Bestiaire d`Amour : un spectacle-conférence sur l`intimité des animaux
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Bestiaire d`Amour : un spectacle-conférence sur l`intimité des animaux
Bestiaire d'Amour : un spectacle-conférence sur l'intimité des animaux Photo ©Christophe Raynaud de Lage Un spectacle-conférence sur la sexualité des insectes texte de Jean-Claude Carrière avec la complicité de Muriel Mayette Amphithéâtre d'O - Durée : 1 h 30 - Création Les mille et une métamorphoses d’Isabella Rossellini… Fille de (Ingrid Bergman et Roberto Rossellini pour ceux qui l’ignoreraient encore), actrice révérée de Blue Velvet ou de Death becomes her, mannequin, égérie pour parfum, élégante, cosmopolite… Et désormais spécialiste du comportement animalier. Pas par lubie d’actrice qui ne sait plus à quoi employer son argent. Non. Son amour des animaux, ses convictions environnementales l’ont conduite sur les bancs de l’université de New York pour y étayer son savoir. Et la voilà aujourd’hui déguisée en libellule ou en hamster dans Mammas, série comico-scientifique qui narre les avatars de la maternité animale. On n’ose imaginer quelle métamorphose supplémentaire va s’emparer d’elle dans Green Porno, spectacle cette fois consacré à la sexualité du saumon, du ver aquatique ou de l’escargot. C’est Jean-Claude Carrière qui met en paroles cette espèce de Mahâbhârata du sexe, infinie épopée multiforme, avec la complicité de Muriel Mayette sur le plateau. Inutile de dire que le premier est dans son jardin dans ce parc du domaine d’O où un théâtre à son nom va bientôt être inauguré. Et que la seconde, administratrice de La Comédie-Française, y est quasiment depuis que le Français est venu y créer Hernani. Quant à Isabella Rossellini, il y a longtemps qu’elle est chez elle partout. Chez les hommes comme chez les animaux. Avec : Isabella Rossellini Interview - Isabella Rossellini « La sexualité du monde animal me fascine » Isabella Rossellini, en duo avec Jean-Claude Carrière vient offrir un spectacle conférence sur la sexualité des insectes le 19 juin au Printemps des Comédiens. Zoom sur l’étrange de la vie qui se transmet. « Ce qui est le plus difficile c’est de transmettre la réalité et le sérieux de ce qu’est la nature et la science dans un film à la fois court et amusant. » Vous avez une vie de femme et d’actrice accomplie. Et aujourd’hui vous vous lancez dans le théâtre. C’est nouveau pour vous ? J’ai fait un peu de théâtre dans le passé, mais assez peu, car cela nécessite de partir en tournée et donc de s’éloigner de chez soi. Jusqu’à ce que mes enfants soient suffisamment grands, je ne voulais pas leur imposer de longues périodes sans leur mère. Qu’est-ce que cela suscite en vous ? De l’inquiétude ! Ce qui est un peu effrayant pour moi, c’est en particulier de devoir jouer Bestiaire d’Amour en trois langues : français, italien et anglais. Je parle les trois langues, mais cela peut être aussi un inconvénient. L’italien est ma langue maternelle, mais j’ai fait mes études scientifiques aux Etats Unis, et certains termes ne me sont pas famillier en italien. Je vis aux USA, et je parle anglais dans la vie courante, mais je l’ai appris en étant adulte et j’ai donc un accent. Et je ne parle français que lorsque je viens à Paris retrouver mon frère et mes amis. Mon texte nécessitant quelques improvisations, j’espère être à la hauteur ! Bestiaire d’Amour, quel beau titre ! Qu’est ce qui vous a poussé à réaliser ces petites scénettes ? Ces cinq dernières années, j’ai réalisé ces petits films sur le comportement des animaux parce que ce sujet m’a toujours passionnée. Bestiaire d’Amour vient concrétiser l’intérêt que je porte à la biologie. Je trouve moi aussi ce titre magnifique. C’est Jean-Claude Carrière qui l’a proposé. Je cherchais un titre en seulement deux mots, et Jean-Claude m’a apporté la solution ! C’est la preuve de son grand talent d’écrivain. Pourquoi particulièrement sur la reproduction et la sexualité d’animaux aussi incongrus ? Le monde animal me fascine, mais la plupart des gens ne porte pas tant d’intérêt que ça sur ce milieu. Par contre le sexe intéresse ! Aussi j’ai combiné les deux pour mettre tout le monde d’accord : Bestiaire d’Amour c’est le sexe dans le monde animal ! Dans ces petits films qu’est ce qui vous a le plus amusée ? J’ai adoré faire mes petits films. Ce qui a été le plus difficile a été de transmettre la réalité et le sérieux de ce qu’est la nature et la science dans un film à la fois court et amusant. L’écriture m’a demandé beaucoup de temps et d’effort. Une fois l’écriture faite, tout ce qui a suivi n’a été qu’amusement. J’aime travailler avec tous mes collaborateurs du monde du design et des costumes. Peut-être parce que, ayant été top model pendant plusieurs années, j’ai une longue histoire avec le monde de la mode. J’ai aussi choisi un monde animal très diversifié dans mes films, car ce qui me fascine est l’incroyable diversité qu’offre la nature. Et notamment, les très, très, très nombreuses façons d’aborder la vie sexuelle ! Comment va se présenter ce travail avec Jean-Claude Carrière ? C’est un grand honneur pour moi de travailler avec Jean-Claude. M’avoir choisie pour travailler ce monologue conforte le sérieux de mon intérêt pour la vie sexuelle des insectes et autres créatures. Ce n’est pas seulement un hobby amusant et un peu fou. Jean-Claude a une grande connaissance du monde biologique et notamment de la vie sexuelle qui l’anime. L’avez-vous déjà rencontré ? Pour travailler ensemble ? C’est Carole Bouquet qui a pensé que Jean-Claude pouvait transformer mes petits films en un monologue théâtral. Carole est mon amie. Elle a tout fait : elle a contacté Jean-Claude qu’elle connaît bien, a organisé un repas pour nous mettre en relation, et a aussi trouvé notre producteur, Olivier Gluzman des « Visiteurs du Soir ». C’est Robert Redford qui vous a soutenue dans ce projet ? Comment en est il venu à s’intéresser à vos projets ? Redford a créé Sundance qui produit des films indépendants d’avantgarde. En tant qu’actrice, j’ai joué par exemple dans Blue Velvet ou Sailor and Lula, autant de films qui ont été projetés au festival « Sundance film festival » organisé par Robert. Ces six dernières années, il s’est particulièrement intéressé à la production de films pour internet. Il m’a contactée, ainsi que d’autres artistes dont il savait qu’ils s’intéressaient aux films expérimentaux. Il nous a proposé de réaliser une série de courts films, dans un format qu’il pensait être idéal pour le web. C’est ainsi qu’est née ma série de petites réalisations. Elles ont remporté très vite beaucoup de succès, ont été énormément diffusées, et ont les retrouve aujourd’hui aussi sur les chaînes de TV ainsi qu’au cinéma. Vous ne venez pas souvent en France. Avez-vous déjà entendu parler du festival pour lequel vous venez au mois de juin ? Non, je ne sais rien car je vis sur un autre continent. Mais je me réjouis d’y participer et de le découvrir ! Qu’attendez-vous du public français? J’espère le faire rire ! Quels projets avez-vous pour l’avenir ? Prendre ma retraite ! Le Monde science et techno – 7 février 2013 Isabella Rossellini, éthologue modèle Elle est une maman hamster (Mesocricetus auratus) qui dévore sans état d'âme deux de ses bébés pour se requinquer, "récupérer un peu de protéines et vitamines perdues à l'accouchement". Elle est une femelle coucou (Cuculus canorus) qui pond ses oeufs dans le nid d'une autre espèce pour ne pas se fatiguer à les élever. Et bien d'autres bestioles encore qui mettent les pieds dans le plat du sacro-saint instinct maternel. Elle est avant tout une femme célèbre, actrice et mannequin, métamorphosée en scénariste, réalisatrice et interprète de courts-métrages "scientificocomiques" sur les comportements animaux. Après avoir exploré les moeurs sexuelles et les techniques de séduction des insectes, poissons et autres bêtes qui volent ou qui nagent dans les séries documentaires "Green Porno" (2008) et "Seduce Me" (2011), Isabella Rossellini s'attaque au thème mythique de la maternité avec "Mammas", dix épisodes de trois minutes (diffusés sur Arte jusqu'au 17 février). Le contrat, faire découvrir en divertissant, à moins que ce ne soit le contraire, est une fois encore parfaitement rempli. PREMIÈRES AMOURS Pour ceux qui auraient encore en tête l'image de la star de cinéma (sublime héroïne, entre autres rôles, du cultissime Blue Velvet de David Lynch, sorti en 1986) et modèle (égérie de la marque Lancôme de 1983 à 1995), il est temps de faire une mise à jour. Désormais sexagénaire, la fille de ces deux monstres de cinéma que furent l'actrice suédoise Ingrid Bergman et le réalisateur italien Roberto Rossellini explore de nouveaux horizons, ou plutôt retourne à ses premières amours : les animaux. Dans un discret salon parisien, à quelques jours de son envol pour le Festival de Berlin où elle a présenté cette semaine "Mammas" en avant-première, cette femme distinguée évoque avec bonheur sa nouvelle vie. Une vie à mille facettes où se côtoient Charles Darwin, Robert Redford, la primatologue Jane Goodall et le conteur et scénariste Jean-Claude Carrière. Une vie d'étudiante (depuis trois ans). Une vie de campagnarde qui apprend à guetter dans la nature les indices des changements de saison (depuis six ans). Mais une vie d'artiste et d'amis des bêtes, depuis toujours. KONRAD LORENZ, PIONNIER DE L'ÉTHOLOGIE "Petite, je réclamais des chiens, je rentrais à la maison avec des chats recueillis dans la rue", se souvient cette Italo-Américaine qui a grandi entre l'Italie et Paris. L'obsession de gamine prend une nouvelle dimension à l'adolescence avec la découverte des livres du pionnier de l'éthologie, Konrad Lorenz, offerts par son père. On est à la fin des années 1960 et la jeune Isabella, "fascinée", caresse même l'idée de faire des études dans cette discipline, balbutiante en Italie. A défaut d'un métier, les animaux resteront un hobby, des compagnons qui "rendent la vie plus gaie". Aux classiques chiens et chats s'ajoutent poulets, cochons et lapins depuis qu'elle a quitté son appartement de Manhattan pour s'établir dans sa résidence secondaire de Long Island, à une heure de New York. Elle y accueille aussi des chiots destinés à devenir chiens d'aveugle, pour le compte d'une fondation américaine. C'est à Robert Redford qu'elle doit le déclic de ses mini-documentaires animaliers, il y a six ans. Isabella Rossellini venait d'écrire le scénario d'un film de quinze minutes en hommage à son père, que le producteur américain avait acheté pour sa chaîne de télévision Sundance. "Nostalgique des formats courts du cinéma muet et préoccupé d'environnement, Redford m'a suggéré de me lancer dans des courts-métrages sur ces thèmes, adaptés à l'Internet. L'idée d'explorer la sexualité des animaux a jailli d'un coup", raconte la réalisatrice. La série "Green Porno" se concrétise en 2008, avec un succès immédiat à la télévision et sur Internet. Elle est suivie d'une seconde saison puis de "Seduce Me", dont certains épisodes sont actuellement projetés au Palais de la découverte, dans le cadre de l'exposition "Bêtes de sexe". FEMME ORCHESTRE D'emblée, la volonté d'un réalisme scientifique a été affirmée, autant que la tonalité burlesque. "C'est la rigueur qui fait que c'est drôle, sinon ce ne serait que le délire d'une vieille folle", s'amuse cette femme orchestre qui réussit le pari de ne pas se prendre au sérieux tout en travaillant sérieusement. Au point qu'elle s'est inscrite à l'université de New York il y a trois ans pour approfondir ses connaissances des comportements animaux. C'est là qu'elle a pioché l'idée de "Mammas", à la lecture d'un ouvrage de la biologiste américaine Marlene Zuk, recommandé lors d'un cours consacré au darwinisme. "Marlene est partie de l'hypothèse de Darwin selon laquelle l'altruisme pourrait provenir d'un instinct maternel élargi. Mais, à travers mille exemples dans le règne animal, elle montre que le sujet est bien plus complexe que le stéréotype de la mère toujours attendrie et prête au sacrifice. C'est amusant mais aussi libérateur", s'enthousiasme Isabella Rossellini. Elle-même, dans la petite enfance de sa fille Elettra, s'était parfois demandé où était ce fameux instinct maternel dont on lui avait tellement dit qu'il la guiderait. "LICENCES POÉTIQUES" Pour ce nouveau métier, Isabella Rossellini s'entoure de cautions scientifiques comme l'éthologue et biologiste écossais Alan Grafen. Mais se dit soulagée quand ils respectent "ses licences poétiques". L'amour du cinéma et du beau est toujours là. La série "Mammas", tournée à Paris et en français, a même été l'occasion pour la mannequin de renouer avec le milieu de la mode. Au bénéfice des costumes. Le bestiaire rossellinien séduit, et la veine ne semble pas près de se tarir. Dans quelques mois, l'actrice montera sur scène pour jouer un monologue coécrit avec Jean-Claude Carrière, sur ce thème inépuisable des sexualités animales. "Tout cela est venu aussi avec l'âge, confie- t-elle après un silence. Avec la vieillesse, il y a moins de pressions, moins de responsabilités, et d'un coup une grande liberté à laquelle je ne m'attendais pas." L'occasion de réaliser des rêves d'enfant. Sandrine Cabut Midi Libre – vendredi 21 juin 2013 L’Hérault du Jour – vendredi 21 juin 2013