Diane Lavallée prononcé devant le Réseau Femme, Action et

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Diane Lavallée prononcé devant le Réseau Femme, Action et
DISCOURS DE DIANE LAVALLÉE, PRÉSIDENTE PRONONCÉ DEVANT LE RÉSEAU FEMME, ACTION ET MENTORAT COMMENT PRENDRE L’ASCENSEUR
OU LE PLAFOND DE VERRE? JONQUIÈRE LE 1ER DÉCEMBRE «Comment prendre l'ascenseur ou le plafond de verre?» Discours de Mme
Diane Lavallée prononcé devant le Réseau Femme, Action et Mentorat
Allocution Diane Lavallée - Comment prendre l'ascenseur ou le plafond de verre. Réseau Femme,
Action et Mentorat. Décembre 2005.
Date de publication : 2005-12-01
Auteur : Conseil du statut de la femme
Mesdames,
Comment prendre l’ascenseur ou le plafond de verre?
Vous toutes qui êtes ici ne faites peut-être plus figure d’exception, mais vous appartenez tout de
même à une espèce assez peu répandue : les femmes cadres dans l’Administration publique. De
plus, je souhaite la bienvenue à toutes celles qui font partie de la relève en gestion.
En effet, malgré des efforts importants, malgré des programmes d’accès à l’égalité dont l’objectif
était d’atteindre l’égalité en termes de partage du pouvoir, la fonction publique compte 25,1 % de
cadres supérieures, 25 % de sous-ministres, 31 % de sous-ministres adjointes ou associées et
33 % de présidentes d’organismes gouvernementaux.
C’est pas mal, diront plusieurs, particulièrement si l’on compare les proportions ridicules des
années 1980 où les femmes représentaient 9 % de la haute direction et 7 % des cadres. Mais, si
l’on se fie à l’année 1998-1999, on constate une certaine stagnation. C’est ce fameux plafond de
verre qui semble se former dans les grandes organisations dès que la proportion de femmes
tourne autour des 30-35 %.
On définit le plafond de verre comme des barrières invisibles, artificielles, créées par des
préjugés comportementaux et organisationnels qui empêchent les femmes d’accéder aux plus
hautes responsabilités (BIT 1997).
Ce plafond de verre s’explique par une série de facteurs qui relèvent autant de la sociologie, de la
psychologie que de l’histoire :
Sociologie : on fait référence à la ségrégation sur le marché du travail où les hommes ont été
cantonnés dans des postes d’influence et les femmes, dans le secteur des services.
Psychologie : les femmes ne sont pas vues, ne sont pas perçues comme pouvant avoir l’autorité
nécessaire de diriger sans compter que certaines femmes elles-mêmes ne se croient pas capables
d’exercer le pouvoir.
Histoire : historiquement, les femmes ont été celles qui se sont occupées de la sphère privée, la
maisonnée et les enfants, et les hommes se sont réalisés dans la sphère publique à titre de
pourvoyeurs et détenteurs de pouvoir et d’autorité.
Il faut bien reconnaître que l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail dans nos
sociétés industrialisées est récente. Depuis les années 1950, où on a voulu retourner les femmes
qui travaillaient dans les usines de guerre vers leurs fourneaux, elles ont préféré prendre les
moyens pour conserver ou obtenir leur autonomie économique.
Cette insertion ne s’est pas faite sans mal et elle se fait encore au jour le jour, parfois plus
facilement. Curieusement, personne ne conteste la place que prennent les éducatrices dans les
services de garde ou dans les emplois de secrétariat, mais on proteste beaucoup plus facilement
notamment dans les milieux de prestige : la médecine, le droit ou encore ceux qui sont toujours
associés à la virilité, comme les métiers de la construction. Au fur et à mesure que la force
physique est de moins en moins nécessaire, des avancées pour les femmes progressent.
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Finalement, il faut bien se rendre à l’évidence que les barrières les plus solides sont celles qui
existent dans les milieux du pouvoir, celui du pouvoir politique et celui du pouvoir économique.
Deux mondes que n’ont pas réussi à percer les femmes de façon égalitaire. Le taux de députées à
l’Assemblée nationale est de 33 % et 37 % de ministres. Depuis des dernières élections
municipales, on compte 13 % de mairesses et 27 % de conseillères. Dans la région du Saguenay–
Lac-Saint-Jean, les femmes représentent 16 % des 49 maires élus et 30 % des 308 personnes
élues à un poste de conseiller municipal.
Pour revenir à la fonction publique, on a instauré des programmes d’accès à l’égalité (PAE). Oui,
plusieurs femmes dont la formation à des niveaux universitaires a été soutenue par l’État n’ont
pas pour autant retiré de bénéfices au niveau d’une promotion de carrière.
Combien de femmes secrétaires nous ont dit qu’elles sont toujours perçues comme telles par leur
supérieur même après avoir obtenu un baccalauréat ou une maîtrise? On ne leur facilite guère la
vie et on oublie de les placer en situation de gestion pour qu’elles acquièrent l’expérience requise
pour répondre aux exigences donnant accès à des postes d’encadrement.
Il faut que les femmes en autorité soient aussi solidaires de leurs consœurs à des niveaux
inférieurs et il faut tirer vers le haut de la pyramide des femmes remplies de potentiel, de
motivation et qui ont la formation et la compétence pour ces postes. Il faut agir à titre de mentor
pour plusieurs, s’épauler entre nous et tenter de créer des alliances stratégiques avec des
confrères qui sont prêts à nous aider.
Quand on voit les perspectives de départs à la retraite dans la fonction publique :
–
entre 2003 et 2008 : 32 % de départs (1 196 cadres); et
–
entre 2003 et 2013 : 64 % de départs (2 392 cadres) un raz-de-marée!
Voilà une occasion de positionner les femmes en vue de percer le plafond de verre.
On ne pourra constamment craindre la venue des femmes sous prétexte qu’elles prendront un
congé de maternité ou qu’elles s’occuperont d’enfants malades. Heureusement, des hommes
aujourd’hui sont davantage préoccupés de l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie
familiale. Tant mieux que des nouveaux hommes se lèvent et, avec nous, demandent une
humanisation des milieux de travail comme compatible aussi avec performance et compétitivité.
Selon Madeleine Gauthier, de l’Observatoire Jeunes et Société à l’INRS, les hommes, tout autant
que les femmes, ont intériorisé le fait que les deux parents doivent maintenant collaborer dans le
soin des enfants, l’entretien de la maison et l’ensemble des tâches d’éducation comme des tâches
domestiques. Des services à la famille, comme le programme de services de garde, renvoient
l’image que la famille est importante et que les enfants ont le droit à la meilleure éducation
possible dès le plus jeune âge.
On se demande moins comment vais-je m’organiser en fonction du travail que comment
l’organisation du travail pourrait-elle permettre une meilleure conciliation entre les deux
responsabilités? Les normes minimales du travail relatives à la famille – l’assurance-emploi pour
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les mères, les congés de paternité et de parentalité et les clauses familiales dans les conventions
de travail, etc. – constituent des gains encore récents. Les jeunes parents voudraient davantage :
l’horaire flexible, la semaine de quatre jours et ainsi de suite.
La tendance va dans le sens d’exiger du marché du travail qu’il respecte ce choix des
jeunes parents – et ce n’est pas un phénomène nouveau : il fut un temps où les
syndicats réclamaient « le salaire familial » dans leurs conventions collectives. La
recherche d’une certaine qualité de vie accompagne ces revendications aujourd’hui :
« Le travail, s’il est important, n’est pas toute la vie », nous répètent souvent les jeunes
adultes en entrevue.
Ces revendications deviendront d’autant plus importantes pour les employeurs que les nouveaux
à entrer sur le marché du travail deviendront une denrée plus rare.
Il faut travailler à changer les mentalités. Il faut utiliser les brèches que nous avons faites – en
éducation, sur le marché du travail – pour ouvrir davantage la porte.
En 2005, il est anormal que des 101 firmes québécoises faisant partie des 500 plus grandes
entreprises canadiennes aucune ne compte de femmes dans leur conseil d’administration.
Il est toutefois opportun de rappeler que, jusqu’au début des années 1960, le Code civil frappait
les femmes d’une incapacité juridique empêchant les épouses d’administrer leurs propres biens.
Les femmes sont donc parties de très loin dans la sphère économique.
Contrairement à la rumeur voulant que les femmes ne soient pas intéressées par les plus hauts
échelons au sein des entreprises en raison des difficultés de conciliation travail-famille, une étude
s’appuyant sur un important sondage mené aux États-Unis par Catalyst signale que, chez les
cadres supérieurs, autant de femmes (55 %) que d’hommes (57 %) visent le poste de PDG. Les
femmes qui ont des enfants à la maison désirent même la fonction de présidente avec un peu plus
d’ardeur que celles qui n’en ont pas (55 % contre 46 %).
Par ailleurs, l’absence relative des femmes des réseaux d’influence qui, à l’intérieur des
institutions, constituent un puissant moyen de diffusion de l’information et de construction
d’alliances, de même que la présence féminine minoritaire au sein de certaines organisations sont
autant d’obstacles à l’obtention de postes de pouvoir par les femmes au sein des entreprises.
L’égalité entre les femmes et les hommes est signe de santé tant économique que
démographique. Il faut que toutes les composantes de la société du Québec y travaillent. Nous
avons une responsabilité collective pour faire avancer les choses.
Seules, les femmes ne peuvent porter sur leurs épaules cet objectif de société. Il faut développer
des alliances stratégiques, y compris avec des hommes (souvent les pères de filles) qui partagent
nos idéaux de justice et d’équité.
Il reste encore beaucoup à faire, mais quand on veut on peut! Citons en exemple le Mouvement
Desjardins – employeur de 30 000 personnes – qui veut se doter d’une politique de diversité et
d’équité en emploi et qui a tenu un forum à ce sujet le 16 juin 2005.
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Mme Marie-Thérèse Chicha, de l’Université de Montréal, y a présenté les conclusions d’une
étude récente de Standard & Poor’s auprès de 500 grandes entreprises. Cette étude montre que
les entreprises qui encouragent systématiquement la promotion des femmes et l’intégration des
minorités obtiennent un rendement annuel moyen sur l’investissement de 18,3 %
comparativement à 7,9 % pour les entreprises n’ayant pas adopté de telles politiques. Mme Chicha
a conclu son exposé en présentant la diversité comme un enjeu certes complexe mais non moins
stimulant et enrichissant.
Dans le compte rendu du forum que le Mouvement Desjardins envoie à tous les participants et
qui sera autant de pistes venant appuyer la direction et le conseil d’administration dans
l’établissement de ses grandes orientations, on y retrouve, tirées de l’atelier spécifique tenu sur la
situation des femmes en gestion, des idées pouvant s’importer dans nos milieux de travail, que ce
soit dans la fonction publique, la santé et l’éducation :
- Obtenir l’engagement de la haute direction à l’égard de la diversité et de l’équité en emploi et
l’assurance d’une imputabilité des résultats face à la mixité.
- Faire le bon diagnostic, se questionner à savoir pourquoi les femmes n’appliquent pas et
revoir les profils des gestionnaires.
- Mettre de l’avant des activités de sensibilisation et de développement à tous les niveaux de
l’organisation.
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Prendre en compte les résistances possibles et élaborer une série d’activités de valorisation de
la diversité.
- Faire connaître les gains pour les individus (hommes et femmes) et pour l’entreprise d’une
plus grande diversité.
- Changer les mentalités et favoriser l’ouverture par la formation pour la direction
(dirigeants/gestionnaires/cadres supérieurs).
- Développer et accepter la culture inclusive et dynamiser les points de vue différents.
- Faire la promotion des succès.
- Identifier les employés à haut potentiel et offrir du mentorat et du coaching et susciter le
jumelage.
- Reconnaître dans l’action, l’équilibre vie-travail.
- Créer une banque de femmes intéressées à obtenir une position supérieure.
- Avoir de la mixité dans les comités de sélection.
Plus important encore, c’est de mettre en place des mécanismes de suivis de l’équité et de la
diversité dans l’entreprise faisant suite à l’élaboration d’objectifs mesurables et réalistes qui se
concrétisent dans un plan d’action. Un tableau de bord de suivis devrait être développé au
bénéfice de la haute direction.
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Voilà des idées concrètes qui peuvent nous inspirer et nous permettre de contaminer notre milieu
de travail afin de prendre les mesures permettant aux femmes de défoncer l’épais et résistant
plafond de verre. Quand on croit à l’équité et à l’égalité comme gages de démocratie et de
performance, on prend les moyens qu’il faut.
Il y a du travail sur la planche, il faut continuer à poursuivre nos idéaux pour atteindre les
derniers étages de l’ascenseur. La bataille pour l’égalité n’est pas gagnée. Il faut chercher de
nouvelles alliances, innover avec de nouvelles stratégies, mais surtout ne pas avoir peur
d’investir de nombreux lieux d’influence dans sa communauté, comme dans son organisation. Il
faut développer son réseau, s’immiscer dans ceux existants, se faire confiance, oser passer à
l’action. Tout cela, il y a longtemps que les hommes l’ont compris et qu’ils le mettent en
pratique.
Je terminerai sur cette déclaration de Nicole Beaudoin, présidente du Réseau des femmes
d’affaires du Québec : « Si la moitié du ciel appartient aux femmes, dit un proverbe chinois, je
vais travailler jusqu’à la fin de ma vie pour que la moitié de la terre leur appartienne aussi. »
Donc, allons… levons-nous et aidons-les à déplacer le plafond de verre jusqu’au ciel!
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