Greece F

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Greece F
courage
Une île grecque accueille à bras ouverts un médecin réfugié d’Iraq
© UNHCR/T.Katechis
Que fait un médecin iraquien
d'origine kurde sur une île grecque ?
Une vision s’impose immédiatement: celle de bateaux rouillés
arrivant dans les îles, avec à leur
bord des hommes, des femmes,
et des enfants épuisés et
assoiffés, souvent un mélange de
migrants économiques et de
demandeurs d'asile fuyant le
conflit qui sévit dans leur pays.
Soleiman Barzani était lui aussi un
réfugié. Il ne l'est plus. Quinze ans
après son arrivée en Grèce, il a la
citoyenneté du pays et gère une
clinique de pédiatrie à Ios, une île
située entre la Grèce et la Turquie.
En 1975, Barzani, qui n’avait alors
que 5 ans, et sa famille ont fui
l'Iraq pour l'Iran où ils ont vécu de
longues et difficiles années en tant que réfugiés. Après avoir obtenu son diplôme de fin d'études
secondaires en Iran, Barzani a eu la chance de se voir offrir une bourse universitaire par le
gouvernement grec.
Le docteur Soleiman Barzani s'occupant d'une jeune patiente dans sa clinique pédiatrique de
l'île d’Ios.
La vie en Grèce a été très difficile au début. Après avoir surmonté les inévitables obstacles
bureaucratiques, Barzani a réussi à obtenir une place à l'université de Thessalonique pour apprendre
le grec. Puis, en 1990, il a demandé l'asile, car son permis d'étudiant ne le protégeait pas contre
l'éventualité d'être, un jour, renvoyé en Iraq contre son gré.
Barzani s’est ensuite inscrit à la faculté de médecine de l'université de Patras, dans le Péloponnèse,
mais il n’a pas informé la police de son changement de résidence. « La police me cherchait à
Thessalonique en vue de l'entretien pour la détermination du statut de réfugié, et j'étais à Patras » ,
se souvient Barzani. « J'ai reçu un premier avis de refus en 1991, puis un deuxième et un troisième
en appel. Je n'avais pas de permis de séjour, juste ma carte d'étudiant. » Barzani poursuit son
histoire: « Je me suis adressé au Conseil grec pour les réfugiés, qui m’a pris sous son aile et m’a
délivré une carte de réfugié de l’UNHCR. Il m’a aussi accordé une petite indemnité, et le soutien
d’un travailleur social pour m’aider à surmonter mes problèmes. »
La première année à l'université a été pénible. Barzani était préoccupé par son statut juridique, et il
devait s’adapter à une culture et une langue différentes des siennes. De plus, sa famille lui
manquait, il se sentait seul et il était traumatisé par les souvenirs de son enfance. « Ce qui me
frustrait plus que tout, c’était que, sans papiers en bonne et due forme, je ne pouvais pas retirer
l’argent de la bourse à la banque. J’éprouve encore aujourd’hui une profonde reconnaissance pour
l'employé d'une banque de Patras, qui, au risque de perdre son emploi, m’a remis l’argent en me
demandant, pour tout papier d’identité ou permis de séjour, ma carte d’étudiant. »
Barzani indique que le soutien que lui ont apporté quelques personnes lui a donné la force et le
courage de vivre des années difficiles. « J'ai été très touché quand le président de la faculté de
médecine de Patras et le doyen de l'université ont envoyé des lettres de soutien au Ministère de
l'ordre public en 1995 et 1996 », dit-il avec gratitude.
Son diplôme de médecine en poche, Barzani est parti pour Athènes et a travaillé chez un fleuriste
tout en essayant de réaliser les démarches nécessaires pour entamer ses études de spécialisation
en pédiatrie. « Parallèlement, je me suis lancé dans un projet, capital à mes yeux: celui d'être
reconnu comme réfugié. L’UNHCR m'a aidé à soumettre à nouveau mon cas, car je n’avais même
pas obtenu un entretien la première fois. » Il s'explique: « quand on vit dans l'incertitude, on ne peut
pas faire de projets pour l’avenir, on ne peut pas mener une existence normale. La seule
préoccupation, c’est de trouver une solution aux problèmes. » Le recours a finalement abouti en
octobre 2002 – 12 ans après le dépôt de la première demande d’asile – et Barzani a enfin été
officiellement reconnu comme réfugié en Grèce.
À l’issue de ses études de pédiatrie, Barzani a commencé à travailler comme interprète à temps
partiel et médecin pour Médecins du Monde (MDM). « Cette expérience m'a appris que d’autres
personnes que moi sur terre avaient des problèmes. MDM et d'autres organisations non
gouvernementales telles que la Fondation pour le travail social et la Croix-Rouge hellénique m’ont
aidé à aider d'autres personnes dans le besoin. Elles m'ont aussi aidé à surmonter les clichés et
préjugés que j'avais acquis au cours de mon enfance. Elles m'ont montré que tous les êtres
humains sont égaux. »
Des collègues pédiatres disent de Barzani qu’il est « l’un de nos meilleurs médecins ». Selon l’un
d’eux, « les enfants l'adorent, les parents le respectent et son savoir-faire médical est extraordinaire.
« En juin 2003, à l'instigation du président de l'hôpital pédiatrique Agia Sofia, Barzani a décidé de
s'installer sur l'île d’Ios, où il a ouvert sa propre clinique pédiatrique. Le centre de santé publique de
l'île avait vainement recherché un pédiatre pendant plusieurs années… peut-être en raison de la
tristesse des mois d’hiver.
« Le maire, qui avait enfin trouvé un pédiatre, n'a pas voulu le perdre. Il a donc pleinement appuyé
ma demande de citoyenneté, une condition pour le recrutement dans le secteur public », indique
Barzani, qui a gagné la confiance de la communauté grâce à ses compétences médicales.
En avril 2004, Barzani a obtenu la citoyenneté grecque, un privilège qui n'est que très rarement
accordé à des personnes qui ne sont pas d'origine grecque. « Vous ne pouvez pas imaginer ma joie
quand j’ai appris la nouvelle – je ne pouvais pas y croire! », se souvient-il avec fierté. Il attend
maintenant de faire son service militaire pour accomplir son devoir envers son nouveau pays.
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