ProemesDeColette
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ProemesDeColette
Marie-Pierre Favre Lauréate du Prix Littéraire des Proêmes de colette colette et Proêmes de Paris s’associent pour célébrer la mode et les Lettres en créant les Proêmes de colette, une série d’ateliers et de conférences autour de la mode et la littérature. À l’issue du premier atelier la journaliste et écrivain Sophie Fontanel a animé une masterclass d’écriture, et a accepté d’être la présidente du jury du premier Prix Littéraire des Proêmes de colette. — Mary-Pierre Favre est la première lauréate de notre Prix des Proêmes de colette. Elle dit en peu de mots le grand, le charnel, l’immense amour qu’on peut ressentir pour une certaine façon de porter les habits. Pour cette première édition, ce lien entre les sentiments et les vêtements nous a semblé le plus pertinent qui soit. Sophie Fontanel (Des amours) La Mode et l’Allure ont divorcé me laissant orpheline. Couple légendaire, il m’a élevée, je l’ai vénéré en retour. Puis, vint le temps des turbulences. Mes parents ont commencé à perdre pied. Ma mère, l’Allure, s’est lassée de l’inconstance de la Mode qui tournait en rond de plus en plus vite au fil des saisons. Fatiguée, elle n’arrivait plus à suivre, elle qui, tout en douceur, en sincérité, conservait ses bonnes manières jusque dans ses révoltes. Côte à côte, mes parents formaient un couple sur lequel on se retournait tant il éblouissait et inspirait. Mode et Allure déambulaient main dans la main dans les rues des capitales, prenaient le soleil sur des îles sauvages, dévalaient les pistes des stations de ski, se déhanchaient dans les fêtes les plus folles. J’étais encore leur fille adorée. Ils ont accueilli chez eux mille excentricités, mille progrès, avec toujours le même enthousiasme. Inspirés par toute forme d’art, leur culture était un vrai nectar servi dans les salons les plus distingués. Certes, la Mode avait ses excès, ses provocations, (parfois même son haleine n’était pas fraîche). Qu’importe, l’Allure en jouait, connaissant les limites à ne pas franchir ou au contraire à franchir. Scandaleuse ? Elle a pu l’être. Hautaine ? Erreur de jugement. Mais que s ‘est-il passé ? Lequel de La Mode ou de l’Allure a trop tiré sur la maille au point d’en découdre ? Pour les étoiles, chose privée est difficile à garder; la presse s’en est mêlée. A la une, tantôt conseils désespérés, tantôt sarcasmes enjoués. Moi, Elégance, je n’avais déjà plus ma place dans cette famille. Modélisme transcendantal, recyclage cognitif ou hypnose collective n’ont eu raison de cette crise conjugale. La Mode a fini par céder aux avances du Look. Sa paire de lunettes posée entre son L et son K lui confère un certain charisme auquel il est difficile de résister. Ainsi, il séduit les photographes dès qu’il met pied sur le pavé. Parfois, il tient tête à la Mode. Elle adore ça... et finit toujours par rendre hommage à sa désinvolture. Il arrive que ce couple moderne me convie à sa table. Alors, nous échangeons sur l’anticonformisme et les combats à mener pour l’émancipation des saisons. Souvent, je pense à ma mère, l’Allure, qui peu à peu s’est laissée contaminer par le silence ; elle ne crie pas pour exister, ni ne se tord pour se faire remarquer. Elle continue, malgré tout, à effleurer ma joue, pendant que les jupes crayon écrivent des poèmes sur mes hanches.