadre de santé et la polyvalence infirmière
INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE SANTE Centre Hospitalier Universitaire de Besançon FORMATION CADRE DE SANTE Le cadre de santé et la polyvalence infirmière : Entre accompagnement et développement des compétences Mémoire présenté en vue de l’obtention de Diplôme de Cadre de Santé Option Infirmière Laurence MIEUZET Promotion 2014-2015 Sous la direction de Madame Jeanne-Antide ROUGE Cadre Supérieur Infirmière Anesthésiste Coordinatrice pédagogique à l’Institut de Formation des Professions de Santé de Besançon, unité de formation Infirmier Anesthésiste 1 2 INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE SANTE Centre Hospitalier Universitaire de Besançon FORMATION CADRE DE SANTE Le cadre de santé et la polyvalence infirmière : Entre accompagnement et développement des compétences Mémoire présenté en vue de l’obtention de Diplôme de Cadre de Santé Option Infirmière Laurence MIEUZET Promotion 2014-2015 Sous la direction de Madame Jeanne-Antide ROUGE Cadre Supérieur Infirmière Anesthésiste Coordinatrice pédagogique à l’Institut de Formation des Professions de Santé de Besançon, unité de formation Infirmier Anesthésiste 3 REMERCIEMENTS 4 Je tiens à remercier tout particulièrement : Mon directeur de mémoire Jeanne-Antide ROUGE pour son aide, ses conseils et ses encouragements tout au long de ce travail Tous les professionnels que j’ai rencontré et qui ont participés à l’enrichissement de ce travail de recherche Ma famille pour le soutien qu’elle m’a prodigué : Vincent, Corentin et Pauline pour tout le temps que je n’ai pas pu leur consacrer, Mamie Colette fidèle au poste de correcteur Mon amie Catherine, ma force invisible Ainsi que tous ceux qui ont contribué à leur manière à l’élaboration de ce mémoire 5 SOMMAIRE 6 INTRODUCTION................................................................................................ 9 1. CHEMINEMENT PROFESSIONNEL ........................................................ 11 1.1 LE CONTEXTE ................................................................................... 12 1.2 CHEMINEMENT VERS MA PROBLEMATIQUE ET MON HYPOTHESE................................................................................................ 13 2. CADRE CONCEPTUEL ............................................................................ 15 2.1 LA POLYVALENCE ............................................................................ 16 2.1.1 Définitions ..................................................................................... 16 2.1.2 Un incontournable de la polyvalence : La mobilité ....................... 19 2.1.3 La polyvalence infirmière .............................................................. 20 2.1.3.1 Les avantages de la polyvalence : ......................................... 23 2.1.3.2 Les limites de la polyvalence : ............................................... 24 2.1.4 2.2 LA COMPETENCE ............................................................................. 28 2.2.1 4. Définitions ..................................................................................... 29 2.2.1.1 La compétence infirmière ....................................................... 31 2.2.1.2 La compétence collective ....................................................... 33 2.2.2 3. La polyvalence infirmière, un postulat dès la formation initiale ..... 26 Manager et développer les compétences ..................................... 34 METHODOLOGIE ..................................................................................... 36 3.1 METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ........................................... 37 3.2 CHOIX DE LA METHODOLOGIE D’ENQUETE ................................. 37 3.3 L’ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF ......................................................... 37 3.4 ELABORATION DES CANEVAS D’ENTRETIEN ............................... 38 3.5 CHOIX DU LIEU ET DE LA POPULATION ........................................ 39 3.6 LES ENTRETIENS ............................................................................. 40 3.6.1 Mon ressenti ................................................................................. 41 3.6.2 Les limites de l’entretien ............................................................... 41 ANALYSE .................................................................................................. 43 4.1 RESULTATS ET ANALYSE DES DONNEES .................................... 44 4.1.1 Résultats des entretiens ............................................................... 44 4.1.2 Le profil de la population interviewée : ......................................... 45 4.1.3 La polyvalence.............................................................................. 46 4.1.3.1 La représentation de la polyvalence ...................................... 46 4.1.3.2 La polyvalence, une dynamique d’établissement ................... 48 4.1.3.3 Le point de vue des infirmiers polyvalents ............................. 49 4.1.4 Les éléments facilitateurs de la polyvalence ................................ 50 4.1.4.1 La notion d’entraide ............................................................... 50 7 4.1.4.2 Le volontariat ......................................................................... 51 4.1.4.3 La polyvalence planifiée, organisée, uniformisée................... 52 4.1.4.4 La formation ........................................................................... 55 4.1.5 Le management du cadre de santé : accompagnement et communication .......................................................................................... 57 4.1.6 4.1.6.1 Entre polyvalence et expertise ............................................... 60 4.1.6.2 Le développement des compétences .................................... 62 4.1.7 La polyvalence au service de la qualité des soins ........................ 64 4.1.8 L’œil neuf du professionnel polyvalent ......................................... 67 4.2 LA DISCUSSION ................................................................................ 69 4.2.1 Les déterminants sociaux : facteurs d’influence ? ........................ 69 4.2.2 La polyvalence : comment est-elle perçue ? ................................ 69 4.2.3 La polyvalence : comment est-elle vécue ? .................................. 70 4.2.4 Les éléments facilitateurs : Leviers de motivation ? ..................... 71 4.2.5 Quel management pour le cadre de santé ? ................................ 73 4.2.6 De la compétence individuelle à la compétence collective ........... 74 4.2.7 Polyvalence et qualité de prise en soins....................................... 76 4.3 5. Les compétences ......................................................................... 60 SYNTHESE DE L’ANALYSE .............................................................. 77 ENSEIGNEMENTS TIRES ........................................................................ 80 CONCLUSION ................................................................................................. 82 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 84 ANNEXES ........................................................................................................ 87 Annexe 1 ............................................................................................ 88 Annexe 2 ............................................................................................ 89 Annexe 3 ............................................................................................ 90 Annexe 4 ............................................................................................ 91 8 INTRODUCTION 9 Le thème de ce mémoire fait suite à mon expérience professionnelle d’aidesoignante puis d’infirmière polyvalente. Le facteur déclenchant réside dans l’observation des attitudes adoptées par mes collègues infirmières qui n’adhèrent pas au principe de la polyvalence. J’ai retrouvé ce même ressenti chez les professionnels durant mon expérience de faisant fonction cadre de santé. Mes motivations pour traiter ce thème sont multiples : • Appréhender les différentes approches des concepts concernés par ce thème. • Prendre un temps de réflexion afin d’améliorer ma pratique professionnelle. • Me positionner en tant que cadre santé dans une éventualité de manager une équipe polyvalente. Cette recherche me semble pertinente, vu le contexte économique actuel des établissements de santé et le souhait de mutualisation du personnel. En préambule, je décris mon cheminement personnel. Dans la première partie, je fais état d’un constat, puis je recentre mon sujet et je formule une problématique, enfin j’émets une hypothèse. La deuxième partie apporte des éléments théoriques. Cette conceptualisation est nécessaire à l’analyse de la problématique. La troisième partie est réservée à la méthodologie et à l’analyse des entretiens. Je confronte les données recueillies avec les idées émergentes des différents concepts, en lien avec mon hypothèse. 10 1. CHEMINEMENT PROFESSIONNEL 11 1.1 LE CONTEXTE Les dernières réformes mises en place dans le secteur hospitalier (plan hôpital2007, loi HPST,) visent à rendre les structures hospitalières plus réactives. La répartition de l’offre de soins au sein des hôpitaux n’est plus figée mais fluctuante en fonction des besoins. Dans les établissements de santé la mutualisation des ressources humaines est devenue nécessaire, afin de maintenir une qualité et une sécurité des soins. Cette mutualisation, dans une logique économique permet de réduire les coûts engendrés par l’absentéisme du personnel. Du point de vue de G. DEVRED : « La polyvalence peut constituer une réponse pour aller vers plus de flexibilité et rendre ainsi l’organisation plus réactive » [1p.106]. La flexibilité demandée aux employés entraine un changement organisationnel du travail afin de s’adapter aux différentes contraintes (absentéisme, conjoncture). Aujourd’hui le développement de professionnels polyvalents est devenu un enjeu majeur dans les centres hospitaliers. Le plan hôpital 2007 a réorganisé les services en les regroupant en pôles d’activité. Ces pôles sont consacrés par la loi HPST comme le seul niveau de structure obligatoire. Ils sont le support de l’organisation interne de l’hôpital public. La constitution des pôles est faite soit par discipline soit par regroupement de services de médecine et de chirurgie d’une même spécialité. Pour exemple, le pôle cœur-poumon permet de regrouper deux spécialités assez proches, et d’associer une discipline chirurgicale et une médicale. C’est un pôle qui donne une visibilité sur le parcours du patient. Selon les établissements ce regroupement de services peut prendre diverses appellations. En effet, on peut entendre parler de secteur ou de pôle, mais l’objectif de mutualisation du personnel reste le même. Dans les structures privées de petite envergure l’organisation en pôle d’activité n’est pas toujours applicable. Les cadres de proximités peuvent avoir comme 12 supérieur hiérarchique une directrice des soins, qui a alors une double fonction dont celle de cadre supérieur. Dans les grandes structures de type CHU, les affectations des professionnels commencent à être proposées par pôle. Cependant dans les établissements de plus petite envergure les agents sont affectés plus particulièrement à un service. Le turn-over des employés y est moindre, les agents ont souvent une ancienneté conséquente et n’ont pas une culture de mobilité. De ce fait, les professionnels en poste dans un service peuvent développer un sentiment d’appartenance à celui-ci. 1.2 CHEMINEMENT VERS MA PROBLEMATIQUE ET MON HYPOTHESE Le sujet de ma recherche est étroitement lié à mon expérience professionnelle. Je débute ma carrière professionnelle en 1988 comme aide-soignante dans un centre hospitalier d’environ 600 lits, je suis affectée dans les services selon les besoins et je n’ai pas le choix de mes affectations. Diplômée infirmière, je suis affectée sur différents postes qui nécessitent de la polyvalence. Cette expérience me permet de développer des compétences spécifiques à chaque service, une découverte de différents fonctionnements de services, un enrichissement tant personnel que professionnel. En 2013, j’obtiens un poste de faisant-fonction de cadre de santé au sein d’un service de soins de suite cardiologique et pneumologique. Dans un contexte d’absentéisme, je sollicite les agents de ces deux services qui ont l’habitude d’être mobiles chaque weekend et ce afin de maintenir la permanence des soins. Malgré ce fonctionnement instauré depuis plusieurs années, je me retrouve confrontée plusieurs fois à de l’inquiétude, du refus, de la part des agents malgré un accompagnement et un fonctionnement basé sur le volontariat et la notion d’entraide. A ce jour, il n’y a pas de projet institutionnel autour de la polyvalence et chaque cadre de santé fait ce qu’il peut dans son secteur de soins. L’équipe soignante est relativement ancienne dans l’établissement, les habitudes de travail bien ancrées, ce qui ne facilite pas le changement. 13 Ce constat m’interroge. Pourquoi la mutualisation des ressources humaines au sein d’un secteur de soins rencontre-t-elle autant de difficultés ? Quel management le cadre de santé doit-il adopter pour accompagner au mieux l’équipe dans ce nouveau mode de travail qu’engendre la polyvalence ? Pour m’aider à explorer cette problématique, j’étudie ce qu’est la polyvalence. Je m’interroge sur la perception qu’ont les professionnels et plus particulièrement les infirmières sur la polyvalence et sur le rôle que le cadre de santé a à jouer dans la mise en place de celle-ci. En tant que cadre de santé, manager des personnes polyvalentes assure une qualité et une continuité des soins aux personnes soignées. L’établissement dans lequel je travaille est de petite taille (90 lits) et la polyvalence pourrait être un atout pour le soignant qui souhaiterait élargir son champ de compétences. C‘est un projet qui pourrait impulser la motivation des agents à se former ou à se perfectionner dans les différentes spécialités de l’établissement. Cette expérience m’amène à proposer cette problématique : Dans un contexte hospitalier de restriction budgétaire des dépenses de santé, comment le cadre de santé peut-il développer la polyvalence des infirmiers sur différentes unités de soins tout en garantissant au patient des soins de qualité ? En regard de mon constat et de ma problématique, j’avance l’hypothèse suivante pour ma recherche : La polyvalence bien managée élargit le champ de compétence de l’infirmier(e) en conservant la qualité des soins. A partir de cette hypothèse je vais développer les concepts suivants : - La polyvalence, afin de comprendre ce qu’elle revêt et d’en délimiter les contours grâce aux différentes définitions d’auteurs, puis d’étudier celle qui concerne le milieu hospitalier et plus précisément les infirmières. - La compétence, en l’étudiant sous différents angles d’approches d’auteurs puis plus particulièrement en zoomant sur la compétence infirmière. 14 2. CADRE CONCEPTUEL 15 Mais de quoi parle-t-on lorsque l’on parle de polyvalence ? Je me suis appuyée sur différentes lectures pour définir ce concept qui est reconnu difficile à définir et relativement flou dans beaucoup d’ouvrages. Je choisis d’aborder la polyvalence tout d’abord de façon générale avec plusieurs approches d’auteurs. Puis je parlerai du terme de mobilité et enfin de la polyvalence infirmière. 2.1 LA POLYVALENCE 2.1.1 Définitions Selon le dictionnaire Robert, l'adjectif « polyvalent » est apparu en France à la fin du XIXe siècle, dans la médecine et la chimie. Le terme « valence », en chimie, se réfère aux liaisons possibles d'un atome avec d'autres atomes. Ainsi, les mots multivalence ou polyvalence renvoient à l'idée de liaisons multiples entre les éléments d'une catégorie quelconque ou entre des éléments d'une catégorie avec ceux d'une autre catégorie. Selon Patrick MICHELETTI, il existe deux modes de polyvalence qui sont la multivalence et la polycompétence. « Un multivalent est un individu susceptible de changer de poste sans pour autant changer de métier » [2, p32]. Un professionnel peut assurer un poste dans un service différent de celui où il exerce. Il garde ses fonctions, mais doit toutefois s’adapter à un nouvel environnement surtout si l’organisation du travail n’est pas la même. Cela demande au professionnel qui se voit affecté dans un autre service, de posséder des capacités d’adaptation à un nouvel environnement et des capacités de compréhension par rapport aux exigences de poste. Un employé multivalent n’a pas pour commande d’acquérir une nouvelle qualification mais plutôt de savoir transférer ses divers savoirs actuels dans un autre service. 16 C’est un mode de travail qui casse la routine des horaires et des actes, et permet de côtoyer de nouvelles personnes, de connaitre de nouveaux collègues. « Un multi compétent est un individu susceptible de changer de poste ou de mettre en œuvre une part plus ou moins importante de la qualification d’un ou plusieurs autres métiers en possédant une partie ou sa totalité » [2, p36]. Un individu peut être amené à occuper une autre fonction sur une durée déterminée dans une journée. C’est une fonction qui peut relever de son champ de compétences, mais qui est non assurée dans le poste actuel. Un professionnel de santé qui possède une qualification d’esthéticienne qui est autre que le métier qu’il exerce aujourd’hui, va lui permettre de mettre en place une activité sur le soin de confort corporel tel que " le massage ". Dans ce cas la personne possède une compétence ne relevant pas de son métier d’origine, mais elle peut l’exercer car elle peut être associée à celui-ci. C’est également le cas pour un professionnel qui reçoit une formation spécifique qui lui confère une nouvelle compétence. S’il est reconnu compétent, il sera sollicité, puis extrait de son poste initial, pour répondre à un besoin identifié. Posséder plusieurs domaines de compétences reste un atout pour le professionnel et pour le manager. Selon le guide du travail, la polyvalence est : « l’aptitude d’un salarié à occuper plusieurs emplois ou activités différentes au sein d’une même entreprise ». [3] Il propose différentes formes de polyvalence : - La polyvalence verticale : Le salarié exerce des fonctions relevant d’une qualification professionnelle supérieure à sa qualification initiale. - La polyvalence horizontale : Le salarié occupe différents postes de travail relevant du même niveau de classification. C’est la flexibilité qui est demandée aux agents. 17 - La polyvalence structurelle : Elle est liée à l’activité et à la structure de l’entreprise. Les professionnels peuvent être amenés si leur contrat le stipule par une clause de mobilité, à bouger géographiquement sur le site de l’établissement, voire sur le département ou la région. La polyvalence structurelle est conditionnée par le contexte économique actuel qui demande aux établissements de s’adapter selon la gouvernance hospitalière. La polyvalence horizontale et la polyvalence structurelle sont deux modes très proches que l’on retrouve dans le monde du travail hospitalier. Je fais le choix de développer plus particulièrement la polyvalence horizontale car c’est celle que l’on retrouve dans les services de soins, donc plus proche de ma problématique de départ. • La polyvalence horizontale Cette polyvalence est liée à l’activité d’un service voire à la diversité des activités, des postes de travail. Elle permet de rétablir un équilibre de charge de travail en fonction du niveau d’activité. Le but est d’avoir du personnel possédant une compétence spécifique et qui serait disponible pour effectuer ses missions dans le service où le besoin se fait sentir. L’objectif pour les structures reste d’assurer une production quantitative et qualitative. Dans le milieu de la santé, un professionnel qui exerce dans un service d’hospitalisation et qui est formé pour assurer également des consultations, sera sollicité pour assurer ce poste. Sa polycompétence permet cette polyvalence. On retrouve dans la polyvalence horizontale également la mobilité des professionnels. Le professionnel a une qualification initiale, ce pourquoi il a été embauché mais il peut être sollicité pour qu’il la mobilise dans un autre contexte. Sur les périodes de week-end et de congés annuels, le personnel assure ainsi la continuité du travail. Cette mobilité peut être une contrainte d’organisation imposée à tous les employés et ce dès leur prise de poste. 18 La flexibilité demandée aux agents et la diversité des postes occupés dans la polyvalence horizontale engendrent une organisation de travail où la mobilité semble nécessaire. 2.1.2 Un incontournable de la polyvalence : La mobilité Pour les générations précédentes, le métier s’exerçait durant toute la vie. Aujourd’hui, les professionnels n’ont plus cette assurance et certaines personnes verbalisent d’ailleurs le besoin de changer de profession au cours de leur vie. Pour les structures hospitalières, la mobilité est aujourd’hui une solution envisagée pour mutualiser les moyens humains. Selon la définition du dictionnaire Larousse la mobilité est une « Propriété, caractère de ce qui est susceptible de mouvement, de ce qui peut se mouvoir ou être mû, changé de place, de fonction ». [4] Dans la littérature traitant de la gestion des ressources humaines, la mobilité est envisagée selon trois dimensions qui sont : - La mobilité verticale : Il s’agit de la promotion. Le professionnel monte en grade et prend des responsabilités autres souvent accompagnées d’une augmentation dans sa rémunération. On parle de mobilité interne si celle-ci s’effectue au sein de l’entreprise ou de mobilité externe si l’employé part vers une autre structure. - La mobilité environnementale : Il s’agit de la mutation. Le professionnel quitte l’établissement mais garde le bénéfice de son grade, de son ancienneté. - La mobilité horizontale : Il s’agit d’un changement d’emploi. Le professionnel mobilise des compétences. En effet, selon Nicole RAOULT : « elle correspond à un changement de métier ou d’emploi. Ce changement demande à l’agent de faire appel à des compétences qu’il exerçait auparavant ou du moins de la même manière » [5, p.242]. 19 Il s’agit d’une activité transversale. Le professionnel qui détient une compétence spécifique, va permettre grâce à sa mobilité de faire bénéficier toute la structure de cette compétence. Dans le monde du travail, la mobilité du personnel peut être un atout. La charge de travail est souvent fluctuante et amplifiée selon les moments de la journée ou de la semaine. La mobilité des professionnels permet d’harmoniser et de répartir la charge de travail engendrée à un moment donné. Un agent qui est mobile peut aider l'équipe qu'il va suppléer au travers de ses compétences, et en parallèle développer les siennes grâce à l'équipe accueillante. G.DEVRED précise que « Le développement nécessaire de la mobilité, au travers de la polyvalence, doit être conciliable avec un impératif de « qualité » de la prestation-clientèle et un impératif de «compétence» des professionnels » [2, p106]. Il est essentiel pour le professionnel que la qualité des soins soit associée à la prise en charge des patients. Sans quoi il risque de ne pas adhérer à un mode de polyvalence nécessitant une mobilité. Ce mode de fonctionnement de travail doit apporter un bénéfice partagé. Le client a ses exigences de prestations et des droits. Le professionnel a ses projets de carrière et attend une certaine qualité de vie au travail. La mobilité recherchée dans le but de satisfaire aux besoins de la structure doit prendre en compte ces deux critères. En effet un professionnel doit être reconnu compétent pour assurer un travail de qualité. Suite à ce travail de recherche la différence entre polyvalence et mobilité me permet de penser que la mobilité semble être un moyen de développer la polyvalence. 2.1.3 La polyvalence infirmière Afin de pallier l’absentéisme du personnel et d’assurer les remplacements des congés annuels, la polyvalence semble devenir une nécessité déjà déployée depuis de nombreuses années au sein des structures de soins. 20 En effet la polyvalence est déjà un concept ancien, puisque Pierre JOANNON, médecin, la décrit pour la première fois en 1930 en déclinant « les quatre domaines d’activité de l’infirmière polyvalente : l’hôpital, la lutte contre certains fléaux sociaux, le sanitaire et le social » [6, p.92]. Le métier infirmier évolue, les connaissances et les compétences s’ajustent au progrès, et l’environnement de travail est en mouvance. Dans ce contexte, Géraldine DEVRED parle d’une polyvalence infirmière qu’elle qualifie de «circonscrite » afin de permettre : « Une bonne qualité de la prestation client, un épanouissement personnel et professionnel du personnel, une gestion efficiente des ressources humaines ». Dans le paragraphe précédent sur la mobilité, il y a pour cette auteure deux exigences recherchées, qui sont « la qualité » et « la compétence ». Dans le monde hospitalier, travailler en polyvalence signifie souvent être mobile et de ce fait Géraldine DEVRED suggère de limiter la polyvalence à deux ou trois domaines d’activités pour pouvoir trouver le « bon rapport entre compétence et qualité de prestation à fournir au patient ». [1, p.112] En effet, être infirmier polyvalent demande au professionnel d’avoir des aptitudes ou des compétences dans d’autres domaines, d’autres spécialités que celles pour lesquelles il est actuellement compétent. Il s’agit pour l’infirmier(e) d’élargir son champ d’activité à d’autres prises en soins des patients. Il peut donc avoir l’impression de perdre de son expertise s’il faut qu’il partage son temps de travail sur différentes activités. Cependant, il ne lui est pas forcement demandé d’être pointu en savoirs et connaissances mais de les élargir et les transférer dans un autre contexte de travail. C’est pour cela que G.DEVRED suggère de limiter la polyvalence à seulement deux voire trois domaines d’activités. Le professionnel risque de se trouver en difficulté voire en échec si la prise en charge de la personne soignée ne correspond pas à ses critères de qualité (ou n’est pas conforme à ses attentes (ou ses valeurs)). 21 Pour G. DEVRED, la polyvalence doit être : - Sectorielle Elle définit, délimite le champ d’intervention. Elle concerne un secteur d’activité déterminé. Elle favorise le décloisonnement et permet les échanges professionnels. Une période d’apprentissage semble nécessaire afin d’organiser cette polyvalence dans un climat de sécurité. Exemple : sur plusieurs services de médecine ou sur un domaine d’activité qui comporte deux spécialités (hématologie, rhumatologie), ou sur une même spécialité (ORL en hospitalisation, bloc, consultation), ou bien une zone géographique. - Managée Parmi mes diverses lectures sur la polyvalence en milieu hospitalier, j’ai relevé cette citation de G DEVRED : « la polyvalence est insuffisamment managée à l’hôpital, ce qui induit les multiples interprétations, les résistances, les incompréhensions…» [1, p.113]. Dans une politique d’établissement, il appartient au cadre de santé de s’interroger sur l’organisation. Il s’agit pour lui de recenser les besoins afin de piloter au mieux cette polyvalence. Les outils nécessaires à cette mise en œuvre et à son suivi doivent être prévus. Le cadre doit avec son équipe identifier les compétences, afin de définir avec chaque employé ses axes d’amélioration et de mettre en place les mesures nécessaires pour parvenir au niveau de compétence attendu pour exercer en polyvalence. - Organisée La formalisation des organisations soignantes (harmonisation des pratiques, uniformisation de l’organisation des espaces de travail et de rangements) et la planification des durées d’exercices des infirmiers dans les différents secteurs doivent être connues et appliquées. L’adhésion au changement est d’autant plus acceptée par le professionnel qu’il participe activement en prenant part à des réunions de travail en vue d’une organisation commune à l’ensemble des services de la structure. 22 Une polyvalence planifiée à l’avance permet à l’agent de se projeter dans le temps. Le stress et l’inquiétude qui peuvent être générés seront mieux gérés. Selon Patrick MICHELETTI : « la polyvalence organisée est systématiquement recherchée, soit par la structure, soit par le salarié, soit par les deux. Elle présente la caractéristique d’une non spontanéité » [2, p.44]. 2.1.3.1 Les avantages de la polyvalence : Ils sont multiples. Selon l’auteur G. DEVRED « Les avantages relatés de la polyvalence témoignent des nombreuses possibilités d’adhésion des personnels à une organisation polyvalente, à condition qu’elle soit comprise, anticipée et négociée » [7, p.40]. - Pour la structure Pour l’entreprise, la polyvalence peut être bénéfique de plusieurs manières. Tout d’abord dans un souci de partage d’expériences et de connaissances, favorisant le développement des compétences de ses salariés, ainsi que de l’activité réalisée. Un autre avantage est de développer une cohésion plus large que secteur par secteur et ainsi favoriser une véritable culture de l’entreprise. La polyvalence est pour l’institution, une possible réponse organisationnelle à promouvoir afin de concilier contraintes, objectifs économiques et exigences des patients. La polyvalence permet l’utilisation des compétences au sein de l’entreprise et évite d’avoir recours au personnel extérieur ou intérimaire qui eux auront besoin d’un temps d’adaptation pour accomplir la mission qui leur est confiée. - Pour le patient Ils sont pour le patient une assurance de continuité des soins. Le patient aura grâce à un effectif de personnel conservé, la garantie de recevoir des soins adaptés et de qualité. Le personnel travaillant en polyvalence est habilité à dispenser ces soins et se doit d’avoir des compétences requises pour un tel poste. 23 La personne soignée peut ainsi bénéficier de soins par un infirmier ayant des compétences spécifiques dans un domaine particulier. La polyvalence améliore la compétence collective. - Pour le professionnel Ils sont pour les soignants une opportunité de mettre à jour leurs connaissances, de développer des compétences, mais aussi de répartir les charges de travail. Etre polyvalent permet d’éviter une certaine routine et favorise la reconnaissance de ses compétences par ses pairs et sa hiérarchie. Cela offre à l’agent l’opportunité de connaitre d’autres professionnels, de partager des expériences et confronter des pratiques. Ces infirmiers peuvent transmettre l’envie de vivre cette expérience aux autres membres de l’équipe en relatant un vécu positif de cette situation de travail. L’objectif pour un cadre est d’assurer la continuité des soins en maintenant un effectif minimum de personnel auprès des patients. Le cadre combine ainsi la continuité, la sécurité et la qualité de la prise en soins. 2.1.3.2 - Les limites de la polyvalence : Pour la structure G. DEVRED, dans son étude sur le sujet à l’hôpital en 2001, montre que l’organisation du travail est le frein dominant à la polyvalence. Le manque d’uniformisation des protocoles, de la gestion des matériels, des commandes mais aussi celle des plannings de travail entraine une perte de repères et génère du stress chez les professionnels. - Pour le patient Cette polyvalence est censée assurer une continuité des soins mais au détriment de la relation qui ne pourra s’instaurer dans la durée s’il ya une forte rotation de personnel. Comment le patient peut-il se repérer avec une telle organisation ? En effet, trop de personnels différents avec une organisation où les rotations sont fréquentes peuvent fragiliser les repères d’un patient âgé, confus ou désorienté. 24 Certains patients ont besoin d’avoir une personne référente, ressource, qui les guide, les resitue dans le contexte des soins. Face à un patient anxieux ou à un enfant, un turn-over trop important de personnel infirmier ne facilitera pas la mise en place d’une relation de confiance. - Pour le professionnel Les soignants peuvent ressentir un mal être, avoir l’impression d’être un pion, de subir cette polyvalence surtout si celle-ci est mal anticipée. La notion d’insécurité est évoquée si les soignants ne sont pas, ou sont insuffisamment accompagnés. Si la polyvalence n’est pas bien organisée, planifiée, l’agent risque de se fatiguer et de se démotiver surtout s’il n’y a pas de continuité dans la prise en soins des personnes soignées. En effet, la priorité des transmissions faite sur les soins à effectuer est au détriment d’une information sur les habitudes de vie du patient. Une frustration peut ainsi naitre chez l’infirmière. En effet, la prise en soins du patient, réalisée de façon morcelée, peut être vécue comme insatisfaisante par le soignant. « L’incertitude et la crainte font de la polyvalence un risque à ne pas prendre. Une polyvalence subie et improvisée devient synonyme de déqualification professionnelle, de baisse de la qualité des soins, de charge physique et psychologique de travail accrue… » [7, p.40]. Une polyvalence vécue de façon contrainte, peut engendrer une baisse de motivation de l’agent. La peur de ne pas être à la hauteur des attentes de sa hiérarchie ou de ne pas savoir exécuter des actes de soins voire de ne pas s’adapter aux exigences du poste ou de l’équipe est un énorme frein pour une telle prise de risque. Le rôle du manager est de capitaliser les expériences de son personnel, afin de répartir et manager au mieux leurs compétences, pour obtenir une organisation efficace et qui se pérennise. P.MICHELETTI fait un constat similaire, il dit que : « La polyvalence peut être considérée comme un moyen de déstructuration ou de déqualification de l’individu » [2, p.80]. L’accompagnement que mettra en place le cadre conditionnera la mise en place d’une organisation de travail propice à l’équilibre et l’épanouissement professionnel des agents. 25 Il s’agit pour le cadre d’avoir une très bonne connaissance de son équipe pour être judicieux dans ses choix. La communication et la concertation sont à privilégier dans la mise en place d’un tel projet. L’agent non mis en confiance aura du mal à adhérer à ce projet si le cadre ne lui offre pas cet accompagnement, dont il a besoin pour se sentir qualifié. 2.1.4 La polyvalence infirmière, un postulat dès la formation initiale « L’émergence de la polyvalence est favorisée par le souhait d’un nouveau profil infirmier défini par le programme du diplôme infirmier, suite à l’arrêté du 23 mars 1992 » [6, p.92]. En effet, c’est dès 1992 que le programme des études infirmières a pour objectif de former des professionnels aptes à répondre aux besoins de santé et pouvant travailler dans tous les secteurs d’activités. Les qualités attendues des futures infirmières sont la polyvalence, l’autonomie et la responsabilisation. A ce jour, le nouveau référentiel de formation précise qu’il « a pour objet de professionnaliser le parcours de l’étudiant. Les professionnels formés sont compétents, capables d’intégrer plus rapidement de nouveaux savoirs et savent s’adapter à des situations variées » [8]. Les études en soins infirmiers imposent aux étudiants de travailler trois paliers d’apprentissage qui sont : - Comprendre : L’étudiant acquiert les différents savoirs, savoir-faire. - Agir : l’étudiant agit et évalue son action en mobilisant ses savoirs. - Transférer : l’étudiant est dans la capacité de transposer ses acquis dans de nouvelles situations professionnelles. Le référentiel de formation infirmière actuel place l’approche par compétences au cœur du dispositif de cette formation. Les IFSI développent ainsi les compétences des étudiants afin de les rendre polyvalents. 26 Tout au long de leur formation en alternance, les étudiants développent des capacités d’adaptation en changeant de lieux de stage. Ils s’approprient cet esprit de polyvalence au fil de leurs trois années d’études. La formation infirmière doit pouvoir assurer à l’étudiant d’être un professionnel capable d’analyse, de discernement dans sa pratique de soignant. Cependant, René MAGNON, infirmier, a écrit « Cette polyvalence ne rend pas apte immédiatement tous les étudiants à exercer avec expertise » [9, p.114]. Le diplôme d’état nous confère des connaissances théoriques et pratiques mais l’expertise viendra seulement avec l’expérience. Cet auteur démontre qu’un jeune infirmier diplômé qui est donc débutant, possèderait les armes pour développer des compétences lui permettant d’être polyvalent mais que seule l’expérience lui apporterait de l’expertise. Dans le monde de la santé, la polyvalence correspond à un ensemble de missions plutôt généralistes. Les formations initiales des professions paramédicales y compris en soins infirmiers sont essentiellement polyvalentes. Les diplômes autorisent l’exercice professionnel, dans un grand nombre de spécialités. Cette notion de polyvalence s’oppose à celle de spécialiste ou d’experte que l’on retrouve dans le Taylorisme qui est : « une méthode de travail qui préconise l’organisation scientifique du travail grâce à une analyse détaillée des modes et techniques de production dans le but d’obtenir la meilleur façon de produire, de rémunérer et donc le meilleur rendement possible » [10]. Il s’agit pour Frederick TAYLOR d’affecter un homme à une tâche de travail, c’est ce que l’on appelle « le travail à la chaine ». On ne demande pas au salarié de réfléchir, juste d’agir de façon précise, répétitive. Ce procédé fait de l’employé une personne qui maitrise parfaitement son travail. Plus tard, dans les années 1980, le toyotisme améliorera cette organisation de travail puisque Taïichi OHNO met en place la rotation des postes, l’élargissement et l’enrichissement des tâches, la notion d’autonomie des salariés dans l’organisation du travail et la notion de qualité des produits. 27 Cette organisation de travail s’apparente plus à ce que le monde du travail est à ce jour. La réflexion est admise et même demandée à l’employé pour l’intégrer dans une démarche de recherche de qualité. Les différentes approches des auteurs concernant la polyvalence mettent en évidence la notion d’aptitude à occuper plusieurs postes, la capacité d’adaptation à un nouvel environnement, à une nouvelle organisation. Ils s’accordent pour dire que la personne polyvalente possède plusieurs domaines de compétences. La polyvalence revêt trois formes mais une seule retient mon attention plus particulièrement car elle est en lien avec ma problématique. Il s’agit de la polyvalence horizontale car on la retrouve dans le milieu hospitalier, au sein d’un pôle ou d’une équipe. La polyvalence engendre une organisation de travail où la mobilité semble nécessaire. Est-ce un hasard ? La polyvalence et la mobilité vont-elles de pair ? Atout pour l’employeur en termes de redéploiement du personnel selon la charge de travail, cette polyvalence sectorielle, managée et organisée présente des avantages et des inconvénients. La notion de développement de compétences est bien présente dans la polyvalence infirmière. La polyvalence engendre nécessairement un questionnement sur la compétence du professionnel. Je vais donc maintenant approfondir ce concept. 2.2 LA COMPETENCE Mais qu’entend-on par compétence ? Elle semble être une valeur reconnue dans le monde du travail. Mais en milieu hospitalier, de quelle manière l’infirmière est-elle concernée par l’acquisition et la mobilisation de ces compétences au cours de son parcours professionnel ? 28 Je choisis d’aborder ce concept à travers différents prismes d’auteurs, puis je zoomerai sur la compétence infirmière. Pour finir, j’exposerai le rôle du cadre dans sa pratique managériale sur le développement des compétences de ses collaborateurs. 2.2.1 Définitions Selon Philippe ZARIFIAN « La compétence est une intelligence pratique des situations qui s’appuie sur des connaissances acquises et les transforme, avec autant plus de force que la diversité des situations augmente » [11, p.69]. Pour cet auteur, l’individu s’engage pleinement. Il ne reproduit rien d’automatique, il initie du renouveau en s’adaptant à la situation. Il possède des connaissances qu’il sait mobiliser et transférer voir transformer. Il apporte également une notion de partage et de coopération entre individu. Selon lui l’interdisciplinarité prend là tout son sens. Etre compétent est donc également reconnaitre compétents d’autres professionnels, savoir solliciter ces acteurs à bon escient, autour d’une même situation ou problématique de travail. C’est aussi accepter de partager des responsabilités en s’engageant dans un projet qui se veut commun. R.WITTORSKI rejoint P.ZARRIFIAN dans ses propos pour donner la définition suivante : « La compétence est produite par un individu ou un collectif dans une situation donnée. Elle correspond à la mobilisation dans l’action d’un certain nombre de savoirs combinés de façon spécifique en fonction du cadre de perception que se construit l’acteur de la situation » [12, p29]. Pour cet auteur la notion de compétence est composée de trois champs : • Biographie et parcours de socialisation : toute son histoire personnelle joue un rôle dans l’évolution des compétences de l’individu. • L’expérience professionnelle. • La formation. 29 Ces deux auteurs s’accordent à dire que les compétences s’acquièrent grâce aux connaissances apprises mais qu’elles sont reconnues lorsque la personne les possédant les mobilise à bon escient dans des contextes différents. Selon Guy LE BOTERF, « la compétence est une certaine combinaison de capacités ou d’aptitudes pour résoudre un problème donné ». Il s’agit « d’un savoir agir » qui n’est pas l’addition mais la combinaison de plusieurs savoirs en situation de travail [13, p17]. Le savoir agir : Dans une organisation Taylorienne, le professionnel exécute son travail avec des consignes précises. Il détient une compétence définie en termes de « savoir-faire en situation ». Dans une organisation faisant appel à la polyvalence, le professionnel exécute son travail en s’adaptant à l’environnement en faisant preuve d’initiatives. Cette compétence requise est définie en terme de « savoir agir en situation ». Le professionnel est donc reconnu compétent lorsqu’il sait s’adapter à diverses situations. Pour cela il doit combiner plusieurs compétences et les mobiliser avec pertinence. Le pouvoir agir : L’autonomie du professionnel et les moyens mis à sa disposition par le manager favorise la mise en œuvre de l’action. La capacité du professionnel à interroger et à mobiliser un réseau est tout aussi nécessaire. Le vouloir agir : C’est pour le professionnel l’opportunité de donner du sens à son travail. Cela demande une certaine assurance, une confiance en soi. Etre reconnu dans sa fonction est également un levier de motivation à vouloir agir. Le savoir combiné : Il s’agit là, non pas d’additionner les compétences, mais de faire en sorte qu’elles soient sélectionnées, mobilisées et organisées de façon adaptée. « La compétence est donc une combinatoire ». Pour lui, il existe deux modèles de compétences, qui se différencient mais se complètent aussi dans les organisations. 30 Le premier modèle considère le professionnel comme un exécuteur de tâches bien définies. Ce travail correspond à une conception taylorienne du travail. « La compétence fait l’objet d’un management par le contrôle » [14, p91]. Il n’y a pas de place pour l’initiative. L’agent exécute son travail avec l’objectif d’une réalisation attendue, sans réflexion associée. Le deuxième modèle de compétence pressenti dans le contexte budgétaire d’aujourd’hui considère le professionnel comme un acteur. Il agit après réflexion sur la manière la plus pertinente de réaliser son travail. La personne va mobiliser voire combiner ses connaissances et ses aptitudes afin d’adopter une posture professionnelle et des actes adaptés au mieux à la situation de travail. « Le professionnel n’est pas celui qui possède des savoirs ou des savoir-faire, mais celui qui sait les mobiliser dans un contexte professionnel » [14, p50]. Tous ces auteurs s’accordent à dire que la compétence est un ensemble de connaissances combinées qui sont à mobiliser et à savoir transférer autant de fois que les situations le demandent. La capacité d’adaptation aux différentes situations est donc un facteur indispensable pour le professionnel. 2.2.1.1 La compétence infirmière Dans les instituts de formation en soins infirmiers, l’approche pédagogique de l’apprentissage est basée sur l’acquisition de compétences en situations. En effet, la compétence est au centre du dispositif de formation initiale. Patricia BENNERT s’appuie sur le modèle de DREYFUS (mathématicien) et DREYFUS (philosophe) pour nous démontrer que l’étudiant passe par plusieurs stades successifs pour acquérir et développer une compétence. Il serait d’abord : - Novice : L’étudiant n’a aucune expérience. Les formateurs le préparent en travaillant sur des situations emblématiques, afin de lui permettre de comprendre les situations de travail qu’il va rencontrer et ainsi l’aider à développer des compétences. 31 La pratique de l’étudiant est limitée et ses actes ne sont pas forcément adaptés. Le tutorat dès l’arrivée sur son terrain de stage permet un guidage. L’infirmier novice n’a pas d’expérience face aux situations qu’il va rencontrer. - Débutant : l’étudiant a une expérience de situation réelle, il peut faire des liens entre la théorie et la pratique, mais ne sait pas encore prioriser ses actes et sa prise en charge n’est pas optimale. L’infirmier débutant doit encore apprendre à distinguer les priorités dans les diverses situations de travail rencontrées. C’est le cas de l’infirmier nouvellement diplômé. - Compétent : l’étudiant sait planifier et organiser son travail, il est en fin de stage, ou en fin de formation. Les priorités sont adaptées à la situation. L’étudiant n’a pas toute la dextérité requise mais est apte à faire face aux situations imprévues. L’infirmier compétent maitrise les situations et est capable d’y faire face même dans des cas d’urgence. Il analyse les problèmes et planifie des projets de soins. C’est après plusieurs années d’expériences que ce professionnel se sentira compétent. - Performant : L’infirmier se base sur son expérience pour avoir une attitude professionnelle d’instinct cohérente et adaptée aux situations. Il sait s’adapter et réorienter ses priorités. Il s’appuie encore dans sa pratique sur des règles et une analyse. Ce professionnel perçoit les situations de travail dans leur globalité. - Expert : L’infirmier est très expérimenté. Il a une vision intuitive des situations. « L’infirmier expert cultive la notion« de ce qui est possible » » [15]. Il possède des capacités d’adaptation et un niveau élevé de compétence. Ce professionnel est reconnu pour ses jugements cliniques pertinents et pour ces capacités à gérer efficacement des situations très complexes. 32 L’infirmier peut se décrire expert si les compétences acquises et mobilisées sont évaluées et validées par son supérieur hiérarchique et ce tout au long de son parcours professionnel. L’accompagnement des étudiants et des nouveaux infirmiers par des professionnels expérimentés, favorise une professionnalisation de qualité. La mobilité de certains professionnels les amène à partager des expériences, des savoirs et des compétences avec d’autres agents. Mais peut-on être compétent tout seul, lorsque l’on exerce une profession où l’on est amené à travailler en équipe ? 2.2.1.2 La compétence collective Parmi les définitions proposées par des auteurs en référence à la compétence collective, je choisis d’en retenir deux qui sont les suivantes : DEJOUX (1998) propose « ensemble de compétences individuelles des participants d’un groupe plus une composante indéfinissable, propre au groupe, issue de la synergie et de la dynamique de celui-ci » [16 p11]. BATAILLE (2001) considère qu’il s’agit de « la capacité reconnue à un collectif de travail de faire face à une situation qui ne pourrait être assumée par chacun de ses membres seul » [16 p.11]. Le professionnel qui agit avec compétence le fait en se servant dans ses ressources personnelles qui sont ses connaissances, son vécu, ses expériences. Il puise également dans son environnement, auprès de ses collègues et autres professionnels. L’individu ne peut pas être performant seul de façon permanente sur toutes les tâches de travail. Il convient pour lui de s’informer et de chercher les compétences chez les collègues qui les possèdent. Lors de travaux de groupe la compétence collective et la coopération sont nécessaires et indispensables, tout comme lors d’un projet de service où toute une équipe est concernée. 33 Il y a donc nécessité d’une volonté à travailler ensemble. Les personnes qui constituent le collectif partagent des règles communes, un langage professionnel commun afin de communiquer aisément. Pour résoudre des problématiques qui leur sont communes, ils recherchent et prennent des décisions dites collégiales. Il y a des liens assez forts entre polyvalence, compétence et mobilité. Selon Simone DUMAS : « La mobilité qui s’impose de plus en plus dans les hôpitaux sera source d’amélioration des soins par la richesse des qualités des uns et des autres » [17, p10]. La mobilité utilisée comme moyen pour développer une polyvalence permet un brassage de compétences de multiples professions et de complémentarité. Etre un professionnel mobile nécessite une réactualisation de ses compétences et une acquisition de nouvelles, d’en acquérir d’autres en vue de maintenir un niveau d’exercice professionnel personnel et collectif. La mobilité permet un partage d’expériences interdisciplinaires et mobilise ainsi les compétences d’un groupe. Les compétences collectives dépendent donc des compétences individuelles. Tel un entraineur sportif, le cadre de santé, s’il arrive à mobiliser les compétences de chaque membre de l’équipe, parviendra à fédérer ce groupe autour d’un projet. 2.2.2 Manager et développer les compétences • Le rôle du cadre de santé : « Le management de la compétence ou du professionnalisme est un management par le pilotage » [14, p.92]. Le cadre s’efforce d’agir dans un contexte ou un environnement propice à l’émergence de la compétence du professionnel. Piloter c’est guider mais aussi accompagner l’équipe. 34 En effet, il est au carrefour entre la direction et les équipes, et son rôle parait essentiel en matière de mobilité. Pour cela, il doit explorer certaines pistes de réflexion. - Donner du sens Il s’agit d’expliquer et d’argumenter le besoin pour l’établissement de développer la polyvalence. Ces explications vont limiter, voire éviter les objections et les résistances. Elles offrent aux agents la liberté d’être acteur sur la base du volontariat. Faire participer les infirmiers à une réflexion autour d’une nouvelle organisation En travaillant en groupe, sur la polyvalence, la mobilité, en abordant la notion de mutualisation du personnel au sein d’un pôle, le cadre de santé va amorcer une réflexion d’équipe. Ce travail contribue à lever les craintes, partager, confronter des idées. Cette implication des agents participe à leur adhésion. - Reconnaitre et valoriser les compétences du professionnel infirmier. La reconnaissance est un moyen pour le cadre de remercier ses agents pour leur participation, leur implication dans la mise en place d’un projet. Etre polyvalent requiert des compétences et un engagement. L’agent appréciera d’être valorisé par son travail. L’accompagnement que met en place le cadre de santé contribue à identifier les compétences avérées et celles nouvellement acquises : compétences qu’il mobilisera en fonction des besoins identifiés. Selon Corinne ORLUX « il faut s’interroger sur la façon dont le cadre de santé peut développer et valoriser leurs compétences individuelles mais également sur son rôle dans la transmission des compétences collectives » [18, p.56]. Cette partie conceptuelle apporte des éléments de compréhension en regard de ma problématique. Les entretiens réalisés auprès de professionnels cadres de santé et infirmiers vont éclairer ma recherche nécessaire à ce travail. La partie suivante va donc relater les résultats obtenus. 35 3. METHODOLOGIE 36 3.1 METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE Ce travail de recherche basé sur le recueil de données à partir d’entretiens réalisés sur le terrain a nécessité une rigueur méthodologique. Dans cette partie, je vais décrire toutes les étapes. 3.2 CHOIX DE LA METHODOLOGIE D’ENQUETE Pour mener ce travail de recherche, la méthodologie retenue par l’équipe pédagogique de formation cadre est celle de l’entretien semi-directif. Il a pour avantage de permettre aux personnes interviewées de s’exprimer librement sur le thème choisi. L’entretien semi-directif est un moyen intéressant pour recueillir le ressenti, les attentes des personnes. 3.3 L’ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF R. QUIVY et L.VAN CAMPENHOUDT déclarent que le chercheur doit rechercher : « un véritable échange au cours duquel l’interlocuteur du chercheur exprime ses perceptions d’un évènement ou d’une situation, ses interprétations ou ses expériences, tandis que, par ses questions ouvertes et ses réactions, le chercheur facilite cette expression, évite qu’elle s’éloigne des objectifs de la recherche et permet à son vis-à-vis d’accéder à un degré maximum d’authenticité et de profondeur » [19]. L’interviewer doit redoubler d’attention et maintenir une certaine concentration pour mener et recueillir des propos en lien avec la problématique et l’hypothèse. Il doit recentrer le fil du discours si celui-ci sort du cadre souhaité. Toutefois, il est important de laisser à la personne interviewée une liberté d’expression pour qu’elle livre son vécu d’expérience. La reformulation peut être utilisée pour conforter les propos entendus, mais en étant vigilant pour ne pas influencer le professionnel. 37 Cette méthodologie me permettra de recueillir les données nécessaires pour confirmer ou infirmer mon hypothèse de travail : La polyvalence bien managée élargit le champ de compétence de l’infirmier(e) en conservant la qualité des soins. Lors de chaque rencontre avec le professionnel interviewé, j’énonce les règles suivantes : • L’anonymat • La confidentialité • Le volontariat 3.4 ELABORATION DES CANEVAS D’ENTRETIEN L’entretien semi-directif nécessite l’élaboration d’un canevas d’entretien, qui est la trame et le scénario de l’enchainement des questions. Son utilité est de conduire les échanges par des questions ouvertes, laissant toute liberté à l’interviewé. Il permet au chercheur d’être exhaustif dans ses questions et de recentrer les échanges si nécessaire avec des questions de relance. J’élabore deux canevas d’entretien afin de vérifier l’hypothèse. Je cherche à recueillir auprès de la population infirmière leurs impressions quant à cette expérience, et auprès des cadres de santé leur mode de management de cette polyvalence. Une première question est commune aux deux catégories de personnel interviewé. Canevas destiné aux entretiens auprès d’une population infirmière [annexe 1] Le canevas est organisé ainsi : Je me renseigne dans un premier temps, sur certains déterminants sociaux afin de voir si certains peuvent être des facteurs influençant. Tout comme avec les cadres de santé, je leur demande leur définition de la polyvalence. Je souhaite découvrir comment les infirmiers perçoivent et vivent cette expérience de polyvalence. Quel rôle le cadre de santé a-t-il dans cet accompagnement de mode de travail qu’est la polyvalence ? 38 Canevas destiné aux entretiens auprès de cadre de santé [annexe 2] Le canevas est organisé ainsi : Je me renseigne sur certains déterminants sociaux afin de voir si certains peuvent être des facteurs influençant. Je pense plus particulièrement à leur parcours professionnel. Je leur demande leur définition de la polyvalence, puis quelle vision globale ontils de celle-ci dans leur établissement, leur pôle, leur service ? Je m’intéresse à leur management, et aux effets de la polyvalence, constatés par le cadre sur le niveau de compétences des infirmiers. 3.5 CHOIX DU LIEU ET DE LA POPULATION Souhaitant retrouver le même contexte auquel j’ai été confronté pendant ma période de faisant fonction de cadre de santé, j’expose à mon directeur de mémoire le souhait de réaliser mes entretiens dans un établissement de capacité d’accueil similaire au mien (90 lits) et au sein d’un CHU afin de confronter les données recueillies. Notre choix se porte sur une population de cadre de santé car ils sont les managers de professionnels polyvalents et sur la population infirmière car elle est concernée par cette polyvalence. Avant de réaliser mes entretiens, je rédige un courrier de demande d’autorisation à la direction des soins de quatre établissements de taille moyenne de la région. Je fais la même démarche auprès d’un CHU. Je leur envoie un mail avec en pièce jointe ce courrier. Dans ce mail je précise que je souhaite interviewer des professionnels étant concernés par ce mode de management. Je vais obtenir deux réponses négatives argumentées par le fait que la polyvalence n’est pas développée dans leur structure. Pour un autre établissement, je n’obtiendrai pas de réponse. Seule une structure de moyenne taille ainsi que le CHU répondront favorablement. En première intention, je devais réaliser deux entretiens auprès de cadre de santé et quatre auprès d’infirmiers soit au total six entretiens. Apres réflexion et en accord avec mon directeur de mémoire, je décide de réaliser quatre entretiens auprès de cadres de santé. 39 En effet je crains de manquer d’éléments comparatifs en interviewant seulement un cadre exerçant dans une grande structure et un autre sur une petite structure. Je choisis de répartir ainsi deux entretiens vers deux cadres sur chaque type de structure. Les entretiens se déroulent du 4 mars au 18 mars 2015. 3.6 LES ENTRETIENS Avant de commencer chaque entretien, j’explique aux différentes personnes interviewées que je suis étudiante à l’Institut de Formation des Professions de Santé de Besançon et que dans le cadre de mes études je réalise un mémoire. Je déroule mon parcours professionnel ce qui me permet de faire le lien avec le thème abordé mais de manière succincte afin de ne pas influencer la discussion. Je demande l’autorisation d’enregistrer la discussion, ce qui m’aidera à restituer fidèlement leurs propos lors de la retranscription. Ces précisions permettent d’instaurer un climat de confiance et de faciliter les échanges. J’explique le déroulement de l’entretien et je choisis de commencer par la liste des déterminants sociaux (âge, année d’obtention diplôme etc.…). Pour cela je demande à la personne interviewée de se présenter, je recueille ainsi les informations dans un contexte de discussion et non de questionnement. Les entretiens ont lieu soit dans le bureau des cadres soit dans un petit salon. Deux entretiens ont été interrompus, un cadre de santé a eu un appel téléphonique, et un autre a été entrecoupé par la venue d’une personne étrangère au service. Les autres entretiens se sont déroulés au calme sans interruption. Pour la plupart des entretiens, je fais le choix de m’installer à coté de la personne mais en respectant tout de même une certaine distance. Je ne veux pas être intrusive. Leur durée varie de trente cinq à cinquante minutes. Ils ont eu lieu sur un temps de travail, pour chaque interviewé. Pour l’un d’entre eux, le rendez-vous a été reporté pour cause d’arrêt maladie. 40 3.6.1 Mon ressenti Lors de ces temps d’échange, les débuts d’entretiens pour les infirmiers se font avec une certaine réserve alors que les cadres de santé sont plutôt à l’aise. Puis certains infirmiers, recherchent mon approbation dans les premiers échanges. Je leur précise qu’il n’y pas de bonnes ou de mauvaises réponses, que ce qui m’intéresse est de recueillir leurs propres définitions et leur ressenti. Le climat alors change et devient propice à la spontanéité des propos. L’enregistrement est vite oublié, il n’apparait pas un frein. Au fil des entretiens, mon attitude change, je maitrise mieux la reformulation et je me fais davantage confiance quant à la façon de mener les échanges. Toutefois lors de la retranscription de ceux-ci je prends conscience de l’écart qu’il y a entre ce que j’ai cru comprendre et ce qui a été réellement verbalisé. 3.6.2 Les limites de l’entretien Les formalités de demande d’autorisation pour effectuer des entretiens auprès de professionnels, que ce soit dans une petite structure ou un grand établissement ont été une première limite. En effet, ce sont les cadres supérieurs qui m’ont dirigée vers des cadres de proximité qu’ils ont eux-mêmes choisi. Pour la petite structure, le choix des infirmières à rencontrer s’est porté sur une journée ou la charge de travail est moindre que les autres jours de la semaine. Sur les deux premières infirmières rencontrées, une n’avait jamais changé de service depuis l’obtention de son diplôme et une autre ne pouvait pas me consacrer plus de dix minutes. J’ai dû demander à une cadre de me diriger vers une professionnelle ayant vécue une expérience de mobilité ou de polyvalence. Au sein du CHU la population infirmière rencontrée a été choisie par la cadre supérieure d’un pôle. Je peux m’interroger sur la neutralité du choix effectué par cette cadre supérieure qui a sûrement voulu me diriger de façon bienveillante vers des personnes ressources. 41 C’est également lors d ‘une rencontre avec ma directrice de mémoire que j’ai réalisé qu’un des entretiens réalisé ne m’apporterait pas de réponse en terme de vécu puisqu’une infirmière interviewée n’avait occupé qu’un seul poste. J’ai du reprogrammer un autre entretien auprès d’une autre infirmière. Ce dernier entretien a lieu le 13 avril 2015. 42 4. ANALYSE 43 4.1 RESULTATS ET ANALYSE DES DONNEES 4.1.1 Résultats des entretiens Dans un premier temps, j’analyse les données relatives aux déterminants sociaux. Elles vont me permettre de dresser un profil de la population. (cf. annexe 3 et 4). Dans un deuxième temps, j’effectue une lecture attentive et je cherche à dégager les idées fortes, afin de les regrouper par thème. Je dissèque chaque discours. Je trace sur un tableau les phrases clés de chaque entretien. Cela m’aide à visualiser les similitudes et les contrastes. Puis j’organise mon analyse en regard des thèmes suivants : • La polyvalence - La représentation de la polyvalence - La polyvalence, une dynamique d’établissement - Le point de vue des infirmiers polyvalents • Les éléments facilitateurs - La notion d’entraide - Le volontariat - Le rôle du cadre de santé : L’accompagnement La communication - La polyvalence planifiée, organisée, uniformisée - La formation • Les compétences - Entre polyvalence et expertise - Le développement des compétences • La polyvalence au service de la qualité des soins • Œil neuf / dysfonctionnement 44 4.1.2 Le profil de la population interviewée : • Les infirmiers : La moyenne d’âge est de trente-cinq ans, le temps de travail est de 100% sauf pour l’IDE G qui travaille à 80%, par choix car elle a quatre enfants en bas âge. Les infirmiers ont occupé de deux à sept postes différents. Trois des quatre infirmiers ont fait le choix de leur affectation. L’IDE H qui a occupé seulement deux postes est actuellement sur un pool de médecine à sa demande, et dit : « J’avais envie de voir autre chose, voir comment fonctionnaient d’autres services, besoin de rencontrer d’autres patients, d’apprendre d’autres pathologies. J’avais besoin au niveau professionnel de m’épanouir un peu plus ». L’IDE I n’a pas choisi de travailler dans ce service de médecine. Aujourd’hui il est sur ce poste depuis six ans et : « Ne veut plus le quitter ». Je m’intéresse à l’expérience de ces infirmiers qui ont entre six et douze ans de pratique et sont volontaires pour être mobiles. Leur parcours professionnel varié en est l’illustration. Cette information sera à prendre en compte dans la discussion. Ces deux éléments, leur expérience professionnelle et le volontariat peuvent influencer leur positionnement infirmier. L’envie d’intégrer ce mode de travail en polyvalence semble démontrer qu’ils possèdent des capacités d’adaptations et des compétences ou qu’ils souhaitent les développer. • Les cadres de santé : La moyenne d’âge est de cinquante-quatre ans et demi sur l’établissement 1 et de trente-sept ans et demi sur l’établissement 2. Les cadres de santé ont toutes eu des parcours professionnels en tant qu’infirmières dans différents domaines de spécialités. Toutes ont eu une expérience de faisant fonction qui a duré de un à trois ans. Sur les quatre cadres de santé interviewées, une seule a occupé deux postes de cadre et ce sur deux établissements différents. Les trois autres occupent toujours leur premier poste de cadre, depuis respectivement quatorze ans, cinq ans et deux ans et demi. 45 4.1.3 La polyvalence 4.1.3.1 La représentation de la polyvalence Lorsque j’ai posé cette question sur leur définition de la polyvalence, beaucoup d’hésitations et de silences ont accompagné les propos des personnes interviewées. Certaines phrases n’ont pas été terminées et l’IDE G a même fini par me dire « Ce n’est pas facile comme question ». La population infirmière interviewée s’accorde pour donner une définition assez commune. La notion de capacité d’adaptation ressurgit dans les quatre représentations. En effet pour l’IDE H, il s’agit de : « Capacité à pouvoir s’adapter à tous types d’organisation de services et de patients ». Pour l’IDE F : « La polyvalence permet d’apprendre, voir une autre façon de travailler, voir une autre organisation ». L’IDE F et G parlent d’exercer dans des domaines, des spécialités différentes. La mobilité est également nommée, pour l’IDE F être polyvalent : « C’est être mobile sur différents services ». La compétence et la connaissance sont citées et pour l’IDE I il s’agit même de « Déjà bien connaitre son métier » avant d’aller travailler dans d’autres services. Les cadres de santé ont une vision plus large de la polyvalence. Elles sont d’accord pour dire que la polyvalence demande des capacités d’adaptation pour aller travailler d’un service à l’autre et de passer d’une activité à une autre. La notion de changement de secteur de soins, de domaine d’activité n’est pas une notion commune. Pour les cadres de l’établissement 1, une infirmière polyvalente pratique des activités d’aide soignante, voire d’agent de service hospitalier en cas de nécessité. La mobilité n’est pas systématiquement assimilée à de la polyvalence. La CDS A dit qu’être polyvalente nécessite : « Avoir des compétences qui puissent s’adapter dans un secteur comme dans un autre » mais précise que pour elle : « Ce n’est pas de la polyvalence quand on change d’étage sans changer de domaine d’activité ». 46 Alors que la CDS D qui travaille dans l’établissement 2 dit : « Moi je trouve qu’on est polyvalent sur la même spécialité. Sur une autre spécialité, c’est déjà plus compliqué, à mon avis ». A ma question sur la différence qu’ils faisaient entre la polyvalence et la mobilité, quelques uns en ont vu une, mais un amalgame est souvent fait. Comme vu dans les concepts la mobilité dite « horizontale » demande à l’employé d’être en capacité de mobiliser ses compétences sur un autre service et la polyvalence horizontale demande au salarié de posséder une capacité à occuper différents postes de travail. La nuance est difficilement perceptible ; moi-même avant ce travail, j’avais du mal à différencier les deux termes. La CDS D hésite dans sa définition en associant dans un premier temps la polyvalence à de la mobilité : « Je ne suis pas sûre en fait que l’on fasse la différence » puis me dit : « Je pense que l’une amène l’autre ». « C’est un peu difficile de les dissocier ». Propos confortés par la CDS C : « Hum !! Je ne suis pas d’accord la mobilité ne demande pas qu’un déplacement géographique, elle demande de s’adapter à l’organisation, à la pathologie, à la spécialité etc. donc, c’est la polyvalence ». Les infirmiers s’accordent tous pour dire qu’être mobile implique de changer de services. Ils émettent une nuance pour faire la différence avec la polyvalence à l’image de la définition de L’IDE F : « C’est vrai qu’être mobile c’est d’aller d’un service sur l’autre, être polyvalente c’est avoir suffisamment de capacité pour pallier au manque de personnel, dans toutes les spécificités des services ». Les infirmiers sont dans une dynamique de mobilité mais elle doit être limitée soit sur une seule discipline, soit en remplaçant toujours sur les mêmes services. La représentation de la polyvalence qu’ont les professionnels est en accord avec les différentes définitions proposées dans le cadre conceptuel. Toutefois, je constate des hésitations et des interrogations quant à la définition qu’ils me proposent. L’étendue du champ d’action semble constituer la base. La compétence semble être un élément à prendre en compte dès que l’on parle de polyvalence. 47 4.1.3.2 La polyvalence, une dynamique d’établissement Au sein de l’établissement 1, les infirmiers nomment une polyvalence pour pallier l’absentéisme. Ils savent dès l’embauche que la polyvalence est une volonté institutionnelle. Dans cette petite structure, l’absentéisme n’est pas comblé par du personnel intérimaire. L’IDE F l’exprime ainsi : « C’est aussi une volonté de la direction que le personnel soit polyvalent ». La CDS A 1 raisonne en pôle et dit : « Que les unités sont sur 3 étages, l’objectif est de ne faire plus que deux équipes ». La mutualisation est donc bien une volonté d’établissement. Pour l’établissement 2, les infirmiers le reconnaissent. Ils définissent bien le fonctionnement du pôle, avec une notion d’effectif minimum à conserver en cas d’absentéisme. Les CDS C et D parlent d’entraide entre les cadres et les services : la CDS C précise : « Si on est en dessous de cet effectif on fait appel à nos collègues c’est à dire que l’on envoie un mail à l’ensemble de nos collègues cadres pour savoir si une a la possibilité de nous envoyer un agent de son service » et la CDS D confirme en disant : « C’est une grosse entraide, une grosse mobilité, une culture de pôle, je ne suis pas sûre que ça existe ailleurs ». La taille de la structure n’est pas un élément qui semble influer sur la motivation des infirmières à devenir polyvalentes. Toutefois pour l’IDE F, c’est ce qui a guidé son choix : « C’est bien les petites structures, d’ailleurs c’est pour cela que j’ai postulé ici ». Elle souligne que dans un petit établissement : « On se connaît tous » cela semble être un élément facilitateur pour accepter d’être mobile. Les professionnels connaissent la dynamique institutionnelle de leur établissement. Cependant il y a toujours cette notion d’appartenance à un service d’affectation. Lors des entretiens les infirmiers me nomment les services et rarement les pôles dans lesquels ils exercent, hormis l’IDE qui travaille sur le pool. Dans leurs propos on retrouve souvent l’expression « mon service ». Toutefois, si la notion d’appartenance à un groupe est bien présente dans les discours, chaque professionnel s’adapte à ce mode de travail qu’ils ont en majorité choisi. 48 4.1.3.3 Le point de vue des infirmiers polyvalents Globalement tous les infirmiers interviewés se sentent polyvalents. Cependant à travers leurs propos se ressent une certaine réserve. En effet, trois infirmières diront être bien dans leur polyvalence, mais souligneront le fait que c’est de la polyvalence à une petite échelle, dans un petit établissement ou sur deux services du pôle. Le propos de l’IDE G l’illustre bien : « Oui évidement, je me sentirais plus polyvalente si j’étais dans un pôle avec plein de soins diversifiés, je me sens bien dans ma polyvalence ici, c’est déjà bien diversifié ». Seule une infirmière ne se trouve pas assez polyvalente. IL s’agit de l’IDE H qui se sentirait vraiment polyvalente si elle avait une mobilité sur l’ensemble de l’établissement : « Je ferais partie du pool, je ne sais pas comment il s’intitule, du pool central je crois(…) où il y à la possibilité de faire de la psychiatrie, de la chirurgie etc.… ». Pourtant cette infirmière travaille déjà sur un pool, et qui dit pool sous entend travailler sur des remplacements et donc en « polyvalence ». Les arguments qu’ont choisis ces professionnels sont de deux ordres. Le premier semble une limite donnée au champ de cette polyvalence. En réponse à ma question « Vous sentez vous polyvalent » L’IDE I me précise : « Dans mon pôle oui, ponctuellement pour de petites missions » puis il s’explique : « Oui mais en médecine quoi, pour rester dans le même style de soin ». Le deuxième argument est de «se sentir compétent » pour être polyvalent. La connaissance des pathologies et de la population soignée ainsi que la notion d’efficacité est également citée par deux infirmiers. Ces professionnels disent ne pas aimer la routine, et possèdent des capacités d’adaptation. Pour une personne cela implique même de changer de métier. L’IDE F : « Dans le service de long séjour c’est principalement ma fonction aide-soignante qui ressort, dans le sens où on fait plus des soins de nursing, des soins de confort ». Cette infirmière qui travaille de nuit sur différents services de soins parle d’une fonction aide-soignante qu’elle assure certaines nuits, mais elle omet de mettre en avant sa fonction de référente des plannings de la nuit, fonction déléguée par la cadre de santé. 49 C’est une fonction qui fait d’elle une professionnelle polyvalente mais qu’elle ne semble ne pas reconnaitre comme telle. Tous ces infirmiers expriment des sentiments très différents de leur situation d’agent polyvalent. Ils ont une perception qui leur est propre. Je retrouve dans chaque proposition de définition un élément également présent dans celles que proposent les auteurs choisis pour aborder ce concept sur la polyvalence. 4.1.4 Les éléments facilitateurs de la polyvalence 4.1.4.1 La notion d’entraide La notion d’aide est assez prégnante, et ce dans les deux structures. Dans l’établissement 1, dès le début de journée les équipes des différents services se croisent dans les vestiaires et communiquent sur la charge de travail, d’ailleurs l’infirmière F me dira spontanément : « Il y a une dynamique d’entraide, quand on a terminé notre travail, si une autre équipe a besoin on y va, on va voir ». La CDS B perçoit une cohésion. Pour elle : « L’effet de groupe aide, quand ils voient les collègues qui vont aider dans le service du dessus ou du dessous, ils suivent le mouvement ». Il semblerait que cette entraide qui s’est construite au fil des années soit un élément facilitateur. Dans l’établissement 2, les manques de personnel liés aux arrêts de travail de courtes durées sont comblés par l’entraide instaurée au sein du pôle. La CDS C dit : «Alors voilà, nous c’est notre politique ». Propos validés par la CDS D : « Dans le pôle, il y a une grosse entraide entre les cadres et les services. S’il y a un arrêt, au pied levé nos agents seront, pour la plupart, tous très mobiles ». Cette cadre de santé remarque que cette dynamique d’entraide permet aux agents de constater que dans les autres services, leurs pairs rencontraient eux aussi des difficultés. 50 Je m’interroge sur cette notion d’entraide. Est-ce un élément facilitateur et fédérateur d’une équipe qui s’élargirait « au-delà d’un service » ? Cette aide ponctuelle entre pairs lèverait – elle cette appréhension qu’ont les infirmiers à devenir polyvalents ? En effet, par le biais de cette aide mutuelle, les agents réticents au changement, confrontent et partagent leurs craintes et leurs difficultés. Un constat qui peut engendrer une certaine solidarité entre les différentes équipes. 4.1.4.2 Le volontariat La notion de volontariat est validée par l’ensemble de la population infirmière et cadre de santé. C’est une notion incontournable pour assurer l’adhésion d’un professionnel à la polyvalence. En effet, les cadres disent être attentifs à ne pas mettre en difficulté les agents. La demande des directeurs d’établissements de mutualiser le personnel est bien entendue par les cadres de santé. Cependant ils ont tous des arguments en faveur de leur équipe sur leur condition de travail. La CDS B dira : « Je suis peut-être de la vieille école mais euh…nous sommes quand même des soignants, faut pas l’oublier, on travaille avec des humains » « C’est une polyvalence volontaire et ça se passe toujours mieux dans ces cas là ». La notion de temps est également importante, « Ici on ne force pas les gens, il faut leur laisser le temps ». La CDS D insistera : «Je ne les force pas. Je ne les force pas du tout ». Pour les infirmières qui sont polyvalentes, c’est un choix de travailler sur différents services, de découvrir d’autres pathologies, d’autres prises en charge. L’IDE I me confie : « J’aime bien apprendre, dans le but aussi de m’enrichir personnellement mais aussi d’enrichir mon service, ma volonté aussi c’est cela ». L’épanouissement personnel est cité par deux IDE, et sousentendu dans les propos des deux autres. 51 Les cadres sont dans la proposition et n’imposent pas aux agents cette polyvalence. Ils sont dans la concertation voire la négociation dans un premier temps. Il n’y a pas de notion de contrainte ni de rapport de force. L’été le redéploiement de personnel suite à des fermetures de lits est inévitable et pour la CDS B : « L’été chaque année le personnel du rez-de-chaussée se dispatche entre le 1er et le 2ème étage. Euh, on a demandé aux gens de choisir l’étage qu’ils préféraient ». A travers cet exemple, le volontariat pour les remplacements d’été est facilité par le fait que le cadre laisse se répartir les agents dans les services de leur choix. Etre volontaire est un élément essentiel et revendiqué par tous les professionnels rencontrés. Si la polyvalence pour ces infirmiers est imposée par l’établissement, les cadres de santé sont attentifs à leur souhait et les incitent à se prononcer quant à leur choix de service dans la mesure du possible. 4.1.4.3 La polyvalence planifiée, organisée, uniformisée Les infirmières sont favorables à la polyvalence quand elles connaissent l’organisation de travail des services qui les accueillent. • Planifiée : Tous les infirmiers sont unanimes pour dire que les plannings de travail élaborés à l’avance permettent d’anticiper une organisation tant professionnelle que personnelle. La CDS B : « Tout à fait la polyvalence est organisée, c’est neuf semaines puis trois semaines et on recommence donc l’infirmière peut se projeter, elle sait très bien où elle travaillera dans six mois et à quel étage ». L’IDE H : « C’est assez simple je sais à peu près deux à trois mois à l’avance dans quel service je vais, je contacte simplement la cadre du service où je suis affectée pour avoir le planning qui était fait deux mois à l’avance ». 52 L’IDE F : «Je travaille de nuit de la façon suivante : trois nuits en EHPAD puis trois nuits en médecine physique de réadaptation puis trois nuits en tant qu’aide soignante sur un service de long séjour ». Selon les cadres de santé, la polyvalence des agents permet de pallier l’absentéisme et de répondre à une surcharge de travail. Ces évènements ne sont pas toujours prévisibles et de ce fait peuvent engendrer un stress chez le professionnel qui n’est pas préparé. Deux infirmiers sur quatre le verbalisent : Pour l’IDE G : « Ne pas savoir où l’on va, juste la veille pour le lendemain dans ce cas ce n’est pas de la polyvalence, c’est de l’urgence ce n’est pas la même chose, là on n’a pas le choix on dépanne, et c’est stressant comme situation ». La cadre de santé A, qui a la responsabilité de l’équipe de nuit souligne : «Il y a des gens qui sont identifiés dans les deux équipes(…) donc dans chaque roulement on a à peu près le nombre équivalent de ces personnes-là qui sont capables d’aller partout ». • Organisée et Uniformisée : Les infirmiers reconnaissent que la méconnaissance de l’architecture d’un service est un frein à leur adaptation. Ils rencontrent des difficultés si au sein d’un pôle ou d’un établissement les services ont une organisation très disparate. Une structure construite avec des services identiques, favorise la création d’une organisation commune. L’importance de cette rigueur dans l’organisation est illustrée par ces différents propos : L’IDE H : « Si c’est bien organisé et si c’est bien rangé, c’est très très important pour le moral et pour le gain de temps ». L’IDE G : « S’il fallait courir après tout, tout le temps oui cela me poserait problème ». L’IDE F : « Faut se souvenir que le chariot d’urgence à l’EHPAD ne se situe que sur le premier étage ». L’uniformisation des services et des outils de travail est également un élément facilitateur. Sur l’établissement 2, l’outil informatique n’a pas été installé ou réactualisé au même moment dans tous les services, et les infirmiers pouvaient rencontrer des difficultés. 53 L’IDE I l’énonce de cette façon : « Les outils de travail euh là où j’ai eu beaucoup de difficultés, c’est quand on a eu deux logiciels différents pour les prescriptions et là j’avoue j’étais un poids et je ne pouvais rien faire ». Aujourd’hui les outils informatiques sont identiques et ce professionnel ne rencontre plus de difficultés. La notion de gain de temps est importante. Ce temps perdu à chercher le matériel et les protocoles serait dans un premier temps un élément agaçant, puis générateur de gêne, de problème pour le professionnel. Cela impacterait la qualité des soins auprès du patient, et risquerait de faire du soignant un professionnel moins compétent. Une infirmière ira jusqu’à me dire : « Par exemple : Pour la réfection d’une voie centrale si je ne trouve pas où sont rangées les sur-blouses stériles, ça me gonfle, j’ai encore dix pansements après tant pis je les fais sans sur-blouses, là je dis c’est un gain de temps, c’est surtout un gain de qualité du soin pour le patient ». Les infirmiers sont rassurés s’ils sont accueillis et accompagnés dans leur travail. En effet, les aides soignantes ou infirmiers qui constituent ces binômes sont des personnes ressources pour le professionnel qui ne connait pas bien l’organisation du service dans lequel il assure un remplacement. A l’image de ce que me dit l’IDE F lorsqu’elle travaille en binôme :« En effet ce sont de très bons indicateurs, elles nous disent « non tu ne vas pas chercher au bon endroit ». Les cadres de santé ont bien conscience de cette nécessité d’organiser et d’uniformiser les rangements des locaux ainsi que les outils. Dans l’établissement 1, elles ont entamé un travail sur les commandes de matériels et sur les chariots d’urgences. Ce travail est fait en collaboration avec les infirmiers. La CDS B dit : « On travaille beaucoup là-dessus puisque l’on fait des groupes de travail sur l’harmonisation entre les différentes unités ». « On a listé les écarts de fonctionnement entre les différents services ». En effet si les protocoles au sein d’un établissement sont les mêmes, les outils comme les fiches de suivi de pansements ne le sont pas. 54 Sur l’établissement 2, c’est très difficile d’organiser les services de façon identique car les extensions de bâtiment ont une architecture très différente. Les services constituant un pôle n’ont rien en commun et les infirmiers qui y travaillent ont mis beaucoup de temps à s’approprier les lieux et à s’adapter aux organisations. D’ailleurs l’IDE I me confie qu’au sein de leur pôle un travail a été mené sur l’organisation interne, celle qui concerne l’activité : « Les deux cadres ont travaillé ensemble(…) ils ont fait en sorte que les horaires de perfusion soient les mêmes ». Les médecins sont différents, ils travaillent différemment mais l’organisation des soins a été retravaillée afin qu’elles soient quasi identiques dans les différents services pour faciliter le travail des personnes qui sont polyvalentes. Un gros point cité par l’ensemble des professionnels est l’intérêt d’une organisation commune, du moins le plus proche possible en ce qui concerne la planification, l’organisation des soins et l’uniformisation des outils. L’organisation des rangements des matériels doivent être au maximum identifiés et rangés dans une logique propice au déroulement des soins. L’organisation humaine n’est pas à négliger car c’est important d’avoir des collègues ressources sur lesquelles les infirmières polyvalentes puissent s’appuyer. 4.1.4.4 La formation Les infirmiers relatent tous les bienfaits et la sécurité qu’apportent une formation si celle – ci est réalisée avant ou en simultanée d’une prise de poste. Selon les besoins en compétences les cadres de santé anticipent certaines formations. Mais en majorité les formations sont en lien avec la spécialité du service voire du pôle. Elles sont donc programmées et dispensées avec un ordre de priorité en fonction de la prise de poste du soignant. 55 Au sein de l’établissement 1, la formation est parfois dispensée par des soignants eux –mêmes (en interne). C’est une garantie pour l’établissement d’avoir des professionnels investis dans la dynamique de formation. Selon ce principe, la CDS B explique : « Il y a des membres du personnel qui ont monté une association de formation pour la rééducation avec différents rééducateurs de la région ».Tout personnel ayant une prise en charge spécifique dans un service ou au sein d’un établissement se voit proposer régulièrement des formations ayant pour objectif une prise en soins uniforme et de qualité. L’IDE F fait ce constat : «Il y a un projet de service. Ils essaient de former tout le monde, ne serait-ce qu’à la formation Parkinson ». La cadre B confirme : « Les agents qui viennent travailler au1er étage ont été en partie formés pour le parkinson et ceux qui vont travailler au2 ème étage ont été formés aux amputés du membre inferieur ». Les formations ne sont pas toutes institutionnelles, même si elles sont majoritairement dispensées à tous les agents et ce pour uniformiser les pratiques et les prises en charge des patients. Les besoins sont répertoriés par spécialité ou par thématique. Les professionnels formés sont souvent sollicités afin de communiquer à l’équipe sur le contenu de la formation suivie. Il est probable que ces professionnels formés soient en capacité d’être des personnes reconnues « ressources », comme me l’a confié la CDS C : « J’ai envoyé une infirmière à la formation de la maitrise d’un individu violent, parfois on a des personnes très agitées, ca peut servir ». Toutefois, une formation dans une spécialité pointue ne peut être dispensée si l’infirmière formée n’est pas en mesure de pratiquer régulièrement ce soin. Ce qu’a confirmé la CDS C en expliquant : « Enfin si je les forme aujourd‘hui sur la manipulation de la pompe à insuline et si ils vont faire un remplacement dans six mois ils ne sauront pas manipuler la pompe, cela n’a pas d intérêt particulier ». La CDS D confirmera : « Il faut que ce soit rentable(…) Il y a un temps de formation nécessaire, et il faut pratiquer derrière ». De plus les soins très spécifiques nécessitent des formations relativement longues. 56 Ce que m’explique l’IDE H : « L’été 2013 j’ai fait deux mois d’hémodialyse pour être formée à la dialyse(…) j’ai fait un remplacement de six mois de congé maternité ensuite(…) me voici depuis le mois de novembre ici et je vais encore y rester un an ». Il s’agit pour la cadre de santé de s’assurer que les infirmiers formés resteront au sein d’un pôle ou d’un service ou cette formation spécifique est requise pour exercer. Si la formation demande plusieurs mois, la cadre de santé informe l’infirmière de la nécessité de rester un certain temps au sein de ce service pour exercer et conforter cette compétence. Les formations sont nécessaires pour acquérir les compétences spécifiques à certaines prises en charge. Une des missions du cadre de santé est de bien répertorier les besoins de son personnel afin de répartir de façon judicieuse les formations. Etant garant de la continuité et de la qualité des soins apportés aux patients, le cadre de santé doit s’assurer des compétences acquises par ces formations. Ces formations spécifiques doivent apporter aux soignants les compétences nécessaires à leur exercice, en toute sécurité pour eux et pour les patients. Cela implique au professionnel de pratiquer de façon régulière les soins. La formation est donc un élément indispensable pour les infirmières polyvalents ou en phase de le devenir. 4.1.5 Le management du cadre de santé : accompagnement et communication Le ressenti est très différent d’un infirmier à l’autre. Ils ne sont pas unanimes pour dire qu’ils sont accompagnés dans la polyvalence : Pour l’IDE G : « Non je ne me sens pas du tout accompagnée, je me sens écoutée par notre cadre ». L’IDE I entend derrière le terme accompagnement, la notion d’organisation. Il s’agit d’une attention du cadre de santé envers le professionnel afin de le placer dans de bonnes conditions de travail en adaptant ses horaires : « Je n’ai pas eu vraiment d’accompagnement mais la cadre ne m’a pas mis vraiment en difficulté dans le sens ou les premières fois où je suis allé dans les autres services, on me mettait de 8 h30 ». 57 L’IDE H me dit ne pas être accompagnée mais ne pas en souffrir, ne pas être dans la demande : « elle m’a toujours dit : vous pouvez venir dans mon bureau quand vous voulez ». Seule l’IDE F dit être accompagnée: « Ah oui oui oui oui oui oui j’ai une cadre qui m’épaule, qui me guide qui me (…) je peux l’appeler, elle reste très disponible et à l’écoute ». La notion d’écoute est unanime et ressort dans tous les entretiens. En effet, trois infirmiers citent l’écoute accordée par la cadre comme élément très important. Deux infirmiers disent avoir eu de leur cadre de santé l’information suivante « Que la porte est ouverte ». Cette notion semble rassurer ces professionnels. Certains entendent cette possibilité et travaillent en confiance en s’appuyant sur leur expérience, en demandant de l’aide si besoin à des personnes ressources au sein même des services. D’autres choisissent de communiquer directement avec le cadre de santé à l’image des IDE F et I qui n’hésitent pas à le solliciter. L’IDE I : « Moi le lendemain, j’étais dans le bureau de la cadre, je lui ai énoncé le problème ». Un seul infirmier dit avoir eu un suivi de la part de son cadre de santé sur son vécu d’expérience lors d’un remplacement dans un autre service. L’IDE I me glisse dans la conversation : « Ma cadre est venue me voir les premières fois où je travaillais dans un autre service(…) c’est plaisant ». Les cadres de santé pour la plupart entendent l’accompagnement des agents sous une forme organisationnelle. Il s’agit pour eux de préparer au mieux la prise de poste en aménageant un parcours, avec un travail en tutorat, des horaires aménagés et des formations facilitant l’intégration. Pour deux cadres les infirmières qui prennent leur premier poste effectue une visite pour connaitre tout le personnel et les missions de chacun au sein de chaque service. Ces cadres font parties de l’établissement 1 et la structure est de petite taille. Lorsque ces professionnels sont sollicités pour être polyvalents, ils ont déjà une connaissance globale des différents services et des agents qui y travaillent. 58 Au sein de l’établissement 2 qui est une grosse structure la CDS D dit qu’en cas de mobilité sur le pôle elle est attentive : « Si elles ont besoin d’aller visiter le service avant, je les accompagne ». La CDS C m’avoue : « Il n’y a pas grand chose d’établi » et elle ne va pas systématiquement avoir une attention à l’égard de l’agent qui est parti dans un service assurer un remplacement : « Je ne vais pas d’emblée les voir ». Et si les infirmières le désirent elles lui font un retour : « Elles vont venir me dire, oui il y avait beaucoup de travail ». Toutefois elle précise que c’est plus compliqué de sortir les agents du service d’affectation et : « Que c’est là tout le travail de management, d’explications ». La communication entre cadres de santé et infirmiers semblent se faire à travers des problématiques et par le biais de réunions organisées. C’est le ressenti de l’IDE I et F qui reconnaissent aux cadres des qualités managériales aidantes pour adhérer à cette dynamique de polyvalence. L’IDE F : « On a des réunions tous les quinze jours, trois semaines(…) on fait le point sur certaines choses à améliorer ». L’IDE F, référente de l’équipe de nuit favorise les échanges du fait de sa proximité avec la cadre de santé. L’IDE H ne voit pas d’intérêt à la réunion annuelle qui n’est pas propice aux échanges et au vécu de chacun, le nombre de participants étant trop élevé : « On a une réunion une fois par an où il y a toute l’équipe du pôle ». Les cadres de santé de l’établissement 1 ont mis en place des réunions suite à une demande des agents polyvalents de nuit qui travaillent sur les différents sites. Elles ont été mises en place pour que s’instaurent des échanges sur les éventuelles problématiques rencontrées au sein de l’établissement. Une autre réunion mensuelle est organisée afin de présenter les différents travaux faits par des personnels soignants. Et pour la CDS B : « Ce travail est présenté en réunion de service qui a lieu tous les mois, où on parle de la vie de l’établissement et la vie du service ». La CDS C choisit de communiquer le rapport d’activité, le nombre de journées de remplacement et resitue toujours ceux-ci dans un contexte de pôle. 59 La perception de la notion d’accompagnement est très différente d’un infirmier à l’autre. L’écoute semble être la qualité du cadre de santé la plus mise en valeur, mais globalement les agents ne se sentent pas assez accompagnés. Du coté des cadres de santé, l’accompagnement est essentiellement d’ordre organisationnel. Des réunions sont bien réalisées mais répondent elles aux attentes des infirmiers ? 4.1.6 Les compétences 4.1.6.1 • Entre polyvalence et expertise Etre compétent Les infirmiers se disent compétents pour travailler en polyvalence à travers leur capacité d’adaptation mais également grâce aux connaissances qu’ils possèdent pour réaliser une prise en charge des patients. Le service qui accueille profite des compétences du professionnel qui assure le remplacement. L’IDE I dit ainsi mettre à profit de ce service des compétences acquises dans un autre service : « Mais j’ai pu aider autrement car il y a eu une urgence et c’était une hémorragie digestive, j’étais dans mon élément donc je me suis embarqué sur l’urgence ». Cet infirmier se sert également de compétences acquises dans un tout autre domaine d’activité. Aujourd’hui il les transfère dans son métier d’infirmier : « Quand je suis arrivé ici c’était tout mélangé, j’ai tout regroupé parce que moi, j’ai travaillé dans l industrie, il faut que ce soit carré ». La notion de compétence est pour ces infirmiers liée à leur expérience. Le propos de L’IDE G l’illustre bien : « Je pense être efficace rapidement dans un service, parce que je connais la population soignée grâce à mon expérience ». Ce sentiment est conforté par L’IDE I : « Une fois que je suis bien, que je suis un ancien, je peux me permettre de me projeter dans un autre service ». 60 L’expérience est bien une composante indispensable aux infirmiers pour se sentir compétents. Ils disent pouvoir être mobiles et polyvalents car ils maitrisent déjà bien un certain nombre de soins et de prise en charge. A l’image de l’IDE G : « Je ne suis pas sûre que l’on puisse avoir la même efficacité en début de carrière » et de l’IDE I : « On m’aurait dit cela au bout de trois ans d’infirmier, je ne l’aurai jamais fait ». Les cadres de santé disent que les professionnels polyvalents possèdent des capacités d’adaptation et de savoir–faire qu’ils transfèrent aisément d’une situation à une autre. C’est une compétence que ne possède pas ou peu un professionnel non mobile. D’après la CDS A : « C’est souvent des personnes qui vont gérer, parce qu’elles vont mettre en œuvre des choses que n’aura pas l’infirmière du service ». • Etre expert Dans chaque entretien infirmier, le mot expert ou expertise a été prononcé. Ces professionnels s’accordent pour dire que seule l’expérience permet d’être expert. Ils sont unanimes pour y associer l’ancienneté sur un même service. La répétition des actes de soin permet une certaine maitrise et le temps passé dans l’unité de soins contribue à avoir une bonne connaissance de la population soignée. La notion d’expertise est exprimée par les quatre infirmières de cette façon : Pour l’IDE F : « Si on reste toute sa vie de soignant dans le même service alors on va avoir des compétences exceptionnelles sur un domaine » « On a besoin d’expériences, on a besoin de pratique pour devenir expert ». Pour l’IDE G : « Depuis que je suis polyvalente, je ne me trouve pas du tout experte pour autant, pourtant je commence à bien connaitre la rééducation ». L’expertise développée au sein de son service d’affectation a permit à l’IDE I d’être compétent sur un soin à réaliser dans un autre service : « Il m’est arrivé d’aller (…) en dermatologie. Ils font une coloscopie tous les six mois (…) du coup le fait que je sois expert en cela, j’ai réalisé la prise en charge ». 61 Les cadres de santé ont peu parlé d’expertise. Un cadre dit que l’expertise permet au professionnel qui se reconnait comme tel d’apporter son aide aux agents en difficulté. Un autre cadre évoque le fait qu’elle va peut être choquer mais assume ses propos : « Si je prends une IDE (…) qui vient remplacer parce que j’ai un arrêt en néphrologie, est-ce qu’elle va connaitre vraiment tout le traitement néphrologique antirejet et compagnie et tout ce qui…Enfin pour moi polyvalence c’est maitrise ». Toutefois, ce cadre reconnaît qu’un infirmier n’a pas besoin d’être expert pour faire du bon travail. La compétence est acquise pour la majeure partie des professionnels par l’expérience. Elle permet d’assurer une prise en charge des patients de façon optimale. Le savoir – faire permet cette compétence qui est transférable, d’un domaine d’activité à un autre. La compétence semble légitimer le statut du professionnel polyvalent. L’expérience est nécessaire à l’expertise, comme le stipule Patricia BENNER dans la partie conceptuelle. Les infirmiers polyvalents interviewés ne se définissent pas experts, mais leur multi compétence est un atout pour le service accueillant. L’expertise ne semble pas être un facteur indispensable pour se considérer personnel polyvalent. 4.1.6.2 Le développement des compétences Quel effet la polyvalence a-t-elle sur les compétences des professionnels ? A l’image de l’IDE H : « Elle les fait évoluer, de jours en jours, c’est de jour en jour ». Les infirmiers sont unanimes pour dire qu’ils élargissent leur champ de compétences, en acquérant d’autres connaissances et en approfondissant d’autres prises en charge. Ils reconnaissent avoir un métier qui donne des possibilités de faire évoluer leur capacité, leurs compétences. 62 A chacun de saisir les opportunités qui lui sont offertes. Selon la CDS A les infirmières : « Elles vont accroitre leurs compétences c’est ce qu’on leur demande dans leur métier». Même si, comme le dit l’IDE F : « Malheureusement on en perd un peu puisque l’on est sur différents domaines » mais positive aussitôt : « Et au fil du temps on en laisse pour en acquérir d’autres mais on élargit nos compétences, on sélectionne, on priorise les compétences ». La remise en question, la réflexion sont des axes de travail qu’offre la polyvalence. L’IDE H a fait ce constat : « La connaissance permet de faire des liens sur ce que je vois avec le patient ». Cette polyvalence incite les professionnels à se documenter sur les pathologies, les prises en charge et les protocoles de soins. Ces professionnels se donnent les moyens d’être en phase avec les bonnes pratiques. Comme l’IDE F : « Il faut remettre à jour ses compétences (…) après il faut avoir cette volonté d’aller chercher les informations ». Les cadres de santé s’accordent pour dire que les compétences des infirmiers augmentent et qu’ils en développent d’autres. Ils font le constat également que la personne polyvalente partage des informations et augmente ainsi les compétences du reste de l’équipe qui apprend de nouvelles techniques. Ce partage peut lever des doutes et permettre aux autres agents de se sentir compétents. Il y a des infirmières qui le sont mais qui en doutent toujours. La CDS B affirme que la polyvalence permet aux professionnels de développer « une confiance en soi » : « Ces personnes se sentent plus à l’aise dans leur domaine, donc elles ont plus confiance en elles et hésitent moins à être mobiles ». L’entretien annuel est pour les cadres un moment important pour recenser les besoins et les perspectives professionnelles de l’agent. Ils peuvent ensuite proposer des formations, ou organiser des journées de tutorat en vue d’accroitre les compétences ou tout simplement de permettre à l’agent de découvrir un autre environnement de travail. Deux cadres ont même créé un entretien spécifique pour évaluer les compétences. 63 Le CDS B stipule qu’aujourd’hui, on écoute volontiers les demandes de changement de services : « Dès que l’on peut intervertir deux agents sur deux services, à leur demande on le fait. Ce n’est plus cloisonné comme avant ». L’attention portée par le cadre à ces demandes de changement de service est essentiel pour impulser cette dynamique de polyvalence. En effet en s’inscrivant dans cette démarche les professionnels partagent leurs expériences et transmettent leurs compétences, pouvant ainsi susciter chez d’autres professionnels l’envie de découvrir d’autres spécialités et de développer ainsi d’autres compétences. Les infirmières et les cadres de santé pensent que la polyvalence accroit les compétences des professionnels. Elle renforce aussi les compétences des collègues de l’équipe de l’infirmier polyvalent ainsi que ceux de l’équipe accueillante. Cette mobilité doit toutefois être accompagnée de la volonté de l’agent d’aller rechercher des informations facilitant le développement des compétences pour être polyvalent. Les cadres de santé sont attentifs aux demandes des professionnels en ce qui concerne les changements de services. En effet, ils sont dans la dynamique de satisfaire ces demandes qui vont permettre aux agents de développer des aptitudes à devenir polyvalents. 4.1.7 La polyvalence au service de la qualité des soins Pour les cadres de santé la qualité des soins semble présente. Ils disent être attentifs aux compétences des professionnels qu’ils envoient en remplacement. La prise en charge des patients leur semble être acceptable. Toutefois, ils émettent une réserve quant au respect des protocoles. En effet la CDS A doute tout de même : « Une perfusion dans un service, puis dans l’autre service c’est peut-être pas le même médicament, pas la même surveillance et moi là, il y a un danger pour les patients ». 64 La CDS D pense que les connaissances apportées par les formations sont là pour assurer la sécurité du patient lors d’un soin : « Elles vont en formation avec les laboratoires donc…elles ont des connaissances. Je trouve que ça se passe mieux, pour la sécurité du patient. Et puis elles aussi, ça ne les met pas en difficulté ».Les personnes identifiées comme « personnel ressource » sont aussi présentes pour sécuriser les soins. Ce que confirment les IDE F, G et I en insistant sur l’importance de ne pas être deux personnes remplaçantes pour s’occuper du service sur une même tranche horaire. La CDS C met en place un tutorat et dit : « On n’a pas le droit à l’erreur, le patient est là deux jours, si on a oublié une préparation à un examen grosso modo l’hospitalisation, elle ne sert à rien ». En ce qui concerne certaines procédures, les cadres notent l’importance de les respecter. Sinon les patients se retrouvent avec des directives et des explications confuses et erronées qui engendrent des tensions avec l’équipe soignante. L’exemple des horaires de permission non respectés et qui varient selon les services de soins illustre pour la CDS A ce genre de problème rencontré. Tous les infirmiers font en sorte de mettre en œuvre toutes les conditions pour que la prise en soins soit de qualité. L’IDE F est convaincue qu’être polyvalente et venir ponctuellement remplacer a un impact : « Il y a une cassure dans la continuité mais pas dans la qualité des soins ». L’IDE H est formelle dans ses propos et précise que même pour une courte durée de remplacement : « Ce n’est pas parce que je ne connais pas le service (…) que je vais survoler ma prise en charge du patient, elle reste globale, elle reste approfondie, rigoureuse ». L’IDE G dit également dispenser des soins de qualité mais le manque d’éléments sur la connaissance du patient fait qu’elle doute sur la sécurité apportée à la prise en charge : « Disons que les trois-quatre premiers jours je ne suis pas bien tranquille, je ne connais pas bien les patients ». 65 Cependant, ces professionnels disent que la prise en charge est moins bonne s’il existe une désorganisation dans les soins. A l’image de l’IDE F : « Pour les gens ca ne le fait pas, vous entrez dans la chambre, vous devez repartir 15 fois ». L’IDE I met l’accent sur les informations à communiquer aux patients : « C'est plus sur les examens, parce qu’il faut les connaitre pour les expliquer au patient ». Dans les services de longue durée, les patients ont le temps d’observer les professionnels et même de connaitre leur roulement. Ainsi les patients peuvent interpeller les soignants en fonction de leur choix. Pour l’IDE F : « De par nos approches différentes, c’est bien pour le patient d’avoir des personnes différentes ». Enfin L’IDE G dénonce le fait qu’être polyvalent est un frein pour la qualité des soins apportés aux patients si l’encadrement des stagiaires ne se fait pas de façon optimale et relate ce fait : « Cela faisait peu de temps que j’étais dans le service, une étudiante 3ème année allait faire une héparine sous cutanée à une patiente, elle transmet qu’elle a eu une prescription du médecin, donc OK, et en fait entre temps je m’aperçois dans le dossier que la patiente était allergique à l’héparine ». Durant l’entretien ce professionnel prononce cette phrase : « Depuis que j’occupe un poste comme cela, je dors mal, je pense que je connais pas assez les patients donc je m’inquiète d’avoir bien pris en charge le service ». Tous les infirmiers se prononcent pour dire qu’ils assurent des soins de qualité ou du moins qu’ils essaient de garantir la meilleure prise en charge qu’ils puissent fournir dans des conditions de remplacement. Ils énoncent les risques pour les patients d’une prise en charge ponctuelle. La rupture dans la continuité des soins est évoquée mais ne semble pas être un élément bloquant pour assurer la qualité de la prise en charge. Les cadres de santé rejoignent les infirmiers quant à la volonté de dispenser des soins de qualité. Ils abordent toutefois la notion de danger et de sécurité. 66 4.1.8 L’œil neuf du professionnel polyvalent Tous les infirmiers, fonctionnements de de part service leur avec mobilité des expérimentent organisations d’autres différentes. Des dysfonctionnements sont observés et signalés aux cadres de santé par les infirmiers polyvalents et ce dans le but d’améliorer les pratiques professionnelles. A l’image des propos de l’IDE H qui a rencontré des difficultés pour s’adapter au fonctionnement d’un service. Cependant son intervention a permit une réorganisation : « C’est bien d’être l’œil extérieur pour être aussi cette personne neutre qui va en discuter avec l’équipe, en discuter avec la cadre de ce qui ne va pas et les choses parfois se mettent en place beaucoup plus facilement ». Certains infirmiers sont confrontés à des pratiques où la personne soignée comme le soignant sont en danger. Le défaut de fonctionnement, rapporté au cadre de santé par l’agent polyvalent a permis une réflexion et une action visant à stopper une pratique jusqu’alors consentie par les infirmiers de cette équipe. L’IDE I a vécu une situation qui peut interpeller : « Je prépare les perfusions de l’après midi puis on me dit : non, ce n’est pas toi qui les pose ». L’infirmier soulève là un réel risque pour le patient, mais également pour lui. Ses connaissances sur la législation encadrant sa fonction lui permet de dénoncer des pratiques dites « dangereuses ». Le professionnel polyvalent se questionne et compare les pratiques d’un service à l’autre. Les surveillances de traitements évoluent et obligent les agents à réactualiser leur connaissance et à s’adapter au changement. L’IDE F avoue qu’elle a appris : « Les protocoles ici changent, les thérapeutiques changent(…) je ne serais pas venue au centre de réadaptation, je ne me serai pas posé la question ». Le fait d’avoir changé de service a permit à cette infirmière de se questionner sur des pratiques, des protocoles. A l’inverse en étant cloisonnée dans un service, cette infirmière dit perpétuer des pratiques sans forcément les remettre en question. L’infirmière G déplore le fait de ne pas être sollicitée pour travailler sur une harmonisation des services. 67 Cette professionnelle qui perçoit des dysfonctionnements aimerait bien pouvoir améliorer les pratiques mais dit ne semble pas être entendue et évoque une réponse de sa cadre de santé : « Ah, il faut y aller doucement, les habitudes sont prises de longue date ».Cet agent finit par me dire : « Maintenant je me suis fait une raison, je n’en parle même plus, je me suis essoufflée » « Je suis la seule qui voit ce qui fonctionne bien dans un service et qui ne fonctionne pas du tout dans l’autre ». Les infirmiers relatent que le fait d’être seule à travailler en polyvalence n’est pas aidant pour susciter des réflexions autour des pratiques de soins. L’infirmier polyvalent reconnu compétent est sollicité pour transmettre son savoir et son savoir-faire auprès du service qui l’accueille. Comme le signale l’IDE I : « Il m’est arrivé d’aller dans des services où c’est moi qui apportait l’info(…) ça a déchargé complètement l’infirmière qui y aurait passé du temps ». A l’inverse cet infirmier dit ramener des méthodes de travail et du matériel nouvellement mis sur le marché et méconnu de son service d’affectation. La CDS C confirme ses dires : « Tout comme l’infirmier l’autre jour qui a dit : je suis allé en dermatologie, ils ont tel protocole (…) ça peut peut-être s’adapter au service (…) » « c’est l’œil neuf ». Un autre aspect positif de la polyvalence est celui du contact relationnel qui s’établit entre les équipes. Cette polyvalence permet de tisser des liens entre services. L’IDE I n’hésite plus à faire appel à ses pairs et me relate ce fait pour le besoin d’une personne en fin de vie : « On avait besoin d’un matériel de dermato pour lui apporter du confort et jamais sans avoir ces bonnes relations entre équipe on nous aurait prêté ce matériel (…) (matériel pour couper des ongles que le service s’était payé avec leur cagnotte) (…) vous voyez jusqu’ou ça va ». En dehors des dysfonctionnements de services observés par les professionnels polyvalents, il est intéressant de noter que des liens se tissent grâce aux partages d’expériences communes visant à faire progresser les pratiques. 68 4.2 LA DISCUSSION Après avoir élaboré l’ensemble des synthèses en regard de mes entretiens, je croise ces éléments avec mon cadre conceptuel. 4.2.1 Les déterminants sociaux : facteurs d’influence ? La flexibilité demandée aux employés entraine un changement organisationnel du travail, et aussi un investissement personnel. Aucun des infirmiers n’a pointé une difficulté de cet ordre. Deux infirmières d’une trentaine d’années, mères de trois et quatre enfants ne mentionnent une difficulté d’organisation personnelle. Sachant que la polyvalence engendre parfois de l’imprévu, je suis surprise de ce constat. Leur parcours professionnel antérieur à ce jour les positionne dans une dynamique de mobilité. En effet les quatre infirmiers interviewés ont tous eu un parcours varié, dans diverses spécialités, ou en mobilité au sein d’un pôle. Dans mes lectures, je n’ai pas relevé d’élément en faveur d’une prédisposition à devenir un professionnel polyvalent. Toutefois tous ces parcours diversifiés demandent aux professionnels une capacité d’adaptation et une volonté à être mobiles et donc à acquérir d’autres compétences. D’ailleurs tous ces infirmiers ont choisi ou accepté d’être polyvalents. Je pense qu’en effet les expériences antérieures et diverses, peuvent avoir une influence sur la motivation des agents pour accepter ce mode de travail. 4.2.2 La polyvalence : comment est-elle perçue ? Le plan hôpital 2007 a réorganisé les services en les regroupant en pôles d’activité. La dynamique institutionnelle sur la polyvalence des agents au sein de l’établissement est bien connue des cadres de santé et appliquée afin de répartir les charges de travail. 69 Les infirmiers connaissent cette réorganisation en pôles mais ne semblent pas s’être appropriés les récentes évolutions législatives. La notion d’appartenance à un service est encore bien présente. Ils possèdent une vision parcellaire du pôle d’activité, souvent réduite au seul service d’affectation. Je m’interroge : Qu’est ce qui fait que les employeurs affectent toujours le personnel à un service et non à un pôle ? Pour tous les professionnels la polyvalence est associée à de la mobilité mais pas seulement. En effet, la polyvalence n’implique pas seulement un déplacement d’un poste vers un autre mais inclut le fait de posséder des aptitudes et des compétences. La multivalence est majoritairement nommée puisqu’il s’agit bien de transfert de compétences d’un poste à un autre. Elle semble prévaloir sur la poly compétence qui elle s’acquiert plus par le biais des formations. C’est toutefois une combinaison de compétences qui participe à faire de ces professionnels des infirmiers polyvalents. Les cadres de santé comme les infirmiers s’entendent sur une définition qui combine leurs compétences et leurs capacités d’adaptation. 4.2.3 La polyvalence : comment est-elle vécue ? Elle est relativement bien vécue car c’est un choix de ces quatre infirmiers d’être mobiles et d’être en demande d’acquérir des connaissances et des compétences. Cependant comme le dit G. DEVRED il faut que cette polyvalence soit circonscrite. Tous les professionnels sont unanimes pour reconnaitre qu’il faut être compétents donc formés aux domaines de spécialités où une maitrise des soins est exigée afin d’assurer une qualité de prise en charge. Le cadre de santé doit être attentif à la mobilité qu’il peut être amené à imposer aux infirmiers. 70 En accord avec l’infirmier, un secteur peut être défini afin de circonscrire la polyvalence et ainsi permettre au professionnel de conforter et de développer ses compétences dans un ou deux domaines d’activité. Une mobilité réduite à un secteur de soin peut lever des appréhensions, installer l’infirmier dans des conditions de travail favorables, permettant des prises d’initiatives, véritables leviers de motivation. A l’inverse une polyvalence non circonscrite serait synonyme de déqualification, et générateurs de stress. En effet l’IDE H a eu cette crainte : « le seul frein à attaquer le pool c’était la peur de changer toutes les semaines, je me faisais des soucis pour mes compétences ».Comment conforter des compétences si l’agent se trouve solliciter pour exercer dans trop de spécialités différentes ? 4.2.4 Les éléments facilitateurs : Leviers de motivation ? • La polyvalence organisée : Selon Patrick MICHELETTI « la polyvalence organisée est systématiquement recherchée, soit par la structure, soit par le salarié, soit par les deux. Elle présente la caractéristique d’une non spontanéité ». Cette polyvalence organisée est en effet recherchée par les deux parties. Les cadres par le biais de l’élaboration des plannings y participent. La notion de gagnant - gagnant est énoncée par un cadre qui demande aux agents de s’inscrire dans cette polyvalence afin de garantir un effectif minimum. En effet, en acceptant d’être mobiles sur plusieurs services ils s’assurent une qualité de vie personnelle puisque les besoins sont comblés sans avoir à être rappelés sur des jours de repos ou de congés. Je pense en effet que l’’intérêt d’une telle organisation est l’affaire de toute une équipe. L’entraide qui naît de ce fonctionnement entre pairs au sein d’un pôle est ainsi un facteur facilitateur de polyvalence. La caractéristique d’une non spontanéité, reviendrait donc à dire, qu’il faut organiser cette polyvalence et la planifier suffisamment à l’avance. Elle serait également reconnue comme « volonté institutionnelle ». 71 Ce qui est bien le cas pour le pôle où exerce la CDS D : « c’est un souhait de la cadre supérieure, dans la mise en place des pôles. C’est écrit dans les fiches de poste d’ailleurs, mobilité interne au sein du pôle ». Les agents ainsi prévenus dès la prise de poste possèdent cette information et peuvent s’inscrire dans cette éventualité. L’uniformisation des locaux, des outils de travail, des organisations internes semblent être un élément très important, voire prioritaire à l’adhésion du personnel à cette polyvalence. L’infirmier peut évoluer avec une garantie de qualité de vie au travail. Cette organisation facilement reconnue va permettre au professionnel de se consacrer à la prise en soins des patients qu’il a en charge. Je m’interroge sur les architectures actuelles qui sont dans beaucoup d’établissements des extensions de bâtiments. Au regard de l’importance que portent les professionnels à l’organisation uniformisée des services, les cadres de santé ont là un rôle à jouer afin de faire participer les agents aux différents projets touchant les organisations ou réorganisations de service. Le personnel concerné par la polyvalence, qui se verrait impliqué dans de tels projets serait force de proposition. • L’accompagnement : La perception de la notion d’accompagnement est très différente d’un infirmier à l’autre. Certains se sentent accompagnés, d’autres pas. Certains le réclament, d’autres pas. C’est ce que relate également G.DEVRED suite à une enquête qu’elle a déjà réalisée sur la polyvalence infirmière. Cependant l’écoute que le cadre accorde aux agents semble compenser ce manque, si des réponses font suites aux échanges. Les infirmiers souhaiteraient être conviés à des réunions portant sur l’amélioration de l’organisation de travail. 72 Leur regard extérieur est intéressant et à prendre en compte. Il permet de détecter des dysfonctionnements mais aussi de repérer des techniques, des protocoles ou des prises en charges différentes et transférables à d’autres prises en soins. Il convient de parler également des formations nécessaires au maintien mais aussi à l’acquisition de compétences permettant d’exercer en polyvalence. Elle assure au professionnel une qualité de prise en soins et une sécurité pour le patient. Cette nécessité est reconnue par tous les professionnels interviewés. Il est encore là question d’anticipation pour le cadre de santé afin d’être en adéquation avec les offres et les besoins. La formation est indispensable pour les infirmières polyvalentes ou en phase de le devenir. J’aborde une piste de réflexion en lien avec la formation. 4.2.5 Quel management pour le cadre de santé ? En m’appuyant sur le cours de B. VUILLEMENOT [20], je perçois trois styles de management prédominants chez les cades de santé. J’ai identifié ces trois styles au cours de mes entretiens et lors de la relecture de ceux –ci. • Le management situationnel : - Le style délégatif : le manager reconnait à son collaborateur suffisamment de compétences et d engagement dans son travail. Une cadre de santé de jour gère également d’une équipe de nuit. Elle se dit décisionnaire mais confie la gestion des plannings de l’équipe de nuit à une infirmière polyvalente qui en est issue. Elle reste en étroit contact avec sa collaboratrice puisqu’elles ont des contacts téléphoniques réguliers. J’ai fait le constat que cette infirmière est la seule à se sentir accompagnée par son cadre de santé dans son travail en polyvalence. 73 - Le style autoritaire : le manager porte un intérêt maximal aux résultats et moindre envers les personnes. Deux cadres de santé semblent employer ce management. Il s’agit des deux cadres qui travaillent au sein d’un CHU. Elles concourent à la mutualisation des ressources humaines par pôle et travaillent en collaboration. Une des cadres produit un discours ambivalent entre la notion de volontariat auquel elle dit être attentive et la décision prise d’affecter l’agent sur un autre poste. Son choix ne se fait pas sur la base du volontariat du professionnel mais des compétences de celui-ci. Ce cadre avoue ne pas mettre en place un accompagnement des professionnels amenés à être mobiles. Elle n’ira pas s’enquérir du vécu de cette expérience de remplacement de cet agent. • Le management participatif : le manager porte un intérêt aux personnes et aux résultats. Je le relève pour l’ensemble des cadres mais pour deux cadres plus particulièrement. Il s’agit de cadres évoluant dans une structure de petite taille et travaillant en collaboration. Elles ont instauré des travaux de groupe pour travailler sur l’harmonisation des pratiques afin de faciliter le travail en polyvalence et réalisent des entretiens annuels spécifiques aux compétences des agents. Elles ont une réelle envie d’associer les équipes aux réflexions. Elles sont attentives aux professionnels et privilégient le volontariat. A mon sens, le cadre de santé doit adopter un management participatif pour encourager la polyvalence. Il est essentiel que le personnel soit force de proposition. 4.2.6 De la compétence individuelle à la compétence collective Les professionnels définissent la polyvalence en associant deux notions qui sont les aptitudes et les compétences. Etre compétent pour travailler en polyvalence ne serait pas suffisant. 74 La notion de capacité d’adaptation y est adjointe. Les professionnels indiquent bien qu’il faut s’adapter aux prises en charge des patients selon les différentes pathologies et la spécificité des soins. Il y a bien une notion combinatoire comme le précise P. ZARIFIAN et G.LEBOTERF dans leur proposition de définition sur la compétence. Les infirmiers se disent compétents grâce à leur expérience. D’ailleurs les infirmiers sont tous d’accord pour dire que l’expertise ne s’acquiert que par l’expérience et une certaine ancienneté dans le service voire une routine. Les gestes récurrents, les prises en charge répétitives semblent en effet consolider une compétence. Ce qui rejoint le concept du taylorisme qui consiste à trouver la meilleure méthode de travail. Cependant, ce concept fait du professionnel un spécialiste de son travail. Or, aucun infirmier ne se trouve expert pour travailler en polyvalence. Ils sont en accord avec la définition proposée par Patricia BENNER qui stipule que : « l’expérience est nécessaire à l’expertise ». Ce terme d’expertise est utilisé par ces professionnels dans leur polyvalence quand il maitrise un acte ou une prise en charge spécifique qu’ils peuvent être amenés à prodiguer dans les autres services de soins où ils interviennent ponctuellement. Dans ce cas, on peut dire que l’expertise est utile et reconnue dans la polyvalence, à condition que cette polyvalence soit circonscrite à seulement quelques spécialités. L’expertise ne semble pas être un facteur indispensable pour se considérer personnel polyvalent. Tous ces professionnels cadres de santé et infirmiers confirment que la mobilité permet des rencontres entre pairs et des rencontres interdisciplinaires. Ce temps de travail en commun favorise les échanges autour de pratiques de soins mais aussi d’organisation. Toutes ces compétences ainsi complémentaires sont bien définies dans ces termes, dans ma partie conceptuelle sur la compétence collective. Cette mobilité permet donc de tisser des liens entre professionnels. Ce lien créé semble être un levier de motivation également pour les infirmiers réticents à bouger. 75 Les cadres de santé constatent cette appréhension qu’ont les agents à aller assurer des remplacements mais qui reviennent en général assez satisfaits d’avoir vécu cette expérience. Je pense que la compétence collective renforce la compétence individuelle de chacun. Les travaux de groupe mis en place par deux cadres de santé afin de travailler sur l’uniformisation des services le démontrent bien. 4.2.7 Polyvalence et qualité de prise en soins G. DEVRED suggère de limiter la polyvalence à deux ou trois domaines d’activités pour pouvoir trouver le « bon rapport entre compétence et qualité de prestation à fournir au patient ». Le cadre de santé se doit d’être garant de la continuité et de la qualité des soins. De par son choix parmi les agents, il doit être attentif à combiner sécurité et qualité pour le soigné mais aussi pour le soignant. Lors des entretiens, j’ai vraiment ressenti cette volonté d’effectuer une prise en charge optimale de la personne soignée. Certes ils seront dans l’obligation de sélectionner les informations prioritaires mais ne sacrifieront pas la qualité de leur prise en soins. Il semblerait également que l’information passée au patient soit aussi propice à ne pas inquiéter la personne soignée qui verrait arriver dans sa chambre un visage inconnu. L’IDE I en se présentant dit rassurer ainsi le patient : « Je suis franc avec le patient, je lui dis que je suis de passage, que je ne peux pas toujours répondre à ses questions mais je le redirige vers une collègue qui pourra apporter une réponse ». Dans une structure telle qu’un EHPAD, la polyvalence des agents ne semble pas avoir un effet négatif. Il semblerait au contraire que les pensionnaires connaissent le planning de travail des agents. Ils peuvent ainsi solliciter des professionnels ressources selon leurs besoins. 76 La notion de risque est bien réelle, mais pas dans la prise en charge puisque le professionnel saura se positionner et faire appel à des personnes ressources identifiées comme telles. Le risque est cité par ces professionnels dans l’encadrement des étudiants. Plusieurs infirmiers disent en effet ne pas pouvoir prendre en tutorat ces futurs professionnels de façon optimale. En effet, le professionnel polyvalent va déjà devoir s’adapter à un nouvel environnement. Il s’agit pour lui de prendre ses marques. Sa priorité étant portée sur la prise en charge optimale des patients qui lui sont confiés, il ne pourra pas être également aussi disponible pour l’encadrement des étudiants. Comme vu précédemment dans la partie conceptuelle l’étudiant a besoin d’expérience pour être compétent. Il passe par différents stades d’apprentissage. Il est essentiel que cet encadrement soit assuré par un professionnel ayant suffisamment d’expérience dans le service. Je pense que le cadre de santé doit veiller dans la mise en place de cette polyvalence à équilibrer l’équipe avec une répartition rigoureuse du personnel en poste et du personnel mobile. L’encadrement des étudiants doit être sécurisé. Afin d’assurer la sécurité des soins, il est sans doute judicieux de retirer cette mission d’encadrement des étudiants au professionnel polyvalent lorsqu’il assure ponctuellement un remplacement. La méconnaissance du niveau de compétences de l’étudiant est un facteur de risque pour l’infirmier. C’est donc un risque à ne pas faire encourir au patient. 4.3 SYNTHESE DE L’ANALYSE Le but de cette étude consiste à identifier les éléments pouvant être facilitateurs pour la mise en place d’une polyvalence infirmière. Au regard de ma problématique : « Dans un contexte hospitalier de restriction budgétaire des dépenses de santé, comment le cadre de santé peut-il développer la polyvalence des infirmiers sur différentes unités de soins tout en garantissant au patient des soins de qualité ? ». 77 Tout d’abord, le contexte économique est connu par les professionnels. Les politiques de pôle visant à mutualiser le personnel commencent a être intégrées par les professionnels même si une appartenance au service d’affectation est toujours présente. L’adhésion à un mode de travail en polyvalence semble se faire sur la base du volontariat et avec une forte notion d’entraide. Les éléments facilitateurs pour ces professionnels sont en priorité d’ordre organisationnel. Les cadres de santé conscients de cette priorité travaillent sur cet axe d’uniformisation des organisations et des outils. Les plannings de travail réalisés de façon anticipée ainsi que la mise en place de formation encouragent les professionnels dans cette démarche. Une polyvalence circonscrite est aussi souhaitée par les infirmiers. L’accompagnement par les cadres de santé dans cette dynamique de polyvalence n’est pas ressenti par les professionnels de façon unanime mais l’écoute qui leur est accordée semble être un élément facilitant Les infirmiers reconnaissent aux cadres de santé des qualités managériales. Grâce à la mobilité dans d’autres services les professionnels font profiter les autres collègues de leurs compétences. La polyvalence leur donne l’opportunité de développer d’autres compétences, et de partager des expériences avec d’autres professionnels. Un autre avantage de cette polyvalence est la création d’un réseau. En effet des liens se tissent entre agents de services différents. L’hypothèse émise : « La polyvalence bien managée élargit le champ de compétences des infirmiers, en conservant la qualité des soins. » est en partie confirmée. En effet les cadres de santé ont cette volonté d’accompagnement des agents polyvalents. Ils sont à leur écoute et mettent en place des formations, des groupes de travail visant à faciliter l’adaptation aux différentes organisations. Cependant les infirmiers, malgré leur volonté d’assurer une prise en charge de qualité aux patients dénoncent un risque par le biais de prise en charge des étudiants causé par un manque d’encadrement de ceux-ci. 78 Il est en effet difficile pour ces professionnels d’être performants sur un encadrement d’étudiant si leur présence reste très ponctuelle. Cela rejoint à dire qu’une polyvalence circonscrite permet une meilleure connaissance des acteurs qui œuvrent à la prise en charge des personnes soignées. Au final, le développement des compétences se fait soit par le biais de formations, de tutorat, de partage de compétences, d’entraide. Les personnes ressources identifiées, le professionnel volontaire pour être mobile développe des compétences visant à le rendre polyvalent. Les infirmiers mettent également en exergue un enrichissement personnel et professionnel par le bais des liens qu’ils tissent en étant polyvalent. 79 5. ENSEIGNEMENTS TIRES 80 • L’initiation à la recherche : J’ai déjà expérimenté un travail de recherche en 2003 dans le cadre de ma formation infirmière. Mon thème de travail portait sur les troubles des conduites alimentaires des adolescents et ciblait plus particulièrement l’anorexie. A cette époque pour élaborer ce mémoire j’ai réalisé également deux entretiens. Le passage à l’écriture était difficile et le reste encore aujourd’hui. La méthodologie est acquise mais je rencontre des difficultés pour synthétiser. Je maîtrise un peu mieux l’outil informatique, mais celui-ci est encore un frein à la réalisation de ces travaux. Malgré cela j’ai pris plaisir à échanger avec des professionnels sur le thème de ce mémoire. Ce travail m’a permis de prendre du recul quant à mes représentations et à mon expérience. • L’étude des différents concepts : Ce travail de recherche m’a permis d’aborder la thématique de la polyvalence et de la compétence sous différents prismes. Il m’a permis de faire le lien avec le contexte actuel, et d’évaluer ce que les professionnels en connaissaient. • Le management En tant que cadre de santé je suis au carrefour d’une hiérarchie, des agents et des patients. Je mesure l’importance pour le personnel d’avoir des informations leur permettant de comprendre les enjeux d’un mode de fonctionnement en polyvalence. Il s’agit pour moi dans ma future fonction, de m’attacher à donner du sens aux décisions prises. Il me paraît essentiel de procurer aux équipes des conditions optimales de travail 81 CONCLUSION 82 Ce travail de recherche mené dans le cadre de ma formation cadre de santé m’a permis de découvrir des auteurs et des concepts sur le thème de la polyvalence. Mes lectures m’ont permis une analyse de ma pratique. Une seconde richesse provient des divers échanges réalisés auprès d’infirmiers et de cadres de santé, lors des entretiens, mais aussi lors des différents stages effectués dans le cadre de la formation. Ce travail m’a également donné l’occasion de prendre du recul quant à mes représentations et mon expérience de terrain .Lors du choix de mon thème, j’étais persuadée que les difficultés rencontrées dans la mise en place de la polyvalence étaient en lien avec la résistance au changement. Or la réalité est différente. La démarche du cadre ne doit pas se tourner uniquement vers un accompagnement au changement mais aussi vers une démarche d’écoute et de communication. Ceci me fait prendre conscience de l’importance à prendre de la distance entre ce que j’observe et ce que je pense. C’est pour moi encore une occasion de me remettre en question. Dans un monde hospitalier en pleine mouvance, soumis aux contraintes économiques et aux exigences de la qualité et la sécurité des soins, la gestion des ressources en personnel tend à être optimisée. Ma future position de cadre de santé me conduira à manager, à coordonner des équipes pluridisciplinaires. Ce travail sur la polyvalence m’aidera dans mes fonctions, pour offrir des conditions de travail satisfaisantes à chacun et trouver les bons leviers de motivation. La mobilité, si elle est bien menée, doit pouvoir engendrer des avantages pour un établissement dans son ensemble. Les compétences individuelles mises au service du collectif participeront au développement d’un mode de fonctionnement en polyvalence. 83 BIBLIOGRAPHIE 84 [1] Géraldine DEVRED. La polyvalence, une réponse stratégique et organisationnelle à promouvoir, Gestions hospitalières, février 2001, n° 403. [2] Patrick MICHELLETI. La polyvalence sous toutes ses facettes, édition d’organisation 2002,190p. 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[12] R.WITTORSKI, Objectif soins, juin/juillet 2012, n°207. [13] Guy LE BOTERF. Dossier sur les compétences, de l’individuel au collectif, Soins cadre, février 2002, n°41. [14] Guy LE BOTERF. De la compétence à la navigation professionnelle, 1997, Edition : les éditions d’organisation, ,294p. 85 [15] Patricia BENNER. « De novice à expert » http://www.sideralsante.fr/ consulté le 8/2/2015. [16] Didier RETOUR. Management et avenir, 2005, édition : Management Prospective Ed, 228p. [17] Simone DUMAS. Du décloisonnement à la mobilité : la richesse des autres, Objectif soins, décembre 2000, n°91. [18] Corinne ORLUX .Cadre de santé, manager des compétences professionnelles, Soins cadres, Mai 2014, n°90. [19] Luc VAN CAMPENHOUDT/ Raymond QUIVY. Manuel de recherche en sciences sociales, 2011,4ème édition DUNOD, 260p [20] Bernard VUILLEMENOT. « Management d’équipe » Consultant et formateur à l’IFPS Besançon, Cours de septembre 2014, cahier n°1. 86 ANNEXES 87 Annexe 1 • Canevas d’entretien avec les infirmiers(e) • Déterminants sociaux : • • • • • • • • • • • Age Situation familiale Nombre d’enfant Année d’obtention du diplôme d’état infirmier Ancienneté dans le service Ancienneté dans l’établissement Nombre de postes occupés Parcours professionnel Projet professionnel Avez-vous choisi de travailler dans ce service ? Travaillez vous à temps plein ? à temps partiel ? Entretien (Je pars du postulat que l’infirmier(e) est mobile) • Qu’est ce que pour vous la polyvalence ? • Vous considérez- vous polyvalente ? • • Si oui : Quels constats (analyse, réflexion) faites-vous de votre expérience d’infirmière travaillant en polyvalence ? • Question de relance : Quels effets cette polyvalence a-t-elle sur vos compétences ? • • Si non : pourquoi ? Que vous manque-t-il ? Comment le cadre de santé vous accompagne t- il dans cette mobilité ? 88 Annexe 2 Canevas d’entretien avec les cadres de santé Déterminants sociaux : • • • • • • • Age Année d’obtention du diplôme d’état infirmier Date de faisant fonction Année d’obtention du diplôme de cadre Ancienneté dans le service Parcours professionnel Projet professionnel Entretien • Qu’est ce que pour vous la polyvalence ? • • Quelle vision globale avez-vous de la mobilité et de la polyvalence au sein de votre service, pôle, établissement ? • Thèmes de relance : Management Organisation Formation • Rencontrez-vous des difficultés ? (Si oui quelles sont-elles ?) Quels effets constatez- vous quant au niveau de compétence des infirmières qui assurent des postes en polyvalence ? 89 Annexe 3 Les déterminants sociaux Les cadres de santé : Age Obtention Diplôme état infirmier Date de faisant fonction cadre Obtention Diplôme de cadre de santé Ancienneté dans le service Parcours professionnel Projet professionnel Cadre A ETB 1 55 ans Cadre B ETB 1 54 ans Cadre C ETB 2 35 ans Cadre D ETB 2 40 ans 1982 1982 2002 2003 2005 2001 2009 2007 2007 2002 2012 2010 2 ans 14 ans 2 ans 1/2 5 ans Pool de remplacement IDE (médecine, chirurgie, pédiatrie, Hôpital de semaine et conventionnel) Puis CDS en médecine Pédiatrie, Bloc opératoire, chirurgie, médecine interne, puis CDS en médecine non Cadre supérieur Beaucoup de services de soins intensifs, SAMU, DE puéricultrice, CDS en CHU Puis CDS en MPR Divers services de médecine, Bloc opératoire, pause de 2 ans pour congé parental, 3 ans d activités hors domaine sanitaire, EHPAD, gériatrie, CRF Puis CDS en MPR enseignement non CDS : cadre de santé SAMU : service d’aide médicale d’urgence MPR : médecine physique de réadaptation DE : diplôme d’état EHPAD : établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes CRF : centre de réadaptation fonctionnelle 90 Annexe 4 Les déterminants sociaux Les infirmières : Age Situation Nombre d’enfants Obtention DE Ancienneté dans l ETB Ancienneté dans le service Temps de travail en % Choix de travailler dans ce service Nombre de postes occupés depuis le DE Parcours professionnel Projet professionnel IDE F ETB 1 34 ans mariée 3 IDE G ETB 1 33 ans mariée 4 IDE H ETB 2 30 ans mariée 0 IDE I ETB 2 44 ans marié 2 2002 2008 2003 2009 2009 2009 2008 2009 2 ans 1/2 2ans 1/2 5 mois 6 ans 100% 80% 100% 100% oui oui oui non 5 7 2 3 EHPAD, Bloc opératoire en CHU et clinique, nuit en EHPAD et MPR non Chirurgie, médecine, IDE libérale, gériatrie, MPR. Médecine interne, Pool EHPAD, chirurgie, médecine IDE libérale non non 91