Impact d`un programme psycho-éducatif sur le stress des aidants de
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Impact d`un programme psycho-éducatif sur le stress des aidants de
Impact d’un programme psycho-éducatif sur le stress des aidants de patients Alzheimer J. DE ROTROU (1), S. THÉVENET, A. RICHARD, I. CANTEGREIL, E. WENISCH, C. CHAUSSON, F. MOULIN, F. BATOUCHE, A.-S. RIGAUD INTRODUCTION De nombreux travaux ont déjà été consacrés aux spécificités des aidants de patients atteints de démence d’Alzheimer et ont déjà, pour la plupart, démontré l’impact des programmes d’intervention, sur les aidants euxmêmes et sur leurs patients (1, 3, 4, 10, 12, 13). En revanche, les données manquent sur la manière dont s’opère cet impact, positif ou négatif, c’est-à-dire, sur la façon dont les participants à ces programmes peuvent améliorer ou non leur état. C’est à cet aspect de l’accompagnement des aidants que nous nous intéressons, et dans le cadre de ce travail, précisément au stress des aidants familiaux de patients atteints de démence d’Alzheimer vivant à leur domicile. La question posée est la suivante : Comment un programme psycho-éducatif peut-il modifier le stress des aidants ? Dans un PHRC (Projet Hospitalier de Recherche Clinique) intitulé AID-MA (14) débuté en 2004, et actuellement en cours, nous testons l’hypothèse qu’un programme psycho-éducatif apporte un bénéfice aux aidants familiaux et que ce bénéfice est une aide aux patients. Bien que le critère principal dans ce PHRC ne soit pas spécifiquement ciblé sur le stress, un impact sur le stress fait partie des bénéfices attendus. Le programme psycho-éducatif proposé dans AID-MA est appliqué à l’hôpital Broca depuis plusieurs années. Ce programme a déjà fait l’objet d’études pilotes (8, 18) dont les résultats nous semblent apporter des éléments de réponse à la question initialement posée concernant l’impact sur le stress. En attendant les résultats de l’étude contrôlée, ce sont les résultats de ces études pilotes et nos réflexions fondées sur notre expérience actuelle auprès des participants au PHRC, qui sont présentés et discutés ici. Dans une première partie, nous résumons brièvement les spécificités du stress des aidants familiaux et les spécificités de l’évaluation de l’impact d’une intervention sur le stress. Dans une deuxième partie, nous décrivons le programme psycho-éducatif (objectifs et contenu), intitulé aujourd’hui « programme AID-MA ». La dernière partie est consacrée aux résultats actuellement disponibles. SPÉCIFICITÉS DU STRESS DES AIDANTS FAMILIAUX Selon Kolbel (11) le stress désigne « un état de déséquilibre physiologique et psychique, qui résulte d’une perception subjective d’un individu, de ne pas disposer des ressources internes et/ou externes suffisantes pour faire face à la demande ». Le stress est un « concept puzzle » qui comporte des aspects physiologiques, cognitifs, psychologiques, sociaux, émotionnels, de fréquence et d’intensité variables selon les individus (6, 9). En conséquence, il est difficile d’agir sur le stress sans prendre en compte la diversité de ses composantes et de ses déterminants. Souligner d’emblée la polysémie et la complexité du concept, c’est annoncer d’emblée l’envergure de la problématique de l’impact des modalités d’intervention sur le stress des aidants de patients atteints de démence d’Alzheimer. À la complexité du stress s’ajoute la complexité de la démence. Dans la démence, les troubles cognitifs et psycho-comportementaux sont hétérogènes mais constants, s’accompagnant toujours d’une perte d’autonomie croissante du fait de l’évolutivité de la maladie. En outre, dans la démence, du fait de cette perte progressive de l’autonomie du patient, le tandem patient- (1) CMRR de l’Hôpital Broca, 54-56 rue Pascal, 75013 Paris, [email protected]. S 650 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 650-5, cahier 5 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 650-5, cahier 5 Impact d’un programme psycho-éducatif sur le stress des aidants de patients Alzheimer aidant est à considérer, souvent au quotidien, en termes de spirale infernale. Outre la maladie en elle-même, la stigmatisation, la discrimination, la désinsertion familiale et sociale qui en découlent deviennent des sources de stress difficile à assumer par les patients et leurs aidants (20). Il faut souligner qu’il existe chez les patients comme chez les aidants une grande hétérogénéité. Celle-ci s’observe aussi bien au niveau de la fréquence et/ou intensité de leur état de stress qu’au niveau des causes et conséquences d’un tel état, objectives et/ou subjectives. Ce stress peut varier dans le temps, voire dans une même journée, et dépend de la personnalité de base et des capacités de résilience des aidants et des patients, de la qualité de leurs interactions, de leur histoire personnelle, psychologique, familiale et sociale, de leurs caractéristiques biométriques (sexe, âge, niveau socio-éducatif), de la nature de leur lien (conjoint, enfant, proche), de leur état de santé, de leur capacité à rechercher et à accepter les aides formelles et informelles (15, 17). ÉVALUATION DE L’IMPACT D’UNE INTERVENTION SUR LE STRESS. À la complexité du stress et de la démence, on peut ajouter la complexité de l’évaluation des interventions non pharmacologiques. Pour évaluer l’impact d’une intervention sur le stress des aidants familiaux de patients atteints de démence, encore faut-il non seulement qu’il y ait chez l’aidant un stress de fréquence et d’intensité suffisantes, mais encore que ce stress soit sensible au type d’intervention choisi ou que celle-ci soit spécifiquement ciblée sur le stress. Il faut également qu’il soit théoriquement possible de supprimer ou réduire ce stress dans ce contexte de démence, et statistiquement possible de le démontrer. Il est donc souhaitable d’utiliser des outils de mesure sensibles à ce type de stress et au type d’intervention appliqué, et une méthodologie statistique appropriée. Plus le stress de l’aidant est mineur, plus la probabilité d’un impact positif est faible ; la marge d’évolution étant petite. Mais également, plus le stress est majeur, plus la probabilité d’un impact positif est faible. En tous cas moins cet impact serait durable. Un stress très important correspond souvent à un cumul de facteurs stressants ou à de faibles ressources personnelles, et s’avère généralement plus résistant. Dans ce cas et dans un premier temps, on préférerait plutôt une intervention individuelle et adaptée (psychothérapie, et/ou traitement médicamenteux…) à une approche collective. Aborder l’évaluation de l’impact sur le stress, c’est pointer la problématique de l’impact d’un programme psychoéducatif sur le stress des aidants en termes d’aidants potentiellement répondeurs et non répondeurs, indépendamment de la qualité de ce programme. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire de quantifier et de qualifier le stress de l’aidant, préalablement à l’application d’un programme psycho-éducatif et/ou de chercher à l’objectiver tout au long de l’intervention de manière à « améliorer » ce stress particulier, rappelons-le, variable d’un aidant à l’autre. Dans notre expérience, la personnalité de base et la capacité à rechercher et/ou accepter les aides, formelles et informelles, joueraient un rôle majeur dans la gestion du stress. Dans l’étude AID-MA, nous nous intéressons particulièrement à un outil récent et validé mais actuellement assez peu utilisé à l’échelon international : le QSC (Questionnaire du Sentiment de Compétence) (19). Le QSC mesure la perception par les aidants de leur compétence dans la prise en charge de leur parent malade. Nous considérons que cet outil a sa place dans une batterie d’évaluation du stress des aidants car il apporte un éclairage spécifique sur les sentiments de compétence et d’efficacité qui jouent un rôle majeur dans l’accomplissement personnel, composante essentielle dans la gestion du stress. Dans une autre étude française actuellement en cours, intitulée PERSONA et concernant également l’évaluation d’un programme d’intervention auprès des aidants familiaux de patients déments ambulatoires, l’échelle de stress de Cungi (7) a été incluse dans le protocole d’évaluation. Cette échelle validée nous semble particulièrement pertinente dans des études spécifiquement ciblées sur le stress et les agents stresseurs bien qu’elle n’ait pas été conçue pour évaluer spécifiquement le stress des aidants de patients déments ambulatoires et l’impact d’un programme psycho-éducatif sur le stress de ces aidants. D’autre part, l’évaluation du stress sous l’angle d’une évaluation des images mentales ou représentations de la démence, nous semble particulièrement instructive. Les images-représentations qu’ont les aidants de la démence font partie de leurs agents stresseurs (8, 18). Ces images sont généralement négatives, anxiogènes, dépressogènes et stressantes. L’imagerie mentale de l’aidant serait de fait, un moteur aggravant ou protecteur, aussi bien pour lui-même que pour son proche malade. L’évaluation permet d’identifier des patterns d’images plus ou moins dysfonctionnelles ou profils d’aidants « à risque » d’épuisement ou non. PROGRAMME PSYCHO-ÉDUCATIF Parmi les modalités de prise en charge des aidants de patients déments, les programmes psycho-éducatifs, collectifs, sont les plus répandus (5, 21). L’un des tous premiers programmes est le PLST (Progressively Lowered Stress Threshold model) (16), qui a servi de cadre à différents types de prise en charge des aidants de patients déments. De ce fait, les programmes psycho-éducatifs partagent de nombreux points communs. Le programme AID-MA a été conçu à partir des travaux publiés, particulièrement des travaux en Psychologie cognitive et comportementale et à partir de notre expérience clinique dans le domaine de la stimulation cognitive des patients déments et de la prise en charge des aidants familiaux et professionnels. Ce programme prend largement en compte le stress des aidants et leurs réactions au stress. S 651 J. de Rotrou et al. Le programme AID-MA comporte 12 séances collectives hebdomadaires, réunissant 8 à 12 participants. Chacune des séances dure 2 heures. Les 12 séances se déroulent sous la responsabilité d’un coordonnateur, médecin ou psychologue, en collaboration avec un membre de l’équipe médicale, paramédicale ou sociale. Ce membre de l’équipe a une compétence spécifique sur le thème de la séance qui peut concerner différents aspects de la maladie (médicaux, neuropsychologiques, psychocomportementaux, génétiques, juridiques, aménagement du logement, hygiène de vie, recherche…). Une séance type se déroule de la façon suivante : – 20 minutes de bilan sur les apports de la séance précédente, – 35 minutes d’information permettant aux aidants de comprendre la démence d’Alzheimer pour comprendre leur proche malade et lui apporter un soutien psychologique et des aides adaptées. Cette compréhension permet de faire le lien entre la maladie et les troubles des patients, leurs capacités résiduelles, et donner du sens aux difficultés qu’ils vivent. Ce temps d’information a aussi pour objectif de faire la part entre ce qui relève de la maladie et ce qui relève de l’environnement, et d’encourager les aidants à bénéficier des différents types d’aides disponibles. Cette partie du programme est ciblée sur l’acquisition et le partage de savoirs théoriques et empiriques, susceptibles d’induire un savoir faire et un savoir être. – 45 minutes d’échanges interactifs pour permettre aux aidants de verbaliser leur stress, leurs émotions, réactions, adaptées ou non, et faire émerger des solutions aux difficultés vécues. Ces solutions sont formulées par les aidants, à partir de leur expérience personnelle ou de leurs approches spontanées par essais et erreurs. Le coordonnateur de la séance fait souligner par les aidants euxmêmes leurs erreurs cognitives ou stratégies dysfonctionnelles (facteurs aggravants) et suggère de nouvelles stratégies de coping lorsque cela s’avère nécessaire. – 20 minutes de préparation sur la stimulation écologique (cognitive, psychologique et sociale), à pratiquer dans la semaine par l’aidant auprès de son proche malade. Une des spécificités du programme AID-MA est l’implication active de l’aidant dans la stimulation écologique du patient. Un résumé des points importants de chacune des séances est remis aux participants et comporte les applications à « travailler » avec le patient dans les domaines cognitif, psychologique et social. Une 13e séance est organisée 3 mois après l’arrêt du programme, afin de faire le point, recueillir les impressions et expériences des aidants, consolider les acquis, et éventuellement proposer une nouvelle prise en charge adaptée. L’importance accordée à la verbalisation et de fait à l’expression émotionnelle, dans ce type de programme en fait un outil puissant d’accès aux représentations mentales et au stress des participants. Les différents intervenants insistent sur l’identification par chacun des participants de S 652 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 650-5, cahier 5 leurs propres stresseurs externes (le regard de l’autre par exemple), stresseurs internes (état de santé, fatigue…), des facteurs aggravant leur stress (sentiment de culpabilité…) et de leurs propres agents protecteurs (répit, acceptation des aides…). Il est à souligner que la dimension collective de ce programme crée entre les aidants une solidarité et une entraide qui facilitent considérablement l’expression orale et émotionnelle des difficultés. Découvrir, respectivement, que les autres aidants sont confrontés aux mêmes difficultés, et quelquefois, qu’ils trouvent empiriquement les mêmes solutions, démystifie ces difficultés, les rend plus supportables et renforce les sentiments de compétence et d’efficacité. Comme nous l’avons précédemment mentionné, ce programme a fait l’objet d’« études coups de sonde » auprès des aidants familiaux et des patients. Toutefois, l’état d’avancement du PHRC AID-MA et les résultats des études pilotes préalables apportent quelques éléments de réponse à la problématique de l’impact possible d’un programme psycho-éducatif sur le stress des aidants de patients déments. L’objectif de ces études pilotes était ciblé sur les images-représentations des aidants dont nous avons souligné le rôle majeur dans le stress. L’hypothèse testée était qu’un programme psychoéducatif d’aide aux aidants peut modifier favorablement leurs images-représentations de la démence et de leur proche malade et que ces modifications ont un impact sur le patient. Ces études sont résumées ci-après. SYNTHÈSE DES ÉTUDES PILOTES Deux études pilotes ont été effectuées. La première porte sur 14 aidants familiaux, majoritairement des conjoints, et leurs 12 parents déments légers, ayant suivi un programme de stimulation cognitive conjointement à la prise en charge de leur aidant. La deuxième étude porte sur 5 aidants complémentaires, dont le parent malade a bénéficié d’une stimulation écologique, pratiqué par l’aidant. Les aidants des deux études ont participé au programme psycho-éducatif précédemment décrit. Dans la première étude, l’impact du programme sur les aidants familiaux et les patients a été étudié au moyen d’un questionnaire d’auto-évaluation proposé en fin d’étude. Dans la deuxième étude, l’impact du programme a été étudié sur les aidants uniquement, et au moyen du même questionnaire. Les effectifs étant réduits, seule une présentation descriptive des résultats est possible. Les résultats sont présentés de façon sommaire, en pourcentages, dans les tableaux I et II. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 650-5, cahier 5 Impact d’un programme psycho-éducatif sur le stress des aidants de patients Alzheimer TABLEAU I. — Questionnaire/aidants familiaux. Modification Impact patient Comportement représentations Total N = 14 Total % Humeur Mémoire Relation A-P* Relation P- Ent.* 14 13 12 9 5 13 11 100 93 86 64 36 93 79 * A-P : aidant-patient. Ent : entourage. TABLEAU II. — Questionnaire/patients. Modification Impact patient Comportement représentations Humeur Mémoire Relation A-P* Relation P- Ent.* Total N = 12 11 12 8 5 6 11 5 Total % 92 100 67 42 50 92 42 * A-P : aidant-patient. Ent : entourage. Critères d’évaluation Questionnaire d’évaluation des aidants familiaux Vous avez participé au programme d’aide aux familles (ou proches) de patients qui présentent une maladie d’Alzheimer. 1) Pensez-vous que ce programme a modifié votre façon de « voir » les choses ? Oui Non 2) Pensez-vous que votre façon de « voir » les choses a un impact favorable sur votre parent ou proche malade ? Oui Non Un impact favorable au niveau de : – son comportement – son humeur – sa mémoire – sa relation avec vous – sa relation avec les autres Questionnaire d’évaluation des patients Votre conjoint(e), fils, fille, frère/sœur ou proche, a participé au programme d’aide aux familles (ou proches) de patients qui présentent des difficultés de mémoire. 1) Pensez-vous que ce programme a modifié sa façon de se comporter avec vous ? Oui Non 2) Pensez-vous que le comportement de votre conjoint (e), fils, fille, frère/sœur, proche a un impact favorable sur vous ? Oui Non Un impact favorable au niveau de : – votre comportement – votre humeur – votre mémoire – votre relation avec lui (elle) – votre relation avec les autres RÉSULTATS Les résultats de la deuxième étude auprès de 5 aidants complémentaires étant quasiment identiques à ceux de la première étude, ne sont pas présentés ici. Le tableau I montre que le programme psycho-éducatif d’aide aux aidants familiaux modifie leur façon de « voir les choses » et que ces modifications ont un impact important sur leur parent malade du point de vue des items « comportement », « relation aidant-patient » et « relation patient-entourage », et un impact bien moins important du point de vue de leur mémoire. Les résultats du tableau II montrent que les patients constatent également que le programme psycho-éducatif a modifié le comportement de leur aidant et que cette modification a un impact positif sur eux. Cet impact est globalement positif sur les mêmes items « comportement » et « relation à deux », et de façon moindre sur leur mémoire et leur relation avec l’entourage. Hormis la partie concernant le patient (non disponible), les résultats de la deuxième étude portant sur un total de 19 aidants familiaux, corroborent ceux de la précédente. DISCUSSION Ces études, de par leur nature (études non contrôlées), leurs faibles effectifs et l’aspect rudimentaire des quesS 653 J. de Rotrou et al. tionnaires et du traitement des résultats, incitent à la prudence. Néanmoins elles nous semblent pertinentes dans une réflexion sur la manière dont peut s’opérer l’impact d’un programme d’aide aux aidants sur le stress de ces derniers. Ces résultats préliminaires mettent en relief les remaniements positifs des images mentales et leurs répercussions positives sur les aidants et les patients. D’un point de vue qualitatif, les témoignages qui ont suivi la passation des questionnaires confirment qu’il s’agit de modifications positives. Il s’agit globalement de modifications dans les réactions des aidants familiaux face aux troubles cognitifs et psycho-comportementaux de leur proche malade, dans les situations de vie quotidienne (exemples : « maintenant, je m’en fais beaucoup moins qu’avant, je m’emporte moins souvent, je cherche à savoir ce qui me fait du bien, je peux maintenant parler de la maladie de ma femme à mes enfants et amis »). Les résultats du tableau II sont concordants avec ceux du tableau I. Les patients confirment globalement ce que disent leurs aidants du point de vue des modifications du comportement. Les résultats de ces études pilotes, portant sur 19 aidants familiaux sont cohérents et correspondent aux résultats attendus. L’intérêt de leur présentation ici réside dans l’éclairage qu’ils apportent sur la manière dont peut s’opérer l’impact d’un programme psycho-éducatif sur le stress des aidants de patients déments. Nous pouvons considérer que les informations échangées avec les aidants sur la maladie (savoirs théoriques et empiriques, savoir-faire, savoir-être) et la verbalisation de leur vécu, facilitent l’élaboration par eux-mêmes d’une « perception critique » qui modifie positivement leurs représentations. Ces modifications peuvent avoir un impact positif sur leur stress. L’espace-temps de parole que permet ce type de programme facilite la prise de conscience des agents stresseurs les plus virulents et des difficultés personnelles, actuelles et à venir. Dans notre expérience auprès des participants au programme AID-MA, cette prise de conscience peut augmenter le stress. Certains aidants se disent « secoués ». La prise de conscience des difficultés et agents stresseurs inhérents à la maladie aurait donc, quelquefois, plutôt un premier impact négatif. Pour transformer cet impact négatif en un impact positif, cette prise de conscience doit être accompagnée de la découverte ou du renforcement des ressources personnelles de l’aidant et de ses propres agents protecteurs. Ce renforcement s’effectue graduellement au cours du programme, et est potentialisé par le sentiment de solidarité et d’entraide apporté par le groupe. C’est cette double prise de conscience d’abord de la gravité de la situation actuelle et à venir, mais aussi des stratégies permettant d’y faire face et des facteurs protecteurs, qui génèrent les modifications des images-représentations (cognitions et émotions dysfonctionnelles). Parmi les facteurs protecteurs, nous soulignerons l’importance des stratégies préventives de reconnaissance des signaux d’alerte de stress et S 654 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 650-5, cahier 5 de détresse. La prévention serait la meilleure gestion du stress. Ces modifications d’images et cognitions vont favoriser l’émergence par les aidants eux-mêmes de solutions à leurs difficultés personnelles. Les résultats des études pilotes confortés par les témoignages des aidants nous inciteraient à penser qu’aucun type d’intervention actuellement ne peut mettre fin au stress des aidants familiaux de patients déments. L’absence de traitement étiologique de la démence d’Alzheimer peut expliquer l’absence du sentiment de contrôle, de maîtrise de la situation par les patients et leurs aidants et de fait, rend probable l’installation d’un stress chronique (2). Cependant, refuser d’admettre que le stress est naturel est l’amorce d’une lutte contre ce stress. Aussi, à défaut de pouvoir mettre fin à ce stress, il est raisonnable d’attendre d’un programme psycho-éducatif un impact en termes d’amélioration du stress, de diminution de sa fréquence et/ou intensité. La modification chez les aidants de leurs dysfonctions cognitives stressantes en cognitions positives ou adaptatives et de fait en émotions et comportements positifs, et la perception de leurs propres compétences d’aidants, sont favorables à l’élaboration d’un nouveau projet avec leur parent malade et de fait contribuent à l’amélioration de leur stress. CONCLUSION À la question initiale concernant l’impact d’un programme psycho-éducatif sur le stress des aidants de patients déments, les résultats actuels apportent des éléments de réponse en mettant en relief la possibilité de modifier les images mentales des aidants de patients déments. Un programme psycho-éducatif contribue favorablement à de telles modifications. Celles-ci s’effectuent par l’acquisition de connaissances sur la maladie, la verbalisation des émotions, la prise de conscience. La dimension collective du programme favorise l’analyse de soi et des autres, la mise en question des erreurs cognitives, des comportements inadaptés, ainsi que l’acquisition d’un sens critique. Tous ces éléments conduisent progressivement à une auto-régulation sous-tendue par un nouveau regard des aidants sur eux-mêmes et sur le patient et une modification de la signification de leur relation. D’objets de prise en charge et de victimes de la démence, le malade et son aidant peuvent devenir co-acteurs d’une dynamique relationnelle positive susceptible d’améliorer le stress du tandem aidant-patient. Références 1. AGUGLIA E, ONOR ML, TREVISIOL M et al. Stress in the caregivers of Alzheimer’s patients : an experimental investigation in Italy. Am J Alzheimers Dis Other Demen 2004 ; 19 : 248-52. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 650-5, cahier 5 Impact d’un programme psycho-éducatif sur le stress des aidants de patients Alzheimer 2. BAUER ME, VEDHARA K, PERKS P et al. 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