Brève histoire des colorants

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Brève histoire des colorants
Première S
Lycée Paul Vincensini
Chimie
Brève histoire des colorants
1. De l’Antiquité au XVIIIème siècle : l’artisanat des colorants
L’utilisation par l’homme de substances colorées, pour modifier l’aspect extérieur de son
environnement, remonte à la plus haute antiquité : pigments animaux et minéraux des grottes
décorées (Lascaux ou Altamira vers 12000 avant J.C.), ou des pyramides égyptiennes ; teintures des
vêtements attestée en différentes régions du globe : en Chine vers 3000 avant J.C., en Inde (où on
utilise la garance et l’indigo, teintures préparées à partir de plantes) vers 2000 avant J.C., en Palestine
vers 2000-1500 avant J.C., et en Egypte, comme en témoignent les plus anciens textiles retrouvés :
les bandelettes qui entouraient les momies dans les tombes de pharaons datant de 2500 avant J.C.
Jusqu’au XIXème siècle, l’état embryonnaire de la Chimie, en particulier de la chimie organique, a
limité la gamme des colorants utilisés par l’homme à une quinzaine environ. Ils sont tous extraits de
produits naturels et souvent d’origine végétale, comme l’alizarine rouge tirée de la garance ou Rubia
tinctorium, et l’indigo bleu obtenu à partir de l’Indigofera, ou encore la lutéoline jaune tirée du
Reseda luteola communément appelé gaude.
Parfois, ils sont d’origine animale, comme la pourpre des Phéniciens extraite du mollusque Murex
brandaris ou les rouges cochenille et kermès obtenus à partir d’insectes : la cochenille de racine que
l’on trouve encore actuellement en Pologne ou en Arménie et le kermès, que l’on rencontre
toujours, aujourd’hui, sur les chênes du Languedoc et de Turquie.
Le travail de l’homme sur ces colorants se limitait alors à leur extraction, souvent laborieuse, puis à
leur fixation sur le support choisi, dont la fibre textile est l’exemple le plus important. Bien sûr,
l’empirisme a longtemps régné sur cet artisanat : le rôle des substances ajoutées au colorant pour le
fixer sur la fibre était, en l’état de la chimie, inconnu. Néanmoins, les teinturiers savaient réaliser des
coloris vifs et variés, et le développement des procédés et du commerce des colorants fut
considérable. Au Moyen Age, les colorants étaient acheminés en Europe par « la route de la soie »
venant de Chine, et l’on peut trouver à Venise une charte de la corporation des teinturiers, qui décrit
quelques unes des « recettes » utilisées à l’époque.
2. L’ère moderne : les colorants de synthèse
Le développement de la chimie des colorants est essentiellement associé à l’industrie de la teinture
pour d’évidentes raisons économiques.
Au milieu du XIXème siècle, la chimie naissante révolutionne l’utilisation des colorants. Avec la
découverte des colorants synthétiques et leur production industrielle, les colorants naturels
disparaissent progressivement et les opérations de teinture sont grandement simplifiées.
a) le premier colorant de synthèse : la mauvéine
En 1856, un jeune chimiste anglais, William Perkin, met au point la préparation industrielle d’un
colorant mauve appelé mauvéine, obtenu par oxydation de l’aniline.
Cette découverte, faite dans un laboratoire rudimentaire, jeta les bases de la fabrication des
teintures, des pigments synthétiques et de l’industrie mondiale des produits chimiques de synthèse.
Des traditions séculaires étaient bouleversées.
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La mauvéine connut un succès immédiat et fut le point de départ, en Europe, d’une industrie qui
produisit de nouveaux colorants avec, comme matière première, le goudron de houille. D’où les
noms de colorants de goudrons de houille ou de colorants d’aniline donnés à ces produits.
b) Premières synthèses de colorants naturels : l’alizarine ou l’indigo
L’industrie des colorants connait un tournant lorsque la recherche s’oriente vers la détermination de
structure de colorants naturels importants, puis vers leur synthèse. Le succès remporté dans cette
voie l’est par les allemands Graebe et Liebermann avec la synthèse en 1868 de l’alizarine, principe
colorant de la garance. Puis vient, en 1880, la synthèse de l’indigo par Baeyer.
La culture des plantes dont étaient extraits les colorants décline : en 1897, l’Allemagne importait près
de 1500 tonnes d’indigo naturel ; en 1904, elle exportait 8730 tonnes d’indigo de synthèse. Les
principaux avantages des colorants de synthèse sont en effet leur prix de revient, bien inférieur, et la
reproductibilité des bains de teinture.
c) Développement de la chimie organique et nouveaux colorants de synthèse
Dans le même temps, profitant de la recherche en chimie organique qui se développe en Europe, de
nouveaux colorants, n’ayant pour la plupart aucun lien avec la nature, voient le jour. Ainsi, un type
entièrement nouveau de matière colorée apparaît en 1862, les colorants azo, de formule générale
R-N=N-R’, qui comprennent aujourd’hui le groupe le plus large de colorants synthétiques. En 1884,
est synthétisé le rouge congo, premier d’une lignée de colorants très appréciés et encore
d’importance : les colorants dits directs, capables de teindre le coton, sans additifs pour les fixer à la
fibre.
D’autres catégories importantes de colorants apparaissent au XXème siècle tels que :
- Les colorants azoïques, un groupe de colorants organiques dérivés de l’azobenzène
(C6H5 – N = N – C6H5), la plupart jaunes ou rouges (1911) ;
- Les colorants dits dispersables, qui pénètrent dans les fibres (1922) ;
- Les colorants réactifs qui se lient chimiquement à la fibre (1956) et résistent donc bien au
lavage.
Aujourd’hui, ce n’est plus une douzaine de colorants naturels qui sont utilisés, mais plusieurs milliers
pour la plupart synthétiques, et chacun adapté à une technique particulière ou à un usage spécial.
d) Conclusion
La place que les colorants ont tenue dans le développement de la chimie est immense. Ils sont
également intervenus comme des moteurs de l’histoire économique et des échanges culturels, par la
voie des échanges commerciaux.
Les colorants ont participé aux débuts de la chimie et de la physique modernes. Mais leur empreinte
se retrouve dans bien d’autres domaines que les sciences. La fortune des Medicis de Florence (qui
ont donné deux reines à la France et plusieurs papes à Rome) était en particulier fondée sur le
monopole, consenti par le pape, de l’extraction de l’alun, un additif aux colorants, utilisé en teinture.
Le Brésil doit son nom à une matière colorante. Le plus grand pays d’Amérique du sud fut ainsi
baptisé, par ses premiers colons portugais, lorsque ceux-ci s’aperçurent que ses rivages fourmillaient
d’arbres semblables au Braxil, un bois tinctorial acheminé de l’Inde en Europe, par les Arabes, depuis
le Moyen Age.

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