Distribution pharma : Nouvelles dynamiques

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Distribution pharma : Nouvelles dynamiques
Nouvelles
dynamiques
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Distribution pharma
La distribution du médicament en Europe change-t-elle
de modèle ? Les pressions qui s’exercent sur les coûts poussent
les entreprises à rechercher des points de marge. Importations
parallèles, ventes directes aux officines, contrefaçons, les lignes
bougent et les métiers de la distribution s’adaptent.
«L
a problématique du métier
n’a pas fondamentalement
changé, estime Jacques Bidet, directeur logistique du
site des laboratoires Roche à Rosnysous-bois. En revanche, la nature des
produits, la manière de les distribuer
et la typologie des clients diffèrent d’il
y a dix ans. » Les produits sortis de la
réserve hospitalière sont concernés au
premier chef : plus techniques et plus
fragiles, leur distribution est devenue
plus stratégique. Directeur logistique chez Pierre Fabre médicaments,
Christophe Ettviller explique les nouveaux enjeux : mondialisation des
marchés, exigence de sécurité sanitaire
et optimisation des coûts orientent la
politique de distribution du laboratoire tarnais. « Nous avons 250 distributeurs étrangers licenciés, répartis dans 120 pays, et tout part d’un
centre de distribution unique. Il y a
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PHARMACEUTIQUES - FÉVRIER 2008
dix ans, on aurait parlé de transport
; aujourd’hui, chaque maillon de la
«supply chain» est considéré comme
un intervenant à part entière », indique le directeur lors d’une conférence
organisée à Toulouse par le SISMIP et
la société SDV 1. Selon Jacques Bidet,
le coût de distribution du médicament en ville est trop élevé en France.
Manque d’organisation et d’harmonisation seraient à blâmer : plus il y a
d’intermédiaires dans la chaîne et plus
il y a de coûts imputables aux différentes marges.
Direct ou pas ?
Mais il y aurait également à ses yeux
trop d’hôpitaux et trop d’officines.
« Pour un niveau de santé publique
identique, on pourrait probablement
avoir moitié moins d’officines dans
l’Hexagone », estime-t-il.
La législation française ne limite pas
le circuit de vente directe par les laboratoires aux officines, mais a instauré
un système de taxes par paliers sur le
chiffre d’affaires correspondant. Le
pharmacien achète au même prix et
le fabricant récupère ainsi la marge
du distributeur. La vente directe relève donc d’un choix stratégique qui
peut être dicté par des considérations
économiques ou par la nature du produit. Par exemple, il peut s’agir d’un
produit qui va être génériqué et pour
lequel « il est important pour le laboratoire d’être directement au contact des
pharmaciens pour lui apporter de l’information », observe Jacques Bidet. La
vente directe peut aussi être adaptée à
un produit technique, de la chaîne du
froid, pour raccourcir le circuit dans
un objectif de qualité pour le patient,
même si les répartiteurs ont développé
des services très pointus pour répondre à ces nouveaux besoins. Troisième
Europe Industrie
LE MODÈLE «DTP»
PASSERA-T-IL
LA MANCHE ?
cas
d e
figure, un
produit
cher, de niche, pour lequel
pour le laboratoire
cherche à récupérer la marge
d’un intermédiaire. Le recours à un
dépositaire ne concerne quant à lui
qu’une minorité d’entreprises, filiales
de grosses firmes qui n’avaient pas
vocation à investir dans des structures logistiques sur le territoire français, dans la mesure où la nature des
produits ne justifiait pas la maîtrise
totale de la chaîne de distribution.
En revanche, un laboratoire très présent à l’hôpital, comme Roche, souhaite garder le contact direct avec les
pharmacies hospitalières, car il s’agit
de prestations réalisées en réponse à
des appels d’offres. A noter que certains laboratoires ont créé leur propre
structure interne avec statut administratif de dépositaire.
Europe :
garantir la concurrence
A l’échelle européenne, c’est la disparité des prix et des coûts qui oriente
les politiques de distribution. Commerce parallèle, montée en puissance
des contrefaçons, problématiques
de reconditionnement, exigences de
traçabilité. Ces questions étaient au
cœur d’une journée débat organisée
en septembre dernier par la SFSTP2.
Avocat spécialisé, Jean Lorenzi rappelle à cet égard un certain nombre
de fondamentaux. Au sein de l’UE,
l’article 81 du Traité précise que sont
interdits les accords entre entreprises
qui ont pour objet ou effet « d’empêcher, de restreindre ou de fausser
le jeu de la concurrence ». Et en particulier ceux qui consistent à « fixer
(...) les prix d’achat ou de vente, ou
d’autres conditions de transaction »,
à « répartir les marchés ou les sources
d’approvisionnement », ou « appliquer à l’égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des
prestations équivalentes... » Pourtant,
le paragraphe suivant précise que les
dispositions peuvent être déclarées
inapplicables à toute pratique « qui
contribue à améliorer la production
ou la distribution des produits, ou
à promouvoir le progrès technique
ou économique... ». La seule condition est que la pratique en question
n’ait pas pour effet « d’éliminer la
concurrence. » De même, l’article
suivant (82) interdit l’abus de position dominante qui aurait également
pour conséquence d’imposer des prix
d’achat ou de vente et d’appliquer des
conditions inégales à des prestations
équivalentes.
Distribution sélective
En fait, la distribution dite sélective n’a rien d’une pratique nouvelle.
« Les laboratoires ont obligation de
vendre à tous les distributeurs autorisés mais pratiquent déjà depuis
longtemps une forme de distribution
sélective en fixant des seuils de commandes », explique Odile Goya, qui
a présidé la commission de la SFSTP
consacrée à la distribution en Europe.
« Aujourd’hui, de nombreux pharma-
ciens sont démarchés directement »,
ajoute-t-elle.
Ainsi, une jurisprudence communautaire de 1977, confirmée en 1983,
précise que les systèmes de distribution sélective sont admissibles à
condition que le choix des revendeurs
s’opère en fonction de « critères objectifs » de qualité. En France, un avis du
Conseil de la Concurrence de 2004
explique que « la liberté d’organisation de son réseau de distribution par
un fournisseur constitue un principe
de base, sous réserve que les modes
de distribution mis en œuvre n’aient
pas pour objet ou pour effet d’affecter
le fonctionnement du marché intérieur ». Selon Jean Lorenzi, « il n’est
guère réaliste d’imposer la garantie
du maintien de la qualité des médicaments, et la traçabilité intégrale depuis
la matière première jusqu’au produit
fini sans une maîtrise intégrale de la
distribution. La distribution sélective
peut-elle se concilier avec un monopole pharmaceutique dans le secteur
de la distribution en gros ? Vingt ans
après la publication du décret «établissement », un toilettage peut être
nécessaire pour s’adapter aux nouvelles réalités à la fois économiques et
scientifiques. » n
Jocelyn Morisson
(1) Cf. Pharmaceutiques n°149 de septembre 2007.
(2) Société française des sciences et
techniques pharmaceutiques, colloque
« la distribution en Europe des médicaments », septembre 2007.
Bonnes pratiques en Europe
L’étude de la commission de la SFSTP montre que 90 % des 30 pays enquêtés (27 Etats membres de l’UE plus Suisse, Norvège et Islande) appliquent
les deux textes de référence que sont la directive 2001/83/CE et la directive
2004/27/CE. 57 % ont un référentiel national de Bonnes pratiques de distribution et 14 % utilisent les BPF (fabrication), dont sont issues les BPD.
Enfin, 29 % n’ont ni BPD ni BPF nationales. La situation est homogène au
regard du déconditionnement, qui requiert une autorisation réglementaire
de fabrication. En matière de traçabilité, le suivi par marquage optique
« data matrix » obligatoire en janvier 2011 en France, devrait être repris
par d’autres Etats membres. Il permettra le suivi de lot jusqu’au patient.
Les importations parallèles sont soumises à une autorisation préalable de
l’AFSSAPS. Neuf demandes d’autorisation ont été acceptées depuis 2006.
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