CATHERINE FARGE

Transcription

CATHERINE FARGE
CATHERINE FARGE
sur les chemins sinueux de la création
LE VERRE ET LE BOIS, DEUX PASSIONS
EN UNE
L’intensité d’un petit visage triangulaire,
quelque chose de félin et de sylvestre qui
s’apprivoise dans l’échange d’un regard,
Catherine Farge ouvre grande la porte
de sa maison de silence lorsque s’établit secrètement la confiance. Une petite
maison de bois adossée à la forêt et ouverte sur l’immense panorama de la chaîne des Puys et des monts du Forez. Un
vaste pays, un rien austère, de bois et de
prés maigres, son pays d’enfance champêtre. Elle a couru de cultures en jardins,
de forêts en collines tapissées de serpolet. Elle a empoigné de toute sa frêle et
robuste personne les récoltes, les arbres
et les plantes médicinales. La nature est
son maître de tous les apprentissages et
de la solitude où se tracent les sentiers
sinueux de son flux créateur.
LE VERRE EN FUSION,
UNE RENCONTRE DECISIVE
Dès l’enfance, son petit couteau taille,
sculpte les bois dont elle sait le grain,
la résistance, les caprices soudains et
l’odeur tenace, entre forêts et fleurs ce
qu’elle cherche c’est la création. Prise
dans le mouvement des cueillettes et des
désherbages, le hasard lui fait découvrir
la magie du verre. Des femmes de sa région, au XIXe siècle, soufflaient au chalumeau, des perles de verres à l’orient nacré, imitant les perles de culture pour les
dames de la ville. Dans l’usine qui continue cet artisanat, Catherine Farge tombe
en passion pour le verre en fusion, une
rencontre décisive. Elle s’inscrit, sur présentation d’un dossier sur les perles de
verre, au Centre Européen de Recherche
et de Formation aux Arts Verriers, dans la
section “chalumeau”. Très vite, elle comprend que cet art minuscule n’est pas pour elle. Ce qu’elle veut c’est la “canne”, un outil
puissant qui correspond à ceux du jardinier qu’elle a maniés, nécessitant mouvement et travail physique. Elle poursuit alors deux
ans, une formation au CERFAV, dans la section “soufflage à la canne” puis est durant trois ans, assistante en soufflage d’un
couple de verriers célèbres, Philip Baldwin et Monica Guggisberg.
LE PLUS BEAU GESTE DU VERRIER
Dans la pratique du verre soufflé, Catherine Farge découvre le bonheur intense de l’épanouissement de la “cive”, ce disque
parfait résultant de l’ouverture de la bulle soufflée grace a la force centrifuge, à ses yeux le plus beau geste du verrier. La
“cive”, matériel de base des maîtres du vitrail, comble à ce moment toutes les attentes de l’artiste par sa forme et le plaisir de
la souffler en veillant à la perfection du geste à chaque étape. Viennent ensuite les couleurs, celles qui irisent, celles qu’on
“brûle” pour leur donner des tons différents du classique. Riche de ces disques ambrées, fruitées, aux bords densifiés, la
souffleuse de verre les présente à la lumnière, les superpose pour faire jouer les nuances, les assembler est une evidence.
L’amour ancien pour le bois revient tout naturellement mais à Paris elle ne peut que concevoir un modèle qu’un ébéniste réalise. Ce sera “Funambule”, la première sculpture vite enlevée par un amateur.
LE BOIS, ÇA COULE DE SOURCE
Retour dans son pays de volcans pour marier le bois et le verre. Le bois, ça coule source, cela vient des jardins, des forêts, le
milieu naturel, originel où Catherine Farge s’installe dans la solitude et le silence pour multiplier ces alliances magiques de cives
et de bois sculpté. Dans les forêts proches ou méditerranéennes,
l’artiste trouve de magnifiques sculptures naturelles, de vieilles
souches, d’étranges verrues ligneuses qui font bourgeonner de
nouvelles idées. Et dans l’atelier-verrière, alignées comme dans
une bibliothèque, les cives attendent l’inspiration jaillissante qui
vont les faire vivre, se laisser traverser par de délicates branches
pour jouer de la lumière comme d’une musique toujours renouvelée. Séduit par la virtuosité de ses compositions harmonieuses et
poétique, on l’est aussi par l’extraordinaire simplicité des formes
qui suggèrent émotion et passion pour les éléments naturels, matière et lumiere, qu’elles transcendent.
Ces œuvres invitent le regard à dépasser l’esthétique pour entrer
dans le mouvement du vivant.
Mireille Callu, journaliste à Vevey (Suisse)