Grands Maîtres Africain – Art de la Côte d`Ivoire

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Grands Maîtres Africain – Art de la Côte d`Ivoire
Grands Maîtres Africain – Art de la Côte d’Ivoire
Textes de l’exposition
La culture Baoulé
Les Baoulé vivent dans la région des savanes, au centre de la Côte d'Ivoire. Leur culture et
leur société s’est développée au cours des trois derniers siècles à partir de familles claniques venues de la Côte-de-l’Or (le Ghana actuel). Sur le plan linguistique, les Baoulé appartiennent au groupe Akan; culturellement, ils ont assimilé de nombreux éléments empruntés à leurs voisins de l’ouest et du nord, les ancêtres des Gouro et des Sénoufo – en
particulier les masques, jusqu’alors inconnus des Akan orientaux.
Les familles provenant de l’est constituèrent en Côte d’Ivoire des petites principautés dotées
de structures courtoises. Leurs sculpteurs réalisèrent pour ces dernières des figures particulièrement belles représentant des esprits auxiliaires, mais aussi des «époux dans l’au-delà».
Entre autres signes de prestige, les Baoulé aisés possèdent de nombreux objets d’usage
courant en bois agrémentés d’éléments ornementaux: cuillers, chaises, poignées de chassemouches ou mailloches de gong parfois recouvertes d’or délicatement martelé.
La culture Dan
Les Dan sont des paysans qui pratiquent la culture sur brûlis au nord-ouest de la Côte
d’Ivoire et au Libéria, pays limitrophe où la savane arborée se transforme en forêt tropicale
humide. Chasseurs de gros gibier, ils avaient jadis la réputation d’être de redoutables guerriers, et leurs villages étaient constamment en guerre les uns contre les autres.
Les imposants masques glé sont les seuls à opérer sur un plan intercommunautaire. C’est
d’ailleurs la raison pour laquelle on fait appel à eux pour rétablir la paix. Comme tous les
masques, ils sont la manifestation d’esprits imaginés en rêve et incarnés par certaines personnalités afin de jouer un rôle précis dans le village. De gracieux masques féminins (aux
yeux bridés) servent ainsi de médiateurs entre les hommes instruisant les futurs circoncis
dans les camps d’initiation en forêt et ceux restés au village, ou bien ils divertissent leurs habitants en chantant et en exécutant des danses lors des fêtes. Les masques masculins
agressifs (dotés d’yeux tubulaires) soutiennent les guerriers, font office de gendarmes ou
rendent la justice, tandis que les masques zoomorphes exécutent des pantomimes qui sont
de véritables satires de la société.
Les sculpteurs Dan particulièrement habiles réalisent, en outre, de grandes cuillers de cérémonie. Comme les masques, ces cuillers représentent des esprits auxiliaires, mais elles servent aussi de récompense aux femmes les plus hospitalières et les plus prospères de la tribu. Quant aux figures sculptées, elles sont un signe de prestige pour leurs riches
propriétaires qui les exhibent de temps à autre devant l’entrée de leur hutte. Les sculpteurs
qui réalisent ces objets en bois admirés de tous sont vénérés comme des «maîtres» (zo).
La culture Gouro
Les Gouro, des agriculteurs traditionnels de la zone de transition entre la forêt tropicale humide et la savane arborée au centre de la Côte d'Ivoire, sont venus du nord six siècles plus
tôt et se sont établis dans la région où ils habitent actuellement.
Aujourd’hui les Gouro sont connus pour être de remarquables danseurs et sculpteurs de
masques; ils ont hérité la tradition des masques de leurs voisins Baoulé. Comme les Sénoufo, les Gouro possèdent de puissants masques zoomorphes qu’ils portent sur la tête à la
manière d’un casque. Ces masques sont considérés comme des génies venus du fond des
temps pour aider les humains. Le zamblé, créature sacrée mi-antilope mi-léopard, le zaouli,
son grand frère grotesque, et gu, sa belle épouse, leur sont apparentés. Il existe, en outre,
de nombreux masques «à la mode», qui dansent avec une grande virtuosité pour distraire
les villageois lors des fêtes.
Les sculpteurs Gouro réalisent également des œuvres plus petites comme par exemple les
étriers de poulie de forme arquée, décorés d’une petite tête, qui servent à accrocher la bobine sur laquelle court le cordon reliant les deux lices du métier à tisser. Ils sont confectionnés pour le plaisir esthétique du tisserand, car, comme le déclarait un Gouro: «L’homme
n’aimerait pas vivre sans être entouré de belles choses.»
Les peuples des lagunes
La population vivant au sud-est de la Côte d'Ivoire est composée de nombreuses petites
ethnies. Elles sont désignées comme peuples des lagunes en raison des cours d’eau qui
traversent une grande partie de cette région côtière.
Les peuples des lagunes considèrent la sculpture sur bois comme un don inné. Des hommes
– et même des femmes – deviennent sculpteurs s’ils sont dotés d’une créativité exceptionnelle qui se manifeste clairement dès leur enfance. Mais au lieu d’entrer dans un atelier ou
de suivre une formation auprès d’un maître ou d’un membre de leur famille, ils développent
leur art de manière complètement autonome. Ils sont tenus en haute estime en raison de
leur personnalité artistique.
Les peuples des lagunes ne connaissent pas les masques. Leurs sculpteurs réalisent des figures qui sont généralement très petites et sont commandées par des voyants, en tant que
signe visible de leur relation avec le «monde de l’Au-delà». D’autres «êtres en bois» surveillent l’entrée d’un village ou incarnent des jumeaux ou des conjoints décédés. Toutes les
sculptures ayant une apparence humaine possèdent des pouvoirs surnaturels.
Les Lobi et leurs sous-groupes
Les Lobi sont des agriculteurs qui vivent principalement de la culture du mil et du maïs. Cette
ethnie composée de différents groupes culturels a émigré du Ghana au Burkina Faso au
XVIIIe siècle et, au fil du temps, elle a fini par peupler le nord-est de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, sur environ 400 000 Lobi et leurs sous-groupes, deux tiers d’entre eux vivent dans
l’extrémité sud-ouest du Burkina Faso et un tiers en Côte d’Ivoire.
Les Lobi habitent dans des maisons en torchis traditionnelles, dotées de portes quasi invisibles et de toits en terrasse surmontés d’une bordure, qui font penser à de petits châteauxforts. Les bâtiments d’habitation sont assez éloignés les uns des autres, si bien que l’on se
croirait plutôt dans un habitat dispersé que dans des villages.
Dans la statuaire «lobi», il est possible de distinguer deux grandes catégories d’objets: les
bùthìba, statues de dimensions variables dont la fabrication est associée à des pratiques de
guérison; et les thílbià, statuettes nécessaires à l’installation des autels domestiques dédiés
aux aïeuls maternels. De cette seconde catégorie relèvent aussi les thílkõtína, représentations anthropomorphes qui sont destinées à présentifier la puissance de l’ancêtre protecteur
du groupe domestique.
La culture Sénoufo
Issus de différents groupes ethniques, les Sénoufo constituent la population rurale la plus
importante des savanes du nord de la Côte d’Ivoire. Ils possèdent un système de filiation
matrilinéaire, mais sont dirigés par des confréries qui regroupent leurs membres par classes
d’âge. Les masques, les grandes statues et les bâtons d’apparat ornés de figures sont surtout utilisés lors des apparitions des membres de la société initiatique du Poro, à l’occasion
de funérailles ou d’activités auxquelles participe la communauté villageoise. Les statuettes
sont, en règle générale, réservées aux rites de divination.
Confectionnées par des sculpteurs sur bois ainsi que par des forgerons, les sculptures Sénoufo séduisent par leur diversité iconographique. Souvent, elles sont le fruit d’un travail collectif et doivent être plutôt attribuées à des ateliers qu’à un sculpteur en particulier. Mais on
sait, par ailleurs, que ces ateliers recouraient à des spécialistes avérés pour des commandes
plus difficiles à réaliser.
Artistes contemporains de Côte d’Ivoire
Au premier abord, les travaux des trois artistes présentés ici semblent se distinguer radicalement, tant sur le plan formel que thématique, de l’art des «maîtres anciens». De fait, jusqu’à présent, on a rarement exposé des créations d’art contemporain africain avec des
sculptures ou objets réalisés au XIXe ou au début du XXe siècle. L’une des raisons en est
que les sculpteurs africains plus jeunes ne souhaitent pas être perçus dans un contexte ethnographique, mais dans une perspective artistique. Car il faut bien se rendre à l’évidence: il
s’est produit une rupture entre les générations.
N’oublions pas à cet égard que tous les maîtres sculpteurs «classiques» ont vécu de très
près les invasions, les migrations et les bouleversements économiques qui ont accompagné
la colonisation de cette région d’Afrique de l’Ouest; à la fin du XIXe siècle, même «les plus
traditionnels» d’entre eux n’étaient pas coupés du monde extérieur.
Néanmoins, de nombreux artistes africains se confrontent avec les œuvres des générations
passées. Mais leur travail créatif n’est plus subordonné à des croyances traditionnelles et
leurs sculptures n’ont plus une fonction de médiation entre le monde des humains et celui de
l’Au-delà – elles témoignent d’une nouvelle conscience de leur propre valeur.