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J’aime, j’en parle : William Eggleston
William Eggleston est né en 1939 à Memphis, dans
le Tennessee et a grandi dans le Mississippi. En
1958, alors âgé de 19 ans, il a commencé à faire
de la photographie d’abord en noir et blanc comme
tout le monde, puis il se démarque en 1965 en
travaillant exclusivement en couleur. Ce support
en cette forme était alors associé à la publicité
principalement. Mais Eggleston a été parmi les
premiers à utiliser la couleur comme support
photographique « sérieux ».
Le Mississippi est son lieu d’exercice privilégié et
le quotidien son sujet de prédilection. Il montre un
grand intérêt pour l'ordinaire, les endroits, les
gens sans prétention intellectuelle et les choses
simples qui composent vraiment le Sud. Depuis le
Torino 74
début la photographie d'Eggleston est enracinée
dans la culture du Sud profond où il a toujours vécu. Il prend parti de montrer sa culture avec ce qu’elle a de beau et de moins joli parfois.
Son travail prend habituellement pour thème des sujets ordinaires, certes, mais selon l’écrivain Mark Holborn : « La banalité de ses sujets
est trompeuse, il y a un sentiment de danger menaçant caché derrière ses images. » Et pour cause, dans le projet « Los Alamos » par
exemple, l’artiste n’a pas choisi cette ville par hasard. Loin du rêve américain, William y dépeint le sinistre quotidien des villes isolées faites
de magasins désaffectés, de voitures abandonnées dans le désert, de vieux pneus, d’affiches déchirées… Los Alamos située au NouveauMexique, est aussi connue pour avoir abrité les recherches sur la bombe atomique, et également pour son atmosphère plutôt sombre.
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Untitled - From Los Alamos 1967-1974
Los Alamos, 1965-68 and 1972-74
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(Haut gauche) Tricycle, Memphis, Tennessee 1970
(Bas gauche) Tricycle 70’
(Droite) Parking from Two one quart
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Delta kream sign
From Los Alamos
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Il y a une absence d’artifice dans ses
images, si l’on fait abstraction bien sûr, de
l’effet du transfert de teinture qui donne
des couleurs qu’il convient de remettre dans
le contexte de l’époque de prise de vue.
Aujourd’hui on dirait que ces rendus sont
« Kitchs » car ils font penser aux couleurs
de nos vieux polaroids. Mais quoiqu’il en
soit, William nous montre son univers, son
quotidien, celui qu’il aime et celui qu’il
connaît. Il y a dans son travail une idée forte
d’honnêteté
et
de
témoignage
social,
comme dans le travail d’un photoreporter
qui
prend
l’actualité
simplement
en
en
somme.
photographie
D’ailleurs,
ses
principales sources d’inspirations sont les
photographes Robert Frank et Henri CartierBresson.
Le
premier
a
contribué
au
Untitled, 1965-1968
mouvement Beat, pratiquant la traversée
des Etats-Unis ; tandis que le second est une figure mythique du photojournalisme. Ce n’est donc pas un hasard que son travail soit si
fortement marqué par ces influences. De la même manière, à la fin des années 60, il ne s’est pas soucié que la tendance était alors au noir
et blanc. Il ne s’est pas préoccupé des autres, de la masse qui voyait et vivait par le monochrome, il a fait son chemin en couleur, sans
s’inquiéter du côté peu porteur de son orientation. On conviendra pourtant qu’il s’agissait d’un choix très fort.
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Truck
Red Truck from Two one quart
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Untitled 1965
Car
Cars
Self portrait of William Eggleston, Tennessee 1984
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Untitled from Two one quart
Cadillac
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Au cours de ses traversées en voiture de l’Amérique profonde entre 1965 et 1974, avec son ami Walter Hopps, William Eggleston réalise
une centaine de clichés. En 1974 ses premières images sont exposées au MOMA de New York, sous le nom de « Portfolio », un nom plutôt
discret. Bien plus tard, en 2003, les Éditions Scalo sortent « Los Alamos », un livre composé de 80 photographies prises par William
Eggleston entre 1966 et 1974. En 2012, sous l’impulsion de Mark Holborn (en charge de mettre de l’ordre dans les archives d’Eggleston),
Steidl réédite « Los Alamos », mais dans une version exhaustive cette fois. Et de 80 images, l’ouvrage passe à trois volumes, avec un total
de 276 planches couleurs (dont pratiquement 200 inédites) qui composent cette publication d’une réussite ahurissante. Une sorte de pied de
nez au reste de la profession. Un livre en couleur bien
sûr fait de carcasses de voitures abandonnées, de
rideaux de fer baissés, de parkings vides, d’entrepôts
désaffectés, d’espaces déserts… Déjà Steidl annonce
pour 2013 une édition en 5 tomes de « The
Democratic Garden », un autre livre devenu rare du
grand Eggleston.
La photographie a longtemps été mal considérée dans
le domaine de l’art, la photographie couleur a subi
encore un plus dur traitement. William Eggleston en a
fait les frais : la reconnaissance de son travail
prendra du temps. Le contexte est alors plutôt
favorable au monochrome, plus distancié, plus noble,
plus intellectuel et moins clinquant. La légende
raconte qu’Eggleston, jeune, se rendait de nuit dans
On the road
un atelier industriel de tirages (là où l’on tirait les
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From Chrome, 1969-1974
Orange & White Ford Truck, Memphis, Tennessee 1971
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Biloxi, Mississippi 1974
Girl on grass, 1975
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Blue car on suburban street, Memphis 1970
Truck
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photos amateurs en grand nombre), pour y tester les rendus colométriques
de ses « mauvaises images ». Il leur appliquait des dominantes de couleurs,
des désaturations et des surexpositions. Du coup, la couleur, et surtout celle
de William en particulier, fait tâche. Il utilise la technique de tirage dite du
« Dye transfert », inventé par Kodak, qui donne un rendu coloré très saturé.
Ses tirages rendent irréelles des situations banales, un intérieur de frigo
devient une expérience extatique, une femme devant sa maison de banlieue
une peinture de la période luministe de Mondrian. Eggleston travaille la
couleur quasiment pour elle-même, en opposition presque avec le sujet qui
passe pour lui au second plan dans le degré d’importance qu’il donne à ses
compositions. Les nuances de couleurs trouvées dans la nature (ciels bleus
Memphis, Tennessee 1971
intenses, soleils couchants, reflets dans l’eau, ombres découpant les objets)
et la culture environnante (marques routières, enseignes lumineuses,
peintures publicitaires érodées, carrosseries de voitures et voitures
américaines) sont mixées pour obtenir des images dans lesquelles la couleur
domine l’image, et déplace le sujet à l’arrière plan. Nul ne sait comment
William Eggleston arrive à réaliser de tels cadrages qui instantanément
frappent justes, comment il obtient de telles couleurs qui disent en une
seconde ce qui prendrait des pages à expliquer. Son grand secret reste son
talent à faire que jamais le sujet ne prenne le dessus sur la composition. Par
sa photographie, Eggleston a réussi à inventer une autre façon de raconter
l’Amérique en couleurs.
From Chrome, 1969-1974
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From Chrome, 1969-1974
Memphis, Tennessee
Truck
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Red Rusted Upside - Sedan 1972
Tricycle
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Woman in the car
Webb, Mississippi 1969
Louisiana 1978
From Chrome, 1969-1974
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Je vous invite à vous balader sur son site au gré des albums couleurs de
William Eggleston, qui constituent une réelle découverte de l’Amérique des
années 60-70 : http://www.egglestontrust.com/
Squal
Airline windows, 1971-1974
Bottle on hood
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