Interview Stevan Miljevic
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Interview Stevan Miljevic
R en c on t re du m oi s S tevan Miljevic, enseignant et blogueur Stevan Miljevic enseigne les maths, l’allemand, la géographie et l’histoire au cycle d’orientation de Grône. Ce métier le passionne assurément, puisqu’il tient depuis novembre dernier un blog dans lequel il est largement question d’enseignement, proposant des réflexions en lien avec ses lectures ou ses observations sur le terrain. Le point de vue de l’enseignantblogueur est tranché et le ton parfois provocateur, tout particulièrement à propos du socioconstructivisme. Stevan Miljevic propose un regard critique sur le Plan d’études romand (PER), évoquant par exemple la prépondérance de la démarche historienne sur les connaissances factuelles en cours d’histoire ou le manque de respect des enseignants dans leurs choix de méthodes. A juste titre ou pas, à vous de juger. L’enseignant-blogueur propose un regard critique sur le PER. Le parcours d’enseignant de Stevan Miljevic est relativement atypique. Ce métier n’était au départ nullement une vocation. Après des études en sciences politiques et en histoire à l’Université de Lausanne, il ambitionnait une autre carrière, dans le domaine des statistiques ou en tant que collaborateur scientifique dans un parti politique. Il a du reste 44 au cycle d’orientation de Grône, où il avait fait une partie de ses stages. Stevan Miljevic, au départ vous avez choisi l’enseignement un peu par défaut. A quel moment avez-vous exercé ce métier avec enthousiasme? Quand on a mis la main à la pâte, on ne peut plus lâcher l’enseignement. Dès mes premiers remplacements, cela m’a plu d’être en contact avec des jeunes et d’essayer de leur transmettre des savoirs. ne evic enseig Stevan Milj . ne rô G au CO de été actif un temps au sein de l’UDC, ayant même présidé la section sédunoise. Après avoir galéré pour trouver un emploi, il a fait quelques stages lui ayant permis de devenir responsable administratif dans les domaines financier et comptable, au sein d’une entreprise privée. Au terme de cette expérience professionnelle, intéressante mais ne correspondant pas pleinement à ses attentes, il a décidé de repartir sur de nouvelles bases. Il a alors suivi le cursus de formation à la HEP-VS, tout en enseignant l’histoire à l’Ecole Ardévaz à Sion, école privée qu’il avait fréquentée en tant qu’étudiant. Très rapidement, il a aussi effectué divers remplacements dans des CO. N’ayant pas l’assurance de pouvoir décrocher un emploi à l’Ecole Ardévaz, il a postulé dans d’autres écoles du canton. Depuis 4 ans, il enseigne Ayant travaillé dans une école privée et dans des écoles publiques, quel est votre regard sur les enrichissements réciproques possibles? Même si j’ai trouvé agréable de travailler avec des petits effectifs par classe, je ne suis pas persuadé que c’est quelque chose d’essentiel pour bien enseigner. J’ai une perception de l’école privée qui me laisse par contre à penser que l’on y fait moins d’expérimentations pédagogiques un peu «olé olé», aussi ce pourrait être une piste à suivre pour l’école publique. En lisant votre blog, je vous ai parfois trouvé un peu carré, en particulier lorsque vous évoquez le socioconstructivisme. Ne peut-on pas y être favorable pour certains apprentissages, tout en y étant défavorable dans d’autres situations? Je veux bien croire que certains enseignants puissent être à l’aise avec cette démarche et je n’ai aucune envie de juger leur manière d’enseigner. Toutefois, pour moi, cela ne marche pas. Afin d’illustrer mon propos, je m’intéresse à la littérature Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Mars 2014 scientifique et, en matière de socioconstructivisme, j’observe une certaine régularité dans le constat de son inefficacité. Il y a en effet les recherches de Bissonnette, Richard, Gauthier et Bouchard qui ont du reste été présentées dans Résonances, mais il y a aussi des études qui parviennent au constat inverse… Certes, mais je considère qu’il faut se baser sur des recherches empiriques et quantifiées. Je ne connais pas un domaine, autre que la pédagogie, où l’on puisse dire qu’une théorie est valable sans qu’elle ait été testée à grande échelle. Au niveau francophone, il n’y a guère d’études quantitatives en matière d’enseignement sur lesquelles se fonder… Les francophones ne mènent pas ce type de recherche, par contre les anglophones le font. Pourquoi ne pas regarder du côté de «Visible learning. A Synthesis of over 800 Metaanalyses Relating to Achievement» portant sur 50 000 études et concernant 80 millions d’élèves ou du projet «Follow Through»? Ce qui me contrarie, c’est qu’aujourd’hui tant la formation des enseignants que les plans d’études et les moyens d’enseignement sont construits autour du socio-constructivisme, alors que les recherches quantitatives démontrent leur inefficacité. des objectifs d’apprentissage clairement définis. A mon sens, il y a un gros travail de débroussaillage à effectuer. Pour prendre un exemple, en géographie, dans le PER, il est dit que dans la séquence climat il faut résumer un film documentaire. Je veux bien, mais en quoi est-ce un objectif à atteindre? Est-ce grave si je développe cette habileté ou compétence en travaillant sur les produits manufacturés? Concernant les moyens d’enseignement, j’estime que le politique doit choisir parmi ce qui est efficace pour la majorité. Aujourd’hui ce sont quelques théoriciens qui décident. Certains enseignants argumentent en faveur des approches de découverte pour parvenir à mettre les élèves au travail, pour les motiver. Comprenez-vous ce souci? Je considère que la question de la motivation à l’école devrait être abordée autrement. Dans le monde professionnel, on observe que les patrons se plaignent souvent du manque d’implication des apprentis. Dès lors, je n’ai pas l’impression qu’on leur rend service en ne proposant que des approches ludiques à l’école. Il s’agirait de mieux comprendre comment un élève peut se motiver aussi dans des situations d’apprentissage a priori ennuyeuses. A votre avis, faudrait-il accorder davantage de place à la mémorisation, associée à la notion d’effort? Si l’on prend le cas de l’histoire et de la géographie, effectivement la question de la mémorisation mérite d’être posée. Comment définiriez-vous votre pratique enseignante? Après avoir présenté clairement les objectifs du cours, j’essaie d’être le plus explicite possible, de partir du simple pour aller vers le compliqué. J’explique les différentes étapes d’un raisonnement avec des exemples. Dans une deuxième phase, je fais de la pratique guidée, en interrogeant par oral les élèves pour m’assurer de leur compréhension. Une fois que la grande majorité a acquis cette partie théorique, je propose aux élèves une pratique plus autonome, tout en les questionnant. Bien sûr, la démarche varie quelque peu selon les disciplines. Le grand basculement que j’ai effectué cette année, c’est d’accorder une importance massive aux interactions me permettant de constamment savoir où en est l’élève. Avec l’expérience, ma pratique se bonifie et de ce fait, les jeunes améliorent leurs résultats et leur comportement. Propos recueillis par Nadia Revaz Dans l’un de vos récents billets sur votre blog, vous évoquez la liberté pédagogique qui, selon vous, se réduit comme peau de chagrin avec le PER… Estimez-vous n’avoir pas suffisamment de latitude en tant qu’enseignant? S’il est normal que le PER indique clairement les objectifs à atteindre, par contre je suis d’avis que les concepteurs d’un plan d’études n’ont pas à m’imposer une mise en pratique. Concrètement quelle solution proposez-vous? La coloration la plus adaptée pour le plan d’études me semble être celle Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Mars 2014 Blog de Stevan Miljevic http://stevanmiljevic.wordpress.com 45