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Juliette DELESCLUSE De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Séminaire ville et pouvoir urbain Sous la direction de Renaud Payre Mémoire soutenu le 19 juin 2008 Université Lyon 2 Institut d’Etudes Politiques Table des matières Dédicace . . Remerciements . . Introduction . . Regards sur le patrimoine . . Un élargissement de la notion de patrimoine . . Les hésitations de l’analyse . . La prise de conscience d’un nouvel objet d’étude . . Patrimoine et patrimonialisation . . Patrimonialiser le souterrain ? . . L’exploration du terrain . . Mise en jambe . . Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain . . Chapitre 1 Une visibilité limitée : spécialisation, interdiction et utilisation pratique du souterrain . . 5 6 7 10 11 14 16 17 18 18 20 21 22 I/ L’expertise comme réponse à une prise de conscience tragique de l’existence des souterrains . . 22 II/ L’interdiction d’accès aux souterrains : une solution préférée face au poids des responsabilités . . 32 III/ Le souterrain vu seulement dans son aspect utilitaire : contraste par rapport à une ville « monumentale » . . 36 Chapitre 2 La déviance comme moyen de dépassement de la visibilité limitée du souterrain .. I/ Un « nouveau jeu urbain » : l’exploration d’espaces interdits . . II/ Les légendes urbaines : l’exploration de l’imaginaire lyonnais . . III/ Résoudre des énigmes par l’exploration des archives : le début d’un souci de transparence . . Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain . . Chapitre 3 La déviance surmontée avec l’urgence de la mobilisation . . I/ La tentative d’unification du mouvement cataphile face au possible péril . . II/ La diffusion du message par une stratégie de médiatisation . . III/ La politisation de l’enjeu : le souterrain sur la place publique . . Chapitre 4 Le contexte urbain comme élément perturbateur de la mobilisation . . 38 39 46 51 56 57 58 65 70 76 I/ La nécessité de se donner une nouvelle image pour devenir un interlocuteur légitime . . 76 II/ Le projet du nouveau tunnel inscrit dans la continuité d’une légitime évolution urbaine . . 83 III/ L’improbable classement : les moyens de protection du patrimoine interrogés par le souterrain . . I/ Le soutien des réseaux associatifs et l’utilisation de leur légitimité reconnue . . 93 101 102 102 II/ Les politiques face à l’exigence d’un label : les devoirs d’une ville classée mondialement . . 108 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain . . Chapitre 5 La mobilisation tacite d’une nébuleuse plus large d’acteurs . . III/ L’engagement des constructeurs : les garanties permises par les progrès techniques . . Chapitre 6 Le consensus autour d’une patrimonialisation « sur mesure » . . I/ Le patrimoine comme une action collective : le souterrain retrouve un « supplément d’âme » . . II/ Le patrimoine comme une tendance : le souterrain comme nouvelle étape . . III/ Le patrimoine comme une modernité : le souterrain modèle de consensus ? . . Conclusion . . Sources . . Eléments d’observation . . Entretiens . . Séances d’observation . . Echanges téléphoniques . . Courriers . . Emails . . Comptes-rendus de réunions . . Eléments journalistiques . . Avant la mobilisation . . Pendant la mobilisation . . Gestion du sous-sol lyonnais . . Rénovation lourde du tunnel . . Préservation du patrimoine . . Autres éléments . . Sites Internet . . Films . . Documents écrits . . Bibliographie . . Ouvrages sur la notion de patrimoine . . Ouvrages sur les souterrains et ses explorateurs . . Autres ouvrages . . Articles . . Travaux universitaires . . Colloque . . Sites Internet . . Annexes . . 114 117 118 121 123 126 128 128 128 129 129 130 130 130 130 131 131 132 132 133 134 134 134 134 137 137 138 138 139 140 140 141 142 Dédicace Dédicace A Sarajevo, Delescluse Juliette - 2008 5 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Remerciements Je souhaite exprimer mes remerciements les plus sincères envers toutes les personnes qui grâce à leurs encouragements, suggestions et témoignages m’ont permis d’explorer les « antres » de la recherche. Merci à Renaud Payre, mon précieux directeur de mémoire. L’alliance subtile de ses compliments et exigences m’a permis d’ouvrir ma réflexion et aussi parfois de la recadrer. Merci à mes parents qui ont su éveiller mon sens de la curiosité grâce à l’éducation qu’ils m’ont donnée. Merci aussi à mes frères pour leurs stimulantes moqueries. Merci à mes amis et autres membres de ma famille qui ont su chacun à leur manière m’accompagner dans les excitations et les doutes de cette enquête. Merci enfin à toutes les personnes rencontrées lors de cette étude. Sans leurs témoignages et confiance, ce travail n’aurait jamais pu voir le jour. Ce mémoire se veut être le reflet de toutes ces personnalités. 6 Delescluse Juliette - 2008 Introduction Introduction « Est-ce que Monsieur est fou ? » me dit-elle. Je fis un signe affirmatif. « Et il vous emmène avec lui ? » Même affirmation. « Où cela ? dit-elle. » J’indiquai du doigt le centre de la terre. « À la cave ? s’écria la vieille servante. Non, dis-je enfin, plus bas ! » Jules Verne, Voyage au centre de la terre, Chapitre VII En 1864, Jules Verne entraîne ses lecteurs dans un nouvel imaginaire : le centre de la Terre. L’attention du Professeur Otto Lidenbrock, héros « hors-norme » de cette aventure, se porte avant tout sur la recherche d’un « passage » pouvant mener l’expédition dans le monde souterrain. Une fois celui-ci franchi, la découverte de cet espace quasiment inexploré débuta. Nos villes recèlent encore d’espaces inexplorés. Des espaces méconnus qui nourrissent des légendes urbaines des plus captivantes. Les souterrains de Lyon font partie de cet imaginaire urbain. Soulever une plaque, ouvrir une grille, descendre une échelle métallique et déboucher sur une quarantaine de kilomètres de galeries en tout genre 1 sillonnant les collines de Fourvière et de la Croix-Rousse . 1 BARBIER C., Les souterrains de Lyon.Lyon, Editions Verso, 1994. Delescluse Juliette - 2008 7 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Puits privé Rue Sainte-Catherine.. Photo : Julien Tatéossian La plupart des galeries lyonnaises ont été construites pour répondre aux besoins en eau des habitants. Dès la fondation de Lugdunum, quatre aqueducs alimentent la ville depuis l’Yzeron, la Brévenne, le Gier et les Monts d’Or. Ils seront détruits lors de l’effondrement de l’Empire romain aux IVème et Vème siècles. Durant les siècles suivants, la profession de puisatier fait peu à peu son apparition. Dans le but d’atteindre une nappe d’eau, le puisatier commence par creuser un puits. S’il rencontre tout de suite de l’eau, sa tâche est terminée. Mais s’il n’en trouve pas, il creuse une galerie à l’horizontale depuis le fond de son puit afin de le relier à une nappe phréatique voisine. Si là encore il ne trouve rien, il abandonne la galerie initiale, et creuse une nouvelle galerie dans une autre direction. S’il rencontre un obstacle et faute de moyens adéquats, il le contourne tout simplement. Ceci explique la présence de nombreuses galeries sinueuses dans le sous-sol lyonnais. Les puits privés et les galeries de captage se sont ainsi multipliés sans que des traces écrites sur les emplacements de ces derniers subsistent. Quelques documents écrits existent cependant grâce aux différents 8 Delescluse Juliette - 2008 Introduction 2 procès ayant eu lieu pour des détournements de source. Une « guerre de l’eau » va en effet débuter à Lyon. Le développement du réseau public de distribution d’eau marque le début de l’abandon et de l’obstruction des puits privés et galeries de captage par les Lyonnais. Suite aux diverses épidémies de choléra, le maire de Lyon Victor Augagneur décide en 1900 de rendre obligatoire l’utilisation de l’eau fournie par les captages de Saint-Clair. Cette décision mettra définitivement un terme à la pratique des puits privés. Les galeries tomberont dans l’oubli à partir de ce moment-là jusqu’à la tragique catastrophe de Fourvière en 1930. Un imaginaire collectif lyonnais va naître autour de ces galeries. Les rumeurs autour de l’existence d’un lac sous la colline de Fourvière l’illustrent bien. Cet imaginaire est notamment entretenu par de régulières découvertes fortuites de nouvelles galeries. En 1959, la découverte du réseau surnommé « arêtes de poisson », à cause de sa forme, en fait ainsi partie. Trente-quatre galeries latérales d’une trentaine de mètres chacune rejoignent une arête centrale. Ce réseau situé sur les pentes de la Croix-Rousse ne ressemble en rien aux autres galeries lyonnaises « classiques » de drainage. Il est donc d’autant plus propice à alimenter les imaginations et à susciter la curiosité. Les « cataphiles » sont des Lyonnais passionnés par les réseaux souterrains de la ville. Tous les explorateurs des souterrains lyonnais ne partagent pas cette appellation. Mais le terme « cataphile » désigne néanmoins un amateur de visites des espaces souterrains, à l’origine Parisien. La première partie du mot renvoie en effet aux catacombes de Paris. La fin du mot au préfixe « -phile », celui qui aime. Le cataphile se distingue du spéléologue car il part à l’exploration des souterrains construits avant tout par l’homme. Ces explorateurs urbains présentent des profils multiples mais ils partagent tous la même motivation : 2 Expression utilisée par l’auteur dans: BARBIER C., op.cit. Delescluse Juliette - 2008 9 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson découvrir ce qui se cache sous les pavés lyonnais. Suite à différents incidents, un arrêté municipal du 22 février 1989 interdit l’accès aux souterrains lyonnais aux personnes autres que les services compétents chargés de leur entretien. L’accès aux souterrains devient ainsi réservé au service assainissement de la Communauté Urbaine du Grand Lyon (par la suite, cette mission sera à la charge du service galeries) et à la division prévention sécurité de la ville de Lyon. Les différents accès sont condamnés. Une rupture apparaît à partir de cette date. Dès lors, les cataphiles se retrouvent dans l’illégalité lors de leurs visites souterraines. Les cataphiles vont se mobiliser à partir de septembre 2007 suite au projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse. Ils décident d’agir car celui-ci risque de détruire une partie du réseau souterrain des arêtes de poisson. Ce projet représente, selon eux, une « irréversible atteinte au patrimoine qui [...] risque fort de pousser son cri 3 d’agonie, inaudible, sous les coulées de béton… » . Ils sont tous cependant conscients qu’ils ne peuvent pas empêcher le percement du second tube. Celui-ci, parallèle au tunnel existant, servira à la fois de tube de sécurité mais aussi de tube permettant la circulation 4 des transports en commun et des « modes doux » (vélos, rollers, piétons et trottinettes) . Notre étude portera sur la notion de patrimoine et en particulier sur les acteurs qui participent à sa préservation. Nous intégrerons dans notre étude la particularité des relations mises en place dans un territoire spécifique qu’est la ville. Cet aspect urbain nous semble intéressant dans le sens où la ville peut-être considérée comme un espace où se confrontent des projets dits d’ «avenir» et des projets de préservation du patrimoine souvent accusés de «passéistes». Enfin, notre intérêt portera aussi spécifiquement sur la particularité du patrimoine souterrain, qui est un patrimoine « non visible » sauf dans l’illégalité ou pour des spécialistes. Regards sur le patrimoine Afin de porter un regard scientifique sur la notion de patrimoine, l’exercice périlleux de 5 sa définition est un préalable inéluctable . La notion de patrimoine, et la réalité qu’elle recouvre, sont de plus en plus difficiles à délimiter. Le patrimoine est en pleine expansion. Le patrimoine a cessé d’être un patrimoine uniquement monumental. Mais ce mouvement n’est pas seulement quantitatif, il est aussi qualitatif. Ce dernier aspect se traduit par une transformation profonde de la perception du patrimoine. En quelques années, une conception « continue » du patrimoine a pris la place d’une conception « discrète », 3 Site de la pétition cataphile pour la sauvegarde des arêtes de poissons: < http://aretesdepoisson.free.fr > Consulté en mai 2008. 4 Définition donnée par le Grand Lyon sur son site à la rubrique « Déplacements ». Site Internet du Grand Lyon : <http:// www.grandlyon.com/> Consulté en mai 2008. 5 DI MEO G., « Processus de patrimonialisation et constructions des territoires ». Colloque Patrimoine et industrie en Poitou- Charentes : connaître pour valoriser, Poitiers-Châtellerault, 12-14 Septembre 2007. En ligne. 19p. < http://www.ades.cnrs.fr/IMG/pdf/ GDM_PP_et_CT_Poitiers.pdf>. Consulté en mai 2008. 10 Delescluse Juliette - 2008 Introduction 6 discontinue du patrimoine. Cette mutation de la perception du patrimoine s’est faite non seulement avec l’extension des publics mais aussi avant tout grâce à l’intérêt croissant porté sur l’étude de cette notion par les juristes, historiens, sociologues, ethnologues et 7 philosophes. Derrière la vogue du mot, ils cherchent ainsi à décrire le « symptôme ». Le patrimoine renvoie à des usages sociaux, des pratiques institutionnelles et des politiques publiques qu’il convient d’analyser. La mobilisation du patrimoine est un aspect central de la notion de patrimoine. Et en particulier de nos jours où cette mobilisation apparaît de plus en plus éclatée mais sans pourtant avoir perdu de sa force. Un élargissement de la notion de patrimoine Un bien hérité Comme le précise André Chastel, « le mot est ancien, la notion semble immémoriale ». 8 Le sens moderne du mot n’apparaît qu’au terme d’une évolution historique débutée à la Révolution Française. Avant cette évolution sémantique, le Littré de 1863 définit le patrimoine comme un « bien d’héritage qui descend, suivant les lois, des pères et mères à leurs enfants ». Cette référence primaire aux biens et aux droits du père, hérités un jour par filiation, introduit de fait l’idée d’une transmission intergénérationnelle. Le droit romain, en partie à l’origine du droit français, considère le patrimoine comme l’ensemble des biens familiaux non pas selon leur valeur pécuniaire, mais dans leur condition de biens à transmettre. L’héritier est plus le dépositaire que le propriétaire 10 9 . Dans ce schéma hiérarchisé, l’autorité procède toujours d’un temps antérieur . L’autorité du père légitime la protection. Celle-ci s’exprime alors à travers le patrimoine qui devient une composante de la famille. Selon Hannah Arendt, c’est une forme de coercition par la raison. C’est donc 11 un principe légitime de contrainte sans user des moyens externes de la violence . Cette conception du patrimoine ne retient que des biens transmissibles ou cessibles. Elle évolue pour correspondre de plus en plus à des valeurs de passage et à des valeurs sociales collectives 12 . Un bien collectif 6 DUPAVILLON C., « Préface », dans Collectif, Regards sur le patrimoine, Paris, Réunion des musées nationaux, coll. « Enjeux Culture », 1992. 7 VADELORGE L., « Introduction », dans POIRRIER P. et VADELORGE L. (dir.), Pour une histoire des politiques du patrimoine, Paris, La Documentation Française, 2003. 8 CHASTEL A. et BABALON J-P., La notion de patrimoine, Paris, L.Levi, 2000. Première parution dans La Revue de l’Art, numéro 49, 1980. 9 10 11 12 GREFFE X., La valorisation économique du patrimoine, Paris, La Documentation Française, 2003. DOAT M. et REBOURG M. (dir.), Regards croisés sur les droits de la famille et du patrimoine, L’Harmattan, Paris, 2005. ARENDT H., La crise de la culture. Huit exercices de pensée politique, Paris, Gallimard, 1972. ROBINE N., « Des usages des mots », Dans LAMY Y. (dir.), L’Alchimie du patrimoine. Discours et politiques, Paris, Publications de la Maison des sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1996. Delescluse Juliette - 2008 11 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Après la Révolution française, un patrimoine collectif commence à être envisagé notamment avec la notion de Monument Historique. On passe dès lors d’une notion de patrimoine personnel, dans un sens juridique de patrimoine, à une notion beaucoup plus ample. Les biens et les propriétés de la monarchie et de l’Eglise sont dorénavant considérés comme un bien public dont la propriété appartient à la collectivité. L’Abbé Grégoire avait fait admettre cette nouvelle considération dans son rapport à la Convention intitulé « Rapport sur les destructions opérées par le vandalisme et les moyens d’y remédier » (le 14 Fructidor an II, c'est-à-dire en septembre 1794). Ils sont des témoins matériels appartenant à l’histoire et donc utiles à la compréhension du présent. L’intérêt économique penchait aussi sans doute en faveur du vandalisme par la récupération notamment de matériaux. Mais de nombreuses personnalités dont Victor Hugo 13 et Stendhal se sont mobilisées contre ces pratiques. Le Monument Historique va briser l’ordre symbolique auquel la conservation et la 14 mémoire étaient vouées dans l’Ancien Régime . Une mutation s’effectue. L’hommage religieux rendu à la relique a laissé sa place à un « culte laïque » pour la matière venue 15 16 du passé . Le titre de l’ouvrage d’Aloïs Riegl, « Le culte des monuments modernes », témoigne de ce fait. Une citoyenneté nouvelle est donnée aux monuments historiques qui 17 deviennent constitutifs du politique et intiment liés à sa souveraineté . Le patrimoine a été un outil essentiel dans la création des Etats-Nations (National Awakening ou NationBuilding) au cours du XIXème siècle. Et inversement, la construction nationale a été un producteur de patrimoine à la fois clair dans ses objectifs, peu hésitant dans ses choix et 18 efficace dans ses procédures . Les monuments deviennent à cette époque là une affaire d’Etat et font l’objet d’une politique publique. Prosper Mérimée est nommé inspecteur des Monuments Historiques en 1834. En tant que Ministre de l’Intérieur, François Guizot avait créé cette fonction en 1830. En 1837, une Commission des Monuments historiques voit le jour. Des lois sur l’inventaire, l’inscription ou le classement et la protection des Monuments Historiques sont ensuite votées en France en 1887 et en 1913. En 1963, André Malraux avait même suscité la création d’une Commission chargée de proposer une liste de monuments emblématiques du XXème siècle. La logique du Monument Historique conduit à la doctrine de la restauration. Celle-ci repose sur le principe qu’une fois sous la charge de l’Etat, l’édifice ne doit plus évoluer, puisque parfait 19 . La société est ainsi rassemblée autour de symboles irréfutables, régaliens, dans la longue tradition de la naissance de la République. Cette logique savante, légitimiste, vise à déterminer une catégorie d’objets et de lieux qui seraient à la fois exceptionnels et universels. Les frontières politiques devraient dans l’idéal être abolies et le génie humain 13 BEGHAIN P., Victor Hugo. Guerre aux démolisseurs, Vénissieux, Paroles d’Aube, 1997. 14 15 16 17 18 GREFFE X., op.cit. JADE M., Le Patrimoine immatériel. Perspectives d’interprétation du concept de patrimoine, Paris, L’Harmattan, 2006. RIEGL A. et BOULET J., Le Culte moderne des monuments. Sa nature, ses origines, Paris, L’Harmattan, 2003. BERCE F., Des monuments historiques au patrimoine du XVIIIe à nos jours, Paris, Flammarion, 2000. GRAVARI-BARBAS M., « Le patrimoine territorial. Construction patrimoniale, construction territoriale : vers une gouvernance », Dans BEAUCHARD J. (dir.), La Mosaïque territoriale, enjeux identitaires de la décentralisation, Paris, l’Aube, p.51-66. En ligne. 8p. <http://carta.in2p3.fr/image/2004/gravari_barbas.pdf >. Consulté en mai 2008. 19 12 CHASTEL A. et BABALON J-P., op.cit. Delescluse Juliette - 2008 Introduction célébré à travers eux. La notion de patrimoine mondial au sens de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), bien que plus tardive, se révèle paradoxalement proche de cette vision. C’est « Le Patrimoine » qui a une essence sacrée, quasi religieuse. Cette dernière s’exprime avec des interdits : interdiction de toucher, 20 de déplacer, de transformer. L’essentiel de leur sens se résume dans leur matérialité . La crise de l’Etat-Nation met fin à ce projet national patrimonial en France. Au projet national unique, fédérateur, centralisé et savant, s’est substituée toute une multitude de projets parallèles menés par différents acteurs sociaux donc la place à des « mémoires plurielles » 22 21 . La « mémoire nationale » cède . Un bien approprié Dans les années 1970, les grands référents théoriques se désagrègent. Devant ce recul de l’universel, dans un monde désenchanté et sécularisé où aucune valeur ne s’impose vraiment 23 chaque objet, chaque évènement et chaque lieu affichent en toute légitimité une potentialité, voire une prétention patrimoniale 24 25 . Cette extension de la notion de patrimoine est synonyme pour Eugène Ollivier d’un processus de « désagrégation du concept de Monument Historique au profit de celui de patrimoine » qui a porté la « conception élitiste et unificatrice du Monument Historique » à se fondre dans celle universaliste du patrimoine. La logique subjective du patrimoine remplace dorénavant celle objective caractérisant le 26 Monument Historique . Cette rupture s’effectue dans un contexte d’éclatement de la famille nucléaire traditionnelle. Tout comme le patrimoine, elle n’est plus une réalité biologique et institutionnelle mais un mode de vie et un tissu affectif paternelle » fait place à « l’autorité parentale » 28 27 . D’autre part, la « puissance . 29 Cette nouvelle logique de construction du patrimoine est sociale, commune . Elle résulte d’abord de la reconnaissance par des acteurs, que pour le groupe dont ils se réclament appartenir, un objet ou un lieu prend un sens particulier à un moment donné, en signifiant un rapport spécifique et collectif au passé ou au territoire. Ce type de patrimoine prend tout son sens dans les rapports sociaux et se trouve à la base d’un échange 20 RAUTENBERG M., « Comment s'inventent de nouveaux patrimoines. Usages sociaux, pratiques institutionnelles et politiques publiques en Savoie », Culture et Musées, numéro 1, 2003. pp.19-40. 21 22 GRAVARI-BARBAS M., op.cit. LENIAUD J-M. et DELOCHE B., La culture des sans-culottes. Le premier dossier du patrimoine. 1789-1798, Paris, Editions de Paris-les presses du Languedoc, 1989. 23 24 25 26 27 28 BOURDIN A., Le patrimoine réinventé, Paris, Presses Universitaires de France, 1984. DI MEO G., op.cit. DESVALLEES A., « A l’origine du mot patrimoine », Dans POULOT D., Patrimoine et modernité, Paris, L’Harmattan, 1998. GREFFE X., op.cit. LAMY Y. (dir.), op.cit. DOAT M. et REBOURG M. (dir.), op.cit. 29 RAUTENBERG M., op.cit. Delescluse Juliette - 2008 13 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson économique ou symbolique avec le voisin. Dans cette optique, il peut se rapprocher du sens originaire du patrimoine, à la différence qu’il comprend un champ d’objets patrimoniaux beaucoup plus vaste. Ce patrimoine est donc « pragmatique » parler au pluriel. 30 et il est plus juste d’en En ce qui concerne la nature même de ce qui est transmis, une « dématérialisation 31 32 » du patrimoine apparaît. La question d’un « patrimoine immatériel » est ainsi étudiée . Enfin, la patrimonialisation de la nature n’a cessé de progresser grâce au succès de sujets 33 comme le développement durable et la protection environnementale . Un site ou même un paysage peuvent faire partie du patrimoine. Des précautions ont aussi été prises pour protéger l’environnement autour de l’édifice protégé. Pierre Nora utilise donc la notion de « construction patrimoniale par le bas », avec des références identitaires multiples, pour la distinguer de la précédente, « une production monumentale par le haut », en référence à l’identité nationale et aux élites 34 . L’Etat semble avoir accompagné cette demande sociale et a légitimé l’élargissement de la notion. Le terme de « patrimoine » se répand dans les institutions. En 1972, l’UNESCO parle de « patrimoine mondial ». L’année 1980 est décrétée comme l’« année du patrimoine ». Et en 1978, la « direction du patrimoine » est crée au Ministère de la Culture. Cette nouvelle forme de construction patrimoniale apparaît donc plus fragile, plus mobile et plus fluctuante. Sa valeur est essentiellement locale et contingente à une situation sociale 35 et historique donnée . Une prise de conscience a eu lieu sur le fait que la conservation ne pouvait plus être fondée sur la qualité intrinsèque de la chose. Elle devait être fondée dorénavant sur la capacité d’y reconnaître des valeurs esthétiques, historiques, scientifiques et sociales. C’est désormais la société ou la communauté qui doit reconnaître les valeurs sur lesquelles construire sa propre identité culturelle (Charte de Cracovie, 2000). Les hésitations de l’analyse C’est seulement dans le milieu des années 1970 que se développent des recherches consacrées au patrimoine mais celles-ci portent encore principalement sur les Monuments Historiques. Il faut attendre les années 1984-1987 pour que cela évolue, en particulier avec les ouvrages d’Alain Chastel et Marc Guillaume 36 . Les années 1990 compléteront ces approches en cherchant notamment à qualifier ou à expliquer l’extension du patrimoine 30 31 32 33 34 35 36 37 14 SHURSTERMAN R., Cité dans RAUTENBERG M., op.cit. DI MEO G., op.cit. JADE M., op.cit. RAUTENBERG M., Campagne de tous nos désirs, Paris, Editions MSH, 2000. NORA P., Les lieux de mémoire. Tome 3, Paris,Gallimard, 1992. RAUTENBERG M., op.cit. GUILLAUME M., La politique du patrimoine, Paris, Galilée, 1980. POIRRIER P. et VADELORGE L. (dir.), op.cit. Delescluse Juliette - 2008 37 . Introduction Un phénomène critiqué L’intérêt croissant porté au patrimoine fait l’objet d’une abondante littérature critique, de la part non seulement des spécialistes mais aussi des sociologues. Lors de nombreux colloques, journées d’études et séminaires, les chercheurs et acteurs approfondissent la signification de l’extension du patrimoine. Cette extension de la patrimonialisation apparaît déraisonnable pour certains. Elle reviendrait à une invasion de la société par un processus de pétrification, d’immobilisme, de sclérose et de mise sous contrainte de la vie sociale 38 . Le patrimoine peut aussi devenir un banal objet de consommation pour un tourisme de masse ou un objet victime des modes. La nouvelle vision du patrimoine renvoie à des stratégies qui appellent la nécessité d'une éthique 39 . Les politiques patrimoniales contemporaines sont aussi visées. Le manque de moyens pour répondre aux intentions unitaires pour lesquelles elles ont été créées est critiqué. 40 « La balkanisation du patrimoine » est dénoncée . D’autres éveillent, au contraire, sur le fait que les politiques patrimoniales peuvent prendre appui sur des traditions construites. Elles semblent anciennes ou se proclament comme telles, mais elles ont souvent une 41 origine très récente et sont parfois inventées . La politique patrimoniale est comparée par d’autres comme à une politique au sens traditionnelle du terme, c'est-à-dire un « art de paître le bétail humain, aujourd’hui égaré et ramené dans le champ rassurant d’une fiction : celle d’une société qui saurait mieux que les autres, concilier la continuité et le 42 changement, la conservation et la création » . Un conflit apparaît entre une démarche exclusivement scientifique et un point de vue strictement social, entre « élitisme » d’une part et « populisme » de l’autre 43 . Un phénomène analysé En parallèle à cette posture, il existe une autre démarche qui cherche plutôt à décrire et à comprendre le processus de patrimonialisation. Elle aborde les faits sans les juger. Cette 44 « bienveillante neutralité » cherche à saisir la logique sous-jacente des pratiques. Le patrimoine devient un fait social à étudier. Certains utilisent même la notion controversée de « patrimoine ethnologique » 45 . Le patrimoine est le résultat d’un tri dans la production humaine, ou en d’autres termes d’une convention 38 39 46 . Par conséquent, un objet rentre dans JEUDY P., Patrimoines en folie, Paris, Editions MSH, 1990. Ibid. 40 41 LENIAUD J-M., L’Utopie française. Essai sur le patrimoine, Paris, Mengés, 1992. HOBSBAWN E., « Inventer des traditions », Revue Enquête, Usages de la tradition numéro 2, 1995. pp.171-189 En ligne. <http://enquete.revues.org/document319.html> Consulté en mai 2008. 42 43 44 45 46 GUILLAUME M., op.cit. AUDRERIE D. et PRIEUR M., Les monuments historiques, un nouvel enjeu ?, Paris, L’Harmattan, 2004. DAVALLON J., « Comment se fabrique le patrimoine ? », Sciences Humaines, Hors-série numéro 36, Mars-Avril-Mai 2002. CHIVA I., Dans FABRE D, L’Europe entre culture et nations, Paris, MSH, 1996. LENIAUD J-M., op.cit. Delescluse Juliette - 2008 15 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson le patrimoine dès qu’il perd sa valeur d’usage pour se voir affecter une valeur patrimoniale. Cette logique a été comparée par certains à ce qu’appelle Umberto Eco : « une logique de trouvaille » 47 . Comme le résume André Chastel : « le patrimoine se reconnaît au fait que sa perte constitue un sacrifice et que sa conservation suppose des sacrifices » 48 . Il semble ne pas exister de patrimoine hors de processus complexes de désignation et d’appropriation. Aucune intervention n’est donc possible sans la compréhension précise des 49 processus sociaux par lesquels une société produit son patrimoine . Yvon Lamy précise la nature fondatrice des séquences juridiques de 1830, 1913 et 1964. Mais il propose aussi de distinguer « patrimoine » et « objet patrimonial » 50 . La prise de conscience d’un nouvel objet d’étude Différents champs d’analyse questionnent l’objet d’étude nouveau qu’est devenu le patrimoine. Les auteurs tentent d’abord d’établir différentes périodisations du développement du fait patrimonial (dans les institutions notamment). D’autre part, les chercheurs questionnent toujours plus les rapports entre mémoire, histoire et patrimoine. La territorialisation des pratiques patrimoniales est aussi développée dans les études. Enfin, le consensus scientifique porte sur la notion d’ « invention » voire de réinvention perpétuelle du patrimoine à travers la patrimonialisation 51 . Périodisation et patrimoine. Des moments Guizot (1830) et Malraux (1960) sont distingués. Entre les deux, apparaissent des grandes lois républicaines protégeant le patrimoine monumental (1887 et 1913) et les sites naturels (1906 et 1913). D’autres séquences historiques moins connues que la période révolutionnaire sont étudiées, comme la fin de l’Empire (1810-1815) et la Restauration (1815-1830) 52 . Mémoire et patrimoine. L’œuvre de Pierre Nora se distingue dans la masse 53 bibliographique . Entre 1984 et 1993 paraissent à son initiative les différents tomes intitulés Les lieux de mémoire. Le mot fera son entrée en 1993 dans le dictionnaire Le Grand Robert de la langue française. Ainsi selon Pierre Nora : « un lieu de mémoire dans tous le sens du mot va de l’objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à 54 l’objet le plus abstrait et intellectuellement construit » . Il devient donc lieu de mémoire quand une communauté l’investit de son affect pour qu’il échappe à l’oubli, en particulier 47 48 UMBERTO E., Cité dans DAVALLON J., op.cit. CHASTEL A. et BABALON J-P., op.cit. 49 50 51 LAMY Y. (dir.), op.cit. POIRRIER P. et VADELORGE L. (dir.), op.cit. 52 53 54 16 RAUTENBERG M., op.cit. Ibid. Ibid. NORA P., op.cit. Delescluse Juliette - 2008 Introduction 55 dans un contexte de crise de la modernité . Les travaux de Maurice Halbwachs démontrent la pertinence de la notion de mémoire et en particulier de mémoire collective dans l’analyse des phénomènes sociaux 56 . Territoire et patrimoine. La « parenté conceptuelle » entre patrimoine et territoire 57 est soulignée. La patrimonialisation crée, redéfinit ou renforce les territoires . Ceci est d’autant plus vrai depuis les lois sur la décentralisation. Dans cette optique, certains auteurs proposent de développer la question de la gouvernance patrimoniale. Cette idée se base sur le fait que dans la patrimonialisation participent désormais une multitude d’acteurs à côté de l’Etat central et des collectivités territoriales. Elle impliquerait l’idée d’un projet patrimonial global sur un territoire, intégrant les populations et dépassant le « fétichisme du 58 tout patrimoine » . L’histoire du patrimoine et l’histoire de l’urbanisme sont articulées dans le sens où l’une et l’autre sont des manières de faire la ville et ne peuvent être dissociées 59 . Enfin, la construction patrimoniale apparaît intiment liée à des enjeux d’appropriation de l’espace 60 . Patrimoine et patrimonialisation 61 Trois étapes caractérisent en général la naissance d’un patrimoine . Tout d’abord, la société crée spontanément ce dont elle a besoin. C’est la première étape. L’étape suivante consiste en une prise de conscience, qui place hors du champ utilitaire initial l’objet produit précédemment. Enfin, la dernière étape est celle où l’objet a conquis une identité patrimoniale qui justifie de son statut de gestion collective. Ce processus d’affectation d’une valeur patrimoniale au terme d’un processus d’adoption s’appelle une « appropriation ». Cette appropriation se fait selon certains critères appliqués par des « médiateurs » 63 62 ou des « entrepreneurs du patrimoine » . L’application des critères donne lieu au phénomène de patrimonialisation. En d’autres termes, c’est entre la deuxième et la troisième étape que naît le patrimoine. Ce mécanisme est comparé au processus de « filiation inversée » 64 qui consiste à ce que les héritiers choisissent de facto ce qu’ils ont hérité. Mêlant des acteurs variés et des contextes sociaux tant idéologiques, politiques, économiques que territorialisés, la production patrimoniale devient un objet d’étude, dénué de tout 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 DI MEO G., op.cit. HALBWACHS M., Cité dans RAUTENBERG M., La rupture patrimoniale, Paris, Editions A la croisée, 2003. DI MEO G., op.cit. GRAVARI-BARBAS M., op.cit. CHOAY F., L’allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1992. GRAVARI-BARBAS M., op.cit. COLARDELLE M., Cité dans GREFFE X., op.cit. LENIAUD J-M., op.cit. BOURDIN A. parle d’ « entrepreneurs de localisation ». Paraphrasé dans GRAVARI-BARBAS M., op.cit. LENCLUD G., Cité dans DAVALLON J., Nouveaux regards sur le patrimoine, Arles, Actes Sud, 2003. Delescluse Juliette - 2008 17 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson jugement critique. C’est cette dernière approche qui me parait la plus pertinente et la 65 plus aboutie. Ainsi selon Michel Rautenberg , l’appropriation de la notion de patrimoine par les sciences humaines a conduit à un renouvellement de l’approche du patrimoine. C’est donc l’ensemble des usages sociaux du patrimoine qu’il est fructueux de prendre en considération. Notamment parce qu’il constitue assurément un lieu privilégié pour interroger 66 le rapport que les sociétés modernes entretiennent à elles-mêmes . Et en particulier dans le cas qui nous intéresse, le rapport que certains acteurs développent à leur ville. Patrimonialiser le souterrain ? Nous étudierons la tentative de construction d’un objet patrimonial par la mobilisation de différents acteurs aux représentations et aux stratégies différentes. Nous chercherons à cerner comment cette construction s’insère dans un contexte particulier qui est le contexte urbain avec un objet patrimonial lui aussi spécifique : un réseau souterrain méconnu par les Lyonnais. Nous nous questionnerons sur les types d’interactions créés autour de cet objet. A savoir si elles sont le reflet d’interactions pouvant se dérouler à la surface ou si elles ont leurs logiques propres, en tant que situation parallèle mais non semblable du fait de l’illégalité d’accès aux souterrains. Nous chercherons à comprendre si elles sont pour autant opposées car situées dans une situation où l’illégalité fait partie de la mobilisation. L’exploration du terrain Notre étude repose avant tout sur un travail de terrain. La méthode utilisée est proche d’un 67 modèle d’investigation : le « paradigme indiciaire » de Carlo Ginzburg . Le détective lit sur le cadavre tous les indices susceptibles de reconstituer une identité, une temporalité, les circonstances de la mort et tente de détecter les traces laissées par le criminel. Cette méthode peut s’utiliser en sociologie pour cerner les différents protagonistes, reconstituer des représentations, des logiques et un processus. Tout cela est fait à partir d’indices, de « traces ». Suivant cette méthode, nous avons cerné les différents acteurs gravitant autour de la situation et nous les avons rencontrés pour suivre ensuite d’autres pistes et élargir le champ de notre étude. Mais avant cela, il a d’abord fallu aborder le monde du souterrain dans ses aspects scientifiques et historiques. Cela a été fait dans un premier temps grâce à quelques ouvrages spécialisés sur la question. Et ensuite surtout au fur et à mesure sur le terrain. 65 RAUTENBERG M., « Comment s'inventent de nouveaux patrimoines. Usages sociaux, pratiques institutionnelles et politiques publiques en Savoie », op.cit. 66 BABADZAN A., « Les usages sociaux du patrimoine », Ethnologies comparées, Numéro 2, printemps 2001. En ligne. < http:// recherche.univ-montp3.fr/mambo/cerce/r2/a.b.htm> Consulté en mai 2008. 67 THOUARD D., L’interprétation des indices - Enquête sur le paradigme indiciaire avec Carlo Ginzburg, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007. 18 Delescluse Juliette - 2008 Introduction L’entrée sur le terrain s’est déroulée grâce à la méthode de l’ « observation participante ». Cette méthode est théorisée par l’ethnologue polonais Bronislaw Malinowski qui s’était inséré plusieurs années au sein des sociétés mélanésiennes. Elle sera, entre autres, diffusée par l’Ecole de Chicago. La ville est vue comme une sorte de « laboratoire 68 social » . Afin de se faire accepter dans les différents groupes et en particulier chez les cataphiles, il s’est agi avant tout de créer un climat de confiance sincère avec un acteur central du groupe. Il nous a ainsi permis d’entrer légitimement dans le groupe. Cette confiance nous l’avons notamment obtenu en aidant concrètement à la préservation des arêtes de poisson. Il a donc été nécessaire de remettre sans cesse en question cette implication afin de garder, comme le dit Max Weber, une certaine « neutralité axiologique » 69 . Mais cependant il a fallu veiller en permanence à alimenter la relation avec notre « informateur ». Les différents entretiens ont été faits sur le mode semi-directif. Un certain nombre de thèmes à aborder étaient prédéterminés en amont. Les premiers entretiens avaient avant tout pour but la connaissance du terrain. Par la suite, ils ont consisté à mieux cerner les représentations des différents acteurs, en particulier sur le patrimoine. Nous avons pu participer aux diverses réunions réunissant les nombreux acteurs grâce à notre implication dans la préservation. Il a fallu gérer lors de ces réunions les positions variables que nous avions pu avoir avec les multiples acteurs. Pour cela, un journal d’enquête a été tenu afin de se remémorer ces différents statuts. Les acteurs peuvent se décliner en plusieurs groupes : 1. Les « cataphiles » avec les multiples « tendances » au sein de ce groupe. 2. Les « responsables » de la construction du nouveau tube de sécurité dans le cadre de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse. 3. Les « institutionnels » municipaux chargés du patrimoine et des sites historiques lyonnais. Ainsi que les instances de la « démocratie participative ». 4. Les différents « associatifs » défendant la préservation du patrimoine lyonnais. 5. Les « experts » de la Direction Régionale des Affaires Culturelle (DRAC) et les archéologues du service archéologique de la ville de Lyon. D’autre part, la recherche de sources aussi variées que possible a aussi fait partie de notre travail de terrain. Les sources journalistiques ont été recherchées sur le sujet depuis les années 1980. Une revue de presse a aussi été faite dès les débuts de la mobilisation (septembre 2007). Il s’est aussi agi de collecter un maximum de sources pouvant provenir des différents acteurs. Enfin, les archives municipales et celles du Grand Lyon ont été utilisées. Mais cependant, le travail de terrain a été privilégié afin d’appréhender au mieux les différentes interactions, représentations et logiques en train de s’élaborer à une période donnée. Il a fallu observer les détails pour fonder une recherche. C’est donc en conclusion 70 selon la méthode de « l’ethnographie sociologique » fondée sur l’observation, l’entretien ethnographique et l’analyse des « matériaux » officiels et officieux des acteurs que nous avons effectué notre recherche. Ce mémoire se veut donc l’illustration d’une situation particulière tant au niveau géographique, que temporel ou matériel. Il reste dans cette optique le récit d’un moment. 68 69 GRAFMEYER Y. et JOSEPH I., L’Ecole de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine. Paris, Aubier, 1984. WEBER M., Le savant et le politique, Union générale d’éditions, Paris, Collection 10/18, 1997, cop.1963. En ligne. 98p. <http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/weber_max.html> Consulté en mai 2008. 70 BEAUD S. et WEBER F., Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 1997, pp. 291-314. Delescluse Juliette - 2008 19 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Mise en jambe Nos hypothèses de départ ont été que malgré les divergences entre les acteurs, un consensus entre leurs représentations, logiques et stratégies existait. Il a fallu le déterminer. Au cas où un consensus n’émergeait pas, des profils communs devaient exister au sein des différents acteurs. D’autre part, il semble que les logiques mobilisées autour des souterrains ne pouvaient pas être que l’opposé strict de la réalité en surface malgré l’illégalité. Elles ont sûrement une logique propre mais ont un trait commun : la préservation d’un patrimoine qui malgré tout, se fait selon des codes, processus et normes déterminés et intégrés. Cependant, ce sont sûrement des manières qui ont leur particularité propre dans un contexte urbain. Notre étude se déclinera en trois aspects principaux. Le souterrain est largement considéré comme un lieu méconnu sous la ville qu’il convient de sécuriser. Pour les cataphiles, c’est aussi un lieu d’exploration spatiale, imaginaire et historique (Partie 1). Une brèche est ouverte à partir de l’automne 2007 lorsque les cataphiles tentent de se mobiliser de diverses manières pour préserver de la menace le réseau souterrain des arêtes de poisson. Cette tentative de patrimonialisation du souterrain se heurte à des réalités sociologiques, urbanistiques et patrimoniales (Partie 2). Finalement, c’est une patrimonialisation particulière qui voit le jour autour des arêtes de poisson, du fait notamment de la rencontre entre les différents acteurs (Partie 3). 20 Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain « Je regardais autour de moi. Nous étions au centre d’un carrefour, auquel deux routes venaient aboutir, toutes deux sombres et étroites. Laquelle convenait-il de prendre ? » Jules Verne, Voyage au centre de la terre, Chapitre VII Photo : Superflux. La ville privilégie ses atouts extérieurs. Le promeneur qui la traverse remarque en premier lieu ses monuments, ses formes et ses couleurs. Il ne se rend pas compte que sous ses pieds sont enfouis des lieux discrets, invisibles et quasiment inaccessibles. Ainsi, « les espaces souterrains ont ceci de particulier qu’ils ne se livrent pas avec évidence » 71 . Les souterrains lyonnais ont souvent fait part de leur existence de manière fortuite. La sécurisation du sous-sol lyonnais reste une priorité pour les pouvoirs publics. Cette sécurisation se fait non seulement en termes techniques mais aussi en termes de fermeture d’accès (Chapitre 1). La vision utilitaire du sous-sol lyonnais est estompée dans l’esprit des cataphiles lyonnais pour laisser la place à un regard de passionnés. De fait, le souterrain devient pour eux un lieu d’explorations illégales (Chapitre 2). 71 VON MEISS P. et RADU F. (dir.), Vingt mille lieux sous les terres : Espaces publics souterrains, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2004, p.12. Delescluse Juliette - 2008 21 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Chapitre 1 Une visibilité limitée : spécialisation, interdiction et utilisation pratique du souterrain Suite à divers incidents, les pouvoirs publics locaux ont pris en charge dès 1930 la mission de sécuriser les galeries lyonnaises (I). Par la suite, ils ont décidé en 1989 de limiter à des spécialistes l’accès au réseau (II). Ainsi les souterrains restent non visibles pour la majorité des Lyonnais. Le sous-sol lyonnais est une marge de la ville. Il n’est principalement vu que dans son aspect utilitaire (III). I/ L’expertise comme réponse à une prise de conscience tragique de l’existence des souterrains Après des années d’oubli, les Lyonnais redécouvrent tragiquement les galeries souterraines de la ville avec la catastrophe de Fourvière qui se produit dans la nuit du 12 au 13 novembre 1930. Cet événement fait trente-neuf victimes et va marquer durablement l’inconscient lyonnais (A). L’entretien des réseaux de galeries va ainsi devenir une nouvelle mission pour les pouvoirs publics locaux (B). Une mission qui reste pour certains non dénuée de questionnements (C). A. Les lyonnais hantés par l’instabilité de leur sous-sol : les souterrains comme sources de dangers Le sous-sol lyonnais apparaît comme hostile en partie du fait de la succession d’accidents dont il est à l’origine. Le premier de ces accidents est le plus cité. Il sert régulièrement d’illustration à cette affirmation. La catastrophe de Fourvière : un traumatisme qui marque la redécouverte des galeries souterraines lyonnaises La catastrophe de Fourvière se déroule en deux temps. Elle débute tout d’abord avec la rupture du mur de soutènement du Chemin-neuf placé en bas du jardin des Chazeaux. Celui-ci a cédé sous la pression du terrain gonflé par les eaux avant de s’abattre sur l’immeuble situé au numéro 5 de la montée du Chemin-neuf. Les dégâts sont surtout matériels. Les pompiers se trouvent rapidement sur les lieux pour sortir les blessés des décombres. Mais tout à coup, deuxième temps de la catastrophe, une nouvelle partie du flanc de la colline se détache et balaie tout sur son passage. La colline est marquée par l’éboulement sur quatre cents mètres de longueur et deux cents mètres de large. Cette seconde coulée sera la plus meurtrière. Vue de l’éboulement de puis la Place Saint-Jean. 22 Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain Photo : Archives municipales. La catastrophe de Fourvière est mentionnée dans la majorité des articles portant sur les souterrains lyonnais. Dans un premier temps, l’ampleur des dégâts et des pertes humaines 72 est rappelée. C’est ainsi un cinquième de l’effectif des pompiers de l’époque qui meurt . Mais dans un second temps et principalement, un vocabulaire spécifique est utilisé pour décrire les réseaux de galeries qui parcourent la ville. Trois champs lexicaux se distinguent : Le champ lexical de l’énigmatique. On parle d’un « monde mystérieux » « monde secret sous la ville » inconnues » 72 75 74 73 et d’un . Ce sont aussi de nombreuses « caves et cavités . LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http:// www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960>. Consulté en mai 2008. 73 BARBIER C., «Les galeries souterraines : un monde mystérieux», Côté cour Côté jardin (Le magazine du personnel de la communauté urbaine de Lyon), n°16, novembre 1992. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 180). Delescluse Juliette - 2008 23 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Le champ lexical de l’insondable, au sens d’un phénomène dont on ne peut atteindre le fond. C’est ainsi un « réseau compliqué, dense » 76 Voire même, au pluriel : « des réseaux inextricables » « labyrinthe » 79 78 qui constitue le sous-sol lyonnais. 77 . Enfin, c’est aussi un véritable . Le champ lexical du danger. Les Lyonnais sont victimes d’un « héritage empoisonné » . Les souterrains sont « une termitière encore menaçante pour la ville du dessus » 80 . La catastrophe de Fourvière permet donc de découvrir à nouveau ce « gruyère » pendant longtemps tombé dans l’oubli mais pourtant au cœur de la ville. 81 A la recherche des responsabilités: comment qualifier juridiquement ce nouvel espace ? Une fois la surprise du drame passée, les questionnements portent principalement sur le caractère prévisible ou non de cette catastrophe. Il faut attendre 1952 pour qu’une note remise au Maire de Lyon Edouard Herriot attribue les responsabilités de la catastrophe à « l’affouillement de la colline dû à des infiltrations d’eau. Une étude entreprise par des experts permit de déceler la présence de plusieurs nappes aquifères et de galeries très 82 anciennes, la plupart effondrées » . C’est l’effondrement de ces galeries qui a empêché l’évacuation correcte de l’eau provenant du sous-sol de la colline. La pression de l’eau accumulée a fini par provoquer une rupture du mur de soutènement et l’éboulement d’un flanc de colline. Une prise de conscience se produit avec ce drame : le non entretien des galeries souterraines peut devenir un réel danger pour la sécurité publique. La question de la propriété de ces galeries est juridiquement assez floue. Aucune législation n’indique clairement à qui elles appartiennent. C’est dans la jurisprudence que l’on trouve les prémices d’une qualification juridique. L’arrêt du Conseil d’Etat de décembre 83 1971 (confirmant le rejet de la requête par le tribunal administratif de Lyon de décembre 1968) considère que malgré le fait que la ville de Lyon ait fait exécuter des travaux confortatifs dans des galeries situées à une dizaine de mètres de profondeur à l’état d’abandon (sous des immeubles privatifs ou sous la voie publique), cela ne les a pas transformé en « ouvrages publics ». Les galeries sont ainsi des « Regis nulli », c'est-à-dire 74 « Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », Courly-informations (Journal d’information de la communauté urbaine de Lyon), n°27, septembre 1982. (Archives du Grand Lyon 0012 PER 027). 75 Note géotechnique de la Commission des balmes de Lyon, réalisée par N. Mongereau et L. Vinet en avril 2004. En ligne. 18p. < www.lyon.fr/static/vdl/contenu/securite/balmes/notegeotech.pdf?&view_zoom=1 > Consulté en mai 2008. 76 77 78 79 80 81 82 « Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra. Ibid. Ibid. Une expression de C. Barbier dans : BOUCHER S. et MAILHES F., cf.supra. BARBIER C., cf.supra. BARBIER C., Les souterrains de Lyon. Editions Verso, Lyon, 1994. 83 24 BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Décision du Conseil d'Etat du 17 décembre 1971, numéro 77103 77104 77105 77211. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain « les choses de personne ». La responsabilité des services municipaux qui interviennent dans ces galeries n’est donc pas engagée. En poussant le raisonnement à l’extrême, ils ne sont même pas tenus d’intervenir. D’autre part, pour régler le problème de la responsabilité, 84 la Cour administrative d’appel de Lyon stipule en mai 1991 que du fait de l’ancienneté et la profondeur des galeries, leur effondrement doit être considéré comme un « accident naturel quels que soient les propriétaires ». Néanmoins, comme l’a confirmé la catastrophe de Fourvière, les galeries non entretenues représentent un danger non négligeable pour la stabilité des collines lyonnaises. Il s’agit donc pour les pouvoirs publics de prendre en charge 85 « les opérations nécessaires au bon état des sous-sols lyonnais » . En d’autres termes, cela signifie en assumer la responsabilité et se substituer aux propriétaires qui n’auraient en « aucun cas » les moyens d’effectuer cette tâche 87 86 . Les cataphiles connaissent la jurisprudence vue précédemment, sur le bout des doigts . Pour certains, le « flou juridique » qui existe autour de la propriété de ces galeries 88 permet au « Grand Lyon de faire la loi » . Et par conséquent, de posséder une sorte d’impunité juridique. Mais au delà des conflits de propriété et/ou de responsabilité, l’entretien des galeries devient implicitement une nouvelle prérogative à assumer pour les pouvoirs publics. B. Une nouvelle mission pour les pouvoirs publics : maîtriser les aléas du sous-sol lyonnais La Commission des balmes est créée par la municipalité lyonnaise dans un contexte d’insécurité et d’interrogations. Une structure compétente est mise en place pour « éviter 89 que l’on ait tous ces incidents » . Le service galeries du Grand Lyon élargira par la suite au niveau de la communauté urbaine cette volonté de prévention des risques liés au sous-sol. Un élargissement des missions de la Commission des balmes au rythme des incidents Quelques jours après la catastrophe de Fourvière, avec les arrêtés municipaux des 13 et 19 novembre 1930, une commission est créée pour déterminer les causes du sinistre. Elle est aussi chargée de vérifier la solidité des immeubles signalés comme pouvant présenter des risques pour la sécurité publique. Sa mission est élargie à la surveillance des terrains par un arrêté municipal du 24 mars 1951. Son rôle est par la suite relancé avec l’arrêté municipal du 27 juin 1977 qui fait suite à un nouvel incident cours d’Herbouville faisant trois morts. Dans les mois qui suivent, des diagnostics globaux et des cartes des zones à risques sur la commune sont réalisés. Deux arrêtés du Maire de Lyon vont compléter la réglementation sur la prévention des risques liés au sous-sol lyonnais. L’arrêté du 2 mai 84 85 86 87 Décision de la Cour administrative d’appel de Lyon (1ère chambre) du 21 mai 1991, numéro 90LY00406. « Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra. Entretien n ° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau. Entretien n° 3 avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui. Ainsi que l’entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire de la Manufacture des tabacs (Lyon III). 88 89 Entretien n° 1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui. Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 25 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson 1994 rappelle les différentes obligations incombant à tout propriétaire d’un terrain ou d’un mur de soutènement. Le second, du 16 mars 1999, indique que tous les travaux réalisés dans les zones à risques géotechniques déterminées doivent recueillir, avant le début des travaux, l’avis favorable de la « Commission des balmes ». Ces travaux doivent respecter des conditions particulières décrites dans l’arrêté. La balme désigne tout coteau escarpé, 90 pente ou talus. Dans la région lyonnaise, 2500 hectares sont concernés . Ces zones qui connaissent des glissements et des éboulements naturels sont d’autant plus fragilisées par le développement urbain moderne. Elles le sont plus particulièrement avec les nombreuses adductions d’eau. Carte des zones à risques géologiques naturels. Source : Commission des balmes. La Commission est essentiellement composée d’experts en géotechnique et en géologie, d’ingénieurs et de techniciens du service des balmes de la ville de Lyon. Sa 90 26 Rubrique des balmes et collines lyonnaises sur le site Internet de la ville de Lyon: < http://www.lyon.fr > Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain composition a été par la suite élargie au service galeries du Grand Lyon. Elle se réunit une fois par mois pour donner son avis concernant la délivrance des permis de construire sur les zones à risque. Son avis est suivi ou non par le maire de Lyon 92 91 . En principe, ce dernier suit cet avis . Le service sécurité des balmes est, quant à lui, un service spécifique qui se dit « à l’écoute de la population et procède à de nombreuses visites préventives sur le terrain » 93 . La surveillance des balmes lyonnaises est ainsi mise en avant comme une mesure centrale dans la gestion des risques à Lyon 94 . Le service galeries du Grand Lyon : un nouvel acteur dans la sécurisation du sous-sol lyonnais Le service galeries du Grand Lyon a permis d’élargir la surveillance des réseaux souterrains au niveau de la communauté urbaine. Ce service dépend du service assainissement du Grand Lyon. Il se définit plutôt comme responsable de l’exécution de travaux spécifiques dans les galeries, alors qu’il considère « les Balmes » comme s’occupant plutôt des « relations avec les riverains qui les alertent » 95 . L’argument sécuritaire est régulièrement mis en avant pour justifier la mission du service galeries du Grand Lyon. Il est repris par les membres du service eux-mêmes, ceci quelle que soit l’époque. Qualifiés de « veilleurs des souterrains » 97 96 , ils disent travailler « pour la sécurité publique, la sécurité des gens » . Cette mission passe notamment par un « effort maintenu » de veille afin d’éviter les grandes catastrophes et autres événements 98 graves passés. Ceux-ci servent de références dans leur mission. Il s’agit d’effectuer des contrôles périodiques sur l’ensemble des galeries connues des communes du Grand Lyon. Trois personnes sont en permanence sur le terrain sont souvent qualifiés d’être « le ventre » 100 99 . Alors que les réseaux souterrains , « les entrailles » 101 le service galeries s’attache à faire, selon ses mots, « l’état de santé» 91 92 93 ou le cœur de Lyon, 102 du réseau. Se Entretien n° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf. supra. Ibid. Notice d’information sur les risques naturels et technologiques de la commune de Lyon, réalisée durant le mandat du Maire de Lyon Raymond Barre. 94 95 Ibid. Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. 96 BARBIER C., « Direction de l’eau : les veilleurs de souterrains », Côté cour Côté jardin (Le magazine du personnel de la communauté urbaine de Lyon), novembre 1996. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 226). 97 98 99 100 101 102 Entretien n° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. Ibid. Ibid. BARBIER C., Voyage au ventre de Lyon, Paris, J-M. Laffont éditeur, 1981. « Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra. Entretien n° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 27 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson définissant comme un « comité d’experts» 103 104 , ils se veulent compétents pour la gestion du risque. Ils se disent discrets , du fait de leur mission qui par définition n’est que peu visible car elle se déroule sous terre. D’autre part, leur discrétion répond à un impératif de sécurité car selon eux les souterrains pourraient se révéler le lieu parfait pour une attaque 105 106 terroriste . Ils ont dû ainsi parfois « veiller à la sécurité des grands de ce monde ». Deux exemples sont souvent cités. Les souterrains qui se trouvaient sous le parcours du cortège du pape Jean�Paul II lors de sa visite en 1986 ont été inspectés. Il en a été de 107 même lors de la tenue du G7 à Lyon en 1996 . C’est donc bien un « métier pour la sécurité et non pas pour la distraction ». Pour toutes ces raisons, il se trouve être « bien prenant, spécifique et intéressant » 108 . L’importance de cette mission permet de justifier l’ampleur des moyens mis en œuvre. En effet, la rénovation d’anciennes galeries coûte cher, voire plus cher que de créer un 109 ouvrage neuf de même gabarit . La notion du temps n’est pas la même que dans les cas de chantiers classiques. Rien ne peut être planifié dans l’année car tout dépend du nombre de galeries découvertes et de leur état. D’autre part, la durée d’un chantier est souvent 110 inconnue . Ainsi le budget 2008 du Grand Lyon voté le 21 décembre 2007, attribue 5,7 millions d’Euros de dépenses pour l’entretien des galeries drainantes et ruisseaux de 111 l’agglomération . L’importance des coûts est telle que déjà en 1968, dans un rapport de voirie des services techniques de la ville de Lyon, la question est posée de savoir qui doit véritablement les prendre en charge 112 . L’entretien des galeries passe par deux tâches principales : la mise au gabarit des galeries découvertes et la recherche de galeries inconnues. La mise au gabarit s’insère dans le processus de dégagement et de renforcement des anciennes galeries souterraines découvertes la plupart du temps lors d’incidents comme par exemple des fontis. Un fontis 113 est « un vide qui vient du sous-sol et qui remonte à la surface ». Les galeries découvertes sont parfois en pierres ou en briques, le plus souvent elles sont directement creusées dans 103 104 105 106 107 108 109 110 111 Ibid. BARBIER C., cf.supra. Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. BARBIER C., cf.supra. Ibid. Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. « Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra. BARBIER C., cf.supra. Budget 2008 du Grand Lyon dans les publications sur les finances du site Internet de la communauté urbaine : < http:// www.grandlyon.com/Publications-sur-les-finances.519.0.html > 112 Rapport des services techniques de la ville de Lyon relatif aux travaux dans les galeries souterraines (service de voirie assainissement), décembre 1968. (Archives du Grand Lyon 1907 WO 14). 113 28 Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain le terrain naturel et c’est là le plus problématique 114 reconnaître et entretenir les galeries de drainage » majoritairement avec du béton 116 . C’est cependant une « nécessité de 115 . A cet effet, la galerie est renforcée, . Les cataphiles regrettent cette façon de faire qui est 117 devenue, selon eux, « un classique » . Ainsi, « ils ne savent faire que ça ! », déplore un cataphile, « la galerie elle ne ressemble plus à rien, en fait elle ressemble aux autres et c’est ça qui est terrible 118 ». La pénibilité et la technicité du travail sont souvent associées aux travaux souterrains. Les conditions de travail difficiles à celles « d’une mine » 120 119 vont même jusqu’à être comparées . Ce sont aussi « des travaux de spécialistes » pour cela délégués à des entreprises « qualifiées » 123 122 121 qui doivent être . Il ne faut pas, pour le service galeries, travailler avec « n’importe qui » . Une expérience est nécessaire. Ainsi, les employés du service galeries ont acquis selon eux des technicités, expériences et capacités pour faire ces travaux (notamment du fait de leur expérience pour certains au service des eaux de la communauté urbaine). A l’opposé, les cataphiles « ne connaissent pas suffisamment la problématique de ces travaux et font donc courir des faux bruits » 124 . Notamment parce qu’ils ne réalisent pas que ces travaux peuvent « vite devenir dangereux » de chantiers qui frôlent l’accident illustrent ces propos. 125 . Les exemples Chantier de renforcement de galeries. 114 115 Ibid. Bulletin officiel de la Communauté urbaine de Lyon, « Le réseau des galeries de drainage en sous-sol des collines de la Croix-Rousse et de Fourvière », juin 1975. (Archives du Grand Lyon 2724 W 032). 116 Entretien n° 5 avec un salarié intérimaire d’une entreprise mandatée par le Grand Lyon pour le confortement des galeries souterraines, 05/12/2007, chantier sur la colline de Fourvière. 117 Séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. 118 119 120 121 122 123 124 125 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. BARBIER C., «Les galeries souterraines : un monde mystérieux», cf.supra. « Voyage au-dessous de la ville », Le Progrès, 13/04/1999. « Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra. Entretien n° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. Ibid. Ibid. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 29 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Photos : Julien Tatéossian. Le second volet de la mission du service galeries du Grand Lyon est la recherche de souterrains inconnus, et donc par conséquent non entretenus dans un but avant tout 126 sécuritaire . Les moyens de découvrir des souterrains inconnus sont limités du fait que la plupart des galeries étaient creusées par des puisatiers de manière anarchique et sans documents écrits. Les traces écrites qui restent sont celles laissées lors des conflits 127 juridiques autour de la propriété d’une galerie d’adduction d’eau . Le second moyen, plus problématique dans certains cas, est le résultat de découvertes fortuites. Mais cela « arrive en permanence » 128 . Enfin, la dernière manière de découvrir les galeries à 129 l’abandon consiste à « faire des enquêtes » . Lorsqu’un puits est répertorié ou qu’il est découvert dans un immeuble, il faut descendre au fond du puits pour voir s’il n’y a pas un départ de galerie. L’autre méthode de recherche consiste à faire des sondages de reconnaissance notamment lorsque des permis de construire sont déposés dans les zones 130 à risques prédéterminées à Lyon. Cela permet de « voir un peu ce qui se passe dessous » . C’est dans cet aspect de la mission que se trouve la particularité qui distingue les membres du service galeries des égoutiers. L’état d’esprit est « différent car il faut se mettre dans la peau des puisatiers […] le casque sur la tête, en train de marcher dans la boue du ventre de Lyon » 131 . L’intuition occupe une place importante dans la profession. La découverte du réseau des arêtes de poisson est l’illustration type de la découverte d’un réseau méconnu. Elle allie trois aspects vus précédemment : la découverte fortuite, la volonté de sécuriser au maximum les galeries dans une situation d’urgence et enfin les nombreux conflits juridiques portant sur les différentes responsabilités. 126 127 Ibid. BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Propos confirmés lors de la séance d’observation n°8: cf. supra. 128 129 130 131 30 Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. Ibid. Ibid. BARBIER C., « Direction de l’eau : les veilleurs de souterrains », cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain C. Un enchevêtrement de représentations autour d’une mission Cette mission voit émerger des représentations différentes dans l’esprit des membres du service galeries et celui des cataphiles. Celles-ci ne sont pas pour autant opposées en permanence. La création de structures spécialisées : un moyen privilégié pour rassurer les Lyonnais L’augmentation de la densité de la population en ville est perçue comme une source de 132 dangers pour les pouvoirs publics . Ils se doivent donc d’y répondre. Cette réponse est de plus en plus élaborée au niveau de la ville elle-même ou de la communauté urbaine. C’est notamment ces deux niveaux qui semblent les plus appropriés pour répondre à l’instabilité du sous-sol lyonnais. Du moins, ce sont ces niveaux qui ont été choisis pour le surveiller. La mise en place des deux structures vues précédemment l’illustre bien. Au-delà de l’aspect sécuritaire, il s’agit de répondre à un besoin local et de relayer des bonnes pratiques en 133 matière d’aménagement dans les secteurs à risque. Les risques existent toujours mais ils deviennent secondaires par rapport à la capacité des structures mises en place. Cette image, bien que semble-t-il réelle, permet avant tout de rassurer les Lyonnais. Ainsi « tout le monde a entendu parler des souterrains » 134 , a vu la carte des accidents 135 136 et connaît la morphologie géologique particulière des collines lyonnaises . A partir de tous ces éléments, les Lyonnais se doivent d’adhérer au principe qui définit les souterrains comme un lieu de spécialistes, condition sine qua non pour assurer leur sécurité. Quand les bonnes intentions se croisent La plupart des cataphiles reconnaissent que le service galeries n’a pas une mission évidente 137 et que ce sont des experts et des professionnels . Cependant, ils critiquent le fait que certains chantiers ne sont pas forcément nécessaires. Il s’agit avant tout d’ « injecter » du béton, sans limites et sans contrôle 139 138 . De ce fait, il est bien sûr, plus difficile de « dater du mortier » . De manière plus générale, c’est une critique plus globale qui est formulée et qui dépasse les souterrains et les cataphiles. « Aujourd’hui pour ne pas qu’il y ait d’accidents, 132 133 134 135 136 137 138 Notice d’information sur les risques naturels et technologiques de la commune de Lyon, cf.supra. BARBIER J. et MASSIP M., « Pourquoi le sous-sol de Lyon est instable ? », Lyon Mag, 01/03/2002. BARBIER C., cf.supra. BARBIER J. et MASSIP M., cf.supra. Notice d’information sur les risques naturels et technologiques de la commune de Lyon, cf.supra. Entretien n° avec J.-L. Chavent, cf.supra. Séance d’observation n°7: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin. 139 Entretien n° 3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 31 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson on démolit tout ». Et puis, dans le cas des galeries qui sont interdits d’accès, « personne ne peut contrôler ce qui est détruit » 140 . Pourtant, le service galeries se dit aussi passionné et en particulier par la recherche de 141 nouveaux réseaux . Un membre de l’équipe s’intéresse aux égoûts romains. Du coup, « on se garde bien de les abîmer, bien au contraire, on les conserve ». Il regrette que certains ne se rendent pas compte de leur intérêt. Fermer les souterrains permet, selon lui, 142 de les sécuriser . Car certaines galeries sont « magnifiques ». Finalement, la mission du service galeries est perturbée par des intrusions. Les « portes et serrures sont cassées en permanence » 143 et cela coûte cher. Il s’agit donc avant toute chose d’y remédier. II/ L’interdiction d’accès aux souterrains : une solution préférée face au poids des responsabilités La sécurité est l’argument principal avancé par les pouvoirs publics locaux pour justifier la fermeture d’accès aux galeries souterraines lyonnaises (A). Mais ce choix ne satisfait pas tout le monde (B). A. Les raisons sécuritaires d’une fermeture Le réseau souterrain dit des Sarrasinières a, selon les rumeurs, était fermé à la Révolution 144 française « pour éviter les gens mal intentionnés » . L’anecdote prend tout son sens quand on sait que 200 ans plus tard l’accès aux souterrains lyonnais sera interdit pour quasiment les mêmes raisons. Les moyens juridiques mis en place L’interdiction d’accès aux souterrains prend trois formes principales, plus ou moins explicites. Un cadre juridique est tout d’abord mis en place. L’arrêté du maire de Lyon Francisque Collomb du 22 février 1989 ordonne « l’interdiction d’accès et de circulation dans les galeries souterraines de la ville de Lyon à toute personne non expressément autorisée par les services compétents (Division prévention sécurité Ville de Lyon- Service Assainissement COURLY) ». Une décision juridique applique ensuite ce cadre juridique. Dans la nuit du 25 au 26 août 1995, cinq jeunes se perdent dans les souterrains lyonnais. Les secours doivent intervenir. Le tribunal de police de Lyon, saisi par la Communauté urbaine qui s’est portée partie civile, rend son jugement le 13 mai 1996. Celui-ci condamne les cinq jeunes à payer 27 604,91 Francs en réparation des frais d’intervention des pompiers et 1000 140 Entretien n° 15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau au Fort de Vaise. 141 142 143 144 Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau. Ibid. Ibid. BARBIER C., « Mystère : Les souterrains de Miribel », Côté cour Côté jardin (Le magazine du personnel de la communauté urbaine de Lyon), n°26, octobre 1993. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 190). 32 Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain 145 Francs au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale . Enfin la dernière forme de contrainte, ce sont les « lourdeurs administratives » auxquelles il faut répondre pour obtenir une autorisation de visites de certains sites particuliers comme les bassins filtrants à Caluire. En effet, selon Jean-Luc Chavent 146 , il faut « faire une demande en 60 exemplaires ». Boulonnage, soudage de plaques et portes métalliques pour condamner les accès aux galeries. Photos : Julien Tateossian. Une volonté de sécuriser le réseau à la suite d’accidents Quatre types de risques principaux sont mis en avant pour justifier la fermeture de l’accès aux souterrains lyonnais. Des risques pour les visiteurs. L’arrêté de février 1989 indique que « les galeries souterraines peuvent représenter un danger pour la sécurité publique en raison de l’absence totale d’éclairage, de la non signalisation des multiples obstacles pouvant s’y présenter […], des risques d’éboulement dans les galeries non bétonnées, vétustes et non entretenues, des dimensions réduites qui ne permettent pas une circulation aisée ». La décision fait suite, selon l’un des membres du service galeries, à des accidents notamment lorsqu’une personne est tombée et a eu les poumons perforés en recevant une échelle métallique 145 146 147 . BARBIER C., « Direction de l’eau : les veilleurs de souterrains », cf.supra. Jean-Luc Chavent est un des premiers cataphiles. Passionné de la ville de Lyon, il souhaite depuis une vingtaine d’années l’ouverture au public des souterrains lyonnais et en particulier celui des arêtes de poisson. Entretien n° 1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. 147 Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 33 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Ces accidents graves lui font craindre la mort d’une personne un jour. « Des gamins » sont aussi emmenés, selon lui, dans les souterrains par des adultes. Sa crainte en est d’autant plus forte. Des risques pour la ville. Le service galeries se veut travailler pour la sécurité publique. L’ouverture des réseaux souterrains peut présenter, selon l’un des membres de l’équipe, un risque d’attentat. Notamment « si on y met des gens qui prennent conscience qu’à partir de ces souterrains, on peut mettre quelques explosifs : vous faites péter tout un quartier 148 de Lyon. Toute la Croix-Rousse, tout Fourvière, vous faites tout sauter» . L’autre risque avancé est celui de l’inévitable non maîtrise du sous-sol lyonnais si les souterrains sont ouverts. Cet espace pourrait vite devenir un lieu où « la loi du plus fort » règne explique un membre du service galeries. Et où, au final plus personne n’ose rentrer : « si vous venez je sors le fusil, je sors le couteau. C’est à moi, je fais ce que je veux » 149 . Des risques pour les souterrains. « Si on se bat […] c’est aussi pour éviter les 150 dégradations » . Fermer les souterrains permet, selon le membre du service galeries de préserver des éléments de connaissance sur la manière dont étaient construits les réseaux d’assainissement, romains pour certains. Ces destructions passent notamment par le tag et les dégradations. Il considère que leurs auteurs n’ont pas conscience de leurs actes. Des risques pour les autorités responsables. Malgré l’arrêté, il existe la crainte de ne pas savoir comment cela se passerait en termes de responsabilités si un accident se produisait. D’ores et déjà, un accès aux galeries est exclu car « un maire ne peut pas prendre des responsabilités comme ça ». Au final, les responsabilités retomberaient sur le maire mais aussi, c’est sa peur, « sur tout le monde en cascade […] car ils vont chercher des responsabilités un peu partout » 151 . Pour toutes ces raisons, une incompréhension reste prégnante chez ce membre du service galeries. Il se demande pourquoi les cataphiles « utilisent leur site pour faire de la publicité, donner des documents ». Il ne veut en aucun cas « être le maître de ces galeries ». Finalement, c’est une sorte d’obligation morale pour lui d’éviter les intrusions et il ne peut s’imaginer, pour la sécurité des gens, que l’on ouvre l’accès aux souterrains 152 . A la recherche des « clandestins » De véritables moyens policiers ne sont pas mis en place pour rechercher les coupables d’intrusions dans les galeries. Cependant une sorte d’enquête permanente est effectuée par le service galeries. Les éléments d’une enquête. Le champ lexical de l’enquête policière est utilisé dans 153 le discours de l’un des membres du service galeries . Il a lui aussi des « éléments », fruits d’un « long travail ». Ces éléments sont principalement des articles de presse 148 149 150 151 152 153 34 Ibid. Ibid. Ibid. Ibid. Ibid. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain sur les cataphiles. Mais c’est aussi l’utilisation d’un système informatique recensant les « effractions ». Il remarque une hausse des effractions et a chiffré le coût de celles-ci sur huit mois à plus de 20 000 Euros. Le mois de juin est le mois où il y a le plus d’effractions car « il faut bien occuper les gamins », considère-t-il. En fait, « ils laissent des traces ». Grâce à celles-ci, il sait qu’un journaliste a pu rentrer dans les souterrains grâce à l’Organisation pour la Connaissance et la Restauration d’Au-dessous terre (OCRA) 154 . Et puis, au regard de la précision du circuit dans le projet de visites des arêtes de poisson présentons lors de l’entretien, cela prouve bien, selon lui, qu’ils y vont 156 155 que nous lui . La punition relative des fautifs. En novembre 1991, on parle de créer une brigade de 157 surveillance nocturne pour « stopper l’hémorragie » . Celle-ci ne sera pas mise en place. La punition des fautifs a lieu de façon aléatoire, au rythme des remontées à la surface : le 158 groupe égaré qui fait appel aux secours , les plaintes déposées par les entreprises pour des vols de chantiers et une plaque restée ouverte sur la voie publique qui conduisit les « inconscients » au commissariat 159 . Les cataphiles regrettent ce changement de statut : quand d’ «aventuriers urbains », ils sont tombés dans l’ « illégalité » 160 . B. Multiples critiques d’une fermeture d’accès Selon les types d’acteurs, il existe différentes sortes de critiques concernant la fermeture de l’accès aux souterrains. « Un verrouillage de l’information » Certains acteurs considèrent que les souterrains sont cachés au public volontairement et que la sécurité n’est qu’une contrainte officielle souvent. 162 161 . Ce dernier argument se retrouve très « Une discrimination entre experts » L’accès d’experts aux souterrains dépend de la décision d’autres experts. Même si cet accès est souvent autorisé, cela reste une contrainte, même symbolique. Ainsi, un archéologue 154 155 Association lyonnaise amatrice des souterrains dont certains cataphiles font partie. Le projet de visites des arêtes de poisson sera une des stratégies élaborées par les cataphiles pour éviter le péril du réseau souterrain. 156 157 158 159 160 161 162 Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. « Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991. CHAPGIER J., cf.supra Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis. Delescluse Juliette - 2008 35 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson reconnaît que l’accès est difficile même pour lui 163 . De manière plus générale, il y a toute 164 une symbolique, selon lui, des choses sous terre qui en limitent l’accès . Et puis il faut être capable de présenter les garanties de son expertise. Cela passe par exemple par une autorisation du directeur d’école pour un étudiant en architecture 165 . « Une restriction de liberté » et autres points de vue Le service galeries est souvent accusé par certains cataphiles de « verrouiller le truc » 166 167 . La sécurité est, selon eux, un « parapluie béton » qui permet plusieurs actions notamment de bétonner des endroits où cela n’est pas nécessaire. Ou même de faire des 168 « pique-niques » dans les galeries en emmenant des personnes « non habituées aux souterrains ». Ils considèrent que les intrusions gênent le service galeries car cela les touche personnellement. En particulier parce qu’ils se sont « appropriés les lieux ». Finalement, poursuit un cataphile, c’est comme si quelqu’un rentrait chez eux lorsqu’ils ne sont pas là 169 . Pour toutes ces raisons, Jean-Luc Chavent regrette que « les simples curieux n’y ont 170 pas accès » . L’absence de visibilité est donc dénoncée. Certains reconnaissent qu’ils se battent pour l’ouverture des souterrains non pas pour eux mais pour les autres. En effet, de toute façon eux peuvent y aller quand ils veulent car « personne ne peut [les] empêcher 171 d’entrer dans [leur] ville », disent-ils . D’autres pensent au contraire que cela devient de plus en plus dur d’y aller, en particulier si l’on refuse de casser des plaques, portes et 172 serrures . Il est donc temps pour eux d’envisager d’autres manières, notamment légales, d’y accéder. III/ Le souterrain vu seulement dans son aspect utilitaire : contraste par rapport à une ville « monumentale » Dans une ville déjà largement patrimonialisée (A), le souterrain ne semble être vu que dans son aspect fonctionnel (B). A. Surabondance : une ville patrimonialisée 163 164 165 Séance d’observation n°8 : cf.supra. Ibid. Entretien n° 8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », le 23/08/2008 chez lui. 166 167 168 169 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Ibid. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. 170 171 172 36 Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, cf.supra. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain La richesse patrimoniale de la ville de Lyon est un fait reconnu. C’est un élément mis en avant dans le dossier de candidature à l’inscription du site historique de la ville sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce dossier de presque six-cents pages passe en revue le patrimoine lyonnais. Ainsi l’année où celui-ci est rendu, c’est-à-dire en 1997, cent-soixante quatorze édifices sont classés et inscrits au titre des Monuments Historiques 173 quatre-cent cinquante dossiers qui sont actuellement en attente de classement . Et ce sont 174 . Un autre aspect concerne la richesse archéologique du sous-sol lyonnais. Du fait de la géologie particulière de la ville, un archéologue remarque qu’il n’a jamais vu ça ailleurs : « Crac, crac et crac, on n’en finit plus […] C’est un truc de fou » 175 . Finalement, c’est aussi une représentation très visuelle et extérieure du patrimoine qui se dégage de la conception du patrimoine lyonnais. Elle découle plutôt d’une conception « classique élargie » du patrimoine. Ainsi dans le dossier d’inscription du site historique de Lyon au patrimoine mondial, on distingue neuf « cônes de vue » qui sont des sortes de « cartes postales que chacun a en mémoire et capitalise dans le patrimoine architectural et urbain du quartier » 176 . D’autre part, la silhouette extérieure de la colline de la Croix- Rousse est aussi un élément de travail dans le dossier 177 . La question de savoir quelle pourrait être la place du souterrain dans ce cadre est posée par un homme politique Notamment quand « trop de musées, ça nuit » 173 179 178 . . Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial, 1998. En ligne. 571 pages. <http://whc.UNESCO.org/fr/list/872/documents/> Consulté en mai 2008. pp.32-33. 174 Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf. supra. 175 176 177 178 Séance d’observation n°8 : cf.supra. Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial, cf.supra. Ibid. Séance d’observation n°6 : rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon. 179 Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 37 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson B. Surabondance : des souterrains sécurisés Une autre manière de gérer la surabondance : sécuriser les souterrains. Suite à une prise de conscience dramatique, la priorité a été de les maîtriser afin d’assurer la sécurité. Pour remplir cet objectif, il s’agit avant tout de recenser les galeries, de solidifier l’existant, de rétablir les écoulements d’eau et de rechercher les galeries à l’abandon encore inconnues. La sécurité est une priorité, la question patrimoniale est secondaire dans ce cadre. Les cataphiles vont chercher à dépasser cette conception en bravant les interdictions selon divers moyens. Chapitre 2 La déviance comme moyen de dépassement de la visibilité limitée du souterrain 180 La « spéléologie urbaine » est une pratique illégale. C’est une adhésion à un groupe humain et sportif situé à la marge du sport institutionnel qui se transforme en une expérience ludique vécue directement sans calendriers préconçus, organigrammes et programmes 181 définis . La cataphilie se décline sous plusieurs formes. C’est avant tout une exploration des souterrains (I). Mais aussi paradoxalement, à la fois une exploration de l’imaginaire lyonnais (II) et des archives municipales (III). 180 LEBRETON F. et HEAS S., « La spéléologie urbaine. Une communauté secrète de cataphiles », Ethnologie française, 2007/2 Tome XXVII. pp. 345-352. En ligne. <www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=ETHN&_072&ID_ARTICLE=ETHN_072_0345> Consulté en mai 2008. 181 38 Ibid. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain I/ Un « nouveau jeu urbain » : l’exploration d’espaces interdits 182 Qualifiés d’« aventuriers d’un nouveau genre » , les explorateurs des souterrains lyonnais s’inscrivent dans la lignée des explorateurs urbains. L’exploration urbaine est le reflet d’une recherche et parfois d’une obsession de la ville cachée. Une sorte de chasse aux trésors moderne qui est pratiquée, contre toute attente, par des individus « ordinaires » (A). Le souterrain va leur apporter des sensations particulières (B). Et par conséquent, un imaginaire cataphile va peu à peu se construire (C). A. Quand « Monsieur tout le monde » descend sous la ville Comme dans tout ensemble humain, les cataphiles ont des profils hétérogènes. Néanmoins aucun d’eux n’est à la marge de la société, « à la surface ». Au contraire, ils choisissent même volontairement de se marginaliser en explorant des lieux, sous la ville, majoritairement abandonnés dans l’esprit des Lyonnais. Le cataphile lyonnais Le cataphile lyonnais n’aime pas toujours le terme de « cataphile » pour le désigner. Cette approximation lui permet cependant d’être plus facilement identifié par les autres. Alors il l’utilise souvent pour se désigner dans les médias. Cependant pour certains cataphiles, 183 il illustre bien « l’univers secret de la galerie, du souterrain » . Nous utiliserons cette qualification par souci de clarté et par devoir de généralisation. Mais le cataphile lyonnais considère l’expression de « cataphile » trop « parisienne » à son goût. Il y a dans le cataphile 184 parisien un côté un peu trop « show-off », explique un cataphile lyonnais . Celui-ci se doit par exemple de connaître les salles souterraines en vue. Il est aussi parfois trop violent, casseur ou finalement trop déterminé dans son exploration. Le cataphile lyonnais cultive son côté provincial. Il ne descend pas sous terre pour se montrer. Parmi les expressions utilisées pour se désigner, nous noterons celles de « clandestins » 186 185 ou « de fous furieux » . Dites dans des contextes amicaux parfaitement anodins en apparence, elles reflètent cependant une certaine conscience de déviance. Ce sentiment peut parfois conduire à un complexe, notamment lorsqu’il s’agit de se mobiliser. Les cataphiles sont une quinzaine à 187 descendre régulièrement dans les souterrains de Lyon . Mais toute une nébuleuse autour descend de manière intermittente. Les groupes se font et se défont. Un noyau dur subsiste : « les vrais mordus sont rares » 182 183 184 185 186 187 188 . Le cataphile lyonnais n’a pas le profil que l’on pourrait FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », L’Essor du Rhône, 05/11/1993. BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui. Séance d’observation n°9: Réunion OCRA du 05/04/2008, salle de réunion du Fort de Vaise. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire de la Manufacture des tabacs (Lyon III). 188 BOUCHER S. et MAILHES F., cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 39 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson imaginer. Il n’est pas un marginal, bien au contraire, il est parfaitement intégré dans la société. Le cataphile est plutôt un homme entre 20 et 35 ans. Il travaille dans l’informatique, la finance, l’artisanat, l’éducation, la photographie ou bien il étudie. Les femmes ont aussi une place parmi les cataphiles, elles constituent à peu près un tiers des cataphiles. Environ la moitié des cataphiles a une vie de famille avec des enfants. Si marginalité il y a finalement, elle se trouve dans le fait que le cataphile lyonnais se veut marginal dans ses pensées et sa manière d’être 189 . Profils de cataphiles 190 Barbara Glowczewski et Jean-François Matteudi ont étudié les cataphiles parisiens . Ils ont distingué plusieurs profils types qui se regroupent en quatre catégories principales : les sérieux, les conquérants, les fantasques et les sensuels. La communauté cataphile étant assez réduite à Lyon, il serait imparfait de distinguer des profils-types. Nous parlerons plutôt de tendances, tantôt délaissées, adoptées ou cumulées par les cataphiles lyonnais. Le passionné. La tendance la plus répandue parmi les cataphiles. Le passionné regarde 191 192 les plaques dans la rue , veut explorer les souterrains sur son lieu de travail , visite d’autres souterrains en France et dans le monde, surfe sur les sites Internet de cataphiles et rejoint une association cataphile. Le déterminé. La tendance la moins répandue parmi les cataphiles. Le déterminé n’hésite pas à forcer les plaques et portes pour rentrer dans les souterrains, il plonge dans des poches d’eau, il se pose la question de diffuser des plans des réseaux souterrains sur Internet, il a une salle souterraine préférée et la marque de sa trace. L’amateur. Il est souvent introduit par un ami cataphile. Il ne descend pas forcément dans les souterrains lyonnais mais s’y intéresse. Il peut avoir travaillé sur le sujet dans le cadre notamment de ses études se cherche. 193 . Il est un peu finalement un cataphile qui s’ignore et L’ancien. Surnommé « le papa des cataphiles 194 195 », il ne fait pas partie de la « nouvelle génération» mais fait partie de celle des précurseurs, celle qui a notamment connu les souterrains avant l’interdiction d’accès. Il descend soit moins souvent qu’avant, soit il s’est assagi dans ses descentes. Il sert de référence pour les plus jeunes et est respecté. A 189 Séance observation n°3: Présentation des souterrains lyonnais par deux cataphiles lors de la réunion du Comité d’Intérêts Locaux (CIL) de Vaise, le 11/12/2007, Maison de la Jeunesse et de la Culture (MJC) de Vaise. 190 GLOWCZEWSKI B. et MATTEUDI J.F., La cité des cataphiles. Mission anthropologique dans les souterrains de Paris. Paris, Librairie des Méridiens, 1983. 191 Des passionnés ont même fait un site répertoriant des photos de plus belles plaques de leurs villes: <http://www.traque- aux-plaques.com/fr/> 192 193 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », le 23/08/2008 chez lui. 194 195 40 Entretien n° 10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui. « Soirées poubelle et défense du patrimoine », Le Monde, 12/08/1997. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain Paris, on parle même parfois de « Kata-star » par les médias. 196 . Il est celui qui est le plus souvent contacté Le chercheur. Il décortique les archives pour découvrir des nouvelles galeries, vérifie ses pistes sur le terrain, contacte des spécialistes du domaine, publie un livre ou crée un site. Le chercheur est plutôt solitaire ou dans un binôme. Le témoin. Il photographie et filme les souterrains. Il diffuse ou non son travail, le plus souvent sur Internet. Il scanne les articles concernant les cataphiles et les souterrains. Le témoin a parfois une âme d’artiste quand il utilise la technique du « light painting » dans ses photographies souterraines 197 . Une gamme des tendances cataphiles qui reflète la diversité des vertus du souterrain. Chaque cataphile trouve ce qu’il y cherche. B. Les vertus du souterrain Le souterrain occupe une fonction bien particulière dans l’esprit du cataphile lyonnais. Les fonctions attribuées au sous-sol Le sous-sol de nos villes revêt avant tout une nature utilitaire et ponctuelle. Il remplit des fonctions de services : alimenter, évacuer, circuler, stocker, cacher et protéger des êtres 198 humains. Ainsi le sous-sol devient la banlieue du « sur-sol » . Le sous-sol est aussi communément empreint d’immobilité et d’obscurité. Il est négativement connoté : il est le lieu où se trament les complots, les bruits sont étouffés, les forces qui le traversent sont 199 maléfiques, des animaux rampants et visqueux y vivent et l’air est lourd . Cependant, le sous-sol peut servir d’alternative aux espaces hors-sol et possède un potentiel de liberté et d’autonomie là où les normes paralysent le monde extérieur 200 . C’est dans cet espace 201 à un seul côté, à la fois fin et début, que se génèrent des fantasmes . Mais aussi des passions. Certains rêvent de faire du souterrain « un espace de déambulation publique » où le passant intervient par le jeu. Un espace d’expériences individuelles qui dépasse la 202 simple visite et se poursuit sur les toits de la ville . Les cataphiles retiennent, quant à eux, l’immense espace alternatif à la surface que représente le souterrain. Mais aussi l’espace de 196 197 198 Ibid. Les photos de « Superflux » qui illustrent ce mémoire en sont des exemples. VON MEISS P. et RADU F. (dir), Vingt mille lieux sous les terres : Espaces publics souterrains, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2004. p.28. 199 200 201 202 Ibid. p.17. Ibid. p.14. Ibid. p.17. Entretien n° 8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », le 23/08/2008 chez lui. Le projet de Julien Tatéossian a l'ambition de créer un réseau complexe de parcours labyrinthiques, au sein des Pentes de la Croix-Rousse, qui mêle passages souterrains, surfaciques et toituresques. Parcours contrastés sans cesse renouvelés car transformés par les pratiquants lors de leurs passages. Delescluse Juliette - 2008 41 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson 203 liberté, d’autonomie et de gratuité . La plus grande crainte du cataphile c’est finalement la fermeture totale des souterrains. Le fait qu’il ne reste plus un seul accès pour se glisser dans le sous-sol lyonnais. Le souterrain comme lieu pour se retrouver : soi-même et les autres Les cataphiles ont été analysés psychologiquement plusieurs fois dans le passé. Selon des psychologues, ils vont dans les souterrains pour chercher de nouvelles inspirations, pour 204 dominer la ville par ses profondeurs ou pour retourner dans le ventre de leur mère . Certains parlent même d’un retour à la vie primitive car le cataphile exclut les autres et construit son monde 205 . C’est aussi pour d’autres la conséquence d’un « mal d’aventures 206 dans les villes de grande platitude » . Il y a certes chez les cataphiles lyonnais un goût 207 indéniable de l’aventure. Ils se qualifient même parfois, « d’aventuriers urbains » . Mais il y a aussi avant tout une curiosité partagée par le groupe. Une envie d’un « autre monde 208 de la nuit » , différent des boîtes de nuit « tellement banales » selon un cataphile. C’est cette envie d’autre chose qui fait « qu’il vaut mieux traîner sous les rues que dans les rues » 209 . D’autant que l’on y retrouve la convivialité ou la solitude selon ses envies. Le cataphile lyonnais aime les « chili-parties », les bonnes bières et « se caler » ensemble autour 210 d’une bougie quelques mètres sous terre . On discute d’autres souterrains et d’autres cataphiles. La vie quotidienne prend une place secondaire dans les discussions. La visite 211 des souterrains c’est un « hobby » mais c’est aussi un peu plus pour le cataphile lyonnais. C’est une passion des parcours non fléchés. Mais le cataphile lyonnais ou « collectionneur 212 de souterrains » a néanmoins ses repères dans les galeries, ses habitudes et ses préférences. Il lui arrive parfois de dormir dans les souterrains et là toute notion du temps 213 est oubliée . Finalement, le retour à la surface, souvent au petit matin, est craint par le cataphile. Mais paradoxalement, c’est aussi une jouissance car c’est l’envie d’une descente prochaine qui reprend vite le dessus. Le cataphile lyonnais oscille en permanence entre surface et souterrain, physiquement mais aussi avant tout mentalement. 203 204 205 206 207 208 209 « Soirées poubelle et défense du patrimoine », Le Monde, 12/08/1997. « Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991. Ibid. FINAND S., « Lyon à travers ses souterrains », Jeudi Lyon, 17/11/1994. Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Séance d’observation n°2: Constitution du dossier de visite des arêtes de poisson avec un cataphile membre de l’OCRA, novembre 2007, lieux divers. Complété en février 2008. 210 211 212 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. BOLE DU CHAUMONT, « J-L. Chavent : Lyon la souterraine », Le Dauphiné libéré, 19/04/1994. LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http:// www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960> Consulté en mai 2008. 213 42 COLIN L., « Souterrains de Lyon : un vrai gruyère », Lyon Mag, 01/04/2006. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain C. Initiations à la cataphilie Le cataphile rentre peu à peu au fil des descentes dans un imaginaire qui lui est propre. Devenir cataphile Les débuts. La passion pour la cataphilie n’est pas une donnée, c’est une découverte. « On se découvre cataphile après la première descente » 214 215 . Et puis après vient le goût de voir d’autres galeries, « d’explorer, de fouiner » . On devient cataphile comme lorsque l’on rentre dans une bande de copains : un peu par hasard. Pas d’épreuves à 216 passer, la motivation est le principal critère pour faire partie du réseau . L’uniforme de la communauté c’est les bottes en caoutchouc, la lampe frontale et parfois le casque. Sans oublier, les vieux habits qui ne craignent pas la boue. Les rites initiateurs consistent en l’apprentissage des techniques de base. L’apprenti cataphile se doit d’observer et d’appréhender ce nouvel environnement qui l’entoure. La descente se fait souvent par groupe de deux ou trois personnes. La personne à l’avant est souvent connaisseuse des réseaux et munie d’un plan. Le plan du cataphile est particulier, il reprend le nom des rues mais des traits noirs le bariolent indiquant les galeries. Parfois des points noirs indiquent les entrées. Les autres suivent donc silencieux, seul demeure le bruit des pas dans la boue mêlée d’eau. Et le silence. Et puis il y a une échelle métallique. Règle technique de base, il ne faut pas la descendre en même temps mais chacun à son tour. Et enfin l’arrêt dans une salle souterraine. On se parle, un autre groupe arrive, on présente les nouveaux, et le groupe repart. Puis les débuts du cataphile se terminent, il l’est maintenant. « Tu verras » 217 , disent-ils souvent au débutant avant sa première descente dans un café en milieu de soirée. Le cataphile lyonnais sait très bien ce qu’il aime dans les souterrains, mais il laisse les autres découvrir par eux-mêmes ce qu’ils y aimeront. Les raisons d’une pause. Il y a des moments où le cataphile est lassé. Il l’est non pas des souterrains, mais parfois des autres cataphiles. Des cataphiles parfois « trop extrêmes » à son goût. Le temps entre les descentes s’espace, c’est la pause. Et puis il y a aussi toutes les raisons classiques qui font que l’on délaisse sa passion : les enfants qui naissent le temps qui manque 219 218 et . Mais il y a la reprise le plus souvent. La crainte de la fermeture totale des galeries peut expliquer un retour 220 . L’imaginaire du cataphile 214 215 216 BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Ibid. Séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. 217 Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf. supra. 218 219 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », cf.supra. 220 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 43 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Les surnoms et autres dénominations. La cataphile aime les surnoms que ce soit à Lyon ou à Paris. Ces surnoms ont plusieurs fonctions : l’amusement, l’anonymat et le sentiment d’appartenance au cercle des cataphiles. Pour autant, avoir un surnom n’est pas une obligation pour faire partie des cataphiles. Mais cela reste la preuve implicite d’une intégration au groupe. Une liste non exhaustive des surnoms cataphiles peut se trouver 221 sur une « K-taliste » diffusée sur Internet . C’est ainsi plus de mille surnoms qui sont répertoriés. A Lyon, ce sont les noms d’animaux qui dominent ou par extension liés à la nature. Le « chat », « poisson », « red fish », « la bûche » sont des exemples parmi d’autres. Des surnoms sont aussi donnés aux différentes salles et galeries souterraines au hasard des périples 222 . Des groupes. Il existe différents groupes de cataphiles. Le groupe est un cercle restreint plus ou moins important. Il est constitué le plus souvent des compagnons de descente ou des compagnons de recherche aux archives municipales. L’appartenance à un groupe est mouvante : on appartient à un groupe mais on fait aussi partie de tous les autres groupes. Les groupes sont surtout faits « pour se marrer, c’est artificiel, ils ne sont pas déclarés en Préfecture », précise un cataphile 223 . Les autres. Tels des cercles concentriques, le cataphile est au centre et autour se trouve plusieurs niveaux « d’autres ». Les autres se sont d’abord les autres groupes cataphiles que l’on croise dans les souterrains. Mais les autres, c’est aussi cette « population inconnue » 224 , fantasmée peut-être, qui laisse des traces sans que jamais on ne la croise vraiment. On la redoute mais en même temps on l’attend pour la connaître enfin. Cet autre c’est aussi le travailleur qui s’occupe de l’entretien des galeries. On ne voit que le résultat ou l’avancée de son travail mais lui on ne le voit jamais car il travaille le jour et l’exploration se fait le plus souvent la nuit. Les autres, en dehors du souterrain cette fois, ce sont aussi ces visiteurs 225 226 « occasionnels » , des « simples curieux » que l’on pense intéressés par des projets de visites de souterrains mais qui n’y ont pas accès. Des personnes auxquelles il faut prêter 227 une attention particulière car ce sont des « amateurs » , qui peuvent être pris d’angoisse dans un souterrain à tout moment. Il faut donc intégrer cette donnée dans le projet de visites 228 de souterrains. Cet autre doit pouvoir remonter rapidement à la surface car il craint plus facilement que le cataphile d’être sous-terre. Enfin, les autres ce sont ces inconnus qui pourraient être intéressés par les plans des réseaux de galeries s’ils étaient diffusés sur Internet. Les autres occupent ainsi une large place dans l’inconscient cataphile. 221 222 Un des sites Internet avec une liste des surnoms cataphiles: <http://www.chez.com/taara/ktaliste.htm> « Voyage au-dessous de la ville », Le Progrès, 13/04/1999. Et BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. 223 224 225 Entretien n° 2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra. BOUCHER S. et MAILHES F., cf.supra. Séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon. 226 227 228 Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007. BOUCHER S. et MAILHES F., cf.supra. Entretien n°8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », cf.supra. 44 Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain Les références. Les cataphiles sont souvent comparés aux compagnons du « Club des cinq » 229 . Pour d’autres, l’imaginaire cataphile est un « mélange de bandes dessinées et 230 d’images vidéos […] une culture du fantastique » . Les références cataphiles mélangent ces univers aventuristes, fantastiques et virtuels. Le film culte des cataphiles c’est « Les 231 Gaspards » où un petit libraire du quartier latin à Paris part à la recherche de sa fille disparue et découvre dans les catacombes une société secrète qui tente de préserver sa tranquillité en luttant contre les travaux de surface. Certains ont pour références des auteurs 232 comme Kafka, Vian ou Baudelaire . Ou ce peut-être aussi tout simplement des ouvrages sur les souterrains qui se trouvent dans leurs bibliothèques. Internet et les tracts comme moyens de communication. Internet a facilité la communication entre les cataphiles notamment avec des listes de diffusion. Il leur a aussi permis de faire des sites Internet. Ce mode de communication offre l’opportunité au cataphile de préserver son anonymat tout en lui permettant de tisser un réseau avec d’autres 233 cataphiles. Les forums cataphiles présentent différentes catégories de sujets : les alertes, les carnets de voyage, la photo, la réglementation, les médias et les livres. Il existe aussi une rubrique qui regroupe des sujets et photos sur un ensemble d’espaces délaissés ou méconnus de l’espace urbain intéressant le cataphile. Ce sont, par exemple, les usines, friches industrielles, métros et réseaux ferroviaires, canaux, plaques commémoratives et toitures. L’autre moyen plus traditionnel pour le cataphile de communiquer c’est le « tract » 234 . Le tract est « un petit bout de papier laissé dans les galeries et destiné à faire passer un 235 message, à pousser un coup de gueule ou tout simplement à être joli » . Les tracts, ce sont souvent des dessins, des poèmes, des photos, des blagues ou des explications historiques sur certains souterrains. La reprographie moderne et l’informatique ont facilité la création de tracts. Beaucoup de cataphiles les collectionnent. Internet présente de nombreux sites avec le fruit de leurs découvertes 236 . Exemples de tracts cataphiles. 229 230 231 232 233 234 235 236 BOLE DU CHAUMONT, « J-L. Chavent : Lyon la souterraine », Le Dauphiné libéré, 19/04/1994. AVIGAL A., « Les jeunes adeptes des catacombes inventent des rituels et des codes souterrains », Le Monde, 12/08/1997. Film « Les gaspards » réalisé par P.Tchernia (sorti sur les écrans en 1974). BOLE DU CHAUMONT, cf.supra. Un des plus connus forums de cataphiles: <http://ckzone.org/> « Soirées poubelle et défense du patrimoine », cf.supra. Un des sites de collection de tracts: < http://www.ktatracts.free.fr > Ibid. Delescluse Juliette - 2008 45 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Source : www.ktatracts.free.fr Le cataphile a donc un imaginaire particulier. Il n’est pas pour autant marginalisé dans la société. Finalement, le cataphile lyonnais aime la légèreté et le jeu. Il aime aussi les légendes urbaines. II/ Les légendes urbaines : l’exploration de l’imaginaire lyonnais Le sous-sol lyonnais fait fantasmer. A partir de ce lieu particulier, de multiples légendes urbaines vont se diffuser (A). Les cataphiles ont une attitude paradoxale en ce qui concerne ces dernières (B). A. Les légendes urbaines : l’autre « brume » lyonnaise L’imaginaire lyonnais regorge d’imagination. Cela est d’autant plus vrai qu’il se développe dans une ville qui possède des souterrains. Quand les légendes urbaines drapent une ville La « légende urbaine » ou « légende moderne » est loin d’être une histoire insignifiante. C’est en réalité une histoire significative, pleine de sens qu’il convient d’étudier. La légende urbaine peut-être définie comme : « un récit anonyme, présentant de multiples variantes, de forme brève, au contenu surprenant, raconté comme vrai et récent dans un milieu social 46 Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain 237 dont il exprime de manière symbolique les peurs et les aspirations » . La légende urbaine présente des genres voisins mais distincts. La légende urbaine n’est pas une légende traditionnelle. Dans la légende urbaine le narrateur et les protagonistes de l’histoire sont des contemporains. La légende urbaine n’est pas une rumeur. La légende urbaine est la forme complexe de la rumeur. La légende urbaine n’est pas un mythe ou un conte. Contrairement au mythe, la légende urbaine ne fait pas partie intégrante d’un système idéologique et ne s’accompagne pas de rites. Contrairement au conte, la légende urbaine n’est pas perçue comme une fiction. La légende urbaine n’est pas un fait divers. Le fait divers est une « légendarisation » du réel et la légende est un fait divers imaginaire 238 . 239 Les légendes urbaines circulent à l’oral mais aussi surtout par l’écrit . Notamment avec les médias qui les relatent comme d’authentiques faits divers. La légende urbaine permet à la société de parler de ses propres questionnements dans un langage symbolique 240 parce qu’elle ne veut pas ou ne peut pas les dire autrement . Elle exprime les peurs et désirs de ceux qui la racontent. Les légendes sur les souterrains lyonnais s’inscrivent dans une symbolique fantasmatique et craintive d’un espace méconnu et pourtant si proche physiquement. La distance entre le citadin et le souterrain semble symboliquement plus éloignée que physiquement. Mais finalement, avec les légendes urbaines, le citadin et le souterrain se rapprochent symboliquement car celui-ci, de ce fait, se situe dans l’intimité de l’inconscient du citadin lyonnais. Légendes variées sur les souterrains lyonnais « Il existe des rumeurs, des croyances, des non-dits, des fantasmes, des contes et légendes variés autour de ces souterrains » décline en plusieurs thèmes. 241 . Cet imaginaire autour des souterrains lyonnais se Sur des phénomènes fantastiques : du lac sous Fourvière au passage sous la Saône. L’eau et les souterrains sont intimement liés dans l’imaginaire lyonnais. Le traumatisme de la catastrophe de Fourvière a sa part de responsabilité. C’est dans ce contexte qu’est relancée la légende du lac sous la colline de Fourvière. De nombreux « sourciers, radiesthésistes 242 et pendulisants de tous poils » proposèrent à l’époque leurs analyses des causes de la catastrophe. De nombreux témoignages relatant l’existence d’un lac sous la colline sont adressés à la municipalité. Le maire de Lyon Edouard Herriot reçoit ainsi en janvier 1931 une lettre signée de « la veuve Richard » où elle relate comment avec un ami elle est allée dans son enfance faire du bateau sur un lac souterrain. Elle se propose de lui faire voir l’endroit exact où il se trouve 237 238 . Les journaux se saisirent de l’affaire. BERNARD J-B., Rumeurs et légendes urbaines, Paris, Presses Universitaires de France, Collection Que sais-je?, 1999. p.6 Ibid. pp.48-84. 239 240 241 243 CAMPION-VINCENT V. et BERNARD J-B., Légendes urbaines. Rumeurs d’aujourd’hui, Paris, Editions Payot, 1992. p.341. BERNARD J-B., cf.supra. p.123. Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis. 242 243 BARBIER C., Les souterrains de Lyon.Lyon, Editions Verso, 1994. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 47 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Extrait de la lettre de la Veuve Richard 244 « Satilleu, le 30 janvier 1931, Monsieur le Maire Depuis le 13 décembre la catastrophe me préocupe beaucoup. De voir tan deaux et ne savoir pas d'out elle viens. Par la vois des journau je doit comprandre que tres peu de personne save comme moi quond peut se promené en bateau à Fourvière. Pour la révolution des choses très précieuse ont été caché dans se soutérin qu'une personne avait déposé.Vous me direz comment le savé vous ? J'ai habité lomptan à fourvière. Un jour un ami me dit qui voulait me faire voir le lac de Fourvière et qui me ferait allez en bateau. Je sourit et le suivie.A mon plus grand étonnement il me fit rentré à reculon, on ne peut pas autrement, une fois dans le soutérin.Nous fimes 80 ou 100 mètre et nous étions au lac avec un bateau.Crinte d'accident nous ni sommes pas allé. Depui cette époque savait été bouché; il faudrait que je sois sur les lieu pour faire voir la fermeture; si monsieur le maire croit à ma parole qui me fasse allez à Lyon je me charge de le conduire comme lon ms fait. se serait un grand service pour le cartier st-jean attendu que l'eau se repan vien toute du lac. Recevé monsieur le maire de votre très umble veuve Richard à Satilleu Ardeche. » Dans l’excitation générale, un sourcier réputé le situa même sous le cimetière de Loyasse 245 . La légende est principalement véhiculée par la presse qui y fait référence dans beaucoup d’articles traitant des souterrains. Elle a aussi été alimentée par Jean-Luc Chavent notamment de part sa fonction de « conteur de rues » 247 246 . Ainsi, les médias ont souvent relaté qu’il avait fait du bateau sous Fourvière . Mais récemment, JeanLuc Chavent a reconnu qu’à la place d’un lac, il existe bien « des petites retenues d’eau 248 naturelles, des citernes qui forment des plans d’eau d’une dizaine de mètres de large » . Le lac sous Fourvière fait rêver et permet d’expliquer facilement une catastrophe. C’est une solution simple, globalisante et rassurante. Contrairement à celle jugée plus crédible d’une multitude de réseaux souterrains entretenus ou non et où ruissellent des litres d’eaux dont on ne connaît pas toujours la destination. D’autres légendes portent sur des galeries subfluviales et notamment sur une galerie sous la Saône reliant les deux collines lyonnaises. Ce sont principalement sur ces légendes que les visiteurs du souterrain du Fort de Vaise 249 ont questionné leurs guides lors des Journées Européennes du Patrimoine . Dans cette thématique, nous pouvons aussi inclure toutes des métaphores fantastiques ancrées 244 245 246 247 248 249 48 Les fautes d’orthographe sont d’origine. BARBIER C., cf.supra. « Les réseaux de l’ombre », cf.supra. Site professionnel de J-L. Chavent: <http://lyoninsolite.free.fr/index2.php> FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », cf.supra. Et « Voyage au-dessous de la ville », cf.supra. BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Séance d’observation n°6: cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain dans l’imaginaire lyonnais pour qualifier les réseaux souterrains. On parle notamment de « labyrinthe » 250 ou d’ « iceberg » 251 . Sur les acteurs : des brigands aux messes noires. La population qui se trouve dans les souterrains fait peur. C’est une population que l’on pense à l’écart du droit et des règles de la surface. Le souterrain offre une possibilité de refuge pour ces hors-la-loi. Le sous-sol grouille ainsi d’êtres qui se cachent du fait de leur culpabilité. Ils fuient dans le sous-sol pour ne pas rendre compte de leurs crimes. Le sous-sol représente une zone de non intégration où tous types de « marginaux » trouvent un lieu à leur image. On dit ainsi que Mandrin, célèbre brigand dauphinois de l’Ancien Régime, aurait assuré sa fuite grâce à une galerie allant de la rue du Bœuf à Gorge de Loup. Les autorités l’auraient faite couper parce qu’elle servait à la contrebande 252 . Au début des années 1990, les galeries souterraines font aussi 253 l’objet de fantasmes autour de messes noires qui s’y dérouleraient . Des restes d’un poulet sacrifié auraient été retrouvés. On parle aussi des souterrains comme un repaire de 254 « skin-heads » . Plus récemment, les actions des cataphiles font fantasmer. Au bateau sous la colline s’ajoute la possibilité de se rendre par le sous-sol dans des lieux inédits : un musée, un hôtel du Vieux-Lyon, dans le réfectoire des Maristes ou à la terrasse d’un café 255 . Sur les origines : les arêtes de poisson objet type de toutes les imaginations. Les origines des galeries lyonnaises restent méconnues pour la plupart des Lyonnais. Dans ce contexte de méconnaissance, de nombreuses légendes se développent autour des réseaux énigmatiques de galeries. Le cas du réseau des arêtes de poisson « sous » les pentes de la Croix-Rousse reste l’objet principal de spéculations sur ses origines, notamment parmi les cataphiles et les divers spécialistes. Il est, de part sa forme, un réseau à part au niveau des galeries lyonnaises. Il est rectiligne et ordonné alors que les autres galeries sont anarchiques et disproportionnées. Il est sec alors que les autres souterrains servent principalement au drainage de l’eau. Plusieurs analyses se confrontent sur ses origines. On parle majoritairement d’un ouvrage militaire. Mais des avis divergents émergent sur le sujet 256 . On affirme aussi souvent que ce lieu servait de lieu de stockage. Mais pour stocker quoi ? Les suggestions avancées portent, selon les points de vue, sur du stockage de munitions, d’eau, de troupes ou même parfois, sur le ton de la plaisanterie, de beaujolais. Les débats ème ème portent aussi autour des dates de sa construction : époque romaine, 17 siècle ou 19 siècle, selon les avis. La date de la redécouverte du réseau pose également problème. Finalement, il y a « énormément de choses sous terre à Lyon dont on ne sait pas pourquoi 250 A. M.-A., « Réseaux souterrains de Lyon : un patrimoine caché à découvrir », Le Tout Lyon, 07/06/1994. Et LANDRON P.Y., cf.supra. 251 A. M.-A., cf.supra. 252 253 254 255 256 BARBIER C., op.cit. « Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991. Ibid. Ibid. Séance d’observation n°7: Rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. Delescluse Juliette - 2008 49 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson 257 elles ont été construites » . Par la suite, c’est une série « d’interprétations délirantes 258 ème d’auteurs du 19 siècle » qui va naître. Elle va ajouter une dose de crédibilité à la diffusion de nombreuses légendes sur les origines des souterrains lyonnais. B. Ambiguïtés autour des vecteurs de transmission Le cataphile lyonnais va progressivement réaliser que les légendes urbaines ne servent pas forcément sa cause. Retour sur une position ambiguë. « Faire vibrer la fibre de l’imaginaire » Les légendes attirent. En effet, « une curiosité automatiquement c’est passionnant et en 259 même temps c’est une page de l’histoire » . Le cataphile l’a bien compris. C’est dans le but de faire connaître les souterrains aux Lyonnais que le cataphile joue avec les légendes autour des souterrains. Sans forcément les diffuser, il ne les renie pas grâce à une subtile maîtrise de l’art du mystère. Le cataphile sait que les souterrains passionnent, il se doit donc 260 de « faire vibrer la fibre des légendes » et « ne pas enlever aux gens leurs illusions » . Faire rêver les Lyonnais passe notamment par un spectacle audiovisuel mêlant images et 261 anecdotes . Le cataphile se fait parfois conteur. Il l’est aussi de temps en temps vis-à-vis des autres cataphiles. Il sait manier le suspens en ce qui concerne « ses pistes » sur les arêtes de poisson et il refuse parfois de les dévoiler aux autres cataphiles enthousiastes. Il en dévoilera finalement peut-être qu’une toute petite partie mais pas plus. Au risque selon lui que cela soit « la porte ouverte à raconter un tas de choses » 262 . Quand les légendes servent l’ignorance, quand l’ignorance sert la sécurité ? Les cataphiles vont petit à petit comprendre que les légendes urbaines cachent une ignorance des Lyonnais en ce qui concerne les souterrains de la ville. Ils vont aussi réaliser que cette connaissance imparfaite des souterrains ne sert paradoxalement pas la cause 263 cataphile. Au contraire, cet « univers de fantasmes et de dangers » justifie dans l’imaginaire lyonnais la fermeture de l’accès aux souterrains. Les légendes au lieu d’attirer, freinent un possible projet de visites. « Dire la vérité aux lyonnais » ne conduira pas selon eux à ce que les gens décident tout à coup d’explorer les souterrains lyonnais. Cela ne 257 258 259 260 Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, cf.supra. Constat de l’archéologue de la DRAC présent lors de la séance d’observation n°8: cf.supra. Entretien n°10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui. Séance d’observation n°7: Rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin. 261 262 263 Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui. Séance d’observation n°7: cf.supra. LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http:// www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960> Consulté en mai 2008. 50 Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain conduira donc pas à un accident 264 . Ce n’est pas le point de vue du service galeries qui 265 craint que la publicisation du souterrain soit source d’accidents . C’est donc dans cette optique que les cataphiles vont de plus en plus chercher à résoudre les énigmes tournant autour de ce « patrimoine méconnu et largement fantasmé » 266 . III/ Résoudre des énigmes par l’exploration des archives : le début d’un souci de transparence Même si le cataphile lyonnais aime rêver de « mystérieux » souterrains, l’exploration des archives et des autres moyens de connaissance est une réelle passion pour lui. Pour de multiples raisons, c’est aussi de plus en plus une nécessité (A). Ses recherches sont de fait méthodiques (B). Mais les résultats de ces dernières ne sont pas à la hauteur de ses espérances (C). A. Les raisons d’une volonté de clarification sur les souterrains lyonnais Les cataphiles aiment rechercher des éléments nouveaux pour résoudre les différentes énigmes sur les souterrains. Ils cherchent tous en permanence des « indices ». Le cataphile lyonnais est tout le temps en situation de « veille » au cas où, par exemple, se promenant dans la rue un élément nouveau l’interpelle. Mais certains vont plus loin dans leurs recherches. Ils vont notamment passer des journées aux archives municipales. Cette envie répond, au-delà de la passion, à plusieurs éléments. Un combat contre la désinformation Les cataphiles considèrent que le peu d’informations diffusées à propos des souterrains par la municipalité ou le service galeries sont souvent fausses 267 . Ainsi ils regrettent que l’on 268 « avance des dates mais finalement on ne sait rien du tout » . Un cataphile a décidé dans ce contexte de faire des recherches sur les origines des arêtes de poisson. Il en avait « marre » de ne pas avoir de réponses ou des réponses faciles sur le sujet décidé de « creuser » la question et souhaite en faire un livre. 269 . Il a donc Un moyen de se forger une identité La découverte d’archives permet pour les cataphiles d’obtenir une place d’interlocuteur privilégié lorsque l’on traite du sujet des souterrains à Lyon. Ainsi, un cataphile dit « ne pas récupérer les archives pour les collectionner ». C’est aussi avant tout un moyen de 264 265 266 267 268 269 Séance d’observation n°7: cf.supra. Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau. LANDRON P.Y., cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Séance d’observation n°8 : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 51 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson se faire entendre 270 . D’autre part, affirmer qu’une hypothèse répandue sur l’origine des 271 arêtes de poisson est fausse permet de se distinguer . Cela contribue à se particulariser, à s’identifier. La connaissance par les cataphiles de la ville du dessous est reconnue par les médias locaux 272 . La connaissance de la ville du dessus l’est aussi parfois 273 . B. Les éléments pratiques d’une recherche Les moyens mobilisés Les cataphiles utilisent dans leurs recherches quatre moyens principaux. Chacun les utilise tout ou partie. L’échange de documents entre cataphiles : la construction d’un réseau. Le principal moyen de recherche pour les cataphiles est l’échange entre eux de documents provenant 274 principalement des archives municipales . Cet échange est fait majoritairement grâce à Internet car les documents sont photographiés ou scannés. Le repérage, l’imagination et la connaissance pratique. La recherche du cataphile prend aussi la forme d’une recherche informelle, une recherche dans l’action. Quand il descend sous terre le cataphile lyonnais repère, observe et prend note. C’est toute cette connaissance pratique compilée qu’il met en avant lors des rencontres avec des spécialistes 275 . Il devient alors un acteur complémentaire dans l’optique d’un travail en commun. Le cataphile lyonnais calcule aussi. Il imagine par exemple le volume de terre qu’il a fallu 276 enlever pour construire les arêtes de poisson . Ce chiffre concret est utilisé comme un argument pour démontrer l’importance de ce réseau. La recherche des témoins. Le cataphile lyonnais cherche des témoins. Ces témoins peuvent être notamment les anciens techniciens qui ont redécouvert les arêtes de poisson 277 . Il est conscient de l’urgence de faire cette recherche de terrain rapidement car le temps presse et les protagonistes de l’époque sont déjà vieux peu ce type de recherche 270 271 272 279 278 . Faute de temps, il délaisse un . Mais en secret, il rêve de ce genre de rencontres Séance d’observation n°8 : cf.supra. BOUCHER S. et MAILHES F.,« Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Et BOLE DU CHAUMONT,« J-L. Ibid. 274 275 276 277 278 279 280 52 . Séance d’observation n°7: cf.supra. Chavent : Lyon la souterraine », Le Dauphiné libéré, 19/04/1994. 273 280 Séance d’observation n°9: cf.supra. Séances d’observation n°7 et n°8 : cf.supra. Séance d’observation n°8 : cf.supra. Et entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Séance d’observation n°8: cf.supra. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain Le rôle des spécialistes et références dans le domaine. La connaissance de spécialistes dans le domaine du souterrain ou d’autres personnes susceptibles de faire avancer les 281 recherches (un militaire par exemple) se fait souvent par relations indirectes . Chaque cataphile dispose d’un « stock » de contacts particuliers qu’il transmet aux autres cataphiles. C’est une sorte de mise en commun des relations qui se dégage. Pour juger de la qualité d’un contact, la qualité des publications est par exemple un des critères choisi par un cataphile 282 . Le cataphile dispose ainsi d’une gamme de moyens qu’il s’emploie à utiliser pour effectuer « son enquête ». Un registre policier de la recherche Le cataphile utilise le champ lexical de l’enquête lorsqu’il décrit son travail de recherche. Il a des « pistes », « met la main » sur des éléments, fait des « constations » et émet des « hypothèses » 283 . Sa méthode est celle de la déduction par élimination. Ainsi il élimine progressivement les fausses pistes 284 . Il fait aussi un travail de construction, « en 285 échafaudant » des tentatives de réponses parmi les choses qui l’interpellent . Dans le même registre, l’archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelle (DRAC) parle des arêtes de poisson comme d’un « mystère » et de la « monstruosité » du radier qui se trouve dans le réseau. Mais dans un registre plus léger, le « but du jeu » reste pour lui de découvrir les origines du réseau 286 . C. Les résultats de la recherche : entre accusations de complot et impératifs professionnels Le cataphile lyonnais est frustré par le peu de résultats que lui procurent ses recherches. D’autant que la découverte d’éléments nouveaux lui donne un réel plaisir. Il va donc chercher des coupables face à ce manque d’informations. Les plaisirs de la découverte La découverte est pour tous ceux qui travaillent sur les souterrains un plaisir. Un plaisir 287 gustatif pour un cataphile : « quelque chose d’intéressant à se mettre sous la dent » . Un plaisir rêvé ou un plaisir utopique, « un miracle » pour une responsable du service de l’inventaire de la DRAC 281 282 283 284 285 286 287 288 288 . Mais la découverte n’est pas acquise d’avance. Elle arrive Séance d’observation n°8: cf.supra. Ibid. Ibid. Ibid. Ibid. Constat de l’archéologue de la DRAC présent lors de la séance d’observation n°8: cf.supra. Séance d’observation n°8: cf.supra. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 53 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson 289 « d’un bloc ou au compte-goutte », comme le constate un cataphile . Que ce soit pour les cataphiles, les archéologues, les membres de la DRAC et les membres du service galeries, l’appétit de découvertes est une passion 290 . Les questionnements d’une découverte limitée Les accusations d’un complot pour certains. Certains cataphiles ne comprennent pas qu’il y ait si peu d’informations sur les souterrains, « pourquoi des questions simples restent sans 291 réponses ? » . Certes ce sont des réseaux pour la plupart privés, mais dans le cas des arêtes de poisson, pourquoi pour un ouvrage d’une telle ampleur ne retrouve-t-on pas des archives, même dans les archives militaires ? La réponse de certains cataphiles à cette question est de dire que les archives ont été détruites et que ce n’est pas faute de les avoir cherchées 292 . Le seul avantage d’un projet de visites des arêtes de poisson serait pour un 293 des cataphiles d’avoir accès aux archives . Certains cataphiles se posent aussi une autre question. Alors que la ville de Lyon met en avant sa tradition d’archéologie et d’érudition 294 , comment se fait-il qu’aucune étude historique profonde des arêtes de poisson n’ait été faite ? Cela fait pourtant plusieurs années, selon eux, qu’elle est demandée 295 . 296 Un étonnement pour d’autres. Pour un archéologue de la DRAC et d’autres cataphiles, c’est plutôt un « étonnement » qu’il n’y ait pas plus d’éléments sur les origines 297 des arêtes de poisson . Selon un cataphile, les archives n’ont pas été cachées et il ne faut pas raconter des mensonges comme d’autres cataphiles le font parfois. Il reconnaît qu’il y a beaucoup d’ « intox » dans la « nébuleuse » cataphile lyonnaise mais pas forcément 298 299 des mythomanes . Il ne faut pas être « psychopathe » selon lui . Mais il confie néanmoins son étonnement par rapport au manque d’archives relatives au creusage des arêtes de poisson 300 . Un autre cataphile, habitué des recherches, est conscient qu’il y a des problèmes de classement aux archives en ce qui concerne les souterrains 289 290 291 292 293 294 295 Ibid. Ibid. Ibid. Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra. Ibid. Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, cf.supra. CORNELOUP G., « Les dessous de Lyon », Lyon Figaro, 02/03/1995. 296 297 298 299 300 301 54 Séance d’observation n°8: cf.supra. Ibid. Séance d’observation n°7: cf.supra. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Ibid. Séance d’observation n°7: cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 301 . Plus Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain généralement, différents acteurs non cataphiles se demandent si quelqu’un a véritablement cherché 302 et si un travail universitaire a été réellement fait sur le sujet 303 304 . Un archéologue de la DRAC rappelle que le travail d’archives, « c’est un métier » . A ces questions, les cataphiles répondent que même si une personne souhaitait faire ce travail de recherche, l’interdiction d’accès aux souterrains la freinerait dans ses avancées donc nécessaire. 305 . Une rupture est Il convient d’étudier dans une seconde partie en quoi la « déviance » cataphile va être dépassée par le possible péril du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson. Les cataphiles vont mettre de côté leur illégalité et saisir la possibilité d’une construction patrimoniale de l’objet souterrain. 302 Entretien n° 16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le 27/02/2008, dans son bureau. 303 304 305 Séance d’observation n°8: cf.supra. Ibid. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 55 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain Photo : Superflux. « Je pensais seulement que les ténèbres sont belles aussi. Si tu savais tout ce qu’y voient des yeux habitués à leur profondeur ! Il y a des ombres qui passent et que l’on aimerait suivre dans leur vol ! Parfois ce sont des cercles qui s’entrecroisent devant le regard et dont on ne voudrait plus sortir !... Vois-tu, Harry, il faut avoir vécu là pour comprendre ce que je ressens, ce que je ne puis t’exprimer ! » Jules Verne, Les Indes noires, Chapitre XV 56 Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain C’est dans la mobilisation pour le réseau souterrain des arêtes de poisson que les cataphiles vont tenter de créer et de revendiquer publiquement une nouvelle appartenance au groupe des défenseurs du bien public. L’opportunité de sortir de l’image de déviance qui leur est accolée se trouve dans ce cas si importante qu’ils vont l’appréhender. Ils vont aussi saisir la possibilité de construire une nouvelle image des souterrains à Lyon. Pour cela, il va leur falloir prouver aux Lyonnais que ces lieux peuvent être considérés comme patrimoine. La mobilisation pour les arêtes de poisson va donc être une nouvelle phase dans la définition qu’a le cataphile de lui-même (Chapitre 3). Cette mobilisation va cependant se heurter à divers impératifs (Chapitre 4). Chapitre 3 La déviance surmontée avec l’urgence de la mobilisation Delescluse Juliette - 2008 57 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Source : Article de Lyon Capitale du 09/10/2007. I/ La tentative d’unification du mouvement cataphile face au possible péril Le possible péril des arêtes de poisson devient l’opportunité pour les cataphiles de patrimonialiser l’ensemble des souterrains lyonnais (A). Cependant la patrimonialisation des arêtes de poisson se heurte à la confrontation de différents schémas de mobilisation n’empêchant pas pour autant pas une unification du mouvement cataphile (B). A. L’apparition du péril : une opportunité de construction patrimoniale Des registres du péril La préservation du patrimoine passe en premier lieu par l’observation. Faire attention aux choses qui nous entourent au quotidien et tenter de sauver ce qui est menacé de péril. Ainsi les protecteurs du patrimoine lyonnais parlent plus souvent de « sauvegarde du patrimoine » 306 que de « protection du patrimoine » . Dans le cas des arêtes de poisson, la menace du péril va paradoxalement être l’opportunité pour les cataphiles que « ça commence un petit peu à bouger » 307 . En effet, les arêtes de poisson ne sont pas un sujet nouveau depuis longtemps une étude historique est demandée 309 308 car . Pour désigner le péril, plusieurs types de vocabulaire sont utilisés. Les cataphiles 310 parlent d’une déconstruction : « il va démonter ces arêtes » . Pour d’autres c’est la « menace » qui est mise en avant avec un risque de gâchis inutile : « bousiller des arêtes » 311 . Pour un membre du service galeries, le péril est un contact entre le tunnel et le réseau : 312 « il va toucher quelques arêtes » . Quant à un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC), le péril relève d’une ingurgitation : « il va en bouffer un 313 morceau » . C’est aussi, constate le président de l’Union des Comités d’Intérêts Locaux du Grand Lyon (UCIL), une destruction sans aucune possibilité de visibilité : « casser un 306 Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau au Fort de Vaise. 307 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le 27/02/2008, dans son bureau. 308 Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis. 309 CORNELOUP G., « Les dessous de Lyon », Lyon Figaro, 02/03/1995. 310 311 312 313 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui. Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau. Séance d’observation n°8: Rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. 58 Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain 314 truc que personne n’a vu et ne verra, qu’est-ce que ça peut foutre ? ». C’est bien là le cœur de la mobilisation cataphile : servir de témoins illégaux de la destruction possible du réseau souterrain des arêtes de poisson qu’ils jugent être un patrimoine. Un patrimoine souterrain non visible pour la majorité des lyonnais. L’opportunité d’une bataille La mobilisation pour protéger les arêtes de poisson va être l’occasion pour les cataphiles de tenter d’obtenir une reconnaissance plus générale de la valeur patrimoniale que peuvent représenter les souterrains lyonnais. Ils vont tenter d’utiliser cet événement pour sortir les souterrains lyonnais de leur image utilitaire. C’est pour eux une occasion de « mettre un peu la pression » 315 , voire « de frapper un bon coup cette fois » se mettre en place, « une croisade » 317 318 316 . C’est ainsi un combat qui va pour certains afin d’« amener les souterrains aux gens » . Finalement, la sensation dominante chez les cataphiles est que cet événement est l’opportunité de protéger un site et d’obtenir une reconnaissance. Mais aussi qu’une rupture se produise : « s’il doit se passer un truc, ça devrait se passer bientôt » 319 . 320 La crainte du cataphile lyonnais a été d’avoir réagi trop tardivement . Alors que la concertation préalable sur le nouveau tube de sécurité a eu lieu du 20 avril au 8 juin 2007, les cataphiles n’ont commencé leur mobilisation qu’à partir de septembre 2007 322 321 . Les cataphiles exprimeront ce fait plusieurs fois lors de la mobilisation . Mais en même temps, ils sont conscients dès le début que rien n’est vraiment encore joué. Le choix de la technique de creusage dans les débuts du tunnel est notamment très important pour eux. Le creusage par un tunnelier, c’est « nickel ». Alors que si c’est un creusage manuel, « ils débouchent sur une galerie, ne s’en rendent pas compte, ils envoient la purée et tu as un paquet de béton qui a tout dégueulassé », explique un cataphile 314 323 . Entretien n° 16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, cf.supra. 315 316 317 318 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Email de J-L. Chavent, 28/12/2007. Séance observation n°3: Présentation des souterrains lyonnais par deux cataphiles lors de la réunion du Comité d’Intérêts Locaux (CIL) de Vaise, le 11/12/2007, Maison de la Jeunesse et de la Culture (MJC) de Vaise. 319 Entretien n° 3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. 320 Séance d’observation n°7: Rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28 février 2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin. 321 SILVAIN P., « Ils lancent une pétition pour sauver les souterrains », 20 Minutes Lyon, 09/10/2007. La pétition est lancée le 28 septembre 2007. 322 Lors de deux séances d’observation, ces propos seront tenus. Séance d’observation n°6: Rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon. Et lors de la séance d’observation n°7 : cf.supra. 323 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 59 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson B. La construction d’un réseau : l’enjeu de se mobiliser malgré les différentes visions Différentes stratégies de mobilisation apparaissent dans la nébuleuse cataphile. Mais un accord de principe émerge parmi les différentes représentations. Le compromis consiste à ce qu’en cas de succès d’une des stratégies, l’association Organisation pour la Connaissance et la Restauration d’Au-dessous terre (OCRA) qu’ « interlocuteur valable ». 324 prenne le relais en tant Les différentes stratégies de mobilisation La discussion a lieu dans une des arêtes de poisson, à quelques dizaines de mètres du futur du tube de sécurité. On entend un léger brouhaha. Un groupe rejoint l’autre groupe déjà assis autour de quelques bougies. Les lampes frontales sont éteintes. Des pierres sur le sol servent de sièges. Quelques bières sorties d’un sac à dos sont distribuées à la petite dizaine de cataphiles présents. Et puis vient le débat. On s’informe les uns les autres des nouveautés et on propose différentes manières de se mobiliser. On s’accorde ou on s’oppose. Et puis chacun repart faire son chemin, souterrain. Une pétition sur Internet. C’est l’une des premières stratégies dont les Lyonnais ont entendu parler : « ils lancent une pétition pour sauver les arêtes de poisson », titre le 325 quotidien 20 Minutes début octobre 2007 . C’est aussi celle qui a été la plus rapide à mettre en place. Ce sont deux cataphiles qui en sont à l’origine. Pour l’un d’eux, il faut que cette pétition s’accompagne aussi de tractage. Internet n’est pas suffisant pour 326 « se payer la Courly » . C’est le sentiment de revanche par rapport à la fermeture de l’accès aux souterrains lyonnais qui domine chez lui. Dans cette situation là, il se trouve qu’il présente les différentes caractéristiques du cataphile « déterminé » que nous avons étudiées précédemment. Permettre la visite des arêtes de poisson : une destruction partielle mais une valorisation du reste. L’idée de rendre visitable la partie haute des arêtes de poisson n’est pas nouvelle. Un projet de visites avait déjà été imaginé en 1994 par Jean-Luc Chavent. Celui-ci avait échoué pour diverses raisons, mais principalement pour des questions de sécurité. Le sujet d’un projet de visites revient d’actualité avec le projet de rénovation lourde du tunnel. En 327 effet, la proposition « non extravagante » que font certains cataphiles, c’est d’accepter qu’une partie des arêtes de poisson soit détruite mais qu’en échange le reste soit valorisé, notamment en le rendant visitable au public. D’une certaine manière, ils savent que les « arêtes sont tirées d’affaire » 324 328 mais ils souhaitent saisir cette opportunité pour un projet L’association OCRA est née en 2001 sur Lyon. Elle devient la branche provinciale de l’OCRA Paris. Elle se veut être une association de passionnés des espaces souterrains en tout genre. Les membres de l’association ne sont pas tous des cataphiles. 325 326 SILVAIN P., « Ils lancent une pétition pour sauver les souterrains », 20 Minutes Lyon, 09/10/2007. Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire de la Manufacture des tabacs (Lyon III). 327 ème MENVIELLE D., « Et si le 2 tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007. 328 60 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain 329 plus global de visites qui est leur « but » . Il s’agit de « profiter » notamment de l’important financement du projet du tube de sécurité : « un projet de visites ne coûterait presque rien par rapport au coût du tunnel », précise un cataphile 330 . Le projet de visites a été principalement porté par l’OCRA et en particulier par un des ses membres. Mais les autres membres de l’OCRA ont aussi participé en fournissant principalement par Internet les documents administratifs nécessaires à l’élaboration du projet 331 . Le cataphile mobilisé pour le projet explique que c’est une visite de « type sportive, 332 plutôt du genre de l’accro branche que du musée des beaux arts ! » . Un dossier d’une vingtaine de pages est élaboré en novembre 2007. Nous avons participé à sa rédaction dans le cadre de notre recherche. Ce dossier est constitué de trois parties : une présentation des arêtes de poisson, une description des modalités de visites et l’ensemble des modalités de sécurité à envisager. Le respect des conditions de sécurité des établissements recevant du public est une anticipation des cataphiles sur les reproches que l’on pourrait leur faire 333 . Dans ce sens, le fait qu’un assureur, ami d’un cataphile, s’engage à couvrir le projet de visites sous réserve d’un accord de la municipalité a été vécu comme une preuve pour 334 les cataphiles que leur dossier était crédible . La visite doit être rendue vivante car un souterrain « ne parle pas assez » à des non habitués, considère le membre de l’OCRA qui s’est occupé du dossier. Il y a chez lui une inquiétude que les gens s’ennuient, alors que pour lui le souterrain lui suffit en lui-même. Différents concepts sont imaginés pour que le « visiteur occasionnel » 335 , profil type moyen envisagé, ne se lasse pas. Parmi ceux-ci : 1. Une exposition ou une projection sur les autres souterrains, afin de pallier au « manque de connaissances »Ibid. constaté des Lyonnais sur le sujet. 2. La possibilité que des artistes travaillent autour d’une arête, afin d’avoir un mélange des visions : « des artistes, de nous et des néophytes »Ibid.. 3. Faire des jeux de lumière et de sons, des mises en scène historiques. Le visiteur peut participer en changeant les ambiances. Un étal de glaise est aussi laissé à la libre disposition des visiteurs pour voir s’ils se l’approprient ou nonIbid.. C’est une vision d’un patrimoine en interaction avec le visiteur qui se dégage de ce projet de visites des arêtes de poisson. C’est aussi la conscience qu’un tel projet servirait positivement l’image de la ville 329 330 331 332 333 336 . Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Email de la mailing liste de l’OCRA. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Séance d’observation n°2: Constitution du dossier de visite des arêtes de poisson avec un cataphile membre de l’OCRA, novembre 2007, lieux divers. 334 Séance d’observation n°6: Rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon. 335 336 Séance d’observation n°6: cf.supra. BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006 Delescluse Juliette - 2008 61 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Le projet de visites des arêtes de poisson a fait l’objet d’un débat parmi les cataphiles. Les opinions divergent mais aucun cataphile opposé au projet n’a pour autant tenté de bloquer le projet en tant qu’élément de mobilisation. Le membre de l’OCRA à l’origine du dossier reconnaît qu’il y a un paradoxe pour les « clandestins » dans ce projet. Avec l’organisation de visites légales, les arêtes de poisson seraient inéluctablement isolées du 337 reste du réseau . C’est donc une sorte de sacrifice nécessaire. D’autres cataphiles ne sont « pas forcément pour un projet de visites ». Cela dénaturerait le charme d’une descente 338 dans les souterrains et ça serait « moins amusant » , explique un cataphile peu motivé par le projet. A la limite, cela permettrait de faciliter un accès aux archives. Pour autant, il est persuadé que de toute façon « cela ne l’empêchera pas d’y aller quand il veut ». Enfin, une dernière frange de cataphiles est indifférente à ce projet. Le principal pour eux c’est la connaissance historique du lieu ou sa protection 339 . Le cataphile lyonnais oscille donc entre construire et diffuser une image patrimoniale des souterrains lyonnais ou se préserver le côté privé et alternatif d’une descente en soussol. Face au péril, le cataphile lyonnais va trouver un consensus : rendre visitable une partie du réseau servant indirectement l’image patrimoniale des souterrains tout en gardant le reste du réseau pour sa recherche d’indépendance. Le cataphile lyonnais rêve aussi d’un « passe-droit » pour les souterrains. Une autorisation légale de les visiter comme une reconnaissance de leurs « expériences collectives et de leur respect des conditions de sécurité » 340 . Retour sur un premier projet de visites des arêtes de poisson : une tentative manquée Le personnage de Jean-Luc Chavent à l’origine du projet Jean-Luc Chavent est un des premiers à ajouter l’adjectif « souterrain » au mot « patrimoine ». Dès 1993, il parle d’un « patrimoine fantastique » d’architecture » 342 341 et de « trésors . Considérant que les souterrains lyonnais sont à l’époque « dans les 343 ténèbres du secret défense » , il souhaite que les Lyonnais se les réapproprient. En partenariat avec l’association Patrimoine Rhônalpin, il monte en 1994 un projet de visites des arêtes de poisson d’une trentaine de pages. Ce projet est un véritable aménagement touristique qu’il souhaite intégrer dans une politique globale. Il chiffre le coût du projet total à 500 000 Francs (75 000 Euros). Le personnage de Jean-Luc Chavent médiatisé 337 338 339 340 341 342 343 62 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra. Propos tenus par le cataphile présent lors de la séance d’observation n°6: cf.supra. Email d’un cataphile membre de l’OCRA, 13/01/2008. FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », L’Essor du Rhône, 24/06/1994. MAIRE M.A., « Lyon tire des plans sur ses galeries », Lyon Figaro, 24/05/1994. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain Suite à ce projet, la presse lyonnaise de l’époque médiatise Jean-Luc Chavent et lui attribue toute une série de surnoms : «un pro du boyau » 345 344 , « un passionné mais pas 346 fou » ou « un fervent défenseur de la connaissance des entrailles de Lyon » . Sa moustache épaisse lui donne un air sympathique et le rend photogénique. On reconnaît son érudition en ce qui concerne les sous-sols lyonnais mais aussi sur l’histoire de la ville dans son ensemble. 348 347 Mais Jean-Luc Chavent, à l’époque déjà, « gonfle les gens de la Courly » notamment parce qu’il fait la promotion des souterrains, interdits d’accès quelques années auparavant. Des échos favorables de la presse à l’échec du projet Le projet de visites reçoit les éloges de la presse de l’époque. On le présente comme un projet « en béton » qui est une « parade légale aux serrures inviolables » 349 350 . Le projet a même reçu un écho favorable de la part de la mairie, relate un article . Mais finalement le projet n’aboutira pas pour des « raisons de sécurité et de responsabilités de la ville » 351 . Fort du succès des visites atypiques qu’il a mis en place sur Lyon, Jean-Luc Chavent soutient l’actuel projet de visites des arêtes de poisson enfin, selon lui, ce « patrimoine unique » 353 352 afin que les Lyonnais découvrent . Un dossier de demande de préservation auprès de l’UNESCO. Jean-Luc Chavent a choisi une stratégie non locale pour la protection des arêtes de poisson. Celle-ci consiste 354 à déposer « en mains propres » à l’UNESCO un dossier d’une quinzaine de pages à la fin de l’année 2007. Ce dossier a pour but d’alerter sur le péril d’un site aux abords de la zone classée patrimoine mondial et voire même de le faire classer. Des mots marquants du texte sont volontairement colorés, grossis et associés à des images et à des plans. La ville de Lyon est accusée de cacher ces lieux. Elle est aussi accusée de garder « un silence volontaire » sur les dégâts occasionnés par le nouveau tube de sécurité. Le dossier insiste sur des cas précédents où pour des « raisons venues de plus haut » des démolitions ont eu lieu. Celles-ci ont ainsi privé « les Lyonnais à tout jamais d’une partie de leur histoire ». 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 FINAND S., « Lyon à travers ses souterrains », Jeudi Lyon, 17/11/1994. Ibid. MAIRE M.A., cf.supra. FINAND S., cf.supra. « Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991. FINAND S., cf.supra. A. M.-A., « Réseaux souterrains de Lyon : un patrimoine caché à découvrir », Le Tout Lyon, 07/06/1994. Email de Michel Noir, ancien maire de Lyon, le 08/02/2008. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. BARBIER J. et MASSIP M., « Pourquoi le sous-sol de Lyon est instable ? », Lyon Mag, 01/03/2002. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 63 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Il se dit faire partie des Lyonnais « qui savent » à propos de ce péril et de ce fait réclame que l’on perde « quatre arêtes pour en gagner trente » 355 . C’est avec une palette de stratégies que les cataphiles vont se mobiliser et vont aussi tenter de s’unifier. Une unification non acquise d’avance Les différentes stratégies des cataphiles vont être menées parallèlement. Malgré les désaccords, chacun respecte la stratégie de l’autre et ne cherche pas à la bloquer. Ce sont aussi des accords implicites qui vont se construire entre eux. Ceux-ci portent sur l’acceptation en cas de réussite d’une des stratégies, que l’OCRA prenne le relais. Malgré le fait qu’un des cataphiles reproche à l’OCRA son immobilisme 356 . L’OCRA Lyon est une association de préservation du patrimoine comme tant d’autres. C’est la petite sœur de l’OCRA Paris. L’association naît à Lyon en 2001. Son objectif 357 est d’ « étudier, préserver et faire connaître le patrimoine souterrain lyonnais » . L’association se réunit une fois par mois au Fort de Vaise appartenant à la Fondation Renaud. La communication entre les membres, plutôt masculins, se fait principalement via une mailing liste (notamment la diffusion du compte-rendu des réunions). Ses activités sont variées : chantier de restauration du souterrain du Fort de Vaise ; organisation des Journées Européennes du Patrimoine pour faire visiter ce même souterrain ; recherche de souterrains chez des propriétaires privés hors de Lyon ; sorties à Provins et dans d’autres villes avec des souterrains et enfin échanges avec les autres membres de l’OCRA Paris. Un membre de l’association explique clairement que l’OCRA n’est en aucun cas « un passe droit pour visiter les souterrains lyonnais ». Si des cataphiles font partie de l’OCRA, tous les membres de l’OCRA ne sont pas cataphiles. L’OCRA présente les difficultés d’une association classique : manque de temps du fait de la vie de famille des membres et problèmes de classement des documents. Un autre problème propre aux associations est que la plupart des tâches sont effectuées par quelques membres seulement. Comme toute association, « une association est faite de ses membres », remarque un membre de l’OCRA 358 . Les cataphiles et l’OCRA ont donc conclu un accord. L’OCRA sera l’interlocuteur-clé pour les politiques 361 359 et les journalistes 360 . Ils ont décidé de « s’unir pour un truc général » . Notamment parce que le péril a permis à chacun d’eux de prendre conscience de 362 l’importance des arêtes de poisson . Le péril a déclenché une prise de conscience : l’image des arêtes a donc aussi changé dans l’esprit des cataphiles du fait du péril possible. Les cataphiles vont donc coûte que coûte se mobiliser pour les arêtes de poisson. Un 355 356 Entretien n°3 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra. 357 358 359 360 361 362 64 Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007. BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Entretien n°1 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°3 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra. Séance d’observation n°7: cf.supra. Ibid. Séance d’observation n°8 : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain cataphile est déterminé à poursuivre la mobilisation « même si on se ramassera car beaucoup de choses sont en orbite autour de ça » tout par une médiatisation. 363 . La mobilisation cataphile passe avant II/ La diffusion du message par une stratégie de médiatisation C’est avec une « action de relations publiques » que le Vieux Lyon a été sauvé de la 364 destruction à la fin des années 1950, confie Régis Neyret . Dans une société où l’information primait sur la communication, poursuit-il, la presse lyonnaise était leur principal relais et moyen de communication. Les cataphiles vont utiliser cette même méthode pour les arêtes de poisson. La médiatisation mise en place par les cataphiles est largement maîtrisée (A). Les messages diffusés sont diversifiés (B). Et l’impact est globalement positif pour les cataphiles (C). A. Le sentiment cataphile d’une campagne médiatique contrôlée et réussie Les cataphiles possèdent une maîtrise des techniques nécessaires à une médiatisation réussie. La médiatisation sera d’autant plus développée du fait d’un sentiment partagé par les cataphiles d’une campagne médiatique réussie. Une maîtrise des techniques de médiatisation Les cataphiles sont conscients qu’une médiatisation réussie passe par certaines modalités. Informer sur l’existence des souterrains : la conscience du public visé. Les cataphiles connaissent le lectorat type des titres de la presse lyonnaise. Ils utilisent cette donnée dans la médiatisation de leur message. Même si leur conception peut s’avérer être en réalité fausse, ils agissent en fonction de leurs représentations. Ainsi : « Lyon Mag, ils touchent un public qui n’est pas le même que Métro […] ça touche des chefs d’entreprises, des mecs qui en imposent » 365 . Dans cette optique, les cataphiles essaient de varier les types de médias. Ils ne refusent aucune offre de médiatisation car « la presse ce n’est jamais mauvais » 366 . Utiliser le contexte électoral : le sentiment d’un avantage. Un cataphile reconnaît que les élections municipales arrivant, il est possible de « foutre la bordel autant qu’on veut », notamment parce que le « gars de 20 Minutes » le contactait tous les trois jours. D’autant que, selon lui, Gérard Collomb est quelqu’un d’inquiet par nature et que le « battage médiatique ne lui va pas trop », surtout sur un « dossier chaud » comme les arêtes de 367 poisson. Il s’agit donc de profiter de cet avantage . Finalement, un autre cataphile déclarera que ce n’est pas tant la rencontre avec un politique qui est importante mais le fait de dire à la presse que l’on a envoyé à cet homme politique une lettre 363 364 368 . Entretien n°1 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°10 avec R.Neyret, le 01/02/2008, chez lui. 365 366 367 368 Séance d’observation n°7 : cf.supra. Ibid. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 65 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Profiter de la notoriété d’un acteur : les contacts facilités avec la presse. Jean-Luc Chavent est en permanence cité dans les articles portant sur les souterrains. De plus il co-anime l’émission « Vie de quartiers » sur chaîne de télévision lyonnaise TLM. Il est donc familier des médias et possède un répertoire de contacts dans le milieu. Le cataphile lyonnais les lui demande parfois. Notamment pour que la presse soit présente 369 lors des séances pétitions pour la sauvegarde des arêtes de poisson . De part cette notoriété audiovisuelle, les actions de Jean-Luc Chavent ont plus d’échos dans les médias. Notamment parce qu’il a acquis la réputation d’être l’ « un des meilleurs connaisseurs de 370 Lyon » . On parle ainsi du fait qu’il a lancé « une polémique » déposé à l’UNESCO pour préserver les arêtes de poisson. 371 avec le dossier qu’il a Diffuser des images et des messages forts : une volonté de marquer les esprits. La diffusion du message cataphile passe par la multiplication des superlatifs pour décrire à la fois les arêtes de poisson, la menace et la taille du groupe des cataphiles : « on est une 372 373 énorme équipe » . Elle passe aussi par l’utilisation de la photographie . Le réflexe d’un des cataphiles a été de vouloir prendre une photo en voyant que des sondages coupaient une arête en deux. Cela a été fait quelques minutes plus tard par un autre cataphile. Se saisir des nouveaux types de médias : une pétition sur Internet. Le cataphile lyonnais se saisit de l’opportunité des nouveaux moyens de communication. La pétition pour les arêtes de poisson est principalement sur Internet. Ainsi, un bandeau clignotant avec des photos « les arêtes de poisson / patrimoine lyonnais / menace de disparaître / signez la 374 pétition » a été mis en ligne sur plusieurs forums cataphiles . C’est aussi dans ces forums et plus spécialement dans la rubrique « travaux » que le cataphile lyonnais diffuse des informations à propos des arêtes de poissons. Un cataphile utilise aussi le site Internet « daily motion » 375 pour mettre en ligne l’avancée de ses recherches. La sensation d’un succès médiatique La médiatisation peut présenter des revers ou obliger les cataphiles à prendre des risques. L’OCRA a ainsi souhaité apporter des corrections à un article portant sur les arêtes de poisson qui n’allait pas dans son sens 377 376 . Son « droit de réponse » a été diffusé sur son site Internet . La diffusion d’un article dans Lyon Mag a inquiété au préalable les cataphiles. Ils souhaitaient profiter de l’opportunité d’un lectorat nouveau mais craignaient ce journal 369 370 371 372 373 374 375 Ibid. LAMY G., « Les souterrains de Lyon menacés par le projet de tunnel », Lyon Capitale, 09/10/2007. X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon, 30/01/2008. Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, cf.supra. Et séance d’observation n°8: cf.supra. ème MENVIELLE D., « Et si le 2 tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007. Un des forums cataphiles: <http://ckzone.org/> Consulté en novembre 2007. Film « Lyon souterrain » sur la découverte du plan des arêtes de poisson mentionnant la présence d’ossements sur le site Internet de vidéos en ligne : < http://www.dailymotion.com/fr > Consulté en mai 2008. 376 377 66 F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008. Site de l’OCRA Lyon: < http://www.ocra-lyon.org/ > Consulté en mai 2008. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain qui fait selon eux des « articles à sensation ». Ainsi, « on savait que si jamais ils ne peuvent pas taper sur la ville de Lyon, ils vont taper sur nous […] on avait bien préparé » 378 . Mais globalement, différents éléments ont fait que les cataphiles ont eu le sentiment d’avoir réussi la médiatisation de leur message. C’est grâce à un article « déclencheur » 379 dans le journal 20 Minutes que tout a commencé, juge un cataphile. Dans cet article, on considère que le nouveau tube de sécurité pourrait être «remis en question par des amateurs de souterrains » 380 . De fait, le maire de Lyon répond, dans l’article suivant de 20 381 Minutes sur le sujet, qu’il est « sensible aux arêtes de poisson » . C’est donc la preuve pour les cataphiles que la campagne médiatique entreprise produit ses effets. Un autre cataphile nous parlera de rumeurs sur le fait que la pétition aurait fait « beaucoup de mal » 382 et qu’elle inquièterait la mairie dans le contexte préélectoral . Rumeur fondée ou non, la sensation d’avoir un impact se précise. Le message diffusé se doit d’être à la hauteur. B. Les messages d’une mobilisation Jean-Luc Chavent nous explique l’importance qu’il y a d’avoir des témoins lors d’une 383 destruction . La diffusion du message des cataphiles s’inscrit dans cette logique : être les témoins d’une destruction possible que peu de personnes pourront voir, et transmettre cette information à ceux qui en sont privés. Ce sont différents messages qui vont peu à peu apparaître. Un « patrimoine en péril » Le cataphile lyonnais va parler des arêtes de poisson dans la presse comme du « patrimoine ». Notamment parce que la notion de patrimoine est une notion qui parle plus aux Lyonnais, à l’opposé des arêtes de poisson. Le patrimoine s’est en effet imposé comme une catégorie dominante et englobante 385 387 378 380 381 382 384 385 386 387 388 . C’est ainsi un patrimoine « unique en Europe» et un « joyau du patrimoine souterrain » 386 qui risque d’être bétonné « pour l’éternité » . Il va expliquer que ce patrimoine est d’autant plus menacé 388 d’ « amputation » qu’il Séance d’observation n°7 : cf.supra. 379 383 384 Les références de l’article « déclencheur » : SILVAIN P., « Un tunnel peut en casser un autre », 20 Minutes Lyon, 26/09/2007. SILVAIN P., cf.supra. P.S. et C.B., « Gérard Collomb sensible aux arêtes de poisson », 20 Minutes Lyon, 29/10/2007. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Ibid. ANDRIEUX J-Y., Patrimoine et société, Rennes, Les Presses Universitaires de Rennes, 1998. p.3. LAMY G., « Ossements humains sous la Croix-Rousse », Lyon Capitale, 26/03/2008. BURY E., « Faut-il sauver les arêtes de poisson ? », Tribune de Lyon, 11/10/2007. LAMY G., « Les souterrains de Lyon menacés par le projet de tunnel », Lyon Capitale, 09/10/2007. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 67 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson 389 est méconnu . Cela rejoint le fait que le cataphile lyonnais considère que même si l’on ne parle pas beaucoup des arêtes de poisson, cela n’empêche pas pour autant que ce soit un 390 patrimoine exceptionnel . Le cataphile lyonnais s’identifie, dans ce sens, à la mobilisation qu’il y a eu autour du quartier de Saint-Jean menacé par un projet autoroutier lors du mandat du maire Louis Pradel 391 . Un message consensuel de non opposition au tunnel Dès les premiers articles de la mobilisation, le cataphile lyonnais a voulu adresser un message consensuel vis-à-vis de la construction du tube de sécurité. Ainsi l’objectif, selon Jean-Luc Chavent dans un article de 20 Minutes, ce n’est pas d’empêcher le percement 392 du tunnel mais qu’il soit réalisé de manière à protéger ce « patrimoine souterrain » . Un cataphile admettra, lors d’une réunion avec les responsables de la construction du tube de sécurité, que la diffusion d’articles dans la presse ne sera en aucun cas un obstacle au projet 393 . - Une demande d’informations sur le tunnel et un moyen d’informer sur leurs stratégies Le cataphile lyonnais réclame que le « projet soit concerté » 394 . En d’autres termes, que 395 le cataphile lyonnais puisse obtenir un « droit de regard sur le chantier » . La presse lui permet aussi d’informer ses interlocuteurs sur ses projets. Il annonce ainsi des échéances 396 , indique qu’il se rendra à une réunion sur le projet de rénovation dossier à l’UNESCO 398 397 et qu’il a déposé un . Il fait part aussi de sa non naïveté par rapport à des coïncidences entre la « polémique » et la réaction hâtive des services municipaux 399 . Ossements : un nouveau rebondissement qui permet une nouvelle vague de médiatisation 389 LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http:// www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960> Consulté en mai 2008. 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 68 Séance d’observation n°7 : cf.supra. BURY E., cf.supra. SILVAIN P., « Un tunnel peut en casser un autre », 20 Minutes Lyon, 26/09/2007. Séance d’observation n°7 : cf.supra. LAMY G., « Les souterrains de Lyon menacés par le projet de tunnel », Lyon Capitale, 09/10/2007. SILVAIN P., « Ils lancent une pétition pour sauver les souterrains », 20 Minutes Lyon, 09/10/2007. SILVAIN P., « Un tunnel peut en casser un autre », 20 Minutes Lyon, 26/09/2007. ème MENVIELLE D., « Et si le 2 tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007. Inconnu, « Les arêtes de poisson à l’UNESCO », Lyon Capitale, 28/12/2007. Inconnu, « Croix-Rousse : des ossements humains enterrés », Lyon Mag, 12/03/2008. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain Lors de la redécouverte des arêtes de poisson en 1959, le service voirie va trouver entre quatre et cinq mètres cubes d’ossements humains. Aucune étude archéologique ne sera 400 faite compte tenu de l’urgence de renforcer en priorité ce réseau. La question que se posait le cataphile lyonnais était de savoir si ces ossements avaient été murés ou déplacés. Deux cataphiles vont découvrir en début d’année 2008 un plan précisant clairement où se trouvent les ossements. Cette pièce, même si plus tard les cataphiles apprendront que le service archéologique de la ville la possède déjà, constitue un élément intéressant pour relancer la médiatisation autour des arêtes de poisson. C’est aussi un moyen de réclamer une étude archéologique sur ces ossements, accentuant ainsi l’importance de protéger ce site. Cela fait dire à un des cataphiles qu’avec la presse, « la recherche sur les ossements va passer comme une lettre à la poste » 401 . Une petite série d’articles suivra cet échange 402 . C. Des réponses nuancées de la part des interlocuteurs La médiatisation faite par les cataphiles sur les arêtes de poisson devient un sujet de vigilance dans un contexte électoral. Elle sera d’autant plus écoutée. Pour d’autres, la campagne médiatique mise en place par les cataphiles est avant tout une inconscience en terme de sécurité. Une certaine écoute de la médiatisation cataphile dans un contexte électoral Les politiques vont réagir aux différents articles. C’est tout d’abord le maire de Lyon qui va 403 annoncer dans 20 Minutes qu’il se dit « sensible aux arêtes de poisson » . Il souhaite engager des discussions avec l’OCRA et Jean-Luc Chavent. D’autre part, une visite des arêtes de poisson sera organisée pour la presse par la mairie du quatrième arrondissement 404 de la ville en janvier 2008 . Suite à la publication des articles sur les ossements, la presse annonce qu’un diagnostic archéologique devrait être prescrit car, comme le présente un rapport d’un adjoint au maire du quatrième arrondissement, cette « structure fort originale » 405 n’a pas « encore fait l’objet de l’étude architecturale et archivistique qu’elle mérite » . Les pouvoirs publics vont aussi diffuser dans la presse un message de minimisation des 406 dégâts et utiliser la légitimité de l’approbation des experts de la DRAC . Ce sont donc des « arêtes préservées » que le tunnel « épargnera » ou bien « seul trois petits bouts d’antenne » qui seront touchés 407 . Une médiatisation accusée d’être une facilité et une imprudence 400 401 402 Séance d’observation n°8: cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Inconnu, « Croix-Rousse : des ossements humains enterrés », cf.supra. Et LAMY G., « Ossements humains sous la Croix- Rousse », Lyon Capitale, 26/03/2008. 403 404 405 406 407 P.S. et C.B., « Gérard Collomb sensible aux arêtes de poisson », 20 Minutes Lyon, 29/10/2007. F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008. Et X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon, 30/01/2008. R.L. et M.M., « Le mystère des arêtes de poisson bientôt résolu », Le Progrès, 15/04/2008. F.C., cf.supra. X.T., cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 69 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Le service galeries du Grand Lyon va considérer cette médiatisation comme une accusation de la part des cataphiles de son manque de travail sur le sujet. Les arêtes de poisson ne sont qu’une occasion pour les cataphiles de « faire du bruit, de la propagande », relate un membre du service galeries. C’est aussi un moyen pour les cataphiles de « faire de la publicité » autour des souterrains et donc d’encourager les intrusions. Le service galeries se sent en porte-à-faux car il a le sentiment d’être accusé de garder le silence alors qu’il considère que son travail se doit de rester secret pour des raisons de sécurité. Lors de notre entretien avec un membre du service, l’une des premières questions que l’on nous posera 408 sera de savoir si notre intérêt pour le sujet fait suite aux articles dans la presse . C’est finalement sur la scène politique que les cataphiles vont peu à peu déplacer la mobilisation. III/ La politisation de l’enjeu : le souterrain sur la place publique Le rapport annuel 2006 de la charte de participation du Grand Lyon met en avant sur sa deuxième page de couverture la phrase suivante : « Donner l’occasion mais aussi l’envie à tous ceux qui le souhaitent de devenir acteurs et auteurs de leur cadre de vie, d’exercer leur responsabilité de citoyen, de participer au renouvellement du débat public ». Cette occasion de s’insérer -à leur manière- sur la scène publique est déjà saisie par les différents défenseurs du patrimoine lyonnais (A). Elle le sera aussi par les cataphiles selon deux principaux modes d’action (B). Les réactions seront plutôt favorables mais resteront individuelles (C). A. Politiques, patrimoine et souterrain : une alchimie mobilisée La politique est un moyen parmi d’autres pour les acteurs du patrimoine lyonnais. Les cataphiles vont utiliser cette donnée dans leur mobilisation pour les arêtes de poisson. Politiques et patrimoine : des influences réciproques Les échanges fonctionnent dans les deux sens entre les défenseurs du patrimoine et les politiques. Cela est d’autant plus vrai depuis quelques années. Une tendance à utiliser le politique par ceux qui font le patrimoine. Les acteurs du patrimoine lyonnais ne négligent pas l’utilisation des politiques à des fins de préservation patrimoniale. Ainsi selon Régis Neyret, le fait d’avoir un discours consensuel avec les 409 politiques, « cela peut servir le patrimoine » . La relation avec les politiques ne correspond pas dans ce cas à l’adhésion à un discours mais plutôt à un moyen parmi d’autres de protéger le patrimoine. Pour Eddie Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le plus important dans la sauvegarde d’un lieu c’est d’avoir un accord de principe 410 des collectivités, élus et propriétaires . Car finalement, comme le remarque Denis Eyraud, président de l’Union des Comités d’Intérêts Locaux du Grand Lyon (UCIL), les associations 408 Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. 409 410 70 Entretien n°10 avec R. Neyret, cf.supra. Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain se dévouent mais ceux qui ont vraiment la potentialité dans la préservation du patrimoine sont, avant tout, les élus 411 . Une potentialité récente notamment pour les élus locaux. La prise en compte d’une réalité : le rôle croissant des élus dans le patrimoine. Les élus s’impliquent de plus en plus dans la gestion du patrimoine, considère Patrice Béghain 412 413 , adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008. C’est ainsi, selon lui, la responsabilité de la gestion du patrimoine mais aussi sa définition qui sont en train de passer de l’Etat aux élus locaux. Cette délégation passe notamment par la signature de deux conventions pour le patrimoine entre l’Etat et la ville de Lyon pour les périodes 414 1998/2002 et 2003/2007. Celles-ci ont permis la restauration de différents monuments . Il espère que cette convention, avant tout financière, sera signée à nouveau cette année. L’intégration de zones de protection patrimoniale dans le Plan Local d’Urbanisme du Grand Lyon s’est faite en partie grâce à l’« initiative d’élu » que possède Patrice Béghain avec son collègue adjoint à l’urbanisme Gilles Buna. Afin notamment, confie-t-il, de « faire intégrer des édifices ou des ensembles que nous jugions intéressants d’un point de vue patrimonial qui n’étaient ni classés, ni inscrits ». Au-delà d’un rôle croissant des élus locaux dans la gestion du patrimoine, c’est surtout l’intérêt qu’ils y portent qu’il est intéressant de remarquer. Politiques et souterrains : entre accusations et utilisations Les cataphiles ont une vision nuancée des politiques. Ils sont à la fois coupables du silence actuel sur les souterrains lyonnais. Mais cette capacité peut aussi s’inverser pour aller dans le sens des cataphiles. La mobilisation cataphile aura, entre autres, cet objectif. Les politiques accusés de complot. La ville de Lyon a souvent été accusée par certains 415 cataphiles de cacher « volontairement » les souterrains aux lyonnais. Ainsi, la première accusation porte sur l’échec jusqu’à présent du projet de visite des arêtes de poisson. Selon un cataphile, « la vraie question elle n’est pas technique mais politique. Si le maire dit qu’il faut, ça se fera sans aucun problème » 416 . Pour illustrer leurs propos, ils utilisent l’exemple 417 d’autres villes qui font visiter leurs souterrains . L’autre attaque, plus générale cette fois, porte sur le « laxisme qui est désolant » de la ville de Lyon par rapport à de précédentes 418 destructions commises lors de chantiers . La mobilisation pour les arêtes de poisson n’est pas « un coup d’essai », poursuit Jean-Luc Chavent. D’autre part, un cataphile pense que la ville de Lyon a le pouvoir de dire non aux archéologues de l’archéologie préventive « quand 411 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, cf.supra. 412 413 414 Entretien avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, le 08/02/2008. Le nouvel adjoint municipal à la culture et au patrimoine est Georges Képénékian depuis avril 2008. Délibération du conseil municipal de Lyon, séance du 30/06/2003. En ligne. 4p. <http://www.lyon.fr/static/pdf/200306/ delib/20032663.pdf> Consulté en mai 2008. 415 416 417 418 Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Et entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 71 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson c’est un truc qui appartient à la ville », notamment parce qu’elle détient les financements. Un autre lui répondra que ça n’a rien à voir, « la ville de Lyon, c’est la ville de Lyon. La 419 DRAC, c’est la DRAC » . Les représentations du politique et de ses rôles ne sont donc pas les mêmes. Cependant les avis convergent sur une possible utilité des politiques dans un contexte électoral. Les politiques utilisés dans un contexte électoral. Selon Claude Pillonel, vice-président du Grand Lyon en charge de la voirie jusqu’en avril 2008, il n’y a pas de période idéale pour 420 une revendication vis-à-vis d’élections municipales . Le plus important, confie-t-il, c’est d’avoir l’accord des services techniques car ceux sont eux qui restent. Ce n’est pas l’avis des cataphiles qui considèrent comme « tant mieux pour nous » le fait que la mobilisation 421 pour les arêtes de poisson ait lieu en pleine période électorale . Ainsi, Jean-Luc Chavent veut l’assurance avant les élections municipales que les arêtes de poisson seront à l’avenir ouvertes au public 422 . Un cataphile envisage notamment de faire jouer l’opposition entre les 423 candidats pour obtenir la préservation du réseau . Il souhaiterait aussi se rendre devant un tribunal administratif. Selon lui, ce sont ces deux manières « qui marcheront ». Il craint pourtant que faute de temps il ne puisse s’en occuper. Pour Denis Eyraud, président de l’UCIL, il faut attendre la prochaine municipalité pour avoir un interlocuteur valable. Avant 424 cela, « ça ne sert à rien de s’exciter » . Les cataphiles n’attendront pas les élections municipales pour mettre les arêtes de poisson sur la scène politique notamment parce qu’ils considèrent que « Lyon nous appartient autant qu’à eux » 425 . B. Deux stratégies distinctes de politisation L’un des cataphiles va reconnaître qu’il existe deux manières différentes d’agir avec les 426 politiques chez les cataphiles . Là encore, il n’y a pas d’opposition frontale car l’objectif est le même : faire entendre la position des cataphiles pour la préservation des arêtes de poisson et de manière plus générale promouvoir le patrimoine souterrain lyonnais. Une stratégie plus « informelle » Cette stratégie est principalement celle de Jean-Luc Chavent. C’est la relation amicale ou la tentative de rencontre « entre deux portes » qui priment avec les hommes politiques. Notamment parce que les cataphiles qui utilisent cette stratégie considèrent qu’avant tout les décisions politiques se prennent de manière informelle. L’homme politique ami du cataphile 419 420 421 422 423 424 Séance d’observation n°7 : cf.supra. Séance d’observation n°6 : cf.supra. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Discussion imprévue avec J-L. Chavent, le 05/12/2007, chez lui. Entretien n°3 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra. Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, cf.supra. 425 426 72 Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain est avant tout une source d’informations 427 . Il semble perdre son rôle de décideur et devient 428 un intermédiaire. Il joue aussi un rôle d’écoute : « il m’a toujours écouté » . C’est cette relation informelle avec les hommes politiques qui est parfois mise en avant par le cataphile devant d’autres interlocuteurs 429 . Une stratégie plus « formelle » L’autre stratégie est celle qui a été principalement choisie par l’OCRA dans la mobilisation pour les arêtes de poisson. L’idée principale n’est pas d’aller faire « une révolution contre la 430 431 Mairie » . Mais de passer par la « voie normale mais plus longue » . Cette voie débute par l’envoi d’un courrier à la mairie en novembre 2007. Dans celui-ci, l’OCRA fait part de son inquiétude par rapport aux arêtes de poisson, informe qu’elle a communiqué dans la presse à ce sujet et qu’elle souhaite une entrevue avec le maire de Lyon. Elle met aussi en 432 avant son attachement au rayonnement culturel de la ville . En attendant la réponse, le dossier de visites des arêtes de poisson a été monté afin d’avoir un élément à présenter à la hauteur de la rencontre. La réponse du maire va arriver fin décembre 2007, « voilà 433 du lourd » commente un cataphile . Son emploi du temps chargé ne lui permet pas de les rencontrer, il transmet donc « directement » le dossier au vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie, Claude Pillonel pour qu’il rédige la lettre de réponse 436 434 435 . L’OCRA fait appel à un des membres instituteur . La rencontre entre un membre de l’OCRA et Claude Pillonel a lieu le 25 janvier 2008 . Nous y assistons car nous avons aidé à la prise du rendez-vous. Un accord doit être trouvé car le « problème du tunnel est fondamental ». Monsieur Pillonel considère que c’est une continuité de discussions qui doit avoir lieu plutôt que la prise d’une décision. Le membre de l’OCRA explique que le tunnel pourrait être l’opportunité, du fait de sa proximité, d’intégrer une sortie de secours nécessaire dans le circuit de visites des arêtes de poisson. Afin notamment, explique le membre de l’OCRA, d’envisager à « plus ou moins long terme de rendre visitable ce lieu ». La phrase est dite. Le compromis se trouve sur ce point précis. Monsieur Pillonel explique qu’il a consulté « un peu tout le monde » sur ce sujet et qu’ « ils ne sautent pas de joie » et en particulier pour des raisons de sécurité. Le membre de l’OCRA se demande si pour autant on n’a le droit de dire aux Lyonnais que ça n’existe pas. D’autant que si les gens veulent y aller, il existe déjà des livres qui indiquent où se trouvent les souterrains. 427 428 429 430 431 432 433 434 435 Discussion imprévue avec J-L. Chavent, cf.supra. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Ibid. Ibid. Lettre de l’OCRA au maire de Lyon Gérard Collomb, novembre 2007. Email de la mailing liste de l’OCRA. Lettre du maire de Lyon Gérard Collomb à l’OCRA, décembre 2007. Email de la mailing liste de l’OCRA. 436 Séance d’observation n°6 : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 73 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson « De toute façon les plaques et les grilles sont soudées », mentionne-t-il. Il précise aussi que l’OCRA n’organise en aucun cas des sorties dans les souterrains lyonnais. Si certains membres y vont, c’est « à titre personnel ». Le succès des Journées Européennes du Patrimoine organisées par l’OCRA pour que le public puisse visiter le souterrain du Fort de Vaise est mis en avant. Le cataphile ajoute que quand l’OCRA organise des activités, cela se fait avec des autorisations. L’importance de l’image prime dans cet échange. A la fin de la discussion, Monsieur Pillonel va prendre note de l’intégration de la sortie de secours dans le projet. Mais il précise que le projet de visites ne pourra se faire qu’une fois les travaux terminés. Le membre de l’OCRA se dit satisfait : « ça nous laisse le temps d’affûter nos crayons ». Il attend avec impatience une rencontre avec tous les acteurs. Enfin, il ajoute que Lyon s’internationalise et que la ville n’a peut-être pas forcément besoin des arêtes de poisson mais que ça pourrait être un véritable plus. L’image de Lyon devient un argument pour la mobilisation. Fin de l’échange. Le membre de l’OCRA nous confie sa satisfaction : « on pouvait difficilement taper plus haut ». Les échanges que l’OCRA aura par la suite avec les politiques se dérouleront par l’intermédiaire de lettres envoyées aux maires des premier et quatrième arrondissements 437 de Lyon à la suite des articles parus dans la presse . Les élections municipales vont mettre en suspens pendant un temps la poursuite de la mobilisation sur le plan politique. Dans les deux cas : utiliser les codes politiques et réinventer l’image de la ville Les deux stratégies, informelle et formelle, possèdent des points communs en plus d’avoir le même but. 1. Toutes les deux justifient leur mobilisation par une cause plus générale : l’image de Lyon. La ville de Lyon est comparée à d’autres villes ayant des souterrains ouverts au public. Ouvrir les souterrains aux lyonnais serait ainsi « fabuleux pour l’image de Lyon », explique Jean-Luc Chavent. Cet « autre tourisme » pourrait permettre à la ville d’avoir des retombées en terme d’image mais aussi économiquesEntretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Et séance d’observation n°6: cf.supra.. 2. La politisation du sujet nécessite pour les cataphiles de respecter des codes dont notamment le fait de rédiger un dossier attractif et expliciteDossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, cf.supra.. 3. La rencontre avec des hommes politiques est mise en avant par les cataphiles devant leurs différents interlocuteursSéances d’observation n°7 et n°8: cf.supra. . 4. Les hommes politiques sont utilisés comme un moyen de faire pression sur le service galeriesSéance d’observation n°8 : cf.supra.. C’est en partie pour cela que le discours avec les hommes politiques est consensuel. Les cataphiles ne se présentent pas comme des opposants mais bien comme des alliés sensibles à l’avenir de la ville. Ces stratégies vont se révéler partiellement opérantes. C. Des réactions favorables mais individuelles Les politiques, et en particulier les organes participatifs, vont écouter la mobilisation cataphile. Néanmoins ces réactions ne seront pas suffisamment structurées pour satisfaire pleinement les demandes cataphiles. 437 F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008. Et X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon, 30/01/2008. 74 Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain Organes participatifs : le conseil de quartier se mobilise par écrit Le conseil de quartier de « l’ouest des pentes » fait part de son soutien à la préservation des arêtes de poisson sous la forme d’un courrier adressé en janvier 2008 au président du Grand Lyon Gérard Collomb, aux vice-présidents délégués à l’urbanisme, au déplacement et à la concertation et au responsable du site de la pétition pour « sauver les arêtes de poisson ». Dans ce courrier, le conseil de quartier propose que des études précises soient faites sur l’impact des travaux sur le réseau ; que l’on examine des possibilités d’ouverture des arêtes ; que des mesures alternatives soient prises pour éviter les dommages et que ces questions soient inscrites à l’ordre du jour des réunions de concertation auxquelles le conseil participe. Le message cataphile est donc en partie relayé. 438 Pour le co-président habitant du conseil de quartier , c’est après avoir lu les articles dans la presse, qu’il s’est dit que le sujet « pouvait accrocher » notamment parce qu’il y a des « férus d’histoires » dans le conseil. La décision de soutenir les cataphiles a été prise par le bureau du conseil de quartier. Il était personnellement moins motivé par un projet de visites car il aime l’idée qu’il y ait dans la ville des « lieux un peu mystérieux et pas forcément balisés ». Mais les autres pensaient que les ouvrir au public était le meilleur moyen de les préserver. A la question de savoir s’ils vont se mobiliser à nouveau, la réponse est qu’ils ne sont pas non plus des «accrocs au truc ». C’est donc plus une réaction à un sujet d’actualité local qu’un véritable engagement. Il considère d’autre part, qu’il est nécessaire de trouver un terrain d’entente avec les politiques. Car l’opposition frontale en permanence, ça n’intéresse pas les gens. C’est dans ce sens que s’inscrit la mobilisation pour les arêtes de poisson. Les conflits directs sont évités. La priorité est la négociation. Néanmoins le cataphile lyonnais reste sur ses gardes. Les élus : une saisie limitée de l’opportunité patrimoniale dans un contexte électoral Lorsqu’un groupe se mobilise pour préserver un patrimoine, il le fait le plus souvent contre les élus qui sont à l’origine du possible péril ou qui ont accepté le permis de construire. Le groupe mobilisé est donc souvent une opposition. Mais les élus sont aussi paradoxalement demandeurs de ce genre de mobilisations 439 440 et ils reconnaissent le rôle important des associations dans le patrimoine . Notamment parce qu’ils ont la possibilité de récupérer ce mouvement dans la construction de leur image et en particulier dans un contexte électoral. Dans le cas des arêtes de poisson, en octobre 2007, le maire de Lyon a fait part de sa sensibilité sur le sujet 441 . Le même mois, Gilles Buna, vice président du Grand 442 Lyon délégué à l’urbanisme, s’est dit « favorable à l’ouverture au public du site » . Mais finalement, l’opportunité que représentaient les arêtes de poisson n’a pas été pleinement exploitée dans la campagne pour les municipales. Il s’est avant tout agi d’apaiser les craintes des cataphiles pour qu’ils ne perturbent pas la campagne. Mais la promesse d’ouvrir les 438 Entretien avec L. Voiturier, co-président élu du conseil de quartier de « l’ouest des pentes » (Croix-Rousse), le 21/02/2008, dans un café place Sathonay. 439 440 441 442 Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin: cf.supra. Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, cf.supra. P.S. et C.B., « Gérard Collomb sensible aux arêtes de poisson », 20 Minutes Lyon, 29/10/2007. ème MENVIELLE D., « Et si le 2 tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007 Delescluse Juliette - 2008 75 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson arêtes de poisson n’a pas été faite, elle a été repoussée à plus tard, au lieu d’être exploitée dans la campagne comme un projet en plus des candidats. La décision a souvent été présentée par les hommes politiques aux cataphiles comme relevant d’autres personnes. Les acteurs ne voulaient pas prendre la responsabilité d’impulser le projet. La peur d’être qualifiés d’« opportunistes » dans un contexte électoral peut être considérée comme un début d’explication 443 . Plusieurs modes de mobilisation vont être utilisés par les cataphiles dans l’optique de préserver les arêtes de poisson et promouvoir le patrimoine souterrain lyonnais. Ces différentes stratégies vont partiellement aboutir. Ce semi-échec ou semi-succés n’est pas le résultat d’une mobilisation mal menée par les cataphiles. Elle est surtout le fait d’une mobilisation malmenée par un contexte urbain particulier. Chapitre 4 Le contexte urbain comme élément perturbateur de la mobilisation La mobilisation cataphile va devoir s’adapter à différentes réalités dans lesquelles s’insèrent ses revendications. Le poids de la réputation des cataphiles limite les contacts avec des interlocuteurs clés (I). La construction d’un nouveau tube de sécurité est présentée comme primordiale et s’insérant dans une légitime évolution urbaine (II). Enfin, les instruments de protection patrimoniale rencontrent des difficultés à appréhender le possible patrimoine que pourrait être le souterrain (III). I/ La nécessité de se donner une nouvelle image pour devenir un interlocuteur légitime Aucune communication n’est possible avec les cataphiles, considère un membre du service galeries, car ce sont des « clandestins ». « Ils font du mal, ils cassent, ils nous prennent 444 du temps, beaucoup de temps », poursuit-il . Avec l’interdiction d’accès aux souterrains lyonnais décidée en 1989, le cataphile lyonnais rentre dans l’illégalité envers la norme juridique. Il devient aussi déviant, surtout dans les esprits. Car comme Howard Becker le 445 fait remarquer dans Outsiders , ce n’est pas tant l’acte en lui-même qui est déviant mais celui-ci le devient avec le regard d’autrui. Ainsi selon l’auteur, « le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès ». C’est donc plus la manière dont est vu le cataphile lyonnais que nous nous attacherons à étudier (A). Nous analyserons aussi les différentes méthodes que le cataphile tente d’utiliser pour sortir de cette représentation que l’on a de lui (B). La mobilisation pour les arêtes de poisson nécessite cette mutation mais elle en est aussi l’opportunité. A. L’image négative accolée aux cataphiles : une actualité pesante 443 444 445 76 Séance d’observation n°7 : cf.supra. Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, 12/02/2008, dans son bureau. BECKER H., Outsiders, Paris, Editions Métailié, 1983 (traduction). Version originale de 1963. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain La déviance des cataphiles va peu à peu se construire en une « action publiquement disqualifiée » 446 . Récit d’une évolution progressive. La presse du début des années 1990 : le cataphile sort d’outre-tombe Avant le premier projet de visites des arêtes de poisson imaginé en 1994 par Jean-Luc Chavent, la presse parle peu du cataphile lyonnais. Quand elle en en parle, elle en a peur. Ou du moins, elle le décrit d’une telle manière que le cataphile fait peur. C’est un article de 447 Lyon Figaro du 7 novembre 1991 qui est le plus critique envers les cataphiles . Il raconte, entre autres, une descente dans les souterrains de Lyon. Le phénomène cataphile est tout d’abord perçu comme une maladie : « une hémorragie », « un phénomène contagieux ». Dans le registre biologique, les cataphiles sont considérés comme une « nouvelle race », « une espèce » et « une faune ». C’est aussi un phénomène sectaire. Les cataphiles « convertissent du monde ». Ils sont comparés à une « société secrète avec gourou, langages et rites particuliers » qui veut découvrir « les ténèbres ». Lors de sa descente dans les souterrains lyonnais, le journaliste raconte qu’il croise des objets et tags à la limite du satanisme et du nazisme. Il explique avoir vu notamment une croix en bois à moitié brûlée, un poignard, une croix gammée sur un mur. Il parle aussi de la rumeur existant autour d’un groupe autre que les cataphiles qui est composé « d’illuminés » et qui s’adonne à des messes noires. Il existerait donc une autre population que les cataphiles dans les souterrains lyonnais. Mais le journaliste ne fait pas clairement la distinction entre ces deux groupes, il semble même faire un amalgame implicite. Si tant est que ce groupe autre que les cataphiles existe. Le titre même de l’article « Les réseaux de l’ombre » introduit le côté obscur du phénomène cataphile et le monde sans loi que représente le sous-sol lyonnais. L’article se finit par un jeu de mots : « on n’est jamais descendu aussi bas ». Le thème de la régression transparaît tout au long de l’article et se trouve confirmé dans sa conclusion. La persistance d’une image : « Des casseurs, des inconscients et des profiteurs » L’image des cataphiles s’est améliorée dans la presse. A un point qu’ils sont même 448 parfois devenus des « passionnés d’histoire et de spéléologie » . Par contre, pour le service galeries du Grand Lyon, c’est une certaine image du cataphile qui persiste. Du fait notamment des grilles et plaques endommagées par certains cataphiles pour entrer dans 449 les galeries, un membre du service qualifie les cataphiles de « casseurs » . La seule évolution qu’il remarque, c’est le coût croissant de ces dommages. Il existe un autre genre 450 de dégradations, selon lui, ce sont les sculptures dans le sable faites par les cataphiles à certains endroits. C’est pour lui la preuve d’un manque de maturité et puis « ce n’est pas de l’art ». Ils ne réalisent pas la problématique de ces lieux. Ils y vont « par curiosité, pour boire ou se shooter » et allument des bougies sans se rendre compte du danger. Dans ce sens, ils sont aussi, poursuit-il, « inconscients » des dangers du souterrain. Notamment parce qu’ils 446 447 448 449 450 Ibid. p.186. « Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991. COLIN L., « Souterrains de Lyon : un vrai gruyère », Lyon Mag, 01/04/2006. Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra. X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon, 30/01/2008. Delescluse Juliette - 2008 77 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson n’ont aucune expérience dans ce genre de travaux. L’OCRA a proposé un jour au service galeries de les aider à faire des travaux, enlever les tags mais, indique-t-il, « chacun a son champ de compétences ». Ce qu’il constate c’est que certains des cataphiles ont fait de la visite des souterrains lyonnais un « commerce ». Pour toutes ces raisons, le service galeries se refuse à un échange avec les cataphiles pour la sauvegarde des arêtes de poisson, même avec l’OCRA. Notamment parce qu’il est convaincu que l’OCRA « rentre » aussi. D’autant que le service galeries se dit travailler sur le sujet et qu’il ne voit vraiment pas ce que les cataphiles pourraient leur apporter, conclut-il. Il va falloir que les cataphiles prouvent le contraire. B. La difficile métamorphose dans les esprits Le cataphile lyonnais est stressé quand il rencontre Monsieur Pillonel, les responsables chargés de la rénovation du tunnel ou les archéologues du service municipal et de la DRAC. C'est-à-dire lors des trois principales rencontres entre les différents types d’acteurs autour des arêtes de poisson. L’enjeu est à chaque fois de taille : « sortir de l’image des canalisations, des mauvaises fréquentations », explique un cataphile, afin de devenir dans 451 l’esprit des gens des « amoureux du patrimoine lyonnais » . Le cataphile lyonnais est conscient que le service galeries « déteste les clandestins et [ils] haïssent Jean-Luc 452 Chavent » . Réalité ou représentation, peu importe, le cataphile lyonnais va s’adapter à cela et tenter de redorer son image en particulier pour permettre la préservation des arêtes de poisson. Ce phénomène s’inscrit dans une tendance plus lourde entreprise depuis quelques années par les cataphiles. Cette métamorphose se décline en trois aspects. Par les discours Jouer la carte neutre de l’association. L’appartenance à l’association OCRA est mise en avant par les cataphiles lors des principales rencontres de la mobilisation 454 453 . Le cataphile lyonnais a conscience que l’OCRA est devenue « une bonne carte » . Cette conclusion faite par un cataphile s’explique par le fait que les courriers envoyés aux politiques avec l’entête OCRA ont eu des retombées. L’OCRA sert de représentant identifiable de la nébuleuse cataphile. Les cataphiles cherchent à préserver l’image de l’OCRA. On précise que JeanLuc Chavent ne fait pas partie de l’OCRA mais est néanmoins un ami. On indique aussi que l’OCRA « ne fait pas des choses sans autorisation ». Et enfin, que l’OCRA n’organise 451 452 453 Dossier de l’OCRA pour un projet de visite des arêtes de poisson, rédigé en novembre 2007 et actualisé en février 2008. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui. Trois moments où les cataphiles ont été amenés à se présenter: Séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon. Ainsi que la séance d’observation n°7: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin. Et la séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. 454 78 Séance d’observation n°7 : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain 455 pas des sorties dans les souterrains lyonnais . Un membre de l’OCRA expliquera à un autre cataphile que l’OCRA « a fini son adolescence » et que ses membres se doivent d’être 456 « décomplexés » car l’OCRA n’a pas de clandestins « purs et durs » . Il poursuit que l’OCRA s’est enfin débarrassée de la crainte qu’elle avait « d’aller demander […] aux autres parce que l’on savait que l’on allait se faire jeter ». Bien au contraire, les cataphiles vont se mettre à l’avant de la scène avec la mobilisation. Mais avec le filtre que représente l’OCRA. Jouer la carte du consensus et s’interdire les attaques personnelles. Les cataphiles souhaitent avoir un message consensuel à propos de la construction du nouveau tube. Ils parlent même parfois d’une « opportunité » 457 . Ils se disent refuser toute attaque et 458 souhaitent être « courtois » avec le service galeries . Après avoir eu connaissance par notre intermédiaire que le service galeries allait dans le sens d’une préservation des arêtes de poisson, l’OCRA va modifier un des textes qu’elle souhaitait publier sur son site Internet afin d’être « moins rentre-dedans », comme le désire un des membres de l’association. Notamment parce qu’il sait, nous explique-t-il, que le service galeries se rend souvent sur le site Internet 459 . Par les actions Présenter de manière légale le souterrain du Fort de Vaise lors des Journées Européennes du Patrimoine et en faire un atout. L’OCRA organise chaque année depuis 2005 la visite du souterrain du Fort de Vaise lors des Journées Européennes du Patrimoine. Souterrain du Fort de Vaise. 455 456 Trois moments où les cataphiles ont été amenés à se présenter: Séances d’observation n°6, 7 et 8 : cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. 457 458 459 Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 05/02/2008. Delescluse Juliette - 2008 79 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Source : OCRA Lyon Toute l’association est mobilisée autour de cet événement qui nécessite un long travail de préparation 460 . Au début, cette ouverture s’est faite « un peu à l’arrachée », confie 461 un membre de l’association . Mais l’association a toujours pris soin de respecter les normes s’appliquant aux Etablissement Recevant du Public (ERP), poursuit-il. Pour cela, un dossier a été constitué. Celui-ci contient notamment l’autorisation du propriétaire du fort, Jean-Jacques Renaud. Un « expert » leur a aussi fait un courrier indiquant que les 462 normes de sécurité étaient respectées : «une clé qui ouvre plein de trucs » . Chaque année, les membres de l’association craignent un refus de la part de la direction municipale 463 de la sécurité et de la prévention . L’objectif à moyen terme est de rendre ce site accessible au public de façon permanente, afin de faire de ce lieu « un cheminement 460 461 462 463 80 Séance d’observation n°9: réunion OCRA du 05/04/2008, salle de réunion du Fort de Vaise. Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra. Ibid. Séance d’observation n°9: cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain 464 propice à la présentation d’expositions ou de tranches d’histoire de la ville » . L’OCRA va régulièrement insister devant ses différents interlocuteurs sur le succès de ces visites au Fort 465 de Vaise. « On était obligé de les bloquer », explique un membre de l’association . C’est presque un renversement de situation qui se produit, le cataphile se trouve dans la situation où il doit limiter l’accès au souterrain. Ce succès démontre aussi la capacité de l’OCRA à organiser un projet de visites. L’OCRA met donc aussi en avant cette « expérience » acquise 466 . Cela sera fait en particulier dans le dossier présentant le projet de visites des arêtes de poisson. Une partie sur les visites au Fort de Vaise sera ajoutée au dossier et illustrée 467 de nombreuses photos .Dans cette même optique de respect des normes de sécurité par l’OCRA, le projet de visites des arêtes de poisson se voudra répondre à un maximum d’exigences sécuritaires. D’autre part, tout profit financier est banni afin que les cataphiles ne soient pas accusés de « s’enrichir sur le dos des souterrains » 468 . Faire des chantiers de restauration et se séparer des éléments destructeurs. Les 469 cataphiles ont leurs « briseurs de rêves », les tagueurs en particulier . A Paris, ce sont des grandes « soirées poubelles » qui sont organisées où l’on ramasse les détritus et où l’on gratte les tags des parois 470 . A Lyon, l’esprit de l’OCRA est le même. Le projet de 471 visites des arêtes inclura que l’on enlève la plupart des tags qui s’y trouvent . Chez les cataphiles lyonnais, les personnes qui dégradaient ont été volontairement mises de côté 472 . L’OCRA s’attelle à la restauration du souterrain du Fort de Vaise. Le principe de cette 473 sorte de « chantier de jeunesse » est principalement de se retrouver quelques samedis dans l’année et sortir des sacs de terre à l’extérieur pour dégager le souterrain. Les salles 474 déblayées font ensuite l’objet d’ « inaugurations » festives par les membres . Un des membres de l’OCRA souhaite monter le même genre de chantier au Fort de Loyasse afin que les « Lyonnais se réapproprient leur patrimoine » 464 475 . Ce qui est sûr c’est que de part Dossier de l’OCRA à l’attention de la direction prévention et sécurité de la ville de Lyon pour la visite du souterrain du Fort de Vaise lors des Journées Européennes du Patrimoine, 2006. 465 466 467 468 469 470 471 472 473 474 Entretien avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui. Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 25/02/2008. Dossier de l’OCRA pour un projet de visite des arêtes de poisson, rédigé en novembre 2007 et actualisé en février 2008. Séance d’observation n°6 : cf.supra. « Soirées poubelle et défense du patrimoine », Le Monde, 12/08/1997. Ibid. Actualisation en février 2008 du projet de l’OCRA de visite des arêtes de poisson rédigé en novembre 2007. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui. BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Séance d’observation: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin. 475 Entretien avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui. Delescluse Juliette - 2008 81 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson leurs actions, notamment dans le cadre de l’OCRA, les cataphiles tentent de se construire une image respectable. Par une mobilisation selon des règles établies Se placer en position de légitimité par son apport de connaissances et ses relations. Le cataphile lyonnais souhaite apporter, comme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre, 476 sa connaissance « pratique » du lieu à ses différents interlocuteurs . Il le fait d’une telle manière, qu’il souhaite démontrer la nécessité de faire appel à lui. Il va même parfois jouer avec l’image de casseurs d’autres cataphiles pour obtenir une étude archéologique sur les ossements des arêtes de poisson. En effet, si aucune étude n’est faite, connaissant le mur où derrière lequel sont supposés se trouver les ossements, d’autres cataphiles pourraient être tentés de vouloir les découvrir. Mais « personne n’a essayé de le toucher, pour l’instant. Je dis bien pour l’instant » rassure-t-il l’auditoire 477 . Le cataphile lyonnais va aussi présenter les rencontres qu’il a effectuées jusqu’à présent avec des hommes politiques 479 478 . Il va insister sur ses contacts indirects pouvant servir . Les travaux faits sur les souterrains par un architecte qui a eu le prix de la ville de Lyon en 2005 vont aussi être présentés avec fierté 480 . La publication d’ouvrages sur les souterrains lyonnais est un autre moyen de se légitimer. C’est une « référence » pour l’OCRA qu’un cataphile écrive un livre, déclare un 481 membre de l’association . D’autre part, ces « connaissances livresques » seront vraiment utiles pour les visites des arêtes de poisson, poursuit-il. Celles-ci seront d’ores et déjà mises 482 en avant lors de la réunion avec les responsables de la rénovation lourde du tunnel . Le cataphile lyonnais tente de banaliser son image et en même temps de se singulariser afin que l’on fasse appel à lui pour ses connaissances particulières. En parallèle, il tente de prouver que ces dernières sont utiles. Notre participation dans la construction d’une nouvelle image. Durant notre travail de recherche selon la méthode de l’observation participante, nous avons participé à la construction d’une nouvelle image pour les cataphiles. Nous avons tout d’abord été une source d’informations pour les différents acteurs de la mobilisation. Cette position nous a permis d’en obtenir en échange. Nous avons aussi participé à la conception du dossier de visites des arêtes de poisson. Cela nous a permis d’être acceptés parmi les cataphiles. Enfin et surtout, nous nous sommes rendus aux trois principales réunions avec l’accord des cataphiles en partie parce que notre image « sortait de celle de casseur » et que ça se 476 477 478 479 480 Trois moments où les cataphiles ont été amenés à se présenter: Séances n°6, 7 et 8 : cf.supra. Séance d’observation n°8 : cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Séance d’observation n°8 : cf.supra. Présentation du projet de Julien Tatéossian (Entretien n°8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », le 23/08/2008 chez lui.) lors de la séance d’observation n°6, cf.supra. 481 482 82 Séance d’observation n°7 : cf.supra. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain 483 « voyait » que nous ne descendions pas dans les souterrains . Ce qui n’est pas le cas d’autres cataphiles, nous a confié l’un d’eux. Nous nous sommes donc retrouvés mêlés, de part notre recherche, à un processus de construction d’une nouvelle image pour les cataphiles qui souhaitent, pour la plupart, sortir de ce « lourd passif » en construction qui n’a, pour l’instant, pas encore abouti. 484 . C’est un processus II/ Le projet du nouveau tunnel inscrit dans la continuité d’une légitime évolution urbaine 485 Dans sa délibération du 9 juillet 2007 , le conseil de communauté du Grand Lyon va approuver le bilan de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la CroixRousse. La réalisation de cette opération poursuit, selon la délibération, quatre objectifs principaux : « mettre l’ouvrage aux normes de sécurité, respecter le Plan de Déplacements 486 Urbains du Grand Lyon , rendre urbain cet ouvrage routier et respecter l’environnement ». Ce projet s’inscrit donc dans une mise aux normes de sécurité (A) et une nécessaire évolution urbaine (B) qui rendent moins facile une mobilisation pour le réseau souterrain des arêtes de poisson. A. Une exigence de sécurité qui prévaut sur toute opposition De réels moyens ont été mis en place par les pouvoirs publics locaux pour la rénovation lourde du tunnel. Une opposition totale apparaîtrait comme déplacée et se révélerait contreproductive pour la mobilisation cataphile. La conscience cataphile qu’une opposition totale est impossible face à une mise aux normes sécuritaires 487 Le cataphile lyonnais sait très bien qu’il ne peut pas « bloquer une ville » . Notamment parce que la mise aux normes de sécurité du tunnel de la Croix-Rousse est une obligation. Le tunnel, inauguré en avril 1952 483 484 485 486 488 doit faire « peau neuve » 489 . Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 05/02/2008. Séance d’observation n°6 : cf.supra. Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 9 juillet 2007, numéro 2007-4246. C’est en 1997 que l’agglomération lyonnaise s’est dotée pour la première fois d’un Plan de Déplacements Urbains (PDU). Celui- ci conduira notamment à la création de deux lignes de tramway. Il sera révisé en 2003 et en 2005. 487 488 Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. La construction du tunnel de la Croix-Rousse débute en 1939 mais elle sera interrompue par la seconde guerre mondiale. Il sera inauguré en 1952. 489 Dossier de présentation du projet Serin-Quais de Saône (incluant la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse), édité par la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon. Delescluse Juliette - 2008 83 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Source : Fond Sylvestre - Bibliothéque municipale de Lyon 490 Pour un responsable de la maîtrise d’ouvrage (service des tunnels du Grand Lyon) , le tunnel de la Croix-Rousse est « extrêmement vétuste ». C’est suite à l’accident du tunnel 491 du Mont-blanc qu’une circulaire interministérielle du 25 août 2000 rend obligatoire un diagnostic de sécurité pour les tunnels de plus de 300 mètres du réseau routier national. Le tunnel de la Croix-Rousse est la propriété de la collectivité territoriale donc de fait non soumis à ce texte. Mais un décret du 24 juin 2005 490 492 étend les procédures techniques du Entretien n° 6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix- Rousse (service tunnels du Grand Lyon), le 06/12/2007, dans son bureau Montée de Choulans. 491 Circulaire interministérielle du 25 août 2000 relative à la sécurité dans les tunnels du réseau routier national (ministère de l’intérieur et ministère de l’équipement, des transports et du logement), numéro 2000-63. En ligne. 59p. < http://www.vie-publique.fr/ documents-vp/circulaire_25-08-2000-1.pdf > Consulté en mai 2008. 492 84 Décret du 24 juin 2005 relatif à la sécurité d'ouvrages du réseau routier, numéro 2005-701. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain texte précédent à tous les tunnels routiers de plus de 300 mètres en règle générale, et donc aussi ceux des collectivités territoriales. C’est sur cette base, indique-t-il, qu’un diagnostic de sécurité est effectué par rapport au référentiel de 2000. Celui-ci a été réalisé pour le tunnel de la Croix-Rousse début 2006. Les études sur la rénovation lourde de l’ouvrage 493 commencent à cette même période. En parallèle, des travaux d’urgence sont réalisés entre septembre 2004 et mars 2006 afin de limiter le risque d’incendie. La préoccupation principale a donc été avant tout de sécuriser l’existant. 494 Les manquements en termes de sécurité du tunnel portent sur trois points principaux : aucun aménagement pour l’évacuation et la protection des usagers, le faux plafond de la gaine de ventilation ne garantit pas de stabilité au feu et si un incendie se démarrait à l’extrémité du tunnel, les fumées pourraient se développer et rattraper les usagers. Avec 495 une estimation de 52 000 véhicules par jour qui empruntent actuellement le tunnel, « chaque jour qui passe est un jour de trop, je ne vous dis pas l’état d’esprit dans lequel nous sommes », confie un des responsables de la rénovation lourde du tunnel 496 . La rénovation lourde du tunnel est donc une obligation. Elle est aussi largement 497 présentée comme telle vis-à-vis des cataphiles . Si un ouvrage neuf devait être construit, il devrait comporter deux tubes comme c’est le cas pour le tunnel de Fourvière. C’est pour cette raison que les différentes solutions de rénovation envisagées comportent toujours la construction d’un second tube. Une seule parmi les cinq solutions n’en comporte pas. Mais elle a été écartée du fait qu’elle nécessitait l’interruption du trafic routier pendant les 498 travaux, c'est-à-dire entre un an et demi et deux ans . Dans tous les cas, la sécurisation du tunnel existant nécessite un second tube interceptant les arêtes de poisson. En fonction de ces données incontestables, les cataphiles vont se mobiliser pour limiter au maximum les dommages. Une procédure particulière à la hauteur du projet La procédure retenue pour les travaux de rénovation lourde du tunnel est celle de la conception-réalisation 499 . C’est une procédure dérogatoire du code des marchés publics 500 qui permet, selon le responsable de la maîtrise d’ouvrage , « d’associer l’entreprise au concepteur pour définir la solution ». Le maître d’ouvrage est « la personne morale […] pour 493 494 Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 26 mars 2007, numéro 2007-4013. Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse (du 20 avril au 8 juin 2007), édité par le Grand Lyon. En ligne. 28p. Consulté en mai 2008. <www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/actualites/ Concertation_tunnel_Cx_Rousse.pdf> 495 496 497 498 499 500 Ibid. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Ibid. Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra. Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 12 novembre 2007, numéro 2007-4512. Entretien n° 6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 85 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson laquelle l’ouvrage est construit. Responsable principal de l’ouvrage, il remplit dans ce rôle 501 une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre » . Il est important de noter que le maître d’ouvrage est investi d’une mission, c'est-à-dire qu’il n’agit pas dans son intérêt propre mais dans l’intérêt général. Le maître d’ouvrage pour la rénovation du tunnel de la Croix-Rousse est le Grand Lyon et en particulier le service des tunnels. Dans le cadre de la procédure de conception-réalisation, le maître d’ouvrage rédige un programme fonctionnel auquel un groupement de concepteurs-réalisateurs va répondre et proposer un avantprojet. Cette procédure exceptionnelle est justifiée, indique le responsable de la maîtrise d’ouvrage, du fait qu’ « il y a des motifs techniques, urbains, géologiques, géotechniques qui justifient d’associer l’entreprise au concepteur […] parce que les moyens utilisés, les 502 modes opératoires, le concepteur seul ne peut pas le prévoir de manière pertinente » . La présence de galeries souterraines est un des motifs pris en compte dans le choix de cette procédure 503 . Une procédure dérogatoire La procédure de conception-réalisation est prévue par l'article 18-I de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (Loi « MOP »). Les conditions d'application de l'article 18-I ont ensuite été précisées par le décret n° 93-1270 du 29 novembre 1993. Ainsi, l'article 1er de ce décret stipule : « Lorsqu'en application du I de l'article 18 de la loi du 12 juillet 1985 susvisée, le maître d'ouvrage confie par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, il passe un contrat dit de conception-réalisation. Il ne peut recourir au contrat de conceptionréalisation que si l'association de l'entrepreneur aux études est nécessaire pour réaliser l'ouvrage, en raison de motifs techniques liés à sa destination ou à sa mise en œuvre technique. Sont concernées des opérations dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre ainsi que des opérations dont les caractéristiques intrinsèques (dimensions exceptionnelles, difficultés techniques particulières) appellent une exécution dépendant des moyens de la technicité des entreprises ». Le maître d’ouvrage va aussi se doter d’un « assistant à la maîtrise d’ouvrage » (AMO) 504 pour la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse . Rien n’oblige le maître d’ouvrage à se faire aider mais faute de disposer de l’ensemble des compétences nécessaires dans les domaines techniques, il préfère y recourir. Il est le « véritable bras droit » qui s’occupe 501 Loi du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (dite loi MOP), numéro 85-704. 502 Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra. 503 Appel d’offre numéro 07-261556 pour les études de conception, la réalisation des travaux de rénovation du tunnel existant ainsi que le creusement et l’aménagement d’un nouveau tube circulé de 1750 mètres parallèle au tunnel existant, réservé aux transports en commun et aux modes doux. Date limite de réception des offres: 28 janvier 2008. 504 86 Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 12 novembre 2007, numéro 2007-4512. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain du pilotage du projet sur le plan technique et administratif, précise l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse 505 . Il ajoute que « c’est très intime finalement ». Dans le cas de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse, le calendrier est très précis 506 . Dossier de sécurité : avril 2006 (Désignation d’un assistant à maîtrise d’ouvrage) ↓ Études préliminaires : décembre 2006 (Recherche de solutions de rénovation) ↓ Concertation préalable du 20 avril au 8 juin 2007 solutions de rénovation) ↓ (Présentation au public des Bilan de la concertation et choix d’une solution par le Conseil du Grand Lyon : 9 juillet 2007 ↓ Élaboration du programme de rénovation de la solution retenue : octobre 2007 ↓ Approbation du programme par le Conseil du Grand Lyon : novembre 2007 ↓ ↓ Consultation des entreprises et enquête publique : second semestre 2008 (Choix du titulaire par le Conseil du Grand Lyon) ↓ Démarrage des travaux : 2009 ↓ Mise en service prévisionnelle : 2013 L’échéance de la mise en service du nouveau tube est 2013. L’objectif est de finir 507 l’ouvrage « avant la fin du mandat », admet un responsable de la maîtrise d’ouvrage . C’est donc une procédure particulière qui est enclenchée. Le projet doit être à la hauteur des attentes en matière de sécurité mais aussi en matière d’échéances électorales. Les cataphiles doivent gérer ces impératifs dans leur mobilisation. B. Un projet qui veut s’insérer dans la tendance urbaine actuelle Le projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse a été voulu comme une opportunité d’amélioration du cadre de vie globale de deux quartiers (côté Rhône et côté Saône). Il rencontre donc plus facilement l’adhésion de nombreux Lyonnais du fait de son respect - voire amélioration- de l’environnement. La question des arêtes de poisson reste néanmoins une question secondaire. Une mise aux normes présentée comme une opportunité pour l’avenir de la ville : le choix d’une solution combinant sécurité et environnement 505 Entretien n° 7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, le 08/01/2008, dans une salle de réunion au Grand Lyon 20 rue du lac. 506 Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra.Et Panneau présentant le calendrier « les prochaines étapes », exposition à la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon. En ligne. 1p. <www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/Serin_quaisdeSaone/ PANNEAU-6_80X200.pdf > Consulté en mai 2008. Et entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la CroixRousse: cf.supra. 507 Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix- Rousse : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 87 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson La concertation préalable pour la rénovation lourde du tunnel a eu lieu entre le 20 avril et le 8 juin 2007. Trois solutions ont été soumises à la concertation : Solution 1 : Réalisation d’une galerie de sécurité parallèle au tunnel existant. Source : Grand Lyon. Solution 2 : Réalisation d’un tube de circulation parallèle au tunnel existant réservé aux véhicules légers. 88 Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain Source : Grand Lyon. Solution 3 : Réalisation d’un tube de circulation parallèle au tunnel existant réservé aux transports en commun et aux modes doux. Delescluse Juliette - 2008 89 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Source : Grand Lyon. Les aménagements communs aux trois solutions sont l’intégration paysagère des têtes 508 de tunnel, l’aménagement et la mise en valeur du passage piéton côté Rhône . C’est au final la troisième solution qui va être retenue par le conseil de communauté du Grand 509 Lyon . Sa décision est motivée, explique-t-il, par le fait qu’elle est « la seule solution qui permette, à terme, outre la mise en sécurité réglementaire du tunnel existant, de concevoir, dans le cadre du projet urbain, une véritable ligne forte bidirectionnelle par transports en commun en site propre entre le quartier de la Duchère et celui de la Part-Dieu et donc, de s’inscrire dans une démarche de développement des modes de transports alternatifs apportant ainsi des solutions crédibles à une éventuelle limitation de la place de la voiture ». Cette solution a pour but d’allier une mise en valeur urbaine à un projet de mise aux normes de sécurité. La mise aux normes de sécurité va donc être présentée comme une opportunité pour l’avenir de la ville. « C’est une manière de résoudre le problème de la 510 sécurité différemment », explique le responsable du service tunnels . Le choix effectué semble être celui de l’ajout de valeur ajoutée à une obligation. Un responsable de la maîtrise 508 Solutions détaillées dans le dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse (du 20 avril au 8 juin 2007), édité par le Grand Lyon. En ligne. 28p. < http://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/actualites/ Concertation_tunnel_Cx_Rousse.pdf> Consulté en mai 2008. 509 510 90 Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 9 juillet 2007, numéro 2007-4246. Séance d’observation n°7 : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain 511 d’ouvrage considère que compte-tenu du contexte urbain et du trafic soutenu, c’est une « solution innovante » qui permet d’associer à l’exigence de sécurité l’ajout de transports en commun, « modes doux » et piétons. Elle s’inscrit aussi, selon lui, dans une « vision globale » des liaisons entre deux quartiers. L’engagement de la ville dans les « modes doux » est ainsi confirmé par ce projet. L’objectif est de créer un espace sécurisant et accueillant pour 512 ces modes de transports . Lors de la concertation, certaines personnes ont craint qu’un jour les voitures viennent à circuler aussi dans ce nouveau tube. L’assistant à la maîtrise d’ouvrage leur a répondu que tout était possible mais que ce n’était pas la « tendance urbaine quels que soient les parties » urbaine actuelle. 513 . Ce projet s’inscrit donc bien dans une évolution L’environnement naturel et urbain est aussi pris en compte et étudié est de réduire les nuisances sont volontairement limitées 515 516 517 514 . L’objectif . Les nuisances sur l’environnement des travaux du projet . Mais le projet se veut aussi avant tout structurant : « une 518 recomposition » . Ainsi, « une nouvelle ville se dessine » pour que l’environnement urbain soit amélioré. Il allie ces deux dimensions : limitation d’un mal, construction d’un bien. Respect de l’existant et anachronisme d’une destruction du patrimoine Les critères d’un environnement urbain idéal sont définis avant tout dans une réflexion globale. Le projet se doit de s’intégrer dans un contexte particulier tout en introduisant des 519 conditions de vie améliorées, « une valorisation de l’urbain » . Dans ce sens, nous pourrions penser que le projet se doit aussi d’être respectueux du patrimoine. Notamment 511 Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix- Rousse: cf.supra. 512 Panneau « place aux transports en commun et aux modes doux », exposition à la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon. En ligne. 1p. <http://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/ Serin_quaisdeSaone/PANNEAU-2_80X200.pdf> Consulté en mai 2008. 513 514 Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, cf.supra. Panneau présentant le nouveau pont Schuman « autour du pont... », exposition à la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon. En ligne. 1p. <http://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/ Serin_quaisdeSaone/PANNEAU-5_80X200.pdf > Consulté en mai 2008. 515 Dossier de présentation du projet Serin-Quais de Saône (incluant la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse), édité par la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon. 516 517 518 Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 12 novembre 2007, numéro 2007-4512. Dossier de présentation du projet Serin-Quais de Saône : cf.supra. Panneau « une nouvelle ville se dessine », exposition à la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon. En ligne. 1p. <http://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/Serin_quaisdeSaone/ PANNEAU-1_80X200.pdf > Consulté en mai 2008. 519 Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 91 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson 520 parce que la mode n’est plus dans « l’évolution urbaine qui rase tout » . Ce projet se veut être en cohérence avec un milieu urbain « très contraignant » car il se situe au cœur de la 521 ville historique de Lyon . Il se doit de garantir la meilleure insertion de l’ouvrage dans son environnement. Le site va être dénaturé mais uniquement pendant le temps des travaux, explique un responsable de la maîtrise d’ouvrage 522 . Dans ce cadre de réflexion globale, les associations et les riverains ont été interrogés lors de la consultation préalable. « Ce sont des réunions qui finissent tard » et les gens ne font pas toujours la distinction « entre l’objet et l’homme », regrette l’assistant à la 523 maîtrise d’ouvrage . Il poursuit en expliquant que c’est souvent la minorité qui s’exprime, seulement « ceux qui sont contre ». C’est un des problèmes de la démocratie selon lui. C’est dans ce cadre de « sujets nombreux à traiter » 524 que va s’insérer la mobilisation cataphile. Les arêtes de poisson : une problématique mineure parmi d’autres plus « primordiales » Le projet de rénovation lourde veut s’insérer au mieux dans l’environnement urbain. Dans cette optique, le réseau des arêtes de poisson reste considéré dans les débuts de la mobilisation comme un élément de l’environnement urbain uniquement dans son aspect technique et non esthétique. L’impact sur le réseau est vu comme marginal par rapport à tous les bienfaits du projet dans sa globalité. Ce projet sera « plein d’améliorations pour 525 l’environnement » . Pour les arêtes de poisson, l’aspect hydraulique et piéton va être rétabli, poursuit l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. C’est donc l’aspect utilitaire du réseau qui est avant tout préservé. Dans l’esprit des responsables du projet, le réseau ne sera donc pas mis en péril. Le côté exceptionnel du site n’a pas été remarqué lors des visites de chantier. D’autant que c’est « tout bétonné », considère un responsable de la maîtrise 526 d’ouvrage . Il poursuit sur le fait que le dossier « arêtes de poisson » reste un « sujet de vigilance » notamment dans un contexte d’élections. Il ne souhaite pas rentrer dans des opérations qui pourraient compliquer le débat. Finalement, ce qui le préoccupe c’est avant 527 tout le « bon déroulement des opérations » . Ainsi, l’assistant à la maîtrise d’ouvrage remarque néanmoins, à la fin de notre discussion, qu’il faut qu’il pense à traiter ce sujet là 520 Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon, le 13/02/2008, dans son bureau au Grand Lyon 20 rue du lac. 521 522 Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. 523 524 Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse: cf.supra. Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix- Rousse : cf.supra. 525 526 Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra. Entretien n° 6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse: cf.supra. 527 92 Ibid. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain dans le dossier d’enquête d’utilité publique cataphiles lors de l’enquête publique. 528 . Une brèche est peut-être ouverte pour les III/ L’improbable classement : les moyens de protection du patrimoine interrogés par le souterrain L’entrelacement des acteurs et des procédures de protection du patrimoine est difficilement perçu par le cataphile lyonnais. Dans ce maillage, nous avons tenté de rechercher quel mode de protection semblait le plus adapté pour le réseau des arêtes de poisson. Nous verrons que la protection d’un souterrain sort des normes du patrimoine et oblige celles-ci à 529 être redéfinies. Néanmoins selon Régis Neyret, une procédure de protection locale vaut mieux dans ce cas qu’une procédure à un niveau international de type UNESCO. A. Classement ou inscription au titre des Monuments Historiques Le classement et plus spécialement l’inscription au titre des Monuments Historiques du réseau souterrain des arêtes de poisson est une première possibilité de protection pour ce lieu. Un processus hiérarchisé L’inscription simple au titre des Monuments Historiques permet de « geler un peu les 530 choses » . Comme toute forme de protection, elle n’est pas totalement immuable mais elle permet d’introduire un principe de précaution. Celui-ci est plus important lors d’un classement comme Monument Historique. La loi du 31 décembre 1913 prévoit ainsi deux niveaux de protection, le classement et l’inscription. Mais tous deux sont désormais régis 531 par le titre II du livre VI du Code du patrimoine instauré en 2004 et par le décret 2007-487 du 30 mars 2007. Selon l’article L.621-1 du code du patrimoine : « Sont classés comme Monuments Historiques, en totalité ou en partie, les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public ». Le critère artistique renvoie avant tout à une perception visuelle du patrimoine conçu un peu à la manière d’un tableau 528 532 . Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, le 08/01/2008, dans une salle de réunion au Grand Lyon 20 rue du lac. 529 530 Entretien n°10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui. Entretien n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC Rhône-Alpes, le 29/02/2008, dans son bureau à la DRAC. 531 Le droit du patrimoine s'est considérablement enrichi et complexifié en quelques années. Le code du patrimoine est une codification à droit constant, c'est-à-dire que ce code est formé à partir de textes déjà existants. Il ne s'agit donc que d'une classification. Ce code donne une définition très large du patrimoine en son article L1 puisqu'il « s'entend, au sens du présent code, de l'ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique ». La publication du code du patrimoine remplace et abroge plusieurs textes importants dont la loi du 31 décembre 1913 relative aux Monuments Historiques. Code du patrimoine en ligne. 81 pages. <http:// www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droit-culture/patrimoine/pdf/code_du_patrimoine.pdf> Consulté le 15 mai 2008. 532 PRIEUR M. et AUDREDIE D. (dir.), Les monuments historiques, un nouvel enjeu ?, Paris, L’Harmattan, 2004. Delescluse Juliette - 2008 93 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Les étapes d’une procédure Le dossier de protection est le plus souvent constitué par les documentalistes recenseurs de la conservation régionale des Monuments historiques. Il comprend une partie documentaire donnant des renseignements détaillés sur l’immeuble et différents documents d’identification comme des photographies ou des plans. L’avis de l'architecte en chef des Monuments Historiques, de l'architecte des bâtiments de France et du conservateur régional des monuments historiques (ou du conservateur régional de l'archéologie s'il s'agit d'un gisement archéologique) font aussi partie du dossier. Celui-ci est ensuite soumis pour avis à la Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) instituée par décret du 5 février 1999. Cette commission comprend des personnalités titulaires d’un mandat électif national ou local, des représentants de l’Etat et des personnalités qualifiées. Elle est présidée par le préfet de région. Elle se réunit au moins trois fois par an sur convocation de son président et émet un avis sur les propositions de protection. L'arrêté d'inscription est préparé après la réunion de la CRPS et signé par le préfet de région. Le préfet de région peut alors décider de l'inscription de l'immeuble ou proposer son classement au Ministre chargé de la culture. Le préfet de région établit, à titre conservatoire, un arrêté d'inscription, et transmet le dossier au ministère. La commission supérieure des Monuments Historiques, sur présentation du dossier par le service régional instructeur et sur rapport de l'inspecteur général des Monuments Historiques, peut soit proposer le classement (le propriétaire est alors invité à formuler son accord par écrit), soit estimer suffisante l'inscription sur l'inventaire supplémentaire. Les arrêtés de classement sont signés par le Ministre de la Culture. Dans le cas où l'immeuble est menacé de disparition ou d'altération imminente, le ministre peut prendre une décision d'instance de classement. Dès que le propriétaire en a reçu notification, tous les effets du classement s'appliquent à l'immeuble considéré pendant un an, délai pendant lequel l'administration peut mettre en oeuvre la procédure normale de protection 533 . L'immeuble classé ne peut être détruit, déplacé ou modifié, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration ou de réparation, sans l'accord préalable du ministère chargé de la Culture. Les travaux autorisés s'effectuent sous la surveillance de son administration. Aucune construction neuve ne peut être adossée à un immeuble classé sans une autorisation spéciale du ministre chargé de la Culture. Les immeubles classés sont imprescriptibles. L'immeuble classé ne peut être cédé sans que le ministère chargé de la Culture en soit informé, il ne peut s'acquérir par prescription et ne peut être exproprié sans que le ministère ait été consulté. Toute modification effectuée dans le champ de visibilité 534 d'un bâtiment classé doit obtenir l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Est considéré dans le champ de visibilité du monument tout autre immeuble distant de celui-ci de moins de cinq-cent mètres et visible de celui-ci ou en même temps que lui. L'immeuble inscrit ne peut être détruit, même partiellement, sans l'accord du ministre chargé de la Culture. Il ne peut être modifié, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration ou de réparation, sans que le ministère chargé de la culture en soit informé quatre mois auparavant. La Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) ne peut s'opposer à ces travaux qu'en engageant une procédure de classement. C’est donc un régime d’autorisation. 533 Plus de détails sur les fiches du ministère de la culture publiées sur Internet: <http://www.culture.gouv.fr/culture/organisation/ dapa/publications.htm> Consulté en mai 2008. Voir aussi BADY J-P., Les Monuments Historiques, Paris, PUF, collection « Que saisje ? », 1985. 534 94 Loi du 25 février 1943 instituant une servitude d’abords au profit des Monuments Historiques, numéro 92. Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain Une solution inadéquate pour les souterrains ? « On peut dire qu’aujourd’hui, il n’y a plus trop d’exclusions », explique une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la 535 DRAC Rhône-Alpes , à propos de la définition du patrimoine. Cependant, il faut quand même qu’il y ait, selon elle, quelque chose d’assez « fort et authentique ». D’où par exemple des débats sur les lieux de mémoire entre les conservateurs, notamment entre les différentes régions. Dans le cas du réseau des arêtes de poisson, ce n’est pas totalement de l’archéologie préventive, explique-t-elle, notamment à propos de la question des financements. Quant à la protection au titre de patrimoine, « on a du mal comme ça un peu sur des dossiers mal connus », confie-t-elle. Surtout lorsqu’en face, il y a un projet d’aménagement de tunnel, précise-t-elle. D’autre part, pour un réseau de souterrain il n’y a jamais de co-visibilité par rapport à un bâtiment classé pouvant permettre une protection même limitée. Se pose aussi la question du propriétaire dans le cas des souterrains, poursuit-elle. Elle propose à l’OCRA d’écrire une lettre, en particulier au service de l’archéologie, pour faire état de leurs recherches. « On se doit de répondre », conclutelle. Elle conseille de bien argumenter afin « de susciter l’intérêt auprès des personnes ». Notamment parce qu’ils reçoivent beaucoup de sollicitations. Il ne faut donc pas hésiter à 536 « accrocher ». Finalement, comme l’explique Régis Neyret, il est très difficile de classer quelque chose que l’on ne voit pas. Mais dans tous les cas, l’inscription ne semble pas adaptée pour le cas des arêtes de poisson. Ça serait même « contre-productif », selon le 537 président de Patrimoine Rhônalpin Eddie Gilles Di Pierno . Un classement se révèle par la suite ingérable notamment en termes d’aménagement pour des mises aux normes de sécurité ou des modifications autres. Surtout qu’à tout moment le ministère chargé de la Culture peut déclasser le monument, ajoute-t-il. « C’est une lourdeur administrative qui à la sortie est contraignante », conclut-il. Cela pourrait être un problème notamment pour un futur projet de visites du réseau. La protection figerait le site de manière excessive et ce n’est pas ce que recherchent vraiment les cataphiles lyonnais. Une protection au niveau du Plan Local d’Urbanisme (PLU) semble plus adaptée dans le cas des arêtes de poisson. B. Inscription au Plan Local d’Urbanisme (PLU) L’inscription au Plan Local d’Urbanisme du réseau souterrain des arêtes de poisson est une seconde possibilité de protection pour ce lieu. Un processus local 538 Les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) peuvent au titre de l’article 123- 1 7 du code de l’urbanisme : « Identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur 535 Entretien n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC Rhône-Alpes : cf.supra. 536 537 Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra. Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis. 538 Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) remplace le Plan d’Occupation des Sols (POS) depuis la loi du 13 décembre 2000 (numéro 2000-1208) relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. Delescluse Juliette - 2008 95 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur protection ». Les collectivités territoriales peuvent ainsi intégrer dans les documents d’urbanisme de nouvelles connaissances et de nouvelles protections du patrimoine. A partir de cette législation, le Grand Lyon a développé deux outils principaux 539 . Le premier outil protége un immeuble en le qualifiant dans le PLU comme « un élément bâti à préserver ». L’élément à préserver peut juste être un élément de l’immeuble, comme par exemple une façade. Les travaux d’extension ou d’aménagement de ces bâtiments sont possibles dès lors qu’ils sont conçus dans le sens d’une préservation : a) Des caractéristiques, techniques ou historiques des dits bâtiments. b) De l’ordonnancement et de l’équilibre des éléments bâtis et des espaces végétalisés et arborés organisant l’unité foncière. Le second outil permet de protéger un secteur appelé « Périmètre d’Intérêt Patrimonial » (PIP). On considère dans ce cas que c’est « l’ensemble qui a une certaine homogénéité, une certaine histoire, un certain intérêt patrimonial », précise un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon La diversité des zonages de protection du patrimoine 540 . 541 Le zonage est une des méthodes privilégiée pour mener à bien une politique de protection du patrimoine, en particulier urbaine. C’est une vision en termes d’espaces qui est adoptée. Il existe quatre formes principales de zonage. L’apparition successive de ces formes ébauche une tendance croissante de prise en charge de la politique patrimoniale par les collectivités territoriales. La loi du 25 février 1943 introduit une protection des abords des Monuments Historiques classés ou inscrits. Un périmètre de cinq-cent mètres protégé autour du bâtiment est établi. Il fait l’objet d’un contrôle préventif des travaux réalisés sur cette zone. Protéger un Monument Historique ne suffit pas si les alentours proches ne le sont pas aussi. La « loi Malraux » du 4 août 1962 va concerner les secteurs sauvegardés. Cette loi isole le patrimoine à l’échelle de la ville et prend en considération les quartiers anciens en tant qu’ensembles cohérents qui ne se limitent pas à leurs monuments les plus remarquables. Il s’agit ici de mettre en valeur le patrimoine dans sa dimension artistique, historique et urbaine. Le secteur sauvegardé de Lyon a été le premier à être mis en place par un arrêté interministériel du 12 mai 1964 sur le territoire de Saint Paul / Saint Jean / Saint Georges. La loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat, crée les zones de protection du patrimoine architectural et urbain. La loi du 8 janvier 1993 va étendre son champ d’application aux paysages. Ces périmètres prennent le nom de « Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager » (ZPPAUP). A Lyon, la ZPPAUP des Pentes de la Croix539 Entretien n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC Rhône-Alpes: cf.supra. 540 541 Ibid. CHOUQUET M., Les périmètres patrimoniaux, Mémoire Master 2 : Droit de l’urbanisme, de la construction et de l’immobilier. Bordeaux : Université Montesquieu Bordeaux IV, 2006. En ligne. 71p. < http://www.gridauh.fr/sites/fr/fichier/464804d33de6c.pdf > Consulté en mai 2008. 96 Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain Rousse est crée le 25 juillet 1994 par un arrêté du préfet de région, à l'issue d'une procédure lancée le 18 mars 1991 par une délibération du conseil municipal. Cette ZPPAUP va assurer la protection des zones périphériques du secteur sauvegardé. Régis Neyret préfère pour les désigner l’appellation Zones de Patrimoine Partagé (ZPP) 542 . Enfin, la dernière forme de zonage est celle introduite par la possibilité pour les collectivités territoriales d’introduire dans leur PLU des mesures de protection patrimoniale. Ce sont notamment les « Périmètres d’Intérêt Patrimonial » (PIP) pour le Grand Lyon. Le succès du zonage pose la question de la superposition de ces périmètres patrimoniaux et du même coup de la complexité juridique et pratique du système de protection patrimoniale. Ces deux procédures sont principalement mises en œuvre lors d’une révision du PLU. Elles sont ainsi beaucoup moins compliquées qu’une procédure d’inscription ou de classement au titre des Monuments Historiques. Elles sont même qualifiées de « flexibles » 543 544 . C’est le côté « à la carte » qui attire de plus en plus les associations locales et les privés vers ce genre de techniques de protection patrimoniale. Ces outils viennent en complément et permettent de protéger du patrimoine « un petit peu ordinaire mais qui mérite d’être conservé ». D’autant que les critères « ne sont pas encore véritablement calés » 545 . Le choix se fait après des discussions et de la concertation. L’outil « bâtiment bâti à préserver » peut sembler adapté dans le cas d’une préservation des arêtes de poisson. Ainsi, le tube de sécurité peut avoir un impact sur une partie du réseau mais le reste est préservé grâce à cet outil. Une solution possible pour les souterrains ? Une inscription au PLU de la partie préservée des arêtes de poisson en tant qu’« élément bâti à préserver » permet un recours devant un tribunal administratif. Notamment dans le cas de dégâts non prévus, pouvant être justifiés par un : «c’est plus compliqué que prévu, on 546 pensait les préserver mais... » . C’est donc une certaine garantie juridique. Cependant, l’inscription au PLU d’un réseau souterrain en tant qu’ « élément bâti à préserver » n’est pas si simple. « On ne fait pas encore de PLU en sous-sol ! », explique un membre du 547 Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon . Le PLU gère principalement ce qui est en surface. D’autant que pour la rénovation lourde du tunnel, il n’existe pas de permis de construire. La question est posée d’une opérabilité de cette inscription. Les arêtes de poisson pourraient éventuellement être inscrites dans le PLU en tant qu’ « ouvrage non soumis à servitude ». C’est une catégorie donnée à titre informatif, contenant notamment les ruisseaux canalisés, le métro, les tunnels, les canalisations et les lignes électriques situés dans le sous-sol. Cependant, cette catégorie 542 543 NEYRET R., « Du monument isolé au tout patrimoine », Géocarrefour, volume 79, mars 2004. Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon, le 13/02/2008, dans son bureau au Grand Lyon 20 rue du lac. 544 545 546 547 Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin: cf.supra. Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon : cf.supra. Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 97 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson ne contient en rien un aspect patrimonial. Et le membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon rencontré n’exclut pas totalement la possibilité d’une extension de l’inscription en tant qu’ « élément bâti à préserver » au réseau souterrain des arêtes de poisson. « Je ne peux pas vous dire aujourd’hui : il n’y a pas de problème ou c’est impossible », ajoute-t-il. Il explique que pour cela l’OCRA doit envoyer une lettre « formalisée et motivée » et qu’ensuite la demande sera examinée avec les élus et la direction de l’eau du Grand Lyon. Là encore, une demande doit être exprimée avec clarté et détermination. C. Une étude archéologique Une étude archéologique sur les origines des arêtes de poisson permettrait de faciliter une possible préservation du lieu. Ou du moins de l’endommager en connaissance de cause. Un processus réglementé L’archéologie préventive veut concilier impératifs du développement urbain et étude voire préservation des éléments significatifs du patrimoine archéologique. Pour Patrice Béghain 548 , adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, « Lyon est un peu une des villes où est née l’archéologie préventive dans les années 1970 ». Cette naissance correspond à une période où se multiplient les grands travaux d’aménagement du territoire et de constructions. L’archéologie préventive « relève de missions de service public, est partie intégrante de l'archéologie. Elle est régie par les principes applicables à toute recherche scientifique. Elle a pour objet d'assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l'aménagement. Elle a également pour objet 549 l'interprétation et la diffusion des résultats obtenus » . L’Etat maîtrise le déroulement de cette mission. Les opérations d'archéologie préventive sont de deux types : les diagnostics et les fouilles . Le diagnostic est une opération limitée de reconnaissance qui vise à caractériser un site archéologique. Il permet de définir précisément la nature des fouilles éventuellement nécessaires. Le diagnostic est réalisé par un opérateur public : l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) ou une collectivité agréée. Le diagnostic est financé par la redevance d'archéologie préventive . Les fouilles sont quant à elles financées par l'aménageur et sous sa maîtrise d'ouvrage. - Une solution en suspens pour les arêtes de poisson ? Dans le cadre de la construction du nouveau tube de sécurité, le Service Régional de l’Archéologie (SRA) a prescrit un diagnostic à la fin de l’année 2007 550 . Le réseau des arêtes de poisson se trouve dans la ZPPAUP Archéologie des pentes de la Croix-Rousse 548 551 . Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, le 8 février 2008, dans son bureau à l’hôtel de ville de Lyon. 549 550 Loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (modifiée à plusieurs reprises), numéro 2001-44. Si des éléments du patrimoine archéologique sont déjà connus sur le terrain du projet, une fouille ou une modification de la consistance du projet peuvent être directement prescrits. 98 Delescluse Juliette - 2008 Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain Dans le cas des arêtes de poisson, c’est le service archéologique de la ville de Lyon 552 qui est chargé du diagnostic en tant que service agréé par l’Etat . Les résultats seront exposés dans un rapport de diagnostic. Au moment où nous rédigeons, ce rapport n’a pas encore été rendu. Différents scénarii sont encore possibles. Suite à la découverte en mars 2008 d’un plan mentionnant le lieu où seraient murés les ossements dans les arêtes de poisson, les cataphiles ont rencontré les archéologues du service municipal chargés du dossier. Un membre du SRA était présent, ainsi qu’une conservatrice en chef du patrimoine de la DRAC. Ils ont tous « débarqués là avec le tunnel », confiera un des présents. Nous faisons partie de cette réunion du fait de notre aide dans 553 la création d’un contact entre les cataphiles et le SRA . Une limite de l’archéologie préventive va apparaître au cours de cette discussion. Le cas des arêtes de poisson va l’illustrer. D’après le plan, l’endroit où les ossements sont probablement murés est à quelques dizaines de mètres de la zone impactée par le tube. De fait, l’aménageur n’est pas tenu d’engager des fouilles dans ce lieu hors de la zone impactée. Même si le rapport de diagnostic en mentionne l’existence. Ainsi, comme l’explique le membre du SRA, « cela fait baver certains archéologues car effectivement il y a des cas de figures comme les tracés d’autoroute qui passent comme ça et on s’arrête à la bande d’arrêt d’urgence ». Quant au service de l’inventaire, il n’étudie que l’existant. « On n’a pas la possibilité d’arriver avec une pioche pour démolir le mur », clarifie la conservatrice en chef du patrimoine de la DRAC présente. Le membre du SRA parle de « textes bêtement réglementaires ». Le paradoxe est donc que faute de moyens légaux de recherche et surtout de financements, le mur supposé murer les ossements ne peut être brisé par les archéologues. La tentation est donc forte pour les cataphiles qui ont déjà repéré ce mur dans la réalité. Et là, deuxième limite de la préservation du patrimoine en général, le risque de péril introduit par l’attitude possible des cataphiles, inquiète la conservatrice en chef du patrimoine de la DRAC. Cela peut même peut-être engager une procédure. Il faut donc une menace directe pour qu’il y ait une intervention. Finalement, tous considèrent que si la ville de Lyon donne son accord, ce qui induit un financement, la situation pourrait être débloquée. Mais ils constatent que le contexte électoral n’est pas favorable à cela. Ici intervient aussi le problème du souterrain. On parle de « prudence » par rapport à cela. Et puis, le domaine du souterrain est particulier. Les archéologues ne sont pas spécialisés dans ce domaine mais plutôt dans le bâti. Enfin, le manque d’archives et de recherches sérieuses à un niveau universitaire dans le domaine fait que tous les interlocuteurs présents reconnaissent leur méconnaissance de ce lieu et de ce type de construction. « Tout ça conjugué fait que ça devient compliqué », conclut le membre du SRA. Toujours est-il qu’une confirmation semble avoir émergé de la discussion : il est incroyable que le réseau des arêtes de poisson, du fait de sa particularité et de sa situation, n’ait jamais fait l’objet d’une réelle étude historique. Le rapport de diagnostic ira sûrement dans ce sens. Tout dépendra après de la volonté des pouvoirs publics pour engager une étude du réseau dans son ensemble. Un article du Progrès du 15 avril 2008 titre « le mystère 551 La Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) des Pentes de la Croix-Rousse est crée le 25 juillet 1994. Le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. se justifie à la fois par l'unité du site et l'identité du bâti, l'histoire et la densité de sa population. 552 Le service archéologique de la ville de Lyon se trouve dans la liste des opérateurs agrées pour la réalisation d’opérations d’archéologies préventives, diffusée par le ministère de la culture. En ligne. 13 p. < http://www.culture.gouv.fr/culture/politiqueculturelle/ope041207.pdf > Consulté en mai 2008. 553 Séance d’observation n°8 : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 99 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson 554 des arêtes de poisson enfin résolu » . En réalité, aucun élément nouveau n’est à noter. Il traite seulement du diagnostic qui est en cours depuis le début d’année. Mais il apparaît comme une réponse aux articles sur les ossements publiés par les cataphiles. Il convient d’étudier dans une dernière partie comment les freins à une possible patrimonialisation du réseau souterrain des arêtes de poisson vont être dépassés par une mobilisation plus large d’acteurs et la rencontre entre les différents acteurs sensibilisés à cet enjeu. 554 100 R.L. et M.M., « Le mystère des arêtes de poisson bientôt résolu », Le Progrès, 15/04/2008. Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain « Merveilleux génie ! s’écriait-il, tu n’as rien oublié de ce qui pouvait ouvrir à d’autres mortels les routes de l’écorce terrestre, et tes semblables peuvent retrouver les traces que tes pieds ont laissées, il y trois siècles, au fond de ces souterrains obscurs ! A d’autres regards que les tiens, tu as réservé la contemplation de ces merveilles ! » Jules Verne, Voyage au centre de la terre, Chapitre XL Delescluse Juliette - 2008 101 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Le souterrain se forge peu à peu une nouvelle image. Il se trouve progressivement sur la voie 555 d’une reconnaissance par ceux qui d’une certaine manière « font la ville » : associatifs, politiques et aménageurs. La mobilisation cataphile va finalement bénéficier d’un support, avant tout moral, des principales associations lyonnaises de préservation du patrimoine. L’inscription de la ville au patrimoine mondial de l’UNESCO sera présentée comme une exigence à laquelle les politiques se doivent de répondre. Les cataphiles feront appel à cet impératif avant tout informel. La rencontre entre les cataphiles et les responsables de la rénovation lourde du tunnel vont faire aboutir - d’une manière particulière - la mobilisation pour la préservation des arêtes de poisson (Chapitre 5). Le réseau souterrain des arêtes de poisson va être dans une certaine mesure et à sa façon patrimonialisé (Chapitre 6). Chapitre 5 La mobilisation tacite d’une nébuleuse plus large d’acteurs Il existe diverses temporalités. Nous pouvons distinguer d’un côté les temporalités « objectives » qui se manifestent sous la forme de calendriers, d’enchaînements de séquences qui mettent en œuvre différentes échelles d’espaces et de temps. De l’autre côté, une temporalité des individus. Ce sont des enchaînements d’états et d’événements 556 qui structurent leurs biographies, leur mémoire et leur implication dans les enjeux locaux . Ce sont ces deux temporalités qui sont mêlées dans le processus de patrimonialisation. Les diverses temporalités des acteurs s’acorderont peu à peu dans le cas des arêtes de poisson. Les réseaux associatifs vont mobiliser leurs expériences (I). Les politiques vont se trouver face aux exigences, avant tout morales, de la gestion d’un label international (II). Et les responsables de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse intégreront cette nouvelle problématique dans le futur projet (III). I/ Le soutien des réseaux associatifs et l’utilisation de leur légitimité reconnue Les cataphiles bénéficient du soutien, même informel parfois, des différents acteurs associatifs locaux. Ces derniers possèdent une expérience forte en termes de préservation du patrimoine (A). Ils vont en partie la mettre au service de la mobilisation pour le réseau souterrain des arêtes de poisson, sans pour autant s’opposer à la rénovation lourde du tunnel (B). Dans ce sens ils confirmeront la volonté cataphile de trouver un compromis. A. De forts liens entre les associations et le patrimoine lyonnais La multiplication des implications associatives dans la préservation et la valorisation du patrimoine permettra à ces dernières de se doter d’une légitimité, en particulier face aux pouvoirs publics locaux. 555 AUBERTEL P., GILLIO C. et GARIN-FERRAZ G., Qui fait la ville aujourd’hui ? Intervention de la puissance publique dans les processus de production urbaine, Paris, Plan urbain, 1997. 556 102 AUTHIER J-Y., La vie des lieux. Un quartier du Vieux-Lyon au fil du temps. Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1993. p.249. Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain Des parcours Patrimoine Rhônalpin. Patrimoine Rhônalpin est une fédération d’associations créée en 557 1983. Sa mission principale est de « mettre en réseau » les acteurs de tous les types de patrimoine de la région. Ces échanges se produisent lors de colloques et séminaires organisés par la fédération. Le site Internet de l’association est une véritable base de données des acteurs du patrimoine régional. A la base de cette structure, c’est une conception particulière de la construction patrimoniale qui se dégage. Le patrimoine ce sont 558 ces « groupes informels, ces groupes de pression » qui en le sauvant, le construisent. Le groupe plus que l’institution est à la base du patrimoine. Mais ces groupes se doivent d’être fédérés et informés pour être opérants. Tout comme Régis Neyret, fondateur de l’association, pour Eddie Gilles Di Pierno, l’actuel président de Patrimoine Rhônalpin, tout a débuté « par hasard », avec une mobilisation. Pour l’un c’était le Vieux Lyon, pour le 559 second, le quartier des Etats-Unis. Et puis « les choses arrivent » . C’est un lien fort que Patrimoine Rhônalpin entretient avec le patrimoine de la région. Mais avant tout un lien pour structurer des tendances déstructurées par définition. Union des Comités d’Intérêts Locaux du Grand Lyon (UCIL). La pérennité des Comités d’Intérêts Locaux (CIL) leur permet d’être reconnus par les pouvoirs publics. Dans ce sens ème il se révèle aussi être un référent pour les habitants. Les CIL sont nés à la fin du XIX siècle et ont opéré un maillage de l’agglomération lyonnaise. Leur regroupement en une 560 union en 1960 leur a permis de se doter d’une vision d’agglomération . L’Union des Comités d’Intérêts Locaux du Grand Lyon (UCIL) regroupe actuellement quarante-neuf Comités d’Intérêts Locaux. Ces associations d’habitants se préoccupent du cadre de vie à l’échelle de leur quartier. En somme, la définition d’un « vivre bien » territorialisé. Le patrimoine est un des piliers des CIL depuis longtemps, et en particulier pour le Vieux561 Lyon, affirme Denis Eyraud, président de l’UCIL jusqu’à mars 2008 . Cette prise en compte du patrimoine en tant qu’élément fondamental de « l’ambiance et de la vie de quartier » s’est faite il y a une dizaine d’années. L’UCIL va servir de relais à cette tendance et la mutualiser en créant en 2003 les « états généraux du patrimoine ». Le but de cet événement est que les différents acteurs du patrimoine se rencontrent. Quatre-cents entités, majoritairement des associations, ont ainsi été répertoriées. Cette démarche s’inscrit dans une volonté, là encore, de préserver non seulement ce qui est du « grand patrimoine bâti » mais aussi avant tout « ce qui fait patrimoine par l’ensemble et en particulier au niveau des quartiers », explique Denis Eyraud. Les CIL ont dans ce sens un rôle de repérage de ce « petit patrimoine ». 557 558 Site de l’association Patrimoine Rhônalpin: < http://www.patrimoine-rhonalpin.org/ > Consulté en mai 2008. Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis. 559 Entretien n°10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui. Et entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. 560 CHIGNIER-RIBOULON F., « Les conseils de quartier à Lyon, entre progrès de la démocratie participative et nouvelle territorialisation de l’action publique », Géocarrefour, Volume 79, numéro 3, 2001. pp.191-197. En ligne. 7p. <http://www.persee.fr/ web/revues/home/prescript/article/geoca_1627-4873_2001_num_76_3_2555 > Consulté en mai 2008. 561 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le 27/02/2008, dans son bureau. Delescluse Juliette - 2008 103 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Les CIL se sont récemment trouvés concurrencés sur un même territoire, le quartier, 562 par les conseils de quartier. Pour positionner le conseil de quartier comme un interlocuteur de droit, la mise en place de cette structure s’est accompagnée d’un débat sur la représentativité des associations et notamment des CIL. Ces derniers ont vu la mise en place des conseils de quartier d’un mauvais œil, l’UCIL a même dû « hurler pour qu’ils n’aient 563 pas le monopole de la concertation » . L’orientation choisie par l’UCIL est de privilégier comme niveau de représentation pertinent les corps intermédiaires dont en particulier les 564 associations parce qu’elles « contribuent à la représentation » . « Autant que le nombre restreint d’individus soit le plus représentatif possible […] c’est exactement ce que sont des représentants d’associations », précise Denis Eyraud. Le problème, poursuit-il, c’est que les conseils de quartier donnent « une certaine existence légale à ces habitants tirés au sort ». Quant à la manière dont sont perçus les conseils de quartier par l’UCIL en matière de protection du patrimoine, la critique porte sur une sorte de « concurrence tellement déloyale ». Les conseils de quartier disposent « de tous les moyens de la mairie » : salles, secrétariat et journaux de la mairie. Finalement, les conseils de quartier sont reconnus capables de faire de la préservation du patrimoine mais « au même titre que la municipalité. C’est un bout de la municipalité ! », conclut l’ancien président de l’UCIL. Cette représentation des conseils de quartier met en lumière l’image qu’a de soi l’UCIL : « d’un côté ceux 565 qui s’autogérent pour défendre leur quartier et de l’autre ceux qui gèrent la ville » . Néanmoins, malgré la concurrence des conseils de quartier, le déclin des CIL n’est pas assuré. La préservation du patrimoine est notamment une stratégie parmi d’autres pour garantir l’influence des CIL. Fondation Renaud. Le patrimoine c’est aussi souvent des individus. Tout comme Régis Neyret, Jean-Jacques Renaud est à son échelle l’un d’eux. « Heureusement qu’il y a des 566 gens comme lui », estime Eddie Gilles Di Pierno . Avec son frère, architecte lui aussi, ils créent en 1994 la Fondation Renaud pour le patrimoine. Le patrimoine devient un vecteur de socialisation et d’intégration. « C’est un plaisir, c’est merveilleux » explique l’intéressé 567 à propos du patrimoine. Notamment parce que cela permet de rencontrer des gens extraordinaires et d’avoir des « attaches », confie-t-il. Les missions de la fondation se déclinent en plusieurs aspects : restauration et conservation de monuments ; valorisation 562 Les conseils de quartier ont été créés par la loi du 27 février 2002, dite loi Vaillant, relative à la démocratie de proximité, dont les dispositions sont codifiées à l'article L. 2143-1 du Code général des collectivités territoriales. 563 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. 564 L’UCIL soutient notamment la mise en place de structures telles des Comités d'Initiative et de Consultation d'Arrondissement (CICA). Le CICA réunit les représentants des associations exerçant leur activité dans l'arrondissement, qu'il s'agisse d'associations locales ou d'associations membres de fédérations ou de confédérations nationales (les syndicats de salariés par exemple) qui en font la demande. Ils ont été mis en place avec la loi PLM du 31 décembre 1982 (Numéro 82-1169) relative à l'organisation administrative de Paris, Lyon, Marseille et des établissements publics de coopération intercommunale (dite loi PLM). 565 Entretien n° 16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. 566 567 Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau au Fort de Vaise. 104 Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain des sites et de la collection d'œuvres d'art et d'objets populaires ; soutien aux artistes et à leurs œuvres et protection de la faune et de la flore. La Fondation travaille surtout avec des associations privées plus qu’avec la DRAC. Ce sont d’abord elles qui font vivre le patrimoine, considère Jean-Jacques Renaud. « Il y a des moments où l’on a le cafard », confie-t-il. Comme lorsqu’une partie du Fort de Vaise, l’actuel siège de la Fondation, s’est effondrée peu de temps après son achat. Mais différents éléments font que le goût pour le patrimoine reste présent malgré tout. La mobilisation pour le patrimoine est donc aussi nourrie de doutes. La question financière est un autre élément important. « L’argent ne doit pas trop compter. […] Mais il ne faut pas faire des bêtises ou des folies pour autant », conclut-il. Le patrimoine c’est donc aussi la modération parfois. Même si, confie affectueusement un cataphile à propos des frères Renaud, « ils entassent tout ce qu’ils collectionnent ! » 568 . Expériences et légitimité de leurs actions La valorisation du Vieux-Lyon. Avant d’être réellement mis en valeur, le quartier historique de Lyon a dû être sauvé. Il a d’abord ainsi fallu se mobiliser contre le projet de percée du Vieux Lyon que le maire de Lyon Louis Pradel souhaite réaliser au début de son mandat (1957-1976). A la pointe de la mobilisation se trouve l’association pour la Renaissance du Vieux-Lyon présidée notamment entre 1961 et 1964 par Régis Neyret. Le projet consistait dans un premier temps à détruire deux ponts, le pont du Change et le pont du Palais de Justice, pour les remplacer par le Pont Maréchal Juin notamment pour des questions de navigation et de circulation automobile. Cela fut effectivement fait. Mais c’était sous-estimer l’ampleur du projet. Celui-ci prévoyait aussi de relier ce pont à la colline de Fourvière grâce à un grand boulevard qui traverserait le Vieux Lyon, et détruirait la rue de la Baleine, une partie de la rue Saint-Jean et la moitié de la rue du Boeuf. Le tracé était fait comme si rien ne préexistait, la seule exigence était la rationalité : relier un point à un autre 570 569 . Retrouvé là « par hasard » dans la mobilisation, Régis Neyret , alors journaliste, multiplie avec d’autres journalistes les articles dans la presse. La création par André Malraux du secteur sauvegardé du Vieux Lyon, le 12 mai 1964, mit finalement fin à ce projet. Mais la sauvegarde du quartier passe aussi par l’ambition de changer son image dans l’esprit des Lyonnais. La patrimonialisation consiste avant tout en un changement de la représentation que l’on a d’un lieu. C’est ce qui a été fait pour le Vieux-Lyon, raconte Régis Neyret. Pour le 8 décembre 1959, ses camarades et lui vont éclairer de manière artisanale des cours d’immeubles du quartier avec des lumignons. Sur des tourne-disques Teppaz est jouée de la musique Renaissance. Cela a été un succès. Les Lyonnais ont « traversé la Saône », ajoute-t-il les yeux pétillants. La passerelle Saint-Georges a même dû être fermée par le 571 Préfet ce soir-là, tant la foule l’empruntait . Par la suite, les commerçants du quartier vont être invités à remplacer sur leurs cartes de visite les appellations « Saint Jean, Saint Paul et Saint Georges » par « Vieux Lyon », explique-t-il. C’est le début d’une nouvelle dénomination pour le quartier. Et le début d’une « renaissance ». Ainsi, comme le confie Régis Neyret : « Quand nous nous sommes installés dans ce quartier du Vieux Lyon avec 568 569 Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui. DAVENNE J., Du Lyon pittoresque au secteur sauvegardé : la constitution de la valeur patrimoniale du Vieux-Lyon, Mémoire de fin d’études. Lyon : Institut d’Etudes Politiques, 1997. En ligne. 184p. < http://doc-iep.univ-lyon2.fr/Ressources/Documents/Etudiants/ Memoires/detail-memoire.html?ID=237 > Consulté en mai 2008. 570 571 Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra. DURIEZ I., « Régis Neyret : le batailleur de pierres », L’Humanité, 18/02/2000. Delescluse Juliette - 2008 105 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson ma femme, nous étions des jeunes dans un quartier de vieux. Quand nous l’avons quitté, à ma retraite, nous étions des vieux dans un quartier de jeunes » 572 . Les abris anti-aériens. La mobilisation pour les abris anti-aériens du quartier des EtatsUnis à Lyon s’inscrit dans le même type de problématique que pour le réseau souterrain des arêtes de poisson. La différence entre les deux se trouve dans le fait que les origines des abris anti-aériens sont connues. Ils ont été construits en 1939 dans l’optique de la Seconde Guerre mondiale car on pensait que les Allemands allaient bombarder la ville avec du gaz moutarde comme lors de la précédente guerre. Le gaz moutarde étant plus léger que l’air, il monte. On est donc en lieu sûr sous terre. Ces abris vont finalement surtout servir lorsqu’à partir de 1943 les Alliés vont bombarder la ville. Le problème est qu’ils n’ont pas été conçus pour résister à des bombes. Il y aura donc énormément de morts dans ces lieux où les gens se pensaient en sécurité. Après guerre, ces abris seront désaffectés, murés et pour beaucoup démolis. Notamment parce que la plupart d’entre eux, une centaine sur Lyon, se trouvaient sous des places, des grandes avenues, des endroits qui après guerre ont été réaménagés. Comme pour les souterrains, les gens les oublient petit à petit. Et puis en 1985, lors de découvertes fortuites, on en retrouve. Et notamment boulevard des Etats-Unis. Le Comité d’Intérêt Local des Etats-Unis va demander à la ville de Lyon à partir de 1985 que ces abris ne soient pas détruits, en particulier du fait que ce sont « un lieu de mémoire et de témoignage ». La ville doute de l’intérêt que les Lyonnais pourraient avoir pour ce 573 site, explique Eddie Gilles Di Pierno . La contre-argumentation a duré vingt ans. Jusqu’à l’ouverture d’un des abris au public lors des Journées Européennes du Patrimoine en 2005 dont la thématique était « Guerre et Paix ». En deux jours, « il y a eu 3500 visiteurs », s’enthousiaste-t-il. Ce succès a été une preuve à présenter aux personnes doutant de l’intérêt d’une telle visite. Un livre d’or a aussi permis de recueillir des témoignages poignants servant aussi d’éléments pour illustrer l’aspect mémoriel du lieu. Un tournant dans la mobilisation va se produire quand les acteurs de la valorisation des abris apprennent que la future ligne de tramway T4 va démolir les abris restants en passant dessus. « Là, on s’est dit ça devient chaud », confie Eddie Gilles Di Pierno. La mobilisation s’organise pour que le Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et l'Agglomération Lyonnaise (SYTRAL), responsable du projet, intègre la préservation des abris. Les interlocuteurs ne comprennent pas comment sous prétexte que l’on veuille protéger des abris, un projet de tramway important pour l’avenir de la ville soit perturbé. Lors de l’enquête publique, les tenants de la préservation des abris se mobilisent. Ils participent aussi à toutes les réunions publiques. La question des abris tombe petit à petit « dans les 574 mœurs » . Finalement, plusieurs solutions sont imaginées par le SYTRAL. Celle choisie consiste à déplacer d’une centaine de mètres un des abris parmi les trois. Le SYTRAL proposera même de prendre les meilleurs éléments des trois abris pour n’en faire qu’un dans le meilleur état possible. Il se chargera aussi des mises aux normes de sécurité pour un projet de visites. Ainsi, la démarche pour les abris anti-aériens présente des similitudes avec les arêtes de poisson. Un groupe s’est mobilisé pour argumenter sur l’intérêt d’un lieu. Cette mobilisation devient plus aigüe quand le site est en danger. Finalement, le consensus porte dans les deux cas sur le fait d’accepter la destruction d’une partie du site en échange d’une valorisation du reste. 572 Ibid. 573 574 106 Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain B. Diversité des soutiens dans la patrimonialisation des souterrains lyonnais Les associations lyonnaises de préservation du patrimoine vont mobiliser différents types de soutien au mouvement cataphile. Compréhension des enjeux introduits par le souterrain Les différents acteurs associatifs comprennent la mobilisation cataphile pour une reconnaissance croissante de la place des souterrains dans le patrimoine lyonnais. Les difficultés d’une mobilisation autour des arêtes de poisson sont connues notamment parce 575 que « personne n’y habite donc il n’y a pas de CIL », explique Denis Eyraud de l’UCIL . Ce n’est donc qu’un « truc de spécialistes » et « un patrimoine caché et confidentiel », confiet-il. Une large mobilisation est donc rendue difficile du fait que les Lyonnais ne peuvent 576 pas réellement se l’approprier ou en profiter. Pour d’autres comme Régis Neyret , cela reste encore un des grands secrets lyonnais. De ce fait, ce n’est pas un sujet nouveau, 577 selon Monsieur Gilles Di Pierno . Ils partagent tous la nécessité de rénover le tunnel en préservant au maximum le réseau des arêtes de poisson. Quant au projet de visites, Denis 578 Eyraud préfère un lieu comme la citerne Berelle . Dans tous les cas, les problématiques d’une mobilisation patrimoniale autour d’un réseau souterrain à Lyon sont comprises par les différents acteurs associatifs lyonnais. Indication des acteurs clés Forts de leurs expériences, les différents acteurs associatifs vont clarifier la démarche que les cataphiles devraient avoir dans le cas des arêtes de poisson. Ces premiers éclairages portent sur l’indication des acteurs clés. Il est important de se constituer un réseau de soutiens à la fois politiques et associatifs : maire d’arrondissement, Grand Lyon et CIL. « Le 579 soutien peut n’être qu’oral », explique Eddie Gilles Di Pierno . Et « même s’ils ne sont pas porteurs du projet, au moins ils ne sont pas contre ». Le conseil de quartier ne peut pas être exclu non plus, sinon les cataphiles pourraient être accusés de « politiser le débat » en 580 particulier dans une période électorale . Pour la préservation du patrimoine, les mobilisés doivent donc s’appuyer sur les politiques car « ce sont eux qui ont vraiment la potentialité » 581 582 . Les mobilisés se doivent aussi de « garder leur place » par rapport aux élus . Les acteurs associatifs vont notamment aider les cataphiles en les conseillant dans le choix d’une procédure adéquate pour le cas des arêtes de poisson. Ils conseillent une procédure 575 576 577 578 579 580 581 582 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Intérêts Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. Entretien n°10 avec R. Neyret: cf.supra. Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. Ibid. Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 107 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson 583 de protection locale . Voire même de filmer dans les détails les arêtes de poisson comme cela a été fait pour la citerne Berelle lors de la candidature de Lyon au patrimoine mondial de l’UNESCO 584 . Le visuel permettrait aux Lyonnais de réaliser l’importance de ce patrimoine. Une aide matérielle et un lieu de présentation des souterrains Des acteurs associatifs aident déjà régulièrement les cataphiles dans la présentation des souterrains aux Lyonnais. C’est le cas de la Fondation Renaud qui héberge les réunions 585 de l’OCRA au Fort de Vaise. Jean-Jacques Renaud décrit les membres de l’OCRA comme des « gens passionnés qui passionnent les autres ». Etant propriétaire des lieux, il donne aussi son autorisation à la visite du souterrain du Fort lors des Journées Européennes du Patrimoine. Indirectement impliqué dans la mobilisation pour les arêtes de poisson, il s’occupe néanmoins personnellement de la réhabilitation du Fort de Loyasse qui possède aussi des souterrains. Il regrette que l’OCRA ne soit pas écouté notamment du fait du jeune âge de ses membres. Il souhaite monter pour ce lieu un comité « type OCRA avec des personnalités » auxquelles on ne pourra pas « dire non systématiquement ». La légitimité des acteurs reste un élément à prendre en compte dans le devenir d’une mobilisation. Le CIL de Vaise va aussi recevoir les cataphiles, surnommés affectueusement par l’un 586 des membres « rats d’égoûts », lors de l’une de ses réunions en décembre 2007 . Devant une large assemblée intéressée, les cataphiles présenteront les souterrains avec l’aide de nombreuses photos projetées. Ce sera aussi l’occasion pour eux de décrire leur mobilisation naissante pour les arêtes de poisson. Cette rencontre sera pour les cataphiles l’occasion de 587 lier différents contacts importants. Denis Eyraud essaie, quant à lui, d’obtenir une étude archéologique pour les arêtes de poisson. Il ne trouve pas normal que pour un ouvrage d’une telle ampleur, aucune étude n’ait été faite. II/ Les politiques face à l’exigence d’un label : les devoirs d’une ville classée mondialement Lyon devient patrimoine mondial de l’UNESCO en 1998 un peu par le hasard d’initiatives individuelles sensibilisées à la gestion du patrimoine dans un contexte d’évolution urbaine. C’est cette dernière qu’ils vont mettre en avant (A) et c’est en son nom qu’ils vont la défendre lorsqu’ils estiment que celle-ci est menacée (B). A. Les raisons d’un classement : la gestion patrimoniale de la ville mise en avant 583 584 Ibid. Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. 585 Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président et fondateur de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau au Fort de Vaise. 586 Séance observation n°9: Conférence sur les souterrains lyonnais par l’OCRA lors de l’Assemblée générale du Comité d’Intérêts Locaux de Vaise, le 11/12/2007. 587 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. 108 Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain La qualité de la gestion patrimoniale de la ville est reconnue mondialement. C’est sa capacité à allier mobilisation pour le patrimoine et évolution urbaine qui a été « récompensée ». L’histoire d’un label : la mobilisation d’acteurs hétérogènes L’inscription au patrimoine mondial du site historique de Lyon a dépendu pour large part 588 des acteurs locaux et en particulier de leur capacité de mobilisation . Les liens tissés au niveau local ont été d’une importance centrale dans ce processus. Ce sont notamment quelques individus déjà sensibilisés aux problématiques du patrimoine qui vont agir comme des « médiateurs » ou des « traducteurs ». De part leurs actions, ils faciliteront en amont la mise en compatibilité de cette action internationale avec les politiques urbaines et 589 patrimoniales plus traditionnelles .L’idée vient à l’origine de Régis Neyret. En 1995, alors qu’il est président de Patrimoine Rhônalpin et ancien président de la Renaissance du Vieux-Lyon, il suggère à Denis Eyraud l’inscription du Vieux-Lyon au patrimoine mondial. Celui-ci est alors président de la Renaissance du Vieux-Lyon et cherche des idées pour « célébrer avec fastes » 590 les cinquantenaires de l’association crée en 1946. L’idée est 591 très bonne, d’autant qu’elle ne coûtait pas cher . « Raymond Barre a marché tout de suite », explique Denis Eyraud. A partir de ce moment là, le processus est enclenché. L’ancien directeur du patrimoine mondial, Azzedine Beschaouch, archéologue tunisien, est invité aux cinquantenaires de l’association à l’Hôtel de ville. Cinq cents personnes sont présentes. Il propose d’élargir la zone susceptible d’inscription à Fourvière. Le Vieux-Lyon et Fourvière comme les deux périodes d’apogées lyonnaises. Finalement, c’est l’associé de Didier Repellin qui suggéra d’étendre encore plus la zone délimitée. Les anciens remparts seront choisis comme la limite pertinente car au sein de ceux-ci, la ville s’est développée pendant deux-mille ans. Site historique de Lyon (en rouge) inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. 588 RUSSEIL S., Les enjeux patrimoniaux entre processus de mobilisation et transformation de l'action publique locale : l'inscription au patrimoine mondial du Site Historique de Lyon, Mémoire DEA : Science politique. Lyon : Institut d’Etudes Politiques, 2001. En ligne. 165p. < http://doc-iep.univ-lyon2.fr/Ressources/Bases/Travetu/memoire.html?ID=775 > Consulté en mai 2008. 589 RUSSEIL S., L’espace transnational, ressource ou contrainte pour l’action internationale des villes a la fin du XXème siècle ?, Thèse de doctorat de science politique. Lyon : Université Lyon 2, 2006. En ligne. < http://theses.univ-lyon2.fr/ > Consulté en mai 2008. 590 591 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 109 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Source : Dossier de candidature de la ville de Lyon. « Ça avait l’avantage de faire lier les Romains à Fourvière, la Renaissance avec le ème Vieux-Lyon, le Grand siècle avec la Presqu'île et le 19 siècle avec les pentes de la Croix-Rousse », clarifie Denis Eyraud. Le dossier de candidature a été fait dans ce sens par le groupe de travail constitué autour de Régis Neyret et de Didier Repellin, architecte en chef des Monuments Historique de Lyon et du Rhône. Le 5 décembre 1998, le centre historique de Lyon est inscrit au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Les motivations d’une attribution : la place centrale de la préservation urbaine lyonnaise 110 Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain Lyon n’a pas reçu ce titre de patrimoine mondial uniquement pour la beauté et l’ancienneté de ces bâtiments et sites. Mais avant tout pour deux autres critères qui marquent la spécificité de la ville 592 : - critère ii de la convention : Lyon représente un témoignage exceptionnel de la continuité de l'installation urbaine sur plus de deux millénaires, sur un site à l'énorme signification commerciale et stratégique, où des traditions culturelles en provenance de diverses régions de l'Europe ont fusionné pour donner naissance à une communauté homogène et vigoureuse. - critère iv de la convention : de par la manière dont elle s'est développée dans l'espace, illustrant de manière exceptionnelle les progrès et l'évolution de la conception architecturale et de l'urbanisme au fil des siècles. Dans son dossier d’inscription, la ville de Lyon va mettre en avant le fait que, malgré le tissu très dense que représente le site historique, la « cohérence » a été respectée 593 ème même lors des opérations d’urbanisme du 19 siècle . C’est la notion de « qualité urbanistique » 594 qui est présentée, c'est-à-dire le choix d’une modernité respectant le 595 patrimoine. Dans ce sens, la tradition lyonnaise d’ « architecture civile » est mise en avant, vision plus modeste par rapport à un patrimoine monumental. La préservation 596 monumentale céde sa place à une « préservation urbaine » . C’est donc une vision particulière du patrimoine qui est adoptée par le comité de travail ayant rédigé le dossier. C’est celle d’un patrimoine vivant, porté par une ville dans ses évolutions. La labellisation de patrimoine mondial acquise, cette vision sera légitimée. B. Les raisons d’une exigence : la gestion du patrimoine par une ville labellisée Les dérives d’une politique patrimoniale : la demande d’un sursaut Les obligations incombant aux sites inscrits au patrimoine mondial sont celles contenues dans la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de novembre 1972. Les Etats parties s’engagent non seulement à assurer la bonne conservation des sites du patrimoine mondial qui se trouvent sur leur territoire, mais aussi 597 à protéger leur patrimoine national . Les Etats parties sont encouragés à intégrer la protection du patrimoine culturel et naturel dans les programmes régionaux de planification, à mettre en place du personnel et des services sur leurs sites, à entreprendre des études 592 Document relatif à l’inscription du site historique de Lyon au titre de patrimoine mondial (numéro 872) avec les justifications de l’état partie, l’évaluation et la recommandation d’inscription, rédigé par le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS), octobre 1998. 593 Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial, 1998. En ligne. 571 pages. < http://whc.UNESCO.org/fr/list/872/documents/> Consulté en mai 2008. p.31. 594 Entretien n°14 avec L. Voiturier, co-président élu du conseil de quartier de « l’ouest des pentes » (Croix-Rousse), le 21/02/2008, dans un café Place Sathonay. 595 596 597 Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial : cf.supra. p.32. Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial : cf.supra. p.60. Article 4 de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de novembre 1972. Delescluse Juliette - 2008 111 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson scientifiques et techniques sur la conservation et à prendre des mesures pour conférer à ce patrimoine une fonction dans la vie quotidienne des citoyens. Elle stipule l’obligation pour les Etats parties de rendre compte régulièrement au Comité du patrimoine mondial de l’état de conservation de leurs biens inscrits. Les contraintes de protection pour un site inscrit ne diffèrent pas fondamentalement des contraintes de protection pour un site non inscrit. En fait, les implications introduites par une « reconnaissance » internationale de ce genre sont avant tout symboliques et morales. Les différents acteurs du patrimoine local vont devenir plus exigeants, du fait de ce titre, en matière de protection du patrimoine vis-àvis notamment des collectivités territoriales. Alors que ce sont ces collectivités territoriales qui ont utilisé ce label comme la preuve de leur internationalisation, celles-ci se retrouvent par conséquent face à des exigences nouvelles. C’est donc un effort qui est demandé aux collectivités territoriales. En particulier pour les dix ans de l’obtention du label qui coïncident 598 avec une année électorale. L’UCIL a ainsi adressé aux candidats en janvier 2008 une liste de recommandations pour une meilleure valorisation du site inscrit au patrimoine mondial. Listant les points positifs, elle s’attarde sur différents problèmes principalement en matière de communication autour du site. Cette « mise en sommeil » de la publicité et de la communication est déplorée, ainsi que la disparition du tampon postal vantant le label UNESCO et le manque d’entretien des cent plaques bilingues posées sur cent bâtiments du site historique. La taille du site classée, 427 hectares, est mise en avant pour révéler l’importance de ces enjeux 599 . L’action d’autres villes classées est aussi citée pour mieux 600 601 insister sur les manquements lyonnais . Régis Neyret regrette ce laisser-aller dans la gestion du patrimoine mondial. Il n’attribue pas la faute au chargé de mission « site historique de Lyon ». Bien au contraire. Le problème est plus global. « Chacun gère son problème à 602 son niveau », explique Eddie Gilles Di Pierno . Il n’y a pas de réelle coordination et aucune personne avec une « casquette transversale », suggère-t-il, pouvant gérer par exemple le problème du parking des bus de touristes. L’office du tourisme se devrait d’être dans le Vieux-Lyon, poursuit-il. La nécessité d’un référent gérant le patrimoine et le site UNESCO 603 est demandée par les acteurs locaux du patrimoine . Cela va même plus loin, il faudrait une personne gérant la coordination de la politique patrimoniale et culturelle au niveau du 604 Grand Lyon, propose Régis Neyret . Mais pour cela, les communes devraient accepter de déléguer leurs prérogatives dans ces domaines à la communauté urbaine. Pour Patrice 598 THOUVENOT X., « Le centre historique mérite mieux. Les Comités d’Intérêts Locaux interpellent les candidats », Métro Lyon, 25/01/2008. 599 600 Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. Lettre de l’UCIL aux candidats aux élections municipales « Lyon : quel avenir pour le site historique de l’UNESCO ? », janvier 2008. 601 602 603 Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra. Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. Actuellement, il existe pour la ville de Lyon un adjoint à la culture et au patrimoine (Patrice Béghain jusqu’en mars 2008. Il est remplacé par Georges Kepenekian dans la nouvelle équipe municipale). Il existe aussi un chargé de mission site historique, actuellement B.Delas (Entretien n° 18 avec B. Delas, chargé de mission site historique de la ville de Lyon, le 10/03/2008, dans son bureau). 604 112 Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain 605 Béghain , adjoint à la culture et au patrimoine de Lyon jusqu’en mars 2008, l’unité de délégation « culture et patrimoine » n’est pas un problème. Cela permet même d’ « avoir une action d’animation » complémentaire du patrimoine. Finalement, les différents acteurs s’accordent sur le fait que ce label ne doit faire en aucun cas de la ville un musée 606 . Le classement des arêtes de poisson : utiliser l’opportunité d’un label 607 « Ce label n’est pas une excellence, c’est une responsabilité », reconnaît Bruno Delas , chargé de mission « site historique de Lyon ». Les cataphiles utilisent dans leur mobilisation cette exigence qu’implique le titre de patrimoine mondial. « On ne peut rien faire à Lyon, tout est fermé et on se targue d’être classé à l’UNESCO mais un jour on va se faire radier », explique Jean-Luc Chavent. Le souterrain est utilisé comme la preuve des incohérences de la gestion du titre de patrimoine mondial. Dans son dossier pour l’UNESCO concernant les arêtes de poisson, Jean-Luc Chavent considère que le titre de patrimoine mondial n’est 608 « pas un acquis, mais un défi permanent » . Non reconnu par les collectivités territoriales ne faisant pas leur « devoir », le souterrain doit l’être par les instances internationales. Une liaison est établie. Elles deviennent arbitres du fait de leur impartialité que certains cataphiles 609 lui reconnaissent. Du coup, ces mêmes cataphiles parlent de « réelles opportunités » qui s’ouvrent enfin. D’autres cataphiles vont préférer dialoguer avec les acteurs locaux. L’UNESCO est trop loin dans leurs esprits, voire même déconnecté et hors d’atteinte. « On 610 ne monte pas un dossier comme ça, il ne faut pas se leurrer », réalise un cataphile . Pour un autre cataphile, c’est « un raccourci saisissant » de dire que les souterrains sont 611 classés car la Croix-Rousse est classée . En tous cas, le classement au titre de patrimoine mondial est une exigence imposée aux collectivités territoriales par les acteurs associatifs locaux. Bien plus qu’une assurance réelle de non destruction arbitraire, comme l’explique 612 un membre du SRA . Cela reste un label plus qu’une garantie. Néanmoins, dans le cas des arêtes de poisson, cela demeure un argument de poids dans la mobilisation. 605 Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, le 8 février 2008, dans son bureau à l’hôtel de ville de Lyon. 606 Lettre de l’UCIL aux candidats aux élections municipales, cf.supra. Ainsi qu’entretien n° 18 avec B. Delas, chargé de mission site historique de la ville de Lyon: cf.supra.. Et entretien n°10 avec R. Neyret: cf.supra. 607 608 609 610 Entretien avec B. Delas, chargé de mission site historique de la ville de Lyon : cf.supra. Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007. Email de J-L. Chavent, le 28/12/2007. Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire de la Manufacture des tabacs (Lyon III). 611 612 Entretien n3 avec un cataphile membre de l’OCRA : cf.supra. Séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. Delescluse Juliette - 2008 113 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson III/ L’engagement des constructeurs : les garanties permises par les progrès techniques L’urbain introduit des problématiques particulières en termes d’aménagements. « En ville, c’est tellement plus complexe », confie l’assistant à maîtrise d’ouvrage de la rénovation lourde du tunnel. L’exemple de l’archéologie préventive est révélateur. Lorsqu’il n’y a pas de pression financière et qu’un promoteur s’aperçoit qu’il est obligé de financer des fouilles, il décide de s’implanter ailleurs. En ville, l’aménageur n’a pas le choix, il se doit de gérer les différentes problématiques et notamment celle de rencontrer dans ce cadre les plus importants mouvements contestataires (A). La préservation maximale des arêtes de poisson est l’une des problématiques auxquelles il doit répondre (B). A. Les acteurs se rencontrent : une nouvelle étape dans la mobilisation 613 La rencontre entre les cataphiles et les responsables du projet a eu lieu fin février 2008 , soit cinq mois et demi après le début de la mobilisation. Parmi les cataphiles présents se trouve le membre de l’OCRA en pointe de la mobilisation. Il préfère la voie formelle avec les politiques et conçoit le projet de visite comme un moyen de valoriser les arêtes préservées 614 . Le second cataphile n’est pas réellement membre de l’OCRA à part entière. Il a écrit un livre sur les souterrains à Lyon et a fait pas mal de recherches sur les arêtes de poisson dans l’optique d’en écrire un second 615 . Parmi les responsables de la rénovation lourde du tunnel se trouve le responsable de la maîtrise d’ouvrage 617 616 . L’assistant à maîtrise d’ouvrage est également présent . Le responsable du service des tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin assistent aussi à la réunion. Histoire d’une rencontre : les arêtes de poisson et le second tube Cette rencontre est une sorte d’aboutissement dans la mobilisation cataphile. Le cataphile lyonnais va se sentir enfin écouté par les décideurs du projet. Cette réunion permet aux différents acteurs présents d’exposer en face-à-face leurs motivations, positions et volontés. Nous assistons à cette réunion dans le cadre de notre participation à la mobilisation avec le membre de l’OCRA. La situation est délicate car nous avons également lors de notre recherche rencontré deux des responsables de la rénovation lourde du tunnel. L’observation participante montre ses limites ou touche à sa fin. Nous avons donc dû combiner ces rôles durant la réunion, notamment en les équilibrant et en adoptant un discours neutralisant. 613 Séance d’observation n°7: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin. 614 615 Voir son entretien: Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA : cf.supra. Ce cataphile sera aussi présent avec nous lors de la séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. 616 Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse (service tunnels du Grand Lyon), le 06/12/2007, dans son bureau Montée de Choulans. 617 Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, le 08/01/2008, dans une salle de réunion au Grand Lyon 20 rue du lac. 114 Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain Le directeur de la mission Vaise-Serin entame la réunion en présentant les travaux comme l’opportunité d’une discussion. Le fait que cette rencontre ait lieu si tard par rapport aux débuts de la mobilisation cataphile est justifié par l’attente d’avoir des « avancées techniques » suffisantes avant de convoquer ces derniers. L’expertise des responsables de la rénovation est avancée. Le « périmètre de la discussion » est ensuite délimité par le même orateur. L’échange se veut structuré et structurant. Dans ce sens, les cataphiles présents vont faire appel aux divers éléments qui permettent de les rendre crédibles. Tout d’abord au niveau de leurs ambitions. Ils vont généraliser leur cause en insistant sur le fait que les arêtes de poisson sont le « patrimoine des Lyonnais avant tout ». Le cataphile vient défendre ce qui est la propriété de tous. Pour autant et dans ce sens, ils ne veulent pas non plus gêner « des travaux pour la ville ». Ils proposent donc de trouver des compromis. Le compromis exposé est l’intégration éventuelle dans le projet d’une sortie de secours reliée au tunnel permettant de sécuriser un futur projet de visites. Il s’agit donc de profiter du chantier pour mettre en valeur les arêtes de poisson. Le second compromis est d’accepter la décision de la DRAC de ne pas entamer une procédure de classement des arêtes de 618 poisson . Néanmoins, la découverte du plan mentionnant où se trouvent les ossements est présentée par les cataphiles présents. Cet élément avancé introduit une remise en cause implicite de la décision de la DRAC par rapport à l’importance de ce site. Elle permet aussi de questionner indirectement sur le fait que les responsables de la rénovation lourde aient suffisamment pris en compte tous les éléments. La seconde manière pour les cataphiles de se rendre crédibles est d’introduire des éléments constructifs d’une nouvelle image. Les cataphiles se présentent tous deux comme des membres de l’OCRA même si le second l’est de façon intermittente. Le cataphile ayant rédigé un livre le mentionne dans sa présentation. Il présente aussi le fait qu’il veut en écrire un second sur les arêtes de poisson. L’action de l’OCRA au Fort de Vaise lors de Journées Européennes du Patrimoine est à 619 nouveau mentionnée. La rencontre avec Monsieur Pillonel l’est aussi. Enfin, c’est leur connaissance du lieu qui est mise en avant. Ils font discrètement des commentaires sur des erreurs du plan. Ils utilisent cet ensemble d’éléments pour démontrer qu’ils connaissent le sujet et qu’un travail commun est aussi possible avec eux. Minimiser l’impact des dégâts et informer sur les volontés futures Les responsables de la rénovation lourde du tunnel présents vont dans un premier temps expliquer les raisons d’un tel chantier. Les arguments de sécurité sont les mêmes que ceux diffusés sur le site du Grand Lyon, dans la presse et lors des rencontres que nous avons eu avec ces acteurs lors de notre recherche. La présentation ici est cependant plus technique. Des plans précis sont présentés. L’objectif est avant tout de rassurer les cataphiles. La vérité est dite : « il y a des bouts de galeries qui peuvent être interceptées », explique l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. Les écoulements hydrauliques vont être rétablis dans la galerie située sous les arêtes de poisson, elle-même aussi reconstruite. D’autant que les parties interceptées sont « largement remaniées et bétonnées », précise le responsable de la maîtrise d’ouvrage. Le membre de l’OCRA présent regrette que cela soit bétonné à nouveau. Le directeur de la mission Vaise-Serin répond par une plaisanterie. L’atmosphère se détend. 618 619 Visite de la DRAC dans les arêtes de poisson effectuée en fin d’année 2007. Séance d’observation n°6: Rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon. Delescluse Juliette - 2008 115 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson B. Le nouveau tube s’explique : les arêtes de poisson sont rassurées Sur le site Internet du Grand Lyon en février 2008, de nouveaux éléments sont mis en ligne. Notamment la dernière exposition sur le projet de rénovation du tunnel et le projet 620 de construction du pont Schuman . Un des panneaux comporte un encadré précisant : « Préserver le patrimoine. La colline de la Croix-Rousse abrite un réseau de galeries 621 ème souterraines aménagé au 17 siècle, par l’ingénieur architecte Vauban , appelé les « arêtes de poisson », qui constitue un patrimoine remarquable. Le Grand Lyon s’est engagé à les préserver au maximum dans le cadre de la réalisation du futur tunnel ». Cette mention est une nouveauté sur le site du Grand Lyon, la portée de ce message est de ce fait largement étendue. La réunion, se déroulant à la même période, ira dans ce sens. Se donner les moyens techniques de préserver les arêtes de poisson Au cœur de la réunion, le responsable de la maîtrise d’ouvrage va rappeler que l’équipe n’a pas de « baguette magique ». Néanmoins il promet que tous les moyens techniques seront mis en œuvre pour que l’impact prévu sur les arêtes de poisson ne soit pas plus étendu. 622 Pour cela, le choix de l’entreprise est important. L’appel d’offre de la rénovation lourde exige que le « groupement » candidat à l’offre ait au minimum un chiffre d’affaire annuel au moins égal à 150 millions d’Euros (H.T). Des garanties sur les capacités techniques de l’entreprise sont aussi exigées. N’importe quelle entreprise ne peut donc pas être candidate. Les entreprises sélectionnées dans le cadre de la procédure conception-réalisation doivent dès leur offre traiter la problématique des arêtes de poisson. Des certitudes existent déjà sur l’impact limité du tube de sécurité sur les arêtes de poisson, explique l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. Un effort de qualification du massif a déjà été fait pour que les entreprises reçoivent un maximum d’éléments en amont « afin qu’il n’y ait pas de mauvaises surprises ». L’accès depuis la place Chazette aux arêtes de poisson doit aussi être rétabli. Tout cela finalement, conclut l’assistant à la maîtrise d’ouvrage, « ce n’est pas un plus, c’est une exigence ». Un des cataphiles s’inquiète néanmoins du cas où les travaux fragiliseraient le terrain et donc les arêtes de poisson. Pour le second cataphile, l’inquiétude concerne plutôt le choix de la technique de creusage. Tous deux se présentent comme avisés des enjeux. La réponse aux deux inquiétudes se décline en trois points. Le premier est qu’un réseau de capteurs de suivi sera installé et l’entreprise devra être vigilante. En d’autres termes, l’entreprise est avertie « que des galeries sont en jeu, que c’est quelque chose d’important », explique l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. Le second point porte sur le fait que les arêtes de poisson sont dans les cinquante premiers mètres du tube de sécurité. De ce fait, « ce n’est pas du creusement en pleine section où on avance. C'est du creusement où on avance petit à petit, vraiment de manière progressive avec des soutènements lourds. Donc on va étape par étape. Ce n'est pas comme en plein massif où on aurait un rendement beaucoup plus important », précise-t-il. Enfin, troisième point, des techniques confortatives seront installées dans les arêtes avant les débuts du creusage. Finalement, l’argument des progrès techniques dans le domaine depuis cinquante ans est un élément important de la 620 Exposition à la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon. En ligne. < http://www.grandlyon.com/Serin-Quais-de- Saone.2886.0.html > Consulté en mai 2008. 621 622 Les cataphiles rejettent cette hypothèse. Appel d’offre numéro 07-261556 pour les études de conception, la réalisation des travaux de rénovation du tunnel existant ainsi que le creusement et l’aménagement d’un nouveau tube circulé de 1750 mètres parallèle au tunnel existant, réservé aux transports en commun et aux modes doux. Date limite de réception des offres: 28 janvier 2008. 116 Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain démonstration. C’est donc une garantie de moyens que promettent les responsables de la construction du tube de sécurité, bien plus qu’une garantie de résultats. D’autre part, à la fin de la réunion, le responsable de la maîtrise d’ouvrage confiera : « Et puis nous sommes aussi Lyonnais et attachés aussi au patrimoine de notre territoire. Donc on ne fera pas n'importe quoi ». Bilan d’une rencontre : une préservation maximale prise en compte dans le projet Les cataphiles reconnaîtront, à la suite de la réunion, le professionnalisme de leurs interlocuteurs et que le « dossier était bien fait ». Cela les rassure. Notamment parce qu’ils ne se laisseront pas influencés. La technicité du projet prime avant tout. Ils admettent qu’ils n’étaient pas forcément à l’aise. Mais ils sont néanmoins satisfaits : « on n’est pas passé pour des guignols pour autant ». Le projet de visites des arêtes de poisson a peu été abordé dans la réunion. Les responsables du programme ont jugé que ce n’était pas de leur compétence de décider pour ce projet. Quant à une étude historique, le programme peut l’impulser mais les deux ne sont pas corrélés. Le compte-rendu de la réunion que 623 nous obtiendrons retranscrit correctement les préoccupations de l’OCRA. Une phrase marquera cependant notre attention : « L’OCRA confirme que les arêtes intersectées sont bien bétonnées ». Mais finalement les cataphiles seront globalement satisfaits de cette réunion et transmettront ce message aux autres. Ils souhaitent néanmoins rester vigilants. Chapitre 6 Le consensus autour d’une patrimonialisation « sur mesure » La préservation du patrimoine peut être considérée comme un désir de retour à « la 624 maternité de la maison » . C’est dans cette maison natale qu’est logé un grand nombre de nos souvenirs. Le schéma se complexifie lorsque l’on intègre les multiples refuges, plus ou moins appréciés, qui s’y trouvent : des coins et des couloirs, de la cave au grenier. Le patrimoine a jusqu’à présent été avant tout identifié à du monumental. « Au grenier souris et rats peuvent faire leur tapage. Que le maître survienne, ils rentreront dans le silence de leur trou. A la cave remuent des êtres plus lents, moins trottinants, plus mystérieux » 625 , analyse Gaston Bachelard. Au grenier, les peurs se rationalisent aisément. A la cave, la rationalisation est moins rapide. Elle n’est également jamais définitive. Dans le cas de la patrimonialisation du réseau souterrain des arêtes de poisson, le souterrain a été « réchauffé » par l’action de groupes humains (I). Cela lui a permis d’obtenir en partie la même légitimité que les autres pièces de la maison natale (II). Son insertion dans la maison natale rénovée pose la question de sa modernité (III). 623 Il sera transmis aux membres présents lors de la réunion. Mais aussi entre autres au service galeries, au service de la voirie et au vice-président chargé de la concertation du Grand Lyon. 624 625 BACHELARD G., La poétique de l’espace, Paris, PUF, 1957. p.27. Ibid. p.36. Delescluse Juliette - 2008 117 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson I/ Le patrimoine comme une action collective : le souterrain retrouve un « supplément d’âme » L’action collective peut être définie comme une « action commune ayant pour but d’atteindre des fins partagées ». Elle est le produit à la fois de composantes rationnelles et non 626 rationnelles . En matière de patrimoine, la collectivité entre en action pour des raisons multiples. Ces différentes motivations influencent la définition du patrimoine qu’ont les acteurs (A). Dans le cas des arêtes de poisson, le côté hors norme du site va influencer sa définition collective en tant que patrimoine. Le réseau souterrain se dotera peu à peu d’une définition patrimoniale par la collectivité (B). A. De multiples définitions du patrimoine : la plus pertinente, celle d’une société autour du patrimoine Les personnes que nous avons rencontrées lors de cette recherche n’ont pas souvent trouvé les mots pour donner clairement leur définition du patrimoine. Certains ont pour cela d’abord 627 utilisé des définitions institutionnelles du patrimoine . Et puis tous ont vite finalement raconté leurs histoires. Le patrimoine comme des expériences humaines avant tout. Chacun navigue entre les différentes facettes de la valeur qu’il attribue au patrimoine. Nous en relèverons trois au cours de notre recherche. Le patrimoine et la « petite » mémoire Pour certains, le patrimoine c’est le souvenir des parents. D’un père notamment qui « était amoureux de la nature et des vieilles pierres » 628 . La mémoire dans le patrimoine c’est 629 avant tout, et de plus en plus, une mémoire de l’intime, du « petit patrimoine » . C’est collectionner par exemple des objets et outils de la vie quotidienne d’antan. Et faire un musée des musées ruraux qui, sans quoi, se meurent peu à peu parce que le maire change ou le créateur décède. L’important c’est aussi de s’imaginer l’ambiance et l’amour de l’ouvrier pour son outil. Finalement préserver ce type de patrimoine c’est préserver la mémoire de ces « amoureux de l’objet » : l’ouvrier qui s’en est servi et celui qui l’a précédemment sauvé 630 . Le patrimoine et la participation 626 627 MANN P., L’action collective. Mobilisation et organisation des minorités actives, Paris, Armand Colin, 1991. Entretien n° 11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, le 8 février 2008, dans son bureau à l’hôtel de ville de Lyon. Et entretien avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon, le 13/02/2008, dans son bureau au Grand Lyon 20 rue du lac. 628 Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau au Fort de Vaise. 629 630 118 Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain D’autres, plus nombreux, ont été sensibilisés par « hasard », avec une mobilisation, souvent dans leur jeunesse 631 . La mobilisation devient leur formation 632 . Certains affirment même 633 que leur meilleure qualité c’est d’être des « incompétents du patrimoine » . C’est un enchevêtrement de mobilisations qui va leur donner le goût du patrimoine. Mais pour eux aussi, c’est surtout la mobilisation d’individus autour d’un lieu qui va donner à celui-ci 634 sa valeur de patrimoine . Et ce sont également avant tout pour eux des « groupes de personnes informels » qui sauvent le patrimoine. La participation prend forme dans la défense d’un lieu mais aussi dans la transmission. « Je ne verrais peut-être pas ça terminé mais ça me fait plaisir de voir que ça démarre », confie l’un d’eux 635 636 . Cette passation va avant tout en direction des jeunes considérés comme passionnés . Parce que la participation c’est avant tout s’investir dans sa passion, « c’est une vie mais c’est passionnant » 637 . C’est aussi une volonté. Parce que la participation a son revers : des gens pour le patrimoine mais aussi souvent des gens contre peut tenter de devenir un dialogue 639 638 . Dans ce cas, le patrimoine . Le patrimoine et la qualité de vie 640 Finalement, le patrimoine ça rend aussi des gens « heureux, heureux, heureux » . C’est la définition plaisir du patrimoine. Ce sont ces gens, souvent réunis en association, qui font « vivre » le patrimoine. C’est avant tout le patrimoine de l’associatif non pas défensif mais intégrationniste. Notamment parce que l’on crée des liens avec d’autres passionnés. Il arrive que l’on soit réveillé à minuit pour s’échanger des anecdotes. Et puis, parfois, de finir la réunion dans la cuisine, car « c’est là que l’on travaille le mieux » 641 . B. Une volonté commune se dégage autour du lieu atypique qu’est le réseau souterrain des arêtes de poisson 631 Entretien n°10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui. Et entretien avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis. 632 Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis. 633 634 Entretien n°18 avec B. Delas, chargé de mission site historique de la ville de Lyon, le 10/03/2008, dans son bureau. Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008 : cf.supra. Et Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le 27/02/2008, dans son bureau. 635 636 637 638 639 640 641 Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra. Ibid. Ibid. Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008: cf.supra. Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin: cf.supra. Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra. Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 119 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Le risque possible que court le réseau souterrain des arêtes de poisson va permettre de faire émerger une volonté globale de le préserver. Les différents types d’acteurs vont, au fil de la mobilisation, prendront peu à peu conscience que ce désir de préservation maximale est partagé. Un lieu extraordinaire reconnu par la majorité Les cataphiles, les associatifs et le service galeries expriment chacun à leur manière le caractère particulier des arêtes de poisson. Ce lieu sort du commun par rapport aux autres souterrains lyonnais. C’est un « réseau à part » 642 juge un membre du service galeries. Du coup, les « arêtes de poisson, ce n’est pas pareil » C’est une exception 644 643 considère un cataphile. . Ils constatent aussi la méconnaissance du lieu. A la fois au 645 niveau des origines, « aussi énigmatiques que les géants de l’île de Pâques » . Mais une méconnaissance aussi de la part des Lyonnais. Un cataphile regrette ce manque de connaissance contrastant avec « l’ampleur du boulot » 646 . La taille du réseau est aussi mise en avant, « c’est l’un des plus grands réseaux de Lyon » 648 647 . Pour toutes ces raisons, ce lieu « empreint d’histoire et d’esthétisme » devient patrimoine dans l’esprit de ces acteurs. Peu de lieux souterrains à Lyon peuvent prétendre au même titre dans les esprits sauf peut-être la citerne Berelle 649 . Un travail commun et une passion partagée au-delà des oppositions d’interprétations Du fait du caractère atypique des arêtes de poisson, les différents acteurs partagent malgré les différences de points de vue la volonté de les préserver. Pour un membre du service 650 galeries , qui se dit aussi « passionné », les cataphiles ne comprennent pas que le service galeries souhaite aussi préserver au maximum les arêtes de poisson et que pour cela ce dernier y travaille. Ce travail passe notamment par des échanges permanents avec 642 Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau. 643 Propos du cataphile présent lors de la séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. 644 Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra. 645 646 FINAND S., « Lyon à travers ses souterrains », Jeudi Lyon, 17/11/1994. Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire de la Manufacture des tabacs (Lyon III). 647 Séance d’observation n°7: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin. 648 649 Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui. Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. Et entretien n°1 avec J.-L. Chavent : cf.supra. 650 120 Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain les responsables de la rénovation lourde du tunnel. Il ne se fait pas d’ « illusions », un « petit bout sera touché » mais il espère le moins possible. Il s’agit aussi de « rétablir au maximum » ce qui a été abîmé. Les cataphiles vont peu à peu découvrir le fait que le service galeries cherche aussi à les préserver. Néanmoins les cataphiles craignent encore de contacter le service directement, du fait notamment de leur réputation. Les arêtes de poisson deviennent donc un patrimoine en raison de leur aspect atypique et de leur capacité mobilisatrice. Le réseau souterrain sort peu à peu de son aspect purement utilitaire et l’attention qu’on lui porte le patrimonialise. II/ Le patrimoine comme une tendance : le souterrain comme nouvelle étape Nous assistons à une tendance patrimoniale croissante de la part de « Monsieur tout le monde ». Le patrimoine répond de plus en plus à une demande des gens. Les gens le respectent du plus en plus aussi 651 . De fait, la notion de patrimoine se diversifie question peut même être de savoir « ce qui n’est pas patrimoine » 653 652 . La . Cette demande rend 654 la définition du patrimoine « mouvante » et rien n’est vraiment fixé dans sa détermination . Les arêtes de poisson ont été patrimonialisées du fait principalement de la mobilisation faite autour et dans le contexte actuel d’une société patrimonialisante. Bilan d’une mobilisation. Une demande d’informations : satisfaite La première revendication demandée par les cataphiles était d’être informés par les responsables de la rénovation du tube de sécurité au sujet de l’impact sur les arêtes de poisson. Certains attendaient même une « table ronde » avec les différents acteurs 655 . Les cataphiles acceptaient la destruction d’une partie du réseau mais en échange ils souhaitaient être informés 657 656 . Cette rencontre a eu lieu, comme nous l’avons vu, fin février 2008 . Cette demande d’information va donc être satisfaite. Les cataphiles vont être invités lors de cette réunion à contacter Gérard Claisse, vice-président du Grand Lyon chargé de la participation citoyenne, pour éventuellement participer au comité de 658 suivi participatif sur le projet, si celui-ci est renouvelé après les élections municipales . Pour Claude Pillonel, le compromis se trouve dans une participation des cataphiles à la 651 652 Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra. Entretien n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC Rhône-Alpes, le 29/02/2008, dans son bureau à la DRAC. 653 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le 27/02/2008, dans son bureau. 654 Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon, le 13/02/2008, dans son bureau au Grand Lyon 20 rue du lac. 655 656 657 658 Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 05/02/2008. Entretien n°1 avec J.-L. Chavent : cf.supra. Séance d’observation n°7 : cf.supra. A l’heure où nous rédigeons, cette voie n’a pas encore été explorée par les cataphiles faute de temps notamment. Delescluse Juliette - 2008 121 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson 659 concertation . Les cataphiles, bien que non riverains, ont cherché à démontrer leur intérêt pour le sujet afin de justifier leur participation à la rénovation lourde du tunnel de la CroixRousse. Une protection au titre des Monuments Historiques : inappropriée Le classement des arêtes de poisson au titre des Monuments Historiques n’est pas sûr d’aboutir. Mais d’autre part, celui-ci pourrait se révéler contre-productif et contraignant. Cette hypothèse est donc écartée. Une protection au niveau du Plan Local d’Urbanisme : envisageable Une inscription au PLU en tant qu’ « élément bâti à préserver » n’est pas exclue. Le patrimoine souterrain est une nouvelle évolution vers laquelle le PLU pourra sans doute s’orienter. Cette inscription serait un niveau de protection adéquat pour les arêtes de poisson du fait de sa définition très flexible. Les cataphiles comptent aller dans ce sens. Une étude archéologique : très probable Le diagnostic du service municipal d’archéologie ne pourra imposer des fouilles dans l’ensemble du réseau des arêtes de poisson. S’il le fait cela ne pourra l’être que dans la zone endommagée. Néanmoins, du fait de la possible présence d’ossements quelques dizaines de mètres plus loin, le diagnostic va sûrement suggérer qu’une étude archéologique soit faite. Dans ce cas, les pouvoirs publics vont sûrement l’initier du fait notamment qu’aucune étude historique n’a été entreprise sur cet ouvrage. D’autant que les Lyonnais commencent à être sensibilisés sur ce fait cas dans ce sens. 660 . Les cataphiles et les associatifs 661 iront dans tous les Un projet de visites : à plus long terme 662 A cause des travaux, le projet de visites des arêtes de poisson est de fait reporté . Néanmoins, il reste compromis, comme en 1994, pour différentes raisons. A la demande de Gérard Collomb en fin d’année 2007, un rapport a été fait par le service galeries sur les conditions à remplir pour un projet de visites. Ce rapport contient deux pages de normes relatives aux Etablissements Recevant du Public (ERP) à remplir. Celui-ci a été présenté à la presse en janvier 2008 663 . Le respect de ces normes entraînerait une destruction du réseau 664 et cela ne va pas dans le « bon sens », explique un membre du service galeries . Les rendre visitables serait une manière de les défigurer. Le second problème pour le service galeries est le fait qu’ouvrir au public les arêtes de poisson n’évitera pas les intrusions dans les autres souterrains lyonnais. Les cataphiles, poursuit le membre du service galeries, 659 Séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon. 660 661 R.L. et M.M., « Le mystère des arêtes de poisson bientôt résolu », Le Progrès, 15/04/2008. Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. 662 663 664 122 Séance d’observation n°6: cf.supra. F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008. Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon : cf.supra. Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain « veulent pouvoir rentrer où ils veulent et quand ils veulent ». Ils ne souhaitent pas de visites avec un guide. Enfin, la question du financement se pose aussi, « le tunnel n’aura pas les crédits », conclut-il. Cependant le projet de visites des arêtes de poisson se fera sûrement à plus long terme, même si ce n’est que de manière exceptionnelle lors des Journées Européennes du Patrimoine. Les arêtes de poisson ne se visiteront peut-être pas mais au moins des lieux souterrains plus faciles d’accès comme par exemple la citerne Berelle sur la colline de 665 Fourvière . Les visites atypiques plaisent de plus en plus. La ville d’Arras a ainsi ouvert au public en mars 2008 une visite autoguidée dans les carrières Wellington ayant abrité plus de vingt-mille soldats britanniques pendant la Première Guerre mondiale. La ville de Provins 666 fait aussi visiter ses souterrains. Selon le directeur de l’office de tourisme de la ville , le strict respect des ERP n’est pas vraiment une norme dans la visite de souterrains. C’est de la responsabilité de l’exploitant. Celui-ci met donc en œuvre un maximum de moyens pour limiter les risques qui ne peuvent jamais être nuls dans ce genre de lieu. C’est le « principe de précaution et la volonté politique qui prévalent dans ce cas », poursuit-il. Personne ne souhaite encore prendre ce risque à Lyon pour les arêtes de poisson. Pour l’instant. Cela pourrait évoluer, notamment dans une optique de rayonnement touristique 667 . D’autres formes de protection? D’autres manières de protéger les arêtes de poisson sont envisagées. Certains ont proposé de filmer dans les détails les arêtes de poisson. Cela pourrait être mis en place de manière 668 officielle comme cela avait été fait pour la citerne Berelle . Un projet portant sur les souterrains de Lyon est en cours de réalisation pour la fête des Lumière en décembre 2009. Les arêtes de poisson seront largement présentées à travers des images dans ce cadre. L’OCRA travaille actuellement sur ce projet avec les artistes mobilisés. Celui-ci devrait aboutir. Une autre manière de protéger les arêtes de poisson serait qu’une étude 669 universitaire soit débutée sur le sujet, une étude historique en particulier . Enfin, dernière méthode de protection et non des moindres, les cataphiles comptent se mobiliser lors de l’enquête publique sur la rénovation lourde du tunnel. III/ Le patrimoine comme une modernité : le souterrain modèle de consensus ? Le réseau des arêtes de poisson devient en quelque sorte une nouvelle étape de la patrimonialisation. Il permet d’allier début de « patrimonialisation dans les esprits » et projet urbain. Ce compromis place la confiance au centre de ce processus (A). Par conséquent, il devient une sorte de modèle (B). 665 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. 666 667 Echange téléphonique avec le directeur de l’office de tourisme de Provins, le 06/12/2007. LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http:// www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960> Consulté le 30 janvier 2008. 668 669 Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 123 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson A. La parole donnée au centre de la patrimonialisation du réseau souterrain des arêtes de poisson La protection la plus certaine dont bénéficient les arêtes de poisson est paradoxalement la plus fragile : la parole donnée. C’est l’engagement des responsables de la rénovation lourde du tunnel qui devient central dans cette patrimonialisation. En effet, la préservation des arêtes de poisson a été, selon eux, inscrite dans le projet, « je peux vous dire que 670 le programme est rédigé avec une attention sur les arêtes » . Ils se transforment paradoxalement en acteurs centraux de cette protection en intégrant dans le projet une sensibilité non prise en compte à l’origine de celui-ci. Cette ignorance des débuts n’était pas forcément volontaire. C’est la mobilisation des cataphiles qui va permettre une prise de conscience de l’intérêt que peut représenter le site. Les cataphiles leur font dorénavant confiance tout en restant vigilants. Selon Eddie Gilles Di Pierno, le plus important c’est d’avoir un accord de principe 671 . La mobilisation y est parvenue. B. Le patrimoine comme recherche d’un équilibre fragile: les arêtes de poisson comme illustration La mobilisation pour les arêtes de poisson a illustré la manière dont le patrimoine pouvait faire preuve de modernité. La recherche d’un consensus en est le principal élément. La patrimonialisation sort du champ du conflit pour s’inscrire dans celui de la discussion, de la négociation et enfin de la construction. Pour cela, les acteurs se doivent d’être suffisamment disposés à cela. Cela prend du temps et parfois même nécessite la construction d’une nouvelle image dans l’esprit des autres. Finalement, le propre de la préservation urbaine se trouve dans cette capacité à allier patrimoine et nouvelles constructions. Alors que Régis Neyret craint parfois que l’amour pour le patrimoine soit un refus de la mort, bien au contraire, le patrimoine est intégré dans la modernité. C’est cette intégration dans le présent qui le rend moderne et donne un « supplément d’âme » à la nouvelle construction. Le patrimoine devient dans ce sens une opportunité 673 672 . Il s’agit donc d’intégrer évolution et patrimoine en tant que politique pour certains . Ou finalement trouver un compromis au cas par cas. Ne pas définir ce qui est patrimoine mais sans cesse en rechercher la 674 définition. C’est ce flou dans la définition qui est actuellement de plus en plus privilégié . C’est peut-être la plus grande chance du patrimoine souterrain. Finalement, dès le début de la mobilisation, la solution était donnée dans un article du quotidien 20 Minutes du 29 670 Séance d’observation n°7: cf.supra. 671 Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra. 672 Séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. 673 674 Entretien n° 11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra. Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon : cf.supra.Et entretien n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC Rhône-Alpes: cf.supra. 124 Delescluse Juliette - 2008 Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain 675 octobre 2007 . Gérard Collomb souhaite dans cet article associer rénovation du tunnel et préservation du patrimoine. C’est ce que les cataphiles semblent avoir obtenu de la part des politiques et des responsables de la rénovation. Au terme d’une mobilisation. 675 Et aussi dans MENVIELLE D., « Et si le 2 ème tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007. Delescluse Juliette - 2008 125 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Conclusion La mobilisation cataphile pour le réseau souterrain des arêtes de poisson a été un essai de métamorphose. Celle-ci tentait de transformer l’image uniquement utilitaire que l’on confère généralement au sous-sol en une image patrimoniale. Elle s’est aussi accompagnée d’une volonté de mutation de la représentation qu’ont les Lyonnais des cataphiles. Cela se trouvait être à la fois une nécessité mais aussi une opportunité face au péril possible des arêtes de poisson. La mobilisation cataphile comme tout mouvement collectif n’allait, en effet, pas de soi. L’action commune a supposé que les acteurs s’organisent au préalable. Trois étapes ont pu être distinguées : la dénonciation du péril avec le passage d’une sphère privée et confidentielle à une sphère publique ; la construction des alliances ; et enfin la prise de conscience des Lyonnais de l’impact réel du projet et de la possible patrimonialisation 676 des souterrains lyonnais . La particularité de l’objet souterrain a dû être maîtrisée et partiellement dépassée. En effet, les politiques patrimoniales ont dû appréhender un objet autre que du bâti. Cela s’est donc révélé être un défi. Face à l’urgence du péril, les cataphiles ont dû aussi dépasser le complexe de leur illégalité. Ils ont utilisé des codes en matière de médiatisation et de politisation. Lorsque que de nouveaux acteurs prétendent entrer dans 677 le jeu politique, ils doivent se conformer à un minimum de règles du jeu établies . Cette nécessité est d’autant plus grande lorsque les mobilisés sont considérés comme déviants. Les cataphiles n’ont pas totalement agi de manière spontanée. Notamment parce qu’avec la mobilisation autour des arêtes de poisson, c’est une reconnaissance plus globale qui était visée : patrimonialiser les souterrains lyonnais. Leurs actes ont donc été réfléchis. Ils ont tenté d’élaborer des stratégies qu’ils ont modifiées et ajustées dans le cours de l’action. Cette remise en cause partielle de l’action publique locale s’est doublée d’une force de proposition d’une nouvelle forme d’action publique locale. Les cataphiles ont tenté de modifier l’horizon des autorités publiques locales en leur suggérant la construction d’une nouvelle image : celle d’un projet urbain intégrant des contraintes patrimoniales, et en particulier peu reconnues dans le cas du souterrain. Les différents acteurs ont fini par ajuster leurs exigences. Un accord a finalement été trouvé même s’il reste avant tout oral. La probable patrimonialisation du réseau souterrain des arêtes de poisson confirme la 678 logique de la conservation patrimoniale qui exclut l’ « accident de transmission » . Telle une pièce manquante dans une collection, ce qui a été oublié peut être découvert à tout moment pour entrer aussitôt dans une procédure de conservation patrimoniale. Il ne s’agit 679 donc plus de l’accident mais de l’ « éternel oublié » . Le patrimoine est donc avant tout un choix. L’acte créateur individuel n’est pas nié, mais il est estompé et appréhendé 676 Un autre exemple de remise en cause d’un projet public par un ou des groupes minoritaires: CATHARIN V., La contestation des grands projets publics, Paris, L’Harmattan, 2000. p. 186. 677 678 679 126 ARNAUD L. et GUIONNET C. (dir.), Les frontières du politique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005. p. 263. JEUDY H-P., La machinerie patrimoniale, Paris, Sens & Tonka éditeurs, 2001. p. 12. Ibid. Delescluse Juliette - 2008 Conclusion 680 avant tout comme facteur historique et non pas comme un « geste d’artiste » . Il peut donc sembler paradoxal de ce fait de traiter scientifiquement une question qui devient de 681 plus en plus affective . Cette contradiction se révèle particulièrement infondée lorsque la sacralisation du patrimoine se perd parfois dans des processus d’automutilation, de 682 vandalisme et d’ « urbanicide », notamment durant les guerres civiles . La connaissance des constructions identitaires autour du patrimoine devient, en particulier dans ce sens, une nécessité. Elle l’est aussi dans des constructions patrimoniales, plus « pacifiques ». L’étude de constructions patrimoniales locales peut, en effet, être une piste de compréhension des « déconstructions » locales, entre autres patrimoniales.Ainsi comme l’écrit l’écrivain yougoslave Ivo Andrić, « Il n’y a pas de constructions fortuites, sans rapport avec la société humaine dans laquelle elles ont vu le jour, avec ses besoins, ses aspirations et ses conceptions, de même qu’il n’y a pas de lignes arbitraires ou de formes gratuites en architecture. La naissance et la vie de toute grande et belle construction utile, son rapport avec le milieu dans lequel elle a été édifiée, portent souvent en eux des drames et des 683 histoires complexes et mystérieuses.» . C’est par le contact étroit au cours de notre étude avec des « constructeurs patrimoniaux » à la fois si proches et si « hors-norme » que nous avons tenté d’esquisser une ébauche de réponse expliquant ces fragiles enchevêtrements. 680 LAMY Y. (dir.), L’Alchimie du patrimoine. Discours et politiques, Paris, Publications de la Maison des sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1996. p.530. 681 682 683 LE GOFF J. (dir.), Patrimoine et passions identitaires, Paris, Fayard, 1998. p.427. CHASLIN F., Une haine monumentale. Essai sur la destruction des villes en Ex-Yougoslavie, Paris, Descartes & Cie., 1997. ANDRIC I., Le pont sur la Drina, Paris, L Delescluse Juliette - 2008 127 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson Sources Afin de mieux cerner l’évolution de la mobilisation autour du réseau souterrain des arêtes de poisson, la classification des éléments d’observation et éléments journalistiques est chronologique. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon. /!\ Eléments d’observation Entretiens ∙ Entretien n°1: J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui. ∙ Entretien n°2: un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire de la Manufacture des tabacs (Lyon III). ∙ Entretien n°3 : un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui. ∙ Discussion imprévue n°4 : J.-L. Chavent, le 05/12/2007, chez lui. ∙ Entretien n°5 : un salarié intérimaire d’une entreprise mandatée par le Grand Lyon pour le confortement des galeries souterraines, le 05/12/2007, chantier sur la colline de Fourvière. ∙ Entretien n°6 : un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse (service tunnels du Grand Lyon), le 06/12/2007, dans son bureau Montée de Choulans. ∙ Entretien n°7 : assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, le 08/01/2008, dans une salle de réunion au Grand Lyon 20 Rue du lac. ∙ Entretien n°8 : J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives labyrinthiques aux pentes de la CroixRousse », le 23/01/2008 chez lui. ∙ Entretien n°9 : E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30/01/2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis. ∙ Entretien n°10 : R. Neyret, 01/02/2008, chez lui. ∙ Entretien n°11 : Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, le 08/02/2008, dans son bureau à l’hôtel de ville de Lyon. ∙ Entretien n°12 : un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau. ∙ Entretien n°13 : un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon, le 13/02/2008, dans son bureau au Grand Lyon 20 rue du lac. 128 Delescluse Juliette - 2008 Sources ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ Entretien n°14 : L. Voiturier, co-président élu du conseil de quartier de « l’ouest des pentes » (Croix-Rousse), le 21/02/2008, dans un café Place Sathonay. Entretien n°15 : J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau au Fort de Vaise. Entretien n°16: D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le 27/02/2008, dans son bureau. Entretien n°17 : une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC Rhône-Alpes, le 29/02/2008, dans son bureau à la DRAC. Entretien n°18 : B. Delas, chargé de mission site historique de la ville de Lyon, le 10/03/2008, dans son bureau. Séances d’observation ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ Séance d’observation n°1: Visite à la mission sécurité et prévention de la ville de Lyon, le 21/11/2007, Rue de la République. Séance d’observation n°2: Constitution du dossier de visite des arêtes de poisson avec un cataphile membre de l’OCRA, novembre 2007, lieux divers. Complété en février 2008. Séance observation n°3: Présentation des souterrains lyonnais par deux cataphiles lors de la réunion du Comité d’Intérêts Locaux (CIL) de Vaise, le 11/12/2007, Maison de la Jeunesse et de la Culture (MJC) de Vaise. Séance d’observation n°4: Séance pétition pour « sauver les arêtes de poisson » avec cinq cataphiles, le 12/01/2008, marché de la Croix-Rousse. Séance d’observation n°5 : Tentative de visite du chantier des études géologiques dans l’optique de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse, le 22/01/2008, entrée côté Rhône du tunnel. Séance d’observation n°6: Rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon. Séance d’observation n°7: Rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maîtrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin. Séance d’observation n°8: Rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC. Séance d’observation n°9: Réunion OCRA du 05/04/2008, salle de réunion du Fort de Vaise. Echanges téléphoniques ∙ Echange téléphonique avec le président de l’association responsable des souterrains de Provins, le 21/11/2007. Delescluse Juliette - 2008 129 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ Echange téléphonique avec le directeur de l’office de tourisme de Provins, le 06/12/2007. Echange téléphonique avec D. Bolliet, maire du quatrième arrondissement de Lyon, le 30/01/2008. Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 05/02/2008. Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 08/02/2008. Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 25/02/2008. Courriers ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ Lettre de l’OCRA au maire de Lyon Gérard Collomb, novembre 2007. Lettre du maire de Lyon Gérard Collomb à l’OCRA, décembre 2007. Lettre du conseil de quartier de l’ « ouest des pentes de la Croix-Rousse» président du Grand Lyon Gérard Collomb, aux vice-présidents délégués à l’urbanisme, au déplacement et à la concertation et au responsable du site de la pétition pour sauver les arêtes de poisson, janvier 2008. Lettre de l’UCIL aux candidats aux élections municipales « Lyon : quel avenir pour le site historique de l’UNESCO ? », janvier 2008. Lettre de l’OCRA au maire du quatrième arrondissement de la ville de Lyon, février 2008. Lettre de l’OCRA au maire du premier arrondissement de la ville de Lyon, février 2008. Emails ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ Emails réguliers de la mailing liste de l’OCRA. Email d’un cataphile membre de l’OCRA, 28/12/2007. Email de J-L. Chavent, le 28/12/2007. Email d’un cataphile membre de l’OCRA, 13/01/2008. Email de M. Noir, ancien Maire de Lyon, le 08/02/2008. Email de l’archéologue de la DRAC, le 21/04/2008. Comptes-rendus de réunions Compte-rendu de la réunion OCRA du 1er février 2008. Compte-rendu de la réunion entre les responsables de la rénovation lourde du tunnel et les cataphiles du 28 février 2008 (Séance d’observation 7). Compte-rendu de la réunion OCRA du 7 mars 2008. Compte-rendu de la réunion OCRA du 4 avril 2008. Eléments journalistiques 130 Delescluse Juliette - 2008 Sources Avant la mobilisation ∙ « Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », Courly-informations (Journal d’information de la communauté urbaine de Lyon), n°27, septembre 1982. (Archives du Grand Lyon 0012 PER 027). ∙ « Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991. ∙ BARBIER C., «Les galeries souterraines : un monde mystérieux», Côté cour Côté jardin (Le magazine du personnel de la communauté urbaine de Lyon), n°16, novembre 1992. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 180). ∙ BARBIER C., « Mystère : Les souterrains de Miribel », Côté cour Côté jardin (Le magazine du personnel de la communauté urbaine de Lyon), n°26, octobre 1993. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 190). ∙ FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », L’Essor du Rhône, 05/11/1993. ∙ BOLE DU CHAUMONT, « Jean-Luc Chavent : Lyon la souterraine », Le Dauphiné libéré, 19/04/1994. ∙ MAIRE M.A., « Lyon tire des plans sur ses galeries », Lyon Figaro, 24/05/1994. ∙ A. M.-A., « Réseaux souterrains de Lyon : un patrimoine caché à découvrir », Le Tout Lyon, 07/06/1994. ∙ FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », L’Essor du Rhône, 24/06/1994. ∙ FINAND S., « Lyon à travers ses souterrains », Jeudi Lyon, 17/11/1994. ∙ CORNELOUP G., « Les dessous de Lyon », Lyon Figaro, 02/03/1995. ∙ CHAPGIER J., « Intrusion illicite dans les galeries souterraines », L’écho des services urbains, n°225, 07/09/1995. (Archives du Grand Lyon 0025 PER 512) ∙ BARBIER C., « Direction de l’eau : les veilleurs de souterrains », Côté cour Côté jardin (Le magazine du personnel de la communauté urbaine de Lyon), novembre 1996. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 226). ∙ « Soirées poubelle et défense du patrimoine », Le Monde, 12/08/1997. ∙ AVIGAL A., « Les jeunes adeptes des catacombes inventent des rituels et des codes souterrains », Le Monde, 12/08/1997. ∙ « Voyage au-dessous de la ville », Le Progrès, 13/04/1999. ∙ DURIEZ I., « Régis Neyret : le batailleur de pierres », L’Humanité, 18/02/2000. ∙ BARBIER J. et MASSIP M., « Pourquoi le sous-sol de Lyon est instable ? », Lyon Mag, 01/03/2002. ∙ COLIN L., « Souterrains de Lyon : un vrai gruyère », Lyon Mag, 01/04/2006. ∙ BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Pendant la mobilisation ∙ SILVAIN P., « Un tunnel peut en casser un autre », 20 Minutes Lyon, 26/09/2007. ∙ SILVAIN P., « Ils lancent une pétition pour sauver les souterrains », 20 Minutes Lyon, 09/10/2007. Delescluse Juliette - 2008 131 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson ∙ Lamy G., « Les souterrains de Lyon menacés par le projet de tunnel », Lyon Capitale, 09/10/2007. ∙ BURY E., « Faut-il sauver les arêtes de poisson ? », Tribune de Lyon, 11/10/2007. ∙ LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. <www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960> Consulté en mai 2008. ∙ MENVIELLE D., « Et si le 2ème tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007. ∙ P.S. et C.B., « Gérard Collomb sensible aux arêtes de poisson », 20 Minutes Lyon, 29/10/2007. ∙ « Les arêtes de poisson à l’UNESCO », Lyon Capitale, 28/12/2007. ∙ THOUVENOT X., « Le centre historique mérite mieux. Les Comités d’Intérêts Locaux interpellent les candidats », Métro Lyon, 25/01/2008. ∙ X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon, 30/01/2008. ∙ F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008. ∙ « Croix-Rousse : des ossements humains enterrés », Lyon Mag, 12/03/2008. ∙ LAMY G., « Ossements humains sous la Croix-Rousse », Lyon Capitale, 26/03/2008. ∙ VIDALIE A. et PHAM A.L., « Sous les pavés, les explorateurs », L’Express, 27/03/2008. ∙ F.C., « Des tirs d’explosifs aujourd’hui dans les sous-sol de la Croix-Rousse », 20 Minutes Lyon, 15/04/2008. ∙ R.L. et M.M., « Le mystère des arêtes de poisson bientôt résolu », Le Progrès, 15/04/2008. ∙ Eléments juridiques Gestion du sous-sol lyonnais ∙ Arrêtés du maire de Lyon des 13 et 19 novembre 1930. ∙ Arrêté du maire de Lyon du 19 novembre 1930. ∙ Arrêté du maire de Lyon du 24 mars 1951. ∙ Arrêté du maire de Lyon du 27 juin 1977. ∙ Arrêté du maire de Lyon du 22 février 1989. ∙ Arrêté du maire de Lyon du 2 mai 1994. ∙ Arrêté du maire de Lyon du 16 mars 1999. ∙ Décision du Conseil d'Etat du 17 décembre 1971, numéro 77103 77104 77105 77211. ∙ Décision de la Cour administrative d’appel de Lyon (1ère chambre) du 21 mai 1991, numéro 90LY00406. Rénovation lourde du tunnel 132 Delescluse Juliette - 2008 Sources ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ Loi du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (dite loi MOP), numéro 85-704. Circulaire interministérielle du 25 août 2000 relative à la sécurité dans les tunnels du réseau routier national (ministère de l’intérieur et ministère de l’équipement, des transports et du logement), numéro 2000-63. En ligne. 59p. < http://www.viepublique.fr/documents-vp/circulaire_25-08-2000-1.pdf > Consulté en mai 2008. Décret du 24 juin 2005 relatif à la sécurité d'ouvrages du réseau routier, numéro 2005-701. Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 26 mars 2007, numéro 2007-4013. Décision du bureau du conseil de Communauté du Grand Lyon du 16 avril 2007, numéro B2007-5174. Décision du bureau du conseil de Communauté du Grand Lyon du 11 mai 2007, numéro B2007-5690. 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Avis d’attribution numéro 07-329971 relatif à la réalisation d'une étude socioéconomique dans le cadre de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse. Date d’envoi de l’avis à la publication : 13 décembre 2007. Appel d’offre numéro 07-261556 pour les études de conception, la réalisation des travaux de rénovation du tunnel existant ainsi que le creusement et l’aménagement d’un nouveau tube circulé de 1750 mètres parallèle au tunnel existant, réservé aux transports en commun et aux modes doux. Date limite de réception des offres: 28 janvier 2008. Préservation du patrimoine ∙ Loi du 25 février 1943 instituant une servitude d’abords au profit des Monuments Historiques, numéro 92. Delescluse Juliette - 2008 133 De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson ∙ Code du patrimoine. 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